Chronique de jurisprudence
Le Professeur Jean-Claude RICCI vous propose chaque mois sa chronique de jurisprudence du Conseil d'État. Il sélectionne les principales décisions rendues par la Haute Juridiction, les classe par thème et les analyse.
Vous pouvez consulter toutes ses chroniques depuis janvier 2018 et effectuer des recherches parmi celles-ci.
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Février 2022
Février 2022
Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse
1 - Communication d'informations n'intéressant pas la sûreté de l'État - Refus - Décision du Conseil d'État ordonnant le versement au dossier, hors contradictoire, des informations demandées - Rejet.
Le requérant avait demandé au ministre des finances la communication d'informations le concernant, autres que celles intéressant la sûreté de l'État, figurant dans le fichier STARTRAC. Cela lui fut refusé.
Si le tribunal administratif saisi avait ordonné de verser au dossier de l'instruction écrite, hors contradictoire, les informations litigieuses, le Conseil d'État a annulé ce jugement et, avant-dire droit, le 10 novembre 2021, ordonné au ministre de verser au dossier de l'instruction, dans le mois de sa décision, aux conditions précisées dans les motifs de la décision d'avant-dire droit et selon les modalités prévues à l'article R. 412-2-1 du CJA, le décret portant création du fichier STARTRAC ainsi que les informations relatives au requérant, n'intéressant pas la sûreté de l'État, figurant dans ce même fichier ou, si ces informations sont couvertes par un secret opposable au juge, tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant un éventuel refus.
Le ministre ayant communiqué le 10 décembre 2021 un mémoire, non versé au débat contradictoire, contenant le décret autorisant la création du fichier STARTRAC et les éléments relatifs à la situation du requérant, le Conseil d'État juge, d'une part, qu'il n'a relevé aucune illégalité dans ces documents et, d'autre part, rejeté les conclusions du requérant tendant à l'annulation du refus du ministre de lui communiquer les informations le concernant dans le fichier STARTRAC.
Difficile d'être plus laconique ; même si peut se comprendre une telle attitude eu égard aux éléments de la cause, elle n’en laisse pas moins un goût amer dans un cadre démocratique.
(2 février 2022, M. C., n° 444992)
2 - Sapeur-pompier professionnel - Poursuite d'activité au-delà de l'âge de la retraite - Autorisation estimée illégale - Retrait - Retrait au-delà de quatre mois - Irrégularité - Prétendue inexistence de la décision - Rejet - Suspension ordonnée - Annulation partielle.
Un sapeur-pompier professionnel affecté au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion a bénéficié, sur sa demande, d'un recul de limite d'âge par un arrêté du président du conseil d'administration du SDIS, le 10 mars 2017, puis, par un arrêté du 17 mars 2020, a été retiré l'arrêté du 10 mars 2017 et prononcée la radiation des cadres de l’intéressé à compter du 6 avril 2017.
Sur saisine de ce dernier, le juge des référés a, d'une part, suspendu l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2020 et, d'autre part, enjoint au SDIS de La Réunion de procéder, à titre provisoire, à la réintégration du demandeur dans ses fonctions et au versement des traitements de celui-ci depuis janvier 2020.
Le SDIS de La Réunion s'est pourvu en cassation contre cette ordonnance.
En premier lieu, il est jugé que, outre la condition d'urgence, était également remplie en l'espèce la condition tenant au doute sérieux sur la légalité de la décision contestée, nécessaire à l'obtention d'une mesure de suspension, car l'arrêté prolongeant l'activité de l'intéressé était bien évidemment créateur de droits et ne pouvait donc faire l'objet d'un retrait rétroactif que dans le délai de quatre mois (art. L. 242-1 CRPA) alors que la décision de retrait est intervenue trois ans après. Si le SDIS soutient qu'en réalité l'arrêté initial était un acte inexistant qui pouvait donc être retiré sans condition de délai, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été obtenu par fraude, par suite s'imposait le respect du délai précité.
En second lieu, l'ordonnance de référé est annulée en ce qu'elle enjoignait au SDIS de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de l'agent dans ses fonctions et au versement de ses traitements depuis janvier 2020. En effet, l'arrêté primitif avait n'avait accordé un recul de la limite d'âge qu'au jusqu'au 5 décembre 2018 et l'agent n'avait sollicité aucune nouvelle prorogation depuis : son lien avec le SDIS de La Réunion était donc rompu à cette date. Ainsi, le juge des référés a prononcé une mesure que n'impliquait pas la suspension qu'il prononçait par la même décision.
L'ordonnance est annulée en tant qu'elle fait injonction.
(ord. réf. 3 février 2022, Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion, n° 442354)
3 - Arrêté ministériel - Exemplaire de l'arrêté signé fourni au juge différant de la version publiée au Journal officiel - Annulation.
Dans un litige relatif à la contribution forfaitaire de l'État à la mise à l'abri et à l'évaluation de la situation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, les requérants faisaient valoir que l'arrêté attaqué n'avait pas été régulièrement signé. Le ministre des solidarités et de la santé ayant versé au dossier un exemplaire signé de l'arrêté attaqué, qui diffère de la version publiée au Journal officiel de la République française, il y a lieu à annulation dudit arrêté faute qu'il ait été dûment signé.
(4 février 2022, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 443125 et n° 448163 ; Ville de Paris, n° 448125, jonction)
V. aussi, pour un autre aspect de cette décision, le n° 12
4 - Consultation préalable obligatoire d'un organisme sur un projet de texte - Modifications postérieures posant des questions nouvelles - Obligation de consulter à nouveau cet organisme - Projet de décret relatif à la procédure de déconventionnement en urgence des professionnels de santé libéraux - Rejet en l'absence de question nouvelle.
Application, ici négative en l'absence de questions nouvelles, du principe général de procédure administrative non contentieuse selon lequel « l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'un texte doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par ce texte. Par suite, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente pour prendre le texte envisage d'apporter à son projet des modifications qui posent des questions nouvelles, elle doit le consulter à nouveau. »
(11 février 2022, Syndicat des médecins libéraux (SML), n° 449199 ; Syndicat des biologistes (SDB), n° 449200 ; Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), n° 449201 ; Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), n° 449202; Fédération nationale des infirmiers (FNI), n° 449203; Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), n° 449246)
V. n° 146
5 - Codification à droit constant – Codification par voie d’ordonnance de l’art. 38 de la Constitution – Amélioration de l’accessibilité et de l’intelligibilité des textes – Absence de caractère purement confirmatif des dispositions issues de la nouvelle rédaction – Recevabilité du recours contre ces dernières devant le juge de l’excès de pouvoir – Rejet.
Le Conseil d’État rejette la fin de non-recevoir opposée par le gouvernement à des recours dirigés contre les parties législative et réglementaire d’un code issues de la nouvelle rédaction que leur a donnée une ordonnance de l’art. 38 de la Constitution et tirée de ce que celle-ci n’aurait qu’un caractère purement confirmatif, ce qui exclut, classiquement, la possibilité de la contester par la voie d’un recours pour excès de pouvoir.
En effet, au cas de l’espèce, le gouvernement a été habilité à adopter à droit constant une nouvelle rédaction de la partie législative du CESEDA dans le but d'en améliorer l'accessibilité et l'intelligibilité dans le respect de la hiérarchie des normes et à procéder, conformément à l'habilitation qui lui a été donnée, aux modifications nécessaires pour assurer le respect, par les dispositions qu'il adopte, de la hiérarchie des normes.
Par suite de cette circonstance de droit nouvelle ces dispositions réécrites ne peuvent pas être regardées comme purement confirmatives des dispositions législatives antérieures. Il s’ensuit que les conclusions tendant à l'annulation des dispositions d'une telle ordonnance non ratifiée sont recevables devant le juge de l'excès de pouvoir, à qui il appartient, notamment, de se prononcer sur les moyens tirés de leur contrariété avec une norme supérieure, sans préjudice d'éventuelles questions prioritaires de constitutionnalité.
La partie réglementaire d'un code, prise en conséquence de l'adoption de la partie législative du code, ne peut, en principe, pas davantage être regardée comme purement confirmative des dispositions règlementaires antérieures.
(24 février 2022, Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et autres, n° 450285 et n° 450288)
6 - Demande d’annulation des accords d’Évian (19 mars 1962) – Acte non détachable de la conduite des relations internationales – Acte de gouvernement - Incompétence de la juridiction administrative – Rejet.
La requérante demandait au juge administratif, non sans une certaine originalité, l’annulation des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, dites « accords d'Evian ».
Ces actes, intervenus dans le cadre de l'action conduite par le Gouvernement en vue de l'accès d'un nouvel État à l'indépendance, ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France et échappent, par suite, à la compétence de la juridiction administrative.
Au reste, leur approbation par référendum ne pouvait que pousser encore davantage à cette solution.
(24 février 2022, Association Le Grand Maghreb, n° 453671)
7 - Communication des documents préparatoires – Absence de droit à leur communication pendant l’élaboration de la décision qui fait suite à ces documents (art. L. 311-2 CRPA) – Non-contrariété à un droit ou une liberté que garantit la Constitution - Refus de transmission d’une QPC à cette fin.
Les demandeurs se sont vu refuser la communication du rapport relatif au retour d'expérience portant sur les modalités de pilotage et de gestion de l'épidémie de Covid-19. Ils soulèvent une QPC à l’encontre des dispositions de l’art. L. 311-2 du CRPA qui leur ont été opposées au soutien de la décision refusant la communication du document litigieux. Selon ce texte : « Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ».
Selon le Conseil d’État, si l’art. 15 de la Déclaration de 1789 (« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ») fonde bien le droit à la communication des documents administratifs, il est cependant loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
Tel est bien le cas ici où il s’agit d’assurer la sérénité du processus d'élaboration des décisions au sein de l'administration et donc de garantir le bon fonctionnement de cette dernière. De plus, cette solution, dictée par l’intérêt général, est limitée et temporaire.
Ceci justifie le refus de transmettre la QPC visant la disposition précitée du CRPA.
(24 février 2022, Société « Le Parisien libéré » et Mme B., n° 459086)
Audiovisuel, informatique et technologies numériques
8 - Publicité télévisée - Protection de l'enfance - Publicité pour des protections hygiéniques - Demande de mise en demeure des éditeurs des services de télévision - Refus du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - Rejet.
La requérante demandait l'annulation de la décision du 16 octobre 2019 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa demande de mettre en demeure les éditeurs des services de télévision concernés de respecter leurs obligations relatives à la protection de l'enfance et de la décision du 5 février 2020 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision.
La requête est rejetée.
Après avoir relevé qu'était en cause un message publicitaire, d'une durée de trente secondes, se composant d'une succession d'images de jeunes femmes et de représentations suggérées ou métaphoriques du sexe féminin, le Conseil d'État juge que le CSA n'a pas fait une inexacte application de ses pouvoirs de mise en demeure en estimant que cette publicité ne portait pas atteinte à l'objectif de protection de l'enfance compte tenu de ce que les images litigieuses, si elles comportent des allusions directes à l'intimité du corps féminin, sont en rapport avec les produits d'hygiène dont la séquence fait la promotion et ne présentent aucun caractère licencieux ou pornographique.
S’il suffit que l’image soit en rapport avec l’objet de la publicité, certaines situations vont être intéressantes – sinon agréables – à observer.
(1er février 2022, Association Pornostop, n° 440154)
9 - Référé liberté – Élection présidentielle – Campagne audiovisuelle - Demande d’injonction à l’encontre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) – Principe d’équité dans la programmation des temps de parole – Absence de démonstration d’une atteinte grave et manifestement illégale au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion – Rejet.
(9 février 2022, M. B. et Union populaire et républicaine (UPR), n° 461000)
V. n° 57
10 - Attribution de fréquences à La Réunion et à Mayotte – Enchères principales en bandes 700 MHz – Modalités d’attribution de fréquences à des sociétés – Référé tendant à la suspension de décisions d’attributions de fréquences par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – Demande d’injonction afin de reprendre la procédure d’attribution – Urgence non établie – Rejet.
La requérante critiquait des décisions de l’ARCEP, révélées par son communiqué de presse du 15 décembre 2021, d'attribuer à la société Orange et à la société Telco OI un total de 10 MHz de fréquences en bande 700 MHz chacune et de refuser de lui attribuer plus de 5 MHz de fréquences dans cette même bande, elle demandait leur annulation pour excès de pouvoir ainsi que celle du communiqué de presse lui-même et, dans l’attente, sur le fondement de l’art. L. 521-1 CJA, leur suspension par voie de référé.
La requête est rejetée pour défaut d’urgence : d’abord, la société requérante s'est vu attribuer un bloc de fréquences de 5 MHz ; ensuite les autorisations d'utilisation de fréquences n'ont vocation à être délivrées par l'ARCEP que dans plusieurs semaines ; également, les effets les plus significatifs ne sont susceptibles de se produire que progressivement, au fur et à mesure de la mise en service des installations et du déploiement des offres et services ; enfin, le Conseil d’État se prononcera au fond sur la requête en annulation avant la fin du mois de juin 2022.
(10 février 2022, Société Zeop Mobile, n° 460788)
Biens
11 - Délibération portant transfert de propriété d'un bien du domaine privé communal - Décision créatrice de droits même si elle est assortie d'une clause résolutoire - Erreur de droit - Refus d'indemnisation - Annulation partielle.
Après que le conseil municipal a décidé la vente à la requérante, à un certain prix, d'un terrain faisant partie de son domaine privé et alors que l'acte authentique de vente n'avait pas encore été accompli, la commune, se fondant sur une nouvelle estimation domaniale de la valeur au mètre carré de ce terrain, le portant de 86,45 euros à 220,50 euros et le prix de vente global de 201 600 euros à 514 206 euros, la société requérante a demandé le versement d'une indemnité du fait de l'abandon de son projet immobilier. Ces conclusions, d'abord jugées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, ont été rejetées en appel après annulation du jugement de première instance.
Le demande contenue dans le pourvoi est partiellement accueillie.
Le Conseil d'État donne raison à la requérante en décidant que la délibération d'un conseil municipal portant transfert de propriété de biens immobiliers relevant de son domaine privé moyennant des modalités déterminées, notamment de prix ou d'affectation future, crée des droits au profit de son bénéficiaire. A cet égard l'arrêt est annulé pour avoir estimé qu'il n'en allait pas ainsi en raison de ce que la délibération était assortie d'une condition résolutoire consistant dans une clause de retour des parcelles dans le patrimoine communal en cas de non-réalisation du projet.
C'était évidemment une erreur : la condition résolutoire, à la différence de la condition suspensive, confère au contrat dès sa signature sa perfection juridique et lui permet de déployer tous ses effets (cf. art. 1304, 1304-3 et 1304-7 C. civ. et J.-C. Ricci et F. Lombard, Droit administratif des obligations, Sirey 2018, § 844 et suiv., p. 443 et s. ; C.E. 21 novembre 2011, Daniel X., n° 340319).
En revanche, l'action en responsabilité est rejetée, tant celle en responsabilité contractuelle puisqu'aucun contrat n'existe entre la société et la commune, que celle en responsabilité quasi-délictuelle car, la cession ayant été autorisée à un prix valable pendant une année et l'acte authentique n'ayant pas été accompli au terme de cette durée, le prix initial a alors cessé de produire effet. La nouvelle délibération fixant un autre prix n'est ainsi pas illégale de ce chef et ne méconnaît pas l'espérance légitime née de la délibération précédente.
(3 février 2022, Société anonyme HLM Immobilière Atlantic Aménagement, n° 438196)
Collectivités territoriales
12 - Personnes mineures isolées - Contribution forfaitaire de l'État à leur mise à l'abri - Principe fondamental « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources » (art. 34 Const. 1958) - Principe de compensation financière des transferts de compétences (art. 72 Const. 1958) - Caractère non obligatoire de la convention prévue entre l'État et les départements - Absence de sanction à défaut de convention - Rejet.
Dans un litige relatif à la contribution forfaitaire de l'État à la mise à l'abri et à l'évaluation de la situation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, les collectivités requérantes contestaient la légalité et la constitutionnalité du décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 modifiant les modalités de cette contribution forfaitaire.
Ils invoquaient l'atteinte portée par ce décret d'abord au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales, ensuite au principe de la compensation financière des transferts de compétences de l'État à ces collectivités.
Le juge rejette ces moyens.
Si le décret litigieux incite les collectivités territoriales à conclure à cet effet des conventions avec l'État, celles-ci ne sont point obligatoires et leur non signature n'entraîne pas de sanctions ; par ailleurs il n'y a nulle obligation de recourir à l'assistance des services de l'État. Enfin, au surplus ce décret ne modifie pas par lui-même les compétences qui leur sont dévolues.
Semblablement, s'il est exact qu'existe une dégradation continue des dépenses d'aide sociale supportées par les départements, il n'en résulte pas que le décret attaqué entraînerait pour eux une charge nouvelle telle qu'elle dénaturerait le principe de libre administration et celui de compensation financière des transferts de compétence.
(4 février 2022, Département de la Seine-Saint-Denis, n° 443125 et n° 448163 ; Ville de Paris, n° 448125, jonction)
V. aussi, pour un autre aspect de cette décision, le n° 3
13 - Polynésie française - Covid-19 - « Loi du pays » - Procédure - Théorie des circonstances exceptionnelles - Contenu des mesures - Rejet.
Les deux recours en annulation de deux « lois du pays » adoptées en Polynésie française tendant brevitatis causa aux mêmes fins, ils sont joints.
Leur auteur formule des moyens divers de légalité à l'encontre de ces textes. Ils sont tous rejetés.
Tout d'abord, le demandeur soulevait deux QPC.
La première, dirigée contre l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et tendait à faire dire que l'adverbe « manifestement » figurant dans ce texte à l'intérieur de la formule « L'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable, (...) » n'est pas défini et viole le droit au juge, celui au procès équitable, l'égalité des armes, etc. Le moyen est rejeté car il est toujours loisible de contester en justice le refus d'accorder certte aide.
La seconde, dirigée contre l'art. 76 de la loi organique du 27 février 2004 est manifestement infondée, le Conseil constitutionnel ayant déjà - et à deux reprises - déclaré cet article conforme à la Constitution (décisions n° 2004-490 DC du 12 février 2004 et n° 2019-783 DC du 27 juin 2019).
Ensuite, sont rejetés les griefs de forme tirés de l'intervention prématurée de l'acte de promulgation de la « loi du pays » instaurant l'état d'urgence en Polynésie et le prolongeant en raison de « circonstances exceptionnelles », de l'irrégularité de la procédure suivie pour l'élaboration de la « loi de pays », l'exception d'illégalité invoquée de ce chef étant inopérante, l'utilisation ponctuelle au cours des débats d'une langue autre que le français n'a pas nui à la compréhension indispensable à un débat démocratique.
Sont également rejetés les griefs portant sur le fond des mesures contestées : l'obligation vaccinale établie pour certaines catégories de personnes exposées ou susceptibles d'en exposer d'autres, repose sur une définition précise de ces catégories, les dispositions prises sont proportionnées à la gravité de la situation au moment où elles ont été prises et à son évolution prévisible, le caractère illimité de la durée d'application de ces mesures est justifié par la nature même de l'épidémie, l'amende prévue en cas de non respect de l'obligation vaccinale par les personnes concernées, dans sa procédure comme dans sa fixation, ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués, enfin, last but not least, la majoration du ticket modérateur pour les personnes ne déférant pas à l'obligation vaccinale ne porte pas atteinte au droit de propriété sous réserve de respecter le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 qui garantit à tous la protection de la santé.
(11 février 2022, M. B., n° 456823 et n° 456824)
(14) V. aussi les intéressantes questions de droit posées par l'instauration d'une o14bligation vaccinale en Nouvelle-Calédonie sur le seul fondement d'une délibération du congrès de ce territoire, sans recours à une « loi du pays » car la santé publique n'est pas au nombre des matières entrant limitativement dans le domaine des « lois du pays » : 11 février 2022, M. F. et autres, n° 457818.
15 - Autorisation de plaider - Action d’un contribuable en lieu et place d’une commune négligente de ses droits ou refusant de les exercer – Conditions – Absence d’intérêt pour la commune et absence de chance de succès d’une telle action – Rejet.
(23 février 2022, M. E., n° 456170)
V. n° 37
Contrats
16 - Accord-cadre – Accord-cadre relatif à la mobilisation, l'orientation et l'accompagnement à l'insertion professionnelle et à l'organisation de formations pré-qualifiantes – Obligation d’indications devant être contenues dans l’accord-cadre - Interprétation par la CJUE – Obligation d’indiquer la qualité et/ou la valeur estimée ainsi que la quantité et/ou valeur maximale des produits ou prestations à fournir – Rejet.
La collectivité de Saint-Martin a lancé une procédure d'appel d'offres ayant pour objet la passation d'un accord-cadre relatif à la mobilisation, l'orientation et l'accompagnement à l'insertion professionnelle et à l'organisation de formations pré-qualifiantes. Avisée de l'attribution du lot n° 2, « orientation et accompagnement à l'insertion professionnelle - Bilan de compétences », à une autre entreprise candidate, la société Formation accompagnement conseil (FAC) a demandé au juge des référés l'annulation de la procédure de passation pour l'attribution de ce lot.
Les requérantes se pourvoient contre l'ordonnance annulant cette procédure.
Ce pourvoi posait à nouveau (cf. 28 janvier 2022, Communauté de communes Convergence Garonne, n° 456418 ; v. cette chronique, janvier 2022 n° 3) une délicate question de combinaison de textes.
En premier lieu, l’art. R. 2162-4 du code de la commande publique, dans sa rédaction applicable au litige, disposait : « Les accords-cadres peuvent être conclus :
1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;
2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;
3° Soit sans minimum ni maximum ».
En second lieu, toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (17 juin 2021, Simonsen Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C-23/20), a, sans prévoir une application différée dans le temps de cette interprétation, jugé que les dispositions de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics devaient être interprétées dans le sens, d’une part, que « l'avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu'une quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir en vertu d'un accord-cadre et qu'une fois que cette limite aurait été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets » et, d’autre part, que « l'indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d'un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges ».
Il suit de là que pour ceux des accords-cadres entrant dans le champ d’application de cette directive, l'avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l'avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées.
Par ailleurs, répondant à un moyen de la société requérante, le Conseil d'État juge que s'agissant des marchés de services sociaux, il se déduit des dispositions de l'art. 76 de la directive précitée que la jurisprudence Simonsen Weel leur est applicable.
En l’espèce, le juge des référés précontractuels a souverainement jugé :
- d’une part, que l'absence dans l'avis d'appel à concurrence, de mention de la quantité ou valeur maximale des prestations à fournir en vertu de l'accord-cadre en litige, qui relève du champ de la directive du 26 février 2014, n'avait pas mis la société FAC à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre,
- d'autre part, sans inexactement qualifier les faits soumis à son appréciation, que ce manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence avait été de nature à léser la société FAC.
Cette dernière indication est importante car la décision du 28 janvier 2022 précitée laissait incertain le point de savoir si, pour l'application de cette jurisprudence de la CJUE, le juge administratif allait continuer à exiger, pour la formation du recours contentieux, que le requérant démontre avoir été lésé par le vice de procédure dénoncé dans la mesure où la CJUE n'évoque pas (et n'avait pas à le faire) la question de la lésion. La réponse est positive, du moins sous réserve que la CJUE ne décide pas que le maintien de cette dernière condition, purement nationale et jurisprudentielle, est intempestive.
(3 février 2022, Collectivité de Saint-Martin et société Fore Îles du Nord, n° 457233)
17 - Avis de droit - Covid-19 - Prorogation générale des délais (art. 2, ord. du 25 mars 2020) - Application au délai ouvert aux tiers contestant la validité d'un contrat.
(3 février 2022, Société Osiris Sécurité Run (OSR), n° 457527)
V. n° 27
18 - Contrat de partenariat - Maîtrise d'ouvrage - Partage des risques de l'opération - Responsabilité envers les tiers du fait de la présence de l'ouvrage - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Des dommages étant survenus à une propriété privée, son propriétaire les a imputés à l'implantation et au fonctionnement de la ligne ferroviaire à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire.
Par contrat de partenariat, Réseau Ferré de France, aux droits duquel est venue la société SNCF Réseau, a confié à la société Eiffage Rail Express la conception, la construction, le fonctionnement, l'entretien, la maintenance, le renouvellement et le financement de la ligne ferroviaire à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire entre Connerré et Cesson-Sévigné et des raccordements au réseau existant.
Les demandes préalables à fins indemnitaires, adressées à l'État, à la société Réseau Ferré de France et à la société Eiffage Rail Express ayant été implicitement rejetées, la victime a saisi le tribunal administratif qui a condamné la société Eiffage Rail Express. Sur appel de celle-ci, la cour administrative d'appel, après avoir annulé ce jugement, a condamné la société SNCF Réseau (ex- société Réseau Ferré de France). Cette dernière se pourvoit.
Le Conseil d'État est à la cassation pour le double motif suivant.
Il résulte de l'art. 1er de la loi du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat que ceux-ci se caractérisent en premier lieu par le fait qu'ils ont pour effet de confier la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser au titulaire de ce contrat, et, en second lieu par le partage des risques liés à cette opération entre ce titulaire et la personne publique qu'ils instituent.
Or la cour a jugé que la société SNCF Réseau devait être regardée comme seul maître de l'ouvrage constitué par la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire dès la date d'achèvement des travaux de construction des ouvrages et équipements que la société Eiffage Rail Express était chargée de réaliser et elle a donc dit qu'il incombait exclusivement à SNCF Réseau d'assumer la responsabilité des dommages résultant pour les tiers de la présence de l'ouvrage.
De là se déduit aisément l'erreur de droit commise du fait de s'être abstenue de prendre en considération le partage de risque prévu entre les cocontractants par le contrat de partenariat.
(8 février 2022, Société SNCF Réseau, n° 452985)
19 - Marché d'audit et d'assistance à maître d'ouvrage (AMO) pour la passation d'un marché d'assurance - Candidat à certains lots du marché invoquant le secret des affaires et un risque d'atteinte imminente à ce secret - Candidat demandant au juge des référés l'interdiction d'accès de l'AMO (dirigeant et employés) aux pièces déposées par les candidats et son exclusion de la procédure de consultation - Obligation de confidentialité s'imposant à l'AMO - Absence de risque d'une atteinte imminente - Annulation et rejet, sans renvoi.
Le centre hospitalier requérant a confié à la société ACAOP une mission d'audit et d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la passation des marchés d'assurance. Dans ce cadre a été lancée une consultation. La Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), candidate à l'attribution des lots n°s 1 et 4, a demandé au juge des référés (art. R. 557-3 CJA), qu'il interdise l'accès du dirigeant et des préposés de la société ACAOP à l'ensemble des pièces déposées par les candidats et de les exclure de la consultation au motif de prévenir un risque d'atteinte imminente au secret des affaires.
Par ordonnance du 9 juin 2021, il a été décidé d'interdire par tout moyen l'accès de la société ACAOP à l'ensemble des documents déposés par les soumissionnaires et, dans l'attente, de suspendre l'analyse des offres.
Le Conseil d'État accueille le pourvoi contre cette ordonnance en estimant que pour apprécier l'existence réelle du risque invoqué, il convient de tenir compte de ce que la société ACAOP intervenant pour le compte d'une personne publique son dirigeant et son personnel sont tenus à une obligation contractuelle de confidentialité. En jugeant ne pas devoir tenir compte de cette exigence pour apprécier le risque d'une atteinte au secret des affaires, le juge des référés a commis une erreur de droit.
Statuant au fond (cf. art. L. 821-2 CJA), le Conseil d'État estime qu'en l'état de l'obligation de confidentialité, le risque d'atteinte au secret des affaires n'est pas établi sauf à la requérante, le cas advenant et si elle s'y croit fondée, à faire valoir notamment devant le juge du référé précontractuel tout manquement qu'elle aura relevé aux règles de publicité et de concurrence, tenant, le cas échéant, en une violation par le pouvoir adjudicateur du secret commercial ou de l'impartialité à laquelle celui-ci est tenu.
Cette dernière indication laisse poindre une certaine réticence du juge à rejeter le grief allégué.
(10 février 2022, CHU de Pointe-à-Pitre / Abymes, n° 456503)
20 - Commande publique - Marchés - Cas de dispense de jury - Extension des cas de dispense (décret du 30 mars 2021) - Exclusion de certains marchés globaux - Atteintes à l'impartialité, à l'intelligibilité de la norme et erreur manifeste d'appréciation - Rejet.
Le décret du 30 mars 2021 étend les cas dans lesquels le code de la commande publique prévoit une dispense de jury, ainsi des marchés globaux de conception-réalisation et des marchés globaux de performance relatifs à la réalisation d'ouvrages par les bailleurs sociaux et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, ainsi qu'aux marchés globaux de performance qui ne confient aucune mission de conception au titulaire.
Le requérant demande, en vain, l'annulation de l'art. 2 de ce décret, aucun de ces moyens n'étant retenu.
Ces dispositions ne sont ni dépourvues de clarté ni inintelligibles et ne font pas obstacle à la réalisation d'un avant-projet sommaire lorsqu'aucun jury n'est désigné par l'acheteur.
Pareillement, la circonstance que le décret attaqué dispense certains marchés du recours à un jury ne porte pas, par elle-même, atteinte aux objectifs décrits par l'art. 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture d'autant que cette loi (cf. ses art. 3 et 5-1) impose le recours à un architecte par quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire et prévoit que les maîtres d'ouvrage publics et privés favorisent l'organisation de concours d'architecture pour la passation des marchés de maîtrise d'œuvre ayant pour objet la réalisation d'un ouvrage de bâtiment.
Enfin, la circonstance que l'institution d'un jury a notamment pour objet l'impartialité et la transparence des procédures au sein desquelles il est organisé n'implique pas que l'absence de jury, empêcherait automatiquement de garantir cette impartialité et cette transparence.
L'auteur du décret attaqué n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en édictant les nouveaux cas de dispense du jury en matière de commande publique.
(11 février 2022, Conseil national de l'ordre des architectes, n° 453111)
21 - Contrats de concession du service public de la distribution de l'énergie électrique entre des communes et EDF (devenue Électricité réseau distribution France (ERDF), puis Énedis) - Redevance annuelle en contrepartie des dépenses supportées par l'autorité concédante au bénéfice du service public concédé - Redevance comprenant deux parts, « R1 » (redevance de fonctionnement), et « R2 » (redevance d'investissement) - Commune intention des parties - Transfert de la compétence de la distribution électrique à la métropole - Émission de titres exécutoires - Annulation - Arrêt annulant le jugement - Rejet.
Trois communes ont conclu des contrats de concession du service public de la distribution de l'énergie électrique avec EDF (devenue Électricité réseau distribution France (ERDF), puis Énedis). Le cahier des charges de ces concessions prévoient qu'en contrepartie des dépenses supportées par les communes concédantes au bénéfice du service public concédé, leur est versée par le concessionnaire une redevance annuelle divisée en deux parts : « R1 » pour le fonctionnement et « R2 » pour l'investissement.
Quelques années plus tard ces communes ont transféré leur compétence d'autorités organisatrices de la distribution d'électricité à la communauté urbaine de Nantes, devenue ensuite Nantes Métropole.
Cette dernière a émis des titres exécutoires pour valoir paiement, notamment, de la fraction « R2 » de la redevance annuelle ; ces titres, contestés en justice par la société Énedis, ont été annulés par le tribunal administratif pour le motif que cette fraction avait été calculée sans prendre en compte le montant des taxes communales sur la consommation finale d'électricité recouvrées sur le territoire des trois communes concernées. La requérante a été déchargée, dans cette mesure, du paiement des sommes mises à sa charge.
Sur appel de la métropole, la cour administrative d'appel a annulé le jugement et remis les sommes litigieuses à la charge de la société Énedis. Cette dernière se pourvoit et son pourvoi est rejeté.
Tout d'abord, le Conseil d'État estime que c'est sans erreur de droit et au bénéfice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour a pu juger, de la lecture des dispositions y relatives des cahiers des charges, que le produit net de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité sur le territoire de la concession n'est imputé, à hauteur de 50 %, sur le montant de cette redevance, que s'il a fait l'objet de titres de recettes de l'autorité concédante, de sorte qu'en l'espèce, la taxe communale sur la consommation finale d'électricité ayant fait l'objet de titres de recettes émis par les trois communes concernées qui avaient perdu la qualité d'autorité concédante, le terme « T » de la part « R2 » de la redevance était nul.
Le Conseil d'État estime qu'en jugeant ainsi, la cour a :
- d'une part, correctement pris en compte la commune intention des parties puisque celles-ci, pour le calcul du montant de la redevance destinée à financer les dépenses d'investissement supportées par l'autorité concédante, ont entendu minorer le montant de la redevance en fonction du produit de la taxe sur les fournitures d'électricité effectivement perçu par cette autorité.
- d'autre part, régulièrement appliqué les dispositions de l'art. L. 5211-17 du CGCT, selon lesquelles, en cas de transfert de la compétence à un établissement public de coopération intercommunale, les contrats continuent d'être exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance.
Seule est admise l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions d'appel incident d'Énedis.
(14 février 2022, Société Énedis, venant aux droits de ERDF, succédant à EDF, n° 440086)
22 - Marché de prestations de fauchage et de débroussaillage des dépendances des routes d'une métropole - Obligations du juge du référé précontractuel - Impossibilité d'apprécier la valeur ou le mérite des offres - Contrôle de la dénaturation des offres par le pouvoir adjudicateur entrant dans l'office du juge - Non-respect - Annulation de l'ordonnance de référé.
Une société évincée de l'attribution d'un marché de prestations de fauchage et de débroussaillage des dépendances des routes d'une métropole, a saisi le juge du référé précontractuel qui, sur le fondement de l'art. L. 551-1 CJA, a annulé la décision d'attribution du marché et enjoint à la métropole de reprendre dans un délai d'un mois la procédure au stade de l'examen des offres, sauf à ce qu'elle renonce à poursuivre celle-ci.
Pour annuler cette ordonnance, le Conseil d'État est conduit à rappeler - opportunément - deux règles qui doivent être combinées entre elles.
D'une part, les obligations s'imposant prima facie au juge de ce référé sont, positivement, de se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, et négativement, de ne pas se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres.
D'autre part, s'il est saisi d'un moyen ne ce sens, car ce n'est pas là un moyen pouvant être soulevé d'office, ce juge a l'obligation de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et qu’il n’a pas procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
Parce qu'en l'espèce, le juge de l'art. L. 551-1 CJA avait porté une appréciation sur la valeur des offres, son ordonnance est annulée.
(18 février 2022, Toulouse Métropole, n° 457578)
Droit du contentieux administratif
23 - Médecin - Sanction disciplinaire pour recours à des procédés de publicité - Moyen d'illégalité sérieux - Conséquences difficilement réparables - Sursis à l'exécution du jugement ordinal.
(2 février 2022, M. A., n° 459264)
V. n° 127
24 - Saisine de la juridiction administrative - Saisine au moyen de lettres recommandées électroniques - Obligation pour le juge d'en prendre connaissance - Irrecevabilité pour tardiveté de la saisine - Annulation.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge tardive une requête figurant dans un envoi postal parvenu au greffe après expiration du délai de recours contentieux alors que ce courrier avait été précédé, dans le délai du recours, de l'envoi par l'intermédiaire d'un prestataire qualifié, de lettres recommandées électroniques destinées au greffe du tribunal qui n'a pas donné suite aux courriers électroniques l'informant que des lettres recommandées électroniques lui étaient adressées. En effet, il résulte des dispositions du I de l'art. 100 du code des postes et des communications électroniques, issu de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique que « L'envoi recommandé électronique est équivalent à l'envoi par lettre recommandée (...) », ce qui imposait au tribunal de procéder aux diligences nécessaires pour connaître le contenu de ces lettres recommandées électroniques.
(3 février 2022, M. B., n° 449473)
25 - Forfait post-stationnement - Preuve de la situation régulière du stationnement n'accompagnant pas la requête en première instance - Preuve au moyen d'une copie d'écran fournie pour la première fois en cassation - Irrecevabilité - Rejet.
Dans le cadre d'une action en contestation du forfait post-stationnement est irrecevable, car présentée pour la première fois en cassation, la preuve de la situation régulière du stationnement d'un véhicule consistant en la production d'une copie d'écran de l'application PayByPhone.
La solution peut sembler sévère mais il est des règles de procédure qu'on ne saurait ignorer ou ne pas respecter à peine de voir surgir, sous prétexte de bienveillance voire de « résilience », une cacophonie procédurale déplorable.
(3 février 2022, M. B., n° 450606)
(26) V. aussi, comparable au plan procédural, la décision jugeant irrecevable pour la première fois en cassation la présentation du moyen tendant à démontrer le caractère irrégulier de la décision « 48 SI » en matière de retraits de points du permis de conduire : 3 février 2022, Mme C., n° 450896.
27 - Avis de droit - Covid-19 - Prorogation générale des délais (art. 2, ord. du 25 mars 2020) - Application au délai ouvert aux tiers contestant la validité d'un contrat.
Interrogé par un tribunal administratif, le Conseil d'État rend l'avis que la prorogation générale des délais instituée par l'art. 2 de l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, rendu applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif par l'article 15 de l'ordonnance n° 2020-305, du même jour, portant adaptation des règles applicables devant ces juridictions, est applicable au délai de deux mois, à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, dont disposent les tiers souhaitant contester la validité d'un contrat.
(3 février 2022, Société Osiris Sécurité Run (OSR), n° 457527)
28 - Avenant à une convention collective - Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire - Arrêté étendant un avenant à cette convention - Demande d'annulation - Avenant et arrêté n'ayant jamais produit d'effet - Intervention d'un nouvel avenant - Caducité de l'avenant litigieux - Non-lieu à statuer.
Il n'y a pas lieu pour le Conseil d'État de statuer sur le recours tendant à l'annulation d'un arrêté ministériel étendant un avenant à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire dès lors, d'une part, que ces arrêté et avenant n'ont jamais reçu application, et, d'autre part, que, depuis l'introduction du recours, un nouvel avenant a remplacé l'avenant litigieux.
(4 février 2022, Fédération CFDT des services, n° 453350)
29 - Rapporteur public - Ville de Paris partie au procès - Nomination subséquente de ce rapporteur comme chef de bureau de la Ville de Paris - Jugement irrégulier - Annulation.
Doit être annulé en raison de l'irrégularité qu'il comporte, le jugement rendu le 5 décembre 2019 après que le rapporteur public a conclu le 21 novembre 2019 dans un litige auquel la ville de Paris était partie, alors que, par arrêté municipal du 12 décembre 2019, il a été nommé chef de bureau du droit public général à la direction des affaires juridiques de la Ville de Paris.
(11 février 2022, Syndicat des copropriétaires du 117, boulevard de la Villette et du 2-4, square Jean-Falck à Paris, n° 438414)
30 - Demande d'expulsion d'occupants sans titre du domaine public - Procédure de référé de l'art. L. 521-3 CJA - Obligation de respecter une procédure contradictoire - Absence d'effet sur cette obligation des dispositions dérogatoires de l'art. 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 pour cause de Covid-19 - Annulation.
La société SNCF Réseau a, sur le fondement de l'art. L. 521-3 CJA, demandé l'expulsion de la requérante d'un emplacement qu'elle occuperait indûment. Le juge des référés a enjoint à cette dernière, notamment, de restituer les lieux.
Le Conseil d'État s'est trouvé devant une difficulté juridique née de la situation créée par l'épidémie de Covid-19. Pour y obvier, l'art. 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, applicable jusqu'à la cession de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020, dispose : « Outre les cas prévus à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé. Le juge des référés informe les parties de l'absence d'audience et fixe la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) ».
Parallèlement, le juge rappelle sa classique jurisprudence selon laquelle lorsque le juge des référés statue, sur le fondement de l'article L. 521-3 du CJA, donc dans le cadre d'une procédure de référé sans audience publique, sur une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il doit, eu égard au caractère quasi-irréversible de la mesure qu'il peut être conduit à prendre, aux effets de celle-ci sur la situation des personnes concernées et dès lors qu'il se prononce en dernier ressort, mettre les parties à même de présenter, au cours d'une audience publique, des observations orales à l'appui de leurs observations écrites.
Il suit de là que les dispositions précitées de l'art. 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre au juge des référés de déroger à l'obligation susrappelée lui imposant de statuer à l'issue d'une audience publique sur une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public présentée sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.
Or, il ne résulte ni des mentions de l'ordonnance attaquée, ni d'aucune pièce du dossier que l'ordonnance attaquée aurait été rendue à l'issue d'une audience publique, la société requérante est donc fondée à en demander l'annulation.
(11 février 2022, SA Groupe TSF, n° 451969)
31 - Polynésie française - Juridiction du travail - Principe du double degré de juridiction - Principe général du droit - Principe inexistant - Rejet.
Saisi d'une question préjudicielle par la cour d'appel de Papeete, le Conseil d'État réitère une solution bien établie : il n'existe pas, en Polynésie tout comme en France continentale, de principe général du droit du double degré de juridiction (cf. 17 décembre 2003, Meyet et autres, AJDA 2004 p. 714, note J.-P. Markus). Il faut un texte exprès en ce sens car il n'existe pas sans texte (En ce sens, J.-C. Ricci, Contentieux administratif, HU Droit, 5è édit. 2016, § 482).
(11 février 2022, GIE Tahiti Tourisme, n° 457393)
32 - Code de l'aviation civile - Partie réglementaire - Régularisation de la consolidation de ce code - Rétablissement d'intitulés de subdivisions de ce code - Partie conforme désormais à la demande du requérant - Non-lieu à statuer.
Constatant qu'à la date de sa décision la partie réglementaire du code de l'aviation civile telle qu'elle figure sur le site internet Légifrance est en tout état de cause conforme à la demande présentée par le requérant au ministre des transports et que les éditions papier du code de l'aviation civile, dont il est allégué qu'elles seraient entachées d'erreur, sont épuisées et ne sont plus mises à disposition du public par les services de l'État sous quelque forme que ce soit, le Conseil d'État dit n'y avoir plus lieu de statuer sur la requête dont il était saisi à cet effet.
(17 février 2022, M. A., n° 440961)
33 - Référé mesures utiles (art. L. 521-3 CJA) – Communication d’éléments cartographiques et de plannings d’intervention - Mesures de régularisation ordonnées – Rejet.
Cette affaire est intéressante en ce qu’elle contient une analyse assez fine de la notion de « mesures utiles ». L’art. L. 521-3 du CJA dispose que : « En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. »
La requérante s’est vu concéder par un syndicat mixte ayant pour objet l’installation d’un réseau très haut débit, la conception, la construction et l'exploitation d'un tel réseau dans le département des Pyrénées-Atlantiques.
Ce syndicat, la société THD 64 et la société Énedis ont conclu une convention relative à l'utilisation des supports du réseau public de distribution d'électricité, notamment les poteaux du réseau aérien basse tension, pour le déploiement du réseau de communications électroniques dont la société THD 64 est la concessionnaire.
Des difficultés étant apparues entre Énedis et TDH 64, Énedis a saisi le juge du référé « mesures utiles » de plusieurs demandes dont trois ont été accueillies par ce juge.
La requérante se pourvoit contre cette ordonnance, elle est déboutée.
Le Conseil d’État donne raison au premier juge sur les deux points de son ordonnance.
En premier lieu, il a estimé qu’en ordonnant, d’une part, la communication d'informations cartographiques pour justifier de ceux des supports utilisés par elle dans l’ignorance où elle avait laissé Énedis à ce sujet et, d’autre part, celle des plannings hebdomadaires prévisionnels d'intervention sur le réseau de distribution d'électricité dont la transmission était prévue par la convention tripartite précitée, le juge des référés a pu regarder comme urgente une demande qui présentait réellement un caractère d’utilité.
En second lieu, le Conseil d’État approuve le premier juge d’avoir dit qu’était urgente et présentait un caractère d’utilité la demande d’Énedis tendant à la régularisation des supports irréguliers qui, méconnaissant plusieurs stipulations de la convention et, en dépit de plusieurs mises en demeure ainsi que d’une tentative, vaine, de conciliation, entraînaient un risque d'électrisation ou d'électrocution pour les personnes intervenant sur son réseau et étaient de nature à porter atteinte au bon fonctionnement ou à la continuité du service public de l'électricité.
(18 février 2022, Société THD 64, n° 457471)
34 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Contestation par la société liquidateur d’une société mise en liquidation judiciaire – Invitation adressée à la société liquidateur à produire un mémoire sous un mois – Désistement d’office pour non dépôt d’un mémoire dans le délai fixé – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
Dans le cadre d’un litige en contestation de la taxe foncière sur les propriétés bâties introduit par la société requérante, le juge a ordonné la production d’un mémoire dans le délai d’un mois et, passé ce délai, a prononcé le désistement d’office de la société.
En réalité, c’est la société liquidateur judiciaire de la société requérante, qui a introduit, en sa qualité de représentant légal de celle-ci, une requête émanant de la société Batipro. Le magistrat du tribunal administratif a invité la société liquidateur à produire un mémoire récapitulatif dans le délai d'un mois à peine de désistement d’office. Le 23 décembre 2020, un mémoire récapitulatif a été produit par la société Batipro.
Une erreur de droit était ainsi commise par ce magistrat en donnant acte du désistement de la requête au motif que la société liquidateur n'avait pas déposé le mémoire récapitulatif qui lui avait été demandé et qu'il ne pouvait être tenu compte, à cet égard, du mémoire produit au nom de la société Batipro alors que cette requête avait été introduite par la société liquidateur non pas en son nom propre mais au nom de la société Batipro, dont elle était le liquidateur judiciaire.
L’imbroglio sur l’identité du requérant rappelle fortement les constructions échevelées de Feydeau.
(18 février 2022, Société Batipro, n° 452838)
(35) V. aussi, mêmes affaire et solution : 18 février 2022, Société Batipro, n° 452837.
36 - Ordonnance de référé – Absence de visa de conclusions en défense – Irrégularité – Annulation.
L’absence de visa, dans une ordonnance comme d’ailleurs dans toute autre décision de justice, des conclusions en défense et l’absence de leur reprise dans la motivation, entachent l’ordonnance d’une irrégularité conduisant à son annulation.
(23 février 2022, Commune de Valence, n° 453449)
37 - Autorisation de plaider - Action d’un contribuable en lieu et place d’une commune négligente de ses droits ou refusant de les exercer – Conditions – Absence d’intérêt pour la commune et absence de chance de succès d’une telle action – Rejet.
Rappel de ce que l’art. L. 2131-5 CGCT subordonne le droit reconnu à tout contribuable communal d’exercer une action en justice en lieu et place de la commune négligente de ses droits ou refusant de les exercer, à la nécessité que cette action présente un intérêt matériel suffisant pour cette dernière et qu’elle ait quelque chance de succès.
Tel n’est pas le cas de la demande d’autorisation de plaider afin de déposer une plainte et de se constituer partie civile pour des infractions d'abus de confiance et de détournement de fonds publics commis à l'occasion de la campagne des élections municipales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 et qui ont conduit à proclamer élus les membres de la liste conduite par M. D., réélu maire de cette commune, à raison de l'implication dans cette campagne de Mme C., directrice de son cabinet.
En effet, les circonstances que Mme C. a organisé la tenue matérielle de certaines réunions de campagne électorale au moyen de sa messagerie professionnelle et d'un groupe de discussion sur l'application WhatsApp, donné ponctuellement des indications pour organiser le collage des affiches et la distribution de tracts, assisté le maire sortant lors de réunions de campagne ou encore rappelé les règles sanitaires interdisant les rassemblements ne sauraient être regardées comme constituant les infractions d'abus de confiance réprimé par l'article 314-1 du code pénal ou de détournement de fonds publics réprimé par l'article 432-15 du même code et comme ayant causé un préjudice financier à la commune.
Est ainsi confirmée la décision du tribunal administratif de refuser au demandeur l’autorisation de plaider qu’il sollicitait.
(23 février 2022, M. E., n° 456170)
38 - Condamnation d’une société à indemniser – Action de cette dernière tendant à être garantie de la condamnation par la société assistante du maître de l’ouvrage – Action n’ayant pas le caractère d’un appel – Renvoi de l’affaire au tribunal administratif.
La requérante a saisi le tribunal administratif afin que l’Établissement français du sang soit condamné à lui verser une certaine somme au titre de travaux que ce dernier lui avait sous-traités dans le cadre de la construction d’un laboratoire. Cependant, suite à une demande reconventionnelle formée par cet Établissement, le tribunal a condamné la demanderesse à lui verser une somme.
Elle a saisi le juge d’appel et demande désormais la condamnation de la société Amexia, assistante du maître de l'ouvrage, à la garantir d'une partie des condamnations qui ont été prononcées à son encontre. Le dossier ayant été renvoyé au Conseil d’État celui-ci juge qu’en réalité cette dernière demande n’a pas le caractère d’un appel et ressortit à la compétence de droit commun du tribunal administratif dans le ressort duquel a été exécuté le marché litigieux.
Il nous semble que le juge aurait dû qualifier cette demande comme étant nouvelle en appel et donc irrecevable en ce qu’elle contrevient au principe de l’effet automatiquement dévolutif de l’appel.
(23 février 2022, Société Établissements A. Cathelain et Compagnie, n° 459008)
39 - Production d’une note en délibéré après l’audience publique – Note non visée dans la minute du jugement – Irrégularité – Annulation avec renvoi.
Rappel que le juge saisi d’une note en délibéré a l’obligation de la viser dans la minute du jugement. En revanche, il n’a l’obligation de l’analyser et de rouvrir, le cas échéant, les débats que si elle contient des éléments qui ne peuvent être laissés sans effets.
(24 février 2022, M. et Mme A., M. et Mme C., n° 451427)
(40) V. aussi la solution identique retenue s’agissant non d’une note en délibéré mais d’un mémoire non visé : 25 février 2022, MM. D., H. et M., n° 446948.
(41) V. également, dans le cadre d’un recours en rectification d’erreur matérielle, relevant que n’est pas irrégulière une omission de viser et d’analyser un mémoire qui n’est pas susceptible, dans les circonstances de l’affaire, d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire : 25 février 2022, M. B., n° 449880.
42 - Note en délibéré par envoi électronique – Régime de la signature – Authentification de la signature devant être parvenue au greffe avant le prononcé de la décision – Absence en l’espèce – Note non visée dans le jugement – Absence d’irrégularité.
Dans le cadre d’une action en référé tendant à voir suspendue la décision d’un maire de ne pas s’opposer à la pose d’un pylône destiné à supporter des antennes de téléphonie, le juge rappelle le régime applicable aux notes en délibéré adressées par voie électronique.
Tout d’abord, l’utilisation de ce mode de communication est toujours possible.
Ensuite, cet envoi doit faire l’objet d’une authentification soit par voie de signature électronique soit, à défaut, par la production d’un document signé reproduisant le contenu de la note soit par l’apposition de la signature sur la copie imprimée du courrier électronique.
Enfin, dans ces différentes hypothèses la signature, électronique ou manuscrite, doit être parvenue au greffe avant le prononcé de la décision.
Ce n’était pas le cas en l’espèce et son auteur ne peut reprocher au juge de n’avoir pas visé cette note dans les visas ou la motivation de son ordonnance.
(24 février 2022, M. C., n° 450257)
43 - Recours en rectification d’erreur matérielle – Recours destiné à réparer une omission matérielle – Mise en cause d’appréciations juridiques – Irrecevabilité.
Le juge est amené, une nouvelle fois, à rappeler que le recours en rectification d’erreur matérielle n’est destiné qu’à corriger ou réparer des omissions matérielles non à critiquer des appréciations d’ordre juridique, cas dans lequel ce recours est irrecevable.
(25 février 2022, Société Groupe Lépine, n° 453444)
44 - Référé suspension (art. L. 521-1 CJA) – Condition d’urgence – Appréciation à propos de la révision temporaire des règles dites « MA-RE » - Contexte d’urgence justifiant les mesures prises – Rejet de la demande pour défaut d’urgence dans la situation ainsi créée.
La requérante demandait la suspension de la décision du 20 janvier 2022 par laquelle la Commission de régulation de l’énergie (CRE), alertée en ce sens par le Réseau de transport d’électricité (RTE) a décidé de réviser temporairement les règles MA-RE (règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre), fixées en dernier lieu à compter du 1er septembre 2021, afin de mieux encadrer le cas où un responsable d'équilibre est défaillant.
La requérante invoquait l’urgence née de la situation très difficile engendrée pour elle par cette mesure.
La requête est rejetée pour défaut d’urgence, le juge relevant qu’en réalité, si la diminution des délais de procédure et l'augmentation de la garantie exigible des responsables d'équilibre que comporte la décision de la CRE, a pu accentuer les difficultés rencontrées par la société pour faire face à ses engagements en sa qualité de responsable d'équilibre, il résulte de l'instruction et notamment des éléments avancés à l'audience par RTE, que pour l'heure, les autres responsables d'équilibre ont pu s'adapter aux nouvelles modalités ainsi définies, qui ne concernent pas la substance même des garanties exigées, et, surtout, que les difficultés dont fait état la société sont antérieures à la délibération contestée et se sont poursuivies depuis. Celles-ci trouvent notamment leur origine dans le dépassement récurrent de ses encours, qui n'a cessé de s'aggraver depuis le mois de décembre 2021. A cet égard, sous l'empire des règles MA-RE en vigueur avant l'intervention de la délibération litigieuse, la société E-Pango avait fait l'objet de deux mises en demeure de régulariser sa situation, les 6 décembre 2021 et 20 janvier 2022, et d'une première notification d'une mesure de résiliation de son contrat de participation, le 24 décembre 2021, non suivie d'effet. Par ailleurs, début février 2022, son encours était de plus de 8,3 millions d'euros, pour une garantie bancaire de 2,8 millions d'euros.
En outre, et en tout état de cause, demeure l’extrême tension sur les prix de l’électricité qui justifie de renforcer sans attendre les modalités du dispositif de sécurisation financière afin de prémunir la société RTE, en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport d'électricité, des risques de faillite de certains responsables d'équilibre dans des conditions empêchant le recouvrement des coûts des écarts. Déjà, en décembre 2021 et janvier 2022 ont été mis en liquidation judiciaire ou placés en redressement judiciaire deux responsables d'équilibre, avec des risques financiers estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros, sans qu'une négligence de RTE soit caractérisée.
L’intérêt public justifiait donc qu’une telle mesure – de durée provisoire et de portée limitée - fût prise.
(ord. réf. 24 février 2022, Société E-Pango, n° 461075)
45 - Référé-liberté – Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon - Demande au premier ministre de saisir les deux chambres du parlement en vue du vote d’une loi l’habilitant à adapter certaines dispositions du code général des collectivités territoriales et du code des transports – Risque prochain de caducité de la demande - Brièveté du délai rendant sans effet utile l’intervention du juge des référés – Rejet.
La collectivité requérante avait demandé, par délibération du 18 juin 2019, sur le fondement des dispositions organiques du CGCT (art. L.O. 6461-5 et art. L. 6461-6 et art. L.O. 6141-8), à être habilitée à adapter les dispositions législatives du code général des collectivités territoriales et du code des transports en matière de transport maritime de biens. Cette délibération a été publiée au Journal officiel le 11 avril 2020.
La collectivité requérante demande sur le fondement de l'article L. 521-2 CJA, qu’il soit enjoint au premier ministre de transmettre sans délai cette délibération à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle fait valoir l’urgence de cette transmission car, en raison du renouvellement de son conseil territorial lors de l'élection qui se tiendra les 20 et 27 mars 2022, comme prévu par le décret de convocation des électeurs du 31 décembre 2021, sa demande sera caduque le 28 février 2022 en vertu des dispositions du 1° du II de l'article L.O. 6461-5 précité du CGCT.
On observera que la collectivité n’a saisi le juge des référés du Conseil d’État que le 18 février 2022. Ce dernier relève qu’en raison du très bref délai de validité qui reste attaché à la demande, l'habilitation demandée, qui doit être donnée par la loi, n'est manifestement pas susceptible d'être adoptée en temps utile pour faire échec à cette caducité.
Il n’y a donc pas nécessité que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du CJA dès lors qu’ils seraient ici dépourvus de toute utilité car sans efficacité.
(ord. réf. 24 février 2022, Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 461709)
46 - Forfait de post-stationnement - Majoration indue – Annulation par le juge – Demande d’annulation de cette ordonnance par la commune – Absence d’intérêt à agir – Rejet.
Nouveau rappel de ce que le produit de la majoration du forfait post-stationnement pour défaut de paiement de ce dernier étant affecté à l’État, une commune est sans intérêt – et partant, sans qualité - pour contester l’ordonnance annulant le titre exécutoire pour avoir paiement de la majoration de ce forfait.
(25 février 2022, Commune de Nancy, n° 437381)
47 - Contentieux fiscal – Litige en matière de TVA non déclarée et d’amendes consécutives – Procédure contradictoire non respectée – Omission de réponse à un moyen non inopérant – Annulation avec renvoi.
Dans le cadre d’un litige portant sur des soupçons de non déclaration partielle de TVA ayant entraîné un rehaussement d’imposition et sur les amendes infligées de ce chef, le Conseil d’État est conduit à annuler un arrêt d’appel pour deux motifs de procédure contentieuse.
D’une part, en retenant un moyen - tiré du caractère non rattachable aux prestations d'hébergement des prestations de fourniture de chaussures et vêtements de travail et de réservation de transports entre la France et le Portugal -, dont l'administration ne s'était prévalue ni en première instance ni en appel et qui, par conséquent, n’avait pas été débattu entre les parties, non invitées à présenter des observations sur ce point, la cour n’a pas respecté les exigences du caractère contradictoire de la procédure contentieuse.
D’autre part, alors que la demanderesse contestait l'inclusion, par l'administration fiscale, de redevances de marque dans l'assiette des versements à des tiers qu'elle aurait dû déclarer en application de l'article 240 du CGI et sur la base desquelles a été calculé le montant de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1736 du même code, la cour s’est abstenue de répondre à ce moyen qui n’était pas inopérant.
La cassation était inévitable.
(24 février 2022, Société Magellan développement international devenue société M010, n° 446128)
48 - Demande en référé – Référé, juridiction du provisoire - Demande d’annulation de décisions administratives – Office du juge des référés – Rejet.
Il résulte des dispositions de l’art. L. 511-1 CJA que la juridiction du référé est une juridiction du provisoire, par suite il n’entre pas dans l’office du juge des référés de statuer sur une demande d’annulation pour excès de pouvoir des décrets du 7 août 2021, des 13 et 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
(ord. réf. 3 février 2022, M. B., n° 460932)
(49) V. aussi, toujours en matière de Covid-19, une identique solution : ord. réf. 17 février 2022, Mme A. et M. B., n° 461456.
50 - Demande en référé – Demande de prise de mesures dirigées contre des décisions modifiées antérieurement à la requête en référé – Demande sans objet – Irrecevabilité – Rejet.
Le requérant demandait en référé la prise d’un certain nombre de mesures du fait de dispositions contenues dans les art. 2-2, 2-3 et 47-1 du décret du 1er juin 2021 dans sa rédaction issue du décret du 25 novembre 2021 et dans l'art. 24 de l'arrêté du 1er juin 2021 modifié, concernant le passe vaccinal et la prise en charge de tests.
Or ces dispositions ont été modifiées antérieurement à la saisine du juge des référés, la requête était sans objet dès sa formation. Elle est donc déclarée irrecevable par l’ordonnance ici présentée. En effet, ce n’est que dans le cas ou une requête perd son objet en cours d’instance qu’un non-lieu est prononcé (cf. ci-dessous, au n° 52).
(ord. réf. 4 février 2022, M. A., n° 460763)
(51) V. aussi, identiques et réitérant logiquement le motif d’irrecevabilité opposé à une requête sans objet dès son introduction : ord. réf. 4 février 2022, Société Sarl Ginkgo Développement, n° 460983 ; ord. réf. 4 février 2022, M. A., n° 461053.
(52) V. également, retenant le non-lieu comme motif du rejet de la requête, l’objet du recours ayant disparu en cours d’instance : ord. réf. 8 février 2022, M. B., n° 460872.
(53) V. encore, rejetant un second recours, après rejet du premier recours dirigé contre le même décret du 1er juin 2021 modifié (V. cette Chronique, décembre 2021, n° 188), motif pris de ce que le nouveau moyen faisant état de circonstances de fait postérieures à la date du décret querellé, il ne fait pas naître un doute sérieux quant à l’illégalité, la postériorité des faits étant sans incidence sur la légalité originaire du texte contesté : 10 février 2022, M. Messineo, n° 460926.
(54) V., rejetant une critique plus générale et plus développée du décret précité du 1er juin 2021, assortie d’une QPC : 11 février 2022, Association Cercle Droit et Liberté et autres, n° 450922 et n° 460923 ; Association Via – La Voie du Peuple, n° 460936 ; Collectif « Les navigants libres » représenté par M. AB., n° 461010 ; Association « Je ne suis pas un danger ! », n° 461095 ; Mme Julie Waldberg, n° 461146 ; M. Laurent Ozon et autres, n° 461285 et n° 461287.
(55) Et aussi, sur le même thème de l’illégalité des art. 2-1, 2-2, 2-3, 8, 11, 15, 27 et 47-1 du décret du 1er juin 2021 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire dans la version qui leur a été donnée par le décret du 22 janvier 2022 et la demande de prescrire diverses mesures d'instruction en rapport avec cette requête, voir le rejet : ord. réf. 15 février 2022, Mme Kameneff, n° 461050 ou encore, sur un registre un peu différent : ord. réf. 15 février 2022, M. B., n° 461266 ; ord. réf. 17 février 2022, Association « Je ne suis pas un danger ! » et autres, n° 460283 ; ord. réf. 23 février 2022, M. Grégory Lévy, n° 461594 ; ord. réf. 23 février 2022, M. Guillaume Lempereur de Guerny, n° 461597.
56 - Appel d’une ordonnance de référé – Ordonnance suspendant les effets d’arrêtés préfectoraux – Mesure dont les effets ont pris fin – Appel à fin d’annulation de l’ordonnance – Non-lieu à statuer sur des conclusions d’appel dépourvues de tout effet utile.
Il n’y a pas lieu de statuer sur l’appel formé par la ministre de la transition écologique contre une ordonnance suspendant l’exécution d’arrêtés préfectoraux portant suspension d’agréments des deux sociétés requérantes dès lors que, au moment où statue le juge d’appel des référés les effets de la mesure ordonnée en première instance ont pris fin.
(ord. réf. 9 février 2022, Société Contrôle Technique Bouliac et société Contrôle Technique Cenon, n° 459466)
57 - Référé liberté – Élection présidentielle – Campagne audiovisuelle - Demande d’injonction à l’encontre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) – Principe d’équité dans la programmation des temps de parole – Absence de démonstration d’une atteinte grave et manifestement illégale au principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion – Rejet.
Rappel de ce qu’il incombe au demandeur en référé liberté d’établir, outre l’urgence à statuer, l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En l’espèce, où il était demandé qu’injonction soit adressée à l’ARCOM de mettre en demeure sous quarante-huit heures les éditeurs de radio et de télévision contrôlés dans le contexte de la campagne pour l'élection présidentielle 2022, d'une part, de se conformer au principe d'équité dans la programmation des temps d'antenne et de parole, d'autre part, de rétablir l'équité dans la programmation des temps d'antenne et de parole en compensant les atteintes constatées au détriment de M. B. et de l'UPR, le juge relève qu’en l’état des éléments imprécis, lacunaires et non détaillés, produits par les requérants, n’est pas rapportée l’existence d’une atteinte grave à une liberté fondamentale qui aurait été portée, par action ou par omission, par l’ARCOM.
La requête est rejetée.
(9 février 2022, M. B. et Union populaire et républicaine (UPR), n° 461000)
58 - Référé liberté – Double condition de la demande en référé liberté – Justification d’une décision du juge à bref délai – Atteinte à une liberté fondamentale insuffisante par elle-même à déclencher le bénéfice de mesures devant être prises sous quarante-huit heures- Rejet.
Dans un litige portant sur les mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques fixées par le décret et l’arrêté du 25 janvier 2022, le juge rappelle que l’admission au fond d’un référé liberté suppose la réunion de deux conditions, l’une et l’autre absolument indispensables : la justification de prendre une décision à bref délai et l’atteinte à une liberté fondamentale. En l’espèce, la requête est rejetée car n’est pas apportée la preuve de la nécessité pour les demandeurs d’obtenir – dans les circonstances de l’espèce - une décision du juge à très bref délai, peu important que puisse être en jeu une ou plusieurs libertés fondamentales. La solution serait là même en cas de situation inverse : urgence indubitablement établie mais absence de caractère fondamental de la liberté en cause.
(ord. réf. 17 février 2022, Collectif des maires anti-pesticides et Association « Agir pour l'environnement », n° 461263)
(59) V. aussi, explicitant encore la double condition mise à l’octroi du référé liberté : 24 février 2022, M. A., n° 461147.
(60) V. également, dans le même sens, rejetant pour défaut d’atteinte à une liberté fondamentale, le recours dirigé contre le décret interdisant tout déplacement entre Mayotte et l’Île Maurice sauf motif impérieux : ord. réf. 18 février 2022, M. B., n° 461542 et n° 461545 ; ord. réf. 23 février 2022, M. C. et Mme A., n° 461205.
61 - Attribution de fréquences à La Réunion et à Mayotte – Enchères principales en bandes 700 MHz – Modalités d’attribution de fréquences à des sociétés – Référé tendant à la suspension de décisions d’attributions de fréquences par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – Demande d’injonction afin de reprendre la procédure d’attribution – Urgence non établie – Rejet.
(10 février 2022, Société Zeop Mobile, n° 460788)
V. n° 10
62 - Publicité des présentations de candidatures à l’élection présidentielle - Demande de suspension de la disposition législative instituant cette publicité – Incompétence manifeste de la juridiction administrative – Rejet.
Le requérant demandait en référé liberté que le Conseil d’État ordonne la suspension des dispositions de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la république au suffrage universel, en ce qu’il impose au Conseil constitutionnel, au fur et à mesure de la réception des présentations de candidats à cette élection, de les rendre publiques, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale au bon fonctionnement de la démocratie.
La requête est rejetée en raison de l’incompétence manifeste de la juridiction administrative pour connaître d’un recours en suspension d’une loi.
(ord. réf. 10 février 2022, M. A., n° 461144)
63 - Référé liberté – Invocation de l’impossibilité de déférer à une convocation devant un tribunal faute de vaccination contre le Covid-19 – Localisation du demandeur ne nécessitant pas un déplacement de longue durée – Défaut d’urgence – Rejet.
Le requérant n'est pas vacciné contre le Covid-19. Il réside à Vichy et ne dispose pas de véhicule personnel. Il soutient que les dispositions du décret du 1er juin 2021 (9° du II de l'article 47-1) font obstacle à ce qu'il puisse se rendre en TER à une convocation le 11 février 2022 au pôle social du tribunal judiciaire de Moulins.
La condition d’urgence qui, rappelons-le, revêt un degré d’exigence particulier s’agissant ici d’une demande en référé liberté, est jugée n’être pas remplie car le passe vaccinal ne peut être exigé que pour les déplacements de longue distance, ce que n'est pas le trajet de Vichy à Moulins, quel que soit le mode de transport retenu.
Par suite, dès lors que les dispositions litigieuses ne sont pas applicables à la situation du requérant, qui pouvait se rendre à Moulins par le train depuis Vichy, fait défaut la condition d'urgence, d’où le rejet prononcé.
(ord. réf. 10 février 2022, M. B., n° 461148)
(64) V. aussi, rejetant pour défaut d’urgence une requête en suspension d’exécution d’une décision réduisant à quatre mois, au lieu de six, après la dernière injection, la durée de validité du passe sanitaire et la durée du certificat de rétablissement : ord ; réf. 11 février 2022, Cercle Droit et Liberté et autres, n° 461162 1272 ; et aussi : ord. réf. 17 février 2022, M. A., n° 461272 ; et encore : ord. réf. 21 février 2022, Cercle Droit et Liberté et autres, n° 462654 ; également : ord. réf. 23 février 2022, Syndicat Jeunes médecins, n° 461699 ; enfin : ord. réf. 24 février 2022, M. B., n° 461760.
65 - Covid-19 – Référé suspension – Décret du 1er juin 2021 modifié par celui du 22 janvier 2022 – Urgence non justifiée – Rejet.
Un recours en référé suspension dirigé contre le version - modifiée par le décret du 22 janvier 2022 - du décret du 1er juin 2021 portant mesures sanitaires face à l’épidémie de Covid-19 et qui se borne à invoquer que celui-ci porterait atteinte au droit au respect de la vie privée, constituerait une mesure discriminatoire entre vaccinés et non vaccinés et présenterait un caractère irréversible, doit être rejetée dès lors qu’il n’établit pas l’existence d’une urgence à suspendre la décision querellée.
(21 février 2022, Association Via La Voie du Peuple, n° 461624)
Droit fiscal et droit financier public
66 - Proposition de rectification - Insuffisance de motivation - Décision de retrait d'agrément valant directement motivation - Erreur de droit - Annulation.
Des contribuables avaient contesté la régularité d'une proposition de rectification remettant en cause une réduction d'impôt au motif que l'agrément donné à l'opération justifiant cette réduction avait été retiré. Ils estimaient non motivée cette proposition. La cour administrative d'appel a fait droit à cet argument en relevant que la proposition de rectification se bornait à faire état du retrait de l'agrément et à indiquer, en termes généraux, les motifs de ce retrait sans annexer cette décision de retrait ou en reproduire de façon suffisamment précise les motifs.
Sur pourvoi du ministre des finances, le Conseil d'État annule l'arrêt en relevant, à juste titre, qu'il résulte de l'art. 199 undecies C du CGI que le retrait d'agrément entraîne ipso facto la reprise de la réduction d'impôt accordée. En invoquant ce retrait l'administration fiscale a suffisamment motivé sa proposition de rectification.
(3 février 2022, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 445235)
(67) V. aussi, identiques, sur recours de ce ministre, quatre décisions qui ne pouvaient être jointes s'agissant de contentieux fiscal : 3 février 2022, n° 445245 ; n° 445246 ; n° 445247 ; n° 445249.
68 - Cession de parts d'une société - Abattement de 100% sur la plus-value (art. 150-0 D ter CGI) - Conditions d'éligibilité à ce régime - Seuil maximal d'effectif, de chiffre d'affaires et de bilan - Champ d'application de la loi fiscale - Erreur de droit - Annulation.
L'art. L. 150-0 D ter du CGI soumet l'octroi du bénéfice de l'abattement de 100 % sur la plus-value de cession de titres de sociétés réalisée par leurs dirigeants à la condition que ces sociétés satisfassent aux conditions de seuils retenues pour la définition des petites et moyennes entreprises par le règlement (CE) du 12 janvier 2001.
Pour dire en l'espèce que les requérants devaient bénéficier de l'abattement de 100% la cour administrative d'appel a vérifié si les conditions de seuil maximal d'effectif, de chiffre d'affaire et de bilan prévues par le c) du 3° de l'article 150-0 D ter du CGI étaient remplies, en agrégeant les données d'une certaine société avec celles des sociétés qui lui sont liées et, à hauteur de leur participation dans son capital, avec celles qui sont pour elles des partenaires.
Or la cour devait tenir compte des sociétés qui détenaient, seules ou conjointement, au moins 25 % de son capital ou de ses droits de vote selon les modalités définies à l'art. 150-0 D ter du CGI lu à la lumière des travaux préparatoires de l'art. 29 de la loi de finances rectificative pour 2005 du 30 décembre 2005. En s'abstenant de le faire, elle a méconnu le champ d'application de la loi fiscale et, par suite, commis une erreur de droit.
L'arrêt d'appel est annulé en tant qu'il fait droit à la demande en décharge sollicitée par les contribuables.
(2 février 21022, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 438922)
69 - Taxe d'habitation - Demande de communication des rôles de cette imposition (art. L. 104 du LPF) - Non vérification de l'existence sur ces rôles des mentions prévues à l'art. 1658 CGI - Erreur de droit - Annulation.
L'organisme requérant avait demandé, en vain, la communication des rôles relatifs à la taxe d'habitation à laquelle il avait été assujetti (cf. art. L. 104 LPF) et invoquait aussi l'absence de mention des bases de liquidation.
Ayant rejeté ce dernier moyen comme inopérant, le tribunal administratif n'a pas recherché si les autres mentions, prévues à l'art. 1658 du CGI, figuraient bien sur le rôle au motif que « le requérant ne soutient ni même n'allègue que le rôle litigieux serait dépourvu des mentions qui doivent y figurer ». Or l'OGEC avait expressément demandé au tribunal qu'il ordonne à l'administration d'établir devant lui que ces rôles « revêtent les mentions requises par la jurisprudence et par l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et qui conditionnent leur régularité (...) ». Le jugement est annulé pour erreur de droit alors que nous aurions plutôt vu là une dénaturation.
(2 février 2022, Organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) École Sainte-Thérèse, n° 439574)
(70) V., identiques : 2 février 2022, Organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) Montalembert Les Maristes, n° 439578 ; 2 février 2022, Organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) École et Collège Saint Nicolas, n° 439580 ; 2 février 2022, Organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) Émilie de Rodat, n° 439581.
(71) V. en revanche, dans un cadre juridique très différent de celui des arrêts précédents, rejetant la demande d'annulation d'un jugement refusant d'admettre la décharge d'imposition à la taxe d'habitation : 2 février 2022, Organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) Saliège, n° 439577.
71 - Demande de restitution de retenues à la source - Tardiveté des conclusions - Irrecevabilité - Obligation du respect du contradictoire - Absence - Principe d'équivalence - Application aux modalités procédurales - Mise à l'écart du b) de la seconde partie de l'art. R. 196-1 du LPF - Annulation partielle.
La société Sofina demandait la restitution de la retenue à la source prélevée sur les dividendes qui lui ont été distribués de 2008 à 2011 par plusieurs sociétés françaises. Déboutée en première instance, celle-ci s'est vu opposer en appel, après renvoi par le Conseil d'État pour cassation, un non-lieu partiel et le rejet du surplus.
Cette décision est importante principalement sur deux points.
En premier lieu, la cour a jugé irrecevables les conclusions présentée contre les retenues à la source car postérieures à l'expiration du délai fixé par le b) de la seconde partie de l'article R. 196-1 LPF. Or le ministre des finances avait soulevé un motif d'irrecevabilité tiré du b) de la première partie de cet article. La cour, qui pouvait soulever d'office, comme elle l'a fait, un moyen d'ordre public était cependant tenue de rouvrir le débat contentieux afin d'assurer dans sa plénitude le respect du principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse. Faute de l'avoir fait son arrêt est cassé sur ce point.
En second lieu, pour faire écarter l'application en l'espèce du b) de la seconde partie de l'art. R. 196-1 LPF, la société Sofina invoquait notamment le principe européen d'équivalence. Celui-ci impose que les modalités procédurales de traitement de situations trouvant leur origine dans l'exercice d'une liberté garantie par le droit de l'Union ne soient pas moins favorables que celles concernant le traitement de situations purement internes. A défaut, il incombe à l'administration et, le cas échéant, au juge d'appliquer au contribuable non-résident des règles procédurales de nature à rétablir une équivalence de traitement. Ici, le b) de la seconde partie de l'art. R. 196-1 LPF prévoit pour les non-résidents fiscaux un délai de réclamation d'une durée inférieure à celle que prévoit, pour les nationaux, le b) de la première partie de cet article. L'application des dispositions du b) de la seconde partie doit donc être écartée.
Toutefois, la requête est rejetée au fond.
(2 février 2022, Société Sofina, n° 441511)
72 - Taxe foncière sur les propriétés bâties (art. 1380 CGI) - Évaluation de la valeur locative de locaux professionnels (art. 310 Q de l'annexe 2 au CGI) - Règles applicables au sous-groupe I : magasins et lieux de vente - Cas d'un mail desservant divers magasins - Cassation partielle.
Il est jugé, pour la première fois d'où l'importance de cette décision, que le mail se trouvant au sein d'un centre commercial et desservant plusieurs magasins doit être imposé, en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, dans la catégorie prépondérante, au regard de leurs surfaces, des magasins qu'il dessert.
Étant précisé d'une part, qu'est sans incidence ici la valeur locative du mail économiquement prise en compte dans le loyer de ces magasins, et, d'autre part, que, pour déterminer la catégorie de rattachement du mail, doivent seules être retenues les superficies des locaux qu'il dessert non la propriété de ces locaux, ce qui constitue une erreur de droit.
Cette solution suppose un mail constituant un ensemble bâti ; tel ne serait sans doute pas le cas d'un mail à ciel ouvert tel un patio ou un impluvium.
(2 février 2022, Société Les Portes de Claye, n° 443323)
(73) V. aussi, jugeant que constitue une erreur de droit la prise en considération, au regard de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour déterminer la catégorie de rattachement du mail en litige, le critère de la longueur du segment d'accès aux locaux desservis par ce mail car seules sont à retenir les surfaces de ces locaux : 2 février 2022, Société KC3, n° 443630.
Incontestablement ce critère de la surface a le grand mérite de la simplicité et d'une application possible à des situations de fait très diverses voire disparates.
74 - Convention fiscale franco-tunisienne - Notion de « résident d'un État contractant » (art. 3 de la convention) - Assujettissement à l'impôt dans l'État de domicile, de résidence ou rattaché par un lien personnel analogue - Indifférence de l'existence de revenus y trouvant leur source - Rejet.
D'une part, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention fiscale conclue entre la France et la Tunisie du 28 mai 1973 dispose : « Au sens de la présente Convention, l'expression « résident d'un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ». D'autre part, le paragraphe 1 de l'article 11 de la même convention précise : « Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable ».
La société TDA International qui a fait l'objet de retenues à la source - en raison des sommes qu'elle a versées, en paiement de prestations de service, aux sociétés BSC et CEGID Tunisie - en a demandé la décharge sur le fondement des dispositions précitées. Infirmant les premiers juges, la cour adminiustrative d'appel a, sur le fondement des stipulations précitées, accordé la décharge sollicitée d'où le pourvoi introduit par le ministre.
Interprétant les stipulations en cause, dont le but est d'éviter les doubles impositions, le Conseil d'État juge, d'abord, que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'État concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations. Ensuite, pour le cas des personnes qui ne sont assujetties que partiellement à l'impôt, il est jugé que la qualité de résident d'un État contractant est subordonnée à la seule condition que la personne qui s'en prévaut soit assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence ou d'un lien personnel analogue et non en raison de la seule existence de revenus y trouvant leur source.
Par suite, c'est sans erreur de qualification juridique que la cour a, en premier lieu, jugé souverainement et sans dénaturation, que les sociétés BSC et CEGID Tunisie n'étaient exonérées, en tant qu'entreprises dites « totalement exportatrices » qu'à raison de bénéfices provenant de l'exportation mais non de ceux susceptibles de provenir d'une activité réalisée en Tunisie. Semblablement c'est sans erreur de qualification qu'elle a ensuite déduit de ce qui précède qu'alors même qu'ainsi que le soutenait l'administration devant les juges du fond, les sociétés n'avaient pas réalisé de chiffre d'affaire sur le marché local pendant la période en litige, elles étaient soumises à l'impôt sur les sociétés en Tunisie à raison de leur activité.
Le pourvoi est, très logiquement, rejeté.
(2 février 2022, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 446664)
(75) V. aussi, la solution inverse adoptée dans le cas de la cession des droits détenus dans un « partnership » de droit américain et pour l'interprétation des dispositions des articles 7 et 13 de la convention fiscale entre les États-Unis et la France : 2 février 2022, M. et Mme B., n° 443154.
76 - Taxe d'enlèvement des ordures ménagères - Dépenses devant être prises en compte pour déterminer la somme des dépenses réellement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et d'autres déchets - Obligation d'y inclure la part des dépenses des services centraux afférentes à ce service public - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Commet une erreur de droit et encourt la cassation le jugement qui, pour établir la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du CGCT et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe, ne retient, parmi les dépenses des services centraux de la commune, que celles de la direction de la propreté et de l'eau au motif que cette dernière est le seul service directement chargé de la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés. Il lui incombait, au moyen de données extraites de la comptabilité analytique, de tenir compte également de celles des dépenses exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés par les autres directions ou services centraux de la collectivité.
(2 février 2022, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 451434)
77 - Abus de droit (art. L. 64 LPF) - Notion et régime - Applicabilité aux actes de droit privé en dépit de leur opposabilité aux tiers - Répression des abus de droit en dehors du régime prévu à l'art. 64 LPF - Refus de transmission d'une QPC.
Bien qu'intervenant dans le cadre d'une procédure tendant à voir transmise une question prioritaire de constitutionnalité, cette décision intéresse davantage le droit fiscal.
L'art. 64 du LPF a pour objet de rendre inopposables à l'administration ceux des actes qui, de caractère fictif ou recherchant l'application littérale de la loi fiscale ne sont inspirés que par le seul souci d'éluder ou de modérer l'imposition.
La requérant invoquait au moyen de la QPC l'atteinte que porte à des droits et libertés que garantit la Constitution l'interprétation que donne le Conseil d'État de cet article L. 64.
La demande de transmission de la QPC est rejetée.
Le juge apporte ici les importantes précisions suivantes :
1° la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 s'applique uniquement en cas de rectification notifiée par l'administration fiscale.
2° En dehors de cette hypothèse, le principe d'opposabilité, à l'administration comme aux autres personnes juridiques, des actes de droit privé non déclarés nuls par le juge judiciaire, ne saurait faire obstacle au droit qu'a l'administration d'y faire échec lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public en raison de l'existence d'un principe général du droit à la répression des abus de droit (cf. par ex., Section, 27 septembre 2006, Société Janfin, n° 260050).
3° Il découle de ce qui précède que l'administration fiscale, même en dehors du champ d'application de l'art. L. 64, peut écarter comme ne lui étant pas opposables certes ceux des actes du contribuable ayant un caractère fictif, mais peut également - en vertu du principe général du droit précité - écarter, comme dans le cas où l'art. 64 est applicable, les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.
4° Cette interprétation de la loi fiscale par le juge ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques dès lors que sont respectées les exigences permettant l'application différenciée d'une règle en fonction de la diversité des situations concrètes rencontrées.
5° Ainsi, l'art. 64 ne s'applique que si une procédure de rectification a été engagée par l'administration fiscale et le principe général du droit susénoncé qu'en dehors de ce cas. Cette dualité de traitement ne contrevient pas à l'égalité des contribuables, d'où il suit que les garanties apportées par la loi à l'art. L. 64 ne concernent que la situation où cette disposition est applicable non celle où est mis en oeuvre le principe général du droit susrappelé.
On peut admirer la subtilité du raisonnement et n'être point convaincu de son bien-fondé en regrettant qu'il aboutit de fait et en substance à une soumission universelle des situations visées à l'art. 64 soit sous la forme scripturaire du LPF soit à titre de principe. Est-on sûr d'être alors toujours fidèle à la volonté du législateur ?
(4 février 2022, Société Hays France, n° 455278)
(78) V. aussi, rejetant un recours dirigé contre une application irrégulière de la procédure de répression d'un abus de droit au motif qu'en l'espèce l'administration n'a pas agi sur le fondement de l'art. L. 64 du LPF mais sur celui de l'art. 111 du CGI qui se borne à définir la notion de « revenus distribués » : 11 février 2022, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n°455794.
79 - Prestataire de services logistiques en ligne - Commerce d'or et de métaux précieux - Société intervenant dans des opérations d'achat d'or et de métaux précieux par une société britannique auprès de clients français - Qualification comme intermédiaire dans des opérations de cession d'or et de métaux précieux - Assujettissement à la taxe forfaitaire sur les objets et métaux précieux - Annulation - Rejet.
La société française Efilog a été qualifiée par l'administration fiscale, sur le fondement des dispositions combinées des art. 150 VK et 150 VM du CGI, comme exerçant une activité d'intermédiaire dans des opérations de cession d'or et de métaux précieux.
Cette société a contesté cette qualification.
Par un arrêt infirmatif la cour administrative d'appel annule la décision de l'administration. Pour cela elle décrit très précisément le montage en cause.
Quand des contribuables français souhaitant céder des métaux précieux prenaient contact à cette fin avec une société britannique, la société Efilog leur adressait, en exécution du contrat signé entre ces deux sociétés, un kit personnalisé destiné à contenir les objets en cause, que les particuliers retournaient ensuite à la société Efilog qui, après enregistrement et reconditionnement, envoyait les métaux précieux à un laboratoire situé au Royaume-Uni pour expertise et estimation. La société britannique fixait alors le prix qu'elle proposait et préparait des courriers à destination des vendeurs ayant choisi le paiement par virement et des chèques pour ceux ayant choisi ce mode de paiement, les envois étant effectués par une société comptable intervenant pour le compte de la société britannique. En cas de refus du prix proposé, le chèque était renvoyé par le vendeur particulier à la société Efilog qui le renvoyait à la société britannique, laquelle retournait directement la marchandise au vendeur.
La société Efilog ne procédait à aucune recherche de clients ou de mise en relation entre la société britannique et des clients potentiels ; elle n'intervenait ni sur l'objet, ni sur le prix de la transaction, son activité étant limitée à la réception et à la transmission des kits, à la réception des chèques retournés par les clients et, en cas de perte ou de dommage, à la réception des demandes d'indemnisation. De là la cour déduit que la société Efilog a été qualifiée à tort d'intermédiaire.
Sur pourvoi du ministre des finances, qu'il rejette, le Conseil d'État juge que la cour en jugeant ainsi n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis
(11 février 2022, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 446801).
80 - Monuments historiques - Exonération des droits de mutation à titre gratuit - Conclusion d'une convention en vue de l'ouverture au public du monument - Paiement des droits pouvant être différée jusqu'à cette signature - Non respect du délai de six mois pour l'accomplissement de formalités - Portée - Annulation sans renvoi (art. L. 821-2 CJA).
L'art. 795 A du CGI permet aux héritiers d'un monument historique de bénéficier de l'exonération des droits de succession (dits « de mutation à titre gratuit ») moyennant l'acceptation par les services de la culture de la conclusion d'une convention en prévoyant l'ouverture au public.
Le ministre des finances a refusé en l'espèce d'accorder cette exonération au motif que la déclaration de succession avait été déposée au-delà du délai de six mois prévu à l'article 641 du CGI. Le tribunal administratif, saisi par les héritiers, a annulé ce refus. Sur appel du ministre, la cour administrative d'appel a, acceptant la substitution de motif demandée par l'appelant, annulé le jugement et jugé légal le refus en se fondant sur ce moyen substitué tiré du défaut d'accomplissement de la formalité requise par l'article 281 bis de l'annexe III au CGI.
Sur pourvoi de l'un des héritiers, le Conseil d'État - confirmant une jurisprudence antérieure (11 décembre 2009, Ministre du Budget c/ Dor de Lastours et autres, n° 312515) - annule cet arrêt qu'entache une erreur de droit.
D'une part, il ne résulte pas de l'art. 641 du CGI que le dépôt de la déclaration au-delà du délai qu'il fixe empêche l'octroi de l'exonération des droits de succession prévue à l'art. 795 A due ce code.
D'autre part, le non respect de la formalité prévue par l'art. 281 bis de l'annexe III au CGI est seulement de nature à priver le contribuable du bénéfice du différé de paiement des droits de mutation à titre gratuit jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande mais en aucun cas il ne peut justifier légalement un refus d'accorder le bénéfice de l'exonération de droits prévu à l'art. 795 A.
Par ailleurs, l'administration n'est pas davantage fondée à opposer ici les dispositions de l'art. 1649 nonies du CGI selon lesquelles « toute demande d'agrément auquel (sic) est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive » ; en effet, il tombe sous le sens que la demande de convention pour bénéficier de l'exonération prévue à l'art. 795 A ne saurait être regardée ni comme une demande d'agrément ni comme une demande en vue de la réalisation d'une « opération ».
(11 février 2022, M. Guy d'Espinay Saint-Luc, n° 454999)
(81) V. également, largement comparable au précédent et portant sur le même litige : 11 février 2022, Ministre de l'économie, des finances et de la relance c/ M. Guy d'Espinay Saint-Luc, n° 458465.
82 - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Cas des établissements industriels - Terrain d'enfouissement de déchets ultimes non dangereux - Alvéoles faisant corps avec le terrain - Exonération de la taxe - Conditions - Annulation du jugement avec renvoi.
La requérante demandait l'annulation du jugement ayant rejeté ses demandes tendant à la réduction de sa cotisation à la taxe foncière sur les propriétés bâties en raison des caractéristiques du centre de tri et de valorisation des déchets et du centre de stockage de déchets ultimes non dangereux qu'elle exploite.
L'art. 1380 du CGI exonère de la taxe foncière sur les propriétés bâties : « (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés à l'article 1381 1° et 2° ». Il s'agit donc de ceux des biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499 du CGI, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
En l'espèce, la requérante invoquait un moyen tiré de ce que les alvéoles de son centre d'enfouissement devaient être exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement du 11° de l'article 1382 du CGI.
Balayant cet argument, le tribunal s'est uniquement fondé, pour justifier l'assujettissement de cette entreprise à la taxe susdite, sur ce qu'eu égard à sa superficie et à la capacité de stockage de l'ensemble dans lequel il s'inscrit, le terrain en question devait être regardé comme employé à un usage industriel au sens et pour l'application des dispositions du 5° de l'article 1381 de ce code, et, par suite, soumis à la taxe.
Ce jugeant, le tribunal s'est abstenu de vérifier si les alvéoles faisant corps avec ce terrain, d'une part, étaient spécifiquement adaptées aux activités susceptibles d'être exercées dans un établissement industriel au sens de l'article 1499, et, d'autre part, étaient au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
L'erreur de droit conduit à la cassation.
(11 février 2022, Société de Propreté et d'Environnement de Normandie (SPEN), n° 455020)
83 - Impôt sur le revenu et prélèvements sociaux - Revenus imposés comme revenus de capitaux mobiliers (art. 123 bis CGI) - Régime des sociétés mères et filiales (art. 145 et 216 CGI) - Appréciation du caractère privilégié d'un régime fiscal - Décision de gestion - Erreur de droit - Annulation partielle avec renvoi.
L'administration fiscale a décidé d'imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers les bénéfices réalisés par la société de droit luxembourgeois, dont les contribuables requérants détenaient la totalité du capital.
Ceux-ci ayant contesté cette décision, la cour administrative d'appel, par arrêt infirmatif, a donné partiellement raison aux contribuables.
Ceux-ci se pourvoient contre la partie de l'arrêt qui leur est défavorable.
Pour apprécier l'éventuel caractère privilégié du régime fiscal auquel était soumise la société de droit luxembourgeois et répondre positivement à cette question, la cour a relevé qu'elle ne pouvait se prévaloir du régime des sociétés mères au motif que ce régime optionnel relèverait d'une décision de gestion. Or l'art. 238 A du CGI impose que l'appréciation du caractère privilégié du régime fiscal applicable se fasse au regard de l'impôt sur les bénéfices ou les revenus dont la personne aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, lesquelles incluent le régime des sociétés mères défini aux articles 145 et 216 du CGI. Il incombait donc à la cour – ce qu’elle n’a pas fait - de déterminer si cette société aurait rempli les conditions pour bénéficier du régime des sociétés mères si elle avait été établie en France.
L'arrêt est cassé sur ce point.
(14 février 2022, M. et Mme B., n° 442061)
84 - Comptabilité publique - Étendue des obligations de contrôle s'imposant aux comptables publics - Interdiction pour le comptable d'apprécier la légalité des actes à l'origine des créances publiques - Sanctions de la Cour des comptes - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Deux comptables de l'Office français de l'immigration et de l'intégration constituées débitrices de sommes importantes par arrêts de la Cour des comptes se pourvoient contre ceux-ci.
Le Conseil d'État leur donne raison, ce qui lui fournit l'occasion de rappeler - une nouvelle fois, mais il faut croire que la rue Cambon est loin du Palais-Royal - que, pour déterminer la validité des créances qu'ils sont amenés à payer, les comptables publics doivent seulement apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée.
A cet égard, s'il leur appartient de vérifier si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et si ces pièces sont, complètes et précises en soi, et cohérentes au regard de la catégorie, de la nature et de l'objet de la dépense ordonnancée, là s'arrêtent leurs obligations.
Certes, parce que les choses sont très imbriquées, ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et à les interpréter conformément à la réglementation, en revanche, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité.
En l'espèce, les mises en débet des requérantes étaient irrégulières car fondées sur des reproches tirés du défaut de contrôle de la légalité des actes ordonnançant les paiements, contrôle qu’il leur est interdit d’effectuer.
(16 février 2022, Mme I. et Mme E. c/ Cour des comptes, n° 439427)
85 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Demande de réduction – Demande formée par voie d’exception d’illégalité – Erreur de droit – Annulation.
C’est par suite d’une erreur de droit qu’un tribunal administratif admet qu’un contribuable puisse demander une réduction de sa contribution à la taxe foncière sur les propriétés bâties au moyen d’une exception d’illégalité tirée des dispositions combinées des art. 1498 et 1504 du CGI dès lors qu’il résulte de l’art. 1518 F de ce code que « Les décisions prises en application des articles 1504 et 1518 ter ne peuvent pas être contestées à l'occasion d'un litige relatif à la valeur locative d'une propriété bâtie ».
(18 février 2022, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 453443)
(86) V. aussi, en matière de contestation de l’évaluation de la taxe foncière sur les propriétés bâties :
- Rejetant l’argument tiré de ce que les installations frigorifiques utilisées par la requérante pour son activité avaient été démantelées en 2015, de sorte que cet établissement se trouvait privé, à compter de cette date, des importants moyens techniques dont il était auparavant pourvu et qu'il ne pouvait ainsi plus être regardé comme un établissement industriel au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 1499 du code général des impôts, le juge relevant que la société établissait seulement la mise à l'arrêt des installations frigorifiques destinées à l'expédition de la production, non la disparition de tout moyen technique industriel rendant l'immeuble disponible à une activité autre qu'industrielle : 18 février 2022, Société fromagerie Papillon, n° 449988.
- Rejetant le moyen tiré, en matière de taxe assujettissant un hôtel, de la présence de caractéristiques comparables à celles d’autres hôtels de la commune, de telles caractéristiques n’existant pas en l’espèce : 18 février 2022, Sociétés Modul et CM-CIC Lease, n° 451631.
87 - Bien immobilier acheté en une fois à un prix global – Revente par lot – Opération distincte pour chaque revente – Calcul de la taxe – Prise en compte de la valeur du terrain cédé gratuitement à la collectivité publique pour permettre la réalisation de l’opération immobilière – Annulation partielle avec renvoi dans cette mesure.
Il est jugé ici qu’il résulte des dispositions de l’art. 268 du CGI que, dans le cas de revente par lot d'un immeuble ou d'un terrain à bâtir acheté en une seule fois pour un prix global, chaque vente de lot constitue une opération distincte, à raison de laquelle le vendeur doit acquitter une taxe calculée sur la base de la différence entre, d'une part, le prix de vente de ce lot et, d'autre part, son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d'achat global de l'immeuble ou du terrain.
Le juge indique aussi, d’une part, que le contribuable procède à cette imputation par la méthode de son choix, sous réserve du droit de vérification de l'administration et sous le contrôle du juge de l'impôt et, d’autre part, que ce texte ne s'oppose pas à ce que le contribuable impute sur le prix de revient de chacun des lots vendus une fraction du prix d'acquisition des terrains cédés gratuitement ou pour l'euro symbolique à une commune en vue de la réalisation d'aménagements de voirie, lorsque cette cession conditionne la réalisation de l'opération immobilière.
(18 février 2022, Société d'aménagement urbain et lotissement, n° 449811)
Droit public de l'économie
88 - Droit public de l'agriculture – « Plans de campagne » dans le secteur des fruits et légumes -- Soutien financier aux producteurs français de fruits et légumes frais - Requalification en aides d'État prohibées - Régularité du titre de recettes et de l'imputation de la charge du reboursement - Rejet.
L'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel est venu l'Établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a mis en place une aide financière aux producteurs français de fruits et légumes frais dans le cadre de « plans de campagne ». Cette aide a été qualifiée d'aide d'État par une décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, confirmée par deux jugements du Tribunal de l'Union européenne du 27 décembre 2012. En conséquence, FranceAgriMer a émis un titre de recettes à l'encontre de trois SCEA ainsi que de la SCEA requérante.
Cette dernière a demandé l'annulation de ce titre pour des raisons de forme et pour des raisons de fond ; la requête ayant été rejetée, en première instance comme en appel, la société se pourvoit. Elle est déboutée.
Sur la forme, la régularité du titre de recettes était contestée à la fois pour insuffisance ou défaut de motivation et pour non respect du principe du contradictoire.
Ces moyens sont rejetés car, d'une part, les indications fournies par le titre lui-même constituaient une motivation suffisante (titre indiquant : « aides plans de campagne jugées incompatibles avec le droit communautaire », comportant adjonction d'une première fiche liquidative identifiant, après le visa de la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, les aides concernées et d'une seconde détaillant pour chaque année les sommes en cause) et, d'autre part, que, contrairement à ce qui était allégué, la procédure suivie avait bien été contradictoire (courrier d'information, invitation à formuler des observations, organisation d'un entretien, échanges postérieurs de courriers, formation d'un recours gracieux).
Sur le fond, étaient contestés le bien-fondé de la récupération de l'aide et la mise de celle-ci à la charge de la requérante.
Tout d'abord, c'est à bon droit que la récupération des aides a été mise à la charge des producteurs car si les fonds destinés au paiement de ces aides ont d'abord été versés aux comités économiques agricoles, ces derniers les ont répartis entre producteurs auxquels le bénéfice final de l'aide a été ainsi transférée d'où la présomption que ceux-ci sont les bénéficiaires de l'aide.
Ensuite, la demanderesse contestait devoir assumer la charge du remboursement d'une aide qui a été en réalité versée à trois autres SCEA (La Bohémienne, Mas de Canaux et de Fabrègue). Ce moyen ne pouvait prospérer puisque ces trois sociétés ont été radiées du registre du commerce et des sociétés à la suite de leur absorption par la SCEA Méditerranée, requérante. La cour a par ailleurs relevé qu'il n'était pas établi que cette dernière n'exercerait plus l'activité pour laquelle les aides litigieuses ont été versées.
C'est donc sans erreur de droit que la cour a jugé que la société SCEA Méditerranée, qui a repris l'ensemble de l'actif et du passif des sociétés absorbées, était tenue à l'obligation de restitution des aides perçues par celles-ci.
(3 février 2022, Société civile d'exploitation agricole Méditerranée, n° 437162)
Droit social et action sociale
89 - Salarié protégé - Licenciement pour faute - Régime juridique - Rejet.
La cour administrative d'appel ayant confirmé le jugement annulant l'autorisation donnée par l'inspection du travail de licencier l'un de ses employés représentant syndical, pour faute, la société Chronopost se pourvoit en cassation.
La cour a estimé que le salarié, qui avait à plusieurs reprises travaillé en qualité de coursier, durant des périodes de suspension de son contrat de travail, auprès de la société Labo Express, pour assurer le transport médical urgent par route de produits sanguins labiles et de produits d'origine humaine vers des professionnels de santé, y assurait une mission qui différait de celle accomplie au profit de la société Chronopost, l'activité de ces deux sociétés ne se recouvrant pas et n'étant pas concurrentes. En outre, il n'était pas établi, comme le lui reprochait son employeur, que cet agent aurait fourni des informations confidentielles à la société Labo Express. Ainsi, le licenciement n'était pas justifié.
Le Conseil d'État estime que, en jugeant ainsi, outre qu'elle a répondu à l'argumentation de la demanderesse, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits.
Surtout, cette affaire est l'occasion pour le juge de cassation de rappeler fermement qu'en raison des fonctions dont est investi un représentant du personnel, son licenciement pour faute - et donc l'autorisation de licenciement - ne peut intervenir que « si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat. »
Enfin, est rejeté car il est nouveau en cassation, le moyen selon lequel l'intéressé aurait également commis une faute en sollicitant, pour un motif mensonger, un congé pour enfant malade, en vue d'accomplir une de ses missions auprès de la société Labo Express.
(4 février 2022, Société Chronopost, n° 438412)
90 - Avenant à une convention collective - Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire - Arrêté étendant un avenant à cette convention - Demande d'annulation - Avenant et arrêté n'ayant jamais produit d'effet - Intervention d'un nouvel avenant - Caducité de l'avenant litigieux - Non-lieu à statuer.
(4 février 2022, Fédération CFDT des services, n° 453350)
V. n° 28
91 - Travailleurs salariés étrangers détachés en France - Obligation de vigilance s'imposant à l'entreprise ou à son prestataire de services - Procédure irrégulière de détachement - Unicité de faute pour défaut de déclaration préalable et de désignation d'un représentant en France - Rejet.
Des dispositions du code du travail subordonnent la possibilité, pour un employeur français, d'accueillir des salariés étrangers détachés à cet effet par un employeur établi hors de France - sous forme d'une obligation de vigilance - à la souscription d'une déclaration préalable au détachement et à la désignation d'un représentant de l'entreprise sur le territoire national (cf. art. L.1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1, L. 1262-4-1 c. trav.). A défaut de respecter ces deux obligations est encourue une amende dont le montant est multipliée par le nombre de salariés concernés par cette infraction.
Le Conseil d'État estime que ces textes, bien que l'obligation de vigilance qu'ils imposent se décompose en deux volets (déclaration préalable et désignation d'un représentant en France), ne constitue, pour le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre, qu'une seule obligation qui ne peut être sanctionée que par une seule amende.
C'est donc en vain que la ministre requérante demande l'annulation de l'arrêt d'appel qui en a ainsi jugé, celui-ci ne reposant pas sur une erreur de droit.
(11 février 2022, Ministre du travail, n° 440808)
92 - Infractions à la législation du travail - Sanctions applicables - Loi plus douce intervenue après les manquements et avant que le juge statue - Dispositions plus sévères inapplicables aux faits antérieurs - Étendue du pouvoir de sanction de l'administration - Effets de la nature de plein contentieux du litige - Caractère contradictoire de la procédure - Annulation.
La société requérante a fait l'objet d'amendes pour avoir plusieurs fois méconnu, pendant la période du 22 mai au 25 juin 2017, s'agissant de deux salariés, les dispositions régissant la durée quotidienne du travail, la durée hebdomadaire du travail, la durée quotidienne de repos minimal et le repos hebdomadaire.
Saisi par cette dernière d'une demande d'annulation ou de réduction des amendes infligées le tribunal administratif a réduit de 23 000 euros à 5 400 euros leur montant. Sur appel de la ministre du travail, défenderesse, la cour administrative d'appel a annulé le jugement en tant qu'il a réduit le montant des amendes.
La demanderesse se pourvoit et obtient gain de cause sur le principe.
Le juge de cassation rappelle tout d'abord que le juge administratif, statuant comme juge de plein contentieux sur une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, doit faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue.
Ensuite, il est relevé une double évolution en sens inverse de la législation sur ce point.
D'une part, l'article 18 de la loi du 10 août 2018, qui est entré en vigueur postérieurement aux manquements de la société demanderesse, a ajouté à la possibilité de sanctionner un manquement de l'employeur par une amende, la possibilité, alternative, de prononcer à son encontre un simple avertissement, ce dernier constituant, par rapport à l'amende, une sanction plus douce.
D'autre part, et en sens contraire, l'article 95 de la loi du 5 septembre 2018, qui a modifié l'article L. 8115-3 du code du travail en rehaussant le montant maximal de l'amende encourue de 2000 à 4000 euros par travailleur concerné, est une disposition répressive plus sévère. Il ne peut donc pas, en vertu du principe susrappelé, être appliqué à des manquements commis avant son entrée en vigueur.
Il résulte de cet état de la législation que la société demanderesse ne pouvait se voir appliquer que les seules dispositions - plus douces - des articles L. 8115-1 et L. 8115-4 du code du travail, dans la version que leur a donnée la loi du 10 août 2018, à l'exclusion de celles - plus sévères - de l'art. L. 8115-3 de ce code, issues de la loi du 5 septembre 2018.
C'est donc sans erreur de droit que la cour a estimé que le pouvoir de sanction de l'administration n'était pas limité au prononcé d'une seule amende par catégorie de manquements et par travailleur concerné mais pouvait, à la place, consister en l'infliction d'un avertissement.
Le Conseil d'État, en revanche, reproche à la cour, alors qu'elle statuait dans un litige de plein contentieux, ce qui lui imposait d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision litigieuse, d'avoir écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail imposant le respect d'une procédure contradictoire préalablement au prononcé de la sanction, au motif que la procédure contradictoire organisée par les articles L. 8115-1 et suivants du code du travail se poursuivrait devant le juge de plein contentieux et qu'il n'appartiendrait à ce dernier de ne se prononcer que sur le bien-fondé et le montant de l'amende infligée.
L'erreur de droit ainsi commise conduit à la cassation de l'arrêt sur ce point.
(11 février 2022, Société Distribution Casino France, n° 448372)
93 - Revenu de solidarité active (RSA) - Appréciation des ressources de l'intéressé - Existence d'un placement financier - Modalité de prise en compte des revenus produits par ce placement - Erreur de droit - Annulation du jugement.
Dans le cadre de la détermination de l'ensemble des ressources dont dispose une personne candidate à l'attribution du RSA ou déjà bénéficiaire de cette aide, se posait la question de la prise en compte d'un capital placé et produisant des revenus que l'intéressée avait omis de déclarer.
La difficulté venait de ce que les intérêts de ce placement sont versés en une fois, en fin d'année. Le tribunal administratif avait estimé que, pour l'appréciation des ressources de l'intéressée, il convenait de répartir ces intérêts sur les quatre trimestres suivant leur perception. Cette solution, raisonnable parce que fondée sur la règle du prorata temporis, est annulée par le Conseil d'État selon qui ceux-ci doivent être intégralement pris en compte à cet effet, donc in globo, au titre des ressources du mois de leur perception.
(11 février 2022, Mme P., n° 449400)
94 - Revenu de solidarité active (RSA) - Contrôle des déclarations des bénéficiaires du RSA - Qualité des contrôleurs - Annulation.
Rappel de ce qu'il résulte des dispositions de l'art. L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles et de celles de l'art. L. 114-9 du code de la sécurité sociale, d'une part, que les contrôles portant sur les déclarations des bénéficiaires du RSA ne peuvent être conduits que par des agents assermentés et agréés, chargés d'une telle mission par le directeur de la caisse d'allocations familiales assurant le service de cette prestation et, d'autre part, que l'agrément d'un agent établit ipso facto que celui-ci est affecté à un emploi comportant une mission de contrôle, dont il a été chargé par le directeur de la caisse d'allocations familiales qui l'emploie.
C'est donc par suite d'une erreur de droit que le tribunal administratif, après avoir relevé que l'agent qui avait procédé à l'enquête à l'origine de la décision de récupération avait été agréé par une décision du directeur adjoint de la caisse nationale d'allocations familiales a jugé qu'il ne ressortait ni de la décision d'agrément ni d'aucune autre pièce des dossiers que le directeur général de la caisse d'allocations familiales de Paris aurait pris une décision lui confiant le soin de procéder à des vérifications et enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations servies par les caisses.
(11 février 2022, Ville de Paris, n° 449621)
95 - Négociation et accords collectifs dans la fonction publique (ordonnance du 17 février 2021) - Principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail - Liberté contractuelle des syndicats de signer ou non un accord - Étendue en présence d'un comité de suivi - Prérogatives des syndicats représentatifs envers un accord collectif dont ils ne sont pas signataires - Rejet.
Les organisations requérantes demandaient l'annulation de l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique et elles invoquaient à cet effet trois moyens principaux.
En premier lieu, elles reprochaient à ce texte de méconnaître le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Le moyen est rejeté car les mesures réglementaires susceptibles d'être incluses dans un accord collectif ont nécessairement fait l'objet d'une négociation avec les organisations syndicales représentatives préalablement à la conclusion de l'accord.
En deuxième lieu, il était soutenu que l'institution systématique d'un comité de suivi avait pour effet de porter atteinte à la liberté contractuelle des organisations syndicales de signer ou non un accord collectif. Le moyen est, lui aussi, rejeté car selon une interprétation bienveillante du Conseil d'État, ces dispositions (art. 8bis et 8ter de la loi du 13 juillet 1983), en prévoyant que seules les organisations signataires de l'accord débattent avec l'administration, au sein du comité de suivi, sur les modalités de mise en œuvre de cet accord, ne sauraient avoir pour objet ni pour effet d'exclure les organisations non signataires des négociations portant sur des questions qui excèdent le suivi de la mise en œuvre de l'accord et qui relèvent des domaines dans lesquels doivent être appelées à participer l'ensemble des organisations représentatives en vertu des articles 8 bis et 8 ter de la loi du 13 juillet 1983 ou d'autres dispositions législatives ou réglementaires. Contrairement à ce soutiennent les requérantes il n'est donc, par là, pas porté atteinte aux principes de liberté syndicale, de représentativité des organisations syndicales et de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail non plus qu'à l'art. 11 de la CEDH.
En troisième lieu, il n'est nullement porté atteinte, par l'ordonnance litigieuse, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil constitutionnel (n° 2021-956 QPC du 10 décembre 2021, Union fédérale des syndicats de l'État - CGT et autres), au droit des organisations syndicales représentatives qui n'étaient pas signataires d'un accord collectif de prendre l'initiative de sa modification.
Sur ce point, les juges « sauvent » l'ordonnance en lui faisant dire que ces dispositions de l'ordonnance « ont pour objectif d'inciter à la conclusion de tels accords et d'assurer leur pérennité », ce qui est loin de constituer un raisonnement juridique.
(11 février 2022, Union fédérale des syndicats de l'État CGT (UFSE-CGT), Fédération CGT des services publics, Confédération générale du travail (CGT), Fédération syndicale unitaire (FSU) et Fédération de l'action sociale et de la santé, n° 451784)
Élections et financement de la vie politique
96 - Élections municipales et communautaires - Jugement rejetant la protestation contre les résultats électoraux - Régime de l'appel - Appel irrecevable - Irrecevabilité de l'intervention par voie de conséquence - Rejet.
Rappel d'une règle constante de la procédure contentieuse en matière électorale : si tout électeur, même s'il n'a pas été présent en première instance, est recevable à faire appel d'un jugement qui a annulé une élection ou qui en a modifié les résultats, seul l'auteur ou les auteurs de la protestation sont recevables à faire appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté la protestation.
Par ailleurs, l'intervenant au soutien de la protestation alors que le délai pour former une protestation était écoulé, n'est pas recevable à faire appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté cette protestation.
Sa requête doit dès lors être rejetée comme irrecevable.
(10 février 2022, M. Q., Él. mun. et cnautaires de la commune des Abymes, n° 448723)
97 - Élections municipales - Élection d'un conseiller municipal radié des listes électorales - Jugement judiciaire s'imposant absolument au juge administratif - Conclusions reconventionnelles irrecevables en contentieux électoral - Rejet.
L'élection d'un candidat comme conseiller municipal alors qu'il a été radié de la liste électorale par décision du tribunal judiciaire est automatiquement annulée par le juge administratif, celui-ci se bornant à tirer les conséquences de cette radiation dont les effets s’imposent absolument à lui.
Rappel, à nouveau, que des conclusions reconventionnelles sont, par nature, irrecevables en contentieux électoral (V., par ex. : 9 décembre 1977, Élections municipales de Congis-sur-Thérouanne, Rec. Lebon p. 842 ; 23 septembre 1985, Élections municipales de Saint-André de La Réunion, Dr. adm. 1985 n ° 477 ; 29 décembre 2014, Élections municipales de Samaran, n° 381579).
(16 février 2022, M. A., Élections municipales de Soissons, n° 447424)
98 - Publicité des présentations de candidatures à l’élection présidentielle - Demande de suspension de la disposition législative instituant cette publicité – Incompétence manifeste de la juridiction administrative – Rejet.
(ord. réf. 10 février 2022, M. A., n° 461144)
V. n° 54
Environnement
99 - Objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre - Obligation de prise en compte de cet objectif - Hypothèses d'application de cette obligation - Cas excluant cette obligation - Annulation et rejet.
A la demande d'organisations de protection de l'environnement, le juge des référés, au visa de l'art. L. 554-12 du CJA, a suspendu l'exécution de l'arrêté du préfet de la Guyane portant autorisation environnementale en vue de l'exploitation d'une centrale électrique. Sa motivation reposait sur l'atteinte que cette autorisation porterait à l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 tel qu'il est fixé à l'article L. 100-4 du code de l'énergie.
Les auteurs des pourvois joints demandent à la fois l'annulation de cette ordonnance et le sursis à son exécution.
Pour annuler l'ordonnance attaquée (ce qui rend sans objet la demande de suspension), le Conseil d'État fait une importante distinction.
D'un côté, il est exact que les autorisations d'exploiter une installation de production d'électricité relevant l'article L. 311-5 du code de l'énergie et les autorisations environnementales lorsqu'elles tiennent lieu d'une telle autorisation (Cf. art. L. 181-3 du code de l'environnement) sont soumises au respect de l'objectif fixé par l'art. L. 100-4 précité du code de l'énergie.
D'un autre côté, en revanche, les autorisations environnementales qui ne tiennent pas lieu d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité ne sont pas soumises au respect de cet objectif.
Le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'autorisation environnementale le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de prise en compte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, alors que cette autorisation ne valait pas autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité au titre du code de l'énergie, laquelle avait été précédemment délivrée par un arrêté du 13 juin 2017.
L'annulation de l'ordonnance est prononcée.
(10 février 2022, Société EDF Production Électrique Insulaire, n° 445465 et n° 456314; Ministre de la transition écologique, n° 455497 et n° 455500, jonction)
100 - Urbanisme opérationnel - Révision de la carte communale - Dossier de l'enquête publique - Dispense d'évaluation environnementale - Classement de parcelles en zone d'activités économiques - Rejet.
(16 février 2022, Association pour la sauvegarde et la salubrité de Faleyras Targon et environs (ASSFALTE), n° 437202)
V. n° 162
101 - Autorité environnementale et autorité chargée de l'examen au cas par cas - Respect des directives du 13 décembre 2011 et du 16 avril 2014 relatives aux évaluations environnementales de certains projets - Clarté et intelligibilité de la norme - Décisions de l'autorité compétente au cas par cas pour décider de recourir à une évaluation environnementale - Régularisation possible d'éléments procéduraux - Rejet.
La requérante demandait, en sus de la communication de certains documents et de la saisine préjudicielle de la CJUE sur deux questions, l'annulation du décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l'autorité environnementale et à l'autorité chargée de l'examen au cas par cas.
En bref, étaient en cause la distinction et son application concrète entre, d'une part, l'autorité chargée de l'examen au cas par cas de certains projets, qui est normalement le préfet de région, et d'autre part l'autorité environnementale.
Le Conseil d'État rejette le recours sans renvoi à la CJUE.
Les moyens de légalité externe ne nous retiendront pas.
Sur le fond, la requérante soulevait trois critiques.
En premier lieu, il était reproché au décret litigieux un manque de clarté et d'intelligibilité tiré de ce que la distinction entre l'autorité en charge de l'examen au cas par cas et l'autorité environnementale chargée de rendre un avis sur un projet est floue et, surtout sur ce qu'une confusion naît : 1°/ de ce que ces deux autorités peuvent intervenir sur un même projet, 2°/ de ce que l'autorité compétente pour l'examen au cas par cas est compétente pour décider si un projet doit être soumis à une évaluation environnementale, donc par l'autorité environnementale.
Il faut reconnaître que la critique n'est pas sans pertinence (pour une illustration, cf. dans la présente chronique, le n° 162). Le Conseil juge cependant qu'il n'y a pas, ici, méconnaissance du principe de clarté et d'intelligibilité de la norme dans la mesure où l'autorité chargée de l'examen au cas par cas est le plus souvent aisément identifiable et où les cas de conflits d'intérêts propre à cette autorité, lui imposant alors un transfert de l'examen, sont, eux aussi, facilement identifiables.
Reste que
« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement
et les mots pour le dire arrivent aisément ». (N. Boileau)
et qu'ici, le défaut de maîtrise intellectuelle par les pouvoirs législatif et exécutif des réalités qu'ils sont censés régir, joint à la protection d'intérêts particuliers divers, aboutit à un édifice aux lignes absconses.
En deuxième lieu, le juge déduit tant des dispositions du droit de l'Union (directives du 27 juin 2001 et du 13 décembre 2011) telles qu'interprétées par la jurisprudence de la CJUE que de celles du droit interne (cf. art. R. 122-3 et R. 122-24-2 c. env.) que, contrairement à ce qui est soutenu dans la requête, le décret attaqué ne méconnaît pas les objectifs de la directive de 2011 en prévoyant, dans de nombreux cas, que le préfet de région agit en qualité d'autorité chargée de l'examen au cas par cas afin de déterminer si un projet doit être soumis à évaluation environnementale, et alors même que ne seraient pas prévues de dispositions excluant cette compétence lorsque celui-ci est par ailleurs compétent pour autoriser le projet concerné, sous réserve des situations de conflit d'intérêts, notamment s'il est chargé de l'élaboration du projet soumis à autorisation ou en assure la maîtrise d'ouvrage. On admirera ici davantage l’exercice d’acrobatie juridique que la légendaire clarté cartésienne du droit français.
Enfin, en troisième lieu, il est jugé que la faculté reconnue par le texte que puissent être régularisées les inexactitudes, les omissions ou les insuffisances d'une étude d'impact, comme il en va d'ailleurs pour les autres éléments de la procédure préalable aux autorisations administratives, est sans incidence sur la légalité du décret attaqué.
(16 février 2022, Association France nature environnement, n° 442607)
102 - Commissaires enquêteurs - Liste départementale d'aptitude - Établissement et présidence - QPC - Radiation de la liste - Constitutionnalité - Rejet.
Dans le cadre d'un appel contre un jugement rejetant sa demande, le requérant a saisi la cour administrative d'appel d'une QPC dirigée contre l'art. L. 123-4 du code de l'environnement, qu'elle a transmise au Conseil d'État.
Cette disposition est ainsi libellée : « Dans chaque département, une commission présidée par le président du tribunal administratif ou le conseiller qu'il délègue établit une liste d'aptitude des commissaires enquêteurs. Cette liste est rendue publique et fait l'objet d'au moins une révision annuelle. Peut être radié de cette liste tout commissaire enquêteur ayant manqué aux obligations définies à l'article L. 123-15 ».
Selon le requérant, la dernière phrase contreviendrait aux principes constitutionnels d'impartialité et d'indépendance (art. 16, Déclaration de 1789) comme à ceux de proportionnalité et d'invidualisation des peines (art. 8, Déclaration de 1789).
Les deux premiers griefs sont rejetés car, au contraire, la présidence de la commission par un magistrat constitue une garantie d'indépendance et d'impartialité ; quant à la composition de la commission, elle figure dans d’autres dispositions législatives et n'ouvre donc pas à une QPC. Par ailleurs, ces principes ne sont pas davantage mis en cause par la circonstance que ne serait pas instituée une séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement.
S'agissant des deux autres griefs, il ne saurait être soutenu, selon le juge, que la radiation de la liste des commissaires enquêteurs porterait atteinte aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, étant, au contraire, fonction de la gravité du comportement, laquelle est appréciée individuellement par la commission et sous le contrôle du juge administratif.
(17 février 2022, M. F., n° 458542)
État-civil et nationalité
103 - Adjonction de nom – Nom porté par un ascendant au cinquième degré et des ascendantes au sixième degré - Intérêt légitime – Absence – Rejet.
Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui annule le refus du garde des sceaux d’autoriser une personne de changer son nom en celui d’Audirac-d'Aygalliers de la Rouvière dès lors que celui-ci a été porté par un ascendant du demandeur au cinquième degré et deux ascendantes au sixième degré, l’art. 61 du Code civil ne reconnaissant l’intérêt légitime d’une demande de changement de nom que pour éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré.
(24 février 2022, M. B., n° 448380)
Étrangers
104 - Ressortissant algérien - Certificat de résidence portant la mention « retraité » - Validité de dix ans - Renouvellement de plein droit - Condition de résidence hors de France - Rejet.
Rappelant qu'en vertu des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 le certificat de résidence portant la mention « retraité », valable dix ans, dont peuvent bénéficier les ressortissants algériens est renouvelé de plein droit à l'étranger, sous réserve que la résidence habituelle de l'intéressé se situe toujours hors de France et que chacun des séjours qu'il a effectués en France sous le couvert de ce titre n'a pas excédé une année, le juge de cassation rejette le pourvoi du requérant contre l'ordonnance de référé le déboutant de sa demande tendant au renouvellement de ce titre de séjour sans qu’il doive établir sa résidence hors de France.
C'est en effet sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que n'étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision refusant le renouvellement du certificat de résidence « retraité » :
- d'une part le moyen tiré de ce que ce certificat devait être renouvelé sans que puisse être opposée la condition de résidence hors de France,
- et, d'autre part, le moyen tiré de ce que le requérant, qui n'avait pas, pendant la durée de validité de son certificat, effectué de séjour excédant une année en France, n'y avait dès lors pas sa résidence habituelle et que la décision attaquée méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention EDH.
(7 février 2022, M. D., n° 451318)
105 - Carte de résident - Demande de renouvellement - Obtention d'un récépissé provisoire - Recevabilité du référé tendant à la suspension du refus de renouveler le titre de séjour – Présomption d’urgence - Annulation.
Rappel de deux éléments importants en matière de renouvellement de titres de séjours délivrés aux étrangers.
En premier lieu, la circonstance que le requérant a obtenu, à la suite d'une demande de titre de séjour, un récépissé provisoire ne prive pas d'objet sa demande de suspension du refus de renouveler son titre de séjour.
En second lieu, commet une erreur de droit le juge du référé suspension qui, pour rejeter la demande de suspension du refus de renouveler le titre de séjour d'un ressortissant malien, motif pris de ce que le demandeur n'apportait aucune précision quant aux conséquences concrètes de la décision implicite de rejet de la demande de renouvellement de carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, écarte irrégulièrement la présomption d'urgence attachée à un tel chef demande.
(18 février 2022, M. C., n° 457933)
106 - Ressortissant étranger mineur – Demande de protection internationale – Mineur non assisté de son représentant – Renvoi à l’OFPRA – Absence – Rejet.
Rappel de ce qu’en vertu des dispositions des art. L. 723-6, L. 733-5 et L. 741-3 di CESEDA, le mineur qui sollicite la protection internationale (demande d'asile et de reconnaissance de la qualité de réfugié ou, à défaut, du bénéfice de la protection subsidiaire) doit être accompagné de son représentant notamment lors de l’entretien personnel. Il s’ensuit que lorsque l’entretien s’est déroulé en l’absence de ce représentant, pour des raisons qui ne peuvent pas être imputées à ce mineur, l’OFPRA ne peut rejeter sa demande qu’après avoir invité le représentant (ici le département de la Somme auquel a été confiée la tutelle sur le mineur par jugement du TGI d’Amiens) à assister le mineur.
Saisie d’un moyen en ce sens, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est tenue – contrairement à ce que soutient l’OFPRA en l’espèce - de renvoyer à l’OFPRA l’examen de cette demande. Il n’en irait autrement que dans le cas où la CNDA serait en mesure de prendre immédiatement une décision accordant la demande de protection sollicitée.
Par ailleurs, la circonstance que l’intéressé est devenu majeur durant le cours de l’instance est sans effet sur l’irrégularité résultant du défaut d’accompagnement d’un individu qui était mineur au moment où cette irrégularité a été commise.
(24 février 2022, OFPRA, n° 449012)
(107) V. aussi, à propos du régime de l’entretien devant l’OFPRA, les précisions apportées sur l’office des juges de la CNDA dans le cas où l’entretien n’a pas donné lieu à un enregistrement sonore ou si l’enregistrement n’a pas été possible et que le demandeur n'a pas eu la possibilité de formuler des observations sur la transcription à l'issue de l'entretien : 24 février 2022, OFPRA, n° 453615.
(108) V. encore, jugeant, dans le cas où l’OFPRA doit être considéré comme s’étant dispensé de l’entretien personnel imposé par la loi et où le demandeur n’a pas reçu la convocation à cet entretien du fait d’un dysfonctionnement des services postaux et n’a donc pas pu s’y présenter, que c’est sans erreur de droit que la CNDA a annulé le refus d’octroi de l’asile par l’OFPRA et renvoyé devant lui l’examen de la demande d’asile dont il demeure saisi par l’effet de cette annulation : 24 février 2022, OFPRA, n° 453267 ; également : 24 février 2022, M. M., n° 453267.
109 - Demande d’octroi du statut de réfugié – Refus – Nouvelle demande en ce sens – Demande constituant une demande de réexamen même en cas de retour de l’étranger entre-temps dans son pays d’origine – Annulation.
Une demande tendant à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire présentée par une personne après une première demande qui a fait l'objet d'une décision définitive de refus de l'OFPRA ou après qu'il a été mis fin, par une décision définitive, à la protection internationale que l'OFPRA lui avait antérieurement accordée, constitue non une nouvelle demande mais une demande de réexamen au sens des dispositions du CESEDA, alors même que l'intéressé est entre-temps rentré dans son pays d'origine.
Est donc prononcée l’annulation du jugement de la CNDA en sens contraire.
(24 février 2022, OFPRA, n° 453619)
110 - Avis de droit - Étudiants étrangers voulant séjourner en France – Étudiants non ressortissants de l’Union européenne – Régime applicable au regard des dispositions du CESEDA (art. R. 431-16 et L. 313-7) et de celles du droit de l’Union (directive du 11 mai 2016) – Étendue du contrôle du juge sur la réalité du motif du séjour pour études.
Sur le fondement de la procédure d’avis de droit (art. L. 113-1 CJA), le Conseil d’État était saisi de trois importantes questions relatives au régime juridique applicable depuis le 1er mai 2021 au séjour en France – en qualité d’étudiants -, des personnes non ressortissantes de l’Union européenne.
Tout d’abord, le Conseil d’État dit pour droit que s'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour (cf. art. L. 312-2 et L. 411-1 du CESEDA), en revanche, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention « étudiant » d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants de ce code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
Ensuite, s’agissant de la procédure de demande de délivrance de visa auprès des postes diplomatiques français à l’étranger, il est répondu qu’en l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le CESEDA, une telle demande est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du CESEDA, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, cette instruction participant de la transposition de cette même directive.
Enfin, sur le point de savoir quel est le contrôle du juge sur la cohérence et le sérieux des études envisagées, dont le défaut peut révéler un détournement de la procédure de visa étudiant aux fins de mener un projet d'installation en France d'une autre nature, il est répondu que ce contrôle appartient à l’autorité administrative sous le contrôle, par le juge de l’excès de pouvoir, de la seule erreur manifeste d’appréciation.
(24 février 2022, M. A., n° 457798)
111 - Extradition – Inexécution du décret d’extradition pendant la procédure devant le Conseil d’État – Invocation de l’urgence – Rejet.
L’étranger qui entend contester le décret d’extradition le remettant aux autorités de l’État réclamant ne saurait saisir le juge du référé suspension, la condition d’urgence faisant toujours défaut en ce cas car le décret d’extradition n’est pas exécuté tant que le Conseil d’État n’a pas statué sur le recours dirigé contre ce décret.
(ord. réf. 24 février 2022, M. A., n° 461401)
Fonction publique et agents publics
112 - Brigadier-chef de police - Condamnation pénale - Impossibilité de reclassement dans un emploi afférent à son grade - Compétence liée - Radiation des cadres - Annulation.
Un brigadier-chef de police, condamné, pour actes de vol aggravé par effraction en réunion dans un local d'habitation, à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie d'une peine complémentaire de deux ans d'interdiction d'exercer les fonctions de policier national par un arrêt devenu définitif, est radié des cadres par arrêté du ministre de l'intérieur.
Il a demandé et obtenu en référé la suspension de cette décision.
Le ministre se pourvoit.
Le Conseil d'État rappelle que dans le cas où l'agent public est condamné pénalement à une peine complémentaire d'interdiction d'exercer, à titre définitif ou temporaire, la fonction publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, il appartient à l'autorité administrative de tirer les conséquences nécessaires de cette condamnation.
Il suit de là qu'elle est tenue de prononcer sa radiation des cadres lorsque l'intéressé ne pourrait être affecté à un nouvel emploi correspondant à son grade, sans méconnaître l'étendue de l'interdiction d'exercice prononcée par le juge pénal. En ce cas, l'autorité compétente est en situation de compétence liée.
C'est donc au prix d'une erreur de droit que le juge des référés du tribunal administratif a estimé, pour ordonner la suspension de la décision litigieuse, que le ministre de l'intérieur s'est estimé en compétence liée pour procéder à cette radiation sans rechercher les possibilités de reclasser l'agent dans un autre emploi, y compris par voie de détachement, ou de le suspendre en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, sur les droits et obligations des fonctionnaires, en vue de l'engagement d'une procédure disciplinaire de révocation.
(ord. réf. 3 février 2022, Ministre de l'intérieur, n° 453159 et n° 453161)
113 - Sapeur-pompier professionnel – Autorisation de poursuite d'activité au-delà de l'âge de la retraite - Autorisation estimée illégale - Retrait - Retrait au-delà de quatre mois - Irrégularité - Prétendue inexistence - Rejet - Suspension ordonnée - Annulation partielle.
(3 février 2022, Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion, n° 442354)
V. n° 2
114 - Avis de droit - Fonction publique territoriale - Agent public non titulaire - Licenciement anticipé - Obligation de respecter un préavis sauf motif disciplinaire - Non respect du préavis se résolvant en une indemnisation.
Répondant à une question en ce sens, le Conseil d'État émet l'avis que l'agent non titulaire de la fonction publique territoriale recruté pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée ne peut être légalement licencié avant le terme de son contrat par l'autorité territoriale compétente qu'après un préavis, sauf si le licenciement est prononcé pour des motifs disciplinaires ou au cours ou à l'expiration d'une période d'essai.
Toutefois, si le préavis n'a pas été respecté, la décision de licenciement n'encourt pas annulation totale, elle est seulement illégale en raison de son effet avant l'expiration du délai de préavis applicable, ce qui ouvre droit à l'agent à une indemnisation du préjudice résultant du non-respect du préavis.
On doit considérer, eu égard aux termes de la question qui l'invoque expressément, et compte tenu de la généralité de la réponse qui lui est donnée, que cet avis annonce l'abandon définitif de la solution contenue dans la décision du 14 mai 2007, Philémon Caussade, n° 273244.
(4 février 2022, Commune de Noisy-le-Grand, n° 457135)
115 - Logement par nécessité de service - Sous-officier de la gendarmerie nationale - Imputation de frais de chauffage collectif au gaz - Obligation d'individualiser les frais de chauffage collectif (art. L. 241-9 code de l'énergie) - Rejet.
Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt confirmatif rejetant son appel contre le jugement annulant sa décision rejetant le recours gracieux d'un sous-officier de gendarmerie qui, logé par nécessité absolue de service, contestait le mode de calcul de sa quote-part de chauffage du chef de ce logement.
L'immeuble en cause bénéficiant d'un chauffage collectif au gaz, l'agent s'est vu notifier un avis de régularisation des charges d'occupation de son logement dans lequel les frais de chauffage étaient calculés au prorata de la surface habitable du logement occupé par l'intéressé et du nombre de jours de présence. Ce dernier a contesté cette manière de calculer ces frais en excipant des dispositions de l'art. L. 241-9 du code de l'énergie selon lesquelles :
« Tout immeuble collectif pourvu d'un chauffage commun doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif.
Nonobstant toute disposition, convention ou usage contraires, les frais de chauffage et de fourniture d'eau chaude mis à la charge des occupants comprennent, en plus des frais fixes, le coût des quantités de chaleur calculées comme il est dit ci-dessus (...) ».
Les juges du fond ont donné raison au demandeur et sont confirmés par le Conseil d'État qui rejette le pourvoi en relevant qu'aucun texte ne dispense les casernements et leurs locaux annexes à fin de logement de l'obligation instituée par l'article précité.
(8 février 2022, Ministre de l'intérieur, n° 444780)
116 - Fonction publique de l'État - Enseignants des premier et second degrés - Mobilité - Décisions individuelles défavorables - Possibilité de recours administratif - Lignes directrices prévoyant l'assistance d'un représentant désigné par une organisation syndicale représentative - Illégalité - Suspension.
Le syndicat requérant se plaignait de ce que des lignes directrices du ministre de l'éducation rendues en matière de mobilité prévoient qu'en cas de mesures individuelles défavorables prises en cette matière les agents « peuvent choisir un représentant désigné par une organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister.
L'organisation doit être représentative :
au niveau du comité technique ministériel de l'éducation nationale (...) pour une décision de mutation relevant de la compétence du ministre ;
au niveau du comité technique ministériel de l'éducation nationale ou du comité technique académique pour une décision de mutation relevant de la compétence des recteurs d'académie (...).
L'administration s'assurera que le fonctionnaire a choisi un représentant désigné par une organisation syndicale représentative et que celui-ci a bien été désigné par l'organisation syndicale représentative ». Ce syndicat estimait que la limitation du droit de choisir un représentant parmi les seules organisations syndicales représentatives était illégale, contrevenant aux dispositions de l'art. 14 bis de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'État.
Le juge des référés fait une distinction, peu convaincante, au sein de cet extrait des lignes directrices, entre la première partie du texte et la dernière.
La première partie n'est pas illégale car « Le caractère représentatif ou non d'un syndicat ne détermine pas la capacité du conseiller qu'il a désigné à assurer l'assistance d'un fonctionnaire dans l'exercice d'un recours administratif. » Ainsi, les dispositions de ce texte ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire désigne, pour l'exercice du recours contre une décision défavorable prise au titre de la mobilité, un représentant d'un syndicat non représentatif. De ce chef, il n'y a pas lieu à ordonner la suspension.
En revanche, au point 6 de son ordonnance, examinant la dernière partie de ce texte, qui confère à l'administration le pouvoir de contrôler que le représentant désigné appartient bien à un syndicat représentatif, le juge des référés décide qu'elle est illégale et que son exécution est, en conséquence, suspendue.
Il nous aurait paru plus simple de dire l'ensemble de ce texte illégal car il est peu plausible que sa première partie, dans l'intention de son auteur, sensible à des groupes de pression, ait voulu ce que le juge en déduit.
Ceci donne d'ailleurs lieu à une rédaction complexe de l'art. 1er de l'ordonnance ainsi qu’on le vérifie ci-dessous :
« Article 1er : Compte tenu de l'interprétation, figurant au point 6, à laquelle il convient de procéder s'agissant des dispositions des lignes directrices émises par ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports le 25 octobre 2021 selon lesquelles les agents peuvent choisir un représentant désigné par une organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l'exercice d'un recours administratif contre une décision de mutation, seule l'exécution de la disposition qui prévoit que l'administration s'assure que le fonctionnaire a choisi un représentant désigné par une organisation syndicale représentative et que celui-ci a bien été désigné par l'organisation syndicale représentative, ensemble la décision implicite de rejet de la demande d'annulation présentée à ce titre le 9 novembre 2021, est suspendue. »
(ord. réf. 10 février 2022, Syndicat national de l'enseignement Action et Démocratie, n° 460761)
117 - Fonctionnaire territorial - Agent nommé sur un emploi unique - Annulation de la décision l'évinçant de cet emploi - Obligation de réintégration sur cet emploi, le cas échéant après retrait rétroactif de la désignation du successeur nommé - Possibilité d'une nouvelle décision d'éviction - Rejet.
Lorsque le juge administratif annule une décision ayant évincé un agent occupant un emploi unique - ainsi, en l'espèce, celui de directeur de l'agence du tourisme de la Corse -, l'intéressé bénéficie, en exécution de cette annulation, d'un droit à réintégration dans l'emploi unique dont il a été écarté. Si un autre agent a été nommé entre-temps pour le remplacer, il incombe à la collectivité concernée de retirer rétroactivement la nomination du successeur.
En revanche, il est possible à la collectivité employeur, après réintégration de l'agent, de mettre fin à ses fonctions par une nouvelle décision sans effet rétroactif, cette nouvelle décision fait alors obstacle à la réintégration dans les fonctions ressortissant de cet emploi unique.
C'est donc en vain que le successeur de l'agent irrégulièrement évincé critique l'arrêt d'appel qui l'a débouté de sa demande d'annulation du retrait rétroactif de sa propre nomination.
(14 février 2022, M. D. c/ collectivité de Corse, n° 431760)
118 - Rente viagère d'invalidité - Détermination du taux d'invalidité imputable à une infirmité - Accord sur un taux des experts consultés - Médecin se dédisant - Taux retenu conforme à celui préconisé originairement par ce dernier - Dénaturation des pièces du dossier - Annulation.
La requérante, fonctionnaire territorial, a fait l'objet d'une constatation d'inaptitude absolue et définitive à exercer toutes fonctions à raison de diverses infirmités imputables au service. Mise à la retraite pour invalidité, elle a demandé que le taux de l'une des composantes de sa pension de retraire, la rente viagère d'invalidité, soit porté de 5% à 20%.
Pour rejeter sa demande alors que l'ensemble des avis rendus par les experts consultés, qui ont été soumis à la commission départementale de réforme, s'accordent sur le fait que la névrose à composante dépressive dont est atteinte la requérante, est intégralement imputable au service et entraine un taux d'invalidité de 20 %, le tribunal administratif a retenu le taux de 5%. Il s'est fondé pour cela sur ce que l'un des médecins qui avait proposé un taux de 20% dans son avis du 4 mars 2014 s'est dédit et, par un nouvel avis, du 20 mai 2016, a ramené sa proposition à 5%.
Le jugement est annulé pour dénaturation des pièces du dossier. Si l'on admet la solution au fond, il paraît cependant excessif d'apercevoir dans le jugement une dénaturation : une erreur sur l'exactitude matérielle des faits voire, à la limite, une erreur de droit ,nous aurait semblé une qualification plus exacte.
(17 février 2022, Mme D., n° 436733)
119 - Fonctionnaire de l'État – Calcul des droits à pension de retraite – Prise en compte du temps d’emploi dans une catégorie « active » - Fonctions exercées en détachement – Exercice effectif dans un emploi « actif » - Obligation de prise en compte – Erreur de droit – Annulation sans renvoi (art. L. 821-2 CJA).
L’art. L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit la possibilité d’une liquidation anticipée de la pension de retraite en cas d'accomplissement de quinze années de services dans des emplois classés dans la catégorie « active », ceci afin de tenir compte du risque particulier ou des fatigues exceptionnelles que présentent certains emplois.
La requérante, qui était alors agent de l'Office national interprofessionnel des céréales, a été admise au concours de recrutement des instituteurs le 25 octobre 1990. Elle a été détachée par arrêté du ministre de l'agriculture à partir de cette date et jusqu'au 1er septembre 1993, période de sa formation en tant qu'élève-institutrice, auprès du ministère de l'éducation nationale. Elle a ensuite été titularisée dans le corps des instituteurs le 1er septembre 1993. En 2007, elle a réussi le concours de professeur des écoles et a intégré ce corps.
Elle a alors demandé que soit prise en compte pour sa carrière, dans la catégorie « active », la date du 25 octobre 1990 qui est celle du début de son détachement en qualité d’élève-institutrice, et non celle du 1er septembre 1993, date de sa titularisation dans le corps.
Cela lui ayant été refusé, elle a saisi le juge administratif d’une demande d’annulation et d’une demande indemnitaire qui ont été rejetées en première instance.
Elle se pourvoit en cassation.
Son pourvoi est rejeté sur la question de l’indemnisation car, comme l’a relevé le tribunal administratif, elle n’avait pas formulé de demande préalable à l’administration ce qui a empêché la liaison du contentieux.
En revanche, le Conseil d’État donne raison sur la question de la légalité de la décision contestée.
En effet, sa demande de prise en compte de la date du 25 octobre 1990 comme point de départ du calcul de la durée des « services actifs » a été rejetée parce que l’emploi qu’elle occupait dans son corps d’origine, au moment de son détachement, ne relevait pas de la catégorie « active » et ne correspondait pas à des fonctions de même nature, alors même que les deux années accomplies en qualité d'élève institutrice comportaient l'exercice effectif de fonctions relevant de la catégorie « active ».
Cassant l’erreur de droit ainsi commise, le juge énonce que « les services accomplis par un fonctionnaire en détachement dans un emploi classé dans la catégorie active qui exerce effectivement des fonctions correspondant à cet emploi doivent être pris en compte au titre de cet article, quelles que soient les fonctions qu'il exerçait ou qu'il avait vocation à exercer dans son corps d'origine. ».
En raison d’une lecture particulièrement large de l’art. 24 précité la solution nous semble valoir aussi bien dans le cas où le détachement est suivi d’une titularisation que dans le cas où il n’est pas suivi d’une titularisation.
(23 février 2022, Mme E., n° 445290)
Libertés fondamentales
120 - Covid-19 - Avocats et auxiliaires de justice - Incidences pour l'exercice de leur profession de l'obligation de statut vaccinal - Professions ne bénéficiant pas de l'exception d'urgence - Rejet.
Bien que ne comportant pas des demandes strictement identiques, les deux requêtes sont jointes car toutes deux sont fondées sur l'art. L. 521-2 CJA, dirigées contre le décret du 22 janvier 2022 et justifiées par l'exercice de la profession d'avocat ou d'auxiliaire de justice avec des moyens très semblables.
En bref, est contesté le fait que l'exercice de ces professions ne figure pas parmi les exceptions à l'obligation de passe vaccinal fondées sur l'exception d'urgence celles-ci ne concernant qu'un motif impérieux d'ordre familial ou de santé.
Tout d'abord est rejetée la demande de transmission de QPC motif pris de ce que le Conseil constitutionnel, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022, a déclaré les dispositions en cause conformes à la Constitution et de ce qu’aucun changement de circonstances n'est survenu depuis cette décision qui justifierait une nouvelle saisine.
Il ajoute, ce qui peut se discuter qu'il en est ainsi « alors même que le Conseil constitutionnel ne s'est pas expressément prononcé sur le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable, dont il n'était pas saisi ». Cette dernière observation n'est-elle pas un fait nouveau ou une question nouvelle ?
Ensuite, est rejeté le moyen que les dispositions contestées font obstacle à l'exercice de leurs fonctions par les auxiliaires de justice non vaccinés et qu'elles empêchent tout citoyen non vacciné de se rendre à une convocation d'une autorité judiciaire ou administrative, ou à un rendez-vous chez un auxiliaire de justice.
Le rejet repose sur une pirouette : après avoir relevé que l'urgence ne peut être reconnue comme « faisant obstacle à l'obtention d'un justificatif de statut vaccinal » que lorsque la convocation ou le rendez-vous en cause a été fixé à un délai inférieur à celui nécessaire pour l'obtention d'un schéma vaccinal complet, le juge ajoute, ce qui est une vision irénique mais non vraisemblable des choses, « Il résulte des éléments produits postérieurement à l'audience que la Haute autorité de santé estime ce délai à 3 ou 4 semaines pour les vaccins à ARN messager. La personne qui dispose d'un délai supérieur pour se rendre à la convocation ou au rendez-vous en cause ne peut ainsi se prévaloir de cette exception d'urgence, dès lors qu'elle dispose du temps nécessaire, soit pour réaliser un schéma vaccinal complet, soit pour organiser son déplacement selon d'autres modalités ». Est-ce à dire qu'en cas de délai d'une durée inférieure, les auxiliaires de justice doivent bénéficier de l'exception d'urgence ?
Il eût été plus simple et plus sain d'exciper de l'importance subsistante de la circulation du virus pour dire justifié le refus d'étendre l'exception d'urgence.
(ord. réf. 10 février 2022, Mme D., n° 460801 ; M. C., n° 46101, jonction)
121 - Droit d’asile – Octroi de conditions d’accueil matérielles décentes (allocation pour demandeur d’asile) - Privation des mesures prévues par la loi en cas de refus d’accorder l’asile – Atteinte à une liberté fondamentale – Condition d’exercice des pouvoirs dévolus au juge par l’art. L. 521-2 CJA – Rejet.
Une ressortissante mauritanienne à qui l’asile a été définitivement refusé, sollicite pour son fils, né en mars 2021, l’octroi de l’asile ainsi que, en tant que de besoin, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil d’asile.
Elle conteste devant le Conseil d’État le rejet en première instance de sa requête en référé liberté. L’appel est rejeté.
Le Conseil d’État rappelle les principes régissant le contentieux du refus d’octroi de la protection asilaire.
On sait que les demandeurs d’asile ont droit, pendant le temps d’instruction de leur demande, à une garantie d’octroi sous la forme de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA).
Il est ici tout d’abord jugé – et rappelé – que la privation des conditions matérielles d'accueil décentes, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande d’asile, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile.
Ensuite, le juge du référé liberté ne peut faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du CJA en adressant une injonction à l'administration que dans le respect d’une double condition relative au comportement de l’administration :
1°/ une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d'asile ;
2°/ des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation familiale.
Enfin, à supposer ces deux conditions réunies, les mesures que peut ordonner le juge des référés doivent s'apprécier au regard de la situation du demandeur d'asile et en tenant compte des moyens dont dispose l'administration ainsi que des diligences qu'elle a déjà accomplies.
En l’espèce, le premier juge n’a pas commis d’erreur de droit ou dans la qualification des faits en estimant n’y avoir en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
(ord. réf. 23 février 2022, Mme B., n° 461469)
Police
122 - Police sanitaire - Covid-19 - Autorisation limitée de la pratique de la danse - Rejet.
La requérante contestait la légalité des dispositions du 6° de l'article 35 du décret du 29 octobre 2020 relatif à l'épidémie de Covid 19 qui n'autorisent la pratique de la danse que dans certains établissements et pour certains publics. En particulier, elle relevait la différence de traitement entre l'autorisation de cours de danse durant le temps d'éducation physique et sportive obligatoire dans les enceintes scolaires et la prohibition de cette discipline dans les établissements recevant du public de type R d'enseignement artistique.
Il lui est répondu, au soutien du rejet de la requête, que la différence de traitement ainsi imposée par le premier ministre correspond « à une différence de situation tenant en particulier au lieu et au cadre d'exercice de l'activité comme aux garanties sanitaires susceptibles d'être mises en œuvre et contrôlées qui est en rapport avec l'objet de la mesure destinée à garantir la santé publique en limitant la propagation de l'épidémie de Covid 19 ». La motivation est en trompe-l'oeil : en quoi est-il démontré qu'il ne serait pas possible de s'assurer que s'agissant des lieux, des garanties sanitaires et des contrôles, ces derniers établissements satisfont aux exigences ?
Surtout, la démonstration, à l'inverse, que les établissements scolaires y satisfont par présomption, n'est guère faite ici.
(3 février 2022, Mme A., n° 447400)
123 - Police de la circulation - Infraction routière - Contestation - Régime de la consignation - Rejet.
Le propriétaire d'un véhicule s'est vu retirer quatre points de son capital de points pour infraction routière. Arguant de ce qu'il était bien le détenteur de la carte grise mais pas le conducteur du véhicule, il a formé devant l'officier du ministère public une requête en exonération de l'amende forfaitaire afférente à l'infraction relevée et a cependant acquitté quelques jours après le montant de l'amende forfaitaire minorée de 90 euros, comme il l'avait indiqué dans la lettre accompagnant sa requête.
Il a précisé, dans un courrier, procéder à ce règlement en qualité de titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule en infraction sans reconnaître en être le conducteur, et a affirmé avoir, par son versement de 90 euros, non pas payé l'amende mais la consignation du montant de l'amende forfaitaire imposée par l'article 529-10 du code de procédure pénale préalablement à la requête en exonération.
Le Conseil d'État, annulant la décision des premiers juges, décide que cette circonstance ne suffit pas à établir que le demandeur aurait procédé à la consignation du montant de l'amende d'autant que cette consignation ne pouvait être limitée au montant de l'amende forfaitaire minorée. Par suite, la réalité de l'infraction doit être regardée comme établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route.
C'est donc à tort que l’intéressé a demandé le rétablissement des points retirés.
(3 février 2022, Ministre de l'intérieur, n° 453319)
124 - Covid-19 - Urgence sanitaire - Interdiction de recevoir du public - Terrains de campage et de caravanage - Rejet.
Est rejeté le recours dirigé contre le décret du 20 mai 2020 complétant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, en ce qu'il interdit aux terrains de campage et de caravanage de recevoir du public.
Il n'y a pas d'inégalité de traitement du fait que les hôtels et hébergements similaires peuvent recevoir du public, à l'exclusion des villages vacances, maisons familiales et auberges collectives. En effet, cette possibilité d'ouverture avait pour but de permettre la poursuite des activités professionnelles qui nécessitent des déplacements et ainsi la possibilité d'un hébergement sur place. Au regard de la nécessité de garantir la continuité de la vie de la Nation, les hôtels et hébergements similaires se trouvaient ainsi, par rapport à l'objet de la mesure, dans une situation différente de celle des campages qui ont une visée principalement touristique.
Encore une décision qui ne convaincra que les convaincus...
(17 février 2022, Société De Camp, n° 44082
125 - Police des manifestations sur la voie publique - Liberté d'expression et de communication - Cortège de véhicules convergeant vers Paris puis Bruxelles dit « Convoi de la liberté » - Manifestation non déclarée - Interdiction - Rejet.
Diverses organisations, en vue de protester contre un certain nombre de choses et d'obtenir certains résultats, ont prévu, sur le modèle retenu au Canada en vue du blocage de sa capitale, une manifestation de véhicules dite « convoi de la liberté » devant converger vers Paris puis vers Bruxelles. Cette manifestation, qui n'a pas été déclarée, contrairement aux dispositions du code de la sécurité intérieure régissant les manifestations sur la voie publique, a été interdite par arrêté du préfet de police de Paris.
De cet arrêté le requérant a demandé la suspension au moyen d'un référé liberté, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté cette demande.
L'appel interjeté contre ce rejet est, à son tour, rejeté par le Conseil d'État, d'une part en raison de l'irrégularité rappelée plus haut et qui n'est pas corrigée par la déclaration préalable effectuée par le requérant au titre du groupe « Convoy France via Toulouse », faite seulement le 10 février à 13 heures 43, peu avant la saisine du juge des référés du tribunal administratif, d'autre part en raison de risques de troubles graves à l'ordre public susceptibles de survenir du fait de la volonté de blocage des voies et lieux symboliques de Paris, comme il s'en est produit au Canada.
Il s'ensuit qu'en dépit du caractère de libertés fondamentales, au sens de l'art. L. 521-2 CJA, de certaines des libertés invoquées par le requérant, la mesure critiquée ne porte pas à celles-ci une atteinte grave et manifestement illégale.
(ord. réf. 12 février 2022, M. C., n° 461417)
Professions réglementées
126 - Mandataires judiciaires à la protection des mineurs - Arrêté du 7 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 2 janvier 2009 relatif à la formation complémentaire préparant aux certificats nationaux de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de délégué aux prestations familiales - Définition de référentiels susceptibles d'effets sur la profession - Explications intervenues à l'audience - Rejet dans cette mesure.
Les requérants se plaignaient de ce que l'arrêté du 7 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 2 janvier 2009 relatif à la formation complémentaire préparant aux certificats nationaux de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de délégué aux prestations familiales définit des référentiels susceptibles de fonder les contrôles des services de l'État dont les mandataires judiciaires à la protection des majeurs font l'objet au titre de leur activité, et leur impose ainsi de nouvelles obligations, sans fondement textuel, et ce en partie en contradiction avec les obligations qui leur incombent.
Le juge des référés observe que les termes de l'arrêté litigieux « sont certes de nature à créer une ambiguïté que l'on ne peut que regretter, d'autant que dans une ordonnance n° 448698 du 12 février 2021, le juge des référés du Conseil d'État a déjà eu l'occasion de statuer sur une requête introduite par les représentants de la profession contre un guide ministériel relatif à leur activité en relevant des maladresses de formulation sur sa portée. Néanmoins, les échanges intervenus au cours de l'audience sur la présente demande ont confirmé que l'administration n'entendait pas donner à ces référentiels de portée autre que celle qui leur revient, ce à quoi il lui incombera de veiller strictement. »
C'est sous le bénéfice de la présomption d’une application effective de cet engagement que le référé est rejeté.
(ord. réf. 7 février 2022, Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs et autres, n° 460373)
127 - Médecin - Sanction disciplinaire pour recours à des procédés de publicité - Moyen d'illégalité sérieux - Conséquences difficilement réparables - Sursis à l'exécution du jugement ordinal.
Pour ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision disciplinaire interdisant à un médecin, pour six mois, dont trois avec sursis, l'exercice de sa profession, le juge de cassation retient deux éléments.
En premier lieu, est admise l'existence de conséquences difficilement réparables même si, alors que l'intéressé exerce en France et au Royaume-Uni, ces conséquences ne concernent que la part française de ses activités.
En second lieu, il est relevé que le motif de la sanction (usage de procédés directs ou indirects de publicité) est tiré des dispositions de l'art. R. 4127-19 du code de la santé publique lesquelles sont incompatibles avec le droit de l'Union, est entaché d'erreur de droit.
(2 février 2022, M. A., n° 459264)
(128) V. aussi, rappelant que le Conseil d'État ne peut être saisi d'une décision juridictionnelle d'un conseil national d'ordre professionnel (ici l'ordre des médecins) que par voie de pourvoi en cassation, éventuellement assorti d'une demande qu'il soit sursis à l'exécution de la décision juridictiuonnelle contestée, mais non par la voie d'un référé suspension de l'art. L. 521-1 CJA : ord. réf. 2 février 2022, M. D., n° 460827.
129 - Conventions conclues entre professionnels de santé et caisses de sécurité sociale - Procédure de déconventionnement en urgence d'un professionnel de santé - Suspension temporaire d'une convention - Incertitude sur la notion de « violation particulièrement grave des engagements conventionnels » - Rejet.
(11 février 2022, Syndicat des médecins libéraux (SML), n° 449199 ; Syndicat des biologistes (SDB), n° 449200 ; Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), n° 449201 ; Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), n° 449202; Fédération nationale des infirmiers (FNI), n° 449203; Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), n° 449246)
V. au n° 146
Question prioritaire de constitutionnalité
130 - Juge du référé-liberté - Soumission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) - Absence d'urgence - Refus de transmission au Conseil d'État - Absence de moyen sérieux en cassation - Inopérance des griefs d'inconstitutionnalité - Rejet.
Le demandeur avait saisi le juge du référé liberté d'une QPC mais ce dernier, constatant l'absence d'urgence a décidé de ne pas la transmettre au Conseil d'État.
Il se pourvoit contre l'ordonnance de rejet, en vain.
Constatant qu'au soutien de son pourvoi le demandeur ne développe aucun moyen sérieux de cassation de nature à justifier l'admission du pourvoi, ceci a pour effet de rendre inopérants les griefs d'inconstitutionnalité et entraîne le rejet de la demande d'annulation du refus de transmission.
(ord. réf. 1er février 2022, M. C., n° 457121)
131 - Opposition au contrôle des agents de l'administration fiscale - Sanctions susceptibles d'être infligées - Article 1732 du CGI - Atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis - Question présentant un caractère sérieux - Transmission de la question ordonnée.
En cas d'opposition à un contrôle exercé par des agents de l'administration fiscale, l'art. 1732 du CGI prévoit l'infliction d'une amende fiscale de 100%, d'une amende correctionnelle de 25 000 euros et six mois d'emprisonnement en cas de récidive.
Le requérant soutenait la méconnaissance par ce lourd arsenal répressif du principe de nécessité et de celui de proportionnalité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration de 1789.
Le Conseil d'État y aperçoit une question de caractère sérieux justifiant sa transmission.
(8 février 2022, M. F., n° 458277)
132 - QPC soulevée devant le juge administratif des référés - Rejet en première instance pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence - Non transmission de la question au Conseil d'État - Pourvoi contre l'ordonnance rendue pour l'un de ces motifs - Pouvoirs du Conseil d'État - Rejet.
Ainsi qu'il l'a déjà jugé le Conseil d'État rappelle en premier lieu que le juge administratif des référés de première instance, saisi sur le fondement des art. L. 521-1, L. 521-2 ou L. 522-3 du CJA peut rejeter la demande de transmission d'une QPC soulevée devant lui pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence et décider, par suite, de ne pas transmettre cette question au Conseil d'État.
En second lieu, il rappelle également que, saisi d'un pourvoi dirigé contre l'ordonnance de référé rejetant la demande de transmission de la QPC, sur le fondement des articles L. 521-1 ou L. 522-3 du code de justice administrative, pour l'un des trois motifs susrappelés, le Conseil d'État peut, si une QPC est alors soulevée pour la première fois devant lui, rejeter le pourvoi qui lui est soumis et décider de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Toutefois, pour respecter les prescriptions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, sa décision jugeant que l'ordonnance attaquée a pu, régulièrement et à bon droit, opposer, selon le cas, l'incompétence de la juridiction administrative, l'irrecevabilité de la demande ou le défaut d'urgence, doit elle-même être rendue dans le délai de trois mois prévu par cette disposition.
(11 février 2022, Mme D., n° 458613)
133 - Bio-déchets – Tri et recyclage – Autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques – Subordination à l’instauration au niveau local de la généralisation du tri à la source des bio-déchets – Question de caractère sérieux – Transmission de la QPC.
Est transmise au Conseil constitutionnel en raison de son caractère sérieux la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution que réalise l’art. L. 541-1 du code de l’environnement en ce qu’il subordonne l'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l'augmentation de capacités d'installations existantes ou de leur modification notable « au respect, par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, de la généralisation du tri à la source des biodéchets » et en ce que cette disposition ne se borne pas à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de l'article 22, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets.
(24 février 2022, Fédération nationale des collectivités de compostage, Association pour la méthanisation des déchets et Association Amorce, n° 456190, n° 456272 et n° 456432)
134 - Communication des documents préparatoires – Absence de droit à leur communication pendant l’élaboration de la décision qui fait suite à ces documents (art. L. 311-2 CRPA) – Non-contrariété à un droit ou à une liberté que garantit la Constitution - Refus de transmission d’une QPC à cette fin.
(24 février 2022, Société « Le Parisien libéré » et Mme B., n° 459086)
V. n° 7
135 - Interdiction de l’usage du plastique pour le conditionnement des fruits et légumes frais – Invocation de la Charte de l’environnement au soutien d’une QPC – Caractère néfaste pour la santé des emballages de substitution au plastique – Rejet de la demande de transmission.
A l’appui d’un recours tendant à l'annulation du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique, le syndicat requérant a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que le 16ème alinéa du III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement dont le décret attaqué fait application, porte atteinte à divers droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil d’État rejette tous les moyens développés à l’appui de la demande de transmission de la QPC.
Tout d’abord, contrairement à ce qui est soutenu, l'obligation instaurée par le législateur à compter du 1er janvier 2022 ne méconnaît ni le préambule de la Charte de l'environnement ainsi que ses articles 1er, 2, 5 et 6, ni l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. D’abord, le Préambule et les art. 5 et 6 de la Charte ne concernent pas des droits et libertés susceptibles d’être au fondement d’une QPC. Ensuite, les art. 1er et 2 de ce texte ne sont pas méconnus par la disposition litigieuse du fait que l’emballage en plastique accroîtrait la durée de vie des produits alors que l’utilisation d’autres emballages, moins protecteurs, augmenterait le gaspillage alimentaire. Enfin, l’objectif de lutte pour la protection de l’environnement justifie l’interdiction édictée.
Ensuite, ne présente pas un caractère sérieux le moyen selon lequel les nouvelles formes d’emballage pourraient avoir des conséquences néfastes sur la santé car d’une part, la mesure adoptée vise non la protection de la santé mais celle de l’environnement, d’autre part, n’est imposée aucune forme d’emballage de substitution.
Enfin, il n’est pas, ainsi, porté une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre mais bien en rapport avec l’objectif environnemental poursuivi. Au surplus, la prohibition n’est entrée en vigueur que vingt-deux mois après la décision l’instituant et elle n'est applicable ni aux fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme ou plus, ni aux fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac.
(28 février 2022, Syndicat Alliance plasturgie et composites du futur (Plastalliance), n° 458440)
(136) V. aussi, identique pour l’essentiel : 28 février 2022, Fédération française de la coopération fruitière, légumière et horticole (Felcoop), Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), fédération Les producteurs de légumes de France (Légumes de France), Coordination rurale union nationale (La coordination rurale), Association Gouvernance économique des fruits et légumes (GEFeL), Association nationale des expéditeurs et exportateurs de fruits et légumes (ANEEFEL) et Chambre syndicale des importateurs français de fruits et légumes frais (CSIF), n° 459387.
137 - QPC dirigée contre des dispositions législatives déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel – QPC recevable seulement en cas de survenance postérieure d’un changement de circonstances – Absence en l’espèce – Refus de transmission.
Dans ces deux espèces est refusée la transmission de QPC en matière fiscale, la première relative aux dispositions du I de l’art. 1647 E du CGI concernant la cotisation de taxe professionnelle, la seconde aux dispositions du I de l’art. 1586 sexies du CGI concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, car elles ont toutes deux été déclarées conformes à la Constitution par deux décisions du Conseil constitutionnel (n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 pour l’art. 1647 E et n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, pour l’art. 1586 sexies).
Seule la survenue d’un changement de circonstances postérieur à chacune de ces décisions, ce qui n’est pas le cas de ces espèces, aurait pu, si l’ensemble des conditions posées à l’art. 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel avaient été, en outre, réunies, aurait pu ouvrir à transmission de l’une et/ou l’autre QPC.
(28 février 2022, Société Ricoh France, n° 458922 ; 28 février 2022, Société Ricoh France, n° 458924, deux espèces)
Responsabilité
138 - Contamination par le virus de l'hépatite C - Contamination résultant d'une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang - Charge de l'indemnisation - Entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale - Existence, ou non, d'une action juridictionnelle en responsabilité - Annulation.
Il résulte de l'art. L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa version issue des art. 67 et 72, respectivement des lois du 17 décembre 2008 et du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2009 et 2013, que, pour les actions juridictionnelles en responsabilité engagées à compter du 1er juin 2010 en raison d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang, l'ONIAM, qui assure, au titre de la solidarité nationale, l'indemnisation des préjudices subis par les victimes, peut, ainsi que, le cas échéant, les tiers payeurs, exercer une action subrogatoire contre l'Établissement français du sang venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, à la double condition que l'établissement de transfusion sanguine en cause ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration.
S'agissant de celles des actions qui, dirigées contre l'Établissement français du sang, étaient en cours au 1er juin 2010, l'ONIAM est substitué à cet établissement « dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ». Sous ces conditions, l'ONIAM répond à l'égard du tiers payeur ayant indemnisé la victime de l'ensemble des obligations qui incombaient initialement à l'Établissement français du sang.
A contrario, un tiers payeur n'est pas recevable à exercer une action subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM, substitué à l'Établissement français du sang, si aucune action juridictionnelle n'était en cours au 1er juin 2010.
Doit donc être annulé pour erreur de droit l'arrêt d'appel qui juge cette condition remplie par une demande d'expertise alors que dans un tel contentieux les tiers payeurs ne doivent pas être appelés en cause et alors, au surplus, que l'intéressée n'avait saisi le tribunal administratif d'une requête indemnitaire tendant à la réparation de préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C que le 16 novembre 2012.
(1er février 2022, ONIAM, n° 439169)
139 - Responsabilité hospitalière - Demande de réparation de préjudices consécutifs à des infections nosocomiales - Notion d'infection nosocomiale - Erreur de droit - Cassation partielle.
Un patient qui a subi une colectomie impliquant la réalisation d'une colostomie, est victime, cinq jours après, d'une rétractation de sa colostomie qui a provoqué une péritonite aiguë généralisée nécessitant une nouvelle intervention en urgence et lui laissant de nombreuses séquelles. Le tribunal administratif a jugé que cette péritonite revêtait le caractère d'une infection nosocomiale et a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le versement à l'intéressé d'une certaine somme au titre de la solidarité nationale.
Sur appel de l'ONIAM, la cour administrative a jugé, infirmant le jugement de première instance, que la péritonite ne revêtait pas le caractère d'une infection nosocomiale au sens des dispositions de l'art. L. 1142-1-1 du code de la santé publique, car cette infection avait pour cause directe la rétractation de la colostomie réalisée cinq jours plus tôt, accident médical non fautif qui est au nombre des complications susceptibles de survenir lorsqu'une colostomie est réalisée sur un patient souffrant de la pathologie dont la victime était déjà atteinte avant son admission à l'hôpital.
Le Conseil d'État casse l'arrêt sur ce point pour erreur de droit en décidant qu'une infection doit être regardée comme revêtant un caractère nosocomial du seul fait qu'elle survient lors de la prise en charge du patient au sein de l'établissement hospitalier, sans qu'il ait été contesté devant le juge du fond qu'elle n'était ni présente ni en incubation au début de celle-ci et qu'il était constant qu'elle n'avait pas d'autre origine que cette prise en charge. A cet égard, précise encore le juge de cassation, il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection, à savoir la rétraction de la colostomie, avait le caractère d'un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante.
Cette décision apporte une autre précision, en matière de preuve cette fois, dans le cas de perte du dossier médical ou d'éléments de celui-ci. Confirmant une ligne jurisprudentielle antérieure (20 février 2008, Mme X. et autre, n° 286505 ; 26 novembre 2012, Mme X., n° 354108), le Conseil d'État juge, d'une part, que cette perte de pièces n'est pas de nature à établir l'existence de manquements fautifs de l'établissement de santé dans la prise en charge du patient, d'autre part, que cette circonstance impose au juge saisi de tenir compte de ce que le dossier médical était incomplet, dans l'appréciation portée sur les éléments qui lui étaient soumis pour apprécier l'existence des fautes reprochées à l'établissement dans la prise en charge du patient.
(1er février 2022, M. B., n° 440852)
140 - Essais nucléaires français dans le Pacifique – Victimes de radiations ionisantes – Présomption de causalité entre les essais et une pathologie – Absence de cause étrangère – Rejet.
La ministre des armées contestait un jugement déclarant établie et non renversée la présomption de causalité entre des essais nucléaires souterrains et la pathologie dont un aide-moniteur de sports nautiques est décédé à l’âge de trente-neuf ans.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi en relevant que la loi du 28 février 2017, d’une part, a institué au profit du demandeur qui satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, le bénéfice d’une présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie et, d’autre part, a décidé que cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires, en particulier parce qu'il n'a subi aucune exposition à de tels rayonnements.
En l’espèce, où les essais nucléaires censés avoir joué un rôle causal dans la pathologie de la victime, étaient souterrains, la ministre défenderesse soutenait qu’ils ne pouvaient – à raison même de ce caractère souterrain - être la cause de la survenue de la maladie mortelle de la victime.
Confirmant les premiers juges, le Conseil d’État, estime que cette dernière bénéficie de la présomption légale de causalité du fait qu’elle a victime a séjourné dans des lieux et pendant une période définie par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 et que la pathologie dont il est décédé figure sur la liste annexée au décret du 15 septembre 2014. C’est pourquoi il rejette l’argument selon lequel les essais nucléaires souterrains présentent des risques de contamination bien plus limités que les essais atmosphériques et qu'en sa qualité d'aide-moniteur de sports nautiques, la victime n'exerçait pas de fonctions radiologiquement exposées justifiant la mise en œuvre de mesures de surveillance spécifiques. En effet, selon lui, ces affirmations ne démontrent pas que la pathologie dont l'intéressé est décédé à trente-neuf ans résultait exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants due aux essais nucléaires.
Autant dire que la présomption ne peut, à peu près jamais, être renversée, ce qui transforme la responsabilité prétendue en une obligation automatique et quasi inconditionnée d’assurance.
(23 février 2022, Ministre des armées n° 447408)
(141) V. aussi, confirmant la déduction précédente dans des situations de fait diverses : 23 février 2022, Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), n° 449353 ; 23 février 2022, CIVEN, n° 449355 ; 23 février 2022, CIVEN, n° 449357 ; 23 février 2022, CIVEN, n° 449360.
Santé publique
142 - Covid-19 - Obligation de passe sanitaire - Illégalité en raison du taux d'anticorps de l'intéressée - Absence d'atteinte à une liberté fondamentale - Rejet.
La requérante demandait la suspension de l'exécution des dispositions du décret du 1er juin 2021 issues du décret du 7 août 2021, en ce qu'elles ne réglementent pas la situation des personnes ayant une sérologie positive. Elle voit dans cette omission une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale.
Le Conseil d'État estime peu convaincant le moyen tiré de ce que les risques liés à la vaccination et les contraintes tenant à l'application du passe sanitaire l'emporteraient sur les bénéfices individuels qu'elle pourrait en retirer, dès lors qu'elle présenterait un taux d'anticorps, mesuré par un test sérologique, qui assurerait son immunité.
Le recours est rejeté.
(2 février 2022, Mme Billy, n° 460956)
143 - Covid-19 – Maintien de l’obligation du port du masque en extérieur dans les écoles élémentaires – Mesure disproportionnée – Rejet.
C’est en vain que les requérants contestaient la légalité et demandaient la suspension d’exécution de la décision du premier ministre, annoncée en conférence de presse du 9 décembre 2021, de maintenir dans les écoles élémentaires l’obligation du port du masque dans les espaces extérieurs de celles-ci.
D’une part, la contamination est encore forte dans la classe d’âge de 0 à 9 ans (hospitalisations et admissions en soins critiques), d’autre part, le taux d’incidence demeure élevé pour ces derniers tandis que s’avère difficile le respect des règles de distanciation physique.
(15 février 2022, M. et Mme C., n° 461021)
(144) V. aussi, largement identique quant à l’argumentation et quant au rejet : 16 février 2022, Mme Donckof et autres, n° 461214.
145 - Prix des spécialités pharmaceutiques - Pouvoirs et obligations du Comité économique des produits de santé (CEPS) - Remise à la charge du titulaire des droits d'exploitation d'une spécialité - Respect du contradictoire sur demande - Fixation du prix de vente au public d'une spécialité - Prise en considération de l'amélioration du service médical rendu - Recours subsidiaire à une comparaison avec d'autres spécialités - Absence de spécialités à même visée thérapeutique - Conséquence - Annulations.
La requérante demandait l'annulation de la décision du Comité économique des produits de santé l'informant de la fixation du prix de référence de la spécialité Qizenday en vue du calcul de la remise à reverser aux URSSAF. La société ayant contesté cette décision par courriers et le CEPS n'y ayant pas donné suite, elle a constaté sur le site des URSSAF qu'avait été mise à sa charge, à leur égard, une remise d'un montant total de 177 570 543 euros. Elle demande au Conseil d'État, par deux requêtes (n° 446426 et n° 449580), l'annulation de la décision fixant le prix de référence et de celle établissant le montant de la remise.
Tout d'abord, il est jugé, sur le fondement de l'art. R. 163-33 du code de la sécurité sociale dans sa version alors applicable, que le CEPS doit, par tout moyen ayant date certaine, informer le titulaire des droits d'exploitation de la spécialité concernée lorsqu'il envisage de prendre une décision mettant à sa charge une remise. L'intéressé dispose ensuite d'un délai de huit jours pour présenter des observations écrites au comité et, le cas échéant, demander à être entendu par lui, cette audition étant en ce cas de droit.
Après cette procédure contradictoire, le CEPS communique par écrit au laboratoire titulaire des droits d'exploitation, ainsi qu'à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, le montant définitif de la remise qu'il a arrêté. Or en l'espèce, le CEPS n'a pas fait droit à la demande de la requérante, régulièrement formée, d'être auditionnée : privant ainsi cette dernière d'une garantie, le CEPS a ainsi rendu sa décision à l'issue d'une procédure irrégulière.
Ensuite, s'agissant de la décision fixant le prix de vente au public d'un médicament, le comité était tenu, à titre principal, d'apprécier l'amélioration du service médical rendu par le médicament et pouvait, à titre subsidiaire, se référer à des comparateurs économiquement pertinents au regard des connaissances médicales avérées. Le recours à cette comparaison n'est toutefois pas possible soit qu'il n'existe pas de médicaments à même visée thérapeutique permettant une comparaison soit lorsque le laboratoire fait état de l'existence de médicaments à même visée thérapeutique commercialisés en France, si ces derniers ne constituent pas des comparateurs pertinents à même visée thérapeutique que la spécialité pour laquelle une remise est envisagée.
Or en l'espèce, le CEPS, pour fixer le prix de référence de la spécialité Qizenday produite par la requérante, a retenu comme comparateur économique pertinent la spécialité Biotine du laboratoire Bayer, composée du même principe actif que la spécialité Qizenday et dont l'indication thérapeutique est dermatologique. Cependant la requérante proposait de retenir comme comparateur la spécialité Ocrevus qui est notamment indiquée dans le traitement des patients adultes atteints de sclérose en plaques primaire progressive qui est à même visée thérapeutique. Le comité n'a pas donné suite au courrier contenant cette proposition et il n'a pas davantage, devant le Conseil d'État, apporté d'éléments de nature à justifier des raisons qui l'auraient conduit à ne pas retenir la spécialité Ocrevus comme comparateur à même visée thérapeutique que la spécialité Qizenday. C'est, par suite, c’est illégalement qu'il a décidé, à la charge de la requérante, une remise fondée sur un comparateur prétendu pertinent, d'où l'annulation de sa décision.
(11 février 2022, Société MedDay Pharmaceuticals SA, n° 446426)
146 - Conventions conclues entre professionnels de santé et caisses de sécurité sociale - Procédure de déconventionnement en urgence d'un professionnel de santé - Suspension temporaire d'une convention - Incertitude sur la notion de « violation particulièrement grave des engagements conventionnels » - Rejet.
Les relations entre professionnels de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes...) et caisses d'assurance maladie sont régies par des conventions conclues entre ces dernières et les organisations représentatives de ces professionnels.
Lorsqu'est constaté un manquement de l'un d'eux aux obligations découlant d'une convention, la caisse d'assurance maladie dont il relève peut engager une procédure de déconventionnement qui peut revêtir deux formes : le déconventionnement de droit commun et le déconventionnement en urgence. Le premier cas concerne les cas de violation des engagements stipulés dans la convention et le second les cas de violation particulièrement grave de la convention ou causant un préjudice financier à la caisse.
Les organisations requérantes demandaient l'annulation de l'article 1er du décret n° 2020-1465 du 27 novembre 2020 relatif à la procédure de déconventionnement en urgence des professionnels de santé libéraux. Le premier alinéa de ce texte dispose : « En cas de violation particulièrement grave des engagements conventionnels d'un professionnel de santé adhérant (à une convention), notamment dans les cas de nature à justifier, en présence d'un préjudice financier pour l'assurance maladie, le dépôt d'une plainte pénale en application du quatrième alinéa de l'article L. 114-9 [c'est-à-dire lorsqu'une fraude est constatée pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret], le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie du lieu d'exercice du professionnel de santé, alerté le cas échéant par le directeur de tout autre organisme local d'assurance maladie concerné, peut décider de suspendre les effets de la convention à son égard pour une durée qui ne peut excéder trois mois. »
En ce cas est organisée une procédure contradictoire entre le directeur de la caisse et le professionnel de santé concerné.
S'agissant du grief de légalité externe, le lecteur est renvoyé au n° 145.
Deux moyens étaient développés au soutien de l'affirmation de l'illégalité interne du décret litigieux.
En premier lieu, il était soutenu que la mesure étant une sanction, la procédure organisée par ce décret était entachée d'illégalité. Le moyen est rejeté car précisément, une suspension temporaire n'est pas une sanction mais une simple mesure administrative destinée à sauvegarder certains intérEn second lieu, est également rejetéve destinée à sauvegarder certains intér rejeté et le professionnel de santé concerné.tativeêts.
En second lieu, est également rejeté le grief selon lequel méconnaîtrait le principe de sécurité juridique ou l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme la notion de « violation particulièrement grave des engagements conventionnels » mentionnée à l'article L. 162-15-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que le décret attaqué la précise en renvoyant notamment aux cas de nature à justifier, en présence d'un préjudice financier pour l'assurance maladie, le dépôt d'une plainte pénale en application du quatrième alinéa de l'article L. 114-9 de ce code - c'est-à-dire lorsqu'une fraude est constatée pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret -, les dispositions attaquées ne sont donc pas équivoques et sont suffisamment précises.
(11 février 2022, Syndicat des médecins libéraux (SML), n° 449199 ; Syndicat des biologistes (SDB), n° 449200 ; Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), n° 449201 ; Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), n° 449202; Fédération nationale des infirmiers (FNI), n° 449203; Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), n° 449246)
V., sur un autre aspect, le n° 4
147 - Covid-19 - Haut conseil de la santé publique - Collège et commissions spécialisées - Avis - Conditions de fonctionnement - Consultation du conseil scientifique - Rejet.
Les requérants contestaient divers actes ou prises de position adoptés en matière de lutte contre l'épidémie de Covid-19. Tous les moyens sont rejetés, le Conseil d'État précisant ou rappelant, au fil de l'analyse, un certain nombre de points, l'essentiel se portant sur le Haut conseil de santé publique.
On en donne quelques-uns ci-après.
Tout d'abord il est rappelé que sont irrecevables les conclusions tendant à l'annulation d'avis du Haut conseil ainsi que d'un communiqué de presse du ministre de la santé ne contenant ni ne révélant une décision. Ces actes ne sont susceptibles d'être discutés au contentieux qu'à l'occasion de recours dirigés contre des décisions qui en découleraient ou s'y référeraient.
Ensuite, la circonstance que des avis du Haut conseil ont été préparés par des groupes de travail transversaux constitués selon l'article 16 du règlement intérieur, composés notamment d'experts associés et dont les travaux ont été soumis à l'approbation du président du Haut Conseil n'établit une consultation irrégulière dudit conseil.
Ne rend pas irréguliers les avis que ce conseil rend le fait qu'ils ne sont pas accompagnés d'une mention attestant du respect des règles de conflis d'intérêts ou d'impartialité par les personnes qui y ont pris part.
Enfin, s'agissant du conseil scientifique, si celui-ci rend périodiquement des avis sur les mesures propres à mettre un terme à la catastrophe sanitaire, il n'a pas à être saisi pour avis préalablement à l'édiction de chacune de ces mesures.
(17 février 2022, Mme K. et autres, n° 441292)
Service public
148 - Ligue de football professionnel - Mission de service public administratif - Litige relatif à la commercialisation et à la redistribution des produits d'exploitation audiovisuelle des rencontres sportives - Activité n'entrant pas dans la mission de service public - Incompétence de l'ordre administratif de juridiction - Rejet.
Les requérantes avaient saisi le juge administratif de recours tendant à l'annulation de la décision du 24 février 2021 par laquelle le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a adopté le guide de répartition des droits audiovisuels 2020/2021, ainsi que son annexe intitulée « Guide de répartition droits audiovisuels Ligue 1 saison 2020/2021 ».
Il est jugé que si la Ligue est une personne morale de droit privé qui s'est vu confier une mission de service public administratif consistant à gérer le football professionnel, notamment l'organisation et la règlementation des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2, seuls les litiges relatifs aux actes et décisions pris par elle dans l'exercice d'une prérogative de puissance publique pour l'accomplissement de cette mission relèvent de la compétence de l'ordre administratif de juridiction. Tel n'est pas le cas d'un litige portant sur la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle et qui concerne la redistribution des produits en résultant entre les sociétés sportives propriétaires de ces droits.
(3 février 2022, Société anonyme sportive professionnelle Amiens Sporting Club Football (Amiens SC), n° 451960 ; société anonyme sportive professionnelle Toulouse Football Club (TFC), n° 451965)
149 - Suppression du brevet d'études professionnelles - Conditions de certification en vue du baccalauréat professionnel - Décret irrégulièrement pris - Erreur manifeste d'appréciation quant au devenir professionnel des candidats - Atteintes au principe d'égalité entre candidats et au principe de sécurité juridique - Rétroactivité - Annulation sur ce dernier point et rejet du surplus.
Les requérantes, ressortissant du secteur des instituts de beauté, de la parfumerie, des cosmétiques et de l'esthétique corporelle, demandaient l'annulation du décret n° 2020-1277 du 20 octobre 2020 relatif aux conditions de certification des candidats à l'examen du baccalauréat professionnel et portant suppression du brevet d'études professionnelles.
Elles font valoir au soutien de leurs prétentions divers moyens, tous rejetés sauf un.
En premier lieu, elles soutiennent l'irrégularité de la procédure au terme de laquelle a été pris ce décret. Ce moyen ne pouvait prospérer dans la mesure où il était fondé sur les exigences en matière de création ou modification du régime des diplômes ou titres homologués alors que le décret attaqué n'a pas pour objet de déterminer les diplômes et les titres homologués attestant de la qualification requise pour exercer les professions, ni de créer, réviser ou supprimer des diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'État relevant du champ professionnel des métiers dont les intérêts sont représentés par les organisations requérantes.
En deuxième lieu, ce texte n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il aurait pour conséquence de priver les élèves ayant renoncé ou échoué à l'examen du baccalauréat professionnel de la possibilité d'accéder aux métiers de l'esthétique, et en ce qu'il imposerait aux élèves âgés de moins de dix-huit ans ayant renoncé à présenter l'examen du baccalauréat professionnel, de suivre une préparation spécifique d'une durée comprise entre une et deux années selon les cas avant de se présenter au certificat d'aptitude professionnelle.
En effet, s'agissant, d'abord, des élèves ayant renoncé ou échoué à l'examen du baccalauréat professionnel, il leur est loisible soit de se présenter à nouveau à cet examen, le cas échéant en conservant pendant une durée de cinq ans le bénéfice des notes supérieures à dix sur vingt qu'ils auraient obtenues, soit préparer le certificat d'aptitude professionnelle, soit se présenter directement au certificat d'aptitude professionnelle en qualité de candidat libre s'ils sont âgés de plus de dix-huit ans : ils peuvent donc ainsi accéder aux métiers de l'esthétique. S'agissant ensuite, des élèves âgés de moins de dix-huit ans ayant renoncé à présenter l'examen du baccalauréat professionnel, si le décret litigieux a pour effet de les contraindre à suivre une préparation spécifique d'une durée comprise entre une et deux années selon les cas avant de se présenter au certificat d'aptitude professionnelle, il n'en résulte pas qu'eu égard aux objectifs poursuivis par ces dispositions, qui visent notamment à revaloriser le certificat d'aptitude professionnelle, les dispositions attaquées soient à ce titre entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
En troisième lieu, en revanche, les requérantes sont fondées à soutenir que, publié au J.O. du 22 octobre 2020 et entrées en vigueur le 1er janvier 2021, les nouvelles dispositions, ainsi intervenues au milieu de l'année scolaire 2020-2021, privent les élèves scolarisés au titre de cette année- là en classes de seconde et de première professionnelles dans un établissement public local d'enseignement ou dans un établissement privé sous contrat, ainsi que ceux préparant le baccalauréat professionnel par la voie de l'apprentissage, de la possibilité de se présenter au certificat d'aptitude professionnelle correspondant à la spécialité du baccalauréat professionnel postulé ou relevant du même champ professionnel et les autorisant, le cas échéant, à exercer une activité réglementée, alors même que leur inscription dans ces classes ou dans ces formations au début de l'année scolaire en cours leur en ouvrait la possibilité. Sur ce poit, le décret est annulé pour comporter des dispositions contraires à l'art. L. 221-5 du CRPA.
(4 février 2022, Confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa (CNAIB-SPA) et autres, n° 448017)
150 - Autorité administrative indépendante - Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) - Nomination du président du collège du HCERES - Irrégularités dans la procédure suivie - Absence - Situation administrative antérieure à la nomination comme président sans effet sur cette dernière - Rejet.
Les requérants contestaient la légalité de la désignation du président du collège du HCERES par le président de la république. Leur recours est rejeté.
Les divers moyens de légalité externe n'ont pas convaincu le Conseil d'État :
- la circonstance que le décret présidentiel nommant le président du HCERES ait été pris deux jours avant celui du premier ministre désignant les membres de cet organisme n'entache pas ces décrets d'iilégalité, ceux-ci étant entrés en vigueur à la même date ;
- la ministre compétente pouvait faire un appel à candidatures en vue de pourvoir la fonction de président du HCERES, aucune disposition non plus qu'aucun principe n'y faisant obstacle;
- n'est pas davantage irrégulier le fait que le premier ministre ait publié le décret de désignation des membres de ce conseil plus d'un an après la fin du mandat des précédents membres de son collège en dépit de ce que l'art. 5 de la loi du 20 janvier 2017 impartit de le faire au moins huit jours avant la fin des mandats précédents, ce délai n'étant pas prescrit à peine de nullité ;
- n'est pas, non plus, retenu le moyen de défaut d'impartialité de la décision litigieuse, fondé sur ce que deux membres de la commission ayant auditionné les candidats aux fonctions de président du collège du HCERES, l'une présidente d'université et présidente de la Coordination des universités de recherche intensive françaises et l'autre directeur général délégué à la science du CNRS, aient entretenu des relations avec la personne finalement retenue dès lors qu'il ne s'agissait point de liens tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles qui auraient été de nature à influer sur leur appréciation de sa candidature ; tout comme n'est pas retenue la circonstance que l'une de ces deux personnes faisait partie du collège de déontologie du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui avait recommandé de reprendre la procédure permettant de proposer au président de la république la nomination d'un membre du collège en tant que président du collège du HCERES, car cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie.
Pareillement est rejeté le principal grief touchant à la légalité interne et fondé sur le fait que la personne nommée était, jusqu'au jour de sa nomination, conseiller pour l'enseignement supérieur et la recherche au cabinet du président de la république, ce qui ne saurait faire obstacle à sa nomination en tant que président du collège du HCERES.
Ces questions de soupçon de partialité ou de « petits arrangements entre amis » sont irritantes car elles interviennent constamment dans des nominations à ce genre de postes et elles sont aussi difficiles à étayer qu'à réfuter ce qui laisse au juge, en dépit des incertitudes, une très grande marge de manoeuvre, ses propres décisions suscitant à leur tour ce même malaise.
En réalité, et de façon plus profonde, ceci révèle un mal profond : l’administration contemporaine a perdu sa légitimité ancestrale et nombre de citoyens et de réseaux sont portés, d’abord, à regarder ce qu’il y a derrière le miroir, oubliant qu’il existe une présomption d’innocence des personnes et, pour l’administration d’un État démocratique, une présomption de conformité de ses décisions et de son action au droit.
(4 février 2022, M. AG. et autres, n° 448315)
151 - Diplôme national du baccalauréat - Modalité de prise en compte des notes de contrôle continu pour l'attribution de ce diplôme - Harmonisation des notes - Atteinte au principe de sécurité juridique - Atteinte à la liberté pédagogique de l'enseignant - Absence d'équité dans l'évaluation des connaissances des candidats - Rejet.
En raison de l'épidémie de Covid-19, l'État a été conduit à accentuer dans les conditions d'obtention du baccalauréat la part des notes de contrôle continu pour l'obtention de ce diplôme telle qu'elle résultait de l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d'organisation du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et au baccalauréat technologique. Puis, par l'arrêté du 27 juillet 2021 portant adaptations des modalités d'organisation du baccalauréat général et du baccalauréat technologique à compter de la session 2022, ce mécanisme est destiné à devenir pérenne faisant désormais de plus en plus du baccalauréat un simple diplôme de fin d'études et de moins en moins le premier diplôme de l'enseignement supérieur, augurant ainsi d'une sélection plus ou moins inéluctable pour l'accès à l'université.
Le syndicat requérant invoquait au soutien de sa demande d'annulation de ce dernier arrêté plusieurs moyens, tous rejetés.
Désormais, la part du contrôle continu entrant pour 40% dans le calcul des points nécessaires à l'obtention du baccalauréat, une commission d'harmonisation des notes de contrôle continu est chargée de prendre connaissance de ces notes, de s'assurer de l'absence de discordance manifeste entre ces notes et de procéder, si nécessaire, à leur harmonisation.
Le Conseil d'État estime tout d'abord infondé le reproche d'atteinte à la sécurité juridique résultant des modifications apportées successivement au cours des trois dernières années au régime du baccalauréat par suite d'épidémie de Covid-19.
Il rejette également le moyen, pourtant non négligeable, d'atteinte à la liberté pédagogique et de dénaturation de la relation pédagogique entre les enseignants et leurs élèves ainsi qu’à l'objet de l'évaluation des élèves.
Enfin, ne prospère pas davantage aux yeux du juge l'argument tiré de ce que l'accroissement de la part du contrôle continu prise en compte dans la note finale du baccalauréat porte atteinte au respect des conditions d'équité dans l'évaluation des connaissances des candidats en vue de la délivrance d'un diplôme national.
Heureusement persiste la manie de réformer sans cesse le baccalauréat qui, peut-être, conduira à revenir sur une situation qui n'aurait de justification qu'accompagnée d'une sélection pour l'accès à l'enseignement supérieur à moins que l'on ne veuille accroître encore davantage la distinction universités/grandes écoles.
(4 février 2022, Syndicat Action et Démocratie, n° 457051)
152 - Centre pénitentiaire de Nouméa - Exécution des décisions contenues dans des décisions de justice antérieures - Exécution partielle, injonction pour les décisions encore inexécutées - Injonction sous astreinte.
Cette décision est la poursuite d'un lamentable feuilleton dont le scenario est tragique.
L'état désastreux du centre pénitentiaire de Nouméa (les deux énumérations ci-dessous sont éloquentes) a conduit le juge administratif, aiguillonné par l'organisation ici encore requérante à rendre plusieurs décisions contraignant l'administration pénitentiaire à prendre, si l'on peut dire, « le taureau par les cornes » pour mettre un terme à une situation qui n'a que trop duré.
Le juge était saisi, sur le fondement des art. L. 911-4 et L. 911-5 en sa qualité de juge de l'exécution de décisions antérieures (ordonnance du 19 févier 2020, décisions n° 439372 du 19 octobre 2020 et n° 439333 du 18 novembre 2020).
Si le juge se dit satisfait des mesures d'hygiène prises dans le quartier du centre de détention pour hommes et de maison d'arrêt, notamment dans les cellules constituées d'agglomérats de conteneurs maritimes, de la possibilité donnée aux prisonniers de laver leur linge, de la mise aux normes des installations électriques, du remplacement des ventilateurs cassés ou défectueux, de la lutte contre les remontées d'égouts dans les promenades, de l'aménagement de salles d'attentes n'étant plus insalubres et des parloirs, installation d'abris dans les cours de promenade, séparation des annexes sanitaires dans les cellules, luminosité des cellules, aménagement des abords des conteneurs utilisés comme cours de promenade, installation d'urinoirs dans les cours de promenade du centre de détention fermé, il relève également la persistance de points noirs (accès des personnes détenues aux téléphones mis à leur disposition, insalubrité des points d'eau et des sanitaires du quartier des mineurs, suivi des personnes détenues par un médecin addictologue, prolifération des moustiques, remplacement des fenêtres défectueuses).
Concernant les points qui demeurent à faire, une astreinte de 1 000 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'État s'il n'est pas justifié de leur exécution dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
(11 février 2022, Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 452354)
Sport
153 - Cycliste - Prise de substances prohibées - Condamnation initiale à quatre ans d'interdiction de participer à certaines manifestations sportives - Réduction de ce délai à deux ans par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) - Recours de la présidente de l'AFLD - Réduction irrégulière - Annulation et rétablissement de la durée de quatre ans.
Une personne licenciée de la Fédération française de cyclisme, a fait l'objet d'un contrôle anti dopage qui a révélé la présence de substances interdites dans le sang, ce qui a conduit cette fédération à prononcer à son encontre la sanction d'interdiction pendant quatre années de participer à certaines manifestations sportives.
Le collège de l'AFLD, saisi du dossier transmis par la Fédération française de cyclisme, a réduit à deux années la durée de la sanction. La présidente de l'AFLD a saisi le Conseil d'État de cette dernière décision.
Celui-ci estime que si la durée des interdictions prononcées pouvait être réduite, par une décision spécialement motivée, dès lors que les circonstances particulières de l'affaire le justifiaient au regard du principe de proportionnalité, sans que cette faculté soit limitée, il résulte de ce qu'après avoir relevé que le contrevenant avait utilisé des substances non spécifiées, sans autorisation d'usage thérapeutique ni raison médicale dument justifiée, et sans s'assurer de la composition du produit en cause, la commission des sanctions de l'AFLD ne pouvait légalement, pour décider la réduction de la durée des sanctions, retenir la « forte emprise » de l'entraîneur sur l'intéressé et sur l'ignorance dans laquelle ce dernier aurait été du caractère dopant des substances en cause, ce que l'instruction ne permettait pas d'établir, ainsi que sur le jeune âge du sportif et sur son absence d'éducation antidopage.
Le Conseil d'État rétablit la sanction dans sa durée initiale de quatre ans.
(7 février 2022, Présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage, n° 447333)
(154) V. aussi, la solution inverse adoptée dans une affaire très voisine mais où le contrevenant avait fait état d'explications crédibles pouvant permettre de penser que sa prise de substances prohibées n'avait pas été intentionnelle : 7 février 2022, Présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage, n° 452029.
Travaux publics et expropriation
155 - Ouvrage public - Responsabilité du maître d'ouvrage envers les tiers du chef de l'ouvrage - Régime et exclusions - Caractère du préjudice en cas de dommage accidentel - Qualification inexacte des faits - Cassation avec renvoi.
Le requérant demandait réparation du préjudice causé au mur de sa propriété par un remblai adossé au droit de sa parcelle du fait de la construction, par une commune, d'une maison de santé. Il avait demandé au maire de la commune de prendre les dispositions nécessaires à l'effet de faire cesser cette situation. Les juges du fond ont rejeté le recours qu'il avait formé contre le rejet implicite de sa demande.
Le juge de cassation, accentuant fortement et éclaircissant une jurisprudence récente (10 avril 2019, Compagnie nationale du Rhône c/ EDF, n° 411961) décide :
1°/ Que le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
2°/ Que, dans l'hypothèse où le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et revêt ainsi un caractère accidentel, les tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice subi.
En l'espèce, la cause du dommage dont se plaint le requérant réside dans la poussée exercée sur le muret de clôture de sa propriété par les terres remblayées par la commune pour la réalisation du parking de la maison de santé. Ce dommage résulte ainsi de l'absence de dispositif de soutènement des terres ainsi remblayées. Il n'est donc pas inhérent à l'existence même de la maison de santé et de son parking. Alors que le dommage ne présentait ainsi pas le caractère de dommage permanent et constituait, par conséquent, un dommage accidentel, la cour administrative d'appel, en ne retenant pas cette dernière qualification, a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
(8 février 2022, M. C., n° 453105)
(156) V. aussi, voisine, la décision rappelant que le régime de responsabilité sans faute à prouver du chef de dommages causés aux tiers par un ouvrage public ne s'applique pas dans le cas où les dommages sont imputés à l'absence d'un tel ouvrage : 11 février 2022, M. et Mme G., n° 449831.
Urbanisme et aménagement du territoire
157 - Délibération portant transfert de propriété d'un bien du domaine privé communal en vue de la construction de logements - Décision créatrice de droits même si elle est assortie d'une clause résolutoire - Erreur de droit - Refus d'indemnisation - Annulation partielle.
(3 février 2022, Société anonyme HLM Immobilière Atlantic Aménagement, n° 438196)
V. n° 11
158 - Déclaration de travaux - Construction d'une station relais de téléphonie mobile - Décision tacite de non-opposition à travaux - Opposition postérieure du maire - Retrait impossible - Annulation.
Commet une erreur de droit le jugement qui rejette le recours en annulation d'un opérateur de téléphonie mobile dirigé contre l'opposition du maire à la réalisation des travaux d'édification d'une station relais de téléphonie mobile alors qu'était déjà née une décision tacite de non-opposition.
En effet, la société avait déposé une déclaration de travaux le 11 mars 2020, devant être regardée comme complète à la date du 28 avril 2020, à laquelle le maire a attesté la réception de pièces complémentaires.
L'ordonnance du 25 mars 2020 a prorogé les délais échus pendant la période d'urgence sanitaire laquelle s'est achevée le 8 mai 2020, date de la publication au Journal officiel du décret du 7 mai 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19.
Le délai de formation d'une décision tacite de non-opposition à travaux en matière de relais de téléphonie mobile a donc débuté le 9 mai 2020 et s'est achevé le 9 juin 2020, date où est née cette décision tacite.
Le maire ne pouvait pas, par sa décision du 19 juin 2020, s'opposer à la demande de la requérante puisque cela constituait le retrait d'une décision créatrice de droits alors que l'art. 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dispose que : « Á titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. (...) ».
(7 mai 2022, Société Free Mobile, n° 445862)
159 - Permis de construire valant permis de démolir - Permis concernant un établissement recevant du public - Règles spécifiques d'aménagement interne - Obligation s'imposant au pétitionnaire - Absence de précision sur ce point dans le permis - Exigence d'une mention spéciale par le maire sur le permis délivré - Rejet.
De cette décision relative à un permis de construire valant permis de démolir en vue de l'édification d'un immeuble collectif, on retiendra surtout le point suivant.
L'aménagement intérieur de locaux constitutifs d'un établissement recevant du public, nécessite une autorisation spécifique au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation.
En aucun cas le permis de construire ne saurait valoir autorisation au sens de la disposition précitée.
C'est pourquoi, s'il est possible de délivrer un permis de construire alors que cet aménagement intérieur n'est pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire, le permis délivré doit mentionner expressément l'obligation de demander et d'obtenir une autorisation complémentaire avant l'ouverture au public, et ce alors même que le contenu du dossier de demande de permis de construire témoignerait de la connaissance, par le pétitionnaire, de cette obligation.
(11 février 2022, Mme B. et autres, SCI Allayan, n° 448357)
160 - Permis de construire un complexe cinématographique - Demande d'annulation - Recours formé par une association - Intérêt à agir - Intérêt non reconnu - Qualification inexacte des faits - Annulation.
L'arrêt d'une cour administrative d'appel déniant à une association l'intérêt à agir contre le permis - délivré le 12 juillet 2016 - de construire un complexe cinématographique avec douze salles et 1 614 fauteuils, une salle polyvalente, un hall, deux commerces de restauration et des locaux d'exploitation, est annulé.
Le Conseil d'État aperçoit dans cet arrêt une inexacte qualification des faits dans la mesure où il résulte de l'article 2 de ses statuts - lesquels ont été déposées en préfecture le 8 octobre 2012 - que l'association à pour objet de « défendre l'ensemble des éléments objectifs et subjectifs constituant le cadre de vie des habitants ainsi que la protection de l'environnement du bâti et du non bâti de Montluçon » et pour moyen d'action, en particulier, de « contester les opérations d'aménagement et les permis de construire autorisés sur le territoire de Montluçon et qu'elle considère portant atteinte à ses objectifs ».
Ainsi l'objet matériel de l'association et son champ d'action géographique, limité au territoire communal, sont nettement déterminés.
(11 février 2022, Association Un certain regard sur Montluçon, n° 449827)
161 - Permis de construire des éoliennes - Décision avant-dire droit ordonnant la prise et la communication de mesures de régularisation du permis - Défaut de communication de ces mesures à l'expiration du délai prescrit - Pouvoirs et devoir du juge saisi - Possibilité de contester les mesures prises après invitation du juge - Rejet.
L'histoire est longue, c'est une véritable saga... Qu'on en juge.
Huit arrêtés préfectoraux délivrent le 12 janvier 2012 des permis de construire pour l'implantation d'éoliennes et de deux postes de livraison à la société en nom collectif MSE La Tombelle.
Le recours dirigé contre ces décisions est rejeté par le tribunal administratif le 28 juin 2013. Sur appel de la demanderesse, la cour administrative d'appel annule le jugement et ces décisions, le 28 octobre 2014.
Sur pourvoi de la pétitionnaire, le Conseil d'État casse cet arrêt le 20 janvier 2016 et renvoie l'affaire devant la cour.
Celle-ci, le 13 mars 2018, a, à nouveau, annulé le jugement ainsi que les huit arrêtés litigieux.
Saisi de deux pourvois, l'un du ministre de la cohésion des territoires et l'autre de la société pétitionnaire, le Conseil d'État a, par une décision du 27 mai 2019, d'une part, annulé l'arrêt du 13 mars 2018 et d’autre part, a sursis à statuer sur la requête présentée par l'association « Eoliennes s'en naît trop » devant la cour administrative d'appel jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois ou de six mois en cas d'enquête publique, à compter de la notification de sa décision.
Devant régler le litige au fond puisqu'il était saisi pour la seconde fois d'un pourvoi dans la même affaire (cf. art. R. 821-2 CJA), le Conseil d'État rendit une décision avant-dire droit constatant que le vice retenu par la cour comme entachant les arrêtés préfectoraux était régularisable et prononça un sursis à statuer pour permettre la régularisation du vice de procédure entachant les arrêtés attaqués par la consultation de la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable territorialement compétente, dans les conditions définies aux art. R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement et en portant ce nouvel avis à la connaissance du public. Il indiquait encore dans cette décision que si cet avis différait substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont les permis de construire avaient fait l'objet, une enquête publique complémentaire devrait être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les art. L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement.
Enfin, il accordait un délai de trois mois (ou de six mois en cas de nouvelle enquête publique), à compter de la notification de sa décision pour que lui soient notifiés les éléments de régularisation.
En raison de la différence substantielle entre l'avis rendu primitivement et celui du 9 septembre 2019 donné par la mission régionale de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable territorialement compétente, une nouvelle enquête publique s'est tenue au cours du mois de mars 2021 et le préfet, par arrêtés du 23 juin 2021 qu'il a notifiés au Conseil d'État le 24 juin 2021, a délivré les permis de construire de régularisation à la société pétitionnaire.
La requérante demande l'annulation de ces permis, relevant en particulier qu'ils n'ont été transmis au Conseil d'État qu'après expiration du délai qu'il avait fixé.
C'est l'occasion pour le juge d'apporter trois précisions importantes et assez nouvelles.
Tout d'abord, lorsque le juge - sur le fondement de l'art. L. 600-5-1 du code de l'urbanisme - fixe un certain délai pour la prise de mesures de régularisation et pour leur notification, il peut, d'une part statuer à tout moment sur la demande d'annulation du permis et, en particulier, y faire droit car les mesures de régularisation exigées ne lui ont pas été notifiées à la date d'expiration du délai qu'il avait fixé.
Ensuite, la seule expiration du délai ne suffit pas à rendre caduques ou irrégulières les mesures de notification, notamment le juge peut en tenir compte dans son appréciation de la légalité des permis attaqués devant lui. On reconnaît là une application de la jurisprudence, applicable aux décisions administratives, selon laquelle l'expiration d'un délai non sanctionné n'entache pas d'illégalité les décisions prises après l'expiration du délai.
Enfin, les requérants qui sont parties à l'instance ayant donné lieu à la décision avant-dire droit sont recevables à contester la légalité de la mesure de régularisation produite dans le cadre de cette instance, tant que le juge n'a pas statué au fond, sans condition de délai.
Au fond, il est jugé que les permis de construire délivrés à titre de régularisation ont bien purgé le vice dont été entachés les permis primitifs et qu’il y a lieu de rejeter le pourvoi.
Dix ans et six jours après les décisions litigieuses justice est faite… Enfin « justice » il faut le dire vite car à ce rythme le mot justice paraît quelque peu usurpé.
(16 février 2022, Association « Eoliennes s'en naît trop », n° 420554)
162 - Urbanisme opérationnel - Révision de la carte communale - Dossier de l'enquête publique - Dispense d'évaluation environnementale - Classement de parcelles en zone d'activités économiques - Rejet.
Une commune ayant révisé sa carte communale et cette carte ayant été approuvée par le préfet, l'association requérante l’a contestée devant le juge administratif. Déboutée en première instance et en appel, elle se pourvoit en cassation, en vain, ses divers moyens étant rejetés.
Trois de ces moyens, d'importance variable retiennent l'attention.
Etait développée d'abord l'incomplétude du dossier soumis à l'enquête publique. Celui-ci, sur décision de l'autorité environnementale, ne comportant pas d'évaluation environnementale les demandeurs estimaient qu'il devait, en revanche comporter, conformément aux dispositions du 2° de l'art. R. 123-8 du code de l'environnement, « une note de présentation précisant les coordonnées du maître d'ouvrage ou du responsable du projet, plan ou programme, l'objet de l'enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme et présentant un résumé des principales raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'environnement, le projet, plan ou programme soumis à enquête a été retenu ; (...) ». Or la cour administrative d'appel, approuvée par le Conseil d'État qui n'aperçoit dans son arrêt ni erreur de droit ni contrdiction de motifs, avait estimé que le dossier d'enquête n'était pas incomplet car il comportait une étude de « l'évaluation et incidences de la carte communale sur le site Natura 2000 du réseau hydrographique (...) », élaborée par un bureau d'étude indépendant et reprenant les différentes informations requises de la note de présentation.
Ensuite, était discutée, sur le fondement de l'art. 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, la légalité de la décision portant dispense d'évaluation environnementale. Deux moyens étaient soulevés : un défaut d'objectivité et un risque de conflit d'intérêts dans le chef de l'autorité chargée de procéder à l'examen du dossier au cas par cas et l'erreur d'appréciation des effets de la carte communale révisée sur le réseau hydrographique.
Le premier moyen est rejeté car il ne résulte d'aucune disposition de cette directive qu'elle interdit que l'autorité chargée de procéder à l'examen au cas par cas soit également l'autorité compétente pour se prononcer sur le plan ou programme, sous la réserve que cette autorité accomplisse les missions résultant de la directive de façon objective et ne se trouve pas dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts, notamment si l'autorité compétente est chargée de l'élaboration du plan ou du programme soumis à autorisation. Tel est le cas en l'espèce, ainsi que l'a jugé la cour, où la révision de la carte communale a été prescrite et instruite par la commune, le préfet n'intervenant que pour approuver, à la fin de la procédure, le document élaboré par la commune. Le second moyen ne prospère pas davantage car, au bénéfice de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour, après examen de l'étude précitée relative à « l'évaluation et incidences de la carte communale sur le site Natura 2000 du réseau hydrographique (...) », a constaté que celle-ci établissait, par une analyse détaillée de l'état des lieux et des incidences du projet, que le réseau hydrographique ne serait pas affecté de manière significative par la révision de la carte communale.
Enfin, le classement d'un espace en zone UA (zone d'activités économiques) ne révèle pas - ainsi que jugé par la cour - une erreur manifeste d'appréciation dès lors que cette zone, d'une superficie de cinq hectares, se trouve sur une friche ne comportant aucune exploitation agricole et qu'elle est situé près d'une zone U. Etant observé, au surplus que les zones naturelles et agricoles couvrent 93,9 % du territoire communal.
Le pourvoi est rejeté au terme d'une analyse serrée des faits pour une décision de cassation.
(16 février 2022, Association pour la sauvegarde et la salubrité de Faleyras Targon et environs (ASSFALTE), n° 437202)
163 - Non-opposition à une déclaration préalable – Recours contentieux contre cette décision - Régime de la notification du recours – Justification de l’accomplissement des formalités - Impossibilité de produire ces justifications pour la première fois en appel – Rejet.
Il résulte de l’art. R. 600-1 du code de l’urbanisme que l'auteur d'un recours contentieux contre une décision de non-opposition à déclaration préalable est tenu, à peine d'irrecevabilité de ce dernier, de notifier une copie du recours contentieux et, le cas échéant, du recours gracieux qui l'a précédé, ou un courrier reprenant intégralement l'exposé des faits et moyens ainsi que les conclusions de la demande, tant à l'auteur de l'acte ou de la décision qu'il attaque qu'à son bénéficiaire.
Il s’ensuit qu’un tel recours est irrecevable lorsque son auteur, après y avoir été invité par le juge ou en réponse à une fin de non-recevoir soulevée en défense, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités requises par cet article. Cette irrecevabilité étant d’ordre public, elle peut être opposée, au besoin d'office, par le juge.
La preuve du respect des formalités requises est en principe suffisamment faite par la production du certificat de dépôt de la lettre recommandée sauf s’il est soutenu devant le juge qu'elle aurait eu un contenu insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours.
Cependant, lorsque cet auteur n'a pas justifié en première instance de l'accomplissement des formalités de notification requises alors qu'il a été mis à même de le faire, soit par une fin de non-recevoir opposée par le défendeur, soit par une invitation à régulariser adressée par le tribunal administratif, il n'est pas recevable à produire ces justifications pour la première fois en appel.
Faute d’avoir respecté ces exigences, le recours est rejeté.
(24 février 2022, M. D., n° 442835)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Janvier 2022
Janvier 2022
(La relative brièveté de cette Chronique résulte du faible nombre d'arrêts publiés)
Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse
1 - Décision du président de l’Assemblée nationale nommant un membre du Conseil constitutionnel – Incompétence manifeste de l’ordre administratif de juridiction – Rejet du référé.
Doit être rejeté selon la procédure de l’art. L. 522-3 du CJA, comme porté devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître, le référé liberté tendant à la suspension de la décision par laquelle le président de l’Assemblée nationale nomme, en application des dispositions de l’art. 56 de la Constitution, un membre du Conseil constitutionnel
(ord. réf. 21 janvier 2022, M. A., n° 460456)
Audiovisuel, informatique et technologies numériques - Intelligence artificielle
2 - Site internet - Politique relative aux « cookies » - Non-respect des obligations s’imposant aux responsables de sites internet – Sanction – Compétence à cet effet de la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – Rejet.
Une nouvelle fois, c’est le comportement déplorable de Google qui est sur la sellette et motive l’importante décision ici rapportée.
Suite à un contrôle en ligne effectué le 16 mars 2020 sur le site « google.fr », il a été constaté des manquements aux obligations s’imposant aux responsables de sites en matière de « cookies », certains de ces manquements persistant le 10 septembre 2020 après engagement d’une procédure de sanction et alors que les sociétés requérantes ont mis à jour leur système le 17 août 2020.
En conséquence, une sanction a été infligée, respectivement de 60 millions et de 40 millions d’euros, par la formation restreinte de la CNIL assortie d’une obligation de se mettre en conformité avec la loi sous astreinte de cent mille euros par jour de retard et de la publication de ces décisions avec anonymisation deux ans plus tard.
Les requérantes demandent l’annulation de ces décisions ; leurs recours est rejeté.
Quatre points sont successivement examinés par le juge dont le premier est très important, justifiant la publication de la décision au Recueil Lebon : la compétence de la formation restreinte de la CNIL, la régularité de la procédure suivie, l’existence de manquements aux obligations en matière de « cookies » et le caractère proportionné des sanctions infligées.
C’est le débat sur la compétence de la formation restreinte de la CNIL pour édicter les sanctions qui retient, au principal, l’attention.
I. - Les requérantes soutenaient – en s’appuyant sur les dispositions de l’art. 56 du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016 (RGPD) - que s’agissant d’un traitement transfrontalier la seule autorité compétente pour constater et, éventuellement sanctionner, un manquement en la matière est l'autorité nationale de contrôle de l'établissement du responsable du traitement, c'est-à-dire en l'espèce l'autorité irlandaise, laquelle serait compétente pour agir en tant qu'autorité de contrôle chef de file pour un tel traitement transfrontalier. Par suite, la CNIL et en particulier sa formation restreinte, n’était pas compétente pour prendre les décisions dont l’annulation est, en conséquence, demandée. Il est vrai que selon, d’une part, le paragraphe 1 de l'article 55 du RGPD « Chaque autorité de contrôle est compétente pour exercer les missions et les pouvoirs dont elle est investie conformément au présent règlement sur le territoire de l'État membre dont elle relève » et, d’autre part, le paragraphe 1 de l'article 56 du même règlement « Sans préjudice de l'article 55, l'autorité de contrôle de l'établissement principal ou de l'établissement unique du responsable du traitement ou du sous-traitant est compétente pour agir en tant qu'autorité de contrôle chef de file concernant le traitement transfrontalier effectué par ce responsable du traitement ou ce sous-traitant, conformément à la procédure prévue à l'article 60 ».
Bien que ces dispositions soient en elles-mêmes très claires, le Conseil d’État, pour rejeter l’argumentation qui en est tirée, se fonde sur les dispositions de l'article 15 bis de la directive du 12 juillet 2002, qui est relatif aux sanctions applicables aux violations des objectifs de cette directive telles que ces dispositions sont interprétées par la jurisprudence constante de la CJUE (1er octobre 2019, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände Verbraucherzentrale Bundesverband eV/Planet49 GmbH, aff. C-673/17 ; 15 juin 2021, Facebook Ireland Ltd e.a., aff. C-645/19). Or il résulte de cette jurisprudence que si les conditions de recueil du consentement de l'utilisateur prévues par le RGPD du 27 avril 2016 sont applicables aux opérations de lecture et d'écriture dans le terminal d'un utilisateur, il n'a pas été prévu l'application du mécanisme dit du « guichet unique » aux traitements transfrontaliers, défini à l'article 56 de ce règlement, pour les mesures de mise en œuvre et de contrôle de la directive précitée du 12 juillet 2002, qui relèvent de la compétence des autorités nationales de contrôle en vertu de l'article 15 bis précité de cette directive.
Le Conseil d’État en tire donc cette conséquence que, pour ce qui concerne le contrôle des opérations d'accès et d'inscription d'informations dans les terminaux des utilisateurs en France d'un service de communications électroniques, même procédant d'un traitement transfrontalier, les mesures de contrôle de l'application des dispositions ayant transposé les objectifs de la directive de 2002 précitée relèvent de la compétence conférée à la CNIL par la loi du 6 janvier 1978.
En effet, en premier lieu, le paragraphe 3 de l'article 5 de la directive de 2002 dispose que : « Les États membres garantissent que le stockage d'informations, ou l'obtention de l'accès à des informations déjà stockées, dans l'équipement terminal d'un abonné ou d'un utilisateur n'est permis qu'à condition que l'abonné ou l'utilisateur ait donné son accord, après avoir reçu (…) une information claire et complète, entre autres sur les finalités du traitement. Cette disposition ne fait pas obstacle à un stockage ou à un accès technique visant exclusivement à effectuer la transmission d'une communication par la voie d'un réseau de communications électroniques, ou strictement nécessaires au fournisseur pour la fourniture d'un service de la société de l'information expressément demandé par l'abonné ou l'utilisateur. ». Et, en second lieu, l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui a procédé à la transposition dudit paragraphe 3 de l'article 5 de la directive de 2002, dispose : « Tout abonné ou utilisateur d'un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète, sauf s'il l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :
1° De la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement ;
2° Des moyens dont il dispose pour s'y opposer.
Ces accès ou inscriptions ne peuvent avoir lieu qu'à condition que l'abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle.
Ces dispositions ne sont pas applicables si l'accès aux informations stockées dans l'équipement terminal de l'utilisateur ou l'inscription d'informations dans l'équipement terminal de l'utilisateur :
1° Soit, a pour finalité exclusive de permettre ou faciliter la communication par voie électronique ; 2° Soit, est strictement nécessaire à la fourniture d'un service de communication en ligne à la demande expresse de l'utilisateur ».
Par suite, la décision attaquée de la CNIL n’ayant entendu assurer le respect que des seules obligations résultant de l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 transposant les exigences du paragraphe 3 de l'article 5 de la directive de 2002, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la formation restreinte de la CNIL n'aurait pas été compétente, qu'elle aurait fait une inexacte application des dispositions litigieuses et commis une erreur d'appréciation en considérant que sa compétence excluait l'application du mécanisme dit du « guichet unique ».
La solution, peut-être formulée avec un certain embarras que traduit une rédaction longue et complexe, est cependant très logique et l’on doute fortement qu’elle puisse ne pas être entièrement approuvée par la Cour de Luxembourg.
II. – Ensuite, c’est sans difficulté qu’est écarté le moyen tiré du caractère irrégulier du déroulement de la procédure de sanction en ce que la formation restreinte de la CNIL aurait méconnu les droits de la défense et les exigences de la contradiction, en l'absence de mise en demeure préalable et de prise en compte de la coopération que les contrevenantes auraient apportée au cours de la procédure. L’analyse des divers échanges, écrits et oraux, intervenus au cours de l’examen de cette affaire, y compris l’intervention du rapport rédigé par le rapporteur et les réponses qui y ont été données, conduisent à écarter le moyen d’autant plus que le prononcé d'une sanction n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une mise en demeure du responsable de traitement ou de son sous-traitant par le président de la CNIL.
III. – Également, les manquements aux obligations pesant sur les responsables de sites internet en matière de « cookies » ne sont guère discutables et certains d’entre eux subsistaient encore après la mise à jour du 17 août 2020 consécutive à l’engagement de la procédure de sanction. A cet égard, les points 16 à 18 de cette décision sont particulièrement éloquents et illustratifs.
IV. – Enfin, le lecteur ne sera pas étonné d’apprendre que le juge a retenu le caractère proportionné à la fois de la sanction financière et des mesures correctrices décidées par la CNIL. Rappelons que le moteur de recherche de Google représente en France une part de marché supérieure à 90% et 47 millions d’utilisateurs environ. On imagine sans peine que les recettes publicitaires engrangées du fait des cookies intempestifs, injustifiés et, parfois, dont la présence est cachée à l’utilisateur, rendent même très modérées les sommes infligées à titre de sanction à une entreprise dont le bénéfice net était de 74 milliards de dollars en 2021 (un peu plus de 65 milliards d’euros).
(28 janvier 2022, Sociétés Google LLC et Google Ireland Limited, n° 449209)
Contrats
3 - Marché public conclu sous la forme d’un accord-cadre – Marché de collecte, tri et valorisation de déchets – Obligation d’indications devant être contenues dans l’avis de marché ou l’accord-cadre - Interprétation par la CJUE – Obligation d’indiquer la qualité et/ou la valeur estimée ainsi que la quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir – Jurisprudence d’effet immédiat – Application au cas de l’espèce – Rejet.
La communauté de communes Convergence Garonne a - par des avis d'appel public à la concurrence publiés au Bulletin officiel des annonces de marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne - engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché sous forme d'accord-cadre ayant pour objet la « collecte en porte-en-porte et en apport volontaire, tri et valorisation des déchets », ces prestations étant décomposées en deux lots dont le n° 1 est relatif à la collecte des déchets ménagers et assimilés en porte-en-porte.
La société Coved, classée deuxième s'agissant du lot n° 1, a été informée du rejet de son offre et de l'attribution de l'accord-cadre à une autre société. Elle a saisi le juge des référés précontractuels sur le fondement de l'article L. 551-1 du CJA d’une demande d’annulation des décisions relatives à la procédure de passation de ce lot n° 1.
La communauté de communes se pourvoit en cassation contre l'ordonnance de référé annulant la procédure d'attribution du lot n° 1.
Ce pourvoi posait une délicate question de combinaison de textes.
En premier lieu, l’art. R. 2162-4 du code de la commande publique, dans sa rédaction applicable au litige, disposait : « Les accords-cadres peuvent être conclus :
1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;
2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;
3° Soit sans minimum ni maximum ».
En second lieu, toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (17 juin 2021, Simonsen Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff.C-23/20), a, sans prévoir une application différée dans le temps de cette interprétation, jugé que les dispositions de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics devaient être interprétées dans le sens, d’une part, que « l'avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu'une quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir en vertu d'un accord-cadre et qu'une fois que cette limite aurait été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets » et, d’autre part, que « l'indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d'un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges ».
Il suit de là que pour ceux des marchés entrant dans le champ d’application de cette directive, tout appel à concurrence relatif à un tel marché destiné à être passé sous la forme d'un accord-cadre, l'avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l'avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées.
En l’espèce, le juge des référés précontractuels a souverainement, d’une part, jugé que ni l'avis de marché, ni le cahier des clauses techniques particulières, ni aucune autre pièce du marché ne mentionnait la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n° 1 de l'accord-cadre en litige, et, d'autre part, estimé qu'en l'espèce, l'absence de cette information n'avait pas mis la société Coved à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre. Ce jugeant, il n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en annulant la procédure de passation du lot en litige.
(28 janvier 2022, Communauté de communes Convergence Garonne, n° 456418)
Droit du contentieux administratif
4 - Référé liberté – Demande de retrait ou d’interdiction de fresques à caractère pornographique et sexiste affichées au sein de structures hospitalières - Condition d’urgence – Absence en l’espèce – Rejet.
Est rejetée pour défaut d’urgence la demande des associations requérantes tendant à voir le juge du référé liberté ordonner au premier ministre et au ministre de la santé dans les quarante-huit heures, en premier lieu, de prendre des mesures contraignantes et de portée nationale à l'attention de tous les directeurs de centres hospitaliers visant à interdire, et le cas échéant retirer, l'ensemble des fresques à caractère pornographique et sexiste affichées au sein de leurs services, en deuxième lieu, d'évaluer les conséquences néfastes qu'ont pu avoir ces fresques pour les usagers et personnels et de prendre toutes mesures propres à réparer les éventuels dommages causés par ces fresques et, en dernier lieu, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les professionnels soient sensibilisés aux violences sexistes.
(ord. réf. 17 janvier 2022, Associations « Osez le féminisme ! » et « Les Effronté-e-s », n° 460166)
5 - Demande en référé suspension – Obligation d’une requête distincte en annulation – Absence – Irrecevabilité manifeste – Rejet.
Rappel de ce que les dispositions de l’article L. 521-1 du CJA imposent à l’auteur d’une demande en référé suspension d’accompagner celle-ci d’une requête en annulation de la décision dont est demandée la suspension. A défaut, la requête en référé est manifestement irrecevable et doit être rejetée selon la procédure expédiente de l’art. L. 522-3 du CJA.
(ord. réf. 21 janvier 2021, M. A., n° 460595)
6 - Établissement du tableau d’avancement au grade de président du corps des magistrats des tribunaux et cours administratifs - Recours contre des délibérations du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) rendues en cette matière - Compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État – Rejet.
Statuant sur un recours en annulation de délibérations du CSTACAA n’ayant pas inscrit le requérant respectivement au tableau d'avancement principal au grade de président du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et au tableau d'avancement complémentaire à ce même grade, le Conseil d’État, confirmant un tendance jurisprudentielle, juge implicitement être compétent en premier et dernier ressort pour connaître d’un tel recours.
(24 janvier 2022, M. P., n° 445786)
7 - Recours en rectification d'erreur matérielle - Admission du recours - Conséquences - Déclaration comme "non avenue" de la décision entachée d'erreur.
Le litige portait sur un recours en rectification d'erreur matérielle d'une ordonnance d'un président de chambre de la section du contentieux du Conseil d'État refusant d'admettre un pourvoi en cassation.
L'intéressée, après saisine du Conseil d'État, avait déposé une demande d'aide juridictionnelle devant la section spécialisée pour les affaires relevant du tribunal administratif du bureau d'aide juridictionnelle établi près le tribunal judiciaire de Pontoise. Or celui-ci, tenu de la transmettre au bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'État, ne l'avait pas fait.
Le juge saisi d'un pourvoi était donc tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision sur la demande d'aide et cela alors même qu'il n'avait pas été avisé de l'existence de la demande d'aide juridictionnelle. L'ordonnance refusant l'admission du pourvoi, entachée d'erreur matérielle, est déclarée "non avenue" et non pas "annulée".
(31 janvier 2022, Mme O., n° 454992)
8 - Référé suspension - Incompétence manifeste du juge administrtatif - Rejet.
Le juge des référés du Conseil d'État se déclare "manifestement incompétent" pour connaître de conclusions tendant, sur le fondement de l'art. L. 521-1 CJA, à la suspension d'exécution de dispositions législatives. Le référé suspension ne peut concerner que des décisions administratives.
Il eut été plus logique d'opposer non l'incompétence du juge saisi mais l'irrecevabilité du recours dont il était saisi.
(25 janvier 2022, M. B., n° 460713)
9 - Arrêté ministériel portant extension d’un accord de branche relatif à la tenue d’élections professionnelles – Élections ayant eu lieu – Requête devenue sans objet – Non-lieu à statuer.
(24 janvier 2022, Fédération CFE-CGC Énergies, n° 430294)
V. n° 12
Droit fiscal et droit financier public
10 - Abus de droit (art. L. 64 LPF) – Notion – Existence en l’espèce – Conséquences sur la procédure et le régime d’imposition – Rejet.
Dans le cadre du contrôle d’une opération de rachat d’un groupe d’édition par une autre société, l’administration fiscale a aperçu un abus de droit dans le montage de l’opération et imposé, en conséquence, dans une certaine catégorie d’impositions, les gains réalisés.
La cour administrative d’appel a confirmé l’existence d’un abus de droit et requalifié la catégorie dont relevait l’imposition litigieuse. Les requérants se pourvoient en cassation contre cet arrêt. Ils sont déboutés.
En premier lieu, le juge de cassation rejette deux moyens tirés d’irrégularités de l’arrêt attaqué et de la procédure d’imposition.
Tout d’abord, ayant constaté l’erreur de catégorie d’imposition retenue par l’administration fiscale la cour pouvait relever d’office ce moyen qui est d’ordre public puisqu’il concerne le champ d’application de la loi ; parallèlement, l’administration fiscale, qui peut à tout moment de la procédure contentieuse suivie devant le juge de l'impôt, justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée, pouvait, informée de ce relèvement d’office, demander au juge de l'impôt de procéder à une substitution de base légale en assujettissant les intéressés non au titre de la plus-value de cession de valeurs mobilières comme elle l’avait initialement estimée, mais à celui de l'imposition des traitements et salaires.
Ensuite, contrairement à ce que soutenaient les requérants, c’est sans qualifier inexactement les faits de l’espèce que la cour a jugé qu’en l’absence de toute substance, la société créée entre membres de la famille des demandeurs ne constituait qu’une interposition présentant un caractère artificiel dans le but d'éluder le paiement de l'impôt dont le contribuable aurait été redevable s'il avait cédé lui-même à la société acquéreuse les titres qu'il détenait. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que l'apport de ces titres à une société de droit belge n'aurait pas conduit à modifier la charge fiscale personnelle du demandeur.
En deuxième lieu, confirmant la cour administrative d’appel, le Conseil d’État juge qu’en l’espèce a été commis un abus de droit. L’art. L. 64 du LPF autorise l’administration à écarter - comme lui étant inopposables - ceux actes passés par le contribuable qui n’ont qu’un caractère fictif ou qui ne sont inspirés que par le souci d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que, sans ces actes, le contribuable aurait normalement supportées. Ici le contribuable a acquis, lors de l’opération de rachat sus-rappelée, des actions qu’il a revendues à une société de droit belge constituée entre lui-même, son épouse et ses enfants. Ladite société a, quatre ans plus tard, cédé ses actions à une société filiale de celle ayant acquis originairement les parts. Le contribuable a prétendu bénéficier de l'exonération totale d'imposition, instituée par l'article 192 du code belge de l'impôt sur les revenus, en faveur des plus-values de cession de participations détenues par des sociétés holdings belges.
L’administration, confirmée par le juge, a considéré que la société créée entre le contribuable et les membres de sa famille n’avait eu aucune consistance économique et qu’elle n’avait été interposée dans l’opération d’abord de cession puis de revente que dans un but exclusivement fiscal : échapper à l’imposition que, sans cette interposition le contribuable aurait normalement été conduit à payer au titre du régime des plus-values de cession.
En troisième lieu, enfin, c’est à bon droit que la cour a jugé, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, que la souscription initiale des actions visait à associer le requérant à raison de ses fonctions dirigeantes au sein du groupe cédant, au partage de la plus-value dégagée lors de la cession ultérieure du groupe, et que le gain, dans les conditions dans lesquelles il a été réalisé, résultant de la cession de ses titres, se rattachait aux fonctions exercées au sein de ce groupe. Dès lors qu’il s’agissait là d'un revenu acquis en contrepartie des fonctions de cadre dirigeant, ce gain ne pouvait être regardé comme un gain en capital taxable dans la catégorie des plus-values mais constituait un complément de rémunération, imposable au barème de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du CGI.
(28 janvier 2022, M. et Mme H., n° 433965)
Droit public de l’économie
11 - Urbanisme commercial – Permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché – Avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial et défavorable de la commission nationale – Refus du permis – Recours du maire contre l’avis défavorable et du pétitionnaire contre le refus du permis – Avis constituant un acte préparatoire à la décision sur la demande de permis de construire – Distinction entre les effets de l’avis sur le permis de construire et ceux sur l’autorisation d’exploitation commerciale - Cassation sur le fond sans renvoi – Renvoi partiel du pourvoi sous forme de tierce opposition.
Complexité du droit de l’urbanisme commercial, déroute d’une simplification mal ficelée, subtilités par trop stupéfiantes du contentieux administratif. On n’en finirait plus d’énumérer les habituelles critiques adressées au contentieux de l’urbanisme commercial.
La présente espèce en constitue une belle et édifiante illustration.
Une commission départementale d'aménagement commercial émet le 12 juillet 2018 un avis favorable à la demande d’un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché. Sur recours de sociétés concurrentes, la Commission nationale d'aménagement commercial rend un avis défavorable sur ce projet le 8 novembre 2018.
La société pétitionnaire ayant modifié son projet initial, le 28 janvier 2019, la commission départementale d'aménagement commercial donne un avis favorable à ce projet modifié mais la Commission nationale, sur recours d’une société de distribution, rend à nouveau un avis défavorable le 4 avril 2019. En conséquence, le maire de la commune a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
La cour administrative d’appel, statuant en cette matière en premier ressort, a été saisie par la commune d’un recours en annulation de l'avis du 4 avril 2019, et par la société d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté municipal portant refus du permis de construire. Elle a annulé l’avis défavorable de la commission nationale et l’arrêté municipal de refus du permis, enjoignant au maire de statuer à nouveau sur la demande de la société, après nouvel examen du projet par la Commission nationale, celui-ci devant intervenir dans les quatre mois suivant la notification de son arrêt.
Les sociétés qui avaient initialement saisi la commission nationale se pourvoient contre cet arrêt.
Le juge de cassation apporte les précisions suivantes.
En premier lieu, il est rappelé que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ou celui de la Commission nationale d'aménagement commercial, qu’il soit favorable ou défavorable, n’est qu’un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Seule cette dernière décision est susceptible de recours contentieux.
En deuxième lieu, il en découle donc cette conséquence très étrange qu'alors même qu'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être légalement délivré par le maire que sur avis favorable de la commission départementale ou de la commission nationale d'aménagement commercial et qu'ainsi cet avis lie le maire s'agissant de l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée, la commune d'implantation du projet n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de cet avis car il n’a que le caractère d'acte préparatoire à la décision prise sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
En troisième lieu cependant, la commune est recevable à contester, par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, la décision qu'elle prend sur cette demande en tant seulement qu'elle se prononce sur l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir.
C’est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation de l’arrêt contesté devant lui par le pourvoi.
Statuant au fond et donc sans renvoi, ce dernier juge que les sociétés qui avaient contesté devant la Commission nationale d'aménagement commercial l'avis favorable délivré par la commission départementale d'aménagement commercial, n'ont été ni mises en cause, ainsi qu'elles auraient dû l'être, ni représentées dans l'instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Ces sociétés ne sont ainsi pas recevables à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt en tant qu'il est relatif à la légalité de cet arrêté.
Cependant, l'arrêt étant toutefois susceptible de préjudicier à leurs droits, leurs conclusions doivent, dans cette mesure, être regardées comme une requête en tierce opposition qu'il convient de renvoyer à la cour administrative d'appel.
Le marathon se poursuit, espérons que les coureurs ne sont pas, déjà, à bout de souffle…
(24 janvier 2022, Société Année distribution et autres, n° 440164)
Droit social et action sociale
12 - Arrêté ministériel portant extension d’un accord de branche relatif à la tenue d’élections professionnelles – Élections ayant eu lieu – Requête devenue sans objet – Non-lieu à statuer.
La requérante demandait l’annulation de l'arrêté interministériel du 19 février 2019 portant extension de l'accord de branche du 7 septembre 2018 relatif aux élections professionnelles dans la branche des industries électriques et gazières.
Des organisations syndicales et d’employeurs ont conclu un accord fixant la date des élections professionnelles pour les entreprises de la branche, la date de clôture du premier tour des élections des représentants du personnel au comité social et économique dans les entreprises de la branche étant fixée au 14 novembre 2019.
Cependant, l’art. 2 de cet accord prévoyait que les sociétés nouvellement créées depuis le 23 septembre 2017, qui ont mis en place pour la première fois le CSE (comité social et économique) avant la date commune prévue à l’article 1er, ne sont pas obligées de réorganiser des élections à cette date.
Il a été procédé à l’extension de cet accord par l’arrêté interministériel précité qui est la décision attaquée.
Le recours fait l’objet d’une décision de non-lieu car ses conclusions sont devenues sans objet du fait de la tenue des élections à la date précitée.
(24 janvier 2022, Fédération CFE-CGC Énergies, n° 430294)
13 - Salarié protégé - Réintégration après annulation de l'autorisation de licenciement - Point de départ du délai de protection de six mois - Cas du salarié réintégré mais dans un autre emploi par suite d'un transfert - Erreur de droit - Annulation.
Le code du travail (art. L. 2422-2) prévoit qu'en cas d'annulation de la décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé celui-ci est réintégré dans son emploi et dans son mandat électif lorsque l'instance au sein de laquelle il siège n'a pas été renouvelée. En cas contraire, il bénéficie de la protection dont il disposait avant son licenciement, pendant six mois à compter de sa reprise effective du travail dans l'entreprise.
En l'espèce, le salarié avait été transféré dans une autre entreprise lors de sa réintégration. Se posait la double question du maintien ou non de sa protection et, en cas de réponse positive, du point de départ du délai de protection de six mois.
Il est jugé que la protection est maintenue pendant six mois à compter de sa prise de fonction effective dans l'entreprise de transfert.
(24 janvier 2022, M. P., n° 443356)
14 - Normes supplétives - Dénonciation partielle d'une convention collective par une des fédérations signataires - Création d'un vide juridique - Accord de substitution frappé d'opposition majoritaire - Existence d'une recommandation patronale - Agrément ministériel à cette recommandation - Renvoi préjudiciel au juge judiciaire - Rejet.
Une des fédérations d'établissements hospitaliers qui en étaient originairement signataires a partiellement dénoncé la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951. L'accord de substitution qui avait été envisagé ayant été frappé d'opposition majoritaire, il avait été réputé non écrit en vertu de l'article L. 2231-9 du code du travail.
Devant le vide juridique ainsi créé, la ministre de la santé a agréé une recommandation patronale émise le 4 septembre 2012 par la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés à but non lucratif (FEHAP).
La demande d'annulation de cet arrêté d'agrément par la Fédération CGT Santé et action sociale ayant été rejetée par jugement du tribunal administratif du 23 décembre 2014, puis ce rejet ayant été annulé en appel par arrêt du 31 mai 2017, le Conseil d'État, saisi d'un pourvoi, a, par sa décision du 28 décembre 2018, annulé l'arrêt d'appel, sursis à statuer sur l'appel de la fédération CGT Santé et action sociale contre le jugement du tribunal administratif jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la validité de la recommandation patronale émise par la FEHAP le 4 septembre 2012.
Le tribunal judiciaire a, le 24 mai 2021, jugé que la recommandation patronale du 4 septembre 2012 ne pouvait valablement suppléer à l'absence d'un accord collectif, dès lors que sa négociation était en cours. La Cour de cassation, par arrêt du 10 novembre 2021 a partiellement cassé ce jugement et décidé qu'en ce qu'elle était destinée à prévoir au profit de tous les salariés des entreprises adhérentes de la FEHAP, quelle que soit leur date d'engagement, le maintien des avantages conventionnels à la suite de la dénonciation partielle de la convention collective de 1951 et qu'elle n'avait vocation à entrer en vigueur qu'après son agrément par la ministre des affaires sociales, et postérieurement à l'expiration du délai pendant lequel la fédération patronale devait tenter loyalement la négociation d'un accord de substitution, l'adoption de la recommandation patronale de la FEHAP du 4 septembre 2012 ne constituait pas un manquement au principe de loyauté, peu important que son contenu soit similaire à celui d'un accord de substitution négocié le 12 novembre 2012 et ayant fait l'objet ultérieurement d'une opposition syndicale majoritaire.
Tirant les conséquences de cet arrêt, le Conseil d'État juge :
- Tout d'abord, que "ni la circonstance que la recommandation patronale du 4 septembre 2012 ait suppléé à l'absence d'un accord collectif, alors même que sa négociation était en cours, ni l'opposition syndicale majoritaire à l'accord de substitution du 12 novembre 2012, de contenu similaire à cette recommandation patronale, ne faisaient obstacle, au motif que ces circonstances auraient affecté sa validité, à ce que la ministre des affaires sociales et de la santé agrée cette recommandation patronale".
- Ensuite, que, de même que dans le cas où la convention ou l'accord collectif satisfait à la condition de validité, le ministre chargé de l'action sociale n'est pas pour autant tenu d'accorder l'agrément car il conserve un pouvoir d'appréciation qui lui permet de s'opposer à l'agrément sollicité pour des motifs d'intérêt général, de même en va-t-il dans le cas où un agrément est donné à une recommandation patronale.
Le juge de l'excès de pouvoir exerçant un contrôle entier sur l'appréciation portée par la ministre, est constatée ici l'absence de toute erreur manifeste d'appréciation dans la décision d'agréer qui a été prise alors même que la recommandation patronale était de contenu similaire à celui d'un accord de substitution frappé d'opposition majoritaire, cette situation ne constituant pas en l'espèce un motif d'intérêt général s'opposant à ce qu'elle lui accorde son agrément.
(31 janvier 2022, Fédération CGT Santé et action sociale, n° 412849)
15 - Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) résultant d'un accord collectif - Licenciements collectifs pour motif économique - Obligations s'imposant à l'administration - Rejet.
La fédération syndicale requérante demandait l'annulation d'une décision de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France validant l'accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de l'union économique et sociale (UES) Happychic constituée des sociétés Happychic, Brice, BZB, Jules, Happychic services, Happychic logistique, Happychic production international, Gentle Factory et Happychic stores.
Elle estimait en particulier que la procédure suivie était irrégulière du fait que l'administration n'avait enjoint à l'employeur de ne communiquer à l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise qu'une partie des documents mentionnés par la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise.
Le Conseil d'État retient que l'esprit général des textes ici applicables est d'assurer une information des organes intéressés (comité d'entreprise et expert-comptable) leur permettant de se déterminer en toute connaissance de cause ; de là se déduit que la communication des pièces ne doit pas nécessairement être complète mais qu'en revanche elle doit être suffisante.
D'où la solution, assez classique, retenue en l'espèce.
D'une part, les dispositions pertinentes du code du travail (L. 1233-24-1 et L. 1233-57-5, R. 1233-3-4 et R. 1233-3-5) n'imposent pas à l'administration de faire droit à toute demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de communiquer des pièces au comité d'entreprise ou à l'expert-comptable désigné dans le cadre de la procédure de consultation du comité d'entreprise en cas de licenciements collectifs pour motif économique.
D'autre part, en revanche, sous le contrôle du juge, il lui incombe impérativement de vérifier que le comité d'entreprise, et le cas échéant, l'expert-comptable qu'il a désigné, ont été mis à même de rendre leurs avis en toute connaissance de cause.
Relevant que la cour administrative d'appel, au bénéfice de son pouvoir souverain d'appréciation, avait appliqué les principes susindiqués, le juge de cassation rejette le pourvoi dont il était saisi.
(31 janvier 2022, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, n° 435888)
Élections et financement de la vie politique
16 - Élections municipales, communautaires et d’arrondissement – Établissement frauduleux de procurations – Utilisation par le juge administratif d’éléments provenant d’une instruction pénale – Écart des voix justifiant le rejet de la demande d’annulation des opérations dans un des secteurs électoraux – Manœuvres frauduleuses par réticence – Inéligibilité – Conséquences.
Des candidats à des élections municipales, communautaires et d’arrondissement demandent l’annulation d’opérations électorales du fait de manœuvres frauduleuses auxquelles se seraient livrés certains de leurs adversaires dans l’établissement de procurations.
En droit, deux questions étaient soulevées en forme d’objections, toutes deux rejetées par le juge.
Tout d’abord, pour étayer leur argumentation les demandeurs entendaient utiliser notamment un rapport de police judiciaire dont les défendeurs soutenaient, d’une part, qu’en tant qu’élément d’une instruction pénale il ne pouvait être utilisé dans un procès administratif, et d’autre part, que ce rapport aurait été irrégulièrement obtenu par les demandeurs. Le Conseil d’État rejette cette défense.
Ensuite, les défendeurs invoquaient l’inconstitutionnalité des dispositions de l’art. L. 118-4 du code électoral qui permettent notamment au juge de l'élection de déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Ils soulevaient donc une QPC à l’encontre de ces dispositions : celle-ci est, bien évidemment, rejeté.
En fait, il s’agissait d’apprécier la réalité de l’existence des manœuvres alléguées et, éventuellement, d’en tirer les conséquences.
Tout d’abord, les faits frauduleux sont jugés établis.
Cependant, en raison de l’écart des voix entre les listes, le nombre présumé et plausible de procurations frauduleuses ne permet pas d’annuler le scrutin, ce qui confirme la solution retenue par le tribunal administratif.
En revanche, par application du texte précité, les élus aux conseils municipal, communautaire ou d’arrondissement, impliqués dans cette fraude, sont frappés d’une inéligibilité que le juge fixe à un an, ce qui nous semble, bien clément en l’état des circonstances relevées par le rapport de la police judiciaire et des constatations du juge.
Leurs élections respectives sont invalidées et il est procédé au remplacement de chacun(e) par le suivant de liste.
(11 janvier 2021, M. AN. Et autres, n° 451509)
Environnement
17 - Lutte contre le gaspillage – Promotion d’une économie circulaire – Interdiction de vente des fruits et légumes non transformés sous emballage partiellement ou totalement en plastique – Date d’entrée en vigueur trop proche - Dispositions législatives – Rejet.
L’association requérante demandait la suspension d’exécution du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Elle invoquait deux moyens au soutien de sa requête : d’abord, l’obligation pour ses membres de supporter le coût de la mise en œuvre de cette interdiction ainsi que le risque de voir leurs produits déréférencés lorsqu'aucune alternative aux emballages plastiques ne sera disponible, et le caractère tardif de la publication du décret contesté, le caractère inefficace des mesures transitoires qu'il prévoit et l'absence d'urgence de son entrée en vigueur.
Le recours est rejeté d’abord parce que les conséquences financières induites découlent directement de l’art. 77 de la loi du 20 février 2020 non du décret attaqué et parce que la requérante n’apporte pas d’éléments permettant de chiffrer celle de ces conséquences directement imputables au seul décret contesté. Il est également rejeté car la date d’entrée en vigueur de la prohibition a été fixée par la loi et non par le décret litigieux ; elle était donc connue des intéressés depuis le 20 février 2020.
(ord. réf. 5 janvier 2022, Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais, n° 459809)
Étrangers
18 - Arrêté préfectoral décidant le transfert d’un étranger aux autorités italiennes – Jugement annulant cet arrêté, ordonnant l’enregistrement de la demande d’asile et la délivrance d’une attestation de demande d’asile – Ordonnance de référé constatant une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile pour incomplète exécution du jugement par les services préfectoraux – Injonction en ce sens – Intervention d’un arrêt d’appel sursoyant à l’exécution du jugement – Demande de mettre fin aux mesures décidées par l’ordonnance précitée – Rejet – Annulation.
Un arrêté préfectoral du 10 août 2021 décide le transfert d’un étranger aux autorités italiennes. Cet arrêté est annulé par un jugement du 16 août 2021 qui ordonne l’enregistrement de la demande d’asile de l’intéressé et la délivrance d’une attestation de demande d’asile (ADA). Le juge des référés, saisi d’un référé liberté fondé sur ce que si les services préfectoraux avaient délivré le 19 octobre 2021, en exécution du jugement du 16 août 2021, une attestation de demande d'asile en procédure normale, ils s’étaient abstenus de délivrer également au requérant le formulaire de demande d'asile ainsi que les informations liées à la procédure de demande d'asile permettant de solliciter l'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a, le 24 novembre 2021, estimé qu’il avait été porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile. Il a donc enjoint aux services préfectoraux de délivrer au demandeur le formulaire de demande d'asile dans un délai de 48h suivant la notification de l'ordonnance sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Le 25 novembre 2021 est rendu un arrêt d’appel sursoyant à l’exécution du jugement du 16 août 2021. La préfecture a, par suite, demandé, sur le fondement des dispositions de l’art. L. 521-4 du CJA, qu’il soit mis fin aux mesures décidées par l’ordonnance rendue la veille de cet arrêt. Cette requête ayant été rejetée, le ministre de l’intérieur se pourvoit.
Le Conseil d’État juge que, faute d’une reconnaissance de la compétence des autorités françaises pour traiter de la demande d’asile en l’état des pièces et attestations fournies, l’arrêté du 10 août 2021 était redevenu exécutoire suite à l’arrêt d’appel ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du 16 août 2021.
L’intervention de cet arrêt constitue ainsi bien un élément nouveau au sens et pour l’application de l’art. L. 521-4 du CJA, ce qui entraine la reprise par les autorités italiennes de la procédure asilaire et donc, nécessairement, la cessation des mesures ordonnées en référé le 24 novembre 2021 ainsi que le soutient le ministre de l’intérieur.
(ord. réf. 6 janvier 2022, Ministre de l’intérieur, n° 459750)
19 - Demandeur d’asile – Décision de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande – Procédure contentieuse spéciale instituée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) – Procédure exclusive – Impossibilité d’utiliser l’une des procédures d’urgence régies par le titre V du CJA – Rejet.
Dans le cas où un étranger demandeur d’asile en France fait l'objet d'une décision de transfert vers un autre État estimé responsable de l'examen de sa demande d'asile, il dispose, pour la contester, d’une voie contentieuse spéciale régie par le I de l'article L. 572-5 du CESEDA. Cette procédure, est exclusive de toute autre, en particulier des procédures d’urgence régies par le titre V du CJA, elle en présente d'ailleurs les mêmes garanties.
Ainsi, le recours fondé, comme en l’espèce, sur l’art. L.521-1 (référé suspension), est irrecevable.
(ord. réf. 12 janvier 2022, M. B., n° 460231)
20 - Octroi du statut de réfugié – Décision mettant fin à ce statut – Absence d’effet sur la qualité de réfugié de celui remplissant les conditions pour l’être – Conditions de régularité de la décision mettant fin au statut de réfugié – Rejet.
Rappel, solennel et ferme, d’une part des effets de la décision de mettre fin au statut de réfugié, et d’autre part, des conditions auxquelles est subordonnée la régularité de cette décision.
En premier lieu, il est rappelé que, en vertu des dispositions de l’art. L. 711-6 du CESEDA, la possibilité de mettre fin au statut de réfugié est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions.
En second lieu et surtout, il résulte du 2° de cet article que cette décision est subordonnée à deux conditions cumulatives.
Tout d’abord, l'OFPRA et, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), doivent s’assurer que l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement.
Ensuite, ils doivent apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, « une menace grave pour la société » au sens des dispositions de cet article.
Commentant cette dernière condition, le juge précise que la gravité de cette menace se mesure en ce qu’elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises – « lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin » - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.
En l’espèce, il est jugé que l’OFPRA n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision de la Cour nationale du droit d’asile jugeant que ne constitue pas « une menace grave pour la société » un ressortissant russe d'origine arménienne, âgé de 54 ans à la date de la décision attaquée, entré en France en 2005, y ayant fait l'objet de huit condamnations à des peines allant de 300 euros d'amende à 10 mois d'emprisonnement pour des faits commis entre 2006 et 2009 portant, d'une part, sur le vol de divers produits dans des magasins, dont trois téléphones portables, du parfum, deux cordons d'alimentation et du matériel de bricolage et, d'autre part, sur l'usage d'une fausse plaque d'immatriculation, puis y ayant obtenu le statut de réfugié le 26 février 2009, condamné par la suite à trois ans d'emprisonnement pour le vol d'un ordinateur et de bijoux avec circonstances aggravantes et en récidive, puis à des peines de quinze jours, un mois et trois mois d'emprisonnement pour des faits commis entre 2010 et 2013 d'usage d'un faux document, de recels de biens provenant d'un délit et de détention non autorisée de stupéfiants, puis a encore été condamné, d'une part, à 450 euros d'amende pour des faits de conduite sans assurance et sans permis commis en 2018 et, d'autre part, à six mois d'emprisonnement dont quatre avec sursis pour des faits analogues et de conduite sous l'emprise de stupéfiants commis en 2020.
Selon le juge de cassation, la CNDA n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant ainsi, à la date de sa décision, le 28 janvier 2021, que l’intéressé ne constituait pas une menace grave pour la société, de nature à justifier que le statut de réfugié dont il bénéficiait soit révoqué, en se fondant pour cela sur l'ancienneté et la nature des infractions commises jusqu'en 2013, ainsi que sur la nature et la gravité limitée des délits commis en 2018 et 2020, aucune de ces infractions ne portant sur des atteintes aux personnes, ne traduisant un comportement agressif ou violent à l'égard des tiers ou ne révélant une particulière dangerosité de l'intéressé.
Il s’agit là d’une interprétation très bienveillante de la disposition législative en cause, dont seraient peut-être surpris les parlementaires qui l’ont adoptée.
(28 janvier 2022, OFPRA, n° 451105)
Fonction publique et agents publics
21 - Indemnité spécifique de service – Régime des corps et emplois techniques du ministère de la transition écologique - Création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'État (décret du 20 mai 2014) – Demande de suspension d’une disposition du décret du 16 décembre 2021 tirant les conséquences de l'application du RIFSEEP à des corps techniques du ministère de la transition écologique – Rejet.
Le décret du 20 mai 2014 a créé un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'État, ce dispositif devant se substituer aux divers régimes existants en la matière dans les différents corps de certains ministères. Il renvoyait à des arrêtés ministériels le soin de fixer, pour chaque corps, le nombre de groupes de fonctions et les montants minima et maxima de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise. C’est ainsi que des arrêtés du 5 novembre 2021 ont rendu ces dispositions applicables, à compter du 1er janvier 2021, à certains corps techniques du ministère de la transition écologique, dont les corps des ingénieurs des travaux publics de l'État, des techniciens supérieurs du développement durable, des dessinateurs de l'équipement et des experts techniques des services techniques.
L’art. 2 du décret du 16 décembre 2021, tirant les conséquences de cette application, à compter du 1er janvier 2021, du RIFSEEP à des corps techniques du ministère de la transition écologique auxquels avait été jusqu'ici maintenu un régime indemnitaire propre (issu de l’art. 1er du décret du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement), est venu préciser que l'année 2020 constitue la dernière année d'acquisition de droit à cette indemnité et définir les modalités de versement de la part d'indemnité correspondante à compter de l'année 2022. La fédération requérante demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, la suspension de l'exécution de cet article 2 en tant qu'il dispose que « l'année 2020 constitue la dernière acquisition du droit à l'indemnité spécifique de service ».
La requête aux fins de suspension est rejetée car, d’une part, aucun élément n’est apporté par la demanderesse permettant d'apprécier l'ampleur des atteintes à la situation financière des agents du seul fait du report du versement de cette indemnité à compter de l'année 2022 et donc l’existence d’une urgence propre à permettre l’intervention du juge des référés et, d’autre part, les autres arguments, tirés de l’absence d’une « note de gestion » accompagnant la disposition attaquée et permettant d’éclairer les agents et de ce que la disposition finalement retenue contredirait des échanges antérieurs qui auraient eu lieu avec le ministère compétent, ne résultent pas du texte critiqué.
(ord. réf. 24 janvier 2022, Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services - Force ouvrière (FEETS - FO), n° 460238)
22 - Covid-19 - Tenue de réunions syndicales et régime des absences pour motif syndical dans l'éducation nationale - Réponse publiée à la rubrique "FAQ" du site internet du ministère de l'éducation - Rejet.
La fédération syndicale requérante demandait la suspension de l'exécution de la réponse, publiée dans une version du 6 janvier 2022 de la rubrique « foire aux questions » du site internet du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, apportée à la question : « quelles sont les recommandations concernant la tenue des réunions syndicales et les absences pour motif syndical ? ».
La fédération invoquait une atteinte grave et immédiate aux intérêts syndicaux qu'elle représente et à la liberté syndicale dans l'éducation nationale ainsi que l'existence de décisions de refus d'absence qui seraient déjà intervenues sur le fondement de cette réponse, en Gironde, dans l'Hérault et dans les Hautes-Alpes pour des raisons liées à la crise sanitaire et du report à une date ultérieure d'une session de formation syndicale prévue les 17 et 18 janvier en raison de refus opposés à des professeurs des écoles.
Constatant le défaut d'urgence d'une demande fondée au surplus sur des considérations très générales et des faits peu circonstanciés, le juge rejette la demande de suspension.
(27 janvier 2022, Fédération Sud Education, n° 460778)
23 - Pension militaire d'invalidité - Absence du bénéfice d'une présomption légale d'imputabilité au service - Exigence de preuve - Limites - Rejet.
Rappel, d'une part, de ce que l'agent public qui sollicite l'octroi d'une pension d'invalidité (ici militaire mais la solution serait identique pour une demande de pension civile) doit, faute de se trouver dans un cas où existe une présomption légale d'imputabilité au service, rapporter la preuve d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque.
Rappel, d'autre part, de ce que cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques.
(31 janvier 2022, M. D., n° 437228)
24 - Professeur agrégé du second degré - Demande de reprise intégrale d'ancienneté après démission de la fonction de la fonction publique et réussite, à nouveau, au concours d'agrégation - Refus - Invocation de l'illégalité du décret fondant le refus - Décision rejetant la demande d'abrogation du décret - Rejet.
Une professeur agrégée du second degré, placée au 8ème échelon de son grade, démissionne de la fonction publique plusieurs années après son admission au concours pour s'installer comme notaire. Puis, ayant à nouveau réussi le concours d'agrégation, elle a été nommée en qualité de professeur agrégé au premier échelon donc sans que lui ait été conservée son ancienneté antérieure. Elle a demandé au premier ministre, tout comme la fédération requérante, l'abrogation du décret du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale, en tant qu'il ne prévoit pas de disposition permettant à un enseignant titulaire qui a accompli à ce titre des services d'enseignement dans l'enseignement public ou dans l'enseignement privé et qui a démissionné de la fonction publique, de bénéficier de la reprise intégrale de son ancienneté au titre de ces services d'enseignement lorsque l'intéressé est de nouveau nommé comme titulaire dans un corps d'enseignement.
Les recours, joints, sont rejetés au motif que le décret ne concerne que les agents qui ont conservé la qualité de fonctionnaire jusqu'à la date de leur nomination dans un des corps concernés et point ceux qui, à cette date, ne disposaient plus de la qualité de fonctionnaire du fait de leur démission de la fonction publique.
En outre, cette différence de traitement, qui n'est pas contraire au principe d'égalité car elle concerne des personnes se trouvant dans des situations objectivement différentes, ne contrevient pas davantage à l'art. 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH (règle du respect des biens) ni non plus à une espérance légitime puisque la reprise d'une ancienneté de services n'est prévue par aucun texte.
(24 janvier 2022, Mme P., n° 438801 ; Fédération SGEN-CFDT, n° 445465, jonction)
Libertés fondamentales
25 - Liberté de la presse – Préservation du pluralisme de la presse – Aide exceptionnelle accordée aux seules publications de presse à caractère d'information politique et générale – Absence d’atteinte au principe d’égalité – Rejet.
Cette décision est encore une conséquence de la mise en redressement judiciaire de la société Presstalis provoquant un séisme juridique et financier dans le monde de la presse.
Un décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020 a créé, à la fois du fait de la défaillance de Presstalis et de la survenance de l’épidémie de Covid-19, une aide exceptionnelle au bénéfice des éditeurs de la presse à caractère d'information politique et générale.
La société requérante demande son annulation en invoquant un moyen de forme et un moyen de fond.
Sur la forme, il était reproché à l’auteur du décret de n’avoir pas fait précéder l’édiction de ce texte d’une consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Le moyen est rejeté car cette consultation préalable n’est obligatoire que pour les décisions à caractère réglementaire, ce qui n’est pas le cas du décret litigieux, lequel n’est pas de nature générale et impersonnelle.
Sur le fond, était reproché la violation du principe d’égalité en ce que l’aide en cause était réservée aux seules publications de presse à caractère d'information politique et générale. Le moyen est rejeté en l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où cette aide, liée aux pertes de créances qu’ils ont subies, est destinée à maintenir via les éditeurs le pluralisme de la presse et où, on le sait, le principe d’égalité n’interdit pas, à certaines conditions, le traitement différencié de situations eles-mêmes objectivement différentes.
(28 janvier 2022, Société Les Editions Croque Futur, n° 448592)
(26) V. aussi, identique : 28 janvier 2022, Société Coop’Mag, n° 452592)
27 - Covid-19 – Entrée de ressortissants français sur le territoire national – Conditions pour ceux ne disposant pas d’un justificatif de statut vaccinal et provenant de certains pays - Caractère limitatif des motifs invoqués - Annulation très partielle.
L’art. 23-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié cinq fois, régit les déplacements de toute personne de plus de douze ans à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution.
Le requérant en demandait l’annulation :
- d’abord en tant que ces dispositions subordonnent l'entrée des ressortissants français sur le territoire national : 1° à la présentation d'un certificat de vaccination ou d'un examen de dépistage, 2° lorsqu'ils sont en provenance d'un pays classé en zone rouge ou orange et qu'ils ne sont pas vaccinés, à la justification d'un motif impérieux, ainsi qu'à une déclaration sur l'honneur de s'engager à accepter un test de dépistage et à respecter un isolement prophylactique à l'arrivée sur le territoire national ;
- ensuite, 3° en tant qu’elles imposent aux ressortissants nationaux qui ne sont pas vaccinés et souhaitent quitter le territoire français à destination d'un pays classé en zone orange et rouge de justifier d'un motif impérieux.
Rejetant les autres demandes d’annulation car les dispositions visées, eu égard à leur nature comme à leur objectif, ne sont pas illégales, le juge ne retient que la demande d’annulation des dispositions de l’art. 23-1 qui imposent à toutes les personnes en provenance des zones classées orange et rouge, ne disposant pas d'un justificatif de statut vaccinal, de justifier d'un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, d'un motif de santé relevant de l'urgence ou d'un motif professionnel ne pouvant être différé. En effet, cette exigence est susceptible, s'agissant des ressortissants français, de faire durablement obstacle à l'exercice du droit fondamental de rejoindre le territoire national dont tout Français dispose, sans que le bénéfice sanitaire d'une telle mesure soit manifestement de nature à justifier l'atteinte qui est ainsi portée à ce droit.
Ceci est la conséquence directe du droit fondamental, reconnu par le juge, qu’a tout Français de rejoindre le territoire national sauf nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l'ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent.
De là résulte que le juge considère que les restrictions de toute nature mises à l'embarquement de Français depuis l'étranger dans un moyen de transport à destination de la France, en vue de préserver la situation sanitaire sur le territoire national, ne peuvent être légalement prises que si le bénéfice, pour la protection de la santé publique, excède manifestement l'atteinte ainsi portée au droit fondamental en cause et ne sauraient avoir pour effet de faire durablement obstacle au retour d'un Français sur le territoire national, sans préjudice de la possibilité, pour l'autorité administrative compétente, une fois la personne entrée sur le territoire national, de prendre à son égard les mesures que la situation sanitaire justifierait.
(28 janvier 2022, M. J., n° 454927)
28 - Covid-19 – Obligation vaccinale imposée à diverses catégories de professionnels oeuvrant dans des institutions hospitalières, médico-sociales, de santé ou de retraite – Conséquences du non-respect de cette obligation – Rejet.
Par voie de QPC était contestée la constitutionnalité pour cause d’atteintes à des droits ou libertés fondamentaux constitutionnellement garantis, d’une part de l’art. 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, d’autre part de l’art. 14 de ce texte. Le premier de ces articles rend obligatoire la vaccination contre le Covid-19 pour les personnels de certaines institutions hospitalières, sanitaires, sociales, médico-sociales, de retraite, etc. Le second définit la sanction du non-respect de cette obligation vaccinale.
Le recours est bien évidemment rejeté.
L’art. 12 ne méconnaît aucun droit constitutionnel dans la mesure où il ne porte pas atteinte au principe d’égalité tel qu’entendu par la jurisprudence ainsi que – en raison des conditions et des motifs de son institution - au droit à la protection de la santé, à l'inviolabilité du corps humain et au droit à la dignité de la personne humaine.
L’art. 14 ne porte pas atteinte au droit de travailler et d’obtenir un emploi prévu au cinquième alinéa du Préambule de 1946, notamment car il ne prévoit pas, pour les personnes concernées, la rupture de leur contrat de travail ou la cessation de leurs fonctions, mais la suspension du contrat de travail ou des fonctions exercées jusqu'à ce que l'agent produise les justificatifs requis.
(28 janvier 2022, Mme G. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 457879)
(29) V. également, mais soulevant d’inédites questions procédurales : 28 janvier 2022, Mme F. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 457987.
V. aussi sur l’aspect procédural, le n° 43
(30) V., identique, avec rejet sur les mêmes dispositions : 28 janvier 2022, Mme D. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 458212.
(31) V., toujours dirigé contre le même centre hospitalier, le recours rejeté par : 28 janvier 2022, Mme D. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 458267.
(32) V. aussi, très semblable, rejetant la contestation des mêmes articles de la loi du 5 août 2021 : 28 janvier 2022, M. C. c/ Centre hospitalier de Cholet, n° 457043.
(33) V. encore, semblable, avec identique rejet : 28 janvier 2022, Mme B. c/ établissement public de santé Erasme, n° 458102.
34 - Site internet - Politique relative aux « cookies » - Non-respect des obligations s’imposant aux responsables de sites internet – Sanction – Compétence à cet effet de la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – Rejet.
(28 janvier 2022, Sociétés Google LLC et Google Ireland Limited, n° 449209)
V. n° 2
Police
35 - Police sanitaire – Covid-19 – Port obligatoire du masque à l’extérieur – Mesure justifiée en l’état des données scientifiques et épidémiologiques – Nécessité de leur caractère strictement proportionné aux circonstances de lieu – Légalité – Rejet.
Le requérant demandait, par voie de référé liberté, la suspension de l'exécution de la décision du premier ministre – contenue dans sa conférence de presse du 27 décembre 2021 - de donner instruction aux représentants de l'État territorialement compétents de mettre en œuvre l'obligation du port du masque en extérieur prévue au II de l'article 1er du décret du 1er juin 2021, pour faire face à la déferlante de contaminations liées à la prédominance en France du variant Omicron du Covid-19.
Il soutient, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que le port du masque en plein air en toute circonstance soit nécessaire en l'état actuel des connaissances scientifiques et du taux de vaccination de la population et, en second lieu, que les conditions d'application de cette obligation ne sont pas suffisamment encadrées.
Le recours est rejeté en formation collégiale, signe de l’importance attachée par le juge au contenu de la requête dont il était saisi.
Cette décision se situe dans un mouvement plus général des juridictions administratives tendant à resserrer le contrôle qu’elles exercent sur les mesures prises en matière de protection contre un virus devenu fortement contagieux mais plus faiblement dangereux.
Les juges relèvent, tout d’abord, que les données scientifiques actuelles, relativement au mode de contamination par le Covid-19 au moyen d’aérosols formés de gouttelettes projetées par les corps humains, ne faisaient pas apparaître l’inutilité du port du masque du moins lorsque la situation locale effectivement constatée le justifie. Cette formulation manifeste une vision plus restrictive de la liberté dont disposent les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte sanitaire.
Ensuite, et c’est cela qui est le plus nouveau et le plus important dans cette décision, rappel est fait – puisqu’il ne s’agit de rien moins que d’apprécier la légalité d’une mesure de police – que les mesures générales ou individuelles réglementant la circulation des personnes pour limiter la propagation de l'épidémie « doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. »
Et, allant plus loin, les juges précisent, sur un ton un tantinet menaçant, combien est encadrée l’action des pouvoirs publics en ce domaine : « Par suite, des dispositions rendant obligatoire le port du masque en extérieur doivent être justifiées par la situation épidémiologique constatée sur le territoire concerné. Elles ne peuvent être proportionnées que si elles sont limitées aux lieux et aux heures de forte circulation de population ne permettant pas d'assurer la distanciation physique et aux lieux où les personnes peuvent se regrouper, tels que les marchés, les rassemblements sur la voie publique ou les centres-villes commerçants, les périodes horaires devant être appropriées aux risques identifiés. Le préfet, lorsqu'il détermine, pour ces motifs, les lieux et les horaires de port obligatoire du masque en plein air, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour que la règle soit compréhensible et son application cohérente. »
Si le recours est en définitive rejeté c’est parce que, dans le cas de l’espèce, le premier ministre s’est borné à donner instruction aux préfets pour prendre, sous le contrôle du juge, les mesures appropriées dans le respect des principes susénoncés ; il n’a ainsi porté atteinte à aucune liberté fondamentale.
(ord. réf. 11 janvier 2021, M. E., n° 460002)
(36) V. aussi, voisin, jugeant légale la disposition d'un arrêté préfectoral imposant le port du masque à toutes les personnes âgées de 11 ans ou plus sur le territoire des communes de Lyon et Villeurbanne, de 6 heures à 2 heures du matin en raison du mode de transmission par aérosol du virus du Covid-19, de la situation préoccupante de la situation du département du Rhône à la date de l'arrêté litigieux et des effets de la densité de population tant sur les déplacements quotidiens que sur la fréquentation des commerces et des administrations : ord. réf. 27 janvier 2022, M. C. et Mme D., n° 460459.
37 - Police sanitaire – Covid-19 – Vaccination facultative des enfants de 5 à 11 ans – Absence possible de prescription médicale préalable – Obligation de l’accord d’un seul des parents – Rejet.
La requérante entendait obtenir la suspension de l'arrêté du 22 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ainsi qu’une injonction de réexamen de deux des modalités d’application de l’arrêté. Elle soutenait qu’en permettant que les enfants de 5 à 11 ans soient vaccinés par des infirmiers sans prescription médicale préalable et qu’en ne soumettant cette vaccination qu’à l'accord d'un seul des parents l’arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur des enfants, à leur sécurité et à leur vie privée et familiale.
Sa demande est rejetée car, d’une part, les infirmiers ne peuvent procéder à l’administration de la forme pédiatrique du vaccin Pfizer-BioN’Tech que sur prescription médicale et d’autre part, la possibilité que l’accord parental à la vaccination puisse n’être donné que par un seul des parents ne résulte pas de l’arrêté attaqué mais des dispositions des art. 372 et suivants du Code civil.
(ord. réf. 4 janvier 2022, Mme A., n° 459823)
38 - Police sanitaire - Mesures concernant les élèves des écoles maternelles et primaires, des collèges et des lycées - Demandes d'injonctions diverses à adresser au premier ministre et au ministre de l'éducation - Rejet.
Le juge du référé liberté était saisi de demandes d'injonctions envers le premier ministre et le ministre de l'éducation tendant à voir modifier le protocole sanitaire dans les établissements scolaires en imposant : 1) la commande immédiate et la distribution de capteurs de CO2 pour chaque classe d'école maternelle, d'école primaire, de collège et de lycée de France ; 2) la suspension de toute activité sans masque en intérieur ; 3) les dépistages itératifs en milieu scolaire consistant pour les écoles primaires en deux tests salivaires hebdomadaires ; 4) la réalisation d'un test RT-PCR ou antigénique pour rompre l'isolement des cas contacts ; 5) la réalisation d'un test RT-PCR à J+0 pour les mineurs cas contacts.
Le lecteur ne sera sans doute pas surpris de lire que ces diverses demandes d'injonction sont rejetées après que le juge des référés a examiné chacune d'elles.
(ord. réf. 27 janvier 2022, Mme J. épouse B. et autres, n° 460594)
39 - Covid-19 - Maintien de la fermeture des discothèques et établissements de nuit (de type P « salles de danse » ) - Différence de traitement par rapport salles de jeux ou les lieux d'exercice de sports collectifs - Rejet.
De ce jugement rejetant un recours dirigé contre un décret maintenant la fermeture des établissements de type P, « salles de danse », tels les discothèques ou établissements de nuit, on retiendra la pauvreté de la motivation en réponse au moyen tiré de ce que ces établissements sont traités inégalitairement par rapport aux salles de jeux ou aux lieux d'exercice de sports collectifs.
En effet, il est simplement répondu que ces derniers « se trouvent dans une situation différente de celle des salles de danse » (sic) ce qui peine à convaincre du bien-fondé de la solution adoptée sur ce point. On aurait tendance à considérer, à l'instar de la requérante, « que la mesure contestée (est) incohérente ».
(31 janvier 2022, Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), n° 441800)
(40) V. aussi, à propos des établissements de type P (« salles de danse »), le rejet d'un recours invoquant successivement l'incompétence du premier ministre pour prendre le décret du 10 juillet 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, l'atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle de prévisibilité et d'intelligibilité de la loi et le principe de légalité des délits et des peines, etc. : 31 janvier 2022, Société Nénuphar, n° 442036.
Professions réglementées
41 - Médecin – Suspension temporaire du droit d’exercer la médecine – Rejet du référé introduit en première instance – Absence d’élément nouveau apporté en appel -Rejet.
Le requérant, gynécologue-obstétricien, le docteur Bennis, demandait en appel au juge du référé liberté, l’annulation de l’ordonnance du premier juge rejetant sa demande de suspension d’exécution de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine suspendant immédiatement son droit d'exercer la médecine, pour une durée de cinq mois, à raison de pratiques exposant ses patientes à des risques graves.
Pour rejeter l’appel, le juge des référés du Conseil d’État relève que le requérant n’apporte en appel aucun élément nouveau susceptible d’infirmer l’appréciation des faits retenue en première instance. Or, à ce stade, il avait été tout d’abord jugé que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée ainsi que de la méconnaissance du respect des droits de la défense n'étaient pas de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale du requérant d'exercer sa profession et à la liberté des patients de choisir leur médecin. Il avait, ensuite, été jugé qu'eu égard aux graves incidents qui se sont produits lors d'actes médicaux pratiqués par le docteur Bennis au cours de l'année 2021, il ne résultait pas de l'instruction que le directeur général de l’ARS, en prenant la mesure conservatoire contestée, aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du requérant d'exercer sa profession. Enfin, dès lors que la mesure de suspension a été prise en vue de garantir la sécurité des patients, le fait que le directeur général de l’ARS ait exercé, avant sa nomination, les fonctions de directeur de la stratégie du groupe auquel appartient la clinique dans laquelle exerce le docteur Bennis, n'était pas de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.
(25 janvier 2022, M. Salim Bennis, n° 460430)
Question prioritaire de constitutionnalité
42 - Demande de renvoi d’une QPC – Question identique déjà renvoyée au Conseil constitutionnel – Refus de réitération de la question dans le cadre d’un contentieux pendant devant ce Conseil – Rejet.
La demande des trois fédérations requérantes tendait à voir saisi le Conseil constitutionnel d’une QPC portant sur la constitutionnalité du troisième alinéa de l'article L. 421-5, de l'article L. 426-3 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du code de l'environnement, or ces textes ont déjà fait l’objet d’un renvoi à ce Conseil par voie de QPC par une décision du Conseil d’État, du 15 octobre 2021, Fédération nationale des chasseurs, n° 454722, il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu dans la présente espèce de renvoyer au Conseil constitutionnel l’identique question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les fédérations départementales des Landes, du Gers et du Gard (cf. art. R. 771-18 du CJA).
(19 janvier 2022, Fédération départementale des chasseurs des Landes, n° 455054 ; Fédération départementale des chasseurs du Gers, n° 455246 ; Fédération départementale des chasseurs du Gard, n° 457751, jonction)
43 - Covid-19 – Obligation vaccinale imposée à diverses catégories de professionnels œuvrant dans des institutions hospitalières, médico-sociales, de santé ou de retraite – Conséquences du non-respect de cette obligation – QPC soulevée devant le juge des référés en première instance ou en cassation – Régime procédural – Rejet du pourvoi et refus de transmission de la QPC.
L’intérêt principal de cette décision ne tient pas au problème de fond qu'elle tranche mais à une très intéressante question de procédure née de la combinaison des textes régissant la QPC et de ceux gouvernant les référés administratifs urgents.
Deux situations peuvent se présenter.
La première situation est celle où la QPC est soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance, sur le fondement des art. L.521-1, L521-2 ou L. 522-3 CJA. Ce juge des référés peut rejeter la demande qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence et décider, ainsi, de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État.
La seconde situation est celle où le Conseil d'État est saisi d'un pourvoi dirigé contre une ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté, sur le fondement des art. L.521-1 ou L. 522-3 du CJA, la demande qui lui était soumise, pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. En ce cas, le Conseil d'État, juge de cassation peut, si une QPC est alors soulevée pour la première fois devant lui, rejeter le pourvoi qui lui est soumis et décider de ne pas transmettre la QPC, en jugeant, dans le délai de trois mois prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, que l'ordonnance attaquée a pu, régulièrement et à bon droit, opposer, selon le cas, l'incompétence de la juridiction administrative, l'irrecevabilité de la demande ou le défaut d'urgence.
En l’espèce, aucun des moyens soulevés n’a pu convaincre le juge d’admettre le pourvoi en cassation ou de transmettre la QPC.
(28 janvier 2022, Mme F., n° 457987)
(44) V. aussi, identique : 28 janvier 2022, Mme J., n° 457988.
45 - QPC - Décision de justice refusant de transmettre une QPC - Contrôle du Conseil d'État sur le bien-fondé de la décision - Annulation - Transmission de la QPC.
Saisi d'un pourvoi contre un jugement refusant, en référé suspension, de transmettre une QPC, le Conseil d'État, confirmant pleinement une tendance jurisprudentielle (V. notamment : 30 décembre 2011, Mme X., n° 350412 ; 30 décembre 2014, Mme X., n° 382830), contrôle le bien-fondé de ce refus. Estimant en l'espèce que la question soulevée présente un caractère sérieux, il annule sur ce point l'ordonnance et, sursoyant à statuer, renvoie la question au Conseil constitutionnel.
(ord. réf. 31 janvier 2022, Association Le Sphinx, n° 455122)
46 - Application contrainte du régime forestier à des parcelles – Atteintes au droit de propriété et au principe de libre administration des collectivités territoriales – QPC – Refus de transmission.
Les communes requérantes soulevaient une QPC à l’encontre de l’art. L. 214-3 du code forestier en tant qu’il permet au ministre chargé des forêts, contre le gré des propriétaires concernés, d’assujettir les parcelles dont ils sont propriétaires au régime forestier.
Ce régime emportant transfert à l'ONF, pour les bois et forêts concernés, de la gestion des coupes et des ventes, de l'affectation des parcelles ou de leur défrichement, les collectivités requérantes estimaient – non sans quelque vraisemblance – qu’il porte atteinte au droit de propriété et à leur pouvoir de libre administration, libertés que garantit la Constitution ; elles demandaient donc que soit transmise la question de leur conformité à la Constitution.
Pour rejeter la demande de transmission, le Conseil d’État, sans réellement convaincre malgré un solide numéro d’équilibriste, invoque deux arguments.
Selon le premier argument, les collectivités locales propriétaires conserveraient un pouvoir de décision et de contractualisation sur leur domaine forestier, pourraient s’opposer au document d'aménagement qui définit les programmes d'action envisagés pour la gestion des bois et forêts et conserveraient un rôle déterminant dans la programmation des coupes, le choix des quantités mises en vente et la façon dont les coupes sont mises à disposition de l'ONF ou, lorsque leur produit est vendu après façonnage, dans le choix de leurs modalités d'exploitation en régie par la collectivité ou par l'intermédiaire d'entrepreneurs qu'elle choisit, la collectivité étant associée aux opérations de vente, dont le produit lui est reversé. Enfin, les collectivités propriétaires conservent la faculté de vendre librement leurs bois et forêts soumis au régime forestier, dès lors qu'une sortie du régime forestier n'est pas envisagée.
Selon le second argument, l’existence d’un régime forestier poursuit l'objectif d'intérêt général d'assurer, d'une part, la cohérence de la politique forestière nationale, la mise en valeur de la forêt et de ses produits dans des conditions économiques satisfaisantes et, d'autre part, la prise en compte des bassins d'approvisionnement des industries du bois.
Reste qu’au total, on ne retrouve guère les droits souverains attachés à la qualité de propriétaire et la libre administration tourne in fine à la farce : l’atteinte qui leur est portée n’est pas de nature à justifier la transmission de la QPC. Le poète a raison, ces libertés s’effondrent comme des arbres morts :
« Oh! quel farouche bruit font dans le crépuscule,
Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule!
Les chevaux de la mort se mettent à hennir,
Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir; » (V. Hugo, Le tombeau de Théophile Gautier, Hauteville-house, 2 nov. 1872, Jour des Morts).
(28 janvier 2022, Commune d’Audenge et commune du Teich, n° 458196)
Responsabilité
47 - Responsabilité pour faute - Illégalité fautive - Refus de visa par le contrôleur budgétaire - Intérêt à agir du ministre qu'en tant qu'une faute de l'État est en cause - Rejet.
Un agent contractuel de l'Agence régionale de santé publique de la région PACA (ARS PACA) demandait la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait du non renouvellement de son contrat par l'ARS PACA auprès de laquelle elle avait été détachée.
Le ministre se pourvoit contre l'arrêt infirmatif condamnant solidairement l'État et l'ARS PACA à lui verser une certaine somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-renouvellement de son contrat.
Le pourvoi soulevait deux questions principales.
En premier lieu, l'intérêt du ministre à se pourvoir était discuté. En effet, la cour administrative d'appel avait condamné solidairement l'État et l'ARS PACA à raison, pour le premier, de l'illégalité fautive dont est entaché le refus de visa de la contrôleuse budgétaire régionale et, pour la seconde, de l'illégalité fautive dont est entachée la décision du directeur général de l'ARS de ne pas renouveler le contrat. Elle estimait que chacune de ces fautes avait contribué à causer, dans leur globalité, le préjudice financier, le préjudice tiré de la minoration des droits à pension, et le préjudice moral dont se prévalait l'appelante.
C'est pourquoi l'intérêt du ministre à se pourvoir est limité, par la présente décision, à la contestation de la partie de l'arrêt d'appel jugeant que le refus de visa de la contrôleuse budgétaire régionale est entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'État et qui condamne l'État à indemniser les préjudices qui résulteraient directement de ce refus de visa. Le pourvoi est donc rejeté en tant que le ministre soutient, sans y avoir aucun intérêt à le faire, que l'arrêt qu'il attaque est entaché d'erreur de droit et d'inexacte qualification juridique des faits en ce qu'il juge que le non-renouvellement du contrat de la requérante constitue une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'État, dès lors que cette faute n'a pas conduit à la condamnation de l'État à indemniser cette dernière mais seulement à la condamnation de l'ARS PACA.
En second lieu, examinant l'application de la règle de droit, le juge de cassation considère que c'est sans erreur de droit que la cour a jugé, d'abord, qu'une illégalité affectant un visa du contrôleur budgétaire ou un refus de visa opposé par le contrôleur budgétaire est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État et, ensuite, que le refus de visa opposé par la contrôleuse budgétaire régionale au projet d'avenant visant à renouveler le contrat liant la requérante et l'ARS PACA était de nature, en raison de son illégalité fautive, à engager la responsabilité de l'État.
(24 janvier 2022, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 434470)
Santé publique
48 - Lutte contre l’épidémie de Covid-19 – Obligation d’aviser le public des effets secondaires des vaccins anti-Covid – Obligation de faire cesser les entraves à la prescription de médicaments anti-Covid – Rejet.
Doit être rejetée en ses deux moyens la requête tendant d’une part, à ce que le public soit avisé des effets graves qu’auraient les vaccins anti-Covid alors que l’injection de 123 552 600 doses (au 30 décembre 2021) n’a produit que des effets secondaires majoritairement attendus et non graves et, d’autre part, à ce que soient autorisés des médicaments anti-Covid comme préconisé par un urologue à la retraite dans un entretien avec le magazine Capital, ce qui n’est manifestement pas une indication médicale suffisante.
(ord. réf. 13 janvier 2022, M. B., n° 460253)
49 - Enfants de plus de douze ans déclarés cas contact et non complètement vaccinés – Autorisation de se rendre en classe sur présentation d’un test antigénique à J+0 négatif - Demande subsidiaire, à défaut, de mise en place d’un enseignement à distance – Rejet.
Depuis le 3 janvier 2022, un protocole sanitaire prévoit, d’une part, un isolement de sept jours pour les élèves de douze ans et plus sans vaccination ou avec une vaccination incomplète lorsqu'ils sont contacts à risque d'une personne testée positive au Covid-19 et, d’autre part, pour les élèves de moins de douze ans qui sont également contact à risque, la possibilité de rester en classe s'ils subissent un test négatif immédiat, à J+2 et J+4, les autotests étant admis à partir du 14 janvier 2022.
La requérante demandait à titre principal, que soit prise une mesure provisoire et transitoire autorisant pendant une durée d'au minimum huit semaines les élèves de douze ans qui seront déclarés cas contact à risque et ne seront pas vaccinés ou de manière incomplète à pouvoir se rendre en classe en présentant un test négatif ; elle demandait également, à titre subsidiaire, qu’injonction soit faite au ministre de l'éducation nationale de mettre en place un enseignement à distance quotidien pour ces élèves.
Relevant que la vaccination a été ouverte à l'ensemble des enfants à compter du 23 décembre 2021 et que la durée pour obtenir une vaccination complète a été réduite à trois semaines, le juge des référés estime que tous les enfants atteignant l'âge de douze ans sont donc dorénavant susceptibles de disposer d'un schéma vaccinal complet ; même si tel n'est pas encore le cas pour certains enfants venant juste d'avoir douze ans, compte tenu des délais d'obtention des rendez-vous de vaccination, cette situation a vocation à disparaître de manière rapide.
Il s’ensuit l’absence d’atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'éducation qui aurait été portée par l’instauration du protocole litigieux, d’où le rejet du référé.
(ord. réf. 19 janvier 2022, Mme Janura, n° 460331)
50 - Substances ou préparations classées comme vénéneuses (L. 5132-8 c. santé pub.) - Cannabis (plante, résine et produits dérivés) – Autorisation en dessous d’une certaine teneur – Interdiction concernant les fleurs et feuilles même d’une teneur respectant ce seuil – Absence de nocivité démontrée justifiant cette interdiction – Illégalité – Suspension de certaines des dispositions contestées – Rejet du surplus.
L’art. R. 5132-86 du code de la santé publique pris pour l’application de l’art. L. 5132-8 de ce code, interdit la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi du cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine. Toutefois, il peut être dérogé à cette prohibition générale pour celles des variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes et pour ceux des produits contenant de telles variétés.
Un arrêté ministériel du 30 décembre 2021, pris sur le fondement de ces dispositions, décide, d’une part, en son I., que sont autorisées la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n'est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France et, d’autre part, en son II., que sont interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation, même lorsque celles-ci ont une teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), substance classée comme stupéfiante, inférieure au seuil de 0,30 %.
Les requérants arguent de l’illégalité de cet arrêté en tant qu’il estime en son I. comme non stupéfiants les produits dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) est inférieure à 0,30% et, en son II. que sont stupéfiantes les fleurs et feuilles dont la teneur en THC est également inférieure à 0,30 %.
Le juge des référés, statuant, selon les requêtes, en référé liberté ou en référé suspension, distincts ou combinés, estime qu’existe un doute sérieux sur la légalité de la disposition litigieuse car il ne résulte pas de l'instruction, à la date de l’ordonnance, que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n'est pas supérieure à 0,30 % revêtiraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d'interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs et de leur consommation, alors que cette teneur est précisément celle retenue par l'arrêté contesté lui-même, au I de son article 1er, pour caractériser les plantes autorisées à la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale.
Par ailleurs, il n’est pas non plus établi qu'il ne serait pas possible de mobiliser les moyens permettant de contrôler cette teneur, alors que des moyens de contrôle sont détaillés, pour l'ensemble de la plante, à l'annexe de l'arrêté, afin de distinguer les feuilles et fleurs de chanvre qui, en raison de leur très faible teneur en THC, pourraient être regardées comme dépourvues de propriétés stupéfiantes.
La suspension est ordonnée mais seulement pour ce qui est des dispositions du II. litigieux, en revanche, elle ne l’est pas pour les autres dispositions de l’arrêté relatif à d’autres pratiques comme le bouturage, dont l’interdiction ne satisfait pas à la condition d’urgence.
(ord. réf. 24 janvier 2022, Union des professionnels du CBD, n° 460055 et n° 460375 ; Société Slow et société Studio LR, n° 460290 ; Société Weedstock, société Comptoir du chanvre, société Buddha Farm's et société Zentitude, n° 460300 ; Société Gree Leaf Company, n° 460326 ; Société Mister Flower Avenue Niel, société Mister Flower Levallois, société Mister Flower CBD et société FD Holding Investissement, n° 460334 ; Société Shyw, n° 460370, jonction)
Service public
51 - Enseignement supérieur – Covid-19 - Organisation d’examens en présentiel – Risque épidémique élevé – Demande de suspension – Rejet.
Le requérant, dont l’action en référé liberté a été rejetée en première instance, demande au Conseil d’État de suspendre l'organisation en présentiel des examens du premier semestre du centre de préparation aux concours de la haute fonction publique de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne prévus à compter du 3 janvier 2022 ou, à défaut, d'enjoindre à l'université d'organiser ces examens à distance ou, à titre encore subsidiaire, de réexaminer les modalités d'organisation de ces examens.
Le juge des référés du Palais-Royal rejette la demande, prenant acte de ce que la tranche de population concernée par ces examens est vaccinée à plus de 90%, et de ce que l’université impose le port du masque pendant toute la durée des épreuves, met à la disposition des étudiants des produits hydro-alcooliques et leur permettra de composer dans des conditions assurant le respect des règles de distanciation.
(ord. réf. 2 janvier 2022, M. B., n° 460051 et n° 460052)
52 - Scolarisation d’un mineur étranger isolé – Mineur ayant dépassé l’âge de seize ans – Circonstance indifférente à la possibilité de bénéficier d’une formation – Doute sur l’âge du mineur – Absence de pouvoir lié du recteur dans l’appréciation de cet âge – Rejet.
Une personne de nationalité camerounaise, se présentant comme mineur isolé, se voit refuser, par le département de Paris, l’accès à l’aide sociale à l’enfance pour cause de doute sur son âge ainsi que, sur décision implicite du rectorat de Paris, le bénéfice d’une formation.
Les juges du fond ayant fait droit à cette dernière demande, le ministre de l’éducation nationale se pourvoit, invoquant deux moyens qui sont rejetés.
En premier lieu, la scolarité n’étant obligatoire que jusqu’à seize ans, pour les Français comme pour les étrangers (L. 31-1 code de l’éducation dans sa version alors en vigueur), le ministre estimait qu’à supposer même que l’intéressé ait eu l’âge qu’il prétendait avoir, soit seize ans révolus, il n’existait plus pour lui d’obligation de scolarisation. Contre toute attente, confirmant les juges du fond, le Conseil d’État juge « que la circonstance qu'un enfant ait dépassé l'âge de l'instruction obligatoire ne fait pa obstacle à ce qu'il puisse bénéficier d'une formation adaptée à ses aptitudes et besoins particuliers ». Ce qui est discutable ici ce n’est pas tant qu’un tel mineur soit susceptible de bénéficier d’une formation c’est que cette dernière puisse être une obligation pour l’administration saisie d’une telle demande. La volonté du législateur paraît ici bien malmenée.
En second lieu, est rejeté le moyen tiré de l’existence d’un doute sur l’âge réel de l’intéressé car le recteur s’est cru lié par l’avis du service de l'aide sociale à l'enfance du département de Paris alors qu'il n'est pas tenu par cette appréciation et qu'il lui incombe d'apprécier lui-même la situation de l'intéressé à la date de sa décision, au vu des éléments en sa possession, tels la décision du service de l'aide sociale à l'enfance et d'éventuels éléments postérieurs.
(24 janvier 2022, Ministre de l’éducation nationale, n° 432718)
Urbanisme
53 - Urbanisme commercial – Permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché – Avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial et défavorable de la commission nationale – Refus du permis – Recours du maire contre l’avis défavorable et du pétitionnaire contre le refus du permis – Avis constituant un acte préparatoire à la décision sur la demande de permis de construire – Distinction entre les effets de l’avis sur le permis de construire et ceux sur l’autorisation d’exploitation commerciale - Cassation sur le fond sans renvoi – Renvoi partiel du pourvoi sous forme de tierce opposition.
(24 janvier 2022, Société Année distribution et autres, n° 440164)
V. n° 11
54 - Permis de construire - Plan local d'urbanisme (PLU) applicable - Adoption d'un PLU postérieurement à l'octroi du permis - Inapplicabilité à la construction déjà autorisée - Absence d'effet sur un permis modificatif postérieur à l'adoption du PLU - Annulation avec renvoi.
Rappel de ce qu'un permis de construire délivré le 31 juillet 2017 ne saurait être soumis aux prescriptions contenues dans un PLU entré en vigueur le 2 août 2017, soit une fois transmis au contrôle de légalité et affiché en mairie. La circonstance de la délivrance d'un permis de construire modificatif le 14 décembre 2017 est sans incidence sur le droit applicable lors de la délivrance du permis de construire initial.
On assiste ici au triomphe de la sécurité juridique et des droits subjectifs de l'administré.
(31 janvier 2022, Société Amétis, n° 439978)
55 - Permis de construire - Lotissement - Permis tacite délivré dans le délai quinquennal - Impossibilité d'exercer le pouvoir de surseoir à statuer - Annulation.
Un tribunal administratif annule un permis de construire tacite délivré dans un lotissement autorisant la construction d'une maison individuelle et d'une piscine. Il se fonde pour cela sur ce que le maire aurait entaché sa décision d'illégalité en n'opposant pas, le 5 janvier 2019, soit moins de cinq ans après sa décision de non opposition à la déclaration préalable de lotissement, un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée sur une parcelle du lotissement ainsi autorisé, au motif que le projet litigieux était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon.
Ce jugeant, le tribunal a commis une erreur de droit car l'art. L. 442-14 du code de l'urbanisme dispose : « Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date » . Il suit de là que l'autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer, sur le fondement de l'article L. 424-1 du même code, sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
Il faut approuver cette saine application du principe de sécurité juridique.
(31 janvier 2022, M. I., n° 449496)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Décembre 2021
Décembre 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non-contentieuse
1 - Aide au programme de financement des entreprises - Établissement producteur récoltant de champagne - Refus de l’aide par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) - Régime de l'acte créateur de droits sous condition - Absence de retrait - Décision non soumise à l'obligation de motivation - Erreur de droit - Annulation et renvoi.
(9 décembre 2021, FranceAgriMer, n° 433968)
V. n° 100
2 - Agent public - Interdiction d'accès à un local - Mesure d'ordre intérieur - Erreur de droit - Mesure faisant grief - Annulation avec renvoi.
En principe est irrecevable le recours formé par un agent public contre une mesure d'ordre intérieur sauf si elle constitue ou révèle une discrimination ou une sanction. Ainsi en va-t-il de celle qui, tout en modifiant son affectation ou les tâches qu'il a à accomplir, ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut ou de l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni n'emporte perte de responsabilités ou de rémunération.
En l'espèce, l'interdiction faite par un supérieur hiérarchique à un agent ayant la qualité de responsable syndicale d'accéder à des locaux syndicaux et sa demande de lui remettre la clef du local syndical ainsi que celle du panneau d'affichage syndical porte atteinte à l'exercice de la liberté syndicale qui est au nombre des droits et libertés fondamentaux. Elle n'a donc pas la nature d'une mesure d'ordre intérieur mais celle d'une décision susceptible de recours.
C'est au prix d'une erreur de droit que la cour administrative d'appel, se fondant sur ce que l'intéressée était en congé au mois d'août, a jugé que cette dernière n'avait ainsi plus vocation à accéder à ces locaux et que la mesure ne lui faisait pas grief.
(10 décembre 2021, Mme H., n° 440458)
3 - Acte du président de la République chargeant une personne d'une mission de réflexion sur la colonisation et la guerre d'Algérie - Demande d'annulation de cette décision et du rapport remis - Irrecevabilité, acte insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir - Rejet.
Les requérants demandaient l'annulation, d'une part, de la mission de réflexion confiée par le président de la république à l'historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et la guerre d'Algérie, d'autre part, du rapport établi à l'issue cde cette mission.
Les requêtes sont jugées irrecevables faute que ces deux actes, en l'absence de tout caractère décisoire, puissent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
(14 décembre 2021, M. O. et association Générations Harkis, n° 442932 ; M. U., n° 448772)
4 - Ministre confiant à l'un de ses services l'exercice d'une mission à lui dévolue - Saisine de l'inspection générale de la justice par le garde des sceaux - Mission d'inspection sur une enquête menée par le parquet national financier - Recours pour excès de pouvoir - Irrecevabilité - Rejet.
Le recours formé par un syndicat contre une lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi l'inspection générale de la justice sur le fondement de l'article 2 du décret du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice, d'une mission d'inspection du parquet national financier concernant le déroulement d'une enquête préliminaire qu'il a engagée est irrecevable.
En effet, la mesure confiant à un service ministériel l'accomplissement d'une de ses missions statutaires ne saurait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
(15 décembre 2021, Syndicat de la magistrature, n° 442130)
(5) V. aussi, sur le même sujet, identique sur le point ci-dessus et précisant en outre que, si, en principe, un simple communiqué de presse n'est pas en lui-même susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, le communiqué litigieux, en ce qu'il rend publique l'appréciation selon laquelle trois magistrats nommément désignés sont susceptibles d'avoir commis des « manquements au devoir de diligence, de rigueur et de loyauté » et qu'ils sont, pour ce motif, visés par une enquête administrative, est de nature à produire des effets notables, notamment sur les conditions d'exercice de leurs fonctions par les intéressés qui seraient, à ce titre, recevables à en demander l'annulation : 15 décembre 2021, Association de défense des libertés constitutionnelles et Syndicat unité magistrats SNM FO, n° 44759
6 - Appel à candidatures en vue de la labellisation de structures tierces dans le cadre d'essais industriels - Appel lancé par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) - Candidature non retenue - Recours contre cette décision - Rejet car décision sans effet juridique - Erreur de droit - Annulation et renvoi.
Commet une erreur de droit l'arrêt qui juge qu'est dépourvue d'effet juridique et ne peut donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en raison de sa nature d'acte préparatoire, le courrier de l'AP-HP faisant savoir à la requérante que sa candidature, adressée dans le cadre d'un appel à candidatures en vue de la labellisation au titre des structures tierces à la convention unique dans le cadre des essais industriels, n'avait pas été retenue.
En effet, il résulte d'une note de l'AP-HP publiée sur son site internet en même temps que l'appel à candidatures, d'une part, que seules les structures labellisées seront habilitées à recevoir des contreparties négociées avec les promoteurs des recherches sur la personne humaine en application des dispositions précitées, pour les recherches impliquant l'AP-HP et, d'autre part, que cette labellisation est un préalable nécessaire à la conclusion d'une convention unique portant sur des recherches impliquant la personne humaine se déroulant à l'AP-HP.
Il s’agissait donc bien en l’espèce d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
(23 décembre 2021, Association Alliance pour la recherche en cancérologie (APREC), n° 449254)
7 - Agent détaché pour dix-huit mois dans les fonctions d'inspecteur des finances - Décret mettant fin à ces fonctions avant l'expiration du délai de détachement - Absence de motivation (cf. art. L. 211-2 du CRPA) - Illégalité - Annulation.
Doit être annulé pour illégalité résultant de son défaut de motivation au sens et pour l'application des dispositions des art. L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations du public avec l'administration (CRPA), le décret du président de la république mettant fin au détachement du requérant pour dix-huit mois dans les fonctions d'inspecteur des finances de 1ère classe. En effet, dès lors que le courrier lui notifiant cette décision ne comportait l'énoncé d'aucune considération de droit et de fait susceptible d'en constituer le fondement, ni les éléments portés à la connaissance de l'intéressé au cours de la procédure contradictoire précédant cette décision ni l'avis de la commission administrative paritaire n'ont pu tenir lieu de la motivation exigée par la loi.
Par cette solution protectrice des droits de l'intéressé, le Conseil d'État accroît l'importance de l'exigence de motivation et durcit la sanction de son non respect.
(17 décembre 2021, M. Louis-Philippe Carrier, n° 451384)
8 - Communication de documents – Refus – Organisme n’exerçant pas une mission de service public – Incompétence de la juridiction administrative – Irrecevabilité.
Le litige né du refus de communiquer un document, opposé par un organisme qui n’est pas chargé d’une mission de service public, ne relève pas de la compétence de l’ordre administratif de juridiction.
(24 décembre 2021, M. E., n° 444711)
9 - Communication de documents administratifs – Communication du registre de contention et d’isolement d’un centre hospitalier au titre d’une année donnée – Documents soumis aux règles du code des relations du public avec l’administration – Rejet.
Le registre de contention et d’hospitalisation tenu par les centres hospitaliers psychiatriques constitue un document administratif dont la communication sur demande d’un administré est obligatoire dès lors qu’elle ne procède pas de façon répétitive ou qu’elle n’a pas pour effet de perturber le service ou de lui imposer une charge excessive.
(29 décembre 2021, Centre hospitalier de Montperrin, n° 451946)
(10) V. aussi, même solution : 29 décembre 2021, Centre hospitalier Édouard Toulouse, n° 451943.
(11) V. en revanche, jugeant justifié le refus de communication de ce document dès lors que le jugement ordonnant sa communication avait estimé que la nécessité d'occulter les mentions des noms des patients et des soignants n'était pas établie, alors que le centre hospitalier avait produit des documents relatifs aux manifestations organisées par l'association requérante devant certains établissements et à sa dénonciation de « violations de droits de l'homme », « d'actes de maltraitance » et de « traitements inhumains et dégradants » : 29 décembre 2021, CHU de Saint-Etienne, n° 442960
12 - Recours en responsabilité dirigé contre une personne publique – Délai – Condition d’opposabilité – Décision explicite et décision implicite – Formation d’un recours gracieux – Régime du délai de recours contentieux – Application stricte des dispositions du code des relations du public avec l’administration (CRPA) – Annulation de l’ordonnance.
En annulant l’ordonnance rejetant comme tardive une requête en indemnisation du chef du préjudice subi par le demandeur par suite de la mise en fourrière de son véhicule, le Conseil d’État envoie un message très clair aux juges du fond : ceux-ci doivent appliquer les dispositions du CRPA aussi strictement que possible chaque fois qu’il y va de l’intérêt du justiciable.
Le juge du Palais-Royal donne deux séries de précisions en matière de délai du recours à fins indemnitaire introduit du chef de la responsabilité de la puissance publique.
En premier lieu, il résulte de dispositions combinées du CRPA (art. L. 110-1, L. 112-3 et L. 112-6) et du CJA (art. R. 421-1 et R. 421-5) que le délai pour présenter un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, soit dans la notification de la décision rejetant la réclamation indemnitaire préalablement adressée à l'administration si cette décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la réclamation l'ayant fait naître, si elle est implicite.
En second lieu, lorsque le demandeur forme, avant l'expiration de ce délai, un recours gracieux contre une décision ayant rejeté une demande indemnitaire en mentionnant les voies et délais dans lesquels pouvait être introduite une action indemnitaire et ayant, ainsi, fait courir le délai de recours contentieux, le délai de recours pour former une action indemnitaire, interrompu par le recours gracieux, ne recommence à courir qu'à compter, soit de la notification d'une nouvelle décision expresse de refus mentionnant les voies et délais d'un recours indemnitaire, soit, en cas de silence de l'administration, à compter de la naissance de la décision implicite qui en résulte, à la condition que l'accusé de réception du recours gracieux ait mentionné la date à laquelle cette décision implicite était susceptible de naître, ainsi que les voies et délais de recours qui lui seraient applicables.
Les requérants sont ainsi complètement protégés contre tout risque d’ignorance ou d’incertitude quant aux délais en cause.
(27 décembre 2021, M. D., n° 432032)
13 - Procédure administrative non contentieuse – Vice affectant le fonctionnement d’une commission de réforme de la fonction publique hospitalière – Influence sur le sens de l’avis rendu – Absence – Nécessité de la présence d’un spécialiste de la pathologie en cause – Absence suppléée par plusieurs certificats médicaux émanés d’un tel spécialiste – Absence de privation d’une garantie – Rejet.
La jurisprudence décide qu’un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
La requérante se plaignait que la commission de réforme de la fonction publique hospitalière compétente pour examiner son cas ne comportait pas la présence d’un médecin spécialiste en psychiatrie lors de la réunion au cours de laquelle cette commission a examiné sa situation et elle reprochait à la cour administrative d’appel d’avoir jugé que cette absence ne l’avait cependant pas privée d’une garantie dès lors que la commission disposait de plusieurs certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres ainsi que d'un rapport d'expertise récent établi par un psychiatre ayant examiné Mme D.
Le Conseil d’État, au bénéfice de l’appréciation souveraine des faits appartenant à la cour et en l’absence de toute dénaturation, approuve, à très juste titre selon nous, la solution retenue.
(27 décembre 2021, Mme D., n° 439296)
14 - Procédure administrative non contentieuse – Sanction pour infraction au code du travail (emploi d’un étranger non autorisé à travailler en France) - Griefs devant être communiqués au contrevenant et dans un délai raisonnable – Obligation inexistante dans les textes – Principe général du droit du respect des droits de la défense – Annulation dans la limite des conclusions.
L’art. L. 8251-1 du code de travail interdit l’emploi d’un travailleur étranger en France s’il n’y pas été autorisé. L’employeur contrevenant doit acquitter une « contribution spéciale ».
Une cour administrative d’appel juge que ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant : l’Office français de l’intégration et de l’immigration n'était donc pas tenu d'informer M. A. de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel les manquements avaient été établis.
L’arrêt est cassé au motif, évident, que cette communication s’imposait - en vertu du principe général du respect des droits de la défense - avec indications d’une précision suffisante des griefs reprochés, octroi d’un délai raisonnable pour permettre une éventuelle défense avant le prononcé de la sanction.
(30 décembre 2021, M. A., n° 437653)
15 - Audiovisuel – « Chronologie des médias » - Habilitation donnée au gouvernement pour fixer par décret une nouvelle « chronologie des médias » - Habilitation ne constituant pas une obligation – Rejet.
Le droit de l’Union a prévu une contribution financière de la part des fournisseurs de services de médias à la production d'oeuvres européennes, notamment par l'investissement direct dans des contenus et par la contribution à des fonds nationaux. L’art. 36 de la loi française du 3 décembre 2020 a, à cet effet, autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance de l’art. 38 des dispositions permettant de soumettre les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande par abonnement établis à l'étranger à la contribution financière au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d'expression originale française, mentionnée au 6° de l'article 33 et au 3° de l'article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Selon le I de l'article 28 de l'ordonnance du 21 décembre 2020 : « Les organisations professionnelles et les éditeurs de services mentionnés à l'article L. 234-1 du code du cinéma et de l'image animée concluent un nouvel accord professionnel sur les délais applicables aux différents modes d'exploitation des œuvres cinématographiques prévus aux articles L. 232-1 et L. 233-1 de ce code.
A défaut d'un nouvel accord rendu obligatoire dans un délai, fixé par décret, qui ne peut être supérieur à six mois à compter de la publication de la présente ordonnance, les délais au terme desquels une œuvre cinématographique peut être mise à la disposition du public par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande ou diffusé par un éditeur de services de télévision sont fixés par décret en Conseil d'État.
Ces délais s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur d'un accord professionnel rendu obligatoire (...) ".
L’article 1er du décret du 26 janvier 2021 fixe la date d’expiration du délai prévu à l'article 28 de l'ordonnance précitée pour la conclusion d'un nouvel accord relatif aux délais applicables aux différents modes d'exploitation des œuvres cinématographiques au 31 mars 2021.
La société demanderesse sollicite l’annulation de l’art. 28 de l’ordonnance et de l’art. 1er du décret précité.
Des divers moyens soulevés, il faut retenir le rejet de l’un d’entre eux, particulièrement topique du régime des actes de l’administration.
Contrairement à ce que soutenait la requérante, le Conseil d’État juge que les dispositions de l'article 36 de la loi du 3 décembre 2020, éclairées par ses travaux préparatoires, que le législateur n’a entendu habiliter le Gouvernement qu’à prendre, par ordonnance, des dispositions ayant seulement pour but de susciter une nouvelle négociation d'un accord portant sur la « chronologie des médias ». Par suite, si les dispositions litigieuses de l'article 28 de l'ordonnance du 21 décembre 2020 permettent au Gouvernement de fixer par décret en Conseil d'État une nouvelle « chronologie des médias » à partir d'une date fixée par décret, sous réserve qu'aucun nouvel accord professionnel n'ait été rendu obligatoire à cette date, elles doivent être regardées comme ne comportant, en revanche, aucune obligation pour le Gouvernement de fixer par décret en Conseil d'État une nouvelle « chronologie des médias » si aucun nouvel accord professionnel n'est signé et rendu obligatoire à cette même date. Il s’agit d’une habilitation non d’une obligation de décision.
La nuance pourra paraître subtile aux utilisateurs concernés et le recours du juge à l’analyse des travaux préparatoires illustre bien le peu de clarté du mécanisme normatif ainsi agencé.
(27 décembre 2021, Société Canal Plus, n° 450083 ; Société Canal Plus, n° 450644, deux espèces)
16 - Normalisation – Normes ISO – Caractère obligatoire de celles-ci subordonné à leur gratuité – Contrôle et évaluation des matériaux et produits contenant de l’amiante – Certification des compétences des évaluateurs – Absence de gratuité de l’accès à la norme - Illégalité – Annulation.
La ministre de la transition écologique ne pouvait pas exiger – pour la certification de la satisfaction, par certains corps ou organismes, aux critères de certification des compétences des personnes physiques opérateurs de repérages, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux dans les immeubles bâti – que ceux-ci soient soumis obligatoirement à une accréditation qui est faite sur la base d'une norme d'accréditation homologuée en vigueur, laquelle est, en l'espèce, la norme NF EN ISO/CEI 17024, car cette accréditation a pour effet de rendre obligatoire l'application de cette norme, alors qu'une norme, en vertu des dispositions de l’art. 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, ne peut être rendue d'application obligatoire si elle n'est pas gratuitement accessible.
Tel est le cas en l’espèce où cette cette norme n'est pas gratuitement accessible sur le site internet de l'Association française de normalisation.
(30 décembre 2021, Association « Les diagnostiqueurs indépendants », n° 436420)
17 - Demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des produits et prestations remboursables – Article L. 165-1 code de la sécurité sociale – Décision implicite de rejet puis décision explicite de rejet – Irrégularité procédurale – Absence – Illégalité par voie de conséquence – Absence – Rejet.
Doit être rejeté le recours dirigé contre une décision explicite, intervenue après une décision implicite, rejetant une demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des produits et prestations remboursables, conformément aux dispositions de l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. En effet, la décision explicite succédant à une décision implicite de même sens se substitue ipso facto à elle. Il suit de là que ne peuvent être invoquées contre cette décision explicite ni la circonstance qu’elle n’aurait pas été précédée d’un avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et de technologie de santé, ni qu’elle serait illégale par voie de conséquence de l’illégalité e la décision implicite.
(30 décembre 2021, Sociétés Giskit B.V et Goodlife Pharma, n° 446479)
Audiovisuel, informatique, fichiers et technologies numériques – Intelligence artificielle
18 - Élection présidentielle de 2022 - Demande d'injonction envers le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - Réglementation des sondages - Temps de parole des candidats déclarés - Exclusion des personnes n'ayant pas publiquement déclaré leur candidature - Rejet.
Une personne ayant fait connaître sa décision de se porter candidate à l'élection présidentielle du printemps 2022 saisit le juge du référé de l'art. L. 521-2 du CJA du refus que lui a opposé le CSA de modifier sa délibération du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision, afin d'y préciser les règles d'élaboration des sondages d'opinion susceptibles d'être pris en compte pour apprécier le caractère équitable des temps d'intervention des candidats au regard de leur représentativité. Dans l'attente du jugement au fond du rejet implicite de cette demande, il saisit le juge des référés du Conseil d’État afin qu'il enjoigne au CSA de prendre une délibération fixant provisoirement de telles règles et d'assurer provisoirement un temps minimal, de quinze minutes par semaine, d'expression de tous les candidats publiquement déclarés à la prochaine élection présidentielle dans les médias se trouvant sous son contrôle et ce à des heures de grande audience.
Le recours est rejeté pour défaut d'urgence, condition sine qua non de l'usage du référé liberté, alors que le scrutin dont s'agit aura lieu dans quatre mois.
Ce litige a donné lieu à une précédente décision du juge des référés statuant sur le fondement des dispositions de l'art. L. 521-3 CJA (25 novembre 2021, M. A., n° 458424; cf. cette Chronique, novembre 2021, n° 105)
(ord. réf. 9 décembre 2021, M. A., n° 459010)
(19) V. aussi, dans le même sens : ord. réf. 22 décembre 2021, M. B., n° 459602.
20 - Contrat d'itinérance conclu entre deux sociétés de téléphone - Décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de ne pas demander une modification de l'avenant du 19 février 2020 au contrat d'itinérance entre les sociétés Free Mobile et Orange prolongeant son exécution pendant deux ans - Condition d'exercice par l'ARCEP de son pouvoir de demander la modification d'une convention de partage de réseaux entre opérateurs - Exigence seulement de compatibilité entre accord d'itinérance et objectifs de la régulation - Rejet.
Les requérantes demandaient, au principal, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, rendue publique par un communiqué de presse publié le 23 octobre 2020, par laquelle l'ARCEP a renoncé à demander une modification de l'avenant du 19 février 2020 au contrat d'itinérance entre les sociétés Free Mobile et Orange prolongeant son exécution pendant deux ans et, d'autre part, qu'injonction soit faite à l'ARCEP de modifier, en application de l'article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques, le 9ème avenant au contrat d'itinérance passé entre les sociétés Free Mobile et Orange en précisant les conditions de son extinction définitive dans un délai maximum de trois mois à compter de la décision à intervenir.
Les requêtes sont rejetées. Délaissant les moyens de légalité externe nous n'évoquons ici que ceux de légalité interne.
Tout d'abord, le juge procède à trois constatations ou rappels :
1°/ l'effet utile d'un recours dirigé contre la décision de l'ARCEP de ne pas demander la modification d'une convention de partage des réseaux radioélectriques ouverts au public ne peut guère consister qu'en la prescription d'office par le juge (cf. art. L. 911-1 CJA), pour l'ARCEP, de procéder au réexamen de cette convention en vue de demander, le cas échéant, de telles modifications ;
2°/ L'appréciation de la légalité de cette décision doit être faite au jour de la décision du juge sur ce point ;
3°/ enfin, dans le cas où la convention n'est plus en vigueur à cette date, le litige dont est saisi le juge est devenu sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Ensuite, il est jugé que la faculté pour l'ARCEP de demander la modification d'une convention de partage de réseaux entre opérateurs est limitée à deux cas selon que l'ARCEP estime cette modification nécessaire soit à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques soit au respect des engagements souscrits au titre des autorisations d'utilisation de fréquences radioélectriques par les opérateurs parties à la convention.
Enfin, la seule circonstance que les conditions initiales ne seraient plus réunies, n'impose pas que l'ARCEP intervienne en application des dispositions de l'article L. 34-8-1-1 dudit code pour demander qu'il soit mis fin à l'accord d'itinérance, dès lors que les conditions de cet accord sont par ailleurs compatibles avec la réalisation des objectifs de la régulation.
(15 décembre 2021, Société Bouygues Télécom, n° 448067 ; Société française du radiotéléphone (SFR), n° 448101, jonction)
21 - Traitement de données à caractère personnel – Traitement dit « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (EASP) – QPC – Rejet – Légalité externe – Rejet – Finalités du traitement – Enregistrement des données – Données diverses – Durée de conservation – Accès et communication – Rejet.
Les requérants demandaient l’annulation pour excès de pouvoir le décret du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (EASP).
En bref, ces dispositions, essentiellement les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, prévoient que peuvent être précédés d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées ou avec l'attribution des titres demandés, les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant certains emplois sensibles, relevant notamment du domaine de la sécurité, de la défense et des jeux, paris et courses, l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, la délivrance, le renouvellement ou le retrait de titres et d'autorisations de séjour, l'octroi ou le maintien de la protection internationale, ainsi que les décisions de recrutement et d'affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein de certaines entreprises de transport. Une telle enquête, portant sur le point de savoir si le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État, est menée préalablement à la délivrance d'une autorisation d'accès à certains établissements et installations sensibles dans le cadre des grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste désignés par décret. Il en va de même en cas d'enquête portant sur la conduite et le loyalisme du demandeur en matière de déclarations de nationalité, de décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, de toute demande de naturalisation ou de réintégration.
La QPC soulevée à l’encontre de ces dispositions ainsi que les autres moyens développés à l’encontre du décret attaqué sont rejetés.
Les griefs tenant à la légalité externe (incompétence du pouvoir réglementaire pour prendre ce texte, consultation irrégulière du Conseil d’État et défaut d’analyse d’impact) ne sont pas retenus.
Les moyens de légalité interne, plus substantiels, retiennent davantage l’attention du juge (et du commentateur) même s’ils sont finalement, à leur tour, rejetés.
Ainsi en va-t-il notamment des moyens relatifs à la finalité des traitements en cause, qu’il s’agisse de la détermination de ces finalités ou de leur légitimité ; des moyens relatifs aux données susceptibles d’être enregistrées tant pour ce qui regarde les personnes concernées du chef de ces données que pour ce qui concerne la collecte de données sensibles ; des moyens concernant le repérage et les données des activités menées au sein de personnes morales ou de groupements, sur mes réseaux sociaux ; ou encore de ceux relatifs aux données de santé, portant sur des antécédents judiciaires, concernant des « facteurs familiaux, sociaux et économiques », des « facteurs de fragilité », des « comportements et habitudes de vie », des « déplacements » ainsi que des « pratiques sportives ».
Dans tous les cas cités, il apparaît au juge que les éléments recherchés ou susceptibles de l’être sont légitimes, clairement délimités et entourés de garanties propres à assurer la sauvegarde des droits et libertés en cause.
Reste qu’il nous semble que ce n’est pas tant le régime juridique applicable à chacun de ces éléments (encore que…) qui constitue le plus gros danger mais la diversité et l’étendue des connaissances ainsi engrangées et cela alors même que chacune d’elles le serait dans des conditions irréprochables. Nul n’ignore les faiblesses humaines, l’existence d’intérêts malsains et multiples, les capacités de corruption, le degré de pénétration des systèmes les mieux protégés, et, pour finir, que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » (Montesquieu) parfois avec une parfaite bonne foi qui a nom ici, étant donné l’ampleur du savoir ainsi acquis, « dangereuse naïveté ».
(24 décembre 2021, Ligue des droits de l'homme et Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 447513 ; Confédération générale du travail et autres, n° 447973 ; Association La Quadrature du Net, n° 448059 ; Conseil national des barreaux, n° 449299 ; Collectivité de Corse et autres, n° 449461, jonction)
(22) V. aussi, assez semblable au précédent mutatis mutandis, avec mêmes requérants, s’agissant du décret du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Prévention des atteintes à la sécurité publique » (PASP) contre lequel le recours est rejeté : 24 décembre 2021, Ligue des droits de l'homme et Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 447515 ; Confédération générale du travail et autres, n° 444969 ; Association La Quadrature du Net, n° 448048 ; Conseil national des barreaux, n° 449300 ; Collectivité de Corse et autres, n° 449468, jonction.
(23) V. encore, le rejet des recours formés par les requérants précédents contre le décret n° 2020-1512 du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique » (GIPASP) : 24 décembre 2021, Ligue des droits de l'homme et Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 447518 ; Confédération générale du travail et autres, n° 444971 ; Association La Quadrature du Net, n° 448051 ; Conseil national des barreaux, n° 449301 ; Collectivité de Corse et autres, n° 449469, jonction.
Au terme de l’analyse de ces trois séries de recours rejetés, force est de conclure que quand c’est trop, c’est trop quelles que puissent être la pureté des intentions et la légitimité du but poursuivi. Encore une fois, cette masse quantitative d’atteintes finit par colorer en très sombre la qualité de la démocratie.
(24) V. ni comparable ni voisin mais concernant des thématiques assez semblables et révélant des craintes de même nature : 30 décembre 2021, Quadrature du Net, Franciliens.Net et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs, n° 428028
25 - Service radiophonique – Obligation relative au respect de la part des recettes de publicité ou de parrainage par rapport au chiffre d’affaires d’une association éditrice d’un service radiophonique – Interprétation de la convention conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Clause contractuelle se référant aux dispositions de l’art. 80 de la loi du 30 septembre 1986 – Incidence sur le mode de calcul du pourcentage maximum autorisé pour la part de recettes – Rejet.
Saisi par le syndicat requérant, le Conseil d’État a, par une décision du 6 mai 2021, sursis à statuer sur celles de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a refusé de mettre en demeure l'association Radio Color, éditrice du service radiophonique Vosges-FM, de respecter son obligation relative à la part de ses ressources provenant de la publicité ou du parrainage. Un délai de deux mois a été imparti au CSA par cette même décision et à l'association Radio Color pour produire tous éléments relatifs au respect par cette dernière de la limite des 20% des ressources provenant de la publicité ou du parrainage, fixée à l’article 3-3 de la convention conclue le 22 novembre 2017 entre le CSA et l'association Radio-Color.
La présente décision concerne donc cet aspect seulement du litige.
Pour dire que c’est à bon droit que le CSA a estimé que l’association radiophonique en cause avait respecté son engagement contractuel, le Conseil d’État relève que la convention a fait choix de se référer à la règle posée à l’art. 80 de la loi du 30 septembre 1986.
Il s’ensuit que pour calculer le pourcentage maximum de 20% du chiffre d'affaires total pouvant provenir de la publicité ou du parrainage, doit être retenu le rapport entre, d'une part, l'ensemble des ressources tirées de la diffusion de messages publicitaires ou de parrainage à l'antenne du service Vosges-FM et, d'autre part, l'ensemble des produits d'exploitation que l'association Radio-Color tire de l'activité radiophonique de ce même service.
En revanche, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, l’art. 3-3 précité n'a entendu tenir compte, ni au numérateur, ni au dénominateur de cette fraction, des ressources de l'association provenant de « conseils en communication » ou de vente d'espaces publicitaires sur le site de la station Vosges FM, lesquelles ne revêtent pas, pour l'application des stipulations de la convention, le caractère de produits tirés de l'activité radiophonique du service Vosges-FM.
(27 décembre 2021, Syndicat des radios indépendantes (SIRTI), n° 435540)
26 - Audiovisuel – « Chronologie des médias » - Habilitation donnée au gouvernement pour fixer par décret une nouvelle « chronologie des médias » - Habilitation ne constituant pas une obligation – Rejet.
(27 décembre 2021, Société Canal Plus, n° 450083 ; Société Canal Plus, n° 450644)
V. n° 15
Biens
27 - Occupation du domaine public par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'énergie électrique - Redevances dues à une communauté urbaine - Plafonnement - Mode de calcul - Erreur de droit partielle et annulation sur ce point.
La société Enedis a obtenu en première instance et en appel l'annulation de titres exécutoires émis par une communauté urbaine au titre de la redevance d'occupation provisoire de son domaine public.
La communauté urbaine se pourvoit.
Tout d'abord, est censurée l'erreur de droit commise par la cour qui, pour dire irréguliers les titres exécutoires litigieux, s'est fondée sur ce que la communauté qui les avait émis n'était pas habilitée à mettre en œuvre le régime prévu à l'article L. 2333-84 du CGCT alors qu'à la date à laquelle des délibérations qui ont institué et fixé le montant de ces redevances à la charge des opérateurs de transport et de distribution d'électricité en contrepartie, respectivement, de l'occupation du domaine public routier par leurs ouvrages et de l'occupation provisoire de ce domaine par les chantiers de travaux qu'ils réalisent, la communauté urbaine exerçait, sur le territoire de ses communes membres, la compétence relative à la voirie lui avait été transférée en pleine propriété.
Ensuite, il résulte des dispositions de l'art. R. 2333-106 du CGCT que lorsqu'une partie du domaine public d'une commune est mise à la disposition d'un établissement public de coopération intercommunale, l'un comme l'autre fixent le montant des redevances dues à raison de l'occupation, par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'énergie électrique, des dépendances domaniales dont ils sont gestionnaires, dans les limites du plafond communal global prévu par l'article R. 2333-105 du même code, réparti au prorata de l'occupation par ces réseaux de leurs domaines publics respectifs.
Lorsque, comme en l'espèce, un établissement public de coopération intercommunale est devenu propriétaire de dépendances du domaine public par l'effet d'un transfert de compétences ces mêmes dispositions s'appliquent. De ce fait, en cas d'occupation par ces ouvrages à la fois du domaine public d'une communauté urbaine et de celui de ses communes membres, les tarifs de la redevance instituée par la communauté urbaine doivent être fixés dans la limite, pour chacune des communes, d'une fraction du plafond communal global, calculée au prorata de la longueur des réseaux installés sur ce domaine public par rapport à la longueur totale des réseaux installés sur le territoire de la commune concernée. Il en va de même pour les tarifs de la redevance due à raison de l'occupation provisoire de ce domaine public pour les besoins de chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de distribution d'électricité.
Les délibérations litigieuses méconnaissent cette règle du plafonnement et sont illégales dans cette mesure.
La société demanderesse est donc seulement fondée à demander l'annulation des titres litigieux en tant qu'ils ont mis à sa charge des sommes excédant le montant déterminé par application de cette règle.
(10 décembre 2021, Communauté urbaine Creusot-Montceau, n° 445108)
28 - Copropriété des immeubles bâtis – Transfert d’un lot ou partie de lot – Établissement par le syndic d’un état daté des sommes dues ou à recevoir – Fixation d’un plafond des frais et honoraires dus – Légalité – Rejet.
Le b) de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que les honoraires et frais perçus par le syndic en contrepartie de l'établissement de l'état daté lors du transfert e propriété d’un lot ou d’une partie de lot, imputables au seul copropriétaire concerné, ne peuvent excéder un montant fixé par décret. Le décret du 17 mars 1967, pris pour l’application de la loi précitée, impose au syndic, avant tout transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot, d'adresser au notaire chargé de recevoir l'acte, un état daté indiquant, pour chaque lot considéré, les sommes restant dues au syndicat par le copropriétaire cédant, celles dont le syndicat pourrait être débiteur vis-à-vis de lui et celles qui incomberont au nouveau copropriétaire.
L'article 1er du décret du 21 février 2020, dont l'annulation pour excès de pouvoir est demandée, fixe à 380 euros TTC ce montant maximum.
Les différents moyens soulevés sont rejetés et d’abord la demande de transmission d’une QPC car le plafonnement du montant des honoraires et frais, compte tenu de l’intérêt général qui y est attaché, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, ne méconnaît pas le principe de l'égalité devant les charges publiques et n’affecte pas la liberté d’entreprendre.
Ensuite, les dispositions litigieuses ne portent pas atteinte à la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur qui vise à créer un véritable marché intérieur des services en interdisant ou en encadrant les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre circulation des services entre les États membres, étant en outre observé que l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970 soumettant l'exercice de l'activité de syndic à la détention d'une carte professionnelle, cette activité relève des matières couvertes par l'article 5 du titre II de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Ainsi, la Chambre FNAIM du Grand Paris ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 16 de la directive du 12 décembre 2006 à l'appui de son recours dès lors que, en vertu du § 6 de l'article 17 de la directive du 12 décembre 2006, l'article 16 de cette directive ne s'applique pas « aux matières couvertes par le titre II de la directive (du 7 septembre 2005) ainsi qu'aux exigences en vigueur dans l'État membre où le service est fourni, qui réservent une activité à une profession particulière ».
Le tarif litigieux de 380 euros ne saurait être regardé comme une restriction contraire à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services garanties respectivement par les articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Enfin, le décret attaqué, au regard de l’objectif poursuivi, ne contrevient pas à l’art. 10-I de la loi de 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis en l’absence d’atteintes disproportionnées tant à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie qu’à l’objectif de protection des consommateurs ou au principe d’égalité devant les charges publiques.
La solution retenue est d’autant plus justifiée que les moyens informatiques contemporains, notamment les logiciels ad hoc, permettent avec une très grande facilité et rapidité, à peu de frais, l’établissement de tels états.
(29 décembre 2021, Chambre FNAIM du Grand Paris, n° 441005)
29 - Traitement en vue du développement d’un algorithme - Réalisation d'évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative - Élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels – Absence d’irrégularité – Rejet.
Les requérants poursuivaient l’annulation du décret du 27 mars 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust ». Celui-ci autorise le garde des sceaux, à mettre en œuvre, pour une durée de deux ans, un traitement ayant pour finalité : « le développement d'un algorithme devant servir à :
1° La réalisation d'évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative ;
2° L'élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels ;
3° L'information des parties et l'aide à l'évaluation du montant de l'indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges ;
4° L'information ou la documentation des juges appelés à statuer sur des demandes d'indemnisation des préjudices corporels. ».
Les données permettant la confection de cet algorithme sont extraites des décisions de justice rendues en appel entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019 par les juridictions administratives et les formations civiles des juridictions judiciaires dans les seuls contentieux portant sur l'indemnisation des préjudices corporels.
Dans la mesure où ces données feront l’objet d’une pseudonymisation, le droit d'information et le droit d'opposition des personnes dont les données sont collectées ne s'appliqueront pas.
Le recours invoquait de nombreux moyens qui sont tous rejetés avec, parfois, une légèreté ou une désinvolture traduisant un grand optimisme de la part du juge sur les vertus attendues de cet instrument. Par exemple, lorsque celui-ci justifie certaines entorses au motif que ce n’est qu’une expérimentation devant durer seulement deux ans, oubliant qu’au terme de cette période ce sont bien des conclusions définitives qui seront tirées : si au stade présent il ne s’agit que de recueillir des éléments forcément rétrospectifs, c’est pour en tirer, selon les propres termes de l’art. 1er de ce décret, « des évaluations prospectives », donc pour orienter de manière décisive l’action des gouvernants en direction des citoyens.
Le juge ne trouve rien à redire aux finalités assignées au traitement devant permettre la construction de l’algorithme : elles sont déterminées et explicites, ne portent pas atteinte aux principes de l'individualisation et de la réparation intégrale des préjudices, elles ne sont pas inutiles en dépit de l'existence d'autres outils ayant la même finalité et elles ne sont pas davantage biaisés faute pour le traitement de prendre en compte les indemnités amiables ainsi que l'évolution du droit car il ne s’agit que d’une expérimentation d’une durée de deux ans.
Semblablement, ne souffrent pas davantage la critique les données collectées : elles respectent les principes de minimisation et d'exactitude des données y compris celles relatives à la santé des personnes concernées ; les restrictions apportées aux droits des personnes dont les données sont traitées, notamment s’agissant de leur consentement au recueil de ces données, de leurs droits d’information, d’opposition, d’accès, de rectification et de limitation ne sont pas excessives dès lors que s’y attache un intérêt public et que leurs résultats sont rendus publiquement disponibles ; enfin, compte tenu de la restriction des personnes destinataires de ces données et des obligations pesant sur les responsables en matière de respect des règles de sécurité des données, il n’y a pas lieu non plus, de ces chefs, d’apercevoir une quelconque irrégularité.
On regrettera que la première vraie décision du Conseil d’État sur cette matière innovante n’ait pas donné lieu à une rédaction davantage doctrinale.
(30 décembre 2021, Société B. Avocat Victimes et Préjudices et M. B., n° 440376 ; M. M. et autres, n° 440976 ; Mme A. et autres, n° 442327 ; Association La Quadrature du Net, n° 442361 ; Association APF France handicap et autres, n° 442935)
Contrats
30 - Modèle d'accord-cadre entre EDF et les fournisseurs et acheteurs d'énergie électrique (art. L. 336-5 code de l'énergie) - Crise sanitaire - Définition de la force majeure par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) - Baisse de la consommation et du prix de gros de l'énergie électrique - Refus d'EDF de mettre en oeuvre la clause de force majeure figurant à l'art. 13 du modèle d'accord-cadre – Annulation.
Par suite des effets délétères du confinement imposé durant la première vague de l'épidémie de Covid-19, au printemps 2020, la consommation d'électricité a fortement chuté ainsi que le prix de gros de celle-ci qui est descendu bien en dessous du montant de 42 euros par MWh H.T. fixé par l'arrêté du 17 mars 2011.
Plusieurs fournisseurs d'électricité, considérant la situation ainsi créée comme constitutive d'un « événement de force majeure » au sens de l'art. 10 du modèle d'accord-cadre annexé à l'arrêté du 12 mars 2019 (qui dispose : « La force majeure désigne un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables (...) »), ont demandé l'application de l'art. 13 des accords-cadres conclus par chacun d'eux.
Selon cet article : en premier lieu, « L'exécution de l'accord-cadre pourra être suspendue, dans les cas de défaillance et suivant les modalités indiquées ci-après : (...) - en cas de survenance d'un événement de force majeure, défini à l'article 10 de l'accord-cadre (3) » ; en second lieu, dans cette hypothèse, « la suspension prend effet dès la survenance de l'événement de force majeure et entraîne de plein droit l'interruption de la cession annuelle d'électricité et de garanties de capacité ».
Par sa délibération du 26 mars 2020 portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d'électricité et de gaz naturel, la CRE, dans la partie intitulée « Evolution du cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) » :
1°/ a constaté le désaccord entre les fournisseurs alternatifs d'électricité et la société EDF;
2°/ a donné son interprétation des dispositions précitées de l'article 10 en estimant que la « force majeure ne trouverait à s'appliquer que si l'acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l'exécution de l'obligation de paiement de l'ARENH » ;
3°/ a conclu qu' « en conséquence, la CRE ne transmettra pas à Réseau de transport d'électricité (RTE) une évolution des volumes d'ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d'activation de la clause de force majeure ».
La société requérante, qui a conclu un accord-cadre sur l'ARENH avec la société EDF et à qui cette dernière a refusé la mise en œuvre de la clause de force majeure par une décision du 23 mars 2020, demande, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération précitée du 26 mars 2020 pour méconnaissance des articles 10 et 13 de cet accord et, d'autre part, qu'il soit enjoint à la CRE de reprendre une délibération dans un délai de deux semaines sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Le Conseil d'État, confirmant une tendance jurisprudentielle désormais bien établie, juge tout d'abord que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l'exercice des missions dont elles sont investies peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir de la part de tout requérant justifiant d'un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent. On aura observé que la ligne de partage avec un recours de plein contentieux est ici très ténue.
Il suit donc de là la recevabilité du recours introduit par la société demanderesse contrairement à la fin de non-recevoir opposée par la CRE.
Ensuite, au fond, le Conseil d'État reproche à la CRE d'avoir donné de la force majeure une définition fondée sur l'impossibilité totale pour l'acheteur d'exécuter l'obligation de paiement de l'ARENH alors que les stipulations de l'article 10 de l'accord-cadre subordonnaient uniquement le bénéfice de cette clause à la condition qu'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rende impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables. Allant ainsi au-delà de l'exigence contractuelle, la CRE a commis une erreur de droit qui entraîne l'annulation de la partie litigieuse de sa délibération querellée.
La question demeure de savoir si la censure ainsi prononcée s'attache au fait que la CRE n'a pas retenu la définition contractuelle sur la base de laquelle ont été fondées les obligations respectives des contractants ou au fait que la définition qu'elle a retenue s'éloigne de celle, assez constante, retenue en droit positif et dans la jurisprudence, tant civile qu'administrative
(10 décembre 2021, Société Hydroption, n° 439944)
31 - Délégation de service public (DGSP) - Entreprise candidate sur un des lots - Envoi de deux courriers - Commune ayant retenu le seul second courrier - Rejet de la candidature pour incomplétude du dossier - Erreur de droit - Annulation sans renvoi (art. L. 821-2 CJA).
Dans le cadre d'une procédure d'attribution de lots d'une délégation de service public, la requérante a adressé deux courriers, le premier le 11 mai 2021, par lequel elle présentait sa candidature, le second le 16 mai, qui comportait une copie de sa licence d'exploitation IV. Appliquant l'art. R. 2151-6 du code de la commande publique (selon lequel « Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres. »), la commission de délégation de service public a déclaré cette candidature incomplète en ne retenant que le second envoi reçu.
L'ordonnance attaquée est annulée car, pour rejeter le référé dont il était saisi, son auteur, d'une part, a estimé que la requérante n'était pas fondée à soutenir que la commune ne pouvait rejeter sa candidature comme incomplète sans consulter la copie de sauvegarde qu'elle avait également déposé et, d'autre part, a omis de répondre aux autres moyens de la requête.
Le Conseil d'État annule l'ordonnance car les dispositions réglementaires invoquées au soutien du rejet de la candidature litigieuse ne sont pas applicables à une DGSP et, surtout, l'autorité concédante ne pouvait se dispenser de constater que la seconde transmission ne comportait qu'un document et ne pouvait être raisonnablement regardée comme se substituant au dossier de candidature transmis antérieurement. C'est donc à tort qu'elle a rejeté pour incomplétude la candidature de la requérante.
Il est enjoint à la commune de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures en tenant compte de la candidature que la société TDS lui a transmise le 11 mai 2021.
(20 décembre 2021, Société TDS, n° 454801)
Droit du contentieux administratif
32 - Classement de parcelles - Demande de révision et de décharge de taxe foncière sur les propriétés non bâties - Refus ayant des effets autres que fiscaux - Acte détachable du mécanisme d'imposition - Contestation relevant du contentieux de l'excès de pouvoir - Rejet partiel et annulation.
(6 décembre 2021, M. B., n° 438209)
V. n° 70
33 - Salarié protégé - Licenciement - Refus d'autorisation - Irrecevabilité du recours contre cette décision - Décision purement confirmative - Erreur de droit et de qualification juridique des faits - Annulation et renvoi.
(8 décembre 2021, Société Café de Flore, n° 433754)
V. n° 110
34 - Compétence de premier ressort des cours administratives d'appel - Décision de la Commission nationale d'aménagement commercial sur la caducité d'une autorisation d'exploitation commerciale - Décision prise dans le cadre de l'art. L. 752-17 du code de commerce - Compétence de premier ressort des cours administrative d'appel - Renvoi à une cour.
Le Conseil d'État juge que pour l'application de l'art. R. 311-3 du CJA relatif à la compétence de premier ressort des cours administratives d'appel, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial se prononçant sur la caducité d'une autorisation d'exploitation commerciale doit être considérée comme prise en application de l'article L. 752-17 du code de commerce et donc comme relevant en premier ressort, non du Conseil d'État mais des cours administratives d'appel. D'où le renvoi ici ordonné à la cour de Bordeaux.
(8 décembre 2021, Société Nobladis, n° 438150)
(35) V. aussi, rappelant que si en application de l'article L. 752-20 du code de commerce, les décisions que la Commission nationale d'urbanisme commercial prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables : 13 décembre 2021, Société Juin Saint Hubert et autres, n° 437794.
36 - Commission nationale du débat public - Absence de caractère réglementaire des décisions prises sur le fondement L. 121-9 du code de l'environnement - Compétence de premier ressort pour connaître de ce contentieux relevant du tribunal administratif - Renvoi à cette juridiction.
La requérante demandait l'annulation de la décision du 2 septembre 2020 par laquelle la Commission nationale du débat public a décidé d'organiser une concertation préalable sur le projet d'aménagement à deux fois trois voies de l'autoroute A 46 Sud et du nœud de Manissieux. Elle a saisi à cet effet le Conseil d'État.
L'article L. 121-9 du code de l'environnement qui confie à la Commission nationale du débat public le soin de déterminer les modalités de participation du public au processus de décision concernant des projets, plans ou programmes en fonction de leur incidence territoriale ne confère pas aux décisions prises à ce titre un caractère réglementaire, d'où il suit que les recours dirigés contre de telles décisions doivent être portés d'abord devant un tribunal administratif, non devant le Conseil d'État statuant en premier et dernier ressort. Renvoi de l'affaire est donc ordonné en l'espèce vers un tribunal administratif.
(8 décembre 2021, Fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement (FRACTURE), n° 446947)
37 - Référé suspension - Preuve de l'urgence à statuer - Absence - Différence de traitement entre les fonctions exercées et celles espérées - Rejet.
Un praticien hospitalier demande en référé la suspension de l'exécution du décret du Président de la République du 6 septembre 2021 en tant que ce décret ne l'a pas nommé professeur des universités - praticien hospitalier.
La demande est rejetée faute d'urgence, le juge des référés ayant relevé que le demandeur a, depuis, retrouvé un emploi, et que la différence entre le traitement qu'il percevrait en tant que professeur des universités et celui qu'il perçoit du fait de ses fonctions actuelles de gynécologue-obstétricien dans un centre hospitalier ne crée pas une situation d'urgence.
(8 décembre 2021, M. A., n° 458307)
38 - Jugement rendu sans référence à l'art. R. 222-13 du CJA - Dispense de conclusions du rapporteur public - Absence d'indications sur la minute du jugement de la qualité du « président-rapporteur », de l'existence d'un délibéré, des noms des autres magistrats ayant statué - Jugement irrégulier - Cassation avec renvoi.
Encourt la cassation pour avoir été rendu dans des conditions manifestement irrégulières le jugement qui indique, dans l'en-tête de sa minute, qu'il a été rendu par la deuxième chambre du tribunal au rapport de M. A. en qualité de « président-rapporteur » et, dans ses visas, que le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions par le président de la « formation de jugement » alors que cette minute ne mentionne pas les dispositions de l'article R. 222-13 et la circonstance que M. A. aurait statué en qualité de magistrat désigné pour leur application, qu'elle n'indique pas davantage, après le dispositif, si elle a été délibérée ou non après l'audience publique et quels sont, le cas échéant, les noms des deux autres magistrats ayant statué. En cet état, ce jugement est impuissant à faire par lui-même la preuve de sa régularité.
(9 décembre 2021, Société Auchan Hypermarché, n° 442883)
(39) V. aussi, décidément... : 9 décembre 2021, Société Ceetrus France, n° 442888.
40 - Réduction de la quantité maximale de plastique autorisée dans les gobelets à usage unique - Interdiction de fabrication et de commercialisation - Impossibilité de trouver à bref délai une solution alternative - Arrêt complet de l'activité de certaines entreprises - Urgence - Rejet.
Les requérantes demandait la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 septembre 2021 relatif à la teneur maximale en plastique autorisée dans les gobelets en plastique à usage unique en tant, d'une part, qu'il s'applique à des gobelets vendus préremplis de boisson et dans lesquels l'utilisation du plastique à plus de 15 pour cent est nécessaire pour contenir et conserver les boissons jusqu'à leur consommation et d'autre part, qu'il prévoit une interdiction, au 1er janvier 2022, de la mise à disposition de gobelets vendus préremplis de boissons et dans lesquels l'utilisation du plastique à plus de 15 pour cent est nécessaire pour contenir et conserver les boissons jusqu'à leur consommation.
Pour rejeter la requête pour défaut d'urgence, le juge des référés relève que contrairement aux affirmations des demanderesses celles-ci n'ont pas disposé du bref délai de six mois pour s'adapter à la nouvelle réglementation puisque le principe de cette interdiction a été fixé par une directive du 5 juin 2019 que met en oeuvre le décret du 24 décembre 2019. L'arrêté litigieux a été soumis à la Commission le 26 avril 2021 : les parties, affirmant avoir besoin de six à huit mois pour opérer leur reconversion, ont bien disposé d'un tel délai entre fin avril 2021 et le 1er janvier 2022. Par ailleurs, la préférence alléguée des consommateurs pour une présentation en gobelets plutôt qu'en bouteilles ou autres conditionnements n'établit pas la preuve d'une absence d'attitude de ces derniers lorsque n'existera plus la possibilité du choix d'un autre contenant.
(ord. réf. 9 décembre 2021, Société Solinest et Coopérative Arla Foods, n° 458970)
41 - Procédure d'appel - Moyen présenté pour la première fois en cause d'appel - Moyen non communiqué au défendeur - Irrégularité - Annulation.
Est irrégulier et doit être cassé l'arrêt d'une cour administrative d'appel qui, pour annuler une décision d'un président de conseil départemental, retient un moyen présenté par le syndicat requérant et non communiqué au département défendeur.
(14 décembre 2021, Département de la Guadeloupe, n° 434601)
42 - Droit au logement opposable - Liquidation d'une astreinte - Refus pour cause de satisfaction de l'État à ses obligations - Méconnaissance du dispositif d'un jugement - Erreur de droit - Annulation.
Encourt cassation l'ordonnance d'un président de section du tribunal administratif de Paris refusant de liquider une astreinte prononcée par ce tribunal motif pris de ce que le demandeur n'aurait pas donné suite en juillet 2015 à une proposition de logement qui lui avait été adressée et que l'État devait en conséquence être regardé comme ayant, à cette date, rempli ses obligations. Or cette ordonnance méconnaît les termes mêmes du dispositif du jugement du 24 avril 2018 qui reconnaît, à cette date, l'existence d'une obligation de relogement incombant à l'État.
(14 décembre 2021, M. B., n° 434607)
(43) V. aussi, relevant une dénaturation des pièces du dossier par le jugement qui rejette des conclusions indemnitaires au motif que l'intéressée n'établissait pas que le logement dans lequel elle a résidé à compter de son expulsion, le 1er septembre 2014, jusqu'à son relogement par l'État le 1er juillet 2018, n'était pas adapté à ses capacités financières et à ses besoins, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le loyer mensuel du logement de celle-ci s'élevait à 1 300 euros et ses ressources mensuelles à 2 355 euros et que celle-ci devait également s'acquitter des frais de scolarisation de son fils handicapé dans un établissement spécialisé à hauteur de 12 000 euros par an : 15 décembre 21021, Mme C., n° 445630.
44 - Recours pour excès de pouvoir - Recours dirigé contre une décision du CSA - Second recours ayant même - Objet - Donné acte d'un désistement sur le premier recours faute de dépôt d'un mémoire dans les trois mois de l'enregistrement de la requête introductive d'instance - Introduction du second recours pour excès de pouvoir avant le donné acte du désistement - Irrecevabilité.
Par un premier recours pour excès de pouvoir, formé le 22 septembre 2020, le syndicat requérant a demandé l'annulation de la décision du CSA du 22 juillet 2020 nommant la présidente de France Télévisions. Il devait produire dans les trois mois le mémoire complémentaire annoncé. En l'absence de dépôt dudit mémoire dans le délai prévu il a été donné acte au syndicat demandeur, le 15 février 2021, de son désistement.
Entretemps, le 14 janvier 2021, le syndicat avait saisi le juge d'un second recours pour excès de pouvoir ayant même objet et tendant à la même fin que le premier recours. Ce second recours était irrecevable pour cause de forclusion, la formation du premier recours n'ayant pas conservé ou prorogé le délai imparti.
(14 décembre 2021, Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel-CFE-CGC, n° 448673)
(45) V. aussi, annulant une ordonnance donnant acte d'un désistement pour non production dans les trois du mémoire complémentaire annoncé en raison de ce que la demande d'aide juridictionnelle a interrompu le délai de trois : 14 décembre 2021, M. B., n° 452677.
46 - Recours excès de pouvoir - Autorité des jugements d'annulation rendus pour excès de pouvoir - Autorité absolue - Effet erga omnes - Erreur de droit - Annulation.
Rappel d'une solution constante, universelle et bien connue qu'a oubliée ici une cour administrative d'appel : un jugement prononçant l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif est revêtu de l'autorité absolue de chose jugée même à l'égard de ceux qui n'étaient ni parties, ni représentés dans l'instance qui a donné lieu à cette annulation.
(15 décembre 2021, Mme F., n° 436897)
47 - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités - Compétence du juge administratif pour connaître d'un acte à portée générale susceptible d'affecter l'organisation du service public - Compétence du juge judiciaire pour connaître de dispositions relatives à l'organisation interne d'entités comportant pour partie des salariés soumis au régime des conventions collectives - Renvoi préjudiciel au Tribunal des conflits.
La requérante demandait l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de la société nationale SNCF a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du b) du § 2 des « dispositions diverses » de l'instruction RH00677 du 16 mars 2017 portant dispositions complémentaires à l'accord d'entreprise sur l'organisation du temps de travail du 14 juin 2016. Le Conseil d'État renvoie au Tribunal des conflits le soin de juger ce qu'il estime constituer une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse.
En effet, d'une part, les dispositions litigieuses sont susceptibles de relever de la compétence du juge administratif car elles résultent d'un acte unilatéral de portée générale, pouvant affecter l'organisation du service public, dans la mesure où, fixant des règles de décompte des repos des agents absents, elles peuvent avoir une incidence sur l'accomplissement des missions de service public et sur la continuité du service. D'autre part, cependant, elles sont également susceptibles de relever de la compétence du juge judiciaire puisque désormais elles s'appliquent à l'ensemble des salariés du groupe ferroviaire, une partie d'entre eux relevant d'un statut particulier,
l'autre partie étant constituée de salariés placés sous le régime des conventions collectives et donc assujettis au code du travail, les dispositions litigieuses pouvant en ce second cas être regardées comme portant pour l'essentiel sur l'organisation interne des entités du groupe public ferroviaire et comme ayant pour objet la détermination des conditions de travail et les garanties sociales de ses salariés.
(15 décembre 2021, Fédération des syndicats des travailleurs du rail - SUD Rail, n° 441711)
48 - Syndicat et union de syndicats - Intérêt à agir - Action en réparation du préjudice causé par une faute commise par l'administration - Atteinte aux intérêts collectif défendus par un syndicat ou une union de syndicats - Absence de préjudice moral propre - Circonstance indifférente à l'exercice d'une action contentieuse - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Un syndicat ou une union de syndicats est recevable à agir en réparation du préjudice causé par une faute de l'administration affectant l'un des intérêts collectifs que la loi lui donne pour objet de défendre, sans avoir à établir, en outre, l'existence d'un préjudice moral qui lui serait propre.
(15 décembre 2021, Confédération générale du travail (CGT), n° 443511)
49 - Recours en rectification d'erreur matérielle - Refus d'admission d'un pourvoi en cassation - Information en ce sens devant être donnée à l'avocat - Absence de pièce du dossier attestant de l'accomplissement de cette formalité - Recours admis - Rejet au fond.
Le pourvoi était dirigé contre une ordonnance de référé rejetant la demande de la requérante. Le juge des référés du Conseil d'État a refusé, sur le fondement du 3° de l'art. R. 822-5 CJA, d'admettre le pourvoi et si l'un des visas de cette ordonnance de rejet mentionne que l'avocat de la société requérante a été informé de ce que la décision du Conseil d'État était susceptible d'être prise en application de l'article R. 822-5 de ce code, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette formalité ait été accomplie.
Comme cette omission n'est pas insusceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision et n'est pas imputable à la demanderesse au pourvoi, le recours en rectification d'erreur matérielle est admis en son principe.
Au fond, le pourvoi est rejeté.
(23 novembre 2021, Société le Parc Bourbon, n° 454171)
50 - Renvoi préjudiciel à l'autorité judiciaire - Sursis à statuer du juge administratif - Obligation de ne statuer qu'après expiration du délai de pourvoi en cassation - Non-respect de cette exigence - Cassation avec renvoi.
Dans un litige en opposition à contrainte délivrée par une caisse d'allocations familiales en vue du recouvrement d'un indu correspondant aux primes exceptionnelles de fin d'année versées en 2013 et 2014, se posait une question de nationalité du demandeur, laquelle relève de la compétence du juge judiciaire.
Si le tribunal administratif avait saisi le juge judiciaire d'une question préjudicielle et sursis à statuer jusqu'à réception de sa réponse, il avait statué avant que ne soit expiré le délai du pourvoi en cassation contre cette dernière. C'est pourquoi le Conseil d'État est à la cassation du jugement querellé devant lui.
(23 décembre 2021, M. D., n° 447138)
51 - Urgence et recours administratif préalable obligatoire (RAPO) - Faculté pour le juge des référés de statuer nonobstant l'absence de réponse au RAPO - Intervention d'une décision, implicite ou explicite, sur RAPO durant l'instance de cassation - Pourvoi devenant sans objet.
Un rappel et une innovation (prévisible) caractérisent la présente décision intervenant dans une matière (recours d'un militaire) où le contentieux ne peut être lié qu'après formation d'un RAPO.
Tout d'abord, il est toujours possible de saisir le juge des référés urgents, si la situation le justifie, même lorsque les recours contentieux, en raison de la matière sur laquelle ils portent, doivent être précédés d'un RAPO. Il suffit que le demandeur rapporte la preuve au juge des référés de l'existence d'un tel recours.
Ensuite, lorsque la décision, implicite ou explicite, prise à la suite du RAPO intervient durant le cours de l'instance en cassation contre l'ordonnance de référé, celle-ci se substituant à la décision initiale sur laquelle s'est prononcée le juge des référés, les conclusions formées au soutien du pourvoi deviennent sans objet
(17 décembre 2021, M. H., n° 453344)
52 - Décision implicite de rejet - Formation d'un référé tendant à sa suspension - Pourvoi en cassation contre l'ordonnance de suspension - Intervention d'une décision expresse en exécution de l'ordonnance - Circonstance ne rendant pas sans objet le pourvoi.
L'intérêt de cette affaire, qui débouche sur l'annulation d'une ordonnance de référé suspension parce que non justifiée par l'urgence, vient de ce qu'est retenue la persistance d'un intérêt au pourvoi en cassation en dépit de l'exécution de l'ordonnance frappée ce pourvoi.
Un gendarme mobile a contesté la légalité du changement de subdivision territoriale dont il a été l'objet, confirmé par le rejet implicite du recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires et obtenu la suspension de cette mesure en raison de l'urgence. Le ministre a formé un pourvoi contre cette ordonnance.
L'administration ayant ensuite pris une décision explicite de rejet dudit recours, cette circonstance n'a pas eu pour effet de rendre sans objet le pourvoi du ministre.
(17 décembre 2021, Ministre de l'intérieur, n° 453927)
53 - Exclusion temporaire d'un lycéen - Référé suspension porté directement au Conseil d'État - Incompétence de ce dernier pour en connaître en premier et dernier ressort - Rejet pour irrecevabilité manifeste.
Rappel de ce que le juge des référés du Conseil d'État ne peut connaître directement que de demandes dont le principal ressortit lui-même à la compétence directe du Conseil d'État. Par suite est irrecevable la requête saisissant directement le Conseil d'État d'une demande de suspension de la décision d'un proviseur de lycée prononçant l'exclusion temporaire d'un élève de cet établissement, un tel litige relevant de la procédure de droit commun.
(15 décembre 2021, M. A., n° 459220)
54 - Urbanisme commercial - Décision de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) - Moyen relevé d'office - Moyen n'étant pas d'ordre public - Irrégularité - Annulation.
Entache son arrêt d'irrégularité et d'erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge qu'est illégale une décision de la CNAC car celle-ci n'avait pas été en mesure de porter une appréciation globale sur l'ensemble de l'opération en cause alors que l'auteur du recours n'avait pas soulevé un tel moyen et que celui-ci, qui n'est pas d'ordre public, ne pouvait être relevé d'office par la cour.
(21 décembre 2021, Société PHB Distribution, n° 435223)
55 - Recours pour excès de pouvoir - Moyen relevant d'une autre cause juridique que celle sur laquelle repose la requête introduite dans le délai de recours - Moyen soulevé hors délai - Irrecevabilité - Rejet.
Réitération d'un pont-aux-ânes du droit du contentieux administratif (cf. Section, 20 février 1953, Société Intercopie, Rec. Lebon p. 88 ; et, surtout, Assemblée, 15 juillet 1954, Société des aciéries et forges de Saint-François, Rec. Leb. p. 482).
L'invocation, après expiration du délai de recours contentieux contre une décision administrative, de moyen(s) reposant sur une autre cause juridique que celle invoquée dans le délai de recours entache d'irrecevabilité sur ce point le recours.
(21 décembre 2021, Mme E., n° 442023)
56 - Minute d’une décision de justice – Signature du président – Absence – Annulation.
Est entachée de nullité la décision de justice dont la minute ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement qui l’a rendue.
(21 décembre 2021, M. A., n° 451230)
57 - Demande de révision de pension – Délai dans lequel a eu lieu la présentation à l’administration de cette demande – Question non relative à la recevabilité de la requête mais à son bien-fondé - Impossibilité de rejet pour irrecevabilité manifeste – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit la juridiction qui, pour dire qu’une requête en révision de pension est manifestement irrecevable car présentée après expiration du délai de recours, se fonde sur le fait qu’elle a été formée plus d’un an après la notification de la décision initiale de concession de la pension. En effet, s’agissant des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, la question de savoir si une demande de révision de pension a été présentée à l'administration dans le délai imparti par les dispositions de l'article 40 du décret du 5 octobre 2004 est relative non à la recevabilité de la requête soumise à la juridiction administrative – comme cela a été jugé erronément par les premiers juges - mais à son bien-fondé. Ainsi ne pouvait lui être opposée l’irrecevabilité manifeste sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du CJA.
(29 décembre 2021, M. Gillet, n° 450589)
58 - Circulaire du garde des sceaux relative à la lutte contre la fraude fiscale – Contribuable déchargé des impositions et pénalités litigieuses par arrêt définitif – Absence d’intérêt lui donnant qualité pour agir – Non-transmission de la QPC – Rejet.
(27 décembre 2021, M. D., n° 457564)
V. n° 88
59 - Inaptitude d’un fonctionnaire – Appréciation portée sur cette inaptitude par l’autorité administrative – Étendue du contrôle du juge – Contrôle normal – Rejet.
Le maire d’une commune admet à la retraite l’un des agents municipaux pour invalidité en raison d’une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions. Sur recours de ce dernier, la décision du maire est annulée par un jugement confirmé en appel et contre lequel se pourvoit la commune.
L’intérêt de cette décision vient de ce que le juge de cassation, pour rejeter le pourvoi par confirmation de l’arrêt d’appel, exerce non plus un contrôle réduit à l’erreur manifeste d’appréciation mais un contrôle normal sur les décisions relatives à l’inaptitude à l’exercice de ses fonctions par un agent public prétendue définitive par l’autorité administrative.
Ici, il est relevé que, en dépit des avis contraires de la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités territoriales, du comité médical départemental et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, le médecin désigné en exécution du jugement du tribunal administratif a conclu dans son rapport d'expertise du 16 novembre 2016 qu'il résultait des pièces médicales du dossier que l'état de santé de l’intéressé, tel qu'il devait être constaté au 18 janvier 2016, était exempt de pathologie et ne le rendait pas inapte à l'exercice de ses fonctions ou de tout autre poste de travail. Parmi les pièces médicales examinées par cet expert et fondant sa conclusion, qui n'avaient pas été communiquées à la commune avant l'adoption de l'arrêté municipal contesté, figurent notamment les rapports et certificats établis, à l'époque de la séance de la commission de réforme, par le médecin traitant de l’agent, le 22 septembre 2014, ainsi que par deux médecins spécialistes, le 20 octobre 2014 et le 28 octobre 2014. C’est donc sans erreur de droit que la cour a jugé, sur le fondement des constatations non contredites résultant de ces rapport, pièces et renseignements, par un arrêt qui est suffisamment motivé, que le maire de Saint-Lubin-des-Joncherets avait commis une erreur d'appréciation en estimant que cet agent présentait, au 18 janvier 2016, une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions.
(29 décembre 2021, Commune de Saint-Lubin-des-Joncherets, n° 437489)
60 - Aide juridictionnelle – Rétribution de l’avocat prêtant son concours au bénéficiaire de l’aide – Détermination hors taxe de la part contributive de l’État – Rejet.
Une avocate qui a prêté son concours à deux demandeuses auxquelles a été reconnue la qualité de réfugiées par la Cour nationale du droit d’asile, conteste la somme qui lui a été allouée par cette juridiction car elle l’estime inférieure à la part contributive de l'État après paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Son action est rejetée.
Il résulte des art. 27 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, des art. 16 et 21 du règlement-type annexé au décret du 10 octobre 1996 portant règlement type relatif aux règles de gestion financière et comptable des fonds versés par l'État aux caisses des règlements pécuniaires des avocats pour les missions d'aide juridictionnelle et pour l'aide à l'intervention de l'avocat ainsi que de l’art. 256 A du CGI que si le montant de la rétribution due à l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, qui est versée pour le compte de l'État par la caisse des règlements pécuniaires des avocats, prend en compte la situation fiscale de l'avocat au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (dispense de TVA lorsque le chiffre d’affaires réalisés l’année civile précédente n’excède pas 42 900 euros), le montant de l'unité de valeur de référence pour la détermination de la part contributive de l'État au financement des missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée.
Par suite, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en ce qu'elles prévoient que la somme que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, doivent s'entendre comme faisant référence au montant de la part contributive de l'État tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée.
(29 décembre 2021, Maître R., n° 441597)
61 - Cessation d’activité d’un avocat – Cessation connue du greffe d’une cour administrative d’appel – Défaut d’information d’une des parties – Annulation de l’arrêt rendu dans ces conditions.
Doit être annulé l’arrêt d’une cour d’appel qui après que le greffe de la cour a connu la cessation d’activité de l’avocat choisi par la commune requérante, omet de l’en informer la mettant ainsi dans l’impossibilité de bénéficier de l’assistance d’un avocat.
(29 décembre 2021, Commune de Raizeux, n° 442930)
62 - Demande d’annulation partielle d’un acte – Dispositions indivisibles – Irrecevabilité des conclusions en annulation partielle – Rejet.
Rappel d’une solution classique et d’évidence : les conclusions à fin d’annulation partielle d’un acte dont les dispositions sont indivisibles sont irrecevables car leur admission conduirait immanquablement le juge à statuer ultra petita.
(29 décembre 2021, M. A., n° 453677)
63 - Ordonnance rejetant des conclusions à fin de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle frappée d’appel – Rejet prononcé sans instruction contradictoire ni audience – Obligation de viser l’art. R. 222-1 du CJA – Absence – Cassation avec renvoi.
Encourt la cassation l’ordonnance rejetant des conclusions à fin de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle frappée d’appel, sans instruction contradictoire, ni audience en omettant de viser l’art. R. 222-1 du CJA ainsi que l’impose l’art. R. 742-2 de ce code.
(30 décembre 2021, Société Textilot, n° 433155)
64 - Conclusions en intervention – Conclusions possibles seulement aux côtés du demandeur ou à ceux du défendeur – Absence de production par le défendeur – Intervention irrecevable – Rejet.
Dans un litige opposant les requérantes à la ministre de l’écologie, cette dernière, malgré une mise en demeure, n’a pas produit de conclusions. La Fédération nationale des chasseurs a prétendu intervenir dans l’instance.
La règle constante du droit du contentieux administratif, à la différence de la solution retenue en procédure civile, interdit à l’intervenant de prendre une position propre ; il doit se rallier soit aux conclusions du demandeur soit à celles du défendeur. En l’espèce, la fédération demanderesse en intervention entendait se ranger aux côtés de la ministre mais celle-ci n’ayant pas produit à l’instance, son intervention n’est pas recevable.
(30 décembre 2021, Ligue pour la protection des oiseaux et l'association humanité et biodiversité, n° 434244)
65 - Forfait post-stationnement – Ordonnance déchargeant une automobiliste de l’obligation d’acquitter la majoration du forfait post-stationnement – Produit de la majoration affecté à l’État – Commune sans intérêt pour contester l’ordonnance – Irrecevabilité – Rejet.
Une commune n’a pas d’intérêt pour agir en annulation d’une ordonnance déchargeant une automobiliste de l’obligation d’acquitter la majoration du forfait post-stationnement puisque ce produit est affecté à l’État. Partant, sa demande, irrecevable, ne peut qu’être rejetée.
(30 décembre 2021, Commune de Nancy, n° 438038)
66 - Production d’un nouveau mémoire en cours d‘instance – Mémoire n’exposant pas de moyens nouveaux – Omission de le viser sans conséquence – Exception si les pièces accompagnant un tel mémoire apportent des précisions sur les biens objet de la demande – Irrégularité à défaut – Annulation.
Si en principe l’omission de viser un mémoire qui ne contient pas de moyens nouveaux par rapport au précédent mémoire n’est pas sanctionnée, il en va différemment lorsque, comme au cas de l’espèce où, dans le cadre d’un litige en matière de taxe foncière, ce nouveau mémoire était accompagné de plusieurs pièces dont certaines apportaient des précisions sur le détail des locaux concernés par la demande de dégrèvement. Or, la demande a été rejetée au motif qu'elle n'était assortie d'aucune précision permettant de connaître le détail des locaux concernés.
L’absence de visa de ce mémoire constitue une irrégularité entrainant son annulation.
(30 décembre 2021, M. B., n° 440580)
67 - Litige se déroulant en Polynésie française – Compétence d’appel de la cour administrative de Paris – Impossibilité de déplacement pour cause de crise sanitaire – Refus de la demande de report d’audience – Rejet.
Dans un litige en contestation d’un permis de travaux immobiliers pour la construction d'un immeuble de 15 logements délivré en Polynésie française, porté devant la cour administrative d’appel de Paris, le conseil des requérants a fait part à la cour de l'impossibilité, pour lui comme pour ses clients, d'assister à l'audience en l’absence de vols commerciaux entre la Polynésie française et la métropole du fait de la crise sanitaire. Il a, en conséquence, demandé les 12 et 19 mai 2020, que l'audience soit reportée. Il a renouvelé cette demande le 24 mai 2020 après avoir pris connaissance des conclusions du rapporteur public dans le sens d’un rejet de la requête de ses clients.
Cette demande ayant été rejetée, l'affaire a été examinée lors de l'audience du 26 mai 2020, à laquelle ni les requérants, ni les défendeurs n'étaient présents ou représentés. Ils se pourvoient en cassation.
Le pourvoi est rejeté.
Le Conseil d’État estime que c’est sans irrégularité que la cour a refusé de reporter l’audience.
D’abord, les requérants ne se trouvaient pas dans l'incapacité de se faire représenter utilement par un autre conseil en métropole. Ensuite, aucun élément nouveau auquel ils n'auraient pu répondre n'est intervenu postérieurement à la production des mémoires en défense en décembre 2019. Également, ils ont sollicité et obtenu, avant la lecture de l'arrêt de la cour, le texte des conclusions du rapporteur public leur permettant de produire utilement une note en délibéré. Enfin, il est constant qu'ils se sont bornés à solliciter un report de l'audience et non sa tenue par un moyen de télécommunication audiovisuelle ou sonore, dans les conditions prévues à l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
Ainsi, les intéressés ne justifiant pas de motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire qui imposaient que l'examen de ce litige soit reporté à une audience ultérieure, ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de reporter l'audience du 26 mai 2020, la cour administrative d'appel de Paris aurait entaché son arrêt d'irrégularité.
(30 décembre 2021, M. M. et autres, n° 443886)
Droit fiscal et droit financier public
68 - Sociétés de personnes (art. 8 du CGI) - Perception de rémunérations et avantages occultes (c de l'art. 111 du CGI) - Associés résidant à l'étranger - Obligation de pratiquer la retenue à la source - Obligation s'imposant à l'organisme payeur non à celui ayant procuré l'avantage occulte - Annulation partielle.
Une Sarl a cédé des biens immobiliers à un prix minoré sans justification, ce qui constitue un acte anormal de gestion procurant à son bénéficiaire un avantage occulte dans les termes du c de l'art. 111 du CGI.
Etant une société de personnes la Sarl relevait du régime de l'art. 8 du CGI, il s'ensuit, par application de l'art. 119 bis du CGI, qu'elle était tenue d'opérer une retenue à la source du montant correspondant à cet avantage occulte consenti au profit des associés de la société bénéficiaire résidant à l'étranger.
Toutefois - et c'est ce qui motive la cassation partielle prononcée - la cour administrative d'appel devait soulever d'office le moyen tiré de ce que seule la société « payeur » était soumise à l'exigence de retenue à la source non celle ayant procuré ledit avantage.
En effet, la détermination de l'identité du redevable de l'impôt constitue un moyen d'ordre public.
(6 décembre 2021, Société Profin Développement et Gestion, n° 429308)
69 - Libre circulation des capitaux - Imposition d'un contribuable étranger à raison de ses revenus de source française - Traitement fiscal devant être équivalent à celui auquel est soumis un contribuable résident de France - Rejet.
On retiendra essentiellement de cette importante décision l'obligation faite à l'administration fiscale d'assurer un traitement équivalent entre contribuables français et contribuables étrangers percevant des revenus de source française, ce qui semble marquer le terme d'une évolution commencée depuis plus de trente ans tant par le juge civil que par le juge administratif.
En bref, un établissement public coréen, le National Pension Service (NPS), qui est une caisse de retraite en charge du régime général d'assurance vieillesse coréen, contestait son assujettissement au taux de 15% appliqué à la retenue à la source sur les dividendes des sociétés françaises qu'il avait perçus car il y voyait un traitement défavorable par rapport à celui d'organismes français de retraite.
Tout en rejetant au fond une argumentation qu'il estime erronée, le juge rappelle fermement le droit des contribuables non-résidents à un traitement fiscal équivalent à celui auquel, à raison des mêmes revenus, sont soumis les résidents fiscaux français placés dans une situation comparable.
Il s'ensuit que dans le cas où le contribuable non-résident aurait été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale comme au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement.
(6 décembre 2021, National Pension Service, n° 433301)
70 - Classement de parcelles - Demande de révision et de décharge de taxe foncière sur les propriétés non bâties - Refus ayant des effets autres que fiscaux - Acte détachable du mécanisme d'imposition - Contestation relevant du contentieux de l'excès de pouvoir - Rejet partiel et annulation.
Le litige soulevait une question originale : de quel contentieux relève la demande d'annulation de la décision d'un directeur des services fiscaux en tant qu'elle a des incidences non fiscales ?
Le demandeur se plaignait de ce qu'en refusant - pour la détermination de la taxe foncière sur les propriétés non bâties - de réviser le classement de parcelles lui appartenant, la décision du directeur des services fiscaux lui causait préjudice au regard de ses droits à retraite et de l'octroi possible d'aides européennes.
Le Conseil d'État juge qu'en raison d'effets notables non fiscaux, cette décision de refus est détachable de la procédure d'imposition et peut donc être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. En revanche, le juge de l'impôt, juge de plein contentieux, demeure compétent pour connaître des litiges relatifs à la procédure d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
(6 décembre 2021, M. B., n° 438209)
71 - Office de greffe de tribunal de commerce - Suppression d'une juridiction par modification des ressorts de tribunaux - Allocation d'une indemnité - Régime d'imposition - Rejet.
L'office de greffe dont elle était titulaire ayant été supprimé par suite de la modification des ressorts territoriaux de tribunaux de commerce, l'intéressée a reçu une indemnité à propos de laquelle s'est élevé un contentieux.
La requérante contestait à la fois son assujettissement au régime des plus-values professionnelles et le refus de l'admettre au bénéfice d'une exonération. Elle est déboutée.
Tout d'abord, l'indemnité versée en cas de suppression d'un office de greffier de tribunal de commerce étant destinée à compenser la perte d'un élément d'actif, cette somme relève du régime d'imposition des plus-values professionnelles.
Ensuite, cette somme ne pouvait bénéficier, contrairement aux prétentions de la demanderesse, de l'exonération instituée à l'article 238 quindecies du CGI en cas de transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité, puisqu'en l'espèce il ne s'agissait point d'une « transmission » mais d'une suppression et cela alors même que cette indemnité serait versée par les greffiers des tribunaux de commerce ayant repris les activités de l'office supprimé (cf. art. R.743-172 du code de commerce).
(6 décembre 2021, Mme A., n° 438617)
72 - Mise en demeure de payer la taxe d'aménagement et une redevance d'archéologie préventive - Demande d'annulation des titres exécutoires - Prescription des titres - Rejet.
C'est sans erreur de droit qu'un tribunal administratif juge que le délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise est interrompu, notamment, à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception émis sur le fondement de l'article L. 331-24 du code de l'urbanisme en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement a été présenté à l'adresse du contribuable.
Par suite, c'est à bon droit qu'elle a jugé que le délai de reprise de l'administration institué par l'art. L. 331-21 c. urb. était prescrit en l'espèce.
(6 décembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 438975)
(73) V. aussi, à propos de ces mêmes taxe et redevance pour omission de réponse à moyen : 6 décembre 2021, Société Barca Investissements, n° 439700.
(74) V. encore, annulant un jugement où a été jugé régulier le refus par l'administration de communiquer à l'intéressé, sur sa demande et préalablement à l'émission des titres de perception litigieux, le procès-verbal de constat d'infraction pour construction sans permis, motif pris de ce que cette pièce était couverte par le secret de l'enquête et de l'instruction en vertu des dispositions de l'art. 11 du code de procédure pénale (CPP). Cette solution est entachée d'erreur de droit, les dispositions des art. L. 331-6, L. 33120 et L. 331-22 du code de l'urbanisme entrant dans les exceptions énoncées à l'alinéa 2 de l'art. 11 du CPP : 10 décembre 2021, M. J., n° 431472.
75 - Société mère - Groupe fiscalement intégré - Intégration de charges financières (art. 223 B, 7è alinéa CGI) - Régime en cas d'acquisition d'une société devant être intégrée au groupe - Acquisition par une(des) personne(s) contrôlant la société cessionnaire (art. L. 233-3 c. com) - Concert d'actionnaires - Charge de la preuve - Annulation partielle.
Clarifiant une matière complexe, le Conseil d'État décide qu' « Il résulte des dispositions du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts que l'administration est fondée à réintégrer dans les résultats de la société mère d'un groupe fiscalement intégré une fraction des charges financières du groupe, lorsqu'une société est acquise en vue d'être intégrée par une société du groupe auprès d'une ou de plusieurs personnes qui contrôlent la société cessionnaire. Ces dispositions sont applicables, compte tenu de ce que l'existence d'un tel contrôle s'apprécie par référence aux critères définies par l'article L 233-3 du code de commerce, non seulement dans l'hypothèse d'une identité entre le ou les actionnaires de la société cédée et le ou les actionnaires exerçant le contrôle de la société cessionnaire mais également dans le cas où l'actionnaire qui contrôlait la société cédée exerce, de concert avec d'autres actionnaires, le contrôle de la société cessionnaire. Il appartient à l'administration d'établir l'existence d'une action de concert puis de vérifier si tout ou partie des personnes agissant de concert déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. »
(6 décembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 439650)
76 - Aérodrome - Assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties - Choix entre méthode d'appréciation directe et méthode comptable - Méconnaissance de l'office du juge - Annulation avec renvoi.
De cette décision - qui se prononce sur les conditions d'assujettissement de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques à la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur son mode de détermination -, on retiendra qu'est annulé pour manquement à son office le jugement du tribunal administratif qui établit les valeurs locatives d'après la méthode comptable au motif que les éléments produits en réponse au supplément d'instruction ne le mettaient pas à même de procéder valablement à la détermination de la valeur locative de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques selon la méthode d'appréciation directe alors même qu'il avait relevé, par des motifs que ne contestait d'ailleurs aucune des parties, que seule la méthode d'appréciation directe était applicable pour apprécier la valeur locative de l'aéroport.
(9 décembre 2021, Société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (SEARD), n° 438692)
77 - Exploitation d'un parc aquatique par une commune en régie directe - Assujettissement à la TVA - Conditions - Absence d'exercice sous un régime juridique propre aux organismes de droit public - Cas dérogatoire des services à caractère sportif rendus par des personnes morales de droit public - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
La commune requérante exploite en régie directe un complexe aquatique et s'est acquittée à ce titre, spontanément, des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle demande le remboursement pour deux années.
Elle saisit le juge de cassation après avoir obtenu gain de cause en première instance et avoir été déboutée en appel.
Le Conseil d'État relève en premier lieu que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les circonstances, invoquées par la commune, que le complexe aquatique litigieux est exploité en régie, qu'elle y affecte des agents municipaux et qu'elle pratique des tarifs modérés et modulés en fonction du public, de telle sorte que son exploitation est déficitaire, ne sont pas de nature à faire regarder l'activité en cause, en l'absence, notamment, d'obligation légale de l'accomplir, comme exercée dans le cadre du régime juridique propre aux organismes de droit public. Cette dernière condition est posée par les art. 13 et 132 (point 1) de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA tels que les interprète la Cour de Luxembourg (cf. 29 octobre 2015, Saudaçor, aff. C-174/14).
Cependant le Conseil d'État relève également, d'office semble-t-il, que, par l'art. 256 B du CGI la France a fait usage de la possibilité, ouverte par le paragraphe 2 de l'article 13 de la directive précitée, de regarder comme des activités effectuées en tant qu'autorité publique les services à caractère sportif rendus par les personnes morales de droit public. Or la CJUE a dit pour droit sur ce point précis (cf. 21 février 2013, Mesto Zamberk, aff. C-18/12) que l'accès à un parc aquatique proposant à la fois l'exercice d'activités sportives, mais également d'autres types d'activités de détente ou de repos, peut constituer une prestation de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport, pour autant que l'élément prédominant est la possibilité d'y exercer des activités sportives. Cette appréciation d'ensemble résulte notamment des caractéristiques objectives du parc : différents types d'infrastructures proposés, leur aménagement, leur nombre et leur importance par rapport à la globalité du parc. S'agissant, en particulier, des espaces aquatiques, doivent être pris en considération le fait que ceux-ci se prêtent à une pratique de la natation de nature sportive, sont divisés en lignes d'eau, sont équipés de plots et sont d'une profondeur et d'une dimension adéquates, ou s'ils sont, au contraire, aménagés de sorte qu'ils se prêtent essentiellement à un usage ludique.
De ce chef, le Conseil d'État reproche à la cour de n'avoir pas recherché si, en l'espèce, l'exploitation de ce complexe constitue l'activité d'un service sportif au sens de l'article 256 B précité, interprété à la lumière des dispositions de l'article 132, paragraphe 1, sous m) de la directive précitée, et de s'être bornée à relever que la commune requérante n'exerçant pas l'activité d'exploitation de son complexe aquatique dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public, cette activité n'entre par conséquent pas dans le champ des dispositions de l'article 256 B du CGI.
(9 décembre 2021, Commune de Nyons, n° 439617)
79 - Procédure fiscale non contentieuse - Proposition de rectification des déclarations fiscales - Exigences de motivation et de précision (art. L. 57 et R. 57-1 LPF) - Non-respect - Rejet.
On saluera la fermeté dont fait preuve ici le Palais-Royal s'agissant des exigences s'imposant à l'auteur d'un projet de rectification des déclarations du contribuable. D'une part, il résulte des art. L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'il incombe à l'administration d'indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, d'autre part, l'administration satisfait cette obligation si elle se réfère aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
En l'espèce, rejetant le pourvoi du ministre, le Conseil d'État approuve la cour administrative d'appel d'avoir elle aussi rejeté ces prétentions par les motifs que la proposition de rectification litigieuse ne précisait pas elle-même les modalités de détermination des bases rectifiées, ni la nature des charges dont la déduction des bénéfices de la Sarl avait été remise en cause et ne renvoyait pas expressément à la proposition de rectification adressée à la société contenant ces informations, n'était pas suffisamment motivée, alors même qu'elle faisait référence, sans autre précision, à des rehaussements du bénéfice imposable de la Sarl et qu'elle avait été notifiée le même jour que la proposition de rectification adressée à cette société, dont le contribuable était le mandataire.
(9 décembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 440607)
80 - Administration fiscale - Responsabilité pour faute du chef d'une évolution de la jurisprudence du Conseil d'État - Conséquences en matière de réparation - Admission de principe et rejet en l'espèce.
(10 décembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 437412)
V. n° 222
81 - Crédit d'impôt recherche - Rejet de certaines dépenses engagées - Détermination de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche par rapport à la moyenne des deux années précédentes - Exercices prescrits - Rectification du montant des dépenses éligibles - Erreur de droit - Annulation sur ce seul point.
La société requérante a fait l'objet d'une rectification de l'assiette de son droit à crédit impôt recherche du fait de son activité de bureau d'études et d'améliorations techniques dans le domaine de la construction automobile. Elle a contesté les rehaussements d'impôt consécutifs.
Devant le juge de cassation, outre le point de savoir si la proposition de rectification et la réponse du service aux observations du contribuables étaient suffisamment motivées, ce qui ne faisait pas vraiment difficulté, se posait la question, plus délicate, de la détermination au titre de l'année 2007, pour l'application du b. de l'art. 244 quater B du CGI, de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche, égale à 40 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours de l'année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature des deux années précédentes. C'est l'apport principal de cette importante décision.
La cour administrative d'appel avait jugé que la circonstance d'une rectification du montant des dépenses éligibles au titre de l'année 2007 n'imposait pas l’obligation pour l'administration de corriger dans la même mesure le montant des dépenses éligibles au titre des années 2005 et 2006 pour la détermination de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007. Le Conseil d'État aperçoit dans cette analyse une erreur de droit. Selon lui, pour déterminer le montant de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche, égale à 40 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours de l'année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature des deux années précédentes, il convient de retenir le montant des dépenses des années antérieures tel qu'il aurait dû normalement être calculé par l'entreprise. Il suit de là que l'administration qui rectifie le montant des dépenses éligibles doit corriger la moyenne des dépenses exposées les deux années précédentes dans la même mesure, et cela alors même que ces années seraient prescrites et que l'erreur sur le montant de ces dépenses serait imputable à l'entreprise.
La cassation et le renvoi sont prononcés dans cette mesure.
(10 décembre 2021, Société Bertrandt France, n° 438902)
82 - Livraison de terrains à bâtir par une personne physique - Assujettissement à la TVA - Condition - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge que l'activité de livraison de terrains à bâtir par une personne physique n'est pas assujettie à la TVA en l'absence de mise en œuvre de moyens commerciaux du type de ceux qui sont utilisés par les professionnels de la vente immobilière, et quels qu'aient été les travaux de viabilisation réalisés. En effet, accueillant le pourvoi du ministre le Conseil d'État estime, au contraire, que cette activité, menée par une personne physique, est assujettie à la TVA « lorsqu'elle procède, non de la simple gestion d'un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu'elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique ».
(14 décembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 441861)
83 - Taxe sur la valeur ajoutée en Polynésie française - Contrat de collaboration entre deux praticiens libéraux - Mise à disposition d'un local, d'équipements et de matériel - Rétrocession d'une partie des honoraires - Absence d'exonération de TVA - Rejet.
Le Conseil d'État est saisi du pourvoi formé par un chirurgien-dentiste contre le rejet par les juridictions du fond de sa demande de remboursement de TVA.
L'art. 340-1 du code des impôts de Polynésie française exonère de TVA les locations de locaux équipés à usage professionnel.
Or le requérant a conclu avec une consoeur un « contrat de collaboration » aux termes duquel, notamment, tout en étant autorisé à développer sa propre patientèle, cette dernière accepte de soigner les patients qui lui sont présentés par le requérant. Une telle clause n'entre pas dans les prévisions du texte précité, alors même que ce contrat prévoit l'utilisation des locaux et du matériel du cabinet.
Le pourvoi est rejeté.
(13 décembre 2021, M. O., n° 431151)
84 - Impôt sur les sociétés - Avoir fiscal à raison de dividendes versés par des sociétés ayant leur siège dans d'autres États membres de l'Union européenne - Preuve de la nature de dividendes des produits distribués - Obligation pour le redevable de produire le taux d'imposition effectivement appliqué dans les autres États membres - Réserve du caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres États membres - Rejet et accueil partiels du pourvoi.
Le litige portait sur une demande, de la part de la banque requérante, de restitution partielle de l'impôt sur les sociétés acquittée par sa société mère, à raison de dividendes qui lui avaient été versés par des sociétés ayant leur siège dans d'autres États membres de l'Union européenne. Ce litige a nécessité un renvoi préjudiciel à la CJUE. Le Conseil d'État se prononce au reçu des réponses aux questions posées.
En premier lieu, s'agissant des sommes versées par diverses sociétés, c'est sans erreur de droit que l'arrêt frappé de pourvoi a jugé que faute d'établir que les produits distribués ont la nature de dividendes alloués en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société, la requérante ne pouvait se prévaloir du bénéfice de l'avoir fiscal.
En second lieu, s'agissant des sommes versées par une autre société, le Conseil d'État annule l'arrêt auquel il reproche d'avoir jugé que les éléments apportés par la société requérante ne permettaient pas d'établir le montant de l'impôt effectivement acquitté par cette société, alors qu'il lui incombait de rechercher si la société requérante pouvait être regardée comme apportant les premiers éléments de vraisemblance quant au caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve de l'impôt effectivement payé par la société qui a versé les sommes litigieuses et, le cas échéant, d'examiner les éléments en sens contraire avancés par l'administration fiscale. Ce faisant, elle a méconnu les règles de dévolution de la charge de preuve mentionnée et commis une erreur de droit.
(21 décembre 2021, Société HSBC Bank PLC Paris Branch, n° 432725)
85 - Outre-mer - Demande de permis de construire, à titre de logements sociaux, portant sur des bâtiments collectifs ou sur des ensembles de logements individuels – Demande devant être considérée comme portant sur un ensemble immobilier – Applicabilité de l’art. 199 undecies C du CGI – Réduction d’impôt subordonnée à un agrément fiscal – Seuil de deux millions d’euros non atteint – Rejet.
Cette décision réitère la solution adoptée dans une affaire jugée en novembre 2021 concernant le même requérant (V. cette Chronique, novembre 2021, n° 62)
(21 décembre 2021, M. C., n° 449458)
86 - Pluralité d’occupants de locaux – Locaux ayant fait l’objet d’une visite domiciliaire de l’administration fiscale – Emport de pièces et documents par celle-ci – Obligation de restitution aux différents occupants – Présence jusque-là inconnue de l’administration de la présence d’un autre occupant – Sort des impositions de ce contribuable – Rejet.
Si, dans l'hypothèse d'une pluralité d'occupants de locaux ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire, l'administration a l’obligation de restituer à chacun de ces occupants les pièces et documents lui appartenant qu'elle a saisis dans le cadre de cette visite, cette obligation ne s’étend qu'à l'égard des occupants dont elle connaissait l'existence à la date de la visite. Alors même que l'exploitation de documents saisis révèle ultérieurement qu'un contribuable occupait des locaux sans que l'administration en eût connaissance, cette circonstance ne saurait entraîner la décharge des impositions contestées par ce contribuable au seul motif que ces documents ne lui auraient pas été restitués dans les délais prescrits par le V de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
Solution très latitudinaire en faveur de l’administration alors que n’est ni alléguée ni établie l’existence d’une dissimulation volontaire de cette présence qui aurait justifié une solution peu respectueuse des droits et libertés.
(24 décembre 2021, M. M., n° 438338 ; Société Intérim B. SP ZOO, n° 438344)
87 - Actes de médecine ou de chirurgie esthétique – Exonération de TVA en cas d’intérêt thérapeutique – Assujettissement à la TVA en l’absence de finalité thérapeutique – Commentaires administratifs litigieux conformes au CGI et compatibles avec le droit de l’Union – Rejet.
Le syndicat requérant poursuivait l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 17 juin 2020 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts, relatifs à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour les actes de chirurgie esthétique.
Sans surprise, le recours est rejeté.
Si les actes de médecine et de chirurgie présentant pour le patient un intérêt thérapeutique sont exonérés de TVA par application, d’une part, du 1° du 4 de l’art. 261 du CGI, d’autre part, des directives du 17 mai 177 (c) du 1° du A de l’art. 13) et du 28 novembre 2006 (c) du § 1 de l’art. 132) telles qu’interprétées par la Cour de Luxembourg, en revanche, il est logique, comme le soulignent les commentaires querellés par le recours, que lorsque ces actes n’ont pas une telle finalité thérapeutique ils soient assujettis à la TVA.
(27 décembre 2021, Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE), n° 453928)
88 - Circulaire du garde des sceaux relative à la lutte contre la fraude fiscale – Contribuable déchargé des impositions et pénalités litigieuses par arrêt définitif – Absence d’intérêt lui donnant qualité pour agir – Non-transmission de la QPC – Rejet.
Le contribuable qui a obtenu du juge administratif, par un arrêt d’appel confirmé par le Conseil d’État, la décharge totale des impositions et pénalités mises à sa charge, n’a plus d’intérêt lui donnant qualité pour agir en contestation de la légalité d’une circulaire du garde des sceaux applicable à sa situation fiscale non plus que pour introduire une QPC dirigée contre l’atteinte que portent les art. 1729 et 1741 du CGI, commentés par cette circulaire, à des droits ou libertés garantis par la Constitution.
(27 décembre 2021, M. D., n° 457564)
89 - Pacte civil de solidarité (pacs) – Partenaires d’un pacs – Solidarité en matière d’impôt - Représentation mutuelle dans les instances relatives aux dettes fiscales – Rejet.
Il résulte des dispositions combinées de l’art. 6 du CGI et de l’art. R. 411-5 du CJA que les partenaires d'un pacs ont toujours la qualité de codébiteurs solidaires de l'impôt sur le revenu.
Il suit de là que, dans les instances relatives à leur dette fiscale, ils sont réputés se représenter mutuellement.
C’est donc sans erreur de droit qu’en l’espèce une cour administrative d’appel a jugé que les dispositions de l'article R. 411-5 du CJA relatives aux requêtes collectives n'étaient pas applicables à leur requête devant le tribunal administratif. Celui-ci a donc régulièrement communiqué le mémoire en défense de l'administration fiscale et l'avis d'audience à un seul des deux membres du pacs sans l'aviser préalablement qu'il était considéré comme représentant unique.
(28 décembre 2021, MM. D. et A., n° 447510)
90 - Bail à construction – Prix consistant en une remise gratuite d’immeubles en fin de bail – Valeur des immeubles constituant un revenu foncier – Confusion des qualités de bailleur et de preneur en cours de bail – Situation constituant une résiliation anticipée du bail – Nature de revenu foncier de la remise gratuite des biens – Rejet.
Des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du CGI il résulte que dans le cas où le prix d'un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d'immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d'après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail.
Dans le cas où, du fait de plusieurs actes concomitants cédant au même acquéreur, avant le terme du bail, les biens et droits respectifs du bailleur et du preneur, la réunion des qualités de bailleur et de preneur en la même personne, a les mêmes effets au regard de la loi fiscale que la résiliation anticipée du bail impliquant la remise des constructions au bailleur et par suite l'application à son égard des dispositions des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts. Cette conséquence n’est en rien affectée par le fait qu’au regard des règles du droit civil cette confusion constitue une cause d'extinction des obligations issues du bail.
La solution, qui pourrait surprendre, est logique.
(29 décembre 2021, M. L., n° 438856)
91 - Taxe sur les salaires – Exonération en faveur des établissements d’enseignement supérieur – Qualité d’établissement d’enseignement supérieur – Absence à défaut d’agrément des formations qui y sont dispensées – Rejet.
C’est sans erreur de droit qu’une cour administrative d’appel juge que l’association requérante ne saurait se prévaloir du bénéfice de l’exonération de la taxe sur les salaires instituée par le 1. de l’art. 231 du CGI en faveur des établissements d’enseignement supérieur dès lors que l’organisme qu’elle gère n’en est pas un car, dispensant des enseignements de kinésithérapie et d’odontologie, il n’a pas sollicité l’agrément de ses formations prévu à l’art. L. 731-6-1 du code de l’éducation.
(29 décembre 2021, Association Centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI), n° 438997)
(92) V. aussi, à propos du même organisme, s’agissant du refus de lui accorder la décharge de la cotisation foncière des entreprises : 29 décembre 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 439408, n°439411 et n° 439413.
93 - Impôt sur les sociétés – Déduction des charges financières d’un prêt intragroupe – Appréciation de la pertinence du taux d’intérêt consenti à l’entreprise emprunteuse – Comparaison avec les taux pratiqués par les organismes financiers dans des conditions analogues – Prise en compte de la prise de risque – Erreurs de droit – Cassation avec renvoi.
La société requérante, qui appartient à un groupe mondial spécialisé dans la fabrication d'outillage, a demandé en vain, à l’administration et au juge, la restitution partielle d’impositions primitives et de contributions sociales en raison de ce qu’elle estimait déductibles certaines charges financières, notamment les frais et charges financiers résultant d’un emprunt intragroupe souscrit par elle auprès de sa société mère pour un taux de 6%. Le débat contentieux s’est fixé, à titre principal, sur le montant de ce taux d’intérêt. Toute la question étant de savoir s’il est manifestement exagéré au regard de ce que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.
Le Conseil d’État juge que ce taux s'entend du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Le profil de risque doit en principe, pour l'application de ces dispositions, être apprécié au regard de la situation économique et financière consolidée de l'entreprise emprunteuse et de ses filiales.
Le Conseil d’État a en outre précisé que l'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.
L’arrêt de la cour est cassé du chef de non-respect de ce schéma d’analyse et d’appréciation.
(29 décembre 2021, Société Apex Tool Group, n° 441357)
94 - Contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement – Activité non salariée exercée occasionnellement – Assujettissement à cette contribution – Rejet sur ce point.
A l’occasion d’un litige relatif au statut fiscal de la somme provenant de l’exercice d’un arbitrage dans l’un des dossiers concernant Bernard Tapie, se posait la question de savoir si cette somme devait être assujettie aux contributions sociales alors d’une part qu’elle procédait d’une activité non salariée et d’autre part qu’elle constituait un revenu accessoire.
Au visa de dispositions du code de la sécurité sociale (art. L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-3) et du CGI (I de l’art. 1600-0 F), le Conseil d’État juge que les revenus tirés d'une activité non salariée sont assujettis à la contribution sociale sur les revenus d'activité dès lors que cette activité est exercée à titre professionnel, et cela sans considérer si elle est exercée à titre accessoire ou non.
(30 décembre 2021, M. et Mme E., n° 437774)
95 - Contribuable déclaré, par jugement d’un TGI, solidairement responsable du paiement d’un impôt fraudé – Jugement constituant un « événement » au sens de l’art. R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) – Action en justice déclarée à tort irrecevable – Annulation.
Par jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 15 janvier 2018, l’intéressé, sur le fondement de l'article L. 267 du LPF, avait été déclaré solidairement responsable du paiement d’un impôt fraudé (TVA) qui avait été réclamé à une société Capindus.
Il avait présenté une réclamation préalable au directeur des services fiscaux qui l’avait rejetée le 15 mars 2019 et il avait saisi le juge administratif.
La cour administrative d’appel a jugé irrecevable la réclamation préalable présentée à l’administration fiscale par le requérant et donc rejeté son appel car il n'avait pas encore été personnellement mis en demeure par l'administration fiscale d'acquitter les impositions en cause à la date à laquelle a été rejetée sa réclamation.
Or le jugement du 15 janvier 2018, assorti d’ailleurs de l’exécution provisoire et qui lui avait été signifié, l’avait déclaré solidairement responsable du paiement des droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Capindus. Déclaré solidaire en paiement de l’impôt fraudé, le requérant était dès cet instant devenu débiteur solidaire de l'impôt, situation qui constitue un « événement » au sens et pour l’application de la première phrase du c) du premier alinéa de l’art. R. 196-1 du LPF qui déclare recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle : « De la réalisation de l’événement qui motive la réclamation ». En l’espèce c’est bien le jugement du TGI qui constitue l’événement.
Le rejet pour irrecevabilité est annulé pour erreur de droit.
(30 décembre 2021, M. C., n° 442804)
96 - Imposition des revenus fonciers – Location du droit de chasse – Simples participations à des parties amicales de chasse – Absence d’assujettissement à l’impôt sur le revenu – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
Le Conseil d’État aperçoit une erreur de droit dans l’arrêt qui juge fondé l’assujettissement de la requérante à l’imposition sur les revenus fonciers à raison de la mise à disposition de son droit de chasse.
En effet, le juge considère que « Ne peut constituer une location du droit de chasse, au sens des dispositions de l'article 29 du (CGI…), l'autorisation donnée par le propriétaire à des tiers de chasser sur son territoire à l'occasion de parties de chasse qu'il organise lui-même. » Tel était bien le cas en l’espèce où les contributions de chasseurs pour participation, au cours des années 2014 et 2015, à « huit parties amicales de chasse » selon les propres termes de l’arrêt d’appel, s’étaient élevées à 27 105,00 euros.
(24 décembre 2021, Mme C., n° 446266)
Droit public de l'économie
97 - Encadrement des loyers - Absence d'intervention de l'arrêté préfectoral mettant en oeuvre la loi établissant le dispositif expérimental d'encadrement des loyers - Défaut d'urgence - Absence d'atteinte aux droits des propriétaires - Rejet.
Une requête en référé a pour objet d'obtenir la suspension du décret du 2 septembre 2021 fixant le périmètre du territoire de la métropole Bordeaux Métropole sur lequel est mis en place le dispositif d'encadrement des loyers prévu à l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
Cette requête est rejetée, d'une part, pour défaut d'urgence car elle est dirigée contre un décret qui se borne à délimiter un périmètre d'application d'une disposition législative sans fixer lui-même le loyer de référence, lequel résultera d'un arrêté préfectoral qui n'a pas encore été pris, et d'autre part du fait que l'exécution dudit décret ne saurait, par elle-même, affecter directement et immédiatement les intérêts des propriétaires.
(ord. réf. 1er décembre 2021, Association UNPI 33, n° 458158)
(98) V., identique au précédent : ord. réf. 1er décembre 2021, Association UNPI 34, n° 458160.
(99) V. aussi, relatif aux mêmes textes, le rejet de recours - après prise de l'arrêté préfectoral manquant dans les deux espèces précédentes - pour absence de fourniture au juge d'éléments précis permettant d'apprécier l'ampleur des atteintes alléguées aux droits des propriétaires : 1er décembre 2021, Association UNPI 69, n° 458159 ; 1er décembre 2021, Chambre des Propriétaires du Grand Paris, n° 458778.
100 - Aide au programme de financement des entreprises - Établissement producteur récoltant de champagne - Refus de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) - Régime de l'acte créateur de droits sous condition - Absence de retrait - Décision non soumise à l'obligation de motivation - Erreur de droit - Annulation et renvoi.
L'établissement public FranceAgriMer a accordé à une société producteur récoltant de champagne, le 25 août 2014, une aide financière dans le cadre du programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018. Cette décision précisait divers éléments : déroulement de la procédure d'instruction de la demande ; conditions de délivrance d'un accusé de réception, sans engagement financier, valant autorisation de commencer les travaux ; ensuite, décision d'octroi de l'aide, précisant les dépenses éligibles, le montant de l'aide et les obligations du bénéficiaire ; enfin, sur demande de paiement présentée par ce dernier, assortie des éléments permettant de vérification de la réalisation des actions prévues conformément aux conditions posées, et après contrôle de cette réalisation par FranceAgriMer, prise d'une décision de versement de l'aide.
Cet acte de FranceAgriMer avait incontestablement la nature d'une décision créatrice de droits et cela alors même que ces droits étaient subordonnés au respect de diverses conditions et à la présentation, dans un délai de deux mois après la date limite de réalisation des travaux, d'une demande de paiement assortie des justificatifs permettant de vérifier ce respect.
Prenant motif de ce que la date de commencement des travaux fixée par cette décision n'avait pas été respectée, FranceAgriMer a, le 9 octobre 2015, refusé de verser l'aide.
Le Conseil d'État, contrairement à la cour administrative d'appel, analyse ce refus non comme un retrait de la décision d'accorder une aide mais comme tirant les conséquences du constat que n'avait pas été respectée au moins l'une des conditions mises au versement de l'aide. Par suite, et en dépit du caractère créateur de droits de la décision initiale, la décision de refus du 25 août 2015 n'était pas soumise à la procédure contradictoire prévue et régie par l'art. 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
L'arrêt querellé est annulé pour être entaché de deux erreurs de droit en l'absence de caractère de retrait de la décision litigieuse et en l'absence de la procédure contradictoire nécessaire en ce cas.
(9 décembre 2021, FranceAgriMer, n° 433968)
101 - Question préjudicielle - Extension d'accords de l'interprofession des vins du Val de Loire - Faussement éventuel du jeu de la concurrence - Absence.
Par cette décision, le Conseil d'État statuait sur un renvoi préjudiciel du juge judiciaire d'une exception d'illégalité sur le point de savoir si les accords interprofessionnels conclus par l'interprofession des vins du Val de Loire, au regard de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne faussent le jeu de la concurrence entre viticulteurs et négociants vinificateurs pour les mêmes prestations de vente au détail.
Il est jugé qu'il résulte des stipulations de l'accord interprofessionnel de l'interprofession des vins du Val de Loire-InterLoire pour la période du 1er août 2014 au 31 juillet 2017 que durant l’application de celui-ci une cotisation volontaire obligatoire était due en totalité par le producteur en cas de vente directe aux consommateurs, ainsi qu'en cas de vente du producteur à des négociants situés en dehors de l'aire de production du ressort de l'association InterLoire et qu'en cas de vente du producteur à un négociant situé dans cette aire de production, la cotisation volontaire obligatoire était due par moitié par le producteur et par moitié par le négociant jusqu'au 31 décembre 2015 puis, à partir du 1er janvier 2016, en totalité par le négociant.
De là il résulte que le fait générateur de la cotisation volontaire obligatoire est, quel que soit le mode de distribution des vins, la première sortie des vins de la propriété et que les cotisations sont assises sur les volumes effectivement sortis de l'entrepôt suspensif de droits d'accises, de sorte que tous les vins d'appellation d'origine produits dans l'aire de production ou à partir de l'aire de production du ressort de l'association InterLoire sont soumis à cette cotisation.
Par ailleurs il n'est pas contesté que le producteur et le négociant vinificateur qui supportent la cotisation volontaire obligatoire, au demeurant de montants minimes, sont en droit de la répercuter sur leur prix de vente aux consommateurs ou aux autres négociants.
Le Conseil d’État en conclut, répondant directement à la question préjudicielle, que les accords et l'avenant contestés ne sauraient donc être considérés comme appliquant, à l'égard des viticulteurs et des négociants vinificateurs, des conditions inégales à des prestations équivalentes.
Les accords et l'avenant en cause ne méconnaissent donc pas l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
(9 décembre 2021, Interprofession des vins du Val de Loire (InterLoire), n° 447422)
102 - Covid-19 – Fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par l’épidémie – Limitation du plafond de la subvention – Aide accordée par société et non par établissement – Rejet.
Est rejetée la demande de la requérante tendant à l’annulation du décret n° 2020-1328 du 2 novembre 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation en tant qu’il limite l’octroi de l’aide de dix mille euros qu’il institue aux seules sociétés et non à chacun de leurs établissements. En effet, ni l’art. 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées ni aucun principe supérieur n’imposait au pouvoir réglementaire de procéder autrement dès lors que l’aide instituée n’est destinée qu’à des personnes physiques ou morales de droit privé touchées économiquement par l’épidémie non à des entités, tels les établissements, qui ne sont pas des personnes morales.
Le rejet est opéré au terme d’un raisonnement qui peut laisser dubitatif, satisfaisant davantage une logique d’économie de deniers publics qu’une logique de solidarité face à une situation exceptionnelle.
(21 décembre 2021, Société Cresmar, n° 451081)
103 - Redevances aéroportuaires – Homologation de leur tarif par l’Autorité de régulation des transports (ART) – Appréciation par l’ART de l’évolution « mesurée » des tarifs et de la « juste rémunération des capitaux investis » - Inexistence d’un plafond, même implicite, d’évolution tarifaire – Hausse de tarifs non accompagnée d’une hausse du niveau des services proposés aux usagers – Rejet.
La requérante contestait la décision de l'Autorité de régulation des transports du 22 décembre 2020 refusant l'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et de Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er avril 2021. Elle invoquait au soutien de sa prétention trois moyens principaux, tous rejetés.
En premier lieu, la requérante s’est méprise sur les critères que l’ART doit retenir en vue de prendre sa décision relative à l’homologation. Celle-ci doit veiller à la fois à une évolution modérée des tarifs afin de protéger les usagers contre des hausses excessives et à ce que l’exploitant reçoive une juste rémunération des capitaux investis.
Ensuite, la circonstance que l’ART ait refusé des hausses de 8,2%, de 9% et de 4,9% et qu’elle ait accepté des hausses de 3% et de 3,1% ne prouve pas l’existence d’un plafond d’évolution tarifaire limité à 3%.
Enfin, les hausses tarifaires proposées par l’exploitant n’étaient pas accompagnées d’une hausse du niveau de service proposé ou rendu aux usagers.
(28 décembre 2021, Société Aéroports de Lyon, n° 450025)
104 - Obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat – Répression des pratiques commerciales déloyales envers les consommateurs – Interdiction de la publicité poursuivant en droit interne un but de pluralisme des médias non de protection des consommateurs – Absence d’entrave à l’accès au marché français – Rejet.
La requérante demandait l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande, reçue le 23 avril 2019, tendant à l'abrogation des deux derniers alinéas de l'article 8 du décret du 27 mars 1992 pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.
Elle soutenait d’abord la méconnaissance par ces dispositions de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. Ce moyen est rejeté car, relève le Conseil d’État, la finalité poursuivie par l'interdiction de publicité que prévoient les dispositions du décret du 27 mars 1992 dont l'abrogation était demandée par la société Lidl était, dès l'origine, non de protéger le consommateur mais de contribuer à la sauvegarde du pluralisme des médias et, en particulier, à l'équilibre économique et à l'indépendance de la radio et de la presse écrite, en leur réservant une part des recettes tirées de la publicité pour certaines opérations de promotion commerciale dans la grande distribution, ainsi que l'établit notamment la circonstance que cette interdiction ne couvre qu'une partie du territoire national et ne concerne que certains modes de publicité. Cette finalité n’a pas, depuis lors, changé. Il s’ensuit qu’est inopérant le moyen tiré de la contrariété du décret à la directive alors que l’un et l’autre n’ont pas le même objet.
Ensuite, la société requérante faisait valoir qu’en limitant la possibilité pour les annonceurs établis dans un autre État membre de l’Union que la France de bénéficier de prestations de diffusion de publicité télévisée, le décret attaqué était de nature à constituer une entrave à leur accès au marché français. Le moyen est rejeté car, d’une part, le but poursuivi, - à savoir la préservation du pluralisme des médias -, est au nombre des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier des restrictions à la libre prestation de services et d’autre part, les dispositions litigieuses étant applicables à l'ensemble des éditeurs de services, sans distinction, notamment, de leur nationalité, le refus d'abrogation du décret attaqué ne méconnaît pas le principe de non-discrimination.
(29 décembre 2021, Société Lidl, n° 433808)
105 - Autorité de régulation – Commission de régulation de l’énergie (CRE) – Réglementation des relations contractuelles entre gestionnaires et utilisateurs du réseau – Approbation des contrats conclus en conséquence – Exercice d’un pouvoir réglementaire conféré par la loi – Rejet.
La requérante demandait l’annulation pour incompétence de délibérations de la Commission de régulation de l'énergie portant, d’une part, pour celle du 24 octobre 2019, orientations sur le modèle de contrat Gestionnaire de Réseau de Distribution - Fournisseurs commun à tous les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité et, d’autre part, pour celle du 25 juin 2020, approbation du modèle de contrat d'accès aux réseaux publics de distribution d'Enedis pour les points de connexion en contrat unique.
En préalable de l’examen des différents moyens soulevés, et c’est là l’intérêt principal de cette décision, le Conseil d’État précise deux points très importants et très étroitement liés entre eux.
Il juge tout d’abord qu’il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 134-1 du code de l'énergie, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dont elles sont issues, « que le législateur a entendu confier à la Commission de régulation de l'énergie le soin de définir les règles relatives à l'organisation des relations contractuelles entre gestionnaires et utilisateurs du réseau afin de garantir le droit d'accès de ces derniers aux réseaux de transport et de distribution. »
Il juge ensuite que les dispositions du 6° de l'article L. 134-3 et celles de l'article L. 111-92-1 du même code, issues de la loi du 30 décembre 2017, « lui donnent, en outre, compétence pour approuver les modèles de contrats d'accès aux réseaux de distribution d'électricité conclus entre chacun des gestionnaires de réseaux publics de distribution et les fournisseurs. »
Il en déduit qu’en définissant un ensemble de règles, notamment en ce qui concerne la garantie financière à la charge du fournisseur, sous la forme d'un modèle de contrat relatif à l'accès au réseau public de distribution pour les points de connexion en contrat unique, la CRE a exercé la compétence réglementaire dont elle dispose en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 134-1 du code de l'énergie.
(29 décembre 2021, Société Joul, n° 437594 et n° 443328)
106 - Droit public de l’agriculture – Contrôle des structures des exploitations agricoles – Autorisation préfectorale d’exploitation de terres agricoles – Contestation – Appréciation de l’intérêt à agir contre cette autorisation – Annulation.
Est entaché d’erreur de droit l’arrêt qui, pour dire que les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'autorisation préfectorale délivrée en mars 2015 à une société civile d'exploitation agricole (SCEA) d’exploiter de nouvelles terres agricoles, a retenu d’une part que les requérants n'avaient pas déposé de candidature concurrente, d’autre part qu'ils n'avaient pas contesté l'autorisation délivrée à une autre candidate personne physique en février 2015, et, enfin, qu'ils ne pouvaient utilement se prévaloir, en raison du principe de l'indépendance de la législation du contrôle des structures des exploitations agricoles et de celle des baux ruraux, de ce que la validation de leur congé était toujours pendante devant le tribunal paritaire des baux ruraux.
En effet, le preneur en place justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre l'autorisation donnée à un autre exploitant d'exploiter les parcelles qu'il loue, même s'il ne s'est pas porté candidat pour obtenir l'autorisation d'exploiter ces terres en application des dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
Pour l'application de cette règle, le preneur auquel il a été donné congé mais dont la contestation du congé est pendante devant le juge compétent doit être regardé comme ayant le même intérêt pour agir contre une autorisation d'exploiter donnée à un nouvel exploitant.
(29 décembre 2021, M. L. et GAEC de la Frête, n° 438492)
107 - Régime des appellations contrôlées en matière viti-vinicoles – Appellation Chablis - Délimitations de l’aire de production de l’appellation et de l’aire de proximité immédiate de l’appellation – Prépondérance des facteurs naturels dans le premier cas, des facteurs humains dans le second - Annulation et rejet partiels.
Le requérant demandait l’annulation la décision implicite de rejet née du silence gardé par le premier ministre sur sa demande du 29 novembre 2019 d'abrogation du décret du 2 décembre 2011 homologuant le cahier des charges de l'AOC Chablis, à tout le moins en tant que ce cahier des charges ne mentionne pas la commune d'Étaule au nombre des communes composant l'aire de proximité immédiate de l'appellation.
Il est jugé, en premier lieu, que l'aire de proximité immédiate du vin de Chablis dans laquelle peuvent avoir lieu les opérations de vinification, d'élaboration et d'élevage des vins, est composée de 482 communes réparties sur quatre départements, dont certaines se situent à plus de 200 kilomètres de l'aire géographique de production, et a été délimitée en fonction d'usages de vinification existant dans l'aire de production de l'appellation dite de repli, c'est-à-dire l'appellation la plus générale à laquelle les vins de l'AOC Chablis peuvent prétendre, en l'espèce celle de l'AOC Coteaux bourguignons. Le choix d'une telle aire de proximité immédiate n'est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facteurs naturels et humains propres à l'AOC Chablis. Le décret attaqué, qui résulte de ce choix, est donc entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit en tant qu'il prévoit une aire de proximité immédiate comprenant 482 communes.
Il est jugé, en second lieu, - dès lors qu’il n’est démontré ni que des usages de vinification de longue date étaient établis dans la commune d'Étaule, ni que le requérant pratiquait de longue date la vinification des raisins récoltés -, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que des facteurs humains suffisants justifieraient l'inclusion de la commune d'Étaule à titre pérenne dans l'aire de proximité immédiate. Par ailleurs, si le requérant soutient que la délimitation de l'aire de proximité immédiate n'est pas en rapport avec les facteurs naturels de l'appellation, sans d'ailleurs le démontrer, son argumentation est inopérante dès lors que, sauf cas particuliers, lorsque sont en cause les opérations de vinification, d'élaboration et d'élevage, les facteurs humains sont prépondérants pour déterminer l'aire de proximité immédiate, les facteurs naturels étant quant à eux prépondérants pour la délimitation de l'aire de production.
Dès lors, le moyen tiré de ce que les auteurs du décret attaqué auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en n'incluant pas la commune d'Étaule dans l'aire de proximité immédiate de l'AOC Chablis doit être écarté.
(29 décembre 2021, M. F., n° 439869)
108 - Logement social – Contrôle des organismes de logement social par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) – Régime des sanctions – Procédure contradictoire – Communication de rapports - Portée – Rejet.
Le code de la construction et de l’habitation confie à l’ANCOLS un pouvoir de proposition de sanction en cas de manquements aux dispositions législatives et réglementaires applicables, d'irrégularité dans l'emploi des fonds de la participation à l'effort de construction ou des subventions, prêts ou avantages consentis par l'État ou par ses établissements publics et par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, de faute grave de gestion, de carence dans la réalisation de l'objet social ou de non-respect des conditions d'agrément constatés. C’est dans ce cadre que, sur proposition de l’ANCOLS, le ministre chargé du logement a prononcé la sanction de la révocation à l’encontre du directeur général de l'office public de l'habitat (OPH) de Saint-Claude. Un contentieux s’en est suivi portant principalement sur la régularité de la procédure de sanction suivie en l’espèce.
Pour résoudre cette question, le Conseil d’État rappelle qu’il résulte tant des textes que du principe des droits de la défense que l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer au ministre chargé du logement et, le cas échéant, au ministre chargé des collectivités territoriales, de prononcer une sanction contre un organisme qu'elle a contrôlé ou contre l'un de ses dirigeants ou membres de son conseil d'administration, de son conseil de surveillance ou de son directoire qu'après que, s'agissant d'une sanction visant un organisme, le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de cet organisme, ou, s'agissant d'une sanction visant une personne physique, cette personne elle-même, après avoir été informée des griefs formulés à son encontre, ait été mis(e) en mesure de présenter utilement ses observations avant que le conseil d'administration de l'agence ne délibère sur la sanction proposée au ministre compétent.
Le premier alinéa de l'article L. 342-9 du code de la construction et de l'habitation prévoit à cet effet que : « Le rapport provisoire est communiqué à la personne concernée, au président ou au dirigeant de l'organisme concerné, qui est mis en mesure de présenter ses observations dans le délai d'un mois ». Toutefois, l'agence n'étant pas tenue, au titre de cette communication du rapport provisoire, d'indiquer à l'organisme contrôlé, ou à la personne physique mise en cause, ceux des constats pour lesquels elle envisage, le cas échéant, de proposer aux ministres compétents de prononcer une sanction, il lui incombe dans un tel cas, pour assurer le respect des exigences textuelles et du principe ci-dessus rappelé, d'assurer spécifiquement l'information de l'organisme ou de la personne mise en cause sur ce point.
Sur la forme que peut revêtir cette information, le Conseil d’État fait montre de souplesse : cette dernière peut notamment résulter de la transmission à l'organisme contrôlé ou à la personne mise en cause, dans des conditions lui permettant d'y répondre utilement, de la décision par laquelle le comité du contrôle et des suites de l'ANCOLS, mentionné à l'article R. 342-6 du code de la construction et de l'habitation, après avoir été saisi du rapport définitif de contrôle, indique au conseil d'administration de l'agence ceux des griefs figurant dans ce rapport pour lesquels il lui demande de proposer aux ministres compétents de prononcer une sanction.
Une telle transmission n'est toutefois de nature à assurer le respect des droits de la défense qu'à la condition que la proposition de sanction transmise par l'agence aux ministres compétents ne se fonde pas sur d'autres griefs que ceux retenus par le comité du contrôle et des suites.
En outre, en sus des exigences sus-rappelées liées aux droits de la défense, l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer une sanction aux ministres compétents à l'égard d'un organisme contrôlé qu'après que le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de cet organisme a été mis en mesure de présenter, en disposant à cette fin d'un délai de quatre mois, ses observations sur le rapport définitif de contrôle.
En revanche, aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'ANCOLS, en sus des exigences liées aux droits de la défense, de notifier ce même rapport définitif à une personne physique, dirigeant ou membre d'un conseil d'administration, d'un conseil de surveillance ou d'un directoire d'organisme contrôlé, à l'encontre duquel elle envisage de proposer une sanction, ni de mettre cette personne en mesure de présenter des observations sur le rapport définitif avant de proposer une sanction aux ministres compétents.
C’est donc à tort que le requérant, en l’espèce, soutenait qu'il aurait dû se voir communiquer le rapport définitif.
(29 décembre 2021, M. C., n° 443269)
Droit social et action sociale
109 - Salarié protégé - Licenciement pour inaptitude physique - Refus d'autoriser le licenciement - Annulation par la ministre du travail - Non-respect des obligations s'imposant à elle - Annulation avec renvoi.
Il incombe au ministre saisi d'un recours hiérarchique contre le refus de l'inspection du travail d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé et décidant d'annuler ce refus, d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que ce motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail, est illégal.
Par suite, commet une erreur de droit l'arrêt d'appel confirmatif qui juge que la ministre du travail n'était pas tenue de mentionner les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas devoir retenir chacun des motifs sur lesquels s'était fondée l'inspectrice du travail pour rejeter la demande d'autorisation de licenciement de M. B. et par suite annuler sa décision alors que ce refus était fondé sur ce que la réalité de l'inaptitude physique de M. B. à son poste de travail n'était pas démontrée, que l'employeur n'avait pas apporté la preuve de l'impossibilité du reclassement de l'intéressé et qu'il existait un lien entre les mandats exercés par le salarié protégé et la demande d'autorisation de licenciement, et en développant son argumentation au soutien de chacun de ces motifs.
(8 décembre 2021, M. B., n° 428118)
110 - Salarié protégé - Licenciement - Refus d'autorisation - Irrecevabilité du recours contre cette décision - Décision purement confirmative - Erreur de droit et de qualification juridique des faits - Annulation et renvoi.
Dans le cadre d'une procédure de licenciement d'un salarié protégé, la requérante avait saisi pour la troisième fois l'autorité administrative en vue d'en obtenir l'autorisation de le licencier. Cette demande ayant été à nouveau rejetée, la société a formé un nouveau recours contentieux qui a été jugé irrecevable par la cour administrative d'appel motif pris de ce que cette décision de refus était purement confirmative de la précédente ayant le même objet.
Sur pourvoi, le Conseil d'État annule l'arrêt pour erreur de droit et erreur dans la qualification juridique des faits car il ressort des pièces du dossier que cette troisième demande, qui avait certes le même objet que la précédente, reposait sur une cause juridique distincte dès lors que l'employeur n'invoquait plus, au soutien de sa demande d'autorisation, que deux des griefs initiaux.
On peut comprendre que la cour n'ait pas aperçu un tel distinguo.
(8 décembre 2021, Société Café de Flore, n° 433754)
(111) V. aussi, annulant, car entaché d'erreur de droit, l'arrêt décidant qu'en cas de discordance entre les termes d'un exploit d'huissier et des témoignages de salariés sur le comportement reproché à un salarié protégé qui a motivé la décision de le licencier, il y avait lieu de le faire profiter du doute sur sa réelle participation à des incidents électoraux.
En effet, il résulte des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers que les constatations de ces derniers font foi jusqu'à preuve contraire : 8 décembre 2021, Société Compagnie française d'entretien (COFREM) et société Aquanet services, n° 439631.
112 - Salarié protégé - Autorisation de licenciement - Faits reprochés justifiant le licenciement - Rejet.
Saisi d'un second pourvoi dans ce litige de droit du travail, le Conseil d'État avait notamment à apprécier la qualification donnée aux faits par la cour administrative d'appel. Il approuve son raisonnement selon lequel les faits reprochés revêtent un caractère suffisant de gravité pour justifier le licenciement de ce salarié protégé. En effet, le requérant a tenu, dans les locaux de l'entreprise, à proximité de la salle de convivialité où se trouvait un autre salarié, le 11 septembre 2012, des propos injurieux à l'encontre du secrétaire du comité d'entreprise et de son trésorier auquel il avait, en outre, adressé des menaces de mort. Il a refusé de façon répétée de respecter les consignes de sécurité fixées par le règlement intérieur de l'entreprise en s'abstenant d'emprunter le portique de l'entrée réservée aux piétons pour pénétrer sur le site de production et revendiquant en outre ces manquements.
(13 décembre 2021, M. A., n° 437134)
113 - Fixation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) - Demande d'homologation - Obligation s'imposant à l'administration - Cas d'une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire - Entreprise appartenant à un groupe.
Par cette décision, s'appuyant principalement sur les dispositions du II de l'art. L. 1233-58, et sur celles des art. L. 1233-61 et 1233-62 du code du travail, le Conseil d'État renforce sensiblement l'exigence d'un contrôle étendu de l'administration du travail lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un PSE par une entreprise en liquidation ou en redressement judiciaire et qui fait partie d'un groupe implanté sur le territoire français. Cette jurisprudence confirme une tendance lourde du juge administratif à accentuer le contrôle in concreto sur les PSE.
Cette administration doit vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, que l'établissement du PSE par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise notamment en qu'il est réellement de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.
Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.
Il faut cependant critiquer l'emploi de la formule inadéquate « seul débiteur de l'obligation de reclassement » à propos de l'employeur : les « obligations » imposées par la loi sont bien obligatoires pour l'employeur, elles ne sont pas pour autant des « obligations » au sens technique du terme qui désigne des engagements librement consentis alors qu'en l'espèce ne se rencontrent que des décisions unilatérales, qu'il s'agisse de la loi ou du règlement.
(8 décembre 2021, M. F., n° 435919 ; M. P. et autres, n° 435923 ; M. AY., n° 435924 ; M. BU., n° 435925 ; M. BO., n° 435926 ; M. BW., n° 435927 ; M. J., n° 435929 ; M. AM., n° 435930, jonction)
114 - Mesures relatives au régime d'assurance-chômage - Décret du 30 mars 2021 pris à la suite de l'échec des négociations entre représentants de salariés et d'employeurs au sujet de l'assurance-chômage - Document de cadrage non mis à jour - Compatibilité avec les objectifs du document de cadrage - Calcul du salaire journalier de référence - Absence d'atteinte au droit à un revenu de remplacement - Caractère dégressif de l'aide au retour à l'emploi (ARE) - Différé d'indemnisation - Modulation de la cotisation des employeurs à l'assurance chômage - Rejet.
Cette décision s'inscrit dans un long processus contentieux né de la réforme de l'assurance chômage issue de l'art. 57 de la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel.
Plusieurs dispositions du décret du 26 juillet 2019 - qui a été pris en lieu et place de la négociation collective infructueuse - ont fait l'objet d'annulations par le Conseil d'État (cf. cette Chronique, novembre 2020, n° 95, à propos de : 25 novembre 2020, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, n° 434920 ; Syndicat Alliance Plasturgie et Composites du futur (Plastalliance), n° 434921 ; Confédération générale du travail - Force ouvrière, n° 434931 ; Union inter-secteurs papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale et la fédération de la plasturgie et des composites, n° 434943 ; Union des entreprises de transport et de logistique et autres, n° 434944 ; Confédération générale du travail et Union syndicale Solidaires, n° 434960).
Le présent contentieux est relatif au décret du 30 mars 2021 insérant dans le décret du 26 juillet 2019 de nouvelles dispositions relatives notamment au calcul du salaire journalier de référence et à la modulation du taux de contribution des entreprises à l'assurance chômage en fonction de leur taux de séparation. Puis, par un décret du 8 juin 2021, le premier ministre a modifié les dispositions du décret du 26 juillet 2019 relatives à la prise en compte, pour la détermination du salaire journalier de référence, de certaines périodes de suspension du contrat de travail ou de rémunération réduite.
Le 22 juin 2021, le juge des référés du Conseil d'État a suspendu l'exécution de la date d'entrée en vigueur, fixée au 1er juillet 2021 par le décret du 30 mars 2021, des dispositions de ce décret relatives à la détermination du salaire journalier de référence.
Par un décret du 29 juin 2021, le premier ministre a abrogé les dispositions du décret du 30 mars 2021 relatives à cette date d'entrée en vigueur, prévu qu'une nouvelle date d'entrée en vigueur serait fixée par un décret en Conseil d'État et précisé que les dispositions relatives au salaire journalier de référence de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage demeureraient applicables jusqu'au 30 septembre 2021.
Les huit requêtes ci-dessous visées tendent à l'annulation pour excès de pouvoir des décrets du 30 mars 2021, du 8 juin 2021 et du 29 juin 2021.
Elles sont rejetées.
Aucune des critiques tenant à leur légalité externe n'a convaincu le juge et pas davantage celles portant sur leur légalité interne. En particulier, celles critiquant la compatibilité des dispositions litigieuses avec les objectifs du document de cadrage, la fixation du salaire journalier de référence (qui ne méconnaît ni les règles figurant aux art. L. 5422-2 et L. 5422-3 c. trav., ni le caractère « assurantiel » de ce régime, ni le principe d'égalité ni celui de non discrimination), l'atteinte prétendument portée au droit à un revenu de remplacement, etc.
(15 décembre 2021, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), n° 452209 ; Confédération générale du travail (CGT) et autres, n° 452783 ; Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), n° 452796; Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC) et autres, n°452831 ; Confédération générale du travail - Force ouvrière, n° 452836 ; Confédération française démocratique du travail, n° 452842 ; Union des entreprises de transport et de logistique (TLF), n° 453181 ; Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), n° 455121)
115 - Avis de droit – Licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité au comité social et économique – Nombre de salariés de l’entreprise – Procédure à suivre.
Répondant à une demande d’avis de droit, le Conseil d’État, se fondant sur les dispositions des art. L. 2311-2, L. 2312-1, L. 2312-4, L. 2421-3 et R. 2421-8 du code du travail, dit pour droit :
D’une part, que dans les entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés, le comité social et économique n'a pas à être consulté sur le projet de licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité du comité social et économique, sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 2312-4 du code du travail.
D’autre part, que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés, une telle consultation est requise dans tous les cas.
(29 décembre 2021, Mme L., n° 453069)
116 - Droit à prestations familiales – Droit au revenu de solidarité active (RSA) – Cas d’enfants mineurs d’un réfugié mineur qui sont à la charge d’ascendants – Rejet.
Il se déduit de diverses dispositions du code de l’action sociale et des familles (L. 262-4 et L. 262-5) et du code de la sécurité sociale (L. 512-2 et D. 512-2), par construction logique tirée de leur ligne générale, que lorsqu’ils sont à la charge effective de leurs ascendants au premier degré, les enfants mineurs d’un réfugié lui-même mineur sont éligibles aux prestations sociales et, par suite, doivent être pris en compte dans la détermination des droits au RSA.
(30 décembre 2021, Département de l’Oise, n° 446929)
117 - Licenciement d’un salarié protégé – Refus d’autorisation opposé par l’inspection du travail puis par le ministre – Office du juge saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ces refus – Méconnaissance – Annulation.
Méconnaît son office de juge de l’excès de pouvoir, la cour administrative d’appel qui, appelée à se prononcer sur la légalité du refus d’accorder une autorisation administrative du licenciement d’un salarié protégé, alors qu’il lui appartenait seulement de se prononcer sur la régularité de cette décision - fondée sur ce que le non-respect par le salarié de la clause du contrat de travail du requérant exigeant la possession d'un véhicule personnel ne caractérisait pas en l'espèce un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise -, relève le caractère « non pertinents » des motifs avancés par le salarié pour refuser d’acquérir un nouveau véhicule.
(30 décembre 2021, M. C., n° 436058)
118 - Maladies professionnelles – Pathologies liées à une infection par le virus du Covid-19 – Restriction jugée trop importante du champ d’application – Rejet.
Les requérants demandaient l’annulation tantôt intégrale tantôt celle seulement des articles 1er et 2 du décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 en tant que la désignation des maladies des tableaux n° 100 et 60 ne comprend que les affections respiratoires aiguës causées par une infection au SARS-Cov2 ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute forme d'assistance ventilatoire ou ayant entraîné la mort et en tant que la liste limitative des travaux ne prend pas en compte l'ensemble des catégories de salariés confrontés de façon habituelle à du public.
Les différents recours, joints, sont rejetés.
Le décret attaqué a modifié, d'une part les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale, pour y insérer un tableau n° 100 intitulé « Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-COV2 » et, d'autre part, les tableaux de l'annexe II au livre VII du code rural et de la pêche maritime pour y insérer un tableau n° 60 ayant le même intitulé.
Il prévoit également, par dérogation, que le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie peut, en application du 3° de l'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale, confier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles l'instruction de l'ensemble des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle liées à une contamination au SARS-CoV2 et comprenant : « 1° Un médecin-conseil relevant du service du contrôle médical de la Caisse nationale de l'assurance maladie ou de la direction du contrôle médical et de l'organisation des soins de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou d'une des caisses locales, ou un médecin-conseil retraité ;
2° Un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle, réanimation ou infectiologie, en activité ou retraité, ou un médecin du travail, en activité ou retraité, remplissant les conditions prévues à l'article L. 4623-1 du code du travail, nommé pour quatre ans et inscrit sur une liste établie par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé. (...) ».
Les requérants faisaient porter leurs critiques sur deux points principaux.
En premier lieu, étaient querellées la désignation de la maladie et la liste des travaux. Le juge rejette les moyens développés à ce titre après avoir rappelé que les conditions (cf. art. L. 461-1 c. séc. soc.) qui définissent la manière dont sont contractées les maladies et qui sont susceptibles de figurer, à ce titre, dans les tableaux désignant les maladies présumées d'origine professionnelle, ne peuvent légalement porter que sur le délai maximum de constatation d'une maladie, la durée d'exposition ou la liste limitative des travaux à même de provoquer une maladie et que ces conditions ne sauraient méconnaître le principe de présomption d'imputabilité posé par le deuxième alinéa de l’article L. 461-1 et par l'article L. 461-2 du même code.
D’abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué aurait inexactement apprécié les données scientifiques alors disponibles en retenant, pour désigner les maladies présumées d'origine professionnelle qu'il a définies, les seules affections respiratoires aiguës causées par une infection au SARS-CoV2, et en les caractérisant par le recours qu'elles ont nécessité à une oxygénothérapie ou toute autre forme d'assistance ventilatoire, attestée par des comptes rendus médicaux, ou le décès qu'elles ont entraîné.
Ensuite, a été utilisé un critère objectif, conforme à l’art. L. 461-1 c. séc. soc., quand pour déterminer les travaux susceptibles de provoquer une maladie causée par une infection au SARS-CoV2, le décret litigieux a retenu les activités dont les conditions d'exercice impliquent un contact avec des personnes déjà infectées ou plus particulièrement exposées à la maladie.
Encore, ce texte n’établit pas une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard des différences de situation existant entre les différents professionnels. Par ailleurs, il n’interdit nullement aux victimes soumises aux dispositions de l'article L. 461-1 précité et ne remplissant pas les conditions prévues par les tableaux n° 100 et 60 d'obtenir la reconnaissance d'une maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Enfin, il est rappelé qu’aux termes des art. L. 3131-1 et L. 3131-10 du code de la santé publique, les professionnels de santé, y compris bénévoles, amenés à exercer leur activité auprès des patients ou des personnes exposées à une catastrophe, une urgence ou une menace sanitaire grave, dans des conditions d'exercice exceptionnelles décidées par le ministre chargé de la santé en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, bénéficient des dispositions de l'article L. 3133-6 du même code, c’est-à-dire la réparation intégrale du préjudice subi.
En second lieu, s’agissant de la désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ni le rôle dévolu au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie pour organiser, de façon dérogatoire, l'examen des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle liées à une contamination au SARS-CoV2, ni la modification dans la composition de ce comité pour l’exercice de cette compétence ne comportent d’erreurs manifestes d’appréciation, ne remettent en cause le principe de confiance légitime, ne méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, le principe de sécurité juridique, non plus, en tout état de cause, que le principe de confiance légitime.
(30 décembre 2021, Association Coronavictimes et Association Comité anti-amiante Jussieu, n° 444500 ; Association nationale des victimes de l'amiante, n° 446453 ; Fédération nationale Sud santé sociaux, n°446455 ; Union interfédérale des agents de la fonction Force ouvrière et autres, n° 446459 ; Fédération CFDT Santé-Sociaux et autres, n° 446462, jonction)
(119) V. aussi, à propos de la circulaire du 18 décembre 2020 relative à la reconnaissance des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 dans la fonction publique de l'État, le rejet du recours : 30 décembre 2021, Union syndicale Solidaires fonction publique, n° 449905.
(120) V. également, les recours dirigés contre l'instruction DGOS/RH3/2021/5 du 6 janvier 2021 du ministre de la santé et des solidarités relative à la reconnaissance des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 dans la fonction publique hospitalière : 30 décembre 2021, Fédération nationale Sud santé sociaux, n° 449913 ; Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force Ouvrière et M. C., n° 450447, jonction.
Élections et financement de la vie politique
121 - Élections municipales - Règlement direct de menues dépenses - Conditions - Absence - Rejet du compte - Inéligibilité - Rejet.
Si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de sa campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, en prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles qui ont été réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et qu'il soit négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.
En l'espèce, le montant de ces dépenses a constitué 51,9 % du montant total des dépenses de campagne du requérant et 14,6 % du plafond des dépenses électorales autorisées dans la circonscription de Dieppe. C'est sans erreur de droit que son compte a été rejeté.
La sanction de six mois d'inéligibilité infligée en première instance est justifiée.
(1er décembre 2021, M. C., Élections municipales de Dieppe, n° 450985)
(122) V. aussi, confirmant entièrement
1 - le jugement de première instance sur le caractère infractif du comportement et sur la durée de l’inéligibilité : 28 décembre 2021, M. C., Élections municipales de Gennevilliers, n° 448519 ; 30 décembre 2021, M. C., Élections municipales de Sainte Rose, n° 453352 ; 30 décembre 2021, M. A., Élections municipales de La Seyne-sur-Mer, n° 453053 et 30 décembre 2021, M. B., Élections municipales de La Seyne-sur-Mer, n° 452161 ; 30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Canet-en-Roussillon, n° 448692 ; sur cette dernière commune voir aussi l’affaire n° 448694, rapportée dans la liste figurant au n° 135 .
2 - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques rejetant un compte de campagne : 28 décembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villefranche-de-Rouergue, n° 448932 ou encore : 30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Avignon, n° 452048.
(123) V. également,
1 - Relevant que la modestie des irrégularités affectant le compte ce campagne, si elle le rend ipso facto irrégulier, ne justifie nullement la sanction d'inéligibilité de 18 mois infligée en première instance ; elle est ramenée à six mois par le juge d'appel : 9 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune Bordeaux, n° 451567.
2 - Tenant compte de ce que le dépôt tardif du compte de campagne était en réalité expliqué par la perte par les services postaux du pli que le candidat avait adressé à la Commission dans les délais et de l'affirmation du candidat - non contredite - de l'absence de réception de la mise en demeure de régulariser l'absence de dépôt de son compte qui lui aurait été adressée par la Commission, d’où le prononcé l'annulation de l'inéligibilité pour douze mois infligée en première instance : 17 décembre 2021, M. A., El. min. et cnautaires de la commune du Havre, n° 451850.
3 – Confirmant l’inéligibilité de deux mois du candidat pour dépôt tardif du compte en dépit de la force majeure tirée de l'impossibilité matérielle, avant l'expiration du délai, d'accéder au compte bancaire dédié au financement de sa campagne du fait de la modification tardive de ce compte par la banque domiciliataire postérieurement au changement de son mandataire financier ; cette circonstance, quoique regrettable puisqu'elle ne lui a pas permis de disposer de compte bancaire pour l'encaissement et le paiement de sa campagne, ne constitue pas une impossibilité matérielle d'établir le compte de campagne, par ailleurs excédentaire, dont il résulte de l'instruction qu'il n’en a confié l'établissement à un expert-comptable qu'à la fin du mois d'août 2020, soit après l'expiration du délai précité : 30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Antibes, n° 448472.
(124) V. encore,
1 – Annulant un jugement ayant déclaré l’intéressé inéligible et démissionnaire d’office motif pris, d’une part, de ce que celui-ci, postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a communiqué au tribunal administratif son compte de campagne visé par un membre de l'ordre des experts-comptables sans que ce compte ne comporte d'irrégularités ni ne présente de différences notables avec celui qui avait été soumis préalablement à ladite Commission et, d’autre part, du faible montant des recettes et des dépenses du compte, qui s'établissent respectivement à 9 100 euros et à 6 627 euros, ainsi qu’au caractère non délibéré du manquement en cause : 30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, n° 451816.
On lira aussi, assez voisin en substance : 30 décembre 2021, M. A., Élections municipales de Perpignan, n° 450415.
2 - Ramenant de dix-huit mois à neuf mois la sanction de l’inéligibilité compte tenu que ce n’est pas frauduleusement que le dépôt du compte de campagne n’a pas été effectué avant l’expiration du délai légal : 21 décembre 2021, Mme A., Élections municipales de Sada, n° 453600.
3 - Plus discutable ou, en tout cas, manifestant un traitement par trop inégalitaire, est la décision d’appel qui ramène de trois ans à un an la période d’inéligibilité pour un candidat qui n’a pas déposé son compte dans les délais prescrits, ne l’a pas fait présenter par un expert-comptable et qui a prétendu n’avoir eu ni recettes ni dépenses alors que chacun de ces deux postes s’élève à plus de vingt mille euros : 21 décembre 2021, M. A., Élections municipales de Tsingoni, n° 454008.
Une observation identique peut être faite à propos d’une décision ramenant de 30 mois à 24 mois la durée de l’inéligibilité consécutive au non-respect de diverses règles régissant la tenue et la présentation du compte de campagne. Il convient de relever car le fait est très rare, que le Conseil d’État décide que ce délai d’inéligibilité commencera à courir à compter de la présente décision : 30 décembre 2021, M. C., Élections municipales de Sainte Rose, n° 453393.
4 – Jugeant que c’est à bon droit qu’a été rejeté un compte de campagne dès lors que le candidat a directement payé une somme de 740 euros, soit 12,8% du montant total des dépenses déclarées dans son compte de campagne, lesquelles s'élèvent à 5 738 euros, et 3,9% du plafond des dépenses applicable à l'élection, soit 18 745 euros, ces montants n’étant ni faibles au regard du total des dépenses de campagne de M. C., ni négligeables au regard du plafond des dépenses : 30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune du Thor, n° 453921.
Solution comparable à la précédente mais avec des plafonds plus élevés, respectivement à 59% et à 8% : 30 décembre 2021, M. D., Élections municipales d’Avignon, n° 450823.
5 – Confirmant le rejet d’un compte de campagne, la démission d’office et l’inéligibilité d’une année prononcés à l’égard d’un candidat qui « a manqué tant à l'obligation de présenter son compte de campagne par un expert-comptable qu'à celle imposée à son mandataire financier d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières (, qui …) s'est abstenu de procéder aux régularisations demandées par la CNCCFP et n'a jamais sérieusement justifié de l'impossibilité de respecter les dispositions qui s'imposaient à lui » : 30 décembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Montmagny, n° 453532.
Dans le même sens, avec inéligibilité de six mois : 30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Arnouville, n° 448536.
125 - Élections des conseillers des Français de l’étranger des 29 et 30 mai 2021 – Protestations en vue de l’annulation des élections – Rejets.
Un contentieux assez nourri s’est développé du chef des opérations électorales qui se sont tenues le 30 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger.
Les requêtes, fondées sur des moyens divers, sont toutes rejetées.
On se borne à recenser certaines d’entre elles pour les lecteurs intressésromieu :
30 décembre 2021, Circonscription du Portugal, n° 453463 ;
30 décembre 2021, 2ème circonscription du Brésil, n° 453506 ;
30 décembre 2021, Ensemble des circonscriptions où au moins un siège était à pourvoir, n° 453524 ;
30 décembre 2021, Circonscription Cameroun-Guinée équatoriale, n° 453430 ;
30 décembre 2021, Circonscription de Tunisie-Libye, n° 453397 ;
30 décembre 2021, Circonscription Maurice-Seychelles, n° 453656.
126 - Référendum en Nouvelle-Calédonie - Troisième consultation sur l'accession de ce territoire à l'indépendance - Demande de report du scrutin - Situation sanitaire - Absence d'atteinte à une liberté fondamentale - Rejet.
Les requérants sollicitaient, par un référé liberté, la suspension de l'organisation du troisième référendum en vue de l'accession de la Nouvelle-Calédonie à l'indépendance prévu le 12 décembre 2021. Le recours est rejeté, le juge estimant qu’aucune atteinte n'a été portée à une liberté fondamentale.
La situation sanitaire existant sur l'archipel n'est pas telle qu'elle empêche ou rende difficile le déroulement de la campagne ou celle du scrutin prévu, d'autant que cette situation est en voie d'amélioration et que des mesures de protection des électeurs ont été prises.
L'existence de règles coutumières de deuil des victimes décédées du Covid-19, dont le déroulement coïnciderait avec la période électorale ne caractériserait pas l'atteinte à une liberté fondamentale en dépit de l'organisation de grandes cérémonies traditionnelles et de l'instauration d'une période de recueillement.
La circonstance que des électeurs seraient empêchés de s'inscrire dans des bureaux de vote délocalisés à Nouméa du fait de l'épidémie comporte en réalité suffisamment de correctifs et de palliatifs pour leur permettre d'exercer leur droit de vote sans qu'il soit porté atteinte à une liberté fondamentale.
Semblablement, ne saurait être invoquée la proximité de ce référendum avec les élections présidentielles d'avril 2022.
(ord. réf. 7 décembre 2021, Mme D. et autres, n° 459131)
127 - Élections régionales - Présentation des bulletins d'une liste - Irrégularité - Absence de nullité desdits bulletins - Rejet.
Ne sont pas nuls par eux-mêmes les bulletins de vote d'une liste qui, bien que ne reprenant pas l'intitulé de cette liste, reprennent les nom et prénom du candidat désigné tête de liste régionale et ceux de chacun des candidats composant cette liste, répartis par section départementale et dans l'ordre de présentation de la liste, et précisent le nom des partis politiques nationaux soutenant cette même liste.
(10 décembre 2021, Mme G., Élections au conseil régional de Normandie, n° 454363)
(128) V. aussi, à propos des conditions d'éligibilité aux élections régionales, jugeant que la double condition exigée pour l'éligibilité (inscription sur une liste électorale ou preuve de devoir y être et assujettissement à l'une des contributions directes au 1er janvier de l'année de l'élection), est satisfaite par une personne qui est assujettie à la taxe d'habitation dans une ville de la région sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'elle n'allègue pas avoir son domicile dans cette région ou qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle occuperait effectivement le logement au titre duquel elle était redevable de la taxe d'habitation : 20 décembre 2021, Mme I. et autres, Élections au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 454289 ; M. U. et autres, Élections au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 454312 ; Mme G., Élections au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 454339.
(129) V., rappelant à propos d’élections régionales, mais la solution vaut pour toutes espèces d’élections, qu’est – classiquement - irrecevable la protestation électorale qui se borne à contester les résultats d’un tour de scrutin sans solliciter la modification de son résultat : 22 décembre 2021, M. F., Élections au conseil régional de Normandie, n° 454376.
(130) V. également, rejetant l’ensemble des griefs contenus dans une protestation tendant à l’annulation d’élections régionales : 27 décembre 2021, M. J., Élections au conseil régional des Hauts-de-France, n° 454335.
131 - Élections municipales - Entrepreneur de services municipaux - Inéligibilité - Circonstances de fait indifférentes à cette qualification et à sa sanction - Annulation.
Une délicate question de droit en matière d'inéligibilité est ici tranchée.
En vertu des dispositions du 6° de l'art. de l'art. L. 231 du code électoral, les entrepreneurs de services municipaux ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois. Une double question se posait.
La première, classique, était celle de la détermination de « l'entrepreneur de services municipaux ». En l'espèce, l'intéressé jouait un rôle prépondérant dans une entreprise ayant conclu avec la commune en 2011 une convention en vue d'assurer le déneigement de la commune, qui a été renouvelée le 24 septembre 2018 puis dénoncée par l'intéressé le 8 janvier 2020. Il suit de là que cette société participait à cette date au service municipal d'entretien de la voirie et cela moins de six mois avant la date du premier tour de l'élection contesté : l'intéressé avait bien la qualité d'entrepreneur d'un service municipal.
La seconde question était la plus difficile.
Pour sa défense, le défendeur invoquait la double circonstance que cette société n'avait plus fourni de prestation à la commune depuis plus de six mois et qu'en toute hypothèse une seule facture d'un montant de 486 euros avait été émise au titre de cette convention en 2019.
Dura lex sed lex : l'intéressé n'en tombe pas moins sous le coup de la prohibition légale et était donc inéligible à la date à laquelle il a été élu.
On pourra ne pas trouver trop amène cette solution…
(21 décembre 2021, M. D. G. et M. B. G., Élections municipales de Villequier-Aumont, n° 445969).
132 - Élections municipales et communautaires – Procurations régulières non acheminées en temps utile – Absence de manœuvre – Adjonction hypothétique de suffrages aux résultats des candidats battus – Liste arrivée en tête ne pouvant plus être proclamée élue – Annulation du jugement et des deux tours de scrutin.
Cette décision se signale à l’attention par le motif de l’annulation des deux tours de scrutin qu’elle prononce et, par voie de conséquence, du jugement de première instance qui avait rejeté la protestation dont il était saisi.
Les procurations, régulièrement établies par cinq électeurs, n’étaient pas parvenues en temps utile pour pouvoir être utilisées le jour du vote. Le juge a donc hypothétiquement ajouté ces voix à celles obtenues par les candidats battus. Il en résulte que l’une de ces listes aurait quatre voix de plus que celle arrivée en tête : l’élection ne peut qu’être annulée.
(27 décembre 2021, M. O., Él. mun. et cnautaires de la commune de L’Etang-Salé, n° 450347 ; M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de L’Etang-Salé, n° 450779 ; M. Q. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de L’Etang-Salé, n° 450782, jonction)
(133) V. aussi, sur le contentieux des procurations électorales : 30 décembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Dugny, n° 450740.
134 - Élections municipales et communautaires – Irrégularités diverses – Faussement des résultats du scrutin – Faible écart de voix – Confirmation de l’annulation des résultats.
L’édition d’un bulletin municipal dressant en termes flatteurs un bilan élogieux du mandat du maire sortant, une cérémonie des vœux très orientée en faveur du maire sortant et critique à l’égard de la municipalité précédente, l’utilisation à cet effet des ressources de la commune et alors que deux voix seulement séparent le nombre de suffrages recueillis par la liste proclamée victorieuse et la majorité absolue des suffrages exprimés, sont de nature à avoir faussé les résultats du scrutin, d’où la confirmation de son annulation en première instance.
(30 décembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune du Lamentin, n° 449874)
135 - Élections municipales et communautaires – Protestation comportant des griefs divers et multiples – Rejets.
On signale ces décisions aux lecteurs bien qu’elles ne revêtent pas, en droit ou même en fait, d’importance particulière car elles sont très illustratives de la panoplie des moyens le plus souvent développés au soutien de protestations électorales.
(30 décembre 2021, M. K., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Annecy, n° 450359 ;
30 décembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fresnes, n° 451385 ;
30 décembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Garges-lès-Gonesse, n° 451087 ;
30 décembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sarcelles, n° 450845 ;
30 décembre 2021, M. G., Élections municipales de la commune de Colombes, n° 450810 ;
30 décembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fontenay-le-Comte, n° 450527 ;
30 décembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Aubière, n° 450099 ;
30 décembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Anse-Bertrand, n° 445556 ;
30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Canet-en-Roussillon, n° 448694 ;
30 décembre 2021, M. G., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Annemasse, n° 449172)
136 - Élections municipales et communautaires – Absence de mention sur les bulletins de la nationalité portugaise de l’un des candidats – Émargements ne garantissant pas l’authenticité du vote – Confirmation de l’annulation de l’élection – Rejet.
Deux motifs, retenus par les premiers juges pour prononcer l’annulation d’opérations électorales, sont repris par le juge d’appel.
En premier lieu, est relevée l’omission de porter sur les bulletins la mention de la nationalité portugaise de l’un des candidats, sans que la circonstance qu’il occupait la 35ème place sur une liste de 49 candidats puisse faire échec à la nullité ainsi constatée.
En second lieu, trente des émargements du second tour (le tribunal administratif en avait, lui, relevé cinquante) ont été jugés dépourvus d’authenticité car ils présentaient des différences manifestes par rapport à ceux du premier tour. Ce chiffre excède notablement l’écart de cinq voix qui sépare les deux listes en présence au second tour.
(30 décembre 2021, M. AA., Él. mun. et cnautaires de la commune de Neuilly-sur-Marne, n° 449430)
137 - Élections municipales et communautaires – Rejet du compte de campagne d’une candidate élue – Démission d’office – Remplacement par une élue déclarant ne pas vouloir siéger au conseil municipal – Erreur de droit – Désignation d’une autre élue – Annulation sur ce point.
Lorsque, par suite du rejet de son compte de campagne, une candidate est déclarée inéligible et, par conséquent, démissionnaire d’office, elle ne peut être remplacée par une élue qui a déclaré ne pas vouloir siéger au conseil municipal. Il incombe en ce cas au juge saisi de désigner une autre élue en remplacement.
(30 décembre 2021, Mme A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sainte-Maxime, n° 451110)
138 - Élections municipales et communautaires – Déroulement de la campagne – Publication d’apparence satirique contenant des allégations virulentes – Extrême difficulté d’y apporter une réponse utile – Altération de la sincérité du scrutin – Annulation des élections confirmée en appel.
La mise en cause, dans une publication prétendument satirique créée pour la période électorale, au moyen d’imputations injurieuses et diffamatoires mettant en cause la probité d’un candidat de manière particulièrement grave en des termes excédant les limites de ce qui peut être toléré dans le cadre de la polémique électorale, aggravée, d’une part, par la large diffusion donnée à cette publication et, d’autre part, par la très grande difficulté à y apporter une réponse utile est de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé l’annulation des deux tours de scrutin.
(30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Carros, n° 451036)
139 - Élections municipales et communautaires – Absence d’inscription sur les listes électorales - Absence d’inscription sur le rôle des contributions directes au 1er janvier de l’année de l’élection – Inéligibilité – Rejet.
Est irrecevable la protestation tendant à l’annulation d’opérations électorales formée par une personne qui, non inscrite au rôle des contributions directes au 1er janvier de l’année de l’élection, n’était donc ni éligible ni électrice.
Confirmation du jugement et rejet de l’appel.
(30 décembre 2021, Mme H., Él. mun. et cnautaires de la commune de Clapiers, n°445649)
140 - Élections municipales et communautaires – Différences dans les émargements entre les deux tours de scrutin – Nombre d’irrégularités excédant l’écart des voix – Confirmation de l’annulation des élections.
Ne retenant qu’un seul des trois motifs pour lesquels les premiers juges avaient annulé les opérations électorales du 28 juin 2020 dans cette commune, le Conseil d’État confirme l’annulation prononcée en première instance motif pris de ce que vingt émargements étaient irréguliers alors que l’écart entre les deux listes arrivées en tête n’était que de huit voix.
(30 décembre 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Capesterre-de-Marie-Galante, n° 446863)
Environnement
141 - Pêche à l'anguille de moins de douze centimètres - Pêche professionnelle - Quotas de pêche excessifs - Espèce en voie de disparition - Défaut d'urgence - Rejet.
La requérante demandait la suspension d'arrêtés du 21 octobre 2021, l'un de la ministre de la transition écologique relatif à l'encadrement de la pêche de l'anguille de moins de 12 centimètres par les pêcheurs professionnels en eau douce pour la campagne 2021-2022, l'autre, de la ministre de la mer, portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d'anguilles européennes (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche 2021-2022. Elle argüe de ce que les quotas de quantité d'anguilles pouvant être pêchées sont excessifs, d'une part, eu égard notamment à l'objectif d'intérêt public de restauration de l'anguille européenne, qui est une espèce en danger d'extinction, ainsi qu'aux intérêts de protection et de conservation de l'anguille et des milieux humides qu'elle défend et, d'autre part, car ces arrêtés méconnaissent le règlement européen du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes ainsi que le plan de gestion de l'anguille adopté par la France sur son fondement.
Ils invoquent aussi l'atteinte au principe de précaution et l'irrégularité affectant la consultation publique à laquelle ont été soumis les arrêtés contestés du fait de la méconnaissance de l'article L. 120-1 du code de l'environnement résultant d'une mauvaise et/ou d'une non connaissance par le public de certaines informations.
Le recours est cependant rejeté pour défaut d'urgence car il n'est pas plus possible de faire la part, au sein des causes de mortalité de l'anguille européenne, de ce qui relève de la pêche autorisée par le Gouvernement français des autres causes de mortalité anthropique, comme la dégradation des habitats, l'impact d'espèces invasives, le braconnage ou encore les prélèvements effectués dans les autres pays européens. Il résulte en revanche de l'instruction que la réduction demandée des quotas de pêche à l'anguille comme l'interdiction de toute pêche en eau douce serait de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique des 505 entreprises de pêche professionnelle concernées, la pêche à la civelle représentant 30% à 60% de leur chiffre d'affaires annuel.
Enfin, le nombre de droits de pêche professionnels « civelle » pour les entreprises de la façade Atlantique a été divisé par deux depuis l'approbation par la Commission européenne en 2010 du plan de gestion de l'anguille présenté par la France.
(ord. réf. 7 décembre 2021, Association Défense des milieux aquatiques, n° 458329)
142 - Installation de stockage des déchets - Déchets non fermentescibles peu évolutifs et non dangereux - Rejets dans les eaux souterraines - Rejet des lixiviats - Condition - Rejet.
Ne commet pas d'erreur de droit et n'est pas entaché d'insuffisance de motivation, l'arrêt d'une cour d'appel qui juge qu'il résulte de la combinaison de l'art. 1er de l'arrêté du 10 juillet 1990 du ministre chargé des installations classées relatif à l'interdiction des rejets de certaines substances dans les eaux souterraines en provenance d'installations classées pour l'environnement et de l'art. 35 de l'arrêté ministériel du 9 septembre 1997 relatif aux décharges existantes et aux nouvelles installations de stockage de déchets ménagers et assimilés :
- d'une part, que si les lixiviats issus des installations de stockage des déchets peuvent être rejetés dans le milieu naturel lorsqu'ils respectent les valeurs fixées à l'article 36 de l'arrêté du 9 septembre 1997, ce n'est qu'à la condition que, lorsqu'ils comportent des substances relevant de l'annexe à l'arrêté du 10 juillet 1990, ils ne soient pas rejetés dans les eaux souterraines ;
- d'autre part, que cette condition s'applique à l'ensemble des lixiviats contenant certaines substances en provenance des installations classées, sans distinction entre les différents types d'installations les ayant émis et donc sans distinction entre les exploitants.
Il en va ainsi lorsque, comme en l'espèce, les lixiviats, traités par la technique de l'osmose inverse, qui permet le respect des valeurs fixées à l'article 36 de l'arrêté du 9 septembre 1997, sont rejetés dans les eaux souterraines. Par suite, ainsi que jugé par l'arrêt d'appel, l'arrêté préfectoral querellé était tenu d'interdire le rejet des lixiviats dans les eaux souterraines.
(15 décembre 2021, Société Gurdebeke, n° 436516)
143 - Pollution atmosphérique - Surveillance - Édiction de dispositions réglementaires relatives à la pollution atmosphérique par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) - Incompétence - Formulation par l'ACNUSA de recommandations sur les particules ultrafines et sur le carbone - Compétence - Absence d'impérativité - Annulation sur le premier point et rejet sur le second.
L'ACNUSA dispose, notamment, de prérogatives réglementaires en matière de nuisances sonores et d'un pouvoir de recommandation s'agissant de la pollution atmosphérique.
La requérante contestait, d'une part des décisions prises par l'ACNUSA et d'autre part des recommandations, toutes concernant la pollution atmosphérique. Si, sur le premier point, l'ACNUSA n'avait pas compétence pour prendre des décisions et voit celles-ci annulées, en revanche, elle disposait d'un pouvoir de recommandation qui, n'ayant aucun caractère impératif, ne donne pas ouverture à une action en annulation.
(15 décembre 2021, Union des aéroports français et francophones associés, n° 446909)
144 - Conservation des oiseaux sauvages – Directive du 30 novembre 2009 – Tourterelle des bois – Arrêté en autorisant la chasse - Méconnaissance des objectifs de la directive – Annulation de l’arrêté ministériel (écologie) du 30 août 2019.
Non sans marquer son agacement devant l’attitude de la ministre défenderesse qui s’est abstenue de produire dans l’instance malgré une mise en demeure de le faire, le Conseil d’État juge que l’arrêté du 30 août 2019 - autorisant la chasse de la tourterelle des bois sur l'ensemble du territoire métropolitain pendant la saison 2019-2020, fixant un quota maximal de prélèvements limité à 18 000 spécimens et organisant un suivi des prélèvements, notamment par l'enregistrement de tout prélèvement en temps réel et par la fourniture d'une aile de l'oiseau prélevé sur un échantillon d'au moins 5 % des prélèvements – a été pris en violation des dispositions de l’art. 2 et du I de l’art. 7 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
L’arrêté est annulé.
(30 décembre 2021, Ligue pour la protection des oiseaux et Association humanité et biodiversité, n° 434244)
V. aussi, pour un autre aspect, le n° 64
(145) V. aussi, identique : 30 décembre 2021, Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), n° 443460 ; Association One Voice, n° 443556.
146 - Création d’une liaison à statut autoroutier entre Machilly et Thonon-les-Bains – Étude d’impact – Autres exigences – Régularité - Rejet.
Les requérants demandaient l’annulation du décret du 24 décembre 2019 déclarant d'utilité publique les travaux de création d'une liaison à 2 fois 2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains, dans le département de la Haute-Savoie, conférant le statut autoroutier à la liaison nouvellement créée et portant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Machilly, Bons-en-Chablais, Ballaison, Brenthonne, Fessy, Lully, Perrignier, Allinges, Margencel et Thonon-les-Bains.
Ils invoquaient de nombreux moyens, tous rejetés, le principal portant sur la critique de plusieurs aspects de l’étude d’impact.
S’agissant de l’étude d’impact, le Conseil d’État estime qu’elle n’est pas critiquable en ce qui concerne le périmètre qui lui a été assigné, la prétendue obsolescence des données de cette étude, la description du projet, la description de l’environnement, l’analyse des facteurs entrant dans le champ de l'évaluation environnementale, l’analyse des ressources naturelles, du climat, des solutions de substitution, la prise en compte de la séquence « éviter-réduire-compenser », la description des méthodes d'identification et d'évaluation des incidences notables sur l'environnement, la protection contre les nuisances sonores ou encore l’évaluation socio-économiques.
Pas davantage ne sont retenues les critiques portant sur la méconnaissance de la Charte de l’environnement ou des engagements internationaux de la France, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, sur la compatibilité avec le SDAGE 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée, sur la méconnaissance du principe de prévention et des dispositions relatives à la réduction, à l'évitement et à la compensation des effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine.
Au total, l’utilité publique du projet est jugée certaine et le recours est ainsi rejeté.
(30 décembre 2021, Ville de Genève et ville de Carouge, n° 438686 ; Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports et autres, n° 439077 ; Europe Ecologie Les Verts - région Savoie (EELV - rS) et autres, n° 439020 ; Association Action Abandon Autoroute Chablais et autres, n° 439079 ; Association Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature et autres, n° 439173)
État-civil et nationalité
147 - Demande d'acquisition de la nationalité française - Condamné ayant fait l'objet d'une réhabilitation - Condamnation correctionnelle postérieure - Moyen nouveau en cassation - Rejet.
Le ministre de l'intérieur excipait de ce que l'art. 21-27 du Code civil fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par les personnes ayant fait l'objet de certaines condamnations pénales pour justifier son rejet de la demande d'acquisition de la nationalité française par l'intéressé.
La cour administrative d'appel, approuvée par le Conseil d'État, a écarté l'application de cette disposition, au motif que le demandeur devait être regardé comme bénéficiant de la réhabilitation légale au titre de sa condamnation par jugement du 24 novembre 2000 du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, alors même que celle-ci continuait de figurer au bulletin n° 2 extrait de son casier judiciaire.
Le ministre défendeur soulevait devant le juge de cassation un autre moyen, tiré de ce que le sursis dont était assortie la condamnation a été révoqué et produisait à l'appui de son pourvoi des éléments faisant état d'une autre condamnation correctionnelle en novembre 2006. Ce moyen est rejeté pour une raison de procédure : il est nouveau en cassation.
On regrettera une solution qui complique les choses : le ministre, auquel il a été enjoint en appel de réexaminer la demande de naturalisation de l'intéressé, lui opposera vraisemblablement la condamnation postérieure pour refuser la naturalisation.
Ce dernier, fort d'une victoire à la Pyrrhus, se retrouvera alors Gros-Jean comme devant.
Il eût été plus judicieux de relever que le moyen soulevé pour la première fois en cassation était d'ordre public et, ainsi, de l'admettre comme bien fondé et de nature à justifier la décision contestée.
(21 décembre 2021, Ministre de l'intérieur, n° 447231)
Étrangers
148 - Demande d'asile - Commission d'un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil - Motif justifiant le refus de la protection statutaire - Mobile politique - Circonstance indifférente au regard du refus de la protection - Qualification d'actes comme crimes graves de droit commun - Rejet.
Dans cette importante décision, qui portait à nouveau sur un différend entre l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), l'OFPRA demandait l'annulation de la décision de la CNDA octroyant la qualité de réfugié à un ressortissant du Kazakhstan après que l'OFPRA la lui a refusée.
Le Conseil d'État donne raison en droit et en fait à l'OFPRA.
En droit, le juge de cassation estime que lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un demandeur d'asile a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil, les stipulations du b) de l'article 1 F de la convention de Genève sur les réfugiés (1949), permettent de lui refuser le bénéfice de la protection.
Il estime également que la circonstance que les poursuites dont il a pu faire l'objet à raison de cet acte criminel reposent sur un mobile politique.
En fait, le Conseil d'État aperçoit, comme l'OFPRA, un crime grave de droit commun dans des faits de détournement de fonds, d'escroquerie ou de corruption qui revêtent une grande ampleur. La lecture du parcours criminel de l'intéressé (V. sur cet aspect le point 4 de la décision) est, en effet, assez édifiante et l'on peut s'interroger sur le sérieux de l'analyse contraire faite par la CNDA.
(8 décembre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 447044)
149 - Demande d'asile ou de protection subsidiaire - Invocation par le demandeur de l'exercice actuel d'activités ne correspondant pas à des convictions exprimées dans son pays - Refus de la Cour natioale du droit d'asile (CNDA) - Erreur de droit - Annulation.
Par cette décision, plus généreuse que logique, il est jugé que c'est au prix d'une erreur de droit que la CNDA a estimé qu'un étranger ne pouvait pas, pour justifier de sa demande d'asile ou de protection, invoquer ses activités actuelles dès lors que celles-ci ne prolongent ou ne poursuivent pas des opinions, comportements ou autres qu'il aurait eus dans son pays d'origine.
(21 décembre 2021, M. J., n° 445688)
150 - Schéma national des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (art. L. 551-1 à L. 551-6, ex-L. 744-2 CESEDA) – Fixation, pour chaque région, de la part des demandeurs d’asile pouvant y résider – Exclusion des collectivités d’outre-mer de cette répartition – Absence de rapport proportionnel entre nombre de demandes et nombre de places accordées – Absence de fixation, pour chaque région, des types de places d’hébergement – Annulations partielles.
Les organisations requérantes demandaient l’annulation des articles 1er et 2 de l'arrêté du 7 janvier 2021 et celle de l'article 1er de l'arrêté du 7 avril 2021 pris en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les art. L. 551-1 à L. 551-6 dudit code.
Ils reprochaient à ces dispositions qui organisent, dans le cadre du Schéma national des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, la répartition des demandeurs d’asile entre chaque région, un certain nombre d’illégalités dont certaines seulement sont retenues par le juge de l’excès de pouvoir.
Il est successivement relevé que :
- si « le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile doit fixer, tous les deux ans, la part des demandeurs d'asile devant résider dans chaque région, il ne résulte d'aucun texte que le ministre chargé de l'asile devrait programmer la répartition entre régions des places d'hébergement destinées à l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés sur une période de deux ans »,
- qu’aucune disposition n’autorise le ministre à exclure les collectivités d'outre-mer de la répartition des places d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés, d’où l’illégalité de cette exclusion,
- que le ministre n’a nullement l’obligation de répartir les places d'hébergement destinées aux demandeurs d'asile entre régions proportionnellement au nombre de demandes d'asile présentées dans chaque région,
- que le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile n’a pour objet que de répartir les demandeurs d'asile et les places d'hébergement entre régions, non de définir pour chaque région les types de places d'hébergement créées,
- qu’enfin, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l’art. 2 de l’arrêté du 7 janvier 2021 est entaché d'erreur de droit en tant que s’il appartient à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de décider l'orientation des demandeurs d'asile vers une autre région que celle dans laquelle ils ont déposé leur demande d'asile lorsque la part des demandeurs d'asile résidant dans cette région excède la part fixée par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et les capacités d'accueil de cette région, ce schéma doit fixer la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région, or cet article, désormais abrogé, a fixé la part des demandeurs d'asile orientés depuis la région Ile-de-France vers chacune des autres régions métropolitaines et non la répartition des demandeurs d'asile entre chaque région.
L’annulation est prononcée sur les deux points relevés ci-dessus.
(21 décembre 2021, Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et autres, n° 450551)
151 - Demande d’extradition – Infractions pénales l’ayant motivée – Infractions punissables en France si commises en France –
Dans le cadre d’un recours contestant la légalité du décret autorisant l’extradition du requérant vers les États-Unis, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que la Convention EDH n’est pas invocable dans le cadre des relations avec cet État.
Ensuite, répondant à un argument en ce sens, le juge précise que les infractions reprochées, qui motivent la demande américaine d’extradition, relèveraient, si elles avaient été commises en France, du droit français : est donc rejeté le moyen tiré de ce qu’en l’espèce, elles relèvent de ce dernier droit alors qu’elles n’ont pas été commises en France.
Enfin, les infractions visées par la procédure d’extradition - complot en vue de fournir une aide matérielle au Hezbollah, tentative de fournir une aide matérielle au Hezbollah et complot en vue de violer la loi sur les pouvoirs économiques d'urgence internationaux - ne sauraient constituer par leur nature des infractions politiques, lesquelles, on le sait, sont exclues du champ d’application de cette procédure
(21 décembre 2021, M. C., n° 454114)
152 - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) – Date d’appréciation de la légalité d’une décision portant OQTF – Date de son édiction – Rejet.
C’est à tort que le ministre de l’intérieur soutient que les dispositions de l’art. L. 511-1 du CESEDA, en prévoyant que dans certains cas, comme celui de l'espèce, la décision obligeant à quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, ont une incidence sur la date à laquelle est appréciée la légalité de chacune des décisions.
En effet, la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français s'apprécie à la date de son édiction ainsi que l’a jugé à bon droit l’arrêt d’appel.
(28 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 444008)
153 - Étranger bénéficiaire d’une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé – Refus de renouvellement de ce titre – Annulation – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
Le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit « À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. »
Une cour administrative d’appel avait, dans son arrêt confirmatif, après avoir considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, annulé le refus préfectoral de renouveler la carte de séjour temporaire dont bénéficiait un ressortissant bangladais au double motif qu'il n'était pas contesté que l'accès aux soins et la qualité de service des soins au Bangladesh n'était pas « comparable aux standards européens » et que le requérant serait confronté, dans son pays d'origine, à une aggravation de sa pathologie en raison de la pollution atmosphérique.
L’arrêt est cassé pour les erreurs de droit qu’il contient, le Conseil d’État estimant que la cour « devait seulement s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès (…), » et qu’elle « n'avait pas à rechercher si les soins dans le pays d'origine étaient équivalents à ceux offerts en France ou en Europe, et pas davantage à prendre en compte des facteurs étrangers à ces critères, tels que la pollution atmosphérique. »
Il n’est pas interdit de penser que la solution est assez sévère.
(30 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 449917)
154 - Aide médicale de l’État et soins vitaux et urgents – Aide possible pour les étrangers en situation irrégulière – Aide impossible pour les étrangers en situation régulière – Annulation.
Le juge déduit de dispositions du code de la sécurité sociale, de celui de l’action sociale et des familles et de celui de l’entrée et du séjour des étrangers, que seuls les étrangers en situation irrégulière sont susceptibles de bénéficier de l'aide médicale de l'État lorsqu'ils résident de manière ininterrompue depuis plus de trois mois sur le territoire ou de la prise en charge des soins urgents et vitaux lorsqu'ils ne bénéficient pas de l'aide médicale de l'État, notamment au motif qu'ils ne résident pas en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
En revanche, l'accès à la prise en charge des frais d'assurance maladie mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale est conditionné à une double condition de régularité et de stabilité du séjour.
Il s’ensuit que la prise en charge des soins urgents et vitaux, de même d'ailleurs que l'aide médicale de l'État, ne sauraient, eu égard aux conditions fixées par le législateur à leur octroi, être accordées à un étranger qui, alors même que la régularité de son séjour n'est pas attestée par l'un des titres figurant à l'article 1er de l'arrêté du 10 mai 2017 pris en application du II de l'article R. 111-3 du code de la sécurité sociale, est en situation régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France.
On a vu plus juste et plus cohérent.
Rappelons que « l’étranger » est ici la personne non ressortissante de l'Union européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
(30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448688)
(155) V. aussi, voisins ou semblables : 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448689, n° 448690 et n° 48869, trois espèces ; 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448693 ; 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448695 ; 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448697.
Fonction publique et agents publics
156 - Agent public hospitalier - Ingénieur affecté à la direction des services numériques - Services situés dans un bâtiment distinct à accès réservé - Représentant syndical - Suspension de fonctions en l'absence de certificat de vaccination ou de contre-indication à celle-ci - Légalité - Rejet.
Le requérant, qui exerce les fonctions d'ingénieur en chef au sein de la direction des services numériques de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et qui est représentant syndical, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés de première instance a rejeté sa demande tendant à lui permettre d’exercer ses fonctions sans satisfaire à l’obligation de vaccination contre la Covid-19 prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 pour certains personnels en milieu hospitalier sauf à présenter une contre-indication à cette vaccination.
La direction des services numériques occupe un bâtiment se situant au sein d'un établissement de santé, à proximité immédiate de l'unité de psychiatrique, ce qui justifie la suspension de cet agent de ses fonctions jusqu'à la production d'un certificat vaccinal ou de contre-indication sans que puisse faire échec à cette obligation, d'une part, la circonstance que ce bâtiment soit réservé exclusivement à ces services et que l'accès en soit réservé aux agents qui y sont affectés et, d'autre part, l'application immédiate de cette mesure, sans limitation de durée et sans qu'elle ait été précédée d'un entretien préalable.
(ord. réf. 3 décembre 2021, M. B., n° 458635)
157 - Ingénieur de l'agriculture et de l'environnement - Agent de l'Office national des forêts (ONF) - Prise en compte de l'ancienneté de l'agent - Détermination de son éventuelle qualité d'agent public - Établissement public industriel et commercial (EPIC) exerçant des missions de service public administratif - Erreur de droit - Annulation et renvoi sur ce point.
La requérante, employée par l'ONF sous contrat de droit privé du 15 février 1996 au 31 décembre 2006, puis, à compter du 1er janvier 2007, par un contrat de droit public, a été reclassée par un arrêté du ministre de l'agriculture dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement, à la suite de sa réussite au concours réservé aux agents non titulaires pour l'accès à ce corps. Cet arrêté était accompagné d'une « notification de situation administrative » L'intéressée a demandé, en vain, en première instance, l'annulation partielle de l'arrêté et de la décision du même jour précisant son ancienneté, ces décisions la reclassant au 4ème échelon de son grade avec une ancienneté au 22 août 2013 et fixant le montant de son traitement à l'indice brut 574. Sur appel de l'intéressée, la cour administrative d'appel a annulé l'arrêté du ministre et la notification administrative en ce qu'ils fixent à l’indice brut 574 le traitement personnel de la requérante.
Le Conseil d'État est saisi de deux pourvois, celui de Mme A. en tant que l'arrêt a rejeté ses conclusions dirigées contre le reclassement professionnel auquel a procédé l'arrêté querellé, celui du ministre de l'agriculture en tant que cet arrêt a réformé le jugement et annulé les diverses décisions ministérielles.
On retiendra des diverses questions résolues dans la présente décision surtout celle relative aux conséquences du caractère hybride de l'ONF, EPIC qualifié tel par la loi et amené à exercer des missions de service public administratif.
On sait, d'une part, que sont ipso facto des agents de droit public ceux qui travaillent dans le cadre ou pour le compte d'un service public administratif (Cf. pour la décision de principe : TC 25 mars 1996, Berkani, au recueil Lebon p. 535) et, d'autre part, que l'ONF, bien qu'étant un EPIC par détermination légale (art. L. 221-1 code forestier), assure aussi des missions de service public administratif du fait de la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique (Cf. TC 9 juin 1986, Commune de Kintzheim c/ ONF, n° 2428). Il s'agissait donc de déterminer si la requérante, avant qu'elle ne soit placée sous contrat de droit public puis ne devienne fonctionnaire, n'était pas déjà un agent public.
C'est sur ce point, principalement, que l'arrêt d'appel est cassé : la cour s'est bornée, au prix d'une erreur de droit, à examiner les missions des services où Mme A. a successivement été affectée, avant de relever qu'il n'était pas établi que ses fonctions particulières portaient à titre principal sur des missions ressortissant des prérogatives de puissance publique de l'ONF, alors que la circonstance qu'une partie de ses missions la faisait participer aux missions de service public administratif de l'office suffisait à la faire regarder comme exerçant en qualité d'agent public.
(9 décembre 2021, Mme A., n° 432608 ; Ministre de l'agriculture, n° 432686, jonction)
158 - Agents non titulaires - Recrutement sur le fondement de l'art. 3 de la loi du 26 janvier 1984 - Transformation de contrats à duré déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) en fonction de la durée des services effectifs déjà accomplis - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit le jugement qui, pour refuser à l'intéressée le bénéfice des dispositions de l'art 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, lui oppose le fait qu'elle n'a pas été recrutée sur le fondement des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 alors qu'elle remplit la condition de durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la loi de 2012.
(9 décembre 2021, Mme C., n° 436802)
159 - Fonctionnaire - Accident imputable au service - Demande indemnitaire de la victime, de son épouse et de ses enfants - Rejet pour tardiveté - Annulation avec renvoi.
(10 décembre 2021, M. Abel Mora et autres, n° 440845)
V. n° 223
160 - Militaire titulaire d'une pension d'invalidité - Accident survenu au cours d'une mission temporaire à l'étranger - Rejet d'une demande de révision de la pension - Absence de participation à une mission effectuée à l'étranger au titre d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui, pour rejeter le recours d'un militaire contre le refus de réviser la pension d'invalidité qui lui a été octroyée par suite d'un accident survenu en mission à Djibouti, se fonde sur ce que celui-ci ne participait pas à une mission effectuée à l'étranger au titre d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France alors que la présence militaire française à Djibouti résultait de la mise en œuvre du protocole provisoire du 27 juin 1977 fixant les conditions de stationnement des forces françaises conclu entre la France et la République de Djibouti et constituait une mission opérationnelle au sens du a) de l'article D. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et que les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents entre le début et la fin de cette mission étaient en conséquence susceptibles d'ouvrir droit à pension, en vertu du 4°) de l'article L. 2 du même code, au bénéfice des militaires qui y participaient.
(10 décembre 2021, M. I., n° 445111)
161 - Fonctionnaires et agents publics - Nouvelle bonification indiciaire - Exclusion des agents contractuels de son bénéfice - Situations différentes - Légalité.
Le législateur ne méconnaît pas le principe d'égalité en décidant l'attribution, au bénéfice de certains fonctionnaires, d'une bonification indiciaire destinée à tenir compte, pour leur rémunération, de la particularité de certaines fonctions, sans en étendre le bénéfice aux agents contractuels car ces derniers sont placés dans une situation différente de celle des fonctionnaires notamment pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération.
La QPC fondée sur ce grief ne sera pas transmise
(10 décembre 2021, Fédération SGEN-CFDT, n° 451287)
162 - Procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique (décr. du 31 déc. 2019) - Atteinte aux prérogatives syndicales - Impossibilité d'assister les fonctionnaires en matière de rupture conventionnelle - Annulation.
Les organisations syndicales demandaient l'annulation de diverses dispositions du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique en ce qu'elles privent, d'une part, les organisations syndicales non représentatives et d'autre part, celles n'ayant pas d'élu au comité technique ministériel ou au comité social, de la possibilité d'assister les fonctionnaires de l'État en matière de rupture conventionnelle.
Les recours sont admis en raison de ce que le Conseil constitutionnel a jugé (n° 2020-860 QPC, 15 octobre 2020, Syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur et autre), que le dixième alinéa du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, en tant qu'il réserve aux organisations syndicales représentatives la faculté de désigner un conseiller aux fins d'assister le fonctionnaire durant la procédure de rupture conventionnelle, établit une différence de traitement entre ces organisations et les organisations syndicales non représentatives sans rapport avec l'objet de la loi, méconnaît le principe d'égalité devant la loi et est, par suite, contraire à la Constitution.
Il suit de là par une conséquence nécessaire et liée que les deux premiers syndicats requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ensemble des dispositions qui ont été prises pour l'application du dixième alinéa du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel : les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2019 en tant qu'elles prévoient que le conseiller du fonctionnaire au cours du ou des entretiens de la procédure de rupture conventionnelle est désigné par une organisation syndicale représentative et seulement en tant que ces dispositions s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'article 2 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; le 2ème alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2019 en tant qu'il définit comme représentatives au sens du I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 les organisations syndicales disposant d'au moins un siège, selon le cas, au comité social d'administration ministériel, de réseau ou de proximité ; les dispositions du 1° de l'article 24 du décret du 31 décembre 2019.
Par suite, il n'y a pas lieu, en raison de ce qui précède, de statuer sur la requête de la Fédération autonome de l'éducation nationale, devenue sans objet.
(13 décembre 2021, Syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur (SAGES), n° 439031 ; Syndicat national des collèges et des lycées (SNCL), n° 43921 ; Fédération autonome de l'éducation nationale (FAEN), n° 439217)
163 - Reconversion d'un agent public - Risque déontologique - Avis négatif de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique - Absence d'inexactitude matérielle et de qualification juridique erronée des faits - Rejet.
Ne commet pas d'erreur dans la qualification juridique des faits ni dans l'appréciation de leur matérialité la délibération de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique relative à un projet de reconversion professionnelle qui le juge incompatible avec des fonctions antérieurement exercées au cabinet de la ministre chargée de l'industrie.
L'intéressé, qui avait été recruté au cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, chargée de l'industrie en qualité de « conseiller politique et élus locaux » et avait également exercé les fonctions de chef de cabinet du 7 décembre 2020 au mois de mai 2021, a fait saisir cette Haute autorité au sujet de la compatibilité entre ces dernières fonctions et son projet de reconversion professionnelle consistant à rejoindre la société anonyme Soitec en qualité de « conseiller à la stratégie régionale et géopolitique ». La réponse donnée étant négative, il a saisi le juge des référés du Conseil d'État d'une demande de suspension de la délibération litigieuse.
Cette demande est rejetée car la Haute autorité est approuvée d'avoir fondé cette incompatibilité :
1°/ sur le fait que la société Soitec, spécialisée dans la conception et la production de matériaux semi-conducteurs, a des liens étroits avec les pouvoirs publics et bénéficie d'importants financements publics en sa qualité de l'un des six chefs de file industriels du plan Nano 2022, mis en place dans le cadre du projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) électronique et du contrat de la filière électronique, ainsi que dans le cadre du plan de Relance, et qu'elle avait été en relation pour différents projets avec le cabinet de la ministre chargée de l'industrie pendant la période durant laquelle le requérant en était membre ;
2°/ sur la circonstance qu'en tant que conseiller politique et élus locaux puis chef de cabinet, l'intéressé avait été en position de connaître de l'ensemble des sujets évoqués et d'influer sur les décisions prises dans ces domaines ;
3°/ sur ce que la déclaration d'intérêts modificative de la ministre déléguée en date du juin 2021 mentionnait que M. A. était son concubin.
(ord. réf. 13 décembre 2021, M. A., n° 459115)
164 - Agent hospitalier sous contrats à durée déterminée - Demande d'allocation d'aide au retour à l'emploi - Absence de perte involontaire d'emploi - Refus de renouvellement du contrat ne pouvant être assimilé à une perte involontaire d'emploi - Preuve non rapportée de la communication à l'intéressée de l'intention de renouveler son contrat - Cassation de l'ordonnance de référé et suspension de la décision attaquée ordonnée.
Rappel de ce que l'agent qui refuse le renouvellement de son contrat de travail ne peut être regardé comme involontairement privé d'emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime. Toutefois, il incombe à l'administration de rapporter la preuve qu'elle a bien avisé la personne intéressée de son intention de renouveler son contrat.
En l'absence de cette preuve, comme en l'espèce, le juge du référé suspension a l'obligation, lorsque cela lui est demandé, d'ordonner la suspension du refus de faire droit à sa demande de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.
(14 décembre 2021, Mme D., n° 447453)
165 - Pension militaire d'invalidité - Recours contentieux en la matière - Interruption de la prescription pour l'infirmité imputable au service et pour tous les préjudices qui y sont liés - Absence d'effets de la circonstance que certains de ces préjudices ne sont pas réparés par la pension octroyée - Erreur de droit de l'arrêt contraire - Annulation avec renvoi.
Cette décision est très importante en raison du champ qu’elle ouvre désormais à la réparation de certains préjudices liés à l'infirmité qui est la cause de l'octroi d'une pension d'invalidité mais ne sont pas réparés par elle.
Le requérant, qui a servi pendant trente ans dans l'armée de l'air, a été exposé au bruit des réacteurs d'avions gros porteurs dans le cadre de ses fonctions ce qui lui a causé une hypoacousie bilatérale de perception, pour laquelle il s'est vu reconnaître le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % puis de 25 % et enfin de 100%. Il a demandé au ministre de la défense, par un courrier du 22 février 2016, l'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension. Sa demande ayant été implicitement rejetée d'abord par le ministre puis par la commission des recours des militaires, il a saisi en vain les juges administratifs de première instance et d'appel.
Il se pourvoit.
Dans une rédaction de principe, le Conseil d'État donne raison au requérant en jugeant qu’ « En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'État, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. »
Cette solution rejoint celle adoptée en matière de pension civile par l'arrêt d'Assemblée du 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville (Rec. Lebon p. 323) dans la version jurisprudentielle plus restreinte qui lui a été donnée par : 16 décembre 2013, Centre hospitalier de Royan, n° 353798.
(17 décembre 2021, M. K., n° 448614)
166 - Agent public - Habilitation au secret défense - Habilitation cessant au licenciement de l'intéressé - Impossibilité d'en conserver le bénéfice dans l'exercice d'un autre emploi - Erreur de droit - Cassation sans renvoi, le juge de cassation statuant au fond.
Un ingénieur se voit retirer l'habilitation "secret défense" ; il demande l'annulation et la suspension de l'arrêté lui retirant cette habilitation. Le juge des référés ayant suspendu la décision de retrait au motif que, en dépit du licenciement dont il avait fait l'objet postérieurement à ce retrait, la demande de suspension n'avait pas perdu son objet dès lors que cette décision l'empêche de postuler à des emplois équivalents. La ministre des armées se pourvoit en cassation.
Le Conseil d'État accueille le pourvoi en relevant, pour la première fois semble-t-il, qu' « une décision d'habilitation est délivrée pour l'exercice de fonctions déterminées ou l'occupation d'un poste déterminé, (...) elle cesse en conséquence lorsque l'intéressé est licencié, et (...) elle ne saurait, par suite, autoriser l'accès à des informations ou supports classifiés pour l'exercice d'un autre emploi (...) ».
(17 décembre 2021, Ministre des armées, n° 454392)
167 - Agent public stagiaire – Refus de titularisation en fin de stage – Forme et motif – « Mesure prise en considération de la personne » – Manière de servir à la fois défectueuse et constituant au moins en partie une faute disciplinaire – Régime – Erreur de droit – Annulation.
Rappel de ce que l’agent public stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Par suite, la décision refusant de le titulariser en fin de stage, qui ne peut être fondée que sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, entre dans la catégorie juridique des « mesures prises en considération de la personne ».
Ce n’est donc que si les faits retenus caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et dans la manière de servir de l'intéressé que l'autorité compétente peut prendre une décision de refus de titularisation qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements. En revanche, lorsque ces mêmes faits ou manière sont, en tout ou en partie, également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires, ils ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu, en ce cas, que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations.
Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui, pour juger irrégulière la procédure suivie en l’espèce, se fonde sur ce que ne serait pas mentionnée explicitement, dans le courrier adressé à l’intéressée, la faculté de présenter ses observations avant l'intervention de la décision de l'administration alors que celui-ci faisait part à sa destinataire de son intention de ne pas procéder à sa titularisation à l'issue de son stage, en l'informant de la possibilité d'accéder à son dossier et de se faire assister par le conseil de son choix.
(21 décembre 2021, Établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest, n° 451412)
168 - Fonctionnaires des corps du service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE devenu DGSE) – Inapplicabilité du statut général des fonctionnaires – Réglementation du temps de travail et du compte épargne-temps – Absence d’illégalité – Rejet.
Un fonctionnaire de la DGSE ne saurait invoquer l’illégalité d’un arrêté ministériel réglementant le temps de travail et le compte épargne-temps pour la catégorie d’agents à laquelle il appartient pour non-respect des dispositions du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'État dès lors que l'article 2 de la loi du 3 février 1953, dans la version qui lui a été donnée par la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, soustrait les agents du service de documentation extérieure et de contre-espionnage (DGSE) à l’application du statut général de la fonction publique.
(21 décembre 2021, M. D., n° 454834)
169 - Fonctionnaire communale – Dénonciation de harcèlement par voie électronique publique – Respect des obligations déontologiques s’imposant à l’agent – Office du juge – Cassation.
Se prétendant victime de harcèlement, une fonctionnaire municipale s’en plaint au moyen d’un courrier électronique diffusé notamment à certains élus municipaux et elle fait l’objet d’un blâme pour manquement à son obligation de réserve.
La cour administrative d’appel ayant, sur appel de la commune, annulé sur ce point le jugement d’annulation de cette sanction, l’intéressée se pourvoit.
Après avoir posé l’exigence de conciliation entre la dénonciation du harcèlement dont est victime un agent public et l’obligation de réserve s’imposant à tout agent public, le Conseil d’État rappelle en ces termes ce qu’implique l’office du juge chargé du contentieux né de cette situation : « il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos (…), de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation. »
(29 décembre 2021, Mme C., n° 433838)
170 - Recrutement d’un professeur des universités – Comité de sélection procédant par visio-conférence en raison de la situation sanitaire – Extinction de la caméra lors de l’audition d’un candidat – Irrégularité – Annulation de la délibération de ce comité de sélection et annulations par voie de conséquence.
Le comité de sélection d’une université siégeant par visio-conférence pour cause d’épidémie en vue du recrutement d’un professeur des universités a, au début de l’audition de l’un d’entre eux, éteint la caméra de sorte que, sur l'écran de son ordinateur, n'étaient affichées que des vignettes noires comportant uniquement les initiales des noms et prénoms des membres du comité de sélection, et que ceux-ci, à la demande expresse de l'intéressé, ont rouvert leur caméra durant la phase d'échanges ayant suivi son exposé.
Cette audition s’étant donc déroulée sans que « la transmission de la voix et de l'image » des membres du comité de sélection ait eu lieu « en temps simultané, réel et continu », n’a ainsi pas permis au candidat de pouvoir identifier à tout moment l'ensemble des membres du comité de sélection et de s'assurer de leur participation effective à l'audition. Alors même qu'il n'a pas apporté au procès-verbal de son audition de mentions relatives aux conditions de son déroulement, l’intéressé est fondé à soutenir que la délibération du comité de sélection adoptée à l'issue de cette audition, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, et à en demander l'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, celles de la délibération du conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu'il nomme un professeur des universités dans la spécialité « mécanique, génie mécanique, génie civil » à l'université d'Orléans.
(29 décembre 2021, M. J., n° 446541)
171 - Magistrature – Nomination dans un nouveau grade – Invocation de la situation familiale – Limites – Rejet.
Une magistrate qui se plaignait de n’avoir pas été retenue en vue d’une nomination en qualité de vice-présidente placée auprès du premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, invoque notamment sa situation familiale pour se dire mieux placée que la personne retenue.
Il lui est répondu que « la situation familiale, si elle doit être prise en compte par l'autorité de nomination dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et les particularités de l'organisation judiciaire, ne crée pas, par elle-même, un droit à être nommé sur place pour y occuper un poste en avancement. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait intervenue sans qu'ait été prise en compte la situation familiale de l'intéressée. Par suite, l'auteur de la décision attaquée n'a pas méconnu le droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. »
(30 décembre 2021, Mme D. épouse C., n°441258)
172 - Recrutement par mutation d’une fonctionnaire territoriale – Retrait de ce recrutement après information de sa situation pénale – Illégalité – Annulation de l’arrêt contraire.
La décision rapportée ici est surprenante.
La requérante rédactrice territoriale en chef exerçant les fonctions de gestionnaire des finances municipales de la commune de Verneuil-sur-Seine, a postulé auprès de la commune de Linas afin d'occuper, par voie de mutation, le poste vacant de responsable des finances de cette commune. Après entretien avec l’intéressée, la commune de Linas lui a fait connaître par un courrier du 14 décembre 2011 son accord pour la recruter. Le maire de Verneuil-sur-Seine a donné son accord à cette mutation à compter du 1er février 2012. Entretemps, Mme B., qui avait fait l'objet, le 30 décembre 2011, d'une citation à comparaître, a été condamnée le 9 janvier 2012 à une peine de prison avec sursis pour abus de confiance commis dans l'exercice de précédentes fonctions auprès du comité des œuvres sociales de la commune de Lucé, sans inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le 10 février 2012, la commune de Linas a fait savoir au maire de Verneuil-sur-Seine et à Mme B. qu'en considération de cette condamnation, elle ne souhaitait plus donner suite à la procédure de son recrutement.
Ayant saisi en vain les juges du premier degré et d’appel d’une demande d’indemnisation du préjudice causé par l’illégalité du retrait de la décision la recrutant, Mme B. se pourvoit.
Le Conseil d’État, cassant l’arrêt d’appel déféré à sa censure, lui donne raison en ces termes : « (…) aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état. »
La décision est très critiquable car, d’une part, il s’agissait de recruter cette candidate à la mutation pour l’exercice de fonctions identiques à celles dans le cadre desquelles elle avait commis le délit d’abus de confiance, d’autre part, en cas de nouvelle « faute » de cette dernière, la commune de Linas eût été, sans hésitation, condamnée à indemniser d’éventuelles victimes motif pris de ce qu’elle n’a pas suffisamment protégé le service et ses usagers de la turpitude du fonctionnaire qu’elle a été pourtant contrainte de recruter.
(30 décembre 2021, Mme B., n° 441863)
173 - Exercice de fonctions syndicales par un agent public – Liberté d’action et d’expression – Obligation concomitante de respecter l’encadrement de l’exercice du droit syndical dans la fonction publique – Absence de faute disciplinaire – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.
Classique rappel de la nécessaire conciliation entre la liberté dont doit disposer un agent public représentant syndical afin d’assurer la défense des intérêts dont il a la charge et le respect qu’il doit à l’encadrement de cette liberté notamment en matière de déontologie, de bon fonctionnement du service et de respect des règles de sécurité.
Cependant si cette ligne générale d’analyse est bien connue, son application concrète souffre de subjectivité, inévitable au demeurant comme en témoigne la présente décision.
Un représentant syndical de La Poste fait l’objet de la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de quinze jours pour quatre motifs : prise de parole de façon intempestive et collective sans autorisation pendant les heures de service et en perturbant l'exploitation des centres de tri dans lesquels il n’était pas affecté, refus d'obtempérer aux injonctions des directeurs de ces centres, non-respect des consignes de sécurité d'un espace sécurisé et méconnaissance des règles d'exercice du droit syndical à La Poste.
La cour administrative d’appel, par un arrêt infirmatif, a estimé illégale la sanction infligée au motif que l'agent intervenant à titre syndical dans un établissement où il n'est pas affecté ne peut être regardé comme accomplissant une tâche liée à ses fonctions ni, partant, recevoir d'instruction hiérarchique, ainsi l'intéressé ne pouvait dès lors être sanctionné en raison de la méconnaissance des consignes données par la hiérarchie des centres de tri en cause.
Le Conseil d’État a une tout autre appréciation des faits de l’espèce et juge que la cour a commis une erreur de droit en s’abstenant de rechercher si les consignes en cause relevaient d'obligations de sécurité et de la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service, dont les directeurs des centres de tri sont responsables.
(30 décembre 2021, Société La Poste, n° 445128)
174 - Agent public contractuel – Licenciement – Obligation de reclassement même en cas d’impossibilité de réemploi de l’agent contractuel recruté sur la base d’un contrat à durée indéterminée – Méconnaissance du champ d’application du texte – Annulation.
Dans cette importante décision, le Conseil d’État énonce que les textes fondent une obligation de reclassement en cas de licenciement d'un agent contractuel fondé sur l'un des motifs énumérés aux 1° à 4° de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État, et que c’est en vertu d'un principe général du droit qu'une telle obligation s'impose également à l'administration en cas d'impossibilité de réemploi d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée.
Par suite, lorsqu'un agent contractuel de l'État a bénéficié de l'un des congés mentionnés à l'article 32 du décret du 17 janvier 1986, l'autorité administrative doit, à l'issue de ce congé et sous réserve qu'il soit physiquement apte, qu'il remplisse toujours les conditions requises et, s'agissant des congés mentionnés aux articles 20, 22 et 23 du même décret, qu'il en ait formulé la demande selon les modalités prévues à l'article 24 de ce décret, affecter l'agent sur l'emploi qu'il occupait antérieurement, dès lors que les nécessités du service n'y font pas obstacle et, en particulier, que cet emploi n'a pas été supprimé dans le cadre d'une modification de l'organisation du service et n'a pas été pourvu par un fonctionnaire. A défaut, il revient à l'administration de le nommer par priorité sur un emploi similaire, vacant à la date à laquelle le congé a pris fin, assorti d'une rémunération équivalente, sous réserve là encore que les nécessités du service n'y fassent pas obstacle. Lorsqu'un tel réemploi est impossible, il appartient à l'administration de procéder au licenciement de l'agent en application du 5° de l'article 45-3 précité, sous réserve, s'agissant d'un agent recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, de chercher à le reclasser en lui proposant un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, sans que l'agent puisse, dans le cadre de cette procédure de reclassement, bénéficier de la priorité prévue à l'article 32.
En jugeant qu’un agent a, par une décision du 24 janvier 2019, été illégalement privé du droit à être réemployé par priorité sur un emploi similaire à celui qu'il occupait avant son départ en congé pour convenances personnelles, en application de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986, la cour administrative d’appel, alors que la demande de réemploi de cet agent à l'issue de son congé a fait l'objet d'une décision de rejet en 2015, devenue définitive, et qu'il ne bénéficiait d'aucun droit à être réemployé par priorité sur le poste de « chargé de traitement image et son » devenu vacant en 2018, a méconnu le champ d'application de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986 et entaché son arrêt d'erreur de droit.
On notera que le motif d’annulation a été soulevé d’office, le non-respect du champ d’application d’un texte étant un moyen d’ordre public, ce que traduit la mention finale du point 4 de la décision « sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens du pourvoi ».
(30 décembre 2021, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, n° 448641)
Hiérarchie des normes
175 - Limitation de la durée hebdomadaire du temps de travail - Aménagement du temps de travail - Directive du 4 novembre 2003, art. 6 - Application au personnel de la gendarmerie – Défaut ou insuffisance de transposition de la directive en droit interne – Office du juge en ce cas - Invocation de l’exigence constitutionnelle de nécessaire libre disposition de la force armée et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation – Exigences inhérentes à la hiérarchie des normes – Sauvegarde des exigences constitutionnelles ne bénéficiant pas en droit de l’Union d’une protection équivalente à celle existant en droit interne – Possibilité, en ce cas, de laisser inappliquée une norme du droit de l’Union ou son interprétation jurisprudentielle – Existence de l’exigence constitutionnelle invoquée – Vérification du non dépassement des exigences de la directive par l’organisation actuelle de la gendarmerie départementale – Rejet.
La CJUE a dit pour droit, dans une décision de grande chambre (15 juillet 2021, B. K. contre Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo), aff. C-742/19) qui a fait l’objet d’appréciations critiques de la part de plusieurs États membres de l’Union, que l’art. 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, était applicable aux décisions des États membres relatives à l'organisation de leurs forces armées. Les personnels composant ces dernières ne sauraient, en tant que tels et de plano, échapper au champ d'application du droit de l'Union. Elle n’a admis d’exceptions à cette applicabilité de principe que, d’une part, pour les activités des militaires intervenant dans le cadre d'une opération militaire, celles de leur formation initiale, d'un entraînement opérationnel, ainsi que celles qui présentent un lien d'interdépendance avec des opérations militaires et pour lesquelles l'application de la directive se ferait au détriment du bon accomplissement de ces opérations, et, d’autre part, pour les activités qui ne se prêtent pas à un système de rotation des effectifs, eu égard aux hautes qualifications des militaires en question ou à leurs tâches extrêmement sensibles, ainsi que celles qui sont exécutées dans le cadre d'événements exceptionnels.
Le requérant, sous-officier de gendarmerie affecté dans la gendarmerie départementale, demandait l’annulation du refus du ministre de l’intérieur de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'application à la gendarmerie des dispositions précitées de la directive du 4 novembre 2003, limitant la durée hebdomadaire du temps de travail.
Le Conseil d’État, siégeant dans la plus solennelle de ses formations contentieuses, saisit l’occasion de ce litige pour rendre une décision qui, si elle se situe pleinement dans la lignée de plusieurs devancières sur le sujet, n’en demeure pas moins très importante par la réaffirmation nette qu’elle contient du maintien de la souveraineté française en dépit du développement considérable et du renforcement exponentiel de l’intégration des États membres de l’Union à celle-ci.
L’argumentation et la solution à laquelle elle conduit sont d’autant plus remarquables qu’à vrai dire elles ne s’imposaient pas pour résoudre le litige : il aurait suffi au Conseil d’État de relever que c’est sans illégalité que le ministre défendeur a refusé d’appliquer l’art. 6 de la directive de 2003 au cas de l’espèce puisque de iure l’organisation de la gendarmerie départementale respecte la limitation du temps de travail et l’aménagement de celui-ci tels que prévus par ladite directive et de facto aucune violation de celle-ci n’est établie.
Des raisons fondamentales justifient que le Conseil d’État ait choisi de « croiser le fer » avec l’interprétation donnée par la CJUE tant de l’art. 4 § 2 du TUE que de l’art. 6 de la directive.
En premier lieu, cette interprétation n’est pas très raisonnable ni logique en tant qu’elle soumet, par principe, les militaires au droit commun pur et simple en ce qui concerne l’organisation et le décompte du temps de travail.
En deuxième lieu, la France, comme le Royaume-Uni, est investie de fonctions singulières et très spécifiques dans le domaine militaire et celui des relations internationales (détentrice de l’arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, présence sur de nombreux théâtres d’opérations, etc.). La CJUE ne pouvait donc pas raisonnablement banaliser à ce point l’éminence du particularisme de la présence et de l’action militaires françaises en Europe et dans le monde.
En troisième lieu, et ceci découle directement de cela, le peu de réalisme de la solution jurisprudentielle consistant en une application universelle et sans trop de nuances d’une directive sur le temps hebdomadaire à des militaires, a déterminé les juges du Palais-Royal à rappeler à Don Quichotte (du Luxembourg) combien il est dangereux de s’approcher trop près des moulins.
A sa manière bien à lui, ferme, feutrée mais tenace, le Conseil d’État fait largement sienne (en particulier sur l’Identitätskontrolle) la réaction, plus fracassante mais aussi plus puissamment motivée, du BundesVerfassungsGericht allemand à travers ses décisions So lange… (en dernier lieu, 5 mai 2020, Peter Gauweiler et alii à propos du « quantitative easing » qui a d’ailleurs valu à l’Allemagne le déclenchement d’une procédure à son encontre pour infraction aux traités de l’Union), même si, en théorie du moins, il n’adopte pas le mécanisme du contrôle ultra vires développé par la Cour de Karlsruhe à partir de ses décisions du 12 octobre 1993, sur le traité de Maastricht (BVerfG., Maastricht, 2 BvR 2134/92 et 2 BvR 2159/92, Rec. BVerfGE, 89), du 30 juin 2009 sur le traité de Lisbonne (BVerfG., Lisbonne, 2 BvE 2/08, Rec. BVerfGE, 123) et du 6 juillet 2010 (BVerfG., Honeywell, 2 BvR 2661/06, Rec. BVerfGE, 126).
Ramenée à son épure, la présente décision du Conseil d’État, relève que l’art. 6 de la directive du 4 novembre 2003 a été jugé applicable au personnel de la gendarmerie par le juge de l’Union et que le ministre défendeur a expressément refusé la transposition de la directive aux personnels, tel le requérant, de statut militaire.
Elle décrit longuement quel est l’office du juge en ce cas.
D’une part, est réaffirmée la primauté du droit de l’Union et de son interprétation par la CJUE, d’autre part, réserve est faite de l’hypothèse où est invoquée, comme en l’espèce, une exigence constitutionnelle s’opposant à l’application de la directive.
Ici le ministre défendeur – entendons l’État lui-même – se prévalait de l’exigence constitutionnelle de nécessaire libre disposition de la force armée et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation laquelle ne fait que traduire la double finalité inscrite dans la Constitution, celle de l’indépendance de la Nation et celle de l’intégrité du territoire. Pour assurer le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, le Conseil d’État vérifie si les exigences constitutionnelles bénéficient ou non en droit de l’Union d’une protection équivalente à celle existant en droit interne. Ce n’est qu’en cas de réponse négative qu’il est possible de laisser inappliquée une norme du droit de l’Union ou son interprétation jurisprudentielle.
Tel est bien le cas en l’espèce.
Toutefois, encore convient-il de vérifier l’existence du dépassement des exigences de la directive par l’organisation actuelle de la gendarmerie départementale. Ce n’est pas le cas : le décompte horaire reste dans la « fourchette » imposée par la directive litigieuse.
Le conflit entre normes n’aura pas lieu et le recours est rejeté.
Pour autant, si les fleurets sont ici mouchetés, la CJUE n’aura pas manqué de sentir le vent du boulet.
(Assemblée 17 décembre 2021, M. Q., n° 437125)
(176) V. aussi, sur cette question, pour les personnels relevant de l’administration pénitentiaire : 29 décembre 2021, M. B., n° 449742.
177 - Gardien de la paix – Secrétaire général d’un syndicat – Mise en ligne d’un tract mettant gravement en cause sa hiérarchie et deux autorités – Révocation – Suspension ordonnée – Rejet.
Ne commet ni insuffisance de motivation ni erreur de droit ni dénaturation le juge des référés ordonnant la suspension de la révocation par mesure disciplinaire prononcée par le ministre de l’intérieur contre un gardien de la paix à la suite de la mise en ligne sur le site internet de ce syndicat, ainsi que sur ses comptes facebook et twitter, le 8 janvier 2020, d'un tract mettant gravement en cause le directeur général de la police nationale, ainsi que le ministre de l'intérieur et le directeur de cabinet du président de la République.
D’une part, le juge des référés a constaté que l’agent révoqué ne disposait pas d’autres ressources de nature à lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille ce qui caractérisait une situation d’urgence.
D’autre part, ce juge a estimé qu'il ressortait de l'ensemble des circonstances de fait que le moyen tiré de la disproportion de la sanction par rapport aux faits reprochés à l’intéressé était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision.
A cet égard, contrairement à ce que soutient le ministre de l’intérieur, le juge des référés doit être regardé, eu égard à l'échelle des sanctions applicables, comme ayant implicitement procédé à la vérification que toutes les sanctions moins sévères que la sanction prononcée n'auraient pas été, en raison de leur insuffisance, hors de proportion avec les fautes commises, n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
(ord. réf. 30 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 425095)
Libertés fondamentales
178 - Référé liberté - Détenu(e) ayant changé de sexe - Demande de transfert d'urgence d'une prison d'hommes vers une prison de femmes - Conditions de détention aménagées - Défaut d'urgence - Rejet.
Une personne détenue dans une prison pour hommes qui a, entretemps, changé de sexe, demande à être transférée d'urgence dans une prison pour femmes. Le premier juge des référés ayant rejeté sa demande, le Conseil d'État est saisi : il rend un arrêt confirmatif de la décision attaquée.
Pour dénier l'existence d'une urgence en l'espèce en dépit d'une situation singulière, le juge d'appel retient d'abord que si le principe d'un transfert a été accepté par l'administration pénitentiaire, il lui faut un certain temps pour trouver un lieu de détention adapté au profil criminel de l'intéressé(e) qui a été condamné(e) à une peine de 21 ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, terrorisme et participation à une bande armée destinée à troubler la sûreté de l'État.
Ensuite, il est relevé que cette personne, ayant toujours les attributs anatomiques d'un homme, a été placée avec son consentement en cellule d'isolement pour sa protection, que sa prise en charge est respectueuse de sa dignité et de son identité sexuelle : possibilité de s'habiller avec des vêtements féminins dans sa cellule et d'acheter des produits cosmétiques, dispense de fouille par palpation, possibilité d'aller en promenade sans croiser des détenus, distribution des repas devant la porte de la cellule.
Comme, au surplus, l'instruction n'a pas révélé que l'état de santé mentale actuel de cette personne serait gravement affecté par ses conditions de détention dans l'attente d'un transfert dans un établissement adapté à son changement de sexe et à son profil pénal, l'urgence n'est pas établie.
(ord. réf. 9 décembre 2021, Mme A., n° 458871)
Police
179 - Police sanitaire - Covid-19 - Justificatif de statut vaccinal contre la Covid-19 imposé aux personnes de plus de 17 ans accédant au territoire de la Nouvelle-Calédonie en provenance du territoire national - Rejet.
La requête tendait à voir suspendue l'exécution des dispositions du décret du 17 septembre 2021 modifiant le IV de l'article 23-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, en tant qu'elles imposent aux personnes âgées de plus de 17 ans de présenter un justificatif de leur statut vaccinal pour se déplacer à destination de la Nouvelle-Calédonie en provenance du reste du territoire national.
La demande est - comme attendu - rejetée au fond en raison de la fragilité de la situation sanitaire de ce territoire. En la forme, la mesure entrait dans la compétence du premier ministre du fait des dispositions de l'art. 1er de la loi du 31 mai 2021 et elle pouvait être prise sans consultation préalable du gouvernement de Nouvelle-Calédonie car elle n'a pas pour objet de modifier le cadre juridique résultant de la loi précitée mais seulement de le mettre en œuvre en définissant, parmi les mesures que le premier ministre est habilité à prendre, celles qu'appelle, y compris pour la seule Nouvelle-Calédonie, la lutte contre la propagation de l'épidémie.
(ord. réf. 1er décembre 2021, Mme D. et autres, Association Ensemble pour la planète, n° 458557)
(180) V. aussi, rejetant pour défaut de justification de l'urgence la demande de suspension de l'exécution des dispositions du 4° de l'article 1er du décret n° 2021-1471 du 10 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire et du 5° du II de l'article 36 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 en ce que ces dispositions imposent le port du masque de protection aux enfants : 9 décembre 2021, Association "Les ami(e)s de Lucas et Saïd", n° 458398.
(181) Voir le rejet de recours en suspension dirigés contre les dispositions du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 : ord. réf. 14 décembre 2021, Association Via - La Voie du Peuple, n° 458876 ; Association Le cercle droit et liberté et autres, n° 458955 ; Mme AF. et autres, n° 458965 ; Association de défense de la santé publique et de l'environnement (ADSPE) et autre, n° 459037 ; Association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France, n° 459053 ; Association Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques, n° 459124.
(182) V. également, rejetant le recours dirigé contre « la discrimination illégale entre les ressortissants français désirant se rendre en métropole depuis la Guadeloupe et ceux en provenance de l'étranger » du fait des dispositions de l'art. 23-2 du décret du 1er juin 2021 précité, d'une part parce que cette décision est contenue dans une loi pour les Français résidant à l'étranger et, d'autre part, car le taux de couverture vaccinale est en Guyane très inférieur au taux moyen vaccinal : ord. réf. 9 décembre 2021, M. A., n° 459084.
(183) V., rejetant la demande, plus originale, de lever le secret de la défense nationale afin que soient déclassifiées des informations relatives à la la décision annoncée le 7 décembre 2021 prévoyant dans les écoles primaires l'obligation du port du masque en extérieur, l'obligation du port du masque en extérieur et en intérieur pour les activités sportives et la distanciation pour la prise des repas en évitant le croisement des classes, alors que les mesures critiquées, eu égard au contexte sanitaire, sont nécessaires, adaptées et proportionnées à leur objectif de sauvegarde de la santé publique : ord. réf. 16 décembre 2021, Mme A., n° 459222.
(184) V. encore, rejetant l'argument selon lequel l'obligation vaccinale imposée aux professionnels de santé par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit de la requérante au respect de son intégrité physique, celle-ci se bornant à faire valoir, pour contester la proportionnalité de cette obligation au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, que les risques liés à la vaccination l'emporteraient sur les bénéfices individuels qu'elle pourrait en retirer, dès lors qu'elle présenterait un taux d'anticorps, mesuré par un test sérologique, qui assurerait de son immunité, cette argumentation ne justifie pas d'une atteinte grave et manifestement illégale que porteraient à une liberté fondamentale les dispositions réglementaires contestées du décret du 7 août 2021 modifant celui du 1er juin 2021 : ord. réf. 17 décembre 2021, Mme A., n° 458386 ou ord. réf. 17 décembre 2021, Mme B., n° 459293 ou ord. réf. 24 décembre 2021, Mme U. épouse K. et autres, n° 456196 ou 24 décembre 2021, Mme A., n° 459713 ou 29 décembre 2021, M. B., n° 459740 ; ou encore à propos de l’absence de réglementation en matière vaccinale, par le décret du 7 août 2021, de l’ensemble de la population ayant une sérologie positive : ord. réf. 14 décembre 2021, M. A., n° 458338.
(185) V., rejetant la demande de suspension du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en tant que le b) du 1° de l'article 1er modifie le a) du 2° de l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, car ne comportant que des allégations générales et peu circonstanciées n'établissant pas l'existence d'une urgence : ord. réf. 17 décembre 2021, M. B., n° 458850 ; voir également : ord. réf. 24 décembre 2021, Mme A., n° 459179 ; ord. réf. 24 décembre 2021, Mme B. et autres, n° 459181 ; ord. réf. 24 décembre 2021, formation politique « Les patriotes », n° 459195.
(186) V., rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté ministériel (santé) du 14 octobre 2021 en tant qu'il prévoit que les examens de dépistage et les tests de détection du SARS-CoV-2 réalisés par les personnes majeures non-vaccinées contre le SARS-CoV-2 ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie, sauf cas particuliers, l'existence d'une différence objective de situation entre personnes vaccinées et personnes non-vaccinées au regard de l'objet de la mesure ne saurait être sérieusement discutée : ord. réf. 17 décembre 2021, M. B., n° 458923 ; ord. réf. 17 décembre 2021, M. B., n° 459308.
(187) V., rejetant la demande de suspension d'exécution du décret n° 2021-1215 du 22 septembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, en ce qu'il impose, pour la délivrance du passe sanitaire aux personnes vaccinées par le vaccin Sinopharm, une dose complémentaire d'un vaccin à ARN messager, le moyen de l'erreur manifeste d'appréciation sur laquelle reposerait cette mesure n'étant pas sérieux : ord. réf. 17 décembre 2021, M. A., n° 459092.
(188) V., rejetant le recours dirigé par un syndicat de discothèques et autres lieux de loisirs contre le refus de suspendre l’exécution du décret du 7 décembre 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 en tant qu’il rend obligatoire la fermeture des établissements de type P : ord. réf. 21 décembre 2021, Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, n° 459352 ; v. aussi, sur ce même décret, le rejet du recours dirigé contre lui et fondé sur l’obligation qu’il institue du port d’un masque de protection, pour les élèves des écoles élémentaires, dans les espaces extérieurs de ces établissements : ord. réf. 24 décembre 2021, M. Messineo, n° 459471.
(189) V., rejetant le recours de professionnels de haute montagne faisant valoir l’illégalité du 11° du II de l'article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 excluant de son champ d'application les déplacements nécessaires à l'activité des professionnels de haute montagne alors qu'il leur est indispensable d'emprunter les remontées mécaniques dans le cadre de leur activité professionnelle et soutenant que l'obligation de se prêter à un test toutes les 24 heures n'est pas matériellement possible en haute montagne, si bien qu'ils se trouvent dans l'obligation de se faire vacciner pour pouvoir continuer à exercer leur activité professionnelle, alors au demeurant que le respect des gestes barrières serait selon eux suffisant pour éviter la propagation du virus : ord. réf. 22 décembre 2021, M. E. et autres, n° 459553.
(190) V., rejetant la demande d’enjoindre au ministre des solidarités et de la santé et à la caisse nationale d'assurance maladie d'abroger les instructions visant à placer à l'isolement obligatoire les « cas contact » d'une personne contaminée par le nouveau variant Omicron de la Covid-19 : ord. réf. 24 décembre 2021, Association Ligue de défense pour les libertés politiques et naturelles, n° 459542
(191) V., rejetant pour défaut d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le référé liberté tendant à voir suspendue l’application de l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le ministre de la santé a modifié l'arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire afin de mettre fin, sauf dans certains cas, qu'il énumère, à la dérogation au principe du paiement des tests de dépistage du virus de la Covid-19 : ord. réf. 24 décembre 2021, M. A., n° 459655.
Également, rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en ce qu'il modifie l'article 1, I de l'article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, afin de permettre la libre circulation des citoyens résidant en Corse et ayant choisi de procéder à des tests de dépistage virologique, quelques soient le jour et l'heure de la semaine : ord. réf. 24 décembre 2021, M. D. et Mme B., n° 459663.
(192) V., rejetant la demande de suspension du décret du premier ministre imposant aux personnes de plus de 65 ans justifiant d'un schéma vaccinal complet de recevoir une troisième dose pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet à compter du 15 décembre 2021 : 24 décembre 2021, M. B., n° 459754
(193) V., rejetant le recours de Français de l’étranger tendant à l’annulation de dispositions de décrets des 16 et 29 octobre 2020 et des 30 janvier et 11 mars 2021 en tant qu’elles imposent, pour leur venue en France, d’une part, une obligation de justification par un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé et, d’autre part, une obligation de présenter à l'embarquement le résultat d'un test réalisé moins de 72 heures avant et ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 : 28 décembre 2021, M. B., n° 449558 ; Union des Français de l’étranger, n° 449828 ; Mme F., n° 450824, jonction.
(194) V., entre autres exemples de rejet, à propos de l’obligation du port du masque en certains lieux ou pour l’exercice de certaines activités : ord. réf. 28 décembre 2021, M. A., n° 444851.
(195) V., le rejet – sans surprise - des originales demandes d'abroger la loi (sic) n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : 29 décembre 2021, M. A., n° 457020 ; 29 décembre 2021, Mme A., n° 457021.
196 - Police des manifestations sportives - Réglementation du déplacement de supporters lors de rencontres sportives - Risques forts de troubles sérieux - Mesures d'interdiction ne portant pas d'atteinte grave et manifestement illégale à diverses libertés fondamentales - Rejet.
Dans la perspective de la rencontre devant opposer, à Lens, le samedi 4 décembre 2021 à 21 heures, les équipes du Paris Saint-Germain (PSG) et du Racing Club de Lens (RCL), le préfet du Pas-de-Calais a, le 19 novembre 2021, pris un arrêté dont l'article 1er interdit, du 4 décembre 2021 à six heures jusqu'au 5 décembre 2021 à six heures, à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club parisien ou se comportant comme tel d'accéder au stade Bollaert-Delelis de Lens et à ses abords et de circuler ou de stationner sur la voie publique dans le périmètre qu'il définit.
Le recours contre cette mesure ayant été rejeté, la requérante interjette appel.
Elle est déboutée.
Le juge retient l'existence d'antécédents de violences lors de recontres impliquant le RCL, les informations selon lesquelles le niveau de risques de troubles graves pour cette rencontre du 4 décembre 2021 est assez élevé et la circonstance de forte mobilisation des effectifs de police tant au regard de la situation des migrants dans la région côtière de Calais et des Hauts-de-France, qu'en raison d'événements particuliers tels les marchés de Noël et la traditionnelle fête de la Sainte-Barbe pour en déduire que l'arrêté querellé n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'association, à la liberté de réunion et à la liberté d'expression.
(ord. réf. 4 décembre 2021, Association nationale des supporters, n° 459088 et n° 459130)
197 - Police sanitaire - Loi du pays du 23 août 2021 instituant et sanctionnant l'obligation vaccinale pour certaines personnes - Majoration du ticket modérateur à charge pour les personnes non vaccinées - Poursuite d'un objectif justifié - Obligation de respecter ce faisant la garantie constitutionnelle d'une protection de la santé pour tous - Absence de limitation dans le temps justifiée en fonction de l'arrivée de nouvelles vagues - Rejet.
Ne pouvant, dans le cadre de cette Chronique commenter ici cette décision en ses nombreux points de droit, on se permet d'y renvoyer le lecteur.
(10 décembre 2021, Mme W. épouse CO. et autres, n° 456004 ; M. BP. et autres, n° 456447 ; Syndicat des agents publics de Polynésie, n° 456714 ; M. DM., n° 456879 ; M. AD., n° 456886 ; Mme BT., n° 456888 ; Syndicat Rassemblement des travailleurs Amuitahira'a Rave Ohipa no Porinetia et autre, n° 456930 ; Mme DM. et autres, n° 456935 ; Mme FH. et autres, n° 456955 ; M. AE., n° 456978; Fédération Nationale de l'Enseignement, de la Culture et de la Formation Professionnelle - Force Ouvrière Polynésie française et autre, n° 457001, jonction)
198 - Police du stationnement - Forfait de stationnement - Contestation, ou non, de l'avis de paiement - Situation sans effet sur le droit de l'intéressé à contester le titre exécutoire - Annulation.
Encore une fois, l'institution d'un mécanisme juridique qui se voulait simplificateur, en matière de forfait post-stationnement, tourne à la déconfiture car il est en définitive trop complexe. Belle leçon d'humilité pour le législateur et illustration supplémentaire d'un vaudeville.
Le juge rappelle, une nouvelle fois, que si les dispositions de l'art. L. 2333-87 du CGCT obligent en principe le redevable d'un forfait de post-stationnement qui entend contester le bien-fondé de la somme mise à sa charge de saisir l'autorité administrative d'un recours administratif préalable dirigé contre l'avis de paiement et, en cas de rejet de ce recours, d'introduire une requête contre cette décision de rejet devant la commission du contentieux du stationnement payant, il n'en demeure pas moins qu'en cas d'absence de paiement de sa part dans les trois mois et d'émission, en conséquence, d'un titre exécutoire portant sur le montant du forfait de post-stationnement augmenté de la majoration due à l'État, il lui est loisible de contester ce titre exécutoire devant la commission du contentieux du stationnement payant, qu'il ait ou non engagé un recours administratif contre l'avis de paiement et contesté au contentieux le rejet de son recours.
C'est pourquoi, alors même qu'il résulte des dispositions de l'art. R. 2333-120-35 du CGCT que le redevable qui saisit la commission du contentieux du stationnement payant d'une requête contre un titre exécutoire n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement auquel ce titre exécutoire s'est substitué, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé conteste, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.
(14 décembre 2021, Mme B., n° 439395)
(199) V. aussi, identique en tous points : 14 décembre 2021, Mme B., n° 439515.
(200) V. également : 14 décembre 2021, M. A., n° 447040.
(201) V. encore, témoignant du caractère intarissable de ce contentieux dont on a voulu pourtant, par son organisation, réduire notablement le volume… et rappelant une fois de plus que l'intéressé peut toujours contester, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration : 30 décembre 2021, Mme A., n° 445337.
202 - Police spéciale - Réglementation des substances psychotropes, des stupéfiants et des plantes, substances et préparations classées comme vénéneuses (art. L. 5132-8 du code de la santé publique) – Droit de mourir dans la dignité – QPC – Refus de transmission.
(21 décembre 2021, Association « DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement », n° 456926)
V. n° 220
203 - Police des cercles de jeux et des casinos – Agrément comme employé de jeux puis membre du comité de direction d’un casino, enfin directeur responsable de casino – Conditions de moralité et de probité – Condamnation non portée spontanément à la connaissance des autorités – Retrait des agréments antérieurs – Annulation en appel – Absence de qualification inexacte des faits - Rejet.
Une personne titulaire de deux agréments ministériels, l’un en qualité d’employé de jeux, délivré en 2004, l’autre de membre du comité de direction d’un casino délivré en 2010, fait l’objet d’une condamnation pénale à trois ans d’emprisonnement pour des faits d’agression sexuelle sur mineur, cette condamnation est devenue définitive en 2013. Lors d’une demande d’agrément en qualité de directeur responsable de casino, en 2015, il porte spontanément à la connaissance du ministre de l’intérieur, détenteur de la police spéciale des cercles de jeux et des casinos, l’existence de cette condamnation. Le ministre rejette sa demande d’agrément et lui retire les deux autres agréments dont il est titulaire.
Le tribunal de Lyon, sur recours de l’intéressé, ayant annulé ces trois décisions et cette annulation ayant été confirmée en appel, le ministre se pourvoit.
Son pourvoi est rejeté.
En effet, le juge de cassation relève que le ministre défendeur, pour retirer les agréments en qualités d'employé de jeux et de membre du comité de direction d'un casino, a retenu que l’intéressé, tant lors de ses demandes d'agrément, en 2004 et 2010, que postérieurement à sa condamnation par l'arrêt du 15 novembre 2012, avait volontairement dissimulé à l'administration les faits d'agression sexuelle dont il s'était rendu coupable en 2003. Or cette absence de déclaration spontanée ne méconnaissait pas les exigences résultant de dispositions du code de la sécurité intérieure et ne pouvait, par suite, légalement justifier à elle seule le retrait des deux agréments qui lui avaient été délivrés car aucune disposition n'imposait la communication à l'administration des faits en cause. Pour ce qui est de la dissimulation reprochée au moment où la condamnation était intervenue, aucun texte ni aucun principe n'imposaient non plus qu'il la fasse connaître à l'administration. C’est donc sans qualifier inexactement les faits que la cour a jugé comme elle l’a fait.
(29 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 445560)
204 - Police du classement des armes – Police spéciale de la pêche sous-marine – Classement des arbalètes de pêche sous-marine au titre de la législation sur les armes – Refus – Rejet.
En refusant de classer les arbalètes de pêche sous-marine comme armes de la catégorie C comme de la catégorie D, le ministre de l’intérieur n’a pas entaché sa décision d’irrégularité.
En effet, les arbalètes de pêche sous-marine sont destinées à la pratique de la pêche sous-marine et propulsent une flèche permettant la capture d'animaux marins en utilisant la force de câbles élastiques tendus par l'utilisateur ou celle d'un gaz comprimé par la seule force de l'utilisateur mais ne possédant pas de « canon » elles ne peuvent être classées en catégorie C alors même que, comme le soutient la fédération requérante, l'énergie qu'elles communiquent à leur projectile serait supérieure ou égale à 20 joules.
Ce dernier élément justifie, à son tour, que le ministre ait refusé de classer ces arbalètes, par une exacte application des dispositions du h) du 2° du IV de l’article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure, en catégorie D.
Aucun des autres moyens n’est, non plus, retenu.
(29 décembre 2021, Fédération nautique de pêche sportive en apnée (FNPSA), n° 449769)
205 - Police des aérodromes non créés par l’État – Autorisation administrative de création – Abrogation – Étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir – Rejet.
Saisi d’une demande d’annulation de l’arrêté ministériel portant fermeture de l’aérodrome de Sallanches Mont Blanc, le Conseil d’État juge implicitement mais nécessairement que le juge de l’excès de pouvoir exerce désormais un contrôle plein et entier, donc de type « normal », sur les motifs des décisions portant abrogation de l’agrément donné à la création d’un aérodrome par toute personne autre que l’État.
En l’espèce, le juge saisi vérifie que cet aérodrome n’était ouvert que pour un usage restreint aux ULM et hélicoptères, que la commune de Sallanches avait engagé la fermeture de l'aérodrome afin de pouvoir réaménager le site des Ilettes en confortant son caractère d'espace naturel sensible et qu’enfin les services qu’il pouvait rendre peuvent être assurés par d’autres aérodromes voisins.
On peut penser que ce contrôle normal sera également exercé sur les décisions agréant l’ouverture d’un tel aérodrome.
(30 décembre 2021, Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives et autres, n° 445598)
206 - Police des épizooties – Infection de l’avifaune par un virus de l’influenza aviaire – Claustration des volailles d’élevage – Rejet.
Les organisations requérantes demandaient la suspension d’arrêtés ministériels du 17 septembre 2021, du 29 septembre 2021, du 4 novembre 2021 et de l’instruction technique du 18 novembre 2021 pris par le ministre de l’agriculture afin de lutter contre le risque épizootique en raison de l'infection de l'avifaune par un virus de l'influenza aviaire hautement pathogène, prescrivant les mesures de biosécurité applicables par les opérateurs et les professionnels liés aux animaux dans les établissements détenant des volailles ou des oiseaux captifs dans le cadre de la prévention des maladies animales transmissibles aux animaux ou aux êtres humains, définissant les zones à risque de diffusion du virus de l'influenza aviaire et fixant les conditions de mise à l'abri de volailles en élevage commercial.
C’est surtout cette dernière mesure, notamment la claustration, qui était critiquée par les requérantes, celles-ci faisant valoir sa lourdeur, son coût considérable et son inutilité puisque l’épizootie était également apparue dans des élevages pratiquant la claustration des volailles.
Tout en reconnaissant la gravité des conséquences résultant de ces décisions, le juge des référés rejette les requêtes dont il est saisi tant en raison d’un risque sanitaire particulièrement grave et urgent, de données scientifiques allant également en ce sens et compte tenu que ces affaires seraient examinées au fond avant la fin du premier trimestre 2022.
(ord. réf. 24 décembre 2021, Confédération paysanne, Fédération des syndicats agricoles MODEF des Landes, Mouvement inter-régional des AMAP (MIRAMAP), Association nationale pour une aviculture fermière indépendante et citoyenne (ANAFIC), Association Bio'consom'acteurs, Association Collectif sauve qui poule, Association Agir pour l'environnement et Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), n° 459214, n° 459215, n° 459216 ; Confédération paysanne, Fédération des syndicats agricoles MODEF des Landes et Association nationale pour une aviculture fermière indépendante et citoyenne (ANAFIC), n° 459217)
Professions réglementées
207 - Pharmacien salarié – Litige prudhommal – Production de pièces en violation du secret médical - Irrégularité sauf cas particulier – Cassation avec renvoi.
Dans un litige opposant une pharmacienne d’officine à son employée, pharmacienne salariée, le conseil de prud’hommes ayant été saisi par cette dernière, celle-ci a produit devant lui à l’appui de son recours, des copies d'ordonnances et de feuilles de soins de certains clients de l'officine. L’employeur a saisi la chambre de discipline de première instance du conseil central de l’ordre des pharmaciens pour violation du secret professionnel. La salariée a interjeté appel devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre de la décision lui infligeant trois semaines de suspension temporaire d’exercice. Le conseil national a estimé que la production, devant le conseil de prud'hommes, de documents nominatifs couverts par le secret médical ne méconnaissait pas l'obligation de secret dès lors que ces documents avaient été anonymisés en cours d'instance devant le conseil de prud'hommes et que leur divulgation s'était opérée dans le cadre d'une instance judiciaire, à l'égard de personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel.
Saisi par l’employeur, le Conseil d’État casse cette décision pour erreur de droit motif pris de ce que la circonstance que des documents soient produits dans le cadre d'une instance judiciaire n'a pas, par elle-même, pour effet de soustraire la partie qui les divulgue au respect du secret médical ; il incombait donc à la chambre de discipline de rechercher si cette absence d'anonymisation de pièces couvertes par le secret médical était, dans le cadre de l'instance en cause, strictement nécessaire à la défense de ses droits par l'intéressée. Faute d’avoir procédé à cette recherche, la chambre de discipline voit sa décision cassée et renvoyée.
On pourra trouver, dans les circonstances de l’espèce, un peu sévère la solution retenue.
(27 décembre 2021, Mme A., n° 433620)
208 - Actes de médecine ou de chirurgie esthétique – Exonération de TVA en cas d’intérêt thérapeutique – Assujettissement à la TVA en l’absence de finalité thérapeutique – Commentaires administratifs litigieux conformes au CGI et compatibles avec le droit de l’Union – Rejet.
(27 décembre 2021, Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE), n° 453928)
V. n° 87
209 - Ordre des pharmaciens – Délai d’appel devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre des pharmaciens – Absence de caractère franc – Rejet.
De la combinaison des articles R. 4234-15 et R. 4234-26 du code de la santé publique avec les articles 641 et 642 du code de procédure civile auxquels il est renvoyé par les premiers d’entre eux, il résulte que le délai d’appel devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre, qui est d’un mois, ne constitue pas un délai franc.
Pourquoi cette matière est-elle aussi compliquée et en forme de traquenard alors qu’il suffirait d’uniformiser tous les délais applicables devant une juridiction administrative lorsqu’il s’agit d’affaires relevant du droit commun procédural ?
(29 décembre 2021, M. H., n° 439826)
210 - Infirmiers de bloc opératoire – Compétence exclusive pour l’accomplissement de certains actes – Entrée en vigueur immédiate annulée – Mesures transitoires – Intervention de plusieurs textes – Annulations partielles.
Cette décision illustre la pénurie durable et sérieuse d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État. Le pouvoir exécutif a été conduit à la création progressive d’abord de facto puis de iure d’une catégorie d’infirmiers diplômés d’État, simples si l’on peut dire, autorisés à exercer en bloc opératoire pour l’accomplissement de certains actes.
L'article 1er du décret du 27 janvier 2015 relatif aux actes infirmiers de la compétence exclusive des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État confère aux infirmiers de bloc opératoires diplômés d'État une compétence exclusive pour accomplir les actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article R. 4311-11-1 du code de la santé publique.
Le Conseil d’État, saisi de recours, a estimé irrégulière l’entrée en vigueur immédiate de ce texte et l’a différée au 31 décembre 2017 s’agissant des actes d'aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration prévus au b) du 1° de l’art. R. 4311-11-1 du code de la santé publique. En conséquence, des mesures transitoires ont été adoptées : d’une part, l’entrée en vigueur du b) précité a été différée au 1er juillet 2019 puis au 1er janvier 2020 pour les infirmiers en bloc opératoire, d’autre part, les infirmiers diplômés d'État exerçant une fonction d'infirmier de bloc opératoire et apportant dans ce cadre de manière régulière une aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration au cours d'interventions chirurgicales depuis un an au moins en équivalent temps plein à la date du 30 juin 2019 ont été autorisés – sous certaines conditions - à continuer cette activité, à titre temporaire, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2021, sous réserve de leur inscription avant le 31 octobre 2019 à une épreuve de vérification des connaissances professionnelles, l'autorité administrative compétente pouvant leur délivrer une autorisation permanente d'accomplir ces actes au vu de l'avis de la commission régionale chargée de faire passer cette épreuve.
Les organisations requérantes demandent, chacune, l’annulation de certains des actes figurant dans cette succession de décisions (décret du 28 juin 2019 et arrêté du 31 juillet 2019 ; décret du 29 janvier 2021 ; rejet implicite de la demande tendant à l'édiction et à la publication de nouvelles mesures transitoires autorisant, en l'absence d'un nombre suffisant d'infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État, les infirmiers diplômés d'État qui les accomplissaient auparavant à continuer de réaliser les actes mentionnés au a) du 1° et au 2° de l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique). Leurs diverses requêtes sont jointes.
Concernant le décret du 28 juin 2019, il est jugé d’abord que ses dispositions ne portent atteinte ni au principe d’égalité s’agissant de l’organisation et du fonctionnement de la commission régionale chargée de vérifier les connaissances professionnelles des candidats et qu’elles ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme. Ensuite, en revanche, le décret est annulé en tant que le dispositif transitoire qu'il crée ne comporte pas de dispositions relatives aux actes mentionnés au a) du 1° et au 2° de l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique.
Concernant l’arrêté du 31 juillet 2019, celui-ci n’est pas entaché d’illégalité par voie de conséquence de l’annulation partielle du décret du 28 juin 2019 contrairement à ce qui est soutenu car il a pour seul objet de fixer les modalités de l'épreuve de vérification des connaissances devant une commission, les renseignements contenus dans le dossier de demande d'inscription à cette épreuve et le contenu de la formation complémentaire qui peut être prescrite au candidat.
Concernant le décret du 29 janvier 2021, celui-ci est tout d’abord jugé ne porter atteinte ni au respect du principe d’égalité, ni à l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme (sous réserve de la correction d’une légère erreur matérielle), ni, non plus au principe de non-rétroactivité car il ne dispose que pour l’avenir. Ensuite, en revanche, comme pour le décret du 28 juin 2019, à la date à laquelle il a été pris, le décret du 29 janvier 2021 est irrégulier, en tant qu'il se borne à prévoir un dispositif transitoire limité aux seuls actes d'aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration réalisés au cours d'opérations chirurgicales, méconnaissant ainsi le principe de sécurité juridique; il est donc annulé en tant qu'il ne comporte pas de dispositions relatives aux actes mentionnés au a) du 1° et au 2° de l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique.
Une injonction est adressée en ce sens.
(30 décembre 2021, Union des chirurgiens de France (UCDF) et Syndicat Le BLOC, n° 434004, n° 434932, n° 450338 et n° 457322 ; Fédération des médecins de France, Syndicat des médecins libéraux, Syndicat des médecins d'Aix et sa Région et M. B., n° 450866 ; Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) et Fédération de l'hospitalisation privée - médecine, chirurgie, obstétrique (FHP-MCO), n° 451277, jonction)
Question prioritaire de constitutionnalité
211 - Actes publics établis par une autorité étrangère - Légalisation - Absence de prise en considération de l'urgence - Absence de recours contre les refus de légalisation - Transmission de la QPC.
Le Conseil d'État transmet une QPC fondée sur ce que les dispositions du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, relatives à la légalisation des actes publics des autorités étrangères, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'elles ne prévoient ni de dérogations en cas d'urgence ni de voie de recours contre les décisions de refus de légalisation.
(3 décembre 2021, Association des avocats pour la défense des droits des étrangers et autre, n° 448305 et n° 445519; GISTI et autres, n° 454144, jonction)
212 - Concession de mine - Conditions de la prolongation de droit - Absence de prise en compte de l'environnement - Transmission de la QPC.
Dans le cadre d'une demande d'annulation de quatre décrets par lesquels le premier ministre a accordé à la Compagnie Minière de Boulanger la prolongation, sur une superficie réduite, des concessions de mines de métaux précieux n° 32, n° 6, n° 86 et n° 651 situées sur une partie du territoire de la commune de Roura (Guyane), l'association requérante soulève une QPC tirée de ce que les dispositions du code minier relatives aux demandes de prolongation de concession minière décident que cette prolongation est de plein droit à la seule condition que les gisements sur lesquels elles portent soient encore exploités sans aucunement prévoir la vérification d'atteintes, par une telle prolongation, à l'environnement, en violation des art. 1er, 2 et 3 de la Charte de l'environnement.
Le Conseil d'État transmet la question car elle est de caractère sérieux.
(3 décembre 2021, Association France Nature Environnement, n° 456524, n° 456525, n° 456528 et n° 456529)
213 - Stupéfiants - Délit d'usage illicite de stupéfiants - Infractions relatives au trafic des stupéfiants - Renvoi par la loi à la compétence réglementaire - Question de caractère sérieux - Transmission de la QPC.
Présente un caractère sérieux la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis, spécialement le principe de légalité des délits et des peines, de l'art. L. 5132-7 du code de la santé publique en tant qu'il renvoie au pouvoir réglementaire la définition du champ d'application du délit d'usage illicite de stupéfiants et des infractions relatives au trafic de stupéfiants.
(8 décembre 2021, M. A. et Association « Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes », n° 456556)
214 - Fonctionnaires et agents publics - Nouvelle bonification indiciaire - Exclusion des agents contractuels de son bénéfice - Situations différentes - Légalité - Non-transmission d'une QPC.
(10 décembre 2021, Fédération SGEN-CFDT, n° 451287)
V. n° 161
215 - Exonération d'impôt sur la plus-value de cession de la résidence principale en France - Contribuable fixant son domicile fiscal hors de France - Obligation de cession avant le 31 décembre de l'année suivant celle du transfert du domicile fiscal - Différence de traitement non contraire au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques - Non-transmission de la QPC.
Le requérant soulevait une QPC fondée sur l'atteinte au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques qui résulterait du 1 du I de l'art. 244 bis A du CGI en ce que, pour pouvoir bénéficier de l'exonération de taxation de la plus-value en cas de cession de sa résidence principale, située en France, il impose au contribuable transférant son domicile fiscal hors de France, d'effectuer cette cession avant le 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle a lieu le transfert. Cette limite temporelle n'existe pas pour les contribuables résidents et le demandeur y voyait, à juste titre nous semble-t-il, une atteinte à diverses modalités du principe d'égalité. Le Conseil d'État le déboute en utilisant son « mantra » habituel : la différence de traitement est en rapport avec la différence des situations elle-même appréciée au regard de l'objet de la loi.
On aperçoit mal en quoi l'enfermement dans un délai strict et préfix de l'opération de cession immobilière entretient un quelconque rapport logique avec l'absence de résidence en France sauf à instaurer une présomption de non confiance en celui qui use de sa liberté de quitter l'hexagone et à manifester une volonté de le « punir » fiscalement. C'est là une réaction qui ne peut guère convaincre le bon sens commun et la loyauté attendue de l'État envers ses ressortissants.
(10 décembre 2021, M. H., n° 456728)
(216) V. aussi, avec mêmes solution, sur la QPC et le recours pour excès de pouvoir : 10 décembre 2021, M. et Mme J., n° 457349.
217 - Taxe sur la valeur ajoutée - Directive de 2006 instaurant un système commun de TVA - Exonération de certaines activités d'enseignement - Inapplication aux értablissements dispensant des cours de soutien - Conformité à la directive précitée - Refus de transmission de la QPC.
La requérante contestait le refus d'étendre aux organismes de soutien scolaire le bénéfice de l'exonération de TVA dont bénéficient notamment, d'une part, les établissements d'enseignement et d'autre part, les leçons données, à titre personnel, par des enseignants et portant sur l'enseignement scolaire ou universitaire. Elle soulève une QPC pour atteintes à l'égalité devant la loi et à l'égalité devant les charges publiques à l'appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus d'abroger divers paragraphes et commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts, par lesquels le ministre des finances a fait connaître son interprétation des dispositions du 4° du 4 de l'article 261 du CGI, relatives, notamment, à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens et prestations de services se rapportant à l'enseignement scolaire et universitaire.
La demande de transmission est rejetée car l'activité en cause n'entre pas dans les exonérations de TVA énoncées par la directive de 2006 sur le système commun de TVA et le législateur, en les reprenant à son compte, s'est borné à transposer sur ce point les dispositions inconditionnelles et précises de cette directive telles qu'interprétées par la jurisprudence européenne (v. par ex. : CJUE 14 juin 2007, Stichting Regionaal Opleidingen Centrum Noord-Kennemerland/West-Friesland (Horizon College), aff. C-434/05 et Werner Haderer, aff. C-445/05 ; 14 mars 2019, A et G Fahrschul-Akademie GmbH, aff. C-449/17, à propos de l'enseignement de la conduite automobile) et cela sans qu'il soit porté atteinte à l'identité constitutionnelle de la France.
(10 décembre 2021, SNC MCC Axes, n° 457050)
218 - Suppression progressive de la taxe d'habitation - Compensation de la perte de recettes par les communes et leurs groupements - Maintien de l'égalité du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties avec celui de la taxe d'habitation - Instauration à cet effet d'un coefficient correcteur (IV de l'art. 16, loi de finances du 28 décembre 2019) - Atteintes à des droits et liberté constitutionnellement garantis - Transmission d'une QPC.
Soulève une question de caractère sérieux justifiant sa transmission au Conseil constitutionnel, celle de savoir si les dispositions du IV de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, en tant qu’elles instaurent un coefficient correcteur afin de maintenir l’égalité du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties avec celui de la taxe d’habitation, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant la loi fiscale garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789 et à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l'article 72 de la Constitution.
(14 décembre 2021, Commune de La Trinité, n° 456741)
219 - Élections aux conseils régionaux - Délai de dix jours pour saisir le juge - Délai trop bref - Atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif - QPC - Rejet.
Est refusée la transmission d'une QPC fondée sur l'inconstitutionnalité des dispositions de l'art. L. 361 du code électoral au motif que le délai de saisine du juge qu'il fixe à dix jours méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif, d'autant que le Conseil d'État n'est enfermé dans aucun délai pour statuer sur une telle protestation.
Le Conseil d'État juge ce délai comme n'étant pas d'une brièveté excessive s'agissant de contentieux électoral, d'autant que le juge doit lui-même statuer dans un délai raisonnable. De la sorte n'est portée aucune atteinte au droit à recours juridictionnel effectif.
(17 décembre 2021, M. B., n° 457114)
220 - Réglementation des substances psychotropes, des stupéfiants et des plantes, substances et préparations classées comme vénéneuses (art. L. 5132-8 du code de la santé publique) – Police spéciale - Droit de mourir dans la dignité – QPC – Refus de transmission.
La requérante, à l’appui, d’une part, d’un recours tendant à l’annulation du refus implicite du premier ministre et du ministre de la santé d’abroger deux arrêtés fixant respectivement la liste des substances psychotropes et la liste des substances classées comme stupéfiants et d’autre part, d’une demande d’injonction aux fins de prévoir une exception « permettant à chacun de pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité », soulève une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre, au principal, des dispositions de l’art. L. 5132-8 du code de la santé publique.
Sa transmission est refusée d’abord parce que la question de la constitutionnalité de cet article est sans incidence sur la légalité des arrêtés querellés, elle est donc irrelevante ; ensuite, les dispositions de cet article participent du régime de police spéciale instauré par le législateur en vue de réglementer les opérations relatives aux substances présentant des risques directs ou indirects pour la santé publique. Elles ont, ainsi, de même que les dispositions réglementaires prises pour leur application dont l'association requérante conteste le refus d'abrogation, un tout autre objet que la reconnaissance ou l'exercice d'un « droit à mourir dans la dignité » tel que revendiqué par cette association.
(21 décembre 2021, Association « DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement », n° 456926)
221 - Article L. 470-2 du code de commerce – Exécution cumulative des sanctions administratives prononcées contre un même auteur pour des manquements en concours – Disproportion des sanctions par rapport aux faits – Principe de nécessité des délits et des peines – Transmission de la QPC.
Présente un caractère sérieux et est transmise au Conseil constitutionnel la question de savoir si l’art. L. 470-2 du code de commerce, en permettant le prononcé de sanctions disproportionnées par rapport à la gravité des faits en cas de manquements en concours de nature identique, ne porte pas atteinte au principe de nécessité des délits et des peines.
(29 décembre 2021, Société Eurelec Trading, n° 457203)
Responsabilité
222 - Administration fiscale - Responsabilité pour faute du chef d'une évolution de la jurisprudence du Conseil d'État - Conséquences en matière de réparation - Admission de principe et rejet en l'espèce.
Les requérants demandaient la condamnation de l'État à la somme de 1 200 118,87 euros en réparation de préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait de la faute commise par l'administration fiscale dans le cadre d'une procédure d'imposition suivie à leur encontre et celle de 25 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la méconnaissance de leur droit à un délai raisonnable de jugement.
Rejetée en première instance, leur demande a été très partiellement admise en appel.
Le ministre avait soutenu en appel qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'administration, la contrariété de la procédure d'abus de droit menée à l'encontre des contribuables avec les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'étant apparue qu'après la décision du Conseil d'État n° 330940 du 30 décembre 2011 qui a clarifié les critères permettant d'identifier un abus de droit en cas de donation-partage de titres suivie de leur cession. La cour a implicitement mais nécessairement écarté ce moyen en retenant que l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État avait été révélée par la décision du Conseil d'État n° 353822 du 9 avril 2014 prononçant la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels les demandeurs avaient été à tort assujettis au titre de l'année 2003. Elle avait alloué aux requérants une certaine somme en réparation du préjudice financier résultant du coût du financement nécessaire au paiement de ces impôts supplémentaires.
Se fondant sur les dispositions des art. L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales, le juge de cassation pose avec une particulière netteté, proche d'une décision de principe, « qu'en cas de dégrèvement prononcé à la suite d'une réclamation portant sur l'assiette ou le calcul de l'impôt, le contribuable a droit à la perception des intérêts moratoires assis sur les impositions dégrevées, qui ont pour objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes, en compensant en particulier les effets de l'indisponibilité de celles-ci et les coûts de substitution que l'intéressé a été contraint d'exposer. Il peut également, le cas échéant, demander la réparation des préjudices causés par une faute de l'administration fiscale ne résultant pas du seul paiement de l'impôt, notamment ceux résultant des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration ou des troubles causés dans ses conditions d'existence. »
En l'espèce, le préjudice réparé par la cour étant déjà couvert par les intérêts moratoires alloués lors de la restitution de l'impôt, celle-ci a commis une erreur de droit en décidant à nouveau sa réparation. L'État ne peut donc pas être condamné à nouveau à réparer ce préjudice.
(10 décembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 437412)
223 - Fonctionnaire - Accident imputable au service - Demande indemnitaire de la victime, de son épouse et de ses enfants - Rejet pour tardiveté - Annulation avec renvoi.
Dans un litige en réparation des préjudices subis par diverses personnes du fait d'un accident survenu à un agent public sur le lieu de son travail et donc imputable au service, le Conseil d'État, juge de cassation, tranche deux points de droit.
Tout d'abord, il est jugé que le litige entre l'administration et les membres de la famille d'un fonctionnaire aux fins de réparation des préjudices propres, qu'ils estiment avoir subis du fait de l'accident de service de leur conjoint, père ou mère, ne saurait être regardé comme un litige entre l'administration et l'un de ses agents au sens et pour l'application de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il convient en ce cas de faire application des dispositions de l'art. L. 112-6 selon lesquelles « Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (...) ». Ainsi, en l'espèce, l'accident étant survenu le 5 mars 2003, l'action indemnitaire introduite le 26 avril 2017 est irrecevable pour cause de tardiveté en tant qu'elle émane de la victime, recevable s'agissant des autres membres de la famille.
Cette mansuétude semble bien latitudinaire.
Ensuite, il est jugé qu'une requête à fins indemnitaires émanant de plusieurs requérants est recevable si les conclusions qu'elle comporte présentent entre elles un lien suffisant. Il en résulte que la circonstance que de telles conclusions soient soumises à des conditions de recevabilité différentes n'est pas de nature à faire obstacle à l'examen, dans une même instance, de leur recevabilité respective.
En jugeant le contraire la juridiction d'appel a commis une erreur de droit.
Là encore la bienveillance supplante la logique contentieuse.
(10 décembre 2021, M. Abel Mora et autres, n° 440845)
224 - Perte fonctionnelle d'un oeil au cours d'une intervention chirurgicale - Affirmation par l'arrêt d'appel de l'existence d'un faible risque de survenue d'une cécité - Reconnaissance d'une faute en lien direct avec le préjudice subi - Affirmation que cette faute n'a eu pour effet que la perte de chance de se soustraire à la survenue du préjudice - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la juridiction d'appel qui, à la fois, juge qu'un CHU a commis une faute en recourant à une technique pouvant provoquer une cécité alors que ce n’aurait pas été le cas d'une autre technique opératoire, que cette faute est en lien direct avec le préjudice subi mais qu'elle n'est à l'origine que d'une perte de chance de se soustraire à la survenue du dommage, alors qu'il résultait de ses propres constatations que, sans la faute commise dans le choix de l'indication thérapeutique, le patient n'aurait pas perdu l'usage de l'œil gauche.
A notre sens il s'agit plutôt d'une contradiction ou d'une incohérence de motifs appelant de toute façon la censure.
(14 décembre 2021, Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), n° 440589)
225 - Infection nosocomiale - Notion et régime - Article L. 1142-1 du code de la santé publique - Méconnaissance - Annulation.
Statuant sur une action en réparation de dommages imputés à une infection nosocomiale, une cour administrative d'appel se méprend sur le sens et la portée des dispositions des I et II de l'art. L. 1142-1 du code de la santé publique. En effet, après avoir estimé que les dommages subis par la victime, s'ils n'avaient pas occasionné une invalidité permanente supérieure à 25 %, avaient néanmoins le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 CSP mais qu'ils ne constituaient pas pour autant, selon les experts, une cause étrangère à l'infection par un staphylocoque doré contractée par la victime et devaient donc être regardés comme trouvant leur cause dans l'intervention chirurgicale subie par le patient, elle a, cependant, écartant la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris où a eu lieu l’intervention dommageable, mis en jeu celle de l'ONIAM.
(15 décembre 2021, Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), n° 437846)
226 - Infection nosocomiale - Expertise médicale - Expertise entachée d'irrégularité pour non respect du contradictoire - Limites d'utilisation de cette expertise - Annulation avec renvoi.
Dans un litige en responsabilité médicale lors du traitement d'une patiente atteinte d'un diabète de type 1 compliqué de néphropathie et de neuropathie diabétique, est désigné un expert dont les conclusions de son rapport n'ont pas été soumises à la discussion contradictoire des parties.
Le Conseil d'État, confirmant une jurisprudence récente, rappelle l'utilisation qui peut être faite d'un tel rapport défectueux. Les éléments de ce rapport, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, peuvent être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
Ce n'était pas le cas ici où les juges du fond se sont fondés sur les conclusions médicales du rapport qui étaient pourtant contestées par les parties, d'où l'annulation prononcée avec renvoi.
(15 décembre 2021, M. B., n° 443959)
227 - Responsabilité hospitalière - Contrat d'assurance couvrant cette responsabilité au titre des risques mentionnés à l'art. 1142-2 du code de la santé publique - Connaissance du fait dommageable - Délai et notion - Rejet sur ce point.
Rappel, dans le cadre d'un litige consécutif aux graves lésions cérébrales survenues lors d'un accouchement dans un centre hospitalier, que les contrats d'assurance conclus par les établissements publics de santé aux fins de les garantir des actions mettant en cause leur responsabilité au titre des risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique couvrent les sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat ou pendant une période subséquente d'une durée minimale de cinq ans, à l'exception des sinistres dont le fait dommageable était connu de l'établissement de santé à la date de la souscription du contrat.
Pour l'application de cette dernière règle, résultant du sixième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances, un fait dommageable subi par un patient doit être regardé comme connu de l'établissement de santé à une certaine date si, à cette date, sont connus de ce dernier non seulement l'existence du dommage subi par le patient mais aussi celle d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'établissement à raison de ce dommage.
(15 décembre 2021, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 444541 ; M. F. et Mme K., n° 444594, jonction)
228 - Responsabilité médicale – Prescription décennale – Consolidation du dommage – Notion - Date d’appréciation – Rejet.
Selon l’art. L. 1142-28 du code de la santé publique : « Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ».
Dans la présente espèce se posait la question de la détermination de ce qu’il convient d’entendre par l’expression « consolidation du dommage ».
Il est ici jugé que l’état de santé de la victime d’un dommage corporel doit être considéré comme consolidé à la date à laquelle peuvent être évaluées et réparées les diverses composantes de ce préjudice corporel alors même que la situation personnelle de la victime ainsi que les conditions et coûts exacts de prise en charge ne sont pas stabilisés à cette date.
Le délai de la prescription décennale institué à l’art. L. 1142-28 précité commence donc à courir à compter de cette date.
(27 décembre 2021, M. D. et Société Allianz IARD, n° 432768 ; CPAM de la Sarthe, n° 432792, jonction)
229 - Responsabilité hospitalière – Faute de l’établissement dans la prise en charge de la victime – Dommage commis à la victime par un tiers – Montant de la réparation et partage de responsabilités, indépendance de ces questions – Obligation de réparation strictement intégrale du préjudice – Annulation et sursis à statuer partiels.
Il faut surtout retenir des diverses questions tranchées par cette décision, celle – car elle est assez innovante - concernant la fixation du montant de la réparation due par un établissement de santé dont la faute a causé un préjudice à un patient victime d’un accident causé par un tiers. Le juge pose les règles suivantes.
En premier lieu, et c’est là le principe, lorsque la faute commise par un établissement public de santé dans la prise en charge de la victime d'un accident commis par un tiers engage sa responsabilité à l'égard de cette victime, la réparation qui incombe à l'établissement de santé est indépendante du partage de responsabilité susceptible d'être prononcé par la juridiction saisie d'un litige indemnitaire opposant la victime et le tiers auteur de l'accident.
En deuxième lieu, et c’est là une conséquence majeure du principe qui vient d’être rappelé, si la juridiction saisie a condamné le tiers à indemniser la victime de tout ou partie de ses dommages corporels, cette somme n'a pas à être déduite du montant que l'hôpital doit verser à la victime en réparation de la faute du service public hospitalier.
En troisième lieu, enfin, le principe de réparation de tout le préjudice mais rien que du préjudice, impose au juge de diminuer la somme mise à la charge de l'hôpital dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette somme et des indemnités que la victime a pu obtenir devant d'autres juridictions excède le montant total des préjudices ayant résulté, pour elle, de l'accident et des conditions de sa prise en charge par l'hôpital.
(27 décembre 2021, Mme G. et autres, n° 435632)
230 - Faute personnelle de l’agent public – Notion – Évaluation du préjudice subi par la collectivité – Absence d’erreur de droit ou de qualification juridique des faits – Rejet.
Des secrétaires de la maire d’une commune, chargées de répondre aux courriers électroniques qu’elle reçoit, découvrent trois vidéos pornographiques dans laquelle apparaît la maire et alertent son directeur de cabinet qui reçoit l’ordre immédiat de mettre à pied les deux secrétaires avec forte réduction de leur traitement, celui-ci passant de 2100 à 1200 euros. Cette suspension va durer du 12 novembre 2012 jusqu’aux 5 et 15 mai 2014.
Les intéressées ont saisi le juge administratif de diverses demandes de suspension par voie de référé et au fond qui ont été accordées.
La commune, au moment du changement de maire, estimant que les sommes mises à sa charge de ce fait trouvaient leur origine dans une faute personnelle détachable du service commise par la maire sortante, a émis un avis de sommes à payer d’un montant de près de 74 000 euros (indemnisation des secrétaires, honoraires d’avocats, frais divers).
La requérante a obtenu du tribunal administratif décharge de l’obligation de payer à concurrence de 20 976 euros, le reste demeurant à sa charge. Elle se pourvoit en cassation, son pourvoi est rejeté. La commune forme un pourvoi incident qui est admis au fond.
Le juge devait d’abord se prononcer sur l’existence en l’espèce d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire. Il procède en deux temps, donnant une définition générique de la faute personnelle puis l’appliquant à l’espèce.
Selon le Conseil d’État, « Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. »
En l’espèce, comme relevé par les juges du fond, les faits reprochés au maire révélaient bien des préoccupations d'ordre privé et présentaient par suite le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions de l'intéressée comme maire de la commune de Villepinte.
Le juge devait ensuite se prononcer sur le quantum du préjudice.
Il estime, contrairement à la cour, et il a raison, qu’aucune faute de service n’existe qui pourrait venir en déduction de la charge de la réparation incombant au maire, celle-ci doit donc couvrir les entiers débours de la commune du fait de ses décisions illégales. Est donc réintégrée dans le montant des sommes dues par l’ancienne élue celle de 20 976 euros qui en avait été retranchée à tort par la cour.
La bagatelle filmée coûtera donc à l’ancienne premier magistrat de la cité de Villepinte 73 894 euros. C’est bien connu : le vedettariat a un prix !
(29 décembre 2021, Mme Nelly Roland, n° 434906)
Santé publique
231 - Inscription d’une spécialité sur la « liste en sus » (art. L. 162-22-7 c. séc. soc.) – Refus – Pertinence des comparateurs retenus – Intérêt pour la santé publique – Rejet.
La société requérante demande l’annulation de la décision interministérielle refusant d'inscrire sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, dite « liste en sus », la spécialité « Tecentriq 1200 mg (atezolizumab) (solution à diluer pour perfusion) » dans son extension d'indication en première ligne de traitement des patients adultes atteints d'un cancer bronchique à petites cellules (CBPC) au stade étendu, en association au carboplatine et à l'étoposid.
En principe, l'inscription de certaines spécialités sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale permet leur prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation prises en charge dans le cadre de forfaits de séjour et de soins établis par groupe homogène de malades, afin de favoriser l'accès aux traitements innovants et coûteux.
C’est pourquoi il a été prévu qu'une spécialité peut être inscrite sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 précité en dépit d'une amélioration mineure du service médical rendu (ASMR) si l'indication considérée présente un intérêt de santé publique et en l'absence de comparateur pertinent.
Est également prévue l'inscription d'une spécialité sur cette liste en dépit d'une ASMR mineure ou absente lorsque ses comparateurs pertinents sont déjà inscrits sur la liste afin que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription de spécialités directement substituables, compte tenu de leur place dans la stratégie thérapeutique, ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier.
La société requérante soutient que ces dispositions font obstacle à l'inscription d'une spécialité dont le comparateur pertinent n'est pas susceptible d'être inscrit. Le juge rejette cet argument car cette spécialité peut être inscrite dès lors qu’elle présente une amélioration du service médical rendu au moins de niveau modéré.
Elle soutient également que ces dispositions méconnaissent l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme, ce que réfute le juge, estimant que la notion de comparateur pertinent est bien précisée au II de l'article R. 162-37-3 du même code.
Enfin, répondant au moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des dispositions du 3° du I de l'article R. 162-37-2 du code de la sécurité sociale, il est jugé qu’il résulte de l’art. R. 162-37-3 précité que les ministres peuvent apprécier l'amélioration du service médical rendu de la spécialité en s'appuyant sur une comparaison avec tous les comparateurs pertinents, au regard des connaissances médicales avérées, que sont les médicaments, les produits, les actes et les prestations, qu'ils soient utilisés isolément ou constituent un traitement composite, et sans que la circonstance qu'un tel traitement ne soit pas susceptible d'être inscrit sur la « liste en sus » fasse obstacle à ce qu'il soit identifié comme un comparateur pertinent.
Concernant le choix des comparateurs pertinents, les ministres n'ont entaché leur décision d'aucune illégalité ni ne l'ont insuffisamment motivée en tenant compte, pour fonder leur appréciation, des mêmes comparateurs cliniquement pertinents que ceux retenus par la commission de la transparence. Ils n’ont pas, non plus, commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant, comme comparateurs pertinents du protocole faisant appel à Tecentriq, qui comporte d'abord une phase d'induction l'associant avec une chimiothérapie combinant carboplastine et étoposide puis une phase d'entretien avec Tecentriq seul, les protocoles de chimiothérapie seuls retenus comme comparateurs cliniquement pertinents par la commission de la transparence, qui font appel à une combinaison des médicaments génériques à base de cisplatine, de carboplatine ou d'étoposide, alors même qu'aucun de ces protocoles ne comporte de phase d'entretien après la phase d'induction.
Il s’ensuit que la décision n’est pas entachée d’illégalité puisque, d’une part, la spécialité Tecentriq présentait une amélioration du service médical rendu mineure et, d’autre part, les comparateurs pertinents retenus ne figuraient pas eux-mêmes sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale.
Enfin, la société requérante ne peut pas soutenir qu’est irrégulier l'autre motif de la décision attaquée, par lequel les ministres ont écarté l’existence d’un intérêt de santé publique, dès lors que, comme indiqué plus haut, la spécialité Tecentriq disposait de comparateurs pertinents car l’existence d'un intérêt de santé publique n'est de nature à permettre l'inscription d'une spécialité sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 précité qu'en l'absence de comparateur pertinent.
(30 décembre 2021, Société Roche, n° 448464)
(232) V. aussi, rejetant le recours dirigé contre la décision implicite rejetant une demande, présentée le 4 décembre 2019, d'inscrire la spécialité MEPSEVII 2 mg/ml, solution à diluer pour perfusion, sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, ainsi que la décision de rejet de son recours tendant au réexamen de cette décision et à l'inscription de la spécialité litigieuse : 30 décembre 2021, SAS Ultragenyx France, n° 449368.
233 - Produit de santé – Institution d’un prix maximal de vente aux établissements de santé – Renvoi préjudiciel à la CJUE.
Le Conseil d’État était saisi d’un recours dirigé contre le décret n° 2020-1437 du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente d'un produit de santé aux établissements de santé.
Examinant le moyen tiré de la contrariété de ce texte au droit de l’Union, spécialement à l'article 4 de la directive 89/105/CEE, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, le juge opère un renvoi préjudiciel à la CJUE. Ce renvoi pose la question de savoir « l’art. 4 doit être interprété en ce sens que la notion de " blocage des prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments" s'applique à une mesure dont la finalité est de contrôler les prix des médicaments mais qui concerne uniquement certains médicaments pris individuellement, et n'a pas vocation à s'appliquer à tous les médicaments, ni même à certaines catégories d'entre eux et alors que les garanties que cet article attache à l'existence d'une mesure de blocage telle qu'il la définit apparaissent, pour une telle mesure, dépourvues de portée ou d'objet. »
(30 décembre 2021, Syndicat Les Entreprises du médicament, n° 449049)
(234) V. aussi, le rejet du recours du même syndicat tendant à voir annuler la décision de rejet implicite de sa demande d'abrogation des dispositions du a) du 11° de l'article 1er du décret n° 2020-1090 du 25 août 2020 portant diverses mesures relatives à la prise en charge des produits de santé en tant qu'elles modifient le I de l'article R. 163-5 du code de la sécurité sociale pour introduire un renvoi « à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ». Cette modification a pour objet de décider que les motifs de refus énoncés à l'article R. 163-5 du code de la sécurité sociale pour l'inscription des spécialités sur la liste établie en vue de leur prise en charge ou leur remboursement par les caisses d'assurance maladie lorsqu'elles sont dispensées en officine, peuvent s'appliquer, notamment, à l'inscription sur la liste établie par le ministre chargé de la santé et le ministre chargé de la sécurité sociale des produits agréés, sur le fondement de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, pour l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation des spécialités pharmaceutiques par les collectivités publiques : 30 décembre 2021, Syndicat Les Entreprises du médicament, n° 450193
Service public
235 - Ingénieur de l'agriculture et de l'environnement - Agent de l'Office national des forêts (ONF) - Prise en compte de l'ancienneté de l'agent - Détermination de son éventuelle qualité d'agent public - Établissement public industriel et commercial (EPIC) exerçant des missions de service public administratif - Erreur de droit - Annulation et renvoi sur ce point.
(8 décembre 2021, Mme A., n° 432608 ; Ministre de l'agriculture, n° 432686, jonction)
V. n° 157
236 - Enseignement supérieur - Diplômes nationaux - Système européen d'unités d'enseignement capitalisables et transférables (crédits-ECTS) - Hypothèse de changement d'établissement avec poursuite des études antérieures - Licence - Régime applicable - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Tirant toutes les conséquences du principe de capitalisation appliqué dans le cadre du système européen de crédits (dits crédits-ECTS), il est jugé ici, à propos d'une étudiante en licence de psychologie, que l'étudiant qui change d'établissement pour poursuivre son cursus dans une même formation, conserve définitivement le bénéfice de ceux des crédits qui lui ont été délivrés dans l'établissement d'origine et ne doit donc valider que le nombre de crédits qui lui manque pour l'obtention de son diplôme.
La même solution s'applique aux crédits acquis au titre des semestres précédents par un étudiant ajourné qui poursuit son cursus dans une même formation et dans le même établissement, y compris dans le cas où cet établissement modifie entretemps le programme pédagogique de ce cursus ainsi que les crédits-ECTS attribués à chaque composante des unités d'enseignement qui le constituent.
(8 décembre 2021, Mme O., n° 434541)
237 - Avis de droit - Enseignement supérieur - Diplôme de master - Possibilité de parcours-types de formation différents pour un master accrédité au titre d'un domaine et d'une mention donnés - Parcours types pouvant concerner la seule seconde année de master - Faculté d'accès en seconde année d'un parcours-type ouverte à tout étudiant ayant obtenu sa première année de master sauf répartition différenciée dès la première année.
Saisi du recours d'un étudiant s'étant vu refuser l'admission en deuxième année de Master mention « psychopathologie clinique psychanalytique’, parcours « psychologies et psychopathologies cliniques », le tribunal administratif de Lyon, usant de la procédure du rescrit instituée à l'art. L. 113-1 du CJA, sous le nom d' « avis de droit », a soumis plusieurs questions au Conseil d'État.
Pour techniques qu'elles paraissent ces interrogations sont récurrentes dans le Landerneau universitaire et traduisent le mal-être français en matière de sélection/non-sélection dans l'accès aux études supérieures ou au cours de celles-ci. Se tenant à un entre-deux délicat, les juges du Palais-Royal décident ceci en se fondant uniquement sur des textes de droit interne sans aucune référence aux textes européens (formant le "processus de Bologne") qui sont pourtant la cause exclusive de l’existence du mécanisme en cause.
D'une part, les établissements d'enseignement supérieur peuvent instituer, pour un même master accrédité, des parcours-types de formation différents qui conduisent cependant dans tous les cas à la délivrance du même diplôme de master, relevant du même domaine et comportant la même mention.
D'autre part, les parcours-types peuvent, le cas échéant, ne concerner que la seconde année du master. En principe, dans ce cas, tout étudiant ayant réussi la première année de formation de ce master accède de droit aux différents parcours-types existant en seconde année. Il en va en particulier ainsi lorsqu'un seul l'un des parcours-types de deuxième année de ce master est de nature à permettre aux étudiants diplômés de satisfaire les conditions pour être autorisés à faire usage d'un titre professionnel.
Toutefois, il en va différemment lorsque l'admission des étudiants en première année d'un master dépend des capacités d'accueil de l'établissement et est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat et qu'il a d'ores et déjà été procédé à une répartition, entre les deux parcours-types, des étudiants autorisés à suivre la formation de ce master.
(8 décembre 2021, M. C., n° 449272)
238 - Enseignement supérieur - Procédure de recrutement des enseignants - Pouvoirs du comité de sélection et du conseil académique - Motif erroné d'interruption de la procédure - Annulation et injonction de la reprendre si le recrutement initialement envisagé est retenu.
Le juge décide, et c'est là l'apport principal de la décision, qu'il est toujours possible au conseil académique d'une université, s'il relève l'existence d'une irrégularité de nature à entacher la délibération par laquelle le comité de sélection arrête la liste, classée par ordre de préférence, des candidats qu'il retient, le plaçant ainsi dans l'impossibilité de proposer le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence, de décider de ne pas donner suite à une procédure de recrutement d'un enseignant-chercheur.
En revanche, en l'espèce, la suspension décidée l'a été à tort dans la mesure où elle est fondée sur ce que la décision du comité de sélection pourrait être suspectée d'être fondée sur une discrimination en fonction de l'âge alors qu'il ressortait du courrier électronique litigieux que le comité de sélection s'était fondé à titre principal sur l'insuffisance de l'investissement du candidat dans des responsabilités pédagogiques et administratives, et que ni ce motif, ni, à la supposer établie, l'orientation générale du comité de sélection consistant à privilégier le recrutement de jeunes enseignants-chercheurs, n'étaient de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination. La décision de suspension est annulée.
Il est fait injonction à l'université, si elle désire poursuivre l'opération de recrutement, de reprendre sous deux mois la procédure interrompue et au stade où elle l'a été.
(8 décembre 2021, M. D., n° 436191)
239 - Enseignement supérieur – Création à titre expérimental d’une « université de Paris » composée de deux seulement des universités parisiennes – Risque de confusion et d’erreur – Erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la dénomination – Annulation sur ce point.
Le décret du 20 mars 2019 portant création de l'université de Paris et approbation de ses statuts est annulé en tant qu'il confère à l'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel expérimental qu'il crée la dénomination « université de Paris ». Celle-ci, qui reprend la dénomination de l'université créée à Paris au XIIème siècle et de l'université fondée en 1896 pour regrouper, notamment, la faculté des sciences, la faculté des lettres, la faculté de droit et la faculté de médecine et qui a subsisté jusqu'à la loi du 12 novembre 1968, est de nature, alors qu’elle ne comporte fusion que de deux seulement des universités parisiennes, à induire en erreur les étudiants, les partenaires français et étrangers des universités parisiennes et plus généralement le grand public, cette dénomination laissant entendre que ce nouvel établissement est l'unique successeur de l'ancienne université de Paris et, en outre, qu'il est la seule université pluridisciplinaire.
(29 décembre 2021, Université Paris-II Panthéon-Assas, n° 434489)
240 - Nomination du Directeur de l'Institut d'études politiques de Paris - Désignation concomitante comme administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) - Référé suspension - Absence d'atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts du requérant - Défaut d'urgence - Rejet de la demande de suspension.
Le requérant sollicitait la suspension de l'exécution de la décision du président de la république nommant M. Mathias Vicherat, directeur de Sciences-Po Paris et de celle de la ministre de l'enseignement supérieur le nommant subséquemment administrateur de la FNSP. Ayant obtenu une voix lors des scrutins de désignation, il invoquait au soutien du recours à la procédure d'urgence que constitue le référé suspension, l'atteinte grave et immédiate à sa réputation et à sa situation professionnelle puisqu'il est définitivement privé d'accéder au poste de directeur de Sciences-Po ainsi que le trouble à l'intérêt public pouvant résulter de l'annulation de ces désignations lorsque le juge statuera au fond. Aucun de ces éléments ne permet de constater l'atteinte invoquée et, par suite, l'urgence qu'il y aurait à statuer.
(ord. réf. 15 décembre 2021, M. Olivier Faron, n° 458964)
(241) V. aussi, identique : ord. réf. 15 décembre 2021, M. Olivier Faron, n° 459236.
242 - Service public de l’aide à personne et de l’aide médicale urgente – Interventions successives d’un SDIS (service de départemental d’incendie et de secours), du SAMU (service d’aide médicale urgente) et d’une SMUR (structure mobile d’urgence et de réanimation) – Détermination de la prise en charge des frais – Régime.
Cette décision s’inscrit dans un contexte récurrent de controverses sur la détermination de la charge des frais engendrés par une opération de secours à personne et d’aide médicale.
Dans de très nombreuses situations, l’intervention des secours débute par la venue du SDIS sur les lieux puis, selon l’état des personnes, celle du SAMU voire d’une SMUR.
L’imbrication de ces diverses étapes rend malaisé de savoir qui, en définitive, doit payer les coûts liés à ces actions. Par exemple, lorsqu’un SDIS, estimant être parvenu aux limites de sa compétence technique dans tel cas, fait appel à une SMUR vers laquelle la victime est transportée, le coût du transport, souvent très élevé lorsqu’il s’effectue par hélicoptère, est-il à la charge du premier ou du second intervenant ?
La complexité croît lorsque l’on passe de deux à trois structures d’intervention et cela d’autant plus que sont cumulativement applicables en ces cas les dispositions du code de la santé publique, de celui de la sécurité intérieure ainsi que du code général des collectivités territoriales, dont on imagine sans peine qu’ils poursuivent, chacun, des finalités et comportent en conséquence des objectifs assez différents.
Le Conseil d’État est déjà intervenu à plusieurs reprises pour fixer les règles du jeu (v., par ex., dans la jurisprudence récente, 18 mars 2020, SDIS des Alpes-Maritimes c/ CHU de Nice, n° 425990) sans que le contentieux diminue…
Cette décision est donc l’occasion de préciser à nouveau les règles applicables telles que les détermine la jurisprudence.
En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des art. 1424-2 et 1424-42 du CGCT, L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, L. 6311-1, L. 6311-2, R. 6311-1, R. 6311-2, R. 6312-15 et D. 6124-12 du code de la santé publique que les SDIS ne doivent supporter la charge que des seules interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du CGCT, au nombre desquelles figurent celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes.
Lorsque les interventions des SDIS ne relèvent pas directement de l'exercice de leurs missions de service public elles peuvent donner lieu à une participation aux frais de celles des personnes qui en sont bénéficiaires, dont ces services déterminent eux-mêmes les conditions.
En deuxième lieu, s’agissant des services d’aide médicale urgente, les dispositions susrappelées font obligation, d’une part aux SDIS, d’assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état et d’autre part, à cette fin, au centre de réception et de régulation des appels, dit « centre 15 », installé dans ces services, de déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, le cas échéant en organisant un transport sanitaire d'urgence faisant appel à une entreprise privée de transport sanitaire ou, au besoin, aux SDIS.
Les interventions qui, dans ce cadre, ne relèvent pas de l'article L. 1424-2 du CGCT, sont effectuées par les SDIS à la demande du centre 15, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, font l'objet d'une prise en charge financière par l'établissement de santé siège des services d'aide médicale d'urgence, dans des conditions fixées par une convention conclue entre le SDIS et l'établissement de santé et selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale. Il importe ici de distinguer cette convention de celle que prévoit l'article D. 6124-12 du code de la santé publique en cas de mise à disposition de certains moyens.
Il suit de là que dans le cas de l’espèce, c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a jugé :
- d’une part, que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 du CGCT doivent dans ces conditions être regardées comme régissant l'ensemble des conditions de prise en charge financière par les établissements de santé d'interventions effectuées par les SDIS à la demande du centre de réception et de régulation des appels lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 de ce code auxquelles ces établissements publics sont tenus de procéder et dont ils supportent la charge ;
- d’autre part, qu’il convient de déduire de ce qui précède que les SDIS ne peuvent demander, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du même code, une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération de leur seul conseil d'administration, aux établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence.
Il reste à espérer que ces clarifications opportunes contribueront à réduire sinon à tarir un contentieux irritant par sa persistance et par sa motivation.
(30 décembre 2021, CHU de Bordeaux, n° 443335)
Sport
243 - Police des manifestations sportives - Réglementation du déplacement de supporters lors de rencontres sportives - Risques forts de troubles sérieux - Mesures d'interdiction ne portant pas d'atteinte grave et manifestement illégale à diverses libertés fondamentales - Rejet.
(ord. réf. 4 décembre 2021, Association nationale des supporters, n° 459088 et n° 459130)
V. n° 196
Urbanisme
244 - Liste des obligations financières mises à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire - Caractère limitatif (art. L. 332-6 et L. 332-6-1 c. urb.) - Dispositions d'ordre public - Accord amiable contraire frappé de nullité - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit l'arrêt d'appel qui juge possible la cession à titre gratuit à une commune, par le bénéficiaire d'une autorisation de construire, d'une parcelle en vue de la réalisation de travaux dès lors qu'elle repose non sur les dispositions du e) du 2° de l'art. L. 332-6-1 du code de l'urbanisme - dispositions déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel (cf. n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010) -, mais sur un accord amiable.
En effet, l'énumération figurant aux art. L. 332-6 et L. 332-6-1 c. urb. est strictement limitative et d'ordre public, d'où il suit que toute stipulation contractuelle y dérogeant est entachée de nullité.
(8 décembre 2021, Société Zohra, n° 435492)
245 - Permis de construire - Intérêt à agir contre ce permis - Voisins immédiats - Atteinte à l'intimité - Qualification inexacte des faits - Annulation avec renvoi.
Qualifie inexactement les faits de l'espèce le magistrat qui dénie l'existence d'un intérêt à agir contre un permis de construire au bénéfice de requérants qui sont voisins immédiats de la construction et font état des nuisances sonores inhérentes au projet consistant à démolir une grange pour y construire une maison d'habitation et de ce que cette construction entraînerait, pour eux, « une importante perte d'intimité » en tant, notamment, que les futurs occupants auraient une vue directe sur leurs propres habitations.
(8 décembre 2021, M. E. et autres, n° 441893)
246 - Mise en demeure de payer la taxe d'aménagement et une redevance d'archéologie préventive - Demande d'annulation des titres exécutoires - Prescription des titres - Rejet.
L’administration fiscale, se fondant sur les dispositions des art. L. 331-21 et L. 331-24 du code de l’urbanisme, a émis les 5 et 6 décembre 2016, deux titres de perception pour avoir paiement de la taxe d'aménagement due par une société, puis, à défaut de leur règlement elle l’a, par courrier du 16 février 2017, mise en demeure de payer les première et deuxième échéances de cette taxe.
La société a formé le 9 mars 2017un recours auprès de la direction régionale des finances publiques afin d'obtenir la décharge de ces impositions et, ayant essuyé un refus, a saisi le tribunal administratif qui a annulé les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016, les mises en demeure de payer du 16 février 2017 ainsi que la décision implicite rejetant la réclamation préalable formée par la société le 9 mars 2017 et a déchargé cette dernière, notamment, de l'obligation de payer la somme mise à sa charge au titre de la taxe d'aménagement. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoit en cassation, dans cette mesure, contre ce jugement.
Il résulte des dispositions de l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme, et en l'absence de toute autre disposition applicable, que le délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise est interrompu, notamment, à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception émis sur le fondement de l'article L. 331-24 du même code en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement a été présenté à l'adresse du contribuable.
En l’espèce, c’est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que la société contribuable était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription du délai de reprise prévu par l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme qui s'est achevé en l'espèce le 31 décembre 2016, au motif qu'elle n'avait reçu les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016 que le 12 janvier 2017, alors qu'il ne ressortait d'aucune pièce versée au dossier de première instance que la date de cette réception du pli contenant ces titres n'aurait pas été celle de sa première présentation à l'adresse de la société.
(6 décembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 438975)
(247) V. aussi, à propos de ces mêmes taxe et redevance pour omission de réponse à moyen : 6 décembre 2021, Société Barca Investissements, n° 439700.
(248) V. encore, concernant également ces mêmes taxes et redevances, annulant un jugement estimant régulier le refus par l'administration de communiquer à l'intéressé, sur sa demande et préalablement à l'émission des titres de perception litigieux, le procès-verbal de constat d'infraction pour construction sans permis, motif pris de ce que cette pièce était couverte par le secret de l'enquête et de l'instruction en vertu des dispositions de l'art. 11 du code de procédure pénale. Cette solution est entachée d'erreur de droit, les dispositions des art. L. 331-6, L. 331-20 et L. 331-22 du code de l'urbanisme entrant dans les exceptions énoncées à l'alinéa 2 de l'art. 11 du CPP : 10 décembre 2021, M. J., n° 431472.
249 - Plan d'urbanisme - Réglementation en matière de logements (art. L. 123-2 c. urb.) - Objectif de mixité sociale - Résidence services (code de la construction et del'habitation) - Notion - Rejet.
Des personnes physiques et des personnes morales qui ont demandé en vain en première instance et en appel, l'annulation d'un arrêté municipal délivrant un permis de construire un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et une « résidence services seniors », se pourvoient en arguant de la violation par cette décision de dispositions du code d'urbanisme et du plan local d'urbanisme.
L'essentiel du débat portait sur la qualification juridique de l'opération.
D'une part, concernant la maison de retraite, il n'était pas douteux que celle-ci entre dans la catégorie des « constructions nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » pour laquelle l'art. R. 123-9 c. urb. prévoit que des règles particulières peuvent être applicables à leurs constructions et à leurs installations.
D'autre part, s'agissant de la résidence pour seniors, il était soutenu que les dispositions prétendument non respectées concernaient principalement la réglementation relative aux logements.
Précisément, la nature de « logements » d'une résidence pour seniors pouvait être discutée et d'ailleurs la cour administrative d'appel y avait vu des « hébergements », donc non assujettis aux règles prévues pour les logements.
Le Conseil d'État confirme l'absence d'erreur de droit dans cette analyse en se fondant sur plusieurs dispositions du code de la construction et de l'habitation (notamment les art. L. 631-13, L. 631-15, L. 631-16 et D. 631-27) qui définissent un résidence services comme celle permettant « à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables, précisés dans le contrat de location notamment lorsque le gérant de ces services est également le bailleur, et qui sont l'accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs, la mise à disposition d'un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d'assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et à la surveillance des biens, et le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés. Les occupants peuvent en outre souscrire des services spécifiques individualisables auprès de prestataires. »
En l'espèce, le permis de construire a été accordé pour une résidence services seniors de 15 appartements T2, dont les 8 de l'étage sont transformables en une unité de vie de 16 lits rattachés à l'EHPAD mitoyen et ainsi, uniquement destinée à des personnes âgées, cette résidence assurera donc des services communs destinés à répondre aux besoins de cette catégorie de population.
Une telle résidence relève ainsi, comme jugé en appel, d'une vocation d'hébergement et non de logement au sens des dispositions du plan local d'urbanisme, alors même que la cour a pris appui, pour opérer cette qualification, sur les dispositions d'un arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme postérieur à l'édiction du plan local d'urbanisme de la commune.
(13 décembre 2021, M. et Mme O. et autres, n° 443815 ; SCI Les Prés Briard et autres, jonction)
250 - Permis de construire - Appréciation de l'intérêt à agir - Affichage en mairie - Invocation d'une « circonstance particulière » justifiant une appréciation de l'intérêt à agir à une autre date que celle de l'affichage du permis en mairie - Requérant ayant acquis le terrain voisin postérieurement à la délivrance du permis - Recours irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.
Est irrecevable le recours dirigé contre un permis de construire introduit par un requérant qui n’est devenu propriétaire d'un terrain voisin de celui servant d'assiette à la construction autorisée qu'après la délivrance dudit permis, régulièrement affiché en mairie, sans que puisse constituer une »circonstance particulière » au sens et pour l'application de l'art. L. 600-1-3 c. urb. l'allégation que le recours ne tendait qu'à préserver les intérêts de son auteur et à permettre de mener à son terme son propre projet.
(13 décembre 2021, Société Ocean's Dream Resort, n° 450241)
251 - Permis de construire - Recours d'un voisin - Qualité donnant intérêt à agir - Procédure judiciaire de désenclavement - Tracé de la servitude incompatible avec le projet de construction - Condition de vicinalité jugée non satisfaite - Qualification inexacte des faits - Annulation avec renvoi.
En refusant de reconnaître dans la situation du requérant l'existence d'éléments suffisant à justifier de son intérêt pour agir en qualité de voisin immédiat d'un projet de construction, un tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de l'espèce car le requérant démontrait avoir engagé une procédure judiciaire de désenclavement de sa parcelle, immédiatement voisine de celle du projet, et que la construction projetée nuirait à la réalisation du tracé de la servitude envisagée à cette fin, lequel était contraint par la configuration du terrain.
(23 décembre 2021, M. B., n° 448001 et n° 448422)
252 - Permis de construire - Communes en tension entre offre et demande de logements - Dispositions contentieuses dérogatoires et donc de droit étroit - Tribunal administratif statuant en premier et dernier ressort - Exceptions - Renvoi à la cour administrative d'appel.
Afin d'accélérer le jugement des contentieux d'urbanisme nés dans la commune où existe une tension forte entre offre et demande de logements, l'art. R. 811-1 du CJA a prévu que le tribunal administratif statue en ce domaine en premier et dernier ressort sous réserve d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.
Parce que cette disposition déroge au droit commun instituant une voie d'appel en cour administrative d'appel contre les jugements des tribunaux administratifs, elle est d'interprétation stricte.
La dérogation ne s'applique, juge dans cette affaire - importante pour ce motif - le Conseil d'État, « ni aux jugements statuant sur des recours formés contre des refus d'autorisation, ni aux jugements statuant sur des recours formés contre des décisions de sursis à statuer. »
Le litige est renvoyé à la cour administrative d'appel.
(15 décembre 2021, Commune de Venelles, n° 451285)
253 - Contentieux de l'urbanisme - Application de l'art. L. 600-5-2 c. urb. et litige d'appel - Obligation pour le premier juge de transmettre au juge d'appel le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis modificatif faisant suite à un jugement d'annulation - Renvoi du litige à la cour administrative d'appel.
Lorsque le juge d'appel est saisi d'un appel contre un jugement d'un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l'existence d'un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu'un permis modificatif visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d'appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis lui a été communiqué ainsi qu'aux parties.
Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre ce permis devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre (cf. art. R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 CJA), à la cour administrative d'appel saisie de l'appel contre le jugement relatif au permis initial.
Cette jurisprudence innovante et simplificatrice doit être saluée même si l'art. L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, qui se voulait simplificateur lui aussi, a trompé manifestement les espoirs mis en lui par ses auteurs.
(15 décembre 2021, SCCV Viridis République, n° 453316)
254 - Permis de construire et permis de construire modificatif - Incomplétude, imprécisions ou inexactitudes entachant les documents exigés pour la demande de permis de construire - Situation de nature à fausser l'appréciation portée sur la demande par l'autorité administrative - Erreur de droit - Annulation du refus d'annuler le permis.
Rappel de ce que la circonstance qu'un dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions des articles R. 431-4 à R. 431-12 du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
En l'espèce, où les documents comportaient des indications contradictoires sur l'abattage de trente-huit arbres et leur remplacement par vingt-six autres ainsi que des éléments d'impossibilité quant à l'emplacement de certains d'entre-eux, l'autorité administrative n'a pas été mise en mesure de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur le respect des dispositions des articles UC 13.4 et UC 13.5 du règlement du plan local d'urbanisme imposant, d'une part, le remplacement de la totalité des arbres abattus et, d'autre part, qu'un minimum de 50 % de la surface au sol de la parcelle soient traités en espaces verts.
En jugeant le contraire, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier : son arrêt est cassé en vue que soit correctement repris ce dossier.
(23 décembre 2021, M. X. et autres c/ Commune du Mesnil-Esnard, n° 448360)
255 - Urbanisme et aménagement commercial – Permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale – Étendue du pouvoir d’injonction du juge administratif – Annulation partielle.
Il faut retenir notamment de cette décision qui aborde plusieurs points de l’intarissable et nourri contentieux de l’urbanisme commercial, le rappel qu’en cas d’annulation de la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, le juge administratif peut, en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial sans que puisse faire échec à ce pouvoir d’injonction la circonstance que cette commission est chargée par l'article R. 752-36 du code de commerce d'instruire les recours dont elle est saisie.
(22 décembre 2021, Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), n° 442095 ; Société Rukim, n° 442969, jonction)
256 - Permis de construire un parc éolien – Annulation contentieuse – Demande de permis de construire devant être soumise à enquête publique – Silence gardé par l’administration – Délai de naissance d’un refus tacite – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.
Il se déduit des dispositions des articles L. 421-19 et R. 421-18 du code de l’urbanisme que le silence gardé par l'administration, après l'annulation d’un permis de construire par un tribunal administratif, sur la demande relative au permis de construire, soumis à une enquête publique au titre du décret du 23 avril 1985, fait naître un refus tacite à l'expiration du délai de cinq mois fixé par l'article R. 421-18 du code de l'urbanisme.
En effet, lorsqu'il résulte des dispositions législatives ou réglementaires applicables que le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande d'autorisation ou sur une déclaration pouvant donner lieu à une opposition de la part de l'administration fait naître, à l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer, une décision implicite de rejet, le silence gardé par l'administration, à nouveau saisie de la demande par voie de conséquence du retrait ou de l'annulation de l'autorisation, fait naître une décision implicite de rejet à l'expiration du délai prévu par les dispositions applicables, à compter de la notification de l'annulation au pétitionnaire.
Toutefois, si l'intéressé confirme sa demande dans ce délai, un nouveau délai, de même durée, court à compter de cette confirmation, au terme duquel naît une décision implicite de rejet si l'administration ne s'est pas prononcée dans ce nouveau délai.
On peut trouver que, par suite des textes tels qu’ils sont, les méandres du raisonnement sont un peu complexes.
(30 décembre 2021, M. I., n° 430603)
257 - Urbanisme et aménagement commercial – Compétence exceptionnelle de premier ressort des cours administratives d’appel – Régime transitoire – Effets et régime - Rejet.
« Il résulte de ces dispositions (art. L. 752-1 du code de commerce et L. 425-4 du code de l’urbanisme) que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Si, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, un projet a fait l'objet d'une décision d'une commission départementale d'aménagement commercial ou de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 et d'un permis de construire délivré, au vu de cette décision, après le 14 février 2015, seule la décision de la commission départementale ou de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale ayant déjà été accordée, le permis de construire ne peut alors faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. »
(30 décembre 2021, Société Marc’h Gili, n° 431129)
258 - Permis de construire une résidence intergénérationnelle – Insertion du projet dans une ZAC – Appréciation de la compatibilité du projet avec une orientation d’aménagement et de programmation prévoyant la création d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – Prise en compte des éléments concrets et non théoriques du projet – Erreur de droit et qualification inexacte des faits – Annulation.
Des voisins du projet de construction d’une résidence intergénérationnelle pour jeunes adultes et personnes âgées implantée dans une ZAC, ont demandé l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire délivré à cet effet par le maire de la commune de Lavérune à la société Kalithys ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux.
Ce permis et ce rejet ont été annulés par le tribunal administratif. La commune et la société se pourvoient.
Le plan local d'urbanisme a défini, dans le périmètre de cette ZAC où est implanté le projet querellé, une orientation d'aménagement et de programmation comportant notamment la réalisation d'« équipements publics (notamment EHPAD) », tandis que le plan de composition de l'orientation d'aménagement et de programmation identifie les environs du terrain d'assiette du projet en litige comme devant accueillir un « équipement public ».
Le tribunal administratif a jugé que ce projet contrariait la réalisation des objectifs poursuivis par cette orientation et qu’il était donc incompatible avec cette dernière car, au regard des dispositions de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, il ne relevait pas de la même sous-destination de construction, prévue par cette orientation, « équipements d'intérêts collectifs et services publics, qu'un EHPAD. D’évidence, il incombait au juge du fond de rechercher non pas en termes théoriques et abstraits mais au regard des caractéristiques concrètes du projet ainsi que des termes de l'orientation d'aménagement et de programmation, si ce dernier contrariait la réalisation des objectifs poursuivis par cette orientation. L’erreur de droit est patente.
Au reste, le projet litigieux crée une résidence intergénérationnelle de quatre-vingt-dix-neuf logements, dont soixante-deux ont vocation à accueillir des personnes âgées, qui inclut des espaces collectifs et dont la gestion sera confiée à une association spécialisée dans la gestion de résidences pour personnes âgés et qui est autorisée à fournir des services d'aide à domicile, notamment aux personnes âgées. Tous ces éléments permettent la compatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement et de programmation de la ZAC qui poursuivait notamment un objectif de développement d'une offre de logements adaptée aux personnes âgées en situation de dépendance : en l’ignorant, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
(30 décembre 2021, Commune de Lavérune et société Kalithys, n° 446763 et n° 446766)
259 - Autorisation d’urbanisme – Mise à la charge du bénéficiaire du coût des équipements propres à son projet – Équipements excédant notablement les besoins du projet – Coût ne pouvant, même partiellement, être mis à la charge du bénéficiaire de l’autorisation – Erreur de qualification juridique des faits – Annulation.
L’art. L. 332-6 du code de l’urbanisme permet de mettre à la charge des bénéficiaires d’autorisations de construire le coût des équipements publics propres (sur cette notion, cf. art. L. 332-15 de ce code) au projet. En revanche, lorsque des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des « équipements propres » au sens de l'article L. 332-15 précité, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d'urbanisme, d'affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction.
En l’espèce, est cassé l’arrêt d’appel qui avait considéré comme constituant un équipement propre car construite dans le but de desservir les seules constructions autorisées par le permis de construire, la voie réalisée par la société Ranchère alors que celle-ci dessert une route départementale et préfigure, par son tracé comme par ses caractéristiques en termes de largeur et d'aménagements, une « voie primaire structurante », prévue dans le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme pour permettre, une fois prolongée au sud, d'établir la liaison entre deux routes départementales.
La cour a donné des faits de l’espèce une qualification juridique erronée.
(30 décembre 2021, Société Ranchère, n° 438832)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Novembre 2021
Novembre 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non-contentieuse
1 - Militaire - Demande de remboursement d’indu et menace de retrait de l’indu sur la solde d’un militaire – Recours administratif préalable obligatoire -– Décision susceptible d’un recours de plein contentieux – Non-notification d’une décision expresse de rejet – Absence d’effet - Annulation et rejet.
La lettre par laquelle l'administration informe un militaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, cette somme sera retenue sur sa solde, est une décision susceptible de faire l'objet d'un recours de plein contentieux dont le délai de formation est de deux mois nonobstant l'absence de notification d'une décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire contre cette décision.
D’où l’erreur de droit commise par la cour administrative d’appel qui en avait conclu que le délai de recours contentieux n’avait pas commencé à courir.
(10 novembre 2021, Ministre des armées, n° 451462)
2 - Autorité de la concurrence – Demande de suspension en référé de l’instruction d’un dossier par cette Autorité – Projet d’acquisition de Métropole Télévision – Phase de « pré-notification » engagée par ladite Autorité – Mesure à caractère préparatoire – Rejet.
(12 novembre 2021, SAS Free et S.A. Iliad, n° 458273)
V. n° 9
3 - Communication des documents administratifs - Registre de contention et d'isolement et Rapport annuel rendant compte des pratiques de contention et d'isolement dans un centre hospitalier – Documents communicables – Rejet.
L’établissement requérant demandait l’annulation du jugement ordonnant, à la demande de l’association « Commission des citoyens pour les droits de l’homme » (CCDH), la communication d'une copie du registre de contention et d'isolement de l'établissement correspondant à l'année 2017 et du rapport annuel établi pour cette même année.
Le pourvoi est rejeté en raison de ce que, contrairement à ce qui était soutenu par l’établissement défendeur, les dispositions de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, qui prévoient, d'une part, que le registre de contention et d'isolement doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires et, d'autre part, que le rapport annuel rendant compte de ces pratiques est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance de l'établissement, n'ont ni pour objet ni pour effet de soustraire ces documents aux règles du code des relations entre le public et l'administration régissant le droit d'accès aux documents administratifs telles qu’énoncées aux art. L. 311-1, L. 311-5, L. 311-6 et L. 311-7 de ce code. Simplement, doivent être occultés avant communication les noms des patients et des soignants figurant, le cas échéant, dans l’un ou l’autre de ces deux documents.
(18 novembre 2021, Centre hospitalier Sainte-Marie de Privas, n° 442348)
4 - Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) - Clôture d'une plainte - Absence d'erreur manifeste d'appréciation - Rejet.
C'est sans erreur manifeste d'appréciation que la CNIL « a clôturé la plainte dont elle était saisie par les requérantes en se fondant notamment sur les échanges intervenus entre ces dernières et le docteur K. et sur une conversation téléphonique que ses services ont eue avec celui-ci. Il ressortait de ces éléments, d'une part, que ce médecin estimait que le dossier médical de la mère des requérantes, par ailleurs saisi dans le cadre d'une procédure pénale qui a donné lieu à un classement sans suite en l'absence de lien de causalité avéré entre un acte médical dispensé à l'intéressée et son décès, ne contenait pas de données à caractère personnel qui permettraient aux requérantes de faire valoir leurs droits ou de connaître les causes de ce décès, d'autre part, que ce professionnel de santé a cessé d'être le médecin traitant de la mère des requérantes plus d'un an avant son décès et, enfin, que le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Drôme, que le docteur K. a consulté pour avis, lui a indiqué que le secret médical faisait obstacle à la communication du dossier médical demandé.
Dans ces conditions, eu égard à ses pouvoirs d'instruction et aux diligences qu'elle a accomplies, et alors au surplus que la demande d'accès formulée par les requérantes ne visait pas à l'organisation et au règlement de la succession de la défunte, dont il n'est pas allégué qu'elle aurait établi de son vivant des directives sur la communication de ses données à caractère personnel (...) ».
(18 novembre 2021, Mmes I., J. et H., n° 448729)
5 - Circulaire du ministre de l'intérieur - Acte pris en qualité de chef de service - Acte de nature réglementaire - Inapplicabilité de dispositions du code des relations du public avec l'administration (CRPA) - Rejet.
Le requérant contestait la légalité d'une circulaire du 27 juillet 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a précisé les différentes modalités de mise en œuvre des changements de subdivision d'arme vers la gendarmerie départementale des gradés et gendarmes servant dans la gendarmerie mobile.
Il invoquait en particulier le non respect des dispositions du CRPA réputant abrogées les instructions et circulaires qui n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret et en particulier l'article R. 312-7 de ce code prévoyant, d'une part, que les instructions ou circulaires qui n'ont pas été publiées sur l'un des supports prévus à cet effet ne sont pas applicables et que leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés et d'autre part, qu'à défaut de publication dans un délai de quatre mois à compter de leur signature, elles sont réputées abrogées.
Toutefois, et c'est là un apport important de cette décision, ces dispositions ne sont pas applicables aux circulaires qui comportent des dispositions à caractère réglementaire.
Or la circulaire litigieuse a été prise par le ministre en sa qualité de chef de service et revêt un caractère réglementaire.
Enfin, pour faire bonne mesure, le Conseil d’État relève qu'en réalité la circulaire attaquée a été publiée, dans le délai prévu, sur le site internet relevant du Premier ministre mentionné à l'article R. 312-8 du CRPA.
Le recours est rejeté.
(25 novembre 2012, M. G., n° 450258)
Audiovisuel, informatique, fichiers et technologies numériques
6 - Création d’une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision – Autorisation sous réserve donnée par l'Autorité de la concurrence – Critiques sur l’appréciation erronée par cette Autorité de divers éléments (définition du marché pertinent, analyse concurrentielle, marché de distribution de services de télévision, commercialisation de données, insuffisance des engagements pris) – Rejet.
Les requérantes demandaient, pour l’essentiel, l’annulation de la décision du 12 août 2019 de l'Autorité de la concurrence relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision. Laissant de côté les moyens de légalité externe, peu utiles ici, c’est l’examen des moyens de légalité interne qui retient l’attention.
Ceux-ci sont très nombreux (la décision comporte près de 60 000 caractères : plus de vingt pages d’un précis Dalloz ou Thémis…) et sont tous rejetés. Ils se regroupent ainsi : l’existence d’une « entreprise commune », la délimitation des marchés pertinents, l’analyse concurrentielle et les engagements pris.
En premier lieu, étaient soulevées les questions de savoir si la création de Salto - nom de l’entité née du rapprochement des trois sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision -, en tant qu’entreprise commune constituait une concentration au sens du II de l’art. L. 430-1 du code commerce et si l’Autorité de la concurrence avait correctement exercé son contrôle. La réponse est positive à la première question, le Conseil d’État estimant que Salto dispose des moyens nécessaires à l’exercice d’activités et au fonctionnement autonomes. Sur la seconde question, il est répondu en deux temps : 1° l’Autorité de la concurrence était tenue ici, d’une part, de délimiter les marchés pertinents, ce qui englobe les produits ou services offerts par l'entreprise résultant de la concentration et ceux d'autres entreprises, et considérés comme suffisamment substituables principalement du point de vue de la demande pour exercer sur elle une pression concurrentielle significative, et d’autre part, de caractériser les effets anticoncurrentiels de l'opération sur ces marchés ainsi que d’apprécier si ces effets étaient de nature à porter atteinte au maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés qu'elle affecte. 2° Cependant cette Autorité n’avait pas pour autant à analyser les effets de cette opération au regard des règles générales du droit de la concurrence et d’ailleurs une telle analyse ne s’imposait ni au regard des stipulations de l’art. 101 du TFUE ni à celui des art. L. 420-1 et L. 420-4 du code de commerce.
En deuxième lieu, s’agissant d’apprécier la correcte analyse par l’Autorité des marchés pertinents, le Conseil d’État était saisi de deux moyens.
Le premier moyen portait sur les marchés aval de la distribution de services de télévision, marchés sur lesquels se rencontrent distributeurs de services de télévision et téléspectateurs. Les quatre arguments développés par les requérantes sont rejetés : il n’y avait pas lieu pour l’Autorité de la concurrence de retenir une segmentation plus fine, ni non plus le marché de la distribution au détail de la télévision gratuite étant observé que la Commission européenne ayant renvoyé l’examen de ce dossier à l’Autorité de la concurrence cette dernière pouvait donc ne pas respecter complètement la pratique suivie en cette matière par la Commission ; cette Autorité n’avait pas davantage à segmenter le marché de la distribution de la télévision payante en fonction de la plateforme de distribution des chaînes, et à distinguer un marché spécifique de la distribution de télévision payante par l'intermédiaire d'Internet, en diffusion dite « over-the-top » (OTT). Ni non plus à délimiter un marché de la fourniture agrégée de contenus linéaires et non linéaires et de services associés audiovisuels en raison de la perméabilité croissante entre la télévision linéaire et non linéaire.
Le second moyen concernait les marchés relatifs à l'activité de commercialisation de données : il reprochait à l’Autorité de la concurrence d’avoir laissé ouverte la question de savoir si l'activité de Salto relative à la commercialisation de données de consommation de ses contenus audiovisuels devait être analysée dans le cadre d'un marché global des services de vente de données ou dans le cadre d'un marché spécifique de la commercialisation de données relatives à la consommation audiovisuelle. Toutefois, c’est sans erreur d’appréciation que l’Autorité a fait ce choix dans la mesure où il lui était apparu que les conclusions de l'analyse concurrentielle demeuraient inchangées que l'on retienne l'un ou l'autre solution.
En troisième lieu, sont rejetés les arguments tendant à démontrer la défectuosité de l’analyse concurrentielle effectuée par l’Autorité de la concurrence.
Cette dernière n’avait ni à analyser la contribution de l'opération au progrès économique dès lors que la première phase d'examen de l'opération l’avait conduite à constater l'absence d'atteinte à la concurrence sous réserve de la réalisation effective des engagements pris par les parties, et à autoriser l'opération sans engager un examen approfondi.
Elle n’a pas, non plus commis d’erreur de droit dans la prise en compte du périmètre de l'activité de Salto et dans l’appréciation de son évolution prévisible, en relevant que l’actuelle réglementation relative à la chronologie des media était suffisante, en estimant que les marchés de l'acquisition des droits sportifs et des films de cinéma – dits œuvres originales en français - récents n'étaient pas affectés par l'opération et, enfin, en considérant que n’avait pas à être remise en cause l’affirmation selon laquelle Salto – notamment compte tenu de ses moyens financiers - ne prévoyait pas « l'exploitation de contenus sportifs dont la consommation se fait davantage en direct, i.e. via le linéaire et non via un service de SvoD ».
Sont pareillement rejetés les argumentaires relatifs : 1° au non-examen des effets verticaux découlant de la position forte des sociétés mères de Salto, en amont, sur le marché de l'acquisition de droits sportifs, et de la présence de Salto, en aval, sur le marché de la distribution de services de télévision ; 2° à l’absence d’exigence de précisions de la part de Salto concernant la commercialisation des données.
En quatrième lieu, s’agissant des engagements, le Conseil d’État juge très logiquement :
« 28. Lorsque lui est notifiée une opération de concentration dont la réalisation est soumise à son autorisation, il incombe à l'Autorité de la concurrence d'user des pouvoirs d'interdiction, d'injonction, de prescription ou de subordination de son autorisation à la réalisation effective d'engagements pris devant elle par les parties, qui lui sont conférés par les articles L. 430-6 et suivants du code de commerce, à proportion de ce qu'exige le maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés affectés par l'opération. Les engagements qu'elle accepte doivent être suffisamment certains et mesurables pour garantir que les effets anticoncurrentiels qu'ils ont pour finalité de prévenir ne seront pas susceptibles de se produire dans un avenir relativement proche.
29. S'il est soutenu que les engagements pris par les sociétés mères sont insuffisants pour prévenir les effets anticoncurrentiels identifiés au motif qu'ils seraient uniquement comportementaux et que des engagements structurels auraient été plus efficaces, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il appartient seulement à l'Autorité de la concurrence, pour apprécier si un engagement est pertinent et suffisant, de rechercher s'il est de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération projetée et à maintenir ainsi une concurrence suffisante, et s'il est suffisamment certain et mesurable. » Appliquant cette méthode d’analyse aux requêtes dont il était saisi le juge note qu’il en est bien ainsi concernant les engagements pris au titre 1° de la prévention des risques de coordination, 2° de la prévention des effets anticoncurrentiels identifiés sur les marchés de l'acquisition des droits de diffusion – qu’il s’agisse des achats couplés entre droits linéaires et droits non linéaires par les mères, des achats par Salto de droits non linéaires auprès des sociétés mères ou de la levée des clauses de « holdback » et de l'exercice d'un droit de préemption et de priorité -, 3° de la prévention des effets anticoncurrentiels identifiés sur les marchés de l'édition et de la commercialisation des chaines de télévision ou 4° de la prévention des effets congloméraux sur le marché de la distribution de services de télévision payante linéaire.
(8 novembre 2021, Société Free, n° 435984 ; Société Iliad, n° 439527)
7 - Fichier STARTRAC (ministère des finances) – Communication des informations relatives au demandeur – Compétence de la formation spécialisée du Conseil d’État – Absence pour les données n’intéressant pas la sûreté de l’État – Compétence des juridictions de droit commun – Office du juge saisi d'un recours relatif aux données recueillies dans un fichier non publié qui n'intéressent pas la sûreté de l'État – Arrêt avant-dire droit ordonnant le versement au dossier cde l’instruction écrite du décret portant création du fichier STARTRAC.
M. B. avait demandé au tribunal administratif, d’une part, d'annuler la décision, révélée par un courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de lui communiquer les informations le concernant figurant dans le fichier STARTRAC, et d’autre part, d'enjoindre au ministre de lui communiquer ces informations ou, à titre subsidiaire, celles d'entre elles qui ne concerneraient pas la sûreté de l'État ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder à leur communication au juge, hors procédure contradictoire. Par une ordonnance du 25 janvier 2016, la présidente du tribunal administratif a transmis la demande de M. B. à la formation spécialisée du Conseil d’État en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.
Le Conseil d’État a rejeté la requête en tant qu’elle concernerait, le cas échéant, des données intéressant la sûreté de l’État, et renvoyé au tribunal administratif celles des conclusions de cette requête qui n’intéresseraient pas la sûreté de l’État.
Le tribunal administratif a annulé la décision du ministre de l'économie et des finances refusant de communiquer à M. B. les informations autres que celles intéressant la sûreté de l'État le concernant dans le fichier STARTRAC, et lui a enjoint de les communiquer à M. B. dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Sur appel du ministre, la cour administrative d’appel, avant dire droit, a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et ordonné au ministre de verser au dossier de l'instruction écrite, hors contradictoire, les informations litigieuses, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Le Conseil d’État est saisi de deux pourvois, l’un, émané de M. B., qui demande l’annulation de cet arrêt et qu’il soit fait droit à sa demande de première instance, l’autre, du ministre, qui sollicite l’annulation de ce même arrêt.
La décision est intéressante par les indications qu’elle contient sur deux points.
En premier lieu, le juge rappelle que la formation spécialisée du Conseil d’État statuant au contentieux n'est compétente, en ce qui concerne les litiges relatifs à l'accès indirect aux données recueillies dans le fichier STARTRAC, que pour celles de ces données qui intéressent la sûreté de l'État. Le tribunal administratif et la cour administrative d'appel restent compétents en première instance et en appel pour connaître des litiges relatifs à l'accès indirect aux données recueillies dans ce même fichier n'intéressant pas la sûreté de l'État. Il faut saluer cet effort de strict cantonnement du champ d’application d’une procédure fortement dérogatoire à la procédure contentieuse de droit commun.
En second lieu, un véritable modus operandi est donné par le Conseil d’État s’agissant de l'office du juge lorsqu’il est saisi – comme en l’espèce - d'un recours relatif aux données recueillies dans un fichier non publié qui n'intéressent pas la sûreté de l'État. Le juge y indique : « Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'État, la défense ou la sécurité publique, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire et dans la limite des secrets qui lui sont opposables, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, le juge rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité, soit que les données à caractère personnel soient inexactes, incomplètes ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation soit interdite, cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données litigieuses. Il s'ensuit, dans pareil cas, que doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification. »
(10 novembre 2021, M. B., n° 444992 ; ministre de l’économie et des finances, n° 444998)
(8) V. aussi, largement comparable : 10 novembre 2021, ministre de l’économie et des finances, n° 444997.
9 - Autorité de la concurrence – Demande de suspension en référé de l’instruction d’un dossier par cette Autorité – Projet d’acquisition de Métropole Télévision – Phase de « pré-notification » engagée par ladite Autorité – Mesure à caractère préparatoire – Rejet.
La demande en référé tendant à voir suspendue l'exécution de la décision de l'Autorité de la concurrence de procéder à l'instruction du dossier « Projet d'acquisition par Bouygues de Métropole Télévision », révélée par l'envoi qui leur a été fait du questionnaire « Test de marché - distributeurs de contenus audiovisuels » ainsi que de tout autre questionnaire qu'elle serait susceptible d'adresser dans le cadre de cette instruction ne constituant, en sa qualité de phase de « pré-notification » qu’un élément d’une procédure d’ensemble, revêt ainsi le caractère d’une mesure préparatoire laquelle ne peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ni, non plus, par voie de conséquence, d’un référé suspension.
(12 novembre 2021, SAS Free et S.A. Iliad, n° 458273)
Biens
10 - Propriété privée – Propriété supportant un pylône électrique, surplombée par trois lignes électriques – Demande d’enlèvement – Servitude conventionnelle constituée avec l’accord des précédents propriétaires – Absence de publication de la servitude au livre foncier des départements alsaço-mosellans – Inopposabilité de la servitude – Annulation et renvoi.
La loi du 1er juin 1924 portant introduction de la législation civile dans les départements d’Alsace et de Moselle ayant fait partie de l’empire allemand de 1871 à 1918, dispose en son art. 38 : « Sont inscrits au livre foncier, aux fins d'opposabilité aux tiers, les droits suivants : (...) b) (...) les servitudes foncières établies par le fait de l'homme (...) » ; tandis que l’art. 38-1 de cette loi apporte cette précision que : « Dès le dépôt de la requête en inscription et sous réserve de leur inscription, les droits et restrictions visés à l'article 38 (...) sont opposables aux tiers qui ont des droits sur les immeubles et qui les ont fait inscrire régulièrement ».
Il se déduit de ces dispositions que, dans les départements d’Alsace-Moselle, les servitudes résultant des conventions régies par l’art. 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie, alors même qu'elles ne sont que la concrétisation d’une servitude légale instituée par cette loi, constituent des « servitudes foncières établies par le fait de l'homme » au sens de l'article 38 de la loi du 1er juin 1924. En conséquence, ces servitudes doivent être publiées au livre foncier pour pouvoir être opposées aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble concerné, en particulier les nouveaux propriétaires de celui-ci.
C’est donc à la suite d’une erreur de droit que l’arrêt attaqué a jugé les servitudes en cause opposables aux intéressés alors même qu’elles n’avaient pas été publiées au livre foncier.
(5 novembre 2021, M. et Mme L., n° 441067)
11 - Société propriétaire d'un terrain classé par la suite en zone inconstructible par une carte communale - Demande d'indemnisation - Conditions d'appréciation de l'existence d'un préjudice - Erreur de droit - Annulation.
Une société se plaint de ce que les auteurs d'une carte communale, en classant le terrain dont elle est propriétaire en zone inconstructible, en ont réduit la valeur vénale. Pour rejeter sa prétention la cour administrative d'appel reproche à la requérante de ne pas justifier avoir supporté une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par les auteurs de la carte communale.
Le Conseil d’État annule pour erreur de droit cet arrêt. En effet, il incombait seulement à la cour de rechercher si et dans quelle mesure, au regard des possibilités de construction préexistantes à l'entrée en vigueur de la carte communale dont se prévalait la société, compte tenu de la caducité du plan d'occupation des sols au 1er janvier 2016 et de la règle de surface minimale de constructibilité qu'il prévoyait, le classement de la parcelle litigieuse en zone inconstructible par la carte communale avait eu pour effet d'en réduire la valeur vénale.
(19 novembre 2021, Société Le Coin du Feu, n° 442689)
(12) V. aussi, sur un autre aspect du litige : 19 novembre 2021, Société Le Coin du Feu, n° 442688.
Collectivités territoriales
13 - Nouvelle-Calédonie – Troisième référendum en vue de l’accession de ce territoire à la souveraineté – Conditions de la consultation du gouvernement néo-calédonien – Expédition des affaires courantes - Absence de président élu du gouvernement – Circonstance n’entachant pas d’irrégularité le décret subséquemment pris – Rejet.
Divers textes, dont les accords de Nouméa constitutionnalisés et la loi organique du 19 mars 1999, ont prévu l’organisation d’un référendum sur l’accession de ce territoire ultra-marin à la « pleine (sic) souveraineté » et, en cas d’échec d’icelui, l’organisation, à certaines conditions, d’un deuxième puis d’un troisième référendum. Après l’échec du deuxième référendum il a été décidé d’en organiser un troisième pour lequel, comme pour les précédents, étaient nécessaires la consultation du gouvernement et celle du congrès de Nouvelle-Calédonie.
Le décret du 22 juin 2021, pris en vue du troisième référendum, l’a été après consultation d’un gouvernement n’avait pas encore désigné son président, d’où un recours pour contester la régularité de cette consultation. Le Conseil d’État estime que l’absence d’entrée en fonction de ce gouvernement n’entachait pas sa consultation et rejette de ce chef le recours.
La solution est bien surprenante.
En vue d’assurer la continuité de l’action publique et pour en éviter toute solution, il est recouru, en cas de besoin, spécialement en cas de gouvernement démissionnaire, à la théorie de l’expédition des affaires courantes (Assemblée, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie, Rec. p. 210 ; Sir. 1952.3.49, concl. J. Delvolvé) dont le Conseil d’État donne une interprétation très large, estimant, par exemple, de façon assez surprenante, qu’un gouvernement démissionnaire pouvait proposait au chef de l’État l’organisation du référendum constituant créant l’élection directe du président de la république au suffrage universel. Ici la situation n’est pas la même cependant. Le Conseil d’État aurait pu exiger que fût consulté le gouvernement formé antérieurement aux élections, celui-ci, en effet, expédiant les affaires courantes, demeurait en fonctions jusqu’à la constitution du gouvernement suivant. Ce n’est cependant pas ce que le Conseil d’État a fait en l’espèce, il a jugé régulière la consultation d’un gouvernement incomplet et pas faiblement incomplet mais carrément étêté puisque sans chef et donc incapable de fonctionner.
La solution est très critiquable.
(10 novembre 2021, M. M., n° 456139)
Contrats
14 - Marché sur procédure adaptée – Huissiers candidats à un marché portant sur la phase amiable pour le recouvrement des créances prises en charge par les comptables de la direction générale des finances publiques d’un département – Candidats évincés – Recours contre l’attribution du marché et demande de réparations - Invocation du non-respect du code de commerce – Rejet.
La candidature d’une société d’huissiers à l’attribution d’un marché portant sur la phase amiable pour le recouvrement des créances prises en charge par les comptables de la direction générale des finances publiques d’un département n’ayant pas été retenue celle-ci a demandé l’annulation de la procédure d’attribution à une autre société d’huissiers ainsi qu’une indemnisation du chef d’avoir été irrégulièrement évincé. La juridiction d’appel, après annulation du jugement de rejet de la réclamation indemnitaire, a alloué une certaine somme à la société d’huissiers requérante. Le ministre des finances se pourvoit et obtient gain de cause.
Pour juger irrégulière l’attribution du marché litigieuse et accueillir, en conséquence, en partie, la demande indemnitaire, la cour administrative d’appel avait jugé que la procédure suivie pour cette attribution n’avait pas été régulière. En effet, n’avait pas été respectée l’obligation d’immatriculation au registre (prévue par les dispositions combinées de l’art. L. 123-9 et de l’art. L. 251-8 du code de commerce) d’une société ayant adhéré au GIE attributaire du marché litigieux. L’arrêt est cassé pour erreur de droit en tant qu’il a fait droit à la demande indemnitaire dont il était saisi car il résulte des termes mêmes de l’art. 123-9 que : « La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. (...) ». Il suit de là que l’administration pouvait retenir la candidature du GIE dès lors que le défaut d’immatriculation au registre ne lui était pas opposable.
(5 novembre 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 44625)
15 - Convention de financement et de réalisation d’un tronçon de ligne ferroviaire à grande vitesse – Suspension des versements au titre de cette convention par plusieurs collectivités territoriales – Procédure de recouvrement des sommes dues – Notion de résolution amiable d’un différend – Compétence des collectivités publiques pour s’engager – Invocation d’un défaut de cause à la conclusion de la convention puis de sa disparition en cours d’exécution – Vices du consentement allégués – Rejet.
En vue de la réalisation et du financement du tronçon central Tours-Bordeaux de la ligne ferroviaire à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique, a été conclue une convention quadripartite entre l’État, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, Réseau ferré de France et diverses collectivités territoriales des communautés d’agglomération. Aux termes de cette convention, était prévu le financement par ces dernières du tronçon central. Par la suite, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) requérants ont suspendu leurs versements, conduisant SNCF Réseau, après une tentative amiable, à saisir le juge administratif du litige. Le tribunal administratif, confirmé par la juridiction d’appel, a, par trois jugements, condamné ces EPCI à verser certaines sommes à la demanderesse.
Trois communautés d’agglomération se pourvoient contre ces jugements et arrêts. Leurs pourvois sont rejetés.
Quatre moyens étaient développés au soutien des pourvois.
En premier lieu, il était soutenu que la demande en justice de SNCF Réseau était irrecevable car la convention prévoyait que le juge ne pouvait être saisi qu’à défaut d’accord amiable et que tel n’était pas le cas en l’espèce. L’argument est rejeté car, avant de saisir le juge, le directeur du projet avait indiqué aux intéressées leur non règlement de plusieurs appels de fonds, les avait invitées à régulariser leur situation et précisé qu’à défaut de l’avoir fait avant une certaine date une procédure juridictionnelle serait engagée.
En deuxième lieu, les collectivités excipaient de la nullité de la convention litigieuse en raison de leur incompétence pour la conclure. Confirmant les juges du fond, le Conseil d’État estime que les avantages susceptibles d’être retirés par ces collectivités du fait de la réalisation de ce tronçon ferroviaire (accessibilité et attractivité accrues des territoires, contribution à leur développement économique) entraient pleinement dans le champ de compétence des signataires.
En troisième lieu, les EPCI invoquaient la théorie de la cause à la fois en raison de l’absence de cause lors de la signature de la convention litigieuse et du fait de sa disparition en cours d’exécution de la convention.
Cette argumentation témoigne de la vigueur de la cause dans le contrat administratif (cf. L’excellente thèse de F. Lombard, La cause dans le contrat administratif, Dalloz, Nouv. Biblio. des thèses, 2008) en dépit de la disparition du mot (sinon de la chose) depuis la réforme du droit civil des obligations de février 2016 ; la mention du Code civil dans les visas de cette décision ne manque d’ailleurs pas de sel sur ce point. Confirmant l’arrêt d’appel, il est jugé que l’engagement pris par les collectivités en signant la convention trouvait sa cause dans la réalisation de ce seul tronçon Tours-Bordeaux de la ligne Sud-Europe-Atlantique.
Par ailleurs, parce que la cause de l’engagement de ces collectivités se trouvait seulement dans la réalisation dudit tronçon, celles-ci ne sauraient soutenir que l’abandon de la branche France-Espagne aurait provoqué la disparition de la cause dans le cours de l’exécution du contrat.
En dernier lieu, enfin, est rejeté le moyen tiré d’un vice du consentement des collectivités à la convention par suite d’une erreur car la signature de la convention par l'ensemble des signataires pressentis n'avait pas constitué un élément déterminant de leur consentement, et ni la convention ni le protocole ne comportaient d'engagement à leur égard de réaliser la branche Bordeaux-Espagne : ainsi la cour n'a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que les collectivités n'avaient été induites en erreur ni sur l'étendue des obligations de leurs cocontractants ni sur l'objet de la convention de financement.
(9 novembre 2021, Communauté d’agglomération du Pays Basque, n° 438388 ; Communauté d’agglomération du Grand Montauban, n° 438389 ; Communauté d’agglomération « Mont-de-Marsan Agglomération », n° 438408, jonction)
16 - Marché public de travaux – Recherche de la responsabilité quasi-délictuelle de participants à l’opération – Condition – Annulation.
On retiendra en particulier de cette décision le rappel d’une solution bien établie selon laquelle le titulaire d’un marché de travaux publics, s’il peut rechercher la responsabilité contractuelle du maître de l’ouvrage ou d’autres participants à l’opération auxquels il est lié par contrat, peut aussi rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à cette opération avec lesquels il n’est lié par aucun contrat de droit privé.
(10 novembre 2021, Société Entreprise Jean Spada, n° 448580)
17 - Marchés publics de travaux – Cahier des clauses administratives générales (CCAG) – Mise en demeure de remettre le décompte général et définitif du marché – Existence de nombreuses et substantielles réserves – Mise en demeure prématurée – Erreur de droit – Annulation.
Une cour d’appel avait jugé qu’en raison de réserves nombreuses et substantielles émises par le pouvoir adjudicateur, la mise en demeure à lui adressée d’établir le décompte général et définitif afférent à un lot d’un marché public de travaux dont la requérante était titulaire, était prématurée. Ainsi, c’était à bon droit que la commune avait sursis à l’établissement du décompte.
Le Conseil d’État annule cet arrêt pour erreur de droit car il résulte des dispositions du CCAG (art. 41.3, 41.5 et 41.6, art. 50.1.1, art. 13.3.1, 13.3.2 et 13.4.2), en vigueur en 2009, qu’une mise en demeure - quelle que soit l’importance des réserves émises - ne peut être dite prématurée que dans l’un des trois cas suivants : la mise en demeure intervient avant l'expiration du délai de quarante jours stipulé à l’art. 13.4.2 ou si la remise au maître d'œuvre du projet de décompte final par le titulaire, qui constitue le point de départ de ce délai, est elle-même intervenue avant la notification de la décision de réception des travaux prononcée en application des articles 41.3 ou 41.6 ou avant la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux dans le cas d'une réception prononcée en application de l'article 41.5.
Aucun de ces trois cas ne se présentait en l'espèce, d'où la cassation prononcée.
(10 novembre 2021, Société Soludec France (ex-société Soludec, n° 449395)
18 - Convention de concession de stationnement urbain – Résiliation anticipée pour motif d’intérêt général – Indemnisation – Stipulations contractuelles fixant le calcul des droits à indemnisation – Application sous réserve de disproportion manifeste entre le montant de l’indemnité et l’étendue du préjudice subi – Erreur de droit – Annulation dans cette mesure.
La ville de Sète a résilié par anticipation pour motif d’intérêt général la convention de concession de stationnement urbain la liant à une société. Le litige portait sur le calcul de l’indemnisation due au concessionnaire. Le contrat de concession avait fixé les éléments de calcul de cette indemnisation en cas de résiliation anticipée pour motif d’intérêt général mais les parties n’étaient pas d’accord entre elles sur leur application, d’où un contentieux parvenu jusqu’au Conseil d’État.
Celui-ci rappelle que la légalité des dispositions contractuelles fixant les droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général est subordonnée à l’absence, au détriment de la personne publique, d’une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le préjudice subi.
Par ailleurs l’essentiel de l’indemnisation portant sur la partie non amortie des biens de retour, elle est soumise, dans le cas des contrats de concession, aux règles suivantes. Soit l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, l’indemnité due au concessionnaire est en ce cas égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Soit la durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est alors égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat.
Si la stipulation du contrat de concession prévoyant l’indemnisation due en cas de résiliation anticipée dans l’intérêt général elle peut déroger à ces principes, c’est sous réserve que l'indemnité mise à la charge de la personne publique ne puisse, en toute hypothèse, excéder le montant calculé selon l’une des deux modalités ci-dessus.
En outre, il est évidemment exclu qu'une telle dérogation, permettant de ne pas indemniser ou de n'indemniser que partiellement les biens de retour non amortis, puisse être prévue par le contrat lorsque le concessionnaire est une personne publique.
En l’espèce, l’arrêt d’appel est censuré pour avoir jugé, au prix d’une erreur de droit, que la circonstance que le montant de la part de l'indemnité versée au titre du capital restant dû, tel qu'il résultait de l'application des clauses du contrat, serait supérieur à la valeur non amortie des biens de retour n'était pas de nature, à elle seule, à faire obstacle à l'application de l'article 43 de la convention, alors qu’au titre de son office il lui incombait de vérifier – et au besoin de les écarter - que les stipulations contractuelles permettaient d'assurer au concessionnaire l'indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans les conditions qui viennent d’être rappelées.
(10 novembre 2021, Commune de Sète, n° 449985)
19 - Marché à bons de commande - Lot portant sur certains travaux d'entretien et de démolition - Incendie survenu sur un monument historique en cours de travaux - Conditions de la subrogation de l'assureur - Notion d'entretien normal de l'ouvrage endommagé - Effet d'un engagement conjoint et solidaire - Abattement pour vétusté en cas de responsabilité contractuelle ou décennale - Rejet.
Cette décision aborde, parfois en innovant, plusieurs questions fréquentes du droit de la responsabilité contractuelle.
La ville de Reims a attribué à un groupement d'entreprises solidaires le lot n° 1 d'un marché à bons de commande ayant pour objet la réalisation " de travaux d'entretien et travaux de démolition sur le patrimoine autre que scolaire et sportif ". En exécution de ce marché, la société Astier Victor est intervenue le 18 avril 2012 pour effectuer des travaux de zinguerie sur le toit de la basilique Sainte-Clotilde, nécessitant l'usage d'un chalumeau. Une heure après le début des travaux, un incendie s'est déclaré au niveau de la toiture où intervenait l'entreprise Astier Victor, avant de se propager aux dômes nord de la basilique. Un contentieux s'en est suivi.
Le tribunal administratif a condamné, d'une part, solidairement les sociétés Gayet, Vitoux et Astier Victor, membres du groupement d'entreprises solidaires attributaires du lot n° 1, à verser à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), assureur de la ville de Reims, en sa qualité de subrogée dans les droits de cette collectivité, une certaine somme en réparation des préjudices subis du fait de cet incendie, d'autre part, la société Astier Victor à garantir la société Gayet et la société Vitoux de la totalité de cette condamnation.
La cour administrative d'appel a rejeté les requêtes des sociétés Astier Victor, Vitoux, Groupama Grand Est, assureur de la société Vitoux, et Gayet tendant à l'annulation de ce jugement et la requête de la société Astier Victor tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Un pourvoi principal est formé par les sociétés Vitoux et Groupama, et un pourvoi provoqué, par la société Gayet.
En premier lieu, était soulevé un moyen tiré de ce que la société SMACL n'avait pas produit la police d'assurance en exécution de laquelle elle a indemnisé la ville de Reims alors qu'il résulte des dispositions de l'art. L. 121-12 du code des assurances que l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives doit justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. En outre, l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance. Ainsi donc, la SMACL n'aurait pas été fondée à exercer son droit de subrogation à son assurée.
La cour a jugé qu'à défaut de production de la police d'assurance en exécution de laquelle la SMACL a indemnisé la ville de Reims, les éléments concernant cette police et notamment les événements garantis ainsi que les modalités d'indemnisation en cas de sinistre ont été mentionnés dans le rapport d'expertise établi le 10 février 2014 par le cabinet Eurexo, à la demande de la SMACL. La cour en a déduit que la SMACL avait satisfait à l'obligation lui incombant. Ceci est approuvé par le Conseil d’État car la cour pouvait, sans erreur de droit, se fonder sur l'ensemble des éléments du dossier pour vérifier que l'indemnité avait bien été versée en exécution du contrat d'assurance.
En deuxième lieu, l'entreprise intervenue sur le toit de la basilique soutenait, pour tenter d'échapper à sa responsabilité, que la ville de Reims, propriétaire de l'édifice, ne l'avait pas entretenu normalement et que la présence de branchages, fientes d'oiseaux et poussières sur la surface des dômes de la cathédrale avait pu constituer un terrain propice au développement de l'incendie. L'argument est, à bon droit selon le Conseil d’État, rejeté par la cour car cette présence était habituelle sur ce type de monuments, elle était donc visible et prévisible pour l'entreprise chargée des travaux de zinguerie sur la toiture, ce qui exonérait la ville de toute responsabilité.
En troisième lieu, la cour est approuvée d'avoir jugé qu'en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui se sont engagées conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'obligent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais également à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux. C'est sans erreur de droit qu'en conséquence elle a condamné les trois entreprises à indemniser la SMACL solidairement à raison du sinistre engageant la responsabilité de leur groupement, alors même que les pièces contractuelles faisaient état d'une répartition géographique et matérielle des tâches au sein de ce groupement.
Enfin, en quatrième lieu, se posait la question de savoir si la vétusté d'un bâtiment peut donner lieu, lorsque la responsabilité contractuelle ou décennale des entrepreneurs et architectes est recherchée à l'occasion de désordres survenus lors de travaux sur ce bâtiment, à un abattement affectant l'indemnité allouée au titre de la réparation des désordres. Le Conseil d’État répond que, saisi d'une demande en ce sens, il incombe au juge de rechercher si, eu égard aux circonstances de l'espèce, les travaux de reprise sont de nature à apporter une plus-value à l'ouvrage, compte tenu de la nature et des caractéristiques de l'ouvrage ainsi que de l'usage qui en est fait. En l'espèce, c'est sans erreur de droit que la cour a pris en considération le caractère historique du bâtiment pour apprécier s'il y avait lieu d'appliquer un coefficient de vétusté au montant de l'indemnité due au titre des travaux de réfection de la toiture de la basilique Saint-Clothilde.
Le rejet du pourvoi principal entraîne mécaniquement, celui du pourvoi provoqué.
(25 novembre 2021, Sociétés Vitoux et Groupama Nord Est, Société Gayet, n° 442977)
20 - Acte d'engagement - Construction par une commune d'une école maternelle et primaire - Action en responsabilité contractuelle contre la maîtrise d'oeuvre - Prescription de l'action (art. 2224 c. civ.) - Droit transitoire - Rejet.
Suite à des malfaçons dans la réalisation de certains travaux de construction d'une école maternelle et primaire, la commune maître de l'ouvrage, après mise en demeure du 26 juillet 2007, a ordonné à une société titulaire du lot n° 3, par acte d'engagement du 31 mai 2006, d'effectuer les travaux de reprise permettant d'assurer l'étanchéité de la toiture du bâtiment en construction. Par suite du refus de cette société d'exécuter les travaux demandés, le maître d'ouvrage a engagé la procédure de mise en régie partielle, confié la réalisation des travaux conservatoires à une autre société et a saisi le juge des référés en vue que soit diligentée une expertise à fin de constatation des désordres. L'expertise a été ordonnée le 21 mai 2008 et le rapport définitif d'expertise a été remis le 3 mars 2011. Le tribunal administratif a procédé à un certain nombre de condamnations pécuniaires de la maîtrise d'oeuvre et de la société titulaire du lot n° 3 au titre des désordres ainsi qu'au titre des honoraires et frais d'expertise. La cour administrative d'appel a annulé ce jugement ainsi que les appels incident et provoqués de la commune.
Celle-ci se pourvoit.
La cour a estimé que l'action contentieuse de la commune tendant à la mise en cause de la responsabilité contractuelle des constructeurs était prescrite en raison des dispositions de l'art. 2224 du Code civil résultant de la loi du 17 juillet 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. Selon ce texte : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Elle a en effet jugé que cette action était soumise à une prescription de cinq ans et que si elle avait été interrompue par la demande de la commune adressée au juge des référés afin qu'il ordonne une expertise, elle avait recommencé à courir à compter de l'ordonnance décidant cette mesure et n'avait pas été suspendue pendant la durée des opérations d'expertise.
Le Conseil d’État approuve la solution. Il juge que, dans sa version antérieure à la loi du 17 juillet 2008, applicable aux faits de l'espèce, l'art. 2224 du Code civil disposant que : « Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir », il s'ensuit que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise n'interrompt le délai de prescription que pendant la durée de l'instance à laquelle il est mis fin par l'ordonnance désignant l'expert. Ainsi, en jugeant que l'interruption de la prescription de l'action de la commune de Mouvaux résultant de la demande qu'elle avait adressée au juge des référés d'ordonner une expertise avait pris fin le 21 mai 2008, date à laquelle le juge a ordonné l'expertise, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
Par ailleurs, il résulte des dispositions transitoires de l'art. 26 de la loi du 17 juillet 2008 que la suspension qu'elle institue du délai de prescription jusqu'à l'exécution de la mesure d'instruction ordonnée, ne s'applique qu'aux mesures d'instruction, telles les expertises, ordonnées à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi qui l'a instituée. Par suite, en jugeant que ces dispositions n'étaient pas applicables à l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lille le 21 mai 2008, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas non plus commis d'erreur de droit.
(25 novembre 2021, Commune de Mouvaux, n° 449575)
21 - Attribution d'un contrat de concession de services - Saisine du juge du référé précontractuel - Utilisation de documents couverts par le secret des affaires - Absence d'effets sur la régularité de l'ordonnance de référé - Rejet.
Saisi par une société concurrente, le juge du référé précontractuel a annulé la procédure de passation du contrat de concession de services pour l'exploitation du terminal « multivrac » du Grand port maritime du Havre. La société requérante, bénéficiaire dudit contrat, se pourvoit en cassation.
Parmi les moyens soulevés, l'un retient particulièrement l'attention. Il est fondé sur ce que l'ordonnance de référé annulant l'ensemble de la procédure de conclusion du contrat serait irrégulière en raison de ce qu'elle est fondée sur des pièces communiquées par la société demanderesse en première instance en violation du secret des affaires.
Le Conseil d’État rejette le grief car, dès lors que les pièces en question ont pu être discutées au contradictoire des parties, l'existence d'un secret n'entache l'ordonnance attaquée ni d'irrégularité ni d'erreur de droit. La solution peut sembler audacieuse mais elle tente une balance équitable entre respect du secret et droit au juge.
(25 novembre 2021, Société Lorany Conseils, n° 449643)
22 - Appel d'offres ouvert - Accord-cadre sur bons de commande pour la création d'un réseau régional à très haut débit - Candidature évincée - Principe d'impartialité de l'administration active - Méconnaissance - Vice d'une particulière gravité - Annulation du contrat - Indemnisation de la perte de chance sérieuse d'obtenir le contrat - Rejet.
Un recours a été formé par une société évincée de la procédure de conclusion d'un marché entre la collectivité de Corse et une autre société portant sur la conception, l'installation et l'administration d'un réseau régional très haut débit pour les établissements d'enseignement et de recherche de Corse. Elle demandait au tribunal administratif l'annulation du marché, la condamnation de la collectivité de Corse à réparer les préjudices subis du fait de son éviction de la procédure ou, à titre subsidiaire, l'allocation d'une somme de 8000 euros hors taxes en réparation du préjudice découlant des frais exposés pour la préparation de son offre, majorés des intérêts au taux légal.
Cette demande, rejetée en première instance, ayant été accueillie en appel, la collectivité publique se pourvoit.
Le point central du litige était constitué par l'application à l'espèce du principe d'impartialité de l'administration active.
Le juge d'appel a relevé que le règlement de consultation du marché avait désigné comme « technicien en charge du dossier », une personne chargée notamment de fournir des renseignements techniques aux candidats. Or celle-ci a exercé des fonctions d'ingénieur-chef de projet en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication au sein de l'agence d'Ajaccio de la société attributaire du marché immédiatement avant son recrutement par la collectivité de Corse et trois mois avant l'attribution du marché. En outre, le procès-verbal d'ouverture des plis mentionne que les plis ont été remis à cette personne « en vue de leur analyse au regard des critères de sélection des candidatures et des offres ».
La cour a également relevé que si elle n'était pas l'un des cadres dirigeants de la société attributaire du marché, cette personne occupait des fonctions de haut niveau au sein de la représentation locale de cette société et ces fonctions avaient trait à un objet en relation directe avec le contenu du marché.
Elle en a déduit qu'eu égard au niveau et à la nature des responsabilités confiées à celle-ci au sein de la société attributaire puis au sein des services de la collectivité de Corse et au caractère très récent de son appartenance à cette société et alors même qu'elle n'a pas signé le rapport d'analyse des offres, sa participation à la procédure de sélection des candidatures et des offres pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance d'intérêts le liant à la société précitée et par voie de conséquence sur l'impartialité de la procédure suivie par la collectivité de Corse.
Entérinant cette analyse, le Conseil d’État juge qu'elle n'est entachée ni de qualification inexacte des faits ni d'erreur de droit.
Par ailleurs, c'est à bon droit qu'elle a en conséquence jugé que cette méconnaissance du principe d'impartialité était par elle-même constitutive d'un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du contrat à l'exclusion de toute autre mesure.
Par ailleurs, s'agissant de l'indemnisation de la perte de chance sérieuse d'obtenir le contrat, l'arrêt est confirmé en cassation. Compte tenu que la société évincée était la seule concurrente de la société attributaire, que l'écart des notes attribuées à l'une et à l'autre n'est pas très important et eu égard aux qualités concurrentielles de son offre, la société évincée avait des chances sérieuses d'obtenir le marché, d'où son droit à être indemnisée de son éviction de la procédure.
(25 novembre 2021, Collectivité de Corse, n° 454466)
Droit du contentieux administratif
23 - Référé suspension – Réforme concernant un examen professionnel – Défaut d’urgence révélé par la mise en balance des intérêts – Rejet.
Les requérantes demandaient par voie de référé la suspension de l’exécution du décret n° 2020-1277 du 20 octobre 2020 relatif aux conditions de certification des candidats à l'examen du baccalauréat professionnel et portant suppression du brevet d'études professionnelles, en ce qu'il supprime, pour les élèves inscrits en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel, la possibilité de candidater au diplôme du certificat d'aptitude professionnelle.
Pour rejeter la requête le juge des référés retient le défaut d’urgence, l’une des deux conditions indispensables pour le succès d’un recours en référé suspension. Pour cela, il procède à une « mise en balance de l'ensemble des intérêts » en présence.
D’un côté, il est exact que le décret litigieux supprime la possibilité pour les élèves préparant le baccalauréat professionnel de candidater au certificat d'aptitude professionnelle, ce qui a pour effet d'interdire aux élèves actuellement inscrits en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel de participer à la session 2022 du certificat d'aptitude professionnelle. Or il y a urgence, d’une part, car la clôture des inscriptions à la session 2022 du certificat d'aptitude professionnelle, doit intervenir à brève échéance, entre mi-novembre et mi-décembre 2021 selon les académies et, d’autre part, car les élèves actuellement inscrits en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel, qui s'étaient engagés dans le cycle de préparation au baccalauréat avant la publication du décret, en comptant sur la possibilité d'obtenir également le certificat d'aptitude professionnelle pour s'orienter, le cas échéant, vers une formation en alternance ne pourront plus le faire.
Mais, d’un autre côté, si la suspension demandée était accordée cela entraînerait une réorganisation de la formation des élèves engagés dans le cycle de préparation au baccalauréat professionnel, pour les préparer également aux examens du certificat d'aptitude professionnelle et organiser les évaluations certificatives requises, alors que l'entrée en vigueur du décret contesté le 1er janvier 2021 a d'ores et déjà conduit à réformer les programmes de préparation au baccalauréat professionnel. Les inconvénients qui résulteraient de cette solution pour le bon déroulement de l'année en cours et de l'intérêt général qui s'attache à la continuité des enseignements dispensés à l'ensemble des élèves actuellement en deuxième année de préparation au baccalauréat professionnel, conduisent à considérer non remplie la condition d’urgence au terme d’une « mise en balance des intérêts ».
La solution est limite mais tient compte d’éléments de fait contradictoires.
(ord. réf. 2 novembre 2021, Confédération nationale artisanale des instituts de beauté et spa (CNAIB-SPA) et autres, n° 457559)
24 - Principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse – Assignation à résidence - Communication de l’unique mémoire en défense du préfet le jour de la clôture de l’instruction – Refus de tenir compte du mémoire en réplique et absence de réouverture de l’instruction – Annulation.
Ne respecte pas le caractère contradictoire de la procédure contentieuse et doit en conséquence être annulée la partie d’un arrêt de cour administrative d’appel relative à une demande d’annulation d’une décision d’assignation à résidence dès lors que la cour ayant fixé la clôture de l’instruction au 6 mai 2019 à 12 heures, l'unique mémoire en défense du préfet, enregistré au greffe de la cour le 3 mai 2019, ayant été communiqué au requérant le jour même de la clôture et mis à sa disposition le lendemain, elle a statué au vu de ce mémoire en défense sans que l'instruction ait été rouverte et en refusant de tenir compte du mémoire en réplique du requérant, alors qu'il comportait des éléments nouveaux.
(4 novembre 2021, M. B., n° 443138)
25 - Forclusion – Recours enregistré plus de deux mois après notification de la décision attaquée – Erreur de fait sur la date – Annulation.
Doit être annulé pour erreur de fait l’arrêt de la Cour nationale du droit d’asile qui rejette comme tardif un recours dirigé contre une décision de l’OFPRA du 10 janvier 2020 et enregistré au greffe de la cour le 20 mai 2020 alors qu’en réalité l’OFPRA a pris sa décision le 26 février 2020 et l’a notifiée à l’intéressée le 15 mai 2020.
(4 novembre 2021, Mme C., n° 445466)
26 - Recours contre un permis de construire – Cas où l’appel est porté devant la cour administrative d’appel – Exception de l’art. R. 811-1-1 CJA inapplicable en l’espèce – Renvoi de l’appel à la cour.
Si l’art. R. 811-1-1 du CJA décide que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort « sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application, à l'exception des permis afférents aux opérations d'urbanisme et d'aménagement des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mentionnées au 5° de l'article R. 311-2 », c’est la voie d’appel de droit commun qui doit être utilisée en cas de recours – comme en l’espèce – contre un jugement relatif à un projet portant sur l'extension et la surélévation d'une maison à usage d'habitation afin de permettre au pétitionnaire d'y loger avec sa famille, et qu'aucun nouveau logement n'est créé.
Renvoi à la cour est ordonné.
(4 novembre 2021, M. et Mme F., n° 450169)
27 - Référé de l’art. L. 521-3 CJA – Projet de concentration entre deux chaînes de télévision - Injonction à l’Autorité de la concurrence – Référé tendant non à la communication de pièces en vue de former un recours mais à voir engager un débat sur la compétence d’une autorité administrative – Rejet.
Les sociétés requérant demandaient au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Autorité de la concurrence de leur communiquer, dans un délai de quarante-huit heures, la décision par laquelle elle a admis sa compétence pour instruire le projet de concentration entre les groupes TF1 et M6 ou, le cas échéant, la décision par laquelle la Commission européenne aurait décliné sa propre compétence en sa faveur ou, à tout le moins, l'exposé des raisons de droit et de fait justifiant qu'elle s'estime compétente pour connaître de cette opération de concentration.
Les requérantes justifient leurs demandes en référé par le fait qu'elles entendent engager un recours devant le Conseil d’État afin de contester la compétence de l'Autorité de la concurrence pour autoriser cette opération.
Il ressort des termes mêmes de leur demande que les requérantes recherchent, par ce référé de l’art. L. 523-1 CJA, non la communication de pièces nécessaires à la formation d’un recours contentieux mais en réalité l’ouverture devant le juge des référés d’un débat sur la compétence de l’Autorité de la concurrence, débat et communication de pièces qui, d’évidence, ne peuvent relever que de la juridiction saisie d’un recours au fond.
(5 novembre 2021, Société Free et société Iliad, n° 457924)
28 - Annulation du refus implicite d’abroger le a) du 2° de l’art. D. 531-2 du code de l’environnement et de prononcer un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides – Injonctions diverses adressées au premier ministre en cette matière – Élaboration d’un projet de décret pour l’exécution des injonctions – Absence d’exécution à ce jour de ces injonctions – Projet de décret jugé contraire à la réglementation européenne par la Commission européenne – Contradictions entre les avis scientifiques du Haut Conseil des biotechnologies et de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) – Solution du litige en exécution d’injonctions dépendant de la résolution de difficultés sérieuses – Renvoi à la CJUE de questions préjudicielles – Prononcé d’injonctions contre l’État – Demande à la CJUE de statuer en urgence ou par classement prioritaire de cette affaire.
(8 novembre 2021, Confédération Paysanne, Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès, n° 451264)
V. n° 135
29 - Intérêt pour agir en matière de retenue à la source – Responsable du paiement de la retenue à la source – Personne non établie en France effectuant les paiements sur le montant desquels est assise la retenue à la source - Rejet.
(15 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 453022)
V n° 63
30 - Action en reconnaissance de droits formée par une association de consommateurs – Pétition transmise à une autorité incompétente – Non-transmission à l’autorité compétente – Naissance d’une décision implicite de rejet ou non – Interruption ou non des délais de prescription et de forclusion applicables – Avis de droit.
Cette décision est importante en ce qu’elle précise et clarifie certains aspects du régime contentieux des actions en reconnaissance de droits.
En l’espèce, la cour administrative d’appel de Nancy était saisie d’un appel du ministre des finances dirigé contre un jugement qui avait fait droit à la demande d’une association locale de consommateurs tendant à ce que le droit de bénéficier, sur leur demande, de la décharge du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à leur charge au titre de l'année 2018 soit reconnu aux contribuables de la métropole du Grand Nancy. La cour pose deux questions principales.
Tout d’abord il convenait de savoir si, lorsque la pétition a été présentée à une autorité administrative incompétente et quand celle-ci ne l’a pas transmise à l’autorité compétente, il peut naître cependant une décision implicite de rejet qui, permettant de lier le contentieux, rend recevable l’action en reconnaissance de droits.
La réponse est évidemment positive car l’action en reconnaissance de droits a la nature d'une réclamation, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration et, par suite, d'une demande, au sens de l'article L. 114-2 du même code. Comme il n’existe sur ce point aucune disposition dérogatoire, c’est le droit commun qui doit être appliqué : l’autorité saisie incompétemment doit transmettre la pétition à celle qui est compétente et cette dernière est réputée l'avoir rejetée au terme d'un silence de quatre mois gardé par elle à compter de la saisine de l'autorité incompétente, y compris dans l'hypothèse où l'autorité incompétente a notifié au demandeur, avant le terme de ce délai, une décision de rejet motivée. Cette décision implicite de rejet est de nature à lier le contentieux et à rendre recevable la saisine du juge administratif par l'auteur de l'action en reconnaissance de droits.
Ensuite, il était demandé en cas de réponse positive à la première question – ce qui est le cas -, si, dans ces conditions, cette demande adressée à une autorité incompétente est susceptible d'interrompre (cf. art. L. 77-12-2 du CJA) les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée et, en particulier, d'interrompre les délais de réclamation et de recours prévus par le livre des procédures fiscales.
Le Conseil d’État apporte une réponse claire et très simplificatrice fort bien venue : lorsqu'une demande en reconnaissance de droits est introduite par l'envoi d'une réclamation préalable à une autorité administrative incompétente, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, et ce y compris les délais de réclamation et recours prévus par le livre des procédures fiscales, sont interrompus à la date de cette réclamation.
En adoptant une position doublement libérale, le juge est dans la droite lignée de l’intention du législateur lorsqu’il a créé cette voie de droit, au demeurant trop peu utilisée semble-t-il.
(15 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 454125)
31 - Pourvoi en cassation sans le ministère d’un avocat aux Conseils - Formation d’un second pourvoi par le ministère d’un tel avocat - Ordonnance refusant d’admettre le premier pourvoi pour défaut de ministère d’avocat – Recours en rectification d’erreur matérielle contre cette ordonnance – Irrecevabilité.
Le requérant avait formé le 10 février 2021 un pourvoi en cassation sans le ministère d’un avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’État alors que la décision attaquée mentionnait le caractère obligatoire d’un tel avocat. Le 1er mars 2021 il forme un second pourvoi avec constitution d’avocat. Le 16 avril 2021 est rendue une ordonnance refusant d’admettre le premier pourvoi pour défaut de constitution d’avocat.
Le requérant saisit alors le Conseil d’État d’un recours en rectification d’erreur matérielle qui ne pouvait qu’être rejeté pour irrecevabilité, le second pourvoi, régulier, n’a ni pour objet ni pour effet de régulariser le premier qui était présenté de manière défectueuse.
(18 novembre 2021, M. C., n° 452723)
32 - Compétence juridictionnelle - Interprétation d'un acte réglementaire par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) - Action en réparation du préjudice causé par cette interprétation - Compétence du juge administratif - Litige portant sur le montant de diverses cotisations sociales - Compétence judiciaire - Rejet.
Le Conseil d’État adopte ici une solution complexe et obscure.
La requérante avait demandé la réparation du préjudice que lui aurait causé l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) du fait de l'interprétation illégale donnée par elle, notamment dans sa lettre collective n° 2004-46 du 2 mars 2004, de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. Le tribunal administratif puis le juge unique d'appel ont rejeté ce recours pour saisine d'un ordre de juridction incompétent.
Le Conseil, tout d'abord, accueille le pourvoi contre l'arrêt d'appel : Les actes par lesquels l'ACOSS indique l'interprétation qu'il convient de retenir des dispositions législatives et réglementaires relatives aux cotisations et contributions dont les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et les caisses générales de sécurité sociale assurent le recouvrement ont la nature d'actes administratifs. Le contentieux de la responsabilité du fait des préjudices causés par cette interprétation relève par nature de la juridiction administrative, alors même que les contentieux individuels auxquels donne lieu le recouvrement des cotisations et contributions mentionnés à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire en application de l'article L. 142-8 du même code.
Ensuite, le Conseil d’État, constatant que la demanderesse ne sollicite que la réparation du préjudice correspondant au montant de diverses cotisations sociales qu'elle a indûment acquittées en conséquence de l'illégalité de l'interprétation que l'agence a donnée de l'arrêté du 20 décembre 2002, juge que ces conclusions ayant le même objet que des conclusions tendant à la contestation du montant de ces cotisations, elles ne relèvent, par suite de l'existence d'une voie de recours devant les juridictions de l'ordre judiciaire (art. L. 142-8, c. séc. soc.) en vue du règlement d'un tel litige, que de ces juridictions, ce qui s'oppose à ce qu'elle engage une action mettant en cause la responsabilité de l'ACOSS en raison de l'illégalité de l'interprétation donnée par celle-ci des dispositions dont il lui a été fait application.
Autrement dit, le juge administratif eût été compétent soit saisi d'un recours direct en annulation d'une interprétation erronée donnée par l'ACOSS soit saisi d'un recours en réparation portant sur des préjudices autres que celui portant sur le seul montant des cotisations litigieuses.
(19 novembre 2021, Société Guisnel, n° 440236)
(33) V. aussi, avec mêmes solution et requérante : 19 novembre 2021, Société Guisnel, n° 440237.
34 - Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - Établissement de la liste des pays sûrs - Office du juge de l'excès de pouvoir - Demande principale en annulation - Conclusions subsidiaire à fin d'abrogation - Conclusions renvoyées à la Section du contentieux - Conditions et régime juridique de l'abrogation directe d'une décision par le juge de l'excès de pouvoir - Rejet.
L'affaire est d'importance mais la portée de la solution adoptée par le juge est incertaine.
En bref, sous d'importantes limites du moins présentées comme telles, le Conseil d’État se reconnaît le pouvoir de procéder lui-même, directement, à l'abrogation d'une décision administrative réglementaire. Hauriou se fût, sans doute, étranglé à la lecture de cette affirmation, lui qui s'émut si vivement de la décision du Tribunal des conflits Association syndicale du canal de Gignac (9 décembre 1899, Sir. 1900.3.49, note M. Hauriou). Reconnaissons que, ramenée à son épure, la solution présentement rapportée a de quoi étonner passablement.
L'OFPRA, par délibération du 5 novembre 2019, a fixé la liste des pays d'origine sûrs et cette liste a été contestée par diverses organisations qui en ont sollicité l'annulation par conclusions principales (2 juillet 2021, Association des avocats ELENA France et autres, n° 437141 ; Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour (Ardhis) et autres, n° 437142 ; Association Forum Réfugiés-Cosi, n° 437365; V. sur ce point, cette chronique juillet-août 2021 n° 152). En cours d'instance, par conclusions subsidiaires, les requérantes ont demandé l'abrogation de cette liste en tant qu'y figuraient l'Arménie, la Géorgie et le Sénégal.
Le Conseil d’État a, en premier lieu, par la décision précitée, s'agissant du maintien sur la liste du Bénin, du Sénégal et du Ghana, annulé cette délibération. Puis, concernant les conclusions subsidiaires à fin d'abrogation, les 2ème et 7ème chambres réunies, après s'être prononcées sur les conclusions principales, ont, faisant application des dispositions du premier alinéa de l'art. R. 122-17 du CJA, renvoyé leur jugement à la Section du contentieux en formation de jugement.
La présente espèce concerne donc ce dernier point.
Disons tout d'abord, qu'est rejetée la partie de la demande d'abrogation portant sur le Sénégal puisque le caractère illégal de son maintien sur la liste avait déjà été affirmé et jugé dans la décision du 2 juillet 2021, et que la demande d'abrogation relative à l'Inde est jugée irrecevable car présentée après rejet, par la décision précitée du 2 juillet 2021, des conclusions principales ayant le même objet.
Avant de procéder à l'examen du cas de l'Arménie et de la Géorgie, et c'est là l'intérêt majeur de cette affaire, la Section analyse ce qu'est l'office du juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions subsidiaires en abrogation d'une décision de l'Administration.
Ceci s'effectue en trois étapes.
D'abord, c'est un rappel : le juge de l'excès de pouvoir se place au jour où il a été pris pour apprécier la légalité d'un acte réglementaire dont l'annulation lui est demandée ; c'est un principe constant et bien connu qui a été singulièrement obscurci ces dernières années par une succession de décisions qui, pour des motifs divers, dont le souci d'une pleine efficacité du recours pour excès de pouvoir, se sont placées au jour où le juge statuait pour apprécier cette légalité. Ce qui a pour effet de brouiller la distinction entre l'excès de pouvoir et la pleine juridiction puisque, on le sait, le juge du plein contentieux se place au moment où il statue pour apprécier le cadre juridique et la situation qu'il a à juger.
Ensuite, après avoir indiqué, comme une évidence semble-t-il, que le juge de l'excès de pouvoir peut-être saisi à la fois de conclusions principales à fin d'annulation d'une décision et de conclusions à titre subsidiaire à fin d'abrogation de celle-ci, énonce les conditions auxquelles est subordonnée la recevabilité des conclusions en abrogation.
C'est le troisième temps de la démonstration.
1) Il ne peut s'agir que de conclusions subsidiaires,
2) Les conclusions principales doivent être recevables,
3) L'illégalité doit résulter d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait survenu postérieurement à l'édiction de la décision,
4) Le juge statue toujours d'abord sur les conclusions principales en se plaçant à la date de la décision qu'elles attaquent et ce n'est que s'il ne fait pas droit à celles-ci qu'il se prononce sur les conclusions subsidiaires en se plaçant cette fois à la date à laquelle il statue et en usant, le cas échéant, de son pouvoir de modulation.
Une question surgit car la décision n'est pas claire sur ce point : faut-il que le changement (dans les circonstances de droit et/ou de fait) qui fonde les conclusions en abrogation se produise nécessairement après la saisine du juge au moyen des conclusions principales ou suffit-il qu'il existe fût-ce avant même la saisine du juge ?
Il semble que selon la réponse à cette question deux opinions peuvent être émises envers la décision présentement commentée.
L'exigence d'un changement survenu en cours d'instruction ramène cette innovation à un niveau certes assez technique : afin de ne pas provoquer une nouvelle instance dont l'issue peut être décidée dès maintenant, il n'y aurait pas grand mal et même, nous dit-on, un certain bien, à permettre au juge de prononcer l'abrogation de l'élément litigieux. La solution serait expédiente : elle demeure cependant très osée.
En revanche, si, pour que le juge exerce un pouvoir d'abrogation, le moment où est perçu le changement dans les circonstances de fait ou de droit est indifférent et, en particulier, peut exister avant même la saisine du juge, alors là c'est une tout autre affaire. En effet, d'une part, il serait porté atteinte à la séparation des pouvoirs dont l'article 16 de la Déclaration de 1789 décide que, sans elle, il n'y a plus de garantie des droits, d'autre part, serait ruinée la distinction de l'administration active et de l'administration contentieuse si chère à Laferrière et, bien sûr, il n'y aurait plus de raison de distinguer entre excès de pouvoir et pleine juridiction. Cela ferait beaucoup et même trop au regard du bénéfice qui en est retiré.
Et, devant l'extravagance de la solution, on hésite entre paraphraser Boileau se désolant de la dégradation du génie de Corneille («Après Agésilas, hélas, mais après ELENA (Attila), holà ») ou citer Hauriou (« Nous disons que c'est grave parce qu'on nous change notre État », note précitée).
(Section, 19 novembre 2021, Association des avocats ELENA France et autres, n° 437141)
35 - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Demande au juge administratif des référés de "contraindre un premier président de cour jdiciaire d'appel de désigner un avocat commis d'office - Irrecvabilité manifeste - Rejet.
Doit être rejetée comme manifestement irrecevable - car portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître - la demande en référé devant le juge administratif tendant à le voir « contraindre » un premier président de cour judiciaire d'appel à lui désigner un avocat commis d'office.
(ord. réf. 16 novembre 2021, Mme A., n° 458178)
36 - Non-opposition à déclaration préalable en vue de la division d'un terrain en deux lots - Permis de construire deux villas - Défaut d'intérêt pour agir des requérants en excès de pouvoir - Rejet de recours comme manifestement irrecevables - Absence d'invitation à régulariser - Annulation.
Doivent être annulées les ordonnances rejetant pour défaut d'intérêt à agir de leurs auteurs, les recours en excès de pouvoir qu'ils ont dirigés contre une non opposition à déclaration de division d'un terrain en deux lots et contre l'octroi de permis de construire deux villas dès lors que l'affirmation du caractère manifestement irrecevable de ces recours n'a pas été précédée ni d'une invitation à régulariser leur demande en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, ni d'une indication sur les conséquences susceptibles de s'attacher à l'absence de régularisation dans le délai imparti.
(9 novembre 2021, M. I. et Mme C., n° 448423 et n° 448425)
37 - Désignation d'experts par la juridiction administrative - Ordonnance aux experts de remettre en l'état leur rapport et de passer outre à une extension de leur mission par une précédente ordonnance - Régularité en cas de carence d'une des parties - Contestation de l'ordonnance possible seulement devant les juges du fond - Rejet.
C'est sans erreur de droit que la présidente d'une cour administrative d'appel déclare manifestement irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance par laquelle le magistrat du tribunal administratif chargé des expertises a, sur le fondement des dispositions de l'art. R. 621-7-1 CJA, demandé aux experts de remettre leur rapport final en l'état du fait de la carence d'une des parties à l'expertise, le recours contre cette décision relevant de la seule compétence des juges du fond.
(19 novembre 2021, Société Implenia Regiobau GmbH, n° 451962)
38 - Recours en rectification d'erreur matérielle - Omission de statuer sur un chef de demande - Recours recevable.
Dans le cadre d'un recours formé par les requérants le Conseil d’État a liquidé l'astreinte prononcée à l'encontre de l'État par ses précédentes décisions des 31 mars 2017 et 24 octobre 2018 mais omis de statuer sur les conclusions qu'ils avaient présentées au titre de l'art. L. 761-1 CJA. Le recours en rectification d'erreur matérielle qu'ils présentent est donc recevable : une somme de 1250 euros leur est allouée de ce chef.
(22 novembre 2021, M. C. et Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, n° 453315)
(39) V. aussi, sur des cas d'irrecevabilité du recours en rectification d'erreur matérielle : 30 novembre 2021, Mme D., n° 447074 ; 30 novembre 2021, M. et Mme D., n° 447077 ; 30 novembre 2021, SCI du Vallon, n° 447079 ; 30 novembre 2021, M. et Mme F., n° 447081.
40 - Exécution des décisions de la justice administrative (art. L. 911-4, R. 921-5 et R. 921-6 CJA) - Office du juge ordonnant l'exécution - Renonciation expresse du demandeur au bénéfice d'une partie des mesures d'exécution - Rejet.
Un fonctionnaire territorial demande l'exécution d'un jugement rendu en sa faveur ordonnant au SIVOM employeur, d'une part, de reconnaître l'imputabilité au service de son affection, de lui accorder un congé de longue durée ou un congé de longue maladie et de le placer en disponibilité d'office à compter du 1er juillet 2012 et, d'autre part, lui enjoignant de placer rétroactivement l'intéressé dans une position statutaire régulière d'activité et de procéder à la régularisation de ses droits à rémunération, à avancement et à pension.
Il a saisi la cour administrative d'appel, après que celle-ci a confirmé le jugement, d'un recours tendant à ce que soit assurée l'exécution de ces décisions de justice. Le SIVOM se pourvoit contre l'arrêt confirmatif de la cour.
Répondant à un argument en ce sens, le Conseil d’État dispose, dans une rédaction de principe, d'une part, que le juge de l'exécution doit prescrire les mesures qu'implique nécessairement la décision dont l'exécution lui est demandée par la partie intéressée, alors même que ces mesures ne figuraient pas expressément dans la demande présentée au président de la juridiction ou dans les mémoires produits après l'ouverture de la procédure juridictionnelle, et d'autre part, qu'il n'en va autrement que lorsque la partie qui a saisi la juridiction d'une demande d'exécution a indiqué, sans équivoque, qu'elle renonçait au bénéfice d'une partie de ces mesures.
Il semble donc que l'office du juge en tant qu'il peut étendre au maximum le champ des mesures d'exécution soit d'ordre public tandis que ces mesures, instituées dans le seul intérêt de la partie qui les sollicite, peuvent se voir, à volonté, restreintes par celui-ci.
(25 novembre 2021, SIVOM de l'Est Gessien, n° 447105)
41 - Mesures anti-Covid - Intérêt donnant qualité pour agir - Absence - Rejet.
D'évidence, une association dont les statuts lui donnent pour objet d' « informer les citoyens sur le fonctionnement de l'exécutif et sa composition ; Analyser les décisions de l'exécutif et ses pratiques ; Contrôler les projets de loi ainsi que les décrets et arrêtés émanant du gouvernement », ne tire pas de là un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge des référés la suspension de l'exécution du I du 6° de l'article 1er du décret n° 2021-1471 du 10 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, aux termes duquel « Les salles de danse, relevant du type P défini par le règlement pris en application de l'article R. 143-12 du code de la construction et de l'habitation, peuvent accueillir du public ».
(ord. réf. 25 novembre 2021, Association Organe national indépendant de contrôle de l'exécutif (ONICE), n° 458383)
42 - Vente de fruits et légumes - Interdiction des emballages en plastique - Mesure entrant en vigueur au 1er janvier 2022 - Absence d'atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts en cause - Rejet.
Le syndicat requérant demandait la suspension d'exécution du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Sa demande en référé est rejetée pour défaut d'urgence.
Tout d'abord, le décret litigieux a été pris en application du III de l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 77 de la loi du 20 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire de sorte qu'il n'y ajoute rien au plan de l'interdiction, se bornant en particulier à établir la liste des fruits et légumes frais non soumis à l'obligation législative en raison du risque de détérioration lors de la vente en vrac et à définir le calendrier de mise en œuvre du dispositif.
Ensuite, au soutien de l'invocation du préjudice découlant de l'interdiction d'exposer à la vente, à compter du 1er janvier 2022, les fruits et légumes frais non transformés conditionnés sous emballages composés pour tout ou partie de matière plastique, en ce que les entreprises fabriquant de tels emballages seraient privées de tout un pan de leur activité dans des conditions nuisant à leur situation financière et menaçant leur pérennité, le syndicat requérant n'apporte aucun élément permettant d'apprécier, d'une part, l'impact pour les entreprises qu'il représente de l'application du décret contesté, au-delà de ce qui résulte directement de la loi elle-même, et d'autre part, en tout état de cause, la gravité des atteintes invoquées pour ce secteur d'activité.
Enfin, d'une part, outre l'exemption prévue par la loi pour les fruits et légumes conditionnés par lots de 1,5 kilogramme et autres, le II de l'article D. 541-334 du code de l'environnement, issu du décret attaqué, fixe une liste de plusieurs fruits et légumes, y compris de consommation courante, pour lesquels, en raison d'un risque de détérioration à la vente en vrac, une exemption est prévue jusqu'à des dates s'étalant entre le 30 juin 2023 et le 30 juin 2026 et d'autre part, le III de ce même article prévoit des dispositions transitoires sur plusieurs mois pour permettre l'écoulement des stocks d'emballage.
Le recours est rejeté faute pour l'organisation requérante de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des entreprises qu'elle représente.
(ord. réf. 25 novembre 2021, Syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance), n° 458441)
43 - Arrêté limitant le remboursement par l'assurance maladie des tests de dépistage de la Covid-19 - Requête précédente en ce sens rejetée - Requête actuelle ne comportant aucun moyen nouveau - Irrecevabilité manifeste - Rejet.
Était demandée la suspension de l'arrêté ministériel limitant le remboursement par l'assurance maladie des tests de dépistage de la Covid-19. Le requérant avait déjà saisi le juge des référés d'une requête en ce sens qui avait été rejetée. La présente requête ne comporte aucun moyen nouveau par rapport à la précédente. Elle est manifestement irrecevable. Le recours est rejeté
(25 novembre 2021, M. A., n° 458525)
44 - Juridiction des référés - Conditions d'accès - Obligation vaccinale des personnels de santé ne travaillant pas dans des locaux de soins - Rejet.
Les requérants, excipant de ce que s'ils travaillent dans des locaux accessoires d'établissements de santé (trésorerie, bâtiment universitaire, buanderie), contestent leur soumission à l'obligation vaccinale instituée, pour les personnels de santé, par l'article 49-2 du décret du 1er juin 2021, issu du 8° de l'article 1er du décret du 7 août 2021, prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
En tant qu'est demandée la prescription par le juge des référés de toutes mesures utiles pour faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale à leurs libertés fondamentales résultant de ces mesures, la requête est rejetée car elle n'entre pas dans les matières qui relèvent de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État.
En tant qu'ils demandent qu'une injonction soit faite au premier ministre de modifier les dispositions de l'article 49-2 du décret précité, pour préciser que les établissements distincts dans lesquels exercent les personnes n'étant jamais au contact des patients ne sont pas au nombre des locaux mentionnés au 4° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, les requérants se bornent à des allégations générales dépourvues des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Elles sont rejetées.
Ce second motif de rejet nous semble juridiquement un peu « court ».
(25 novembre 2021, Mme B. et autres, n° 457734)
45 - Ordonnance de référé - Infliction d'une amende pour recours abusif - Erreur de qualification juridique - Absence de caractère abusif - Annulation.
Commet une erreur de qualification juridique le juge des référés qui, saisi le 26 octobre 2021 d'une requête relative à un titre de séjour expirant le 24 novembre 2021, estime celle-ci abusive et inflige une amende de deux mille euros à son auteur.
En revanche, il lui aurait été loisible de rejeter la requête pour défaut d'urgence si le requérant n'établissait pas la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du CJA.
(30 novembre 2021, M. B., n° 458523)
46 - Rapport d'expertise - Obligation de soumission au contradictoire des parties - Non-respect - Invocation pour la première fois en cause d'appel - Recevabilité - Annulation avec renvoi.
La requérante poursuivait la réparation de préjudices causés par le décès de son époux lors de sa prise en charge par un centre hospitalier.
Après avoir été déboutée en première instance et en appel, elle s'est pourvue en cassation.
Était en jeu l'invocation de l'exigence de caractère contradictoire du rapport d'expertise.
Tout d'abord, cette exigence n'est pas discutable surtout s'agissant de constatations expertales de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige.
En l'espèce, il était soutenu que ce contradictoire n'avait pas été respecté car la requérante n'avait pas eu communication de clichés d'imagerie médicale utilisés par l'expert, clichés qui étaient absents du dossier médical qui lui avait été remis. Or il ressortait des termes mêmes du rapport de l'expert que celui-ci s'était fondé de manière déterminante sur ces clichés et de l'arrêt lui-même que la cour s''est fondée à titre exclusif sur les conclusions du rapport d'expertise.
Ensuite, un second point était soulevé par le centre hospitalier défendeur : le moyen tiré du défaut de contradictoire ayant été soulevé pour la première fois en appel, la cour l'avait donc jugé irrecevable. Le Conseil d’État, innovant grandement sur ce point, a estimé que ce moyen « n'était pas irrecevable devant la cour administrative d'appel, alors même qu'il était présenté pour la première fois en appel et que Mme L. aurait été en mesure de le soulever devant le tribunal administratif ». Ce jugeant, se trouve abandonnée une jurisprudence ancienne (15 février 1957, Ministre des travaux publics, n° 99033 au Recueil Lebon p. 995) et bien établie car constamment confirmée depuis.
Même si cette solution profite ici à la demanderesse, on n'aperçoit guère le bénéfice qui peut être tiré en général de la renonciation au principe de l'immutabilité du litige en appel, fragilisant un peu plus le rôle de l'appel en procédure administrative. Comme, d'évidence, il ne s'agit pas d'un moyen d'ordre public, force est de constater une fois de plus la subjectivisation croissante du contentieux administratif de la légalité.
(30 novembre 2021, Mme L., n° 430492)
47 - Juge des référés - Modification à tout moment de mesures ordonnées en référé (L. 521-4 CJA) - Demande d'exécution des décisions du juge des référés - Obligation pour le demandeur de rapporter la preuve de l'inexécution des mesures ordonnées - Rejet.
Les organisations requérantes avaient obtenu du juge du référé liberté du tribunal administratif de Nantes diverses mesures afin qu'il soit mis fin à certaines conditions de détention manifestement attentatoires aux libertés fondamentales des détenus au sein du centre pénitentiaire de Ploemeur. Sur appel du garde des sceaux, le juge des référés du Conseil d’État avait annulé une partie de ces mesures et confirmé le surplus.
Se fondant sur les dispositions de l'art. L. 521-4 CJA (« Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin »), les requérants demandent qu'il soit fait injonction à l'administration d'assurer l'exécution des mesures d'injonction déjà ordonnées et demeurées inexécutées, d'assortir d'astreinte ces mesures et d'organiser un suivi de l'exécution des injonctions prononcées.
Contre toute attente, la requête est rejetée, le juge des référés faisant application du principe constant de procédure en vertu duquel la charge de la preuve incombe au demandeur en soumettant au juge des référés, en l'absence de tout commencement de preuve, « tout élément de nature à démontrer l'absence d'exécution totale ou partielle de la décision du premier juge. Il appartient alors à l'administration, si elle entend contester le défaut d'exécution, de produire tout élément en sens contraire. Le juge se prononce alors au vu de l'instruction.» On peut regretter que le juge du référé de l'art. L. 521-4 CJA n'ait pas confié en urgence une mesure d'instruction de visite des lieux, ce qui aurait satisfait et le régime de la preuve et le principe du contradictoire assuré durant cette visite sans que soient atteintes ni la nature spécifique des pouvoirs du juge des référés ni la célérité consubstantielle à cette procédure.
(29 novembre 2021, Section française de l'Observatoire international des prisons et Ordre des avocats au barreau de Nantes, n° 458355)
48 - Responsabilité hospitalière - Accident survenu à la naissance d'un enfant – Impossibilité d’être scolarisé et d’exercer une activité professionnelle –Détermination du calcul et des modalités de l’indemnisation – Annulation très partielle.
Outre le motif principal, tenant au droit de la responsabilité médicale, de cette décision, il convient d'indiquer qu'elle contient une solution de procédure contentieuse qui a pu et peut encore faire difficulté. Pour implicite qu'elle soit elle est à relever.
Il y est jugé en effet qu'en cas de second pourvoi en cassation, le Conseil d’État statue définitivement sur le fond alors même qu'il serait saisi d'un arrêt ou d'un jugement rendu avant dire droit (réitération de : 11 avril 2008, Reniers, n° 291677).
(30 novembre 2021, Centre hospitalier Métropole Savoie, n° 440443)
V. aussi, sur un autre aspect de cette décision, le n° 165
49 - Audience publique à l'issue de laquelle sera lue une décision en fin du délibéré - Obligation d'informer les parties de ce choix procédural pour éventuelle production d'une note en délibéré - Absence de cette information - Annulation.
Statue dans des conditions irrégulières la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale qui, ayant décidé que la décision sera lue le jour même de l'audience, à l'issue du délibéré, n'en a pas informé les parties, au plus tard lors de l'audience publique, les privant de la faculté de produire, si elles le jugent utile, une note en délibéré.
(30 novembre 2021, Comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes, n° 443842)
50 - Cour nationale du droit d'asile - Octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle - Rejet du recours le même jour - Irrégularité - Cassation.
Par un courrier en date du 29 mai 2020, le vice-président du bureau de l'aide juridictionnelle près la Cour nationale du droit d'asile a informé la requérante de sa décision du 27 mai 2020 lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et a désigné un avocat aux fins de la représenter. Par une ordonnance prise le même jour, la présidente de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté la requête de Mme B. au motif que celle-ci ne présentait aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision du directeur général de l'OFPRA.
Il est manifeste que cette décision a été rendue dans des conditions irrégulières car l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle n'avait pas encore produit de mémoire et n'avait d'ailleurs, et pour cause, pas été mis en demeure de le faire avant une certaine date, ce qui portait atteinte à la fois au droit au respect des droits de la défense et à l'octroi du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
(30 novembre 2021, Mme B., n° 444737)
Droit fiscal et droit financier public
51 - Exploitation d’une carrière – Établissement industriel – Éléments assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties – Cassation partielle avec renvoi.
A la suite d’une vérification de comptabilité de la société requérante, l’administration fiscale a, suite à la mise en œuvre de la méthode comptable prévue à l’art. 1499 CGI, notifié à celle-ci des cotisations supplémentaires au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties dues pour l’exploitation d’une carrière.
Sa demande de décharge de cette imposition ayant été rejetée par le tribunal administratif, l’intéressée se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État admet partiellement la demande dont il est saisi.
Le débat portait sur ceux des frais et celles des dépenses susceptibles de venir en déduction de l’assiette de la taxe litigieuse.
Le Conseil d’État juge que si les frais d'extraction des couches dites stériles exposés en cours d'exploitation de la carrière afin de maintenir le gisement dans un état tel que l'exploitation normale de la carrière puisse continuer constituent des charges d'exploitation, les frais de préparation du terrain en vue de l'exploitation du gisement, dès lors qu'ils sont nécessaires à la mise en état d'exploitation de la carrière, doivent être inclus dans le coût d'acquisition de celle-ci.
Par ailleurs, il résulte du règlement de l'Autorité des normes comptables du 2 octobre 2014 relatif à la comptabilisation des terrains de carrière et des redevances de fortage, homologué par arrêté du 26 décembre 2014, que les matériaux à extraire d'un terrain de carrières répondent à la définition non plus d'une immobilisation mais d'un stock, et doivent désormais être distingués du terrain de carrière résiduel, qui constitue seul une immobilisation corporelle. Il s’ensuit que les coûts encourus pour mettre à découvert le gisement et accéder aux matériaux à extraire sont un élément du coût de production des matériaux extraits et non une dépense immobilisable.
Il a confirmé le jugement querellé en ce que, d’une part, il a jugé que la contribuable ne démontrait ni même n'alléguait – pour les faire échapper à la taxe - que les espaces verts constitués par les zones engazonnées seraient affectés à une utilisation distincte de son activité industrielle, et d’autre part, que les enrobés avaient été pris à bon droit en compte dans la valeur locative de l'établissement car ils ne pouvaient pas être ôtés des chaussées auxquelles ils ont été appliqués sans être détruits, qu'ils concouraient à l'exploitation du site industriel, et que la circonstance que la société devra les détruire à l'expiration du bail ne saurait suffire, par elle-même, à exclure leur prise en compte au titre des immobilisations par nature.
On peut trouver sévère la solution retenue sur ce dernier point.
(5 novembre 2021, Société Yves Le Pape et Fils K. J., n° 431576)
(52) V. aussi, du même jour et avec même requérante, portant sur divers éléments déductibles ou non (garage à véhicules, bâtiment de stockage des pièces, frais de découverte) : 5 novembre 2021, Société Yves Le Pape et Fils K. J., n° 431579.
53 - Impôt sur les sociétés – Déclaration de moins-value – Inexactitudes relevées – Modalités de décompte des intérêts de retard – Rejet.
Dans cette importante décision, il est jugé qu’en cas d’inexactitudes ou d’omissions dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, le décompte des intérêts de retard est arrêté au dernier jour du mois de la première proposition de rectification régulière notifiant au contribuable le supplément d'impôt en résultant, dont l'absence d'acquittement dans le délai légal a causé un préjudice au Trésor public et déclenché le décompte de ces intérêts (confirmation de : Assemblée, 12 avril 2002, Société anonyme financière Labeyrie, n° 239693).
Dans le cas où, comme en l’espèce, il a d’abord été procédé à une première proposition de rectification remettant en cause le montant du déficit déclaré par une société au titre d'un exercice mais ne conduisant à l'établissement d'aucun supplément d'impôt au titre de cet exercice eu égard à la situation de l'entreprise qui demeure déficitaire, puis, ensuite, à une autre proposition de rectification qui tire, au titre d'un exercice ultérieur, les conséquences de la réduction du déficit reportable sur le premier exercice bénéficiaire de l'entreprise, seule cette seconde proposition de rectification peut être regardée comme étant celle emportant arrêt du décompte des intérêts de retard en application du 4 du IV de l'article 1727 du CGI.
Par ailleurs, dans le cas de filiales fiscalement intégrées à un groupe et malgré le fait que les rectifications apportées à leurs résultats constituent les éléments d’une unique ensemble procédural, les propositions de rectification notifiées aux filiales intégrées au titre d'une période caractérisée par un résultat d'ensemble qui demeure déficitaire ne peuvent pas être regardées, pour l'application du 4 du IV de l'article 1727 du CGI, comme déterminant le terme du décompte des intérêts de retard mis à la charge de la société tête de groupe au titre d'une période ultérieure comprenant son premier exercice bénéficiaire.
(5 novembre 2021, Société Elior Group, n° 431747)
54 - Impôt sur les dividendes des sociétés non-résidentes – Retenue à la source (2 de l’art. 119 bis CGI) – Impossibilité en cas de situation déficitaire – Appréciation de l’existence d’une telle situation – Annulation avec renvoi.
La jurisprudence de la CJUE (22 novembre 2018, Sofina SA, Rebelco SA et Sidro SA, aff. C-575/17), condamnant la solution retenue par le Conseil d’État (Plén. fiscale, 9 mai 2012, Société GBL Energy, n°s 342221 et 342222), a jugé que la différence, existant en France, de technique d'imposition des dividendes entre les sociétés non-résidentes, qui sont imposées immédiatement et définitivement lors de leur perception par une retenue à la source, et les sociétés résidentes, qui sont imposées en fonction du résultat net bénéficiaire ou déficitaire enregistré, procure un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont ne bénéficient pas les sociétés non-résidentes déficitaires. Elle a donc considéré que cette différence de traitement dans l'imposition des dividendes, qui ne se limite pas aux modalités de perception de l'impôt, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux qui n'est pas justifiée par une différence de situation objective.
Le Conseil d’État interprète cette décision, d’une part, - il ne pouvait à vrai dire faire moins – comme obligeant à restituer à l’intéressée le montant de la retenue à la source opérée sur les dividendes qu’elle a versés, et d’autre part, comme imposant à cette dernière de rapporter la preuve du caractère déficitaire des exercices concernés.
Ici, faute que, selon le juge, cette preuve soit rapportée, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en prononçant la restitution des retenues à la source, d’où la cassation.
Toutefois, il convient de prendre garde qu’il n’est pas possible pour le juge national, comme le Conseil d’État semble avoir annoncé dans cette décision vouloir le faire, d’apprécier la notion de résultat déficitaire par rapport au droit national sous prétexte d’égalité avec le sort réservé aux sociétés françaises jugées déficitaires. En effet, c’est le droit européen seul qui doit trouver application en l’espèce et il appartient au législateur national de corriger, le cas échéant, la conception française du résultat déficitaire non d’imposer ses choix unilatéraux dans le cadre transnational.
(5 novembre 2021, Société Filux, n° 433212)
55 - Marques et brevets de produits parapharmaceutiques – Concession du droit d’exploiter une licence de marques et brevets – Absence de contrepartie d’un service rendu – Caractère indissociable de cette concession de licence des actes d’exploitation, protection, renouvellement et autres de cette concession – Qualification inexacte des faits et erreur de droit subséquente – Annulation sans renvoi (art. L. 821-2 CJA).
Une cour administrative d’appel avait approuvé la décision de l’administration fiscale, fondée sur le I de l’art. 155 A CGI, qui considérait comme un service rendu l’activité afférente au contrat de licence exclusive d’exploitation de marques et brevets de produits parapharmaceutiques exercée par les requérants et rémunérée sous la forme de redevances versées par la société qui avait acquis le contrat d’exploitation. L’administration et le juge considéraient, en effet, que la société de droit britannique acquéreuse des marques et brevets litigieux n’avait aucune activité réelle et que les décisions relatives à l'entretien des marques et brevets étaient prises par Mme O. qui devait, dès lors, être regardée comme réalisant les prestations de gestion du portefeuille de ces marques et brevets et, par suite, comme relevant du régime institué par la disposition précitée du CGI.
Le Conseil d’État aperçoit dans cette solution, à juste titre, une erreur de droit et une erreur de qualification des faits par le double motif : 1° que les redevances versées en contrepartie de la concession du droit d'exploiter une licence de marques et brevets ne peuvent pas être regardées comme la contrepartie d'un service rendu au sens et pour l'application de l'article 155 A du CGI ; 2° que « l'entretien, le renouvellement, l'extension des marques et brevets et, plus généralement, l'accomplissement des actes nécessaires au maintien de leur protection ne peuvent être regardés comme une activité dissociable de la concession même de ces licences de marques et brevets ».
(5 novembre 2021, M. et Mme O., n° 433367)
56 - Société de fabrication de produits pharmaceutiques - Taxe professionnelle – Dépassement du plafond des aides « de minimis » - Plafond résultant d’un règlement européen – Silence de la législation interne – Application directe du règlement européen par l’administration– Rejet.
Rappel de ce que l’administration fiscale tient de son pouvoir de rectification l’obligation d'assurer le respect du plafond des aides de minimis résultant des règles du droit de l'Union européenne directement applicables au litige (règlement n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis) même en l’absence de mention de ce plafond dans la législation interne.
(5 novembre 2021, Société Laboratoires Gilbert, n° 434036)
57 - Opération de restructuration d’entreprises - Institution d’un sursis automatique d’imposition – Réalisation de plus-values sans liquidités – Nécessité d’un réinvestissement concomitant – Caractère péremptoire de l’absence d’investissement – Remise en cause du sursis – Abus de droit – Rejet.
Il ressort des dispositions de l'article 150-0 B du CGI, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu favoriser et rendre plus aisées les restructurations d'entreprises par création nette ou par développement, en instituant un sursis automatique d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités.
En l’espèce, l’apport par un contribuable des titres d'une société à une autre qu'il contrôle, suivi de leur cession immédiate par cette dernière, répond à l'objectif économique poursuivi par le législateur tel qu’il résulte des débats parlementaires lors du vote de la loi de finances pour 2000 d’où cet article est issu, du moins sous la condition impérative que le produit de la cession de titres ait fait l’objet, de la part de cette société, dans un délai bref, d’un réinvestissement à caractère économique. Lorsque les titres ainsi apportés par un contribuable le sont à plusieurs entreprises qu'il contrôle, le but de chaque opération d'apport doit être apprécié distinctement.
Faute d’un réinvestissement à caractère économique, cette opération de cession s’analyse, sauf preuve contraire, comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.
(5 novembre 2021, M. G., n° 437996)
58 - Avis à tiers détenteur – Annulation contentieuse – Caractère rétroactif de l’annulation - Effet interruptif de prescription – Absence – Annulation.
Rappel que l'annulation contentieuse d'un avis à tiers détenteur a pour conséquence qu'il est réputé n'avoir jamais existé et fait, dès lors, obstacle à ce que lui soit attaché un effet interruptif de prescription, contrairement à ce qui avait été jugé en première instance.
(15 novembre 2021, Mme C., n° 430655)
(59) V. aussi, dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire, sur le caractère irrégulier d'avis à tiers détenteurs émis : (22 novembre 2021, Mme C. épouse A., n° 449067) ou sur la prescription des sommes faisant l'objet de tels avis (22 novembre 2021, M. N., n° 441820).
60 - Changement d’adresse d’une société commerciale – Accomplissement des formalités auprès du registre du commerce (art. L. 123-9 et R. 123-53 du code de commerce) et du centre de formalités des entreprises – Inopposabilité à l’administration fiscale – Rejet.
La notification par l’administration fiscale d'une proposition de rectification à une société doit être effectuée, non pas à l'adresse de son siège social, mais à la dernière adresse communiquée par elle à cette administration. Il suit de là qu’une société contribuable ne saurait exciper de ce qu’elle a procédé régulièrement aux formalités devant accompagner un changement de siège social tant auprès des services du registre du commerce conformément aux art. L. 123-9 et R. 123-53 du code de commerce qu’auprès du centre des formalités des entreprises pour justifier n’avoir pas reçu la lettre recommandée avec accusé de réception qui lui avait été adressée par l’administration fiscale à la dernière adresse connue de celle-ci.
Une interprétation plus souple des dispositions de l’art. 57 du livre des procédures fiscales n’aurait pas été de trop d’autant que, précisément, l’information donnée au centre des formalités des entreprises a aussi une visée fiscale.
(15 novembre 2021, Société Repass Chic Management, n° 443190)
61 - Réduction d’impôt – Dispositif « Scellier » - Logements neufs répondant à certaines conditions – Niveau de performance énergétique – Cas des acquisitions de biens en l’état futur d’achèvement – Indice de performance à prendre en considération – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.
Le législateur (dispositif dit Scellier, art. 199 septvicies du CGI) a prévu pour les contribuables domiciliés en France une réduction d’impôt à un taux de 13% pour l’acquisition, dans un immeuble locatif, de logements neufs ou en l’état futur d‘achèvement sous condition, notamment, qu’ils disposent d’un certain niveau de performance énergétique. L’indice pris en considération est soit celui conforme aux prescriptions de l'article L. 111-9 du code de la construction et de l'habitation soit, lorsque l’acquisition concerne un logement ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire du 1er janvier au 31 décembre 2011 et acquis ou construit en 2012, s'ils justifient des conditions de performance énergétique globale fixées par le I de l'article 46 AZA octies de l'annexe III au CGI.
Commet donc une erreur de droit la cour administrative d’appel qui juge que les logements acquis en vente en l'état futur d'achèvement en 2012 et qui ont fait l'objet du dépôt d'un permis de construire antérieurement au 1er janvier 2012 doivent, pour ouvrir droit à la réduction d'impôt sur le revenu prévue par l'article 199 septvicies du CGI au taux de 13 %, nécessairement bénéficier du label « bâtiment basse consommation BBC 2005 ».
(15 novembre 2021, M. et Mme F., n° 448231)
62 - Outre-mer - Demande de permis de construire, à titre de logements sociaux, portant sur des bâtiments collectifs ou sur des ensembles de logements individuels – Demande devant être considérée comme portant sur un ensemble immobilier – Applicabilité de l’art. 199 undecies C du CGI – Réduction d’impôt subordonnée à un agrément fiscal – Seuil de deux millions d’euros non atteint – Rejet.
En l’espèce, un contribuable a bénéficié, au titre de l'année 2011, de la réduction d'impôt sur le revenu prévue par l'article 199 undecies C du CGI à raison d'un investissement consistant en la réalisation de logements sociaux en Martinique par la société civile immobilière (SCI) Kampech'8, dont il était associé à hauteur de 15 %. Cette réduction d’impôt ayant été remise en cause par l’administration fiscale, le contribuable a obtenu de la cour administrative d’appel décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu.
Le ministre demandeur poursuit l’annulation de cet arrêt en tant qu’il a jugé éligible au dispositif fiscal régissant la construction de logements sociaux outre-mer, une opération portant sur un ensemble immobilier (art. 199 undecies C du CGI). Son pourvoi est rejeté.
Selon la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, d’une part, la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies C du CGI pour les investissements réalisés outre-mer dans le secteur du logement est subordonnée à l’obtention de l'agrément préalable du ministre chargé du budget lorsque leur montant excède deux millions d'euros et, d’autre part, que, eu égard à l'objet et aux critères de délivrance de cet agrément, le seuil de deux millions d'euros doit être apprécié, non pas au regard des souscriptions au capital des sociétés, mais au regard du coût total du programme immobilier en vue duquel les souscriptions de parts ou d'actions de sociétés ont été réalisées.
Pour l'application de ces dispositions, les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l'objet d'une même demande de permis de construire constituent un programme immobilier, à concurrence de ceux donnant lieu à réduction d'impôt sur le revenu au sens et pour l'application de l'article 199 undecies C du code général des impôts.
Avant d’examiner, et de rejeter, les deux moyens invoqués par le ministre au soutien de son pourvoi, le juge décide – et c’est en réalité l’apport principal de cette décision – que les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l’objet d’une unique demande de permis de construire doivent être considérés, pour l’application des dispositions de l’art. 199 undecies C du CGI comme étant un « programme immobilier ».
En premier lieu le ministre soutenait qu’excédant le seuil de deux millions d'euros, l’opération devait être soumise à son agrément. Le juge approuve la cour d’avoir dit que ce programme n’était pas soumis à agrément car si les huit maisons à bâtir avaient fait l'objet d'un unique permis de construire et si leur coût total s'élevait à 2 606 400 euros, il n'était pas contesté que deux de ces maisons n'étaient pas éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C précité, de sorte que le montant global du programme d'investissement immobilier placé sous ce régime ne s'élevait qu'à 1 954 800 euros, soit un montant inférieur au seuil de deux millions d'euros au-delà duquel cet article subordonne son bénéfice à la délivrance d'un agrément préalable du ministre chargé du budget.
En second lieu, le ministre soutenait que la cour avait commis une erreur de droit en jugeant que les époux G. pouvaient prétendre au bénéfice de la réduction d'impôt qu'ils sollicitaient alors même que, ainsi qu'elle l'avait relevé, la SCI Kampech'8 n'était pas titulaire d'un permis de construire à la date du fait générateur de cette réduction, intervenu en 2011. Le Conseil d’État répond qu’il ne résulte d’aucune disposition applicable ici l’existence d’une telle exigence d'antériorité chronologique.
(15 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 452952)
63 - Intérêt pour agir en matière de retenue à la source – Responsable du paiement de la retenue à la source – Personne non établie en France effectuant les paiements sur le montant desquels est assise la retenue à la source - Rejet.
Une société, concessionnaire de l’exploitation et de la gestion du port de plaisance de Vauban à Antibes, perçoit des redevances pour l’utilisation temporaire de postes à quai inoccupés. L’administration fiscale a estimé que les sommes versées par la société de gestion du Port Vauban à dix-neuf sociétés étrangères disposant chacune de la jouissance d'un poste à quai, en contrepartie de l'occupation temporaire de ces postes par des usagers de passage, constituaient la rémunération de prestations de services rendues par elles en France et devaient par suite être soumises à la retenue à la source prévue par l'article 182 B du CGI. L’une de ces sociétés, la société Palomata, basée au Luxembourg, a demandé au juge la décharge partielle de la retenue à la source imposée à la société de gestion du Port Vauban. Le tribunal administratif ayant fait droit à cette demande, sur appel du ministre des finances la cour administrative d’appel a jugé que la société Palomata était fondée à soutenir que l'article 182 B du CGI méconnaissait le principe de la libre prestation de services protégé aux articles 56 et 57 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qu'il ne permettait pas la déduction de l'assiette de la retenue à la source des frais professionnels supportés par le fournisseur établi à l'étranger de la prestation rendue en France et directement liés à cette prestation de service ; elle a en conséquence ordonné à cette société de justifier, par tous moyens, du montant de ces frais au titre des années en litige notamment des frais de gestion prélevés par la société de gestion du Port Vauban, qui sont directement liés à l'activité de sous-location du poste à quai et réservé.
Le ministre se pourvoit, en vain, contre cet arrêt.
Le Conseil d’État juge, à juste titre, par application d’une « jurisprudence constante des juridictions de l'ordre judiciaire que le responsable du paiement est fondé à en demander la restitution au bénéficiaire des revenus. »
Il en résulte que « Tant le responsable du paiement de la retenue à la source à laquelle donnent lieu les paiements effectués par une personne établie en France en rémunération de prestations rendues en France par une personne qui n'y est pas établie que cette personne, bénéficiaire de ces revenus, sont recevables à contester cette retenue devant le juge de l'impôt. La circonstance que la retenue à la source n'ait pas été spontanément opérée lors du versement des revenus et que, par suite, ces derniers n'ont pas été amputés de son montant est sans incidence sur la recevabilité du bénéficiaire des revenus à la contester dès lors que, dans une telle hypothèse, en premier lieu, la retenue est établie sur une assiette augmentée du montant de la retenue non pratiquée spontanément, en deuxième lieu, cette retenue est imputable sur l'impôt sur le revenu ou sur l'impôt sur les sociétés éventuellement dû en France par le bénéficiaire des revenus en application, respectivement, du 3ème alinéa du II de l'article 182 B et de l'article 219 quinquies du CGI. »
Cette solution est particulièrement illustrative - à travers la notion de « responsable du paiement » - de la profonde unité du droit des obligations que celles-ci soient civiles ou administratives (en ce sens, voir : J.-C. Ricci et F. Lombard, Droit administratif des obligations, Sirey Université, 2018, 1ère édition, pp. 1-38, §§ 1- 44).
(15 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 453022)
64 - Conventions fiscales bilatérales en vue d’éviter les doubles impositions – Doctrine fiscale excluant l’imputation de l’impôt étranger au titre de la plus-value de cession de titres en cas d’absence d’imposition effective en France – Méconnaissance des textes applicables – Irrégularité – Annulation.
Afin d’éviter de doubles impositions sont intervenues des conventions fiscales bilatérales destinées à organiser un mécanisme en ce sens. La requérante demande au juge, - après qu’elle en a sollicité, en vain, l’abrogation par le ministre des finances - l’annulation des paragraphes n° 180 et n° 190 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts, par lesquels le ministre des finances a fait connaître son interprétation des règles d'imputation, sur l'impôt sur les sociétés acquitté en France, de l'impôt prélevé à l'étranger sur le produit de cessions de titres de participation.
Selon la requérante, ces commentaires méconnaîtraient, à titre principal, les a et b du 1 de l'article 220 du CGI et, à titre subsidiaire, les stipulations des conventions fiscales signées avec l'Autriche, Bahreïn, le Chili, la Colombie, la Corée du Sud, les Émirats Arabes Unis, l'Espagne, le Gabon, Hong-Kong, l'Inde, Israël, le Japon, le Luxembourg, Malte, Oman, le Qatar et la Suède.
Le Conseil d’État accueille le recours en ce que ces commentaires se méprennent sur le sens des dispositions du a quinquies du I de l’art. 219 du CGI combinées avec celles des conventions fiscales qu’ils sont censés expliciter.
En effet, tout d’abord, selon l’art. 219, au a quinquies du I, la réintégration de la quote-part de frais et charges égale à 12 % du montant brut des plus-values de cession est subordonnée à la réalisation par l'entreprise d'une plus-value nette au cours de l'exercice de cession. Il suit de là que cette disposition a pour objet de soumettre à cet impôt, à un taux réduit, les plus-values de cession de titres de participation ; en revanche, contrairement à ce que soutient le ministre défendeur, elle n’a pas pour objet de neutraliser de manière forfaitaire la déduction de frais exposés pour l'acquisition ou la conservation d'un revenu afférent à une opération exonérée.
Ensuite, des conventions fiscales bilatérales attribuent concurremment le pouvoir de taxer les plus-values de cession de titres de participation à la France, en qualité d'État de résidence du cédant, et à l'État dans lequel se situe la société dont les titres sont cédés et elles prévoient une élimination de la double imposition correspondante par voie d'imputation de l'impôt prélevé à l'étranger sur l'impôt sur les sociétés acquitté en France au titre de la même opération, dans la limite du montant de l'impôt français correspondant à ces revenus.
Par suite, c’est erronément que ces commentaires retiennent que « en l'absence d'imposition effective [en France] de la plus-value réalisée, aucune imputation de l'impôt étranger éventuellement acquitté au titre de la plus-value réalisée ne peut être effectuée dès lors qu'aucune double imposition ne peut être constatée. »
(15 novembre 2021, Société anonyme L'Air Liquide pour l'étude et l'exploitation des procédés Georges Claude, n° 454105)
65 - Charte des droits et obligations du contribuable vérifié – Droit pour le contribuable de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur puis l’interlocuteur départemental ou régional – Garantie substantielle – Non-respect – Caractère irrégulier de l’examen de la situation personnelle du contribuable – Rejet.
La charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit qu’en cas de difficultés rencontrées au cours ou du fait de la vérification, le contribuable peut s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, ensuite, à l'interlocuteur départemental ou régional.
En l’espèce, le contribuable avait demandé dans un courrier à rencontrer le supérieur hiérarchique en y faisant état de difficultés rencontrées au cours du contrôle. Aucune suite n’ayant été donnée à ce courrier, la cour administrative d’appel avait jugé que le contribuable avait été privé d’une garantie essentielle ce qui entachait d’illégalité la vérification et ses suites.
Elle est approuvée par le Conseil d’État qui rejette le pourvoi du ministre.
(17 novembre 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 445981)
66 - Investissement productif neuf dans les départements d'outre-mer - Réduction d'impôt - Conditions d'octroi - Soumission aux dispositions combinées des articles 199 undecies B et 217, III undecies du CGI - Annulation.
L'art. 199 undecies B du CGI prévoit, au bénéfice des entreprises exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du CGI, une réduction d'impôt sous condition d'investissements productifs dans les départements d'outre-mer. Il prévoit, renvoyant sur ce point au III de l'art. 217 undecies du CGI, que « Pour ouvrir droit à réduction et par dérogation aux dispositions du 1, les investissements mentionnés au I doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget (...) lorsqu'ils sont réalisés dans les secteurs des transports (...) ».
En l'espèce, la cour administrative d'appel avait jugé que les dispositions du III de l'article 217 undecies ne permettaient pas de justifier un refus d'agrément en se fondant sur d'autres conditions que celles qu'elles prévoient, alors même que l'investissement ne répondrait pas aux conditions fixées par les dispositions de l'article 199 undecies B.
Le Conseil d’État censure l'arrêt déféré pour erreur de droit : l'administration fiscale doit, pour s'assurer de l'éligibilité d'un contribuable au bénéfice de la réduction d'impôt, vérifier qu'il satisfait à la fois aux conditions de fond énoncées au I de l'art. 199 undecies B et, en vertu du II de ce même article, aux conditions requises pour l'obtention de l'agrément.
Il faut regretter l'obscurité de ces dispositions combinées dont l'interprétation est loin d'être évidente.
(19 novembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 440755)
(67) V., identique : 19 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 442768.
68 - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Détermination par comparaison - Conditions - Application à l'espèce - Annulation partielle.
L'article 1498 CGI prévoit la possibilité que la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties soit déterminée par comparaison.
En l'espèce, était discutée la valeur locative par mètre carré arrêtée par l'administration fiscale concernant un hypermarché situé dans la périphérie immédiate de Bordeaux, à Bègles. La requérante avait proposé trois établissementblissements de comparaison et l'administration une. Ecartant trois de ces termes de comparaison en raison des différences entre la situation litigieuse et celles des termes de comparaison, le Conseil d’État retient l'une des propositions de la requérante en relevant que cet hypermarché « est situé en périphérie de l'agglomération de Toulouse, dans une aire urbaine présentant une situation économique analogue à celle dans laquelle est située la commune de Bègles. La taille de la population des deux métropoles est par ailleurs similaire. Ce terme de comparaison présente en outre des caractéristiques propres similaires à celles de l'établissement à évaluer, en particulier une surface équivalente, la présence d'importants espaces de stationnement et de «drive» ainsi que l'inclusion au sein d'une galerie marchande d'égale importance, comportant respectivement environ 120 et 150 commerces. En outre, il ressort du procès-verbal des évaluations foncières que, contrairement à ce que soutient le ministre, ce local de référence a été régulièrement évalué à partir du loyer du bail dont il faisait l'objet au 1er janvier 1970 ».
La valeur locative est ramenée de 15,24 euros/m2 à 13,87 euros pour une superficie d'environ douze mille mètres carrés.
(22 novembre 2021, SAS Société Carrefour Hypermarchés, n° 437180)
69 - Taxe professionnelle due par une chambre de commerce et d'industrie (CCI) pour l'exploitation d'un aéroport - Bases de calcul - Bien transféré de l'État à une collectivité territoriale puis de celle-ci à une CCI - Transfert ne constituant pas un apport - Événement sans incidence sur la prise en compte de la seule valeur d'origine des installations aéroportuaires - Rejet.
Ne commet pas d'erreur de droit l'arrêt d'une cour administrative d'appel jugeant que la valeur locative des immobilisations inscrites dans le cadre de la concession aéroportuaire au bilan de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse devait être calculée en fonction de leur valeur d'origine et non de leur valeur nette comptable au 31 décembre 2004.
En effet, il résulte tant des dispositions combinées des art. 1467, 1499 et 1500 du CGI que de celles de l'art. 324 AE de son annexe III et de l'art. 621-8 du plan comptable général (ex-art. 393-1) que, pour la détermination de l'assiette de la taxe professionnelle, le prix de revient des installations aéroportuaires remises par l'État puis, à compter de 2004, par la collectivité territoriale de Corse à la CCI de Bastia et de la Haute-Corse, à l'actif du bilan de laquelle les immobilisations devaient être inscrites, et que celle-ci exploite dans le cadre de la concession sans en être devenue propriétaire, est la valeur d'origine sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que ces biens ont été transférés par l'État à la collectivité territoriale de Corse, ce transfert ne pouvant être regardé comme un apport au sens des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI.
(29 novembre 2021, Chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, n° 450267)
70 - Contrats d'option - Prime versée lors de l'acquisition du contrat d'option - Prime ayant sa contrepartie - Avantage constituant un actif financier - Absence du caractère de charge déductible - Possibilité d'amortissement comptable de l'actif et de contitution de provisions - Exercice de l'option - Régime - Refus du bénéfice de la compensation - Rejet - Annulation sans renvoi, règlement de l'affaire au fond.
Une banque avait demandé - et en partie obtenu - une décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale y relative. Le ministre demandeur forme un pourvoi qui est le second en l'espèce, ce qui conduit le Conseil d’État à statuer sans renvoi.
La banque avait provisionné comme charge déductible de ses marges bénéficiaires latentes la prime qu'elle avait acquittée pour l'acquisition de contrats d'option.
Le Conseil d’État, censurant l'arrêt d'appel sur ce point, juge que la prime acquittée pour l'acquisition d'un contrat d'option a pour objet d'attribuer à l'acheteur le droit exclusif d'exercer l'option qui lui permettra d'obtenir l'avantage économique potentiel lié aux variations de la valeur de l'instrument financier sous-jacent. En conséquence, la prime rémunère, pour le vendeur du contrat d'option, l'abandon irrévocable du même droit. Il suit de là que cette prime a pour contrepartie l'acquisition du droit de bénéficier de cet avantage, qui a la nature d'un actif financier, et ne saurait par suite constituer une charge déductible de l'exercice au cours duquel elle est acquittée.
Relevant l'absence de règles comptables en disposant autrement, le juge considère que cet actif peut, pour la fraction de sa valeur qui se déprécie de manière irréversible avec le temps, donner lieu à amortissement. Il peut aussi, le cas échéant, donner lieu à la constitution de provisions.
Ensuite, s'agissant des effets attachés à l'exercice de l'option, le juge envisage deux situations : soit l'option est exercée et la valeur résiduelle de la prime d'acquisition constitue, dans le cas d'une option d'achat, un élément du prix d'acquisition de l'actif sous-jacent, et vient, dans le cas d'une option de vente, en déduction du prix de cession, soit l'option n'est pas exercée à la date de son échéance, une perte peut être constatée à concurrence de cette valeur résiduelle.
Par ailleurs, la banque avait demandé le bénéfice de la compensation entre les rehaussements dont elle a fait l'objet par la surimposition qui résulterait pour elle de son abstention à déduire, au titre de l'exercice clos en 2010, le montant des primes d'option acquittées au cours de cet exercice mais cela lui est refusé en raison de ce que les primes d'option acquittées au cours de l'exercice 2010 - comme indiqué plus haut - ne constituaient pas des charges déductibles du résultat de cet exercice.
(29 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 450732)
71 - Activité de sous-concession de brevets - Utilisation et exploitation de brevets de l'Institut Pasteur moyennant redevances - Assujettissement à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - Conditions - Régime - Rejet - Annulation sans renvoi, second pourvoi.
La société requérante exerce une activité de sous-concession de brevets dont elle a acquis le droit d'usage et d'exploitation auprès de l'Institut Pasteur, moyennant le paiement de redevances. L'administration fiscale l'a assujettie à des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011. Estimant qu'elle n'était pas soumise à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la société a formé devant le tribunal administratif, au titre des années 2010 et 2011, une demande tendant à la décharge tant des cotisations primitives que des cotisations supplémentaires ainsi que de la taxe additionnelle à cette cotisation. Le recours a été rejeté par le tribunal administratif et en appel. Puis, après cassation de l'arrêt d'appel, la cour, à nouveau saisie, a rejeté la demande de la société. Celle-ci se pourvoit contre ce second arrêt.
Se posaient, brevitatis causa, deux questions principales : Les revenus tirés de la concession d'un brevet sont-ils assujettis à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ? Quelle est, en cas de réponse positive à cette première question, l'assiette de cette cotisation ?
Sur le premier point, le Conseil d’État décide que les revenus tirés de la concession d'un brevet sont le fruit d'une activité professionnelle au sens des dispositions de l'art. 1447 du CGI si le concédant met en œuvre de manière régulière et effective, pour cette activité de concession, des moyens matériels et humains ou s'il est en droit de participer à l'exploitation du concessionnaire et est rémunéré, en tout ou partie, en fonction de cette dernière.
Il casse pour erreur de droit l'arrêt déféré en ce qu'il a jugé qu'il résultait de ce que la société avait engagé, chaque année, des honoraires d'avocats et de conseils en propriété intellectuelle afin d'entretenir la valeur économique de ses brevets qu'elle mettait en œuvre de manière régulière et effective des moyens matériels et humains pour son activité de concession. Or, la cour, ce jugeant, n'a pas recherché, comme il lui incombait, si la société ne se bornait pas, en engageant ces dépenses, à gérer son patrimoine en préservant la valeur de ses brevets mais devait être réellement regardée comme mettant en œuvre des moyens matériels et humains pour assurer leur exploitation économique.
Quant à l'assiette de la cotisation, l'art. 1586 sexies du CGI fixe la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Ce sont les normes comptables en vigueur lors de l'année d'imposition concernée et dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause qui permettent de déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories.
Il suit de là que sont rejetées les demandes de la société tendant à ce que soient prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, d'une part le montant d'une indemnité trannsactionnelle versée à l'Institut Pasteur, laquelle constitue une charge de gestion exceptionnelle et, d'autre part, les redevances pour brevet versées à cet institut, l'une et les autres n'entrant pas dans la liste limitative énoncée à l'art. 1586 sexies précité.
(29 novembre 2021, SASU Bio-Rad France Holding, venant aux droits de la société Bio-Rad Innovations, n° 451521)
72 - Acte anormal de gestion - Remboursement des frais de transport, hôtellerie et restauration du président d'un club sportif entre sa résidence (Londres) et le siège du club ou le lieu des compétitions - Déplacements devant avoir des conséquences positives pour le club - Absence - Remise en cause des déductions de ces frais - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Le club requérant avait déduit de son revenu les charges des frais de transport, d'hôtellerie et de restauration exposés par son président exécutif - domicilié près de Londres en raison de ses activités professionnelles - pour ses déplacements vers Lorient et d'autres villes françaises, en lien avec les matchs du club, sa vie administrative et financière et ses partenariats.
L'administration fiscale y a vu un acte anormal de gestion dans la mesure où elle n'apercevait pas en quoi ces déplacements concernaient l'activité du club. La cour d'appel, dans son arrêt confirmatif, a donné raison à l'administration en l'absence de « répercussions positives attendues pour le club » du fait de ces déplacements.
Le Conseil d’État annule heureusement cette solution, reprochant à la cour de n'avoir pas recherché si les déplacements en cause intervenaient pour les besoins de l'exercice par l'intéressé de ses fonctions pour se rendre au lieu du siège de l'entreprise dont il était à la la fois le propriétaire, le président et le responsable de sa gestion ou s'ils avaient la nature de déplacements personnels de celui-ci.
(29 novembre 2021, SAS Lorient Football Développement Promotion, n° 452705)
Droit public de l'économie
73 - Autorité de la concurrence – Demande de suspension en référé de l’instruction d’un dossier par cette Autorité – Projet d’acquisition de Métropole Télévision – Phase de « pré-notification » engagée par ladite Autorité – Mesure à caractère préparatoire – Rejet.
(12 novembre 2021, SAS Free et S.A. Iliad, n° 458273)
V. n° 9
74 - Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) - Qualité de partie de l'État dans certains litiges portant sur des demandes de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale - Représentation de l'État par le président de la CNAC - Dispense du ministère d'avocat dans le contentieux né de tels permis - Pouvoir d'injonction du juge envers la CNAC - Effets contentieux de l'avis défavorable de la CNAC - Annulation sans renvoi et injonctions.
L'urbanisme commercial est une matière sensible mettant en jeu des intérêts, y compris généraux, parfois contradictoires, ce qui explique une législation fluctuante et complexe reflétant bien l'inconfort d'un législateur lui-même peu assuré de la pertinence de ses prescriptions. Cette décision le montre bien, où l'on voit le juge obligé de se livrer à une reconstruction du droit applicable.
La société Les Cluses du Marais a sollicité, le 25 octobre 2017, l'octroi d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la réalisation d'un supermarché de 2 600 mètres carrés sur le territoire de la commune de Châtillon-sur-Cluses. A la suite de l'avis favorable donné à ce projet, le 20 décembre 2017, par la commission départementale d'aménagement commercial, plusieurs sociétés concurrentes, dont la requérante, ont saisi la CNAC, qui a émis un avis défavorable sur ce projet le 26 avril 2018, à la suite de quoi, le maire de la commune a, par arrêté du 4 juillet 2018, rejeté la demande dont il avait été saisi.
La cour administrative d'appel, saisie par la société Les Cluses du Marais, a, d'une part, annulé l'arrêté refusant la délivrance du permis sollicité et, d'autre part, enjoint à la CNAC de rendre un avis favorable au projet et au maire de réexaminer la demande dont il demeurait saisi par l'effet de l'annulation de son précédent arrêté.
La société Taninges distribution et la CNAC se pourvoient contre cet arrêt.
Ceci conduit le juge de cassation à rendre une importante décision qui a le mérite de clarifier un certain nombre de points relativement à la procédure administrative, non contentieuse comme contentieuse, régissant ce genre de dossiers.
Tout d'abord, répondant à une critique des pourvois, le juge indique qu'il découle tant de l'art. L. 425-4 du code de l'urbanisme que des art. L. 752-17 et R. 751-8 du code de commerce que l'État a la qualité de partie au litige devant une cour administrative d'appel, saisie en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir, formé par l'une des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, tendant à l'annulation de la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire en tant qu'elle concerne l'autorisation d'exploitation commerciale.
Ensuite, répondant là ausi à une critique qui pouvait sembler assez forte, le Conseil d’État relève, d'une part que, en dépit de ce que le secrétariat de la CNAC est assuré par les services du ministre chargé du commerce, il est constant que la Commission n'est pas soumise au pouvoir hiérarchique des ministres, qui n'ont pas le pouvoir de réformer ses avis et décisions et qu'ainsi il n'est pas anormal que le code de commerce ait prévu que son président a qualité pour représenter l'État devant les juridictions administratives dans ces litiges. Il peut donc, par suite logique, signer les recours et mémoires présentés devant le Conseil d’État au nom de l'État nonobstant les dispositions contraires du second alinéa de l'article R. 432-4 CJA. Présentés au nom de l'État, de tels recours et mémoires sont dispensés du ministère d'avocat au Conseil d’État (cf. art. R. 432-4, al. 1, CJA).
Également, il résulte des art. L. 911-1 et L. 911-2 CJA que « le juge administratif peut, s'il annule la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial » sans que puisse y faire obstacle la circonstance que cette Commission soit chargée d'instruire les recours dont elle est saisie (cf. art. R. 752-36 c. com.). On peut trouver surprenante cette dernière solution.
Enfin, et ceci limite assez la portée de ce qui précède, l'annulation de la décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sur le fondement d'un avis défavorable de la CNAC n'implique, pour elle, qu'une obligation de réexamen du projet sauf dans le cas où les motifs de l'annulation retenus par le juge administratif impliquent nécessairement la délivrance par elle d'un avis favorable.
(22 novembre 2021, Société Taninges distribution, n° 441118 ; Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), n° 442107, jonction)
75 - Droit public de l'agriculture - Structures foncières agricoles - Autorisation préalable d'agrandissement d'une surface agricole - Nouvelle superficie excédant le seuil fixé au schéma directeur départemental des structures - Notion d'agrandissement - Portée de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole - Rejet.
Il résulte des dispositions du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime que sont soumises à autorisation préalable les agrandissements d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.
En l'espèce, l'associé-exploitant d'une société civile d'exploitation agricole n'ayant pas sollicité l'autorisation prévue par la disposition précitée, a été mis demeure de régulariser sa situation puis, l'intéressé n'y ayant pas déféré, il lui a été enjoint de cesser l'exploitation des terres concernées et infligé une sanction pécuniaire de 78 223 euros.
Le Conseil d’État rejette les deux arguments principaux développés par le requérant : le premier portant sur la notion juridique d'agrandissement au sens et pour l'application de l'art. précité et le second sur les effets de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006.
Le Conseil d’État estime tout d'abord que la disposition litigieuse s'applique lorsque l'agrandissement de la surface agricole résulte d'un rachat, par une personne physique, de parts d'une société à objet agricole, si cette personne participe effectivement aux travaux et doit, par suite, être regardée comme mettant en valeur les surfaces exploitées par cette société.
Interprétant, ensuite, de manière singulièrement restrictive les dispositions de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, le Conseil d’État juge, sans autrement s'expliquer, que si celle-ci a retiré de la liste des opérations soumises à autorisation certaines modifications dans la répartition des parts ou actions des sociétés à objet agricole, elle ne saurait cependant avoir eu pour effet, contrairement à ce que soutient le demandeur, d'exempter d'autorisation celles des opérations d'extension qui se traduiraient par une modification dans la répartition des parts ou actions des sociétés à objet agricole.
(30 novembre 2021, M. I., n° 439742)
Droit social et action sociale
76 - Engagement dans un parcours de sortie de la prostitution - Décision préfectorale de refus - Office du juge saisi d'un recours en annulation de ce rejet - Erreur de droit - Annulation.
La requérante s'est vu refuser par le préfet l'autorisation d'engagement dans un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle qu'elle sollicitait. Après rejet de son recours en première instance elle saisit le Conseil d’État qui annule le rejet de sa requête.
Il estime que les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant fondé le refus opposé par le préfet à la demanderesse car, au moment où elle demandait l'autorisation d'engagement dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, elle n'avait pas encore arrêté de se prostituer et n'avait pas déposé de plainte à raison d'infractions portant sur la traite des êtres humains ou le proxénétisme, d'où ils en ont déduit l'absence de réalité de l'engagement de la personne.
Le Conseil d’État juge, au contraire, que la juridiction saisie doit examiner la situation de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, tout comme il incombe au préfet, lorsqu'il se prononce sur la demande initiale d'engagement dans le parcours au vu de l'instruction et de l'avis de l'association agréée et de l'avis de la commission compétente, de prendre sa décision en considération des mêmes éléments et de vérifier la réalité de l'engagement de la personne à sortir de la prostitution. Lorsqu'il se prononce sur une demande de renouvellement, il tient compte du respect de ses engagements par la personne accompagnée ainsi que des difficultés rencontrées, au vu desquels la commission, après avoir examiné la mise en œuvre des actions menées au bénéfice de la personne, a rendu son avis.
(19 novembre 2021, Mme C., n° 440802)
77 - Observatoire départemental d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation - Désignation par les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département d'un membre pour siéger à cet observatoire - Appréciation de la représentativité - Critère de l'audience - Critère de l'activité dans le département - Qualification inexacte des faits - Annulation avec renvoi.
L'article L. 2234-4 du code du travail prévoit l'existence d'un observatoire d'analyse et d'appui au dialogue social et à la négociation dans chaque département ; cet organisme a pour objet de favoriser et d'encourager le développement du dialogue social et la négociation collective au sein des entreprises de moins de cinquante salariés du département. Il est notamment composé, dans la limite de six organisations par département, de « membres, salariés et employeurs ayant leur activité dans la région, désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau interprofessionnel et du département et par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national interprofessionnel et multiprofessionnel » (cf. art. L. 2234-5 c. trav.). Les critères de représentativité sont le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence financière, l'ancienneté dans le champ professionnel et géographique concerné, l'audience, l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience, et, enfin, les effectifs d'adhérents et les cotisations (cf. art. L. 2121-1 c. trav.).
Selon le juge, l'autorité administrative, qui doit tenir compte de l'audience, déterminée en fonction des résultats aux élections professionnelles, n'a pas à retenir les différents seuils d'audience auxquels le 5° de l'article L. 2121-1 c. trav. se réfère selon les niveaux de négociation car ils sont, dans ce cadre, sans objet et inapplicables.
C'est donc sans erreur de droit qu'en l'espèce la cour administrative d'appel s'est abstenue de se référer à ces seuils d'audience. En revanche, elle a inexactement qualifié les faits en jugeant que l'organisation syndicale requérante ne satisfaisait pas à la condition de représentativité posée à l'article L. 2234-5 précité pour pouvoir désigner un représentant au sein de l'observatoire précité.
(19 novembre 2021, Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), n° 443858)
78 - Revenu de solidarité active (RSA) - Demande d'allocation de ce revenu en qualité d'ascendant à charge d'un citoyen de l'Union européenne - Fille de nationalité française - Rejet.
La demanderesse ne peut se prévaloir de la qualité d'ascendante d'une ressortissante de l'Union européenne de nationalité française pour obtenir le bénéfice du revenu de solidarité active, les dispositions de l'art. L. 121-1 (reprises depuis à l'art. L. 233-1) du CESEDA qu'elle invoque ne s'appliquant qu'à des personnes accueillies en France par des ressortissants de l'Union exerçant eux-mêmes leur droit au séjour, non à celles accueillies par des Français.
(19 novembre 2021, Mme H., n° 448443)
79 - Avis de droit - Indu de revenu de solidarité active (RSA) - Amende administrative pour omission de déclaration ou fausse déclaration d'éléments ayant entraîné l'indu de RSA - Soumission ou non à l'obligation préalable d'un recours administratif préalable au recours contentieux - Absence.
Si l'art. L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles subordonne toute réclamation contentieuse dirigée contre une décision relative au RSA à l'exercice préalable d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental, cette disposition n'est pas applicable au recours dirigé contre la décision de ce même agent infligeant l'amende administrative pour fausse déclaration ou omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du RSA, cette dernière étant régie par les dispositions, spécifiques à cette amende, de l'art. L. 246-52 dudit code.
(19 novembre 2021, Mme C., n° 454699)
80 - Organisations professionnelles d'employeurs - Appréciation de leur représentativité - Critère de l'activité et de l'expérience - Influence retenue d'une organisation professionnelle s'exerçant seulement sur une partie des activités relevant de la convention collective en cause - Rejet.
Pour déterminer la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs, le 5° du I de l'article L. 2151-1 du code du travail retient notamment un critère tiré de l'expérience qui prend en compte à titre prioritaire l'activité et l'expérience. Or la requérante soutenait qu'avait été retenue à ce titre comme représentative une fédération professionnelle dont l'influence ne portait que pour une part seulement des activités relevant du champ de la convention collective concernée. L'argument est rejeté, le Conseil d'État estimant que l'appréciation de cette influence doit se faire globalement avec l'ancienneté de l'organisation et son audience. L'exercice d'une partie seulement des activités entrant dans le champ de la convention collective n'empêche l'intéressée de satisfaire au critère susrappelé.
(22 novembre 2021, Fédération française des services à la personne, n° 431275)
(81) V. aussi, jugeant notamment que le vote des agents publics aux institutions représentatives du personnel dans les établissements de l'enseignement privé non lucratif couverts par la convention collective nationale ne peuvent pas être retenus pour déterminer la représentativité des organisations syndicales dès lors que cette convention ne régit que les relations entre les employeurs relevant de son champ et leurs salariés de droit privé : 22 novembre 2021, Ministre du travail, n° 431431.
(82) V. également, s'agissant de la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des centres équestres : 22 novembre 2021, Fédération française d'équitation, n° 431927.
(83) V. encore, à propos de la fixation de la liste des organisations représentatives dans la convention collective nationale de l'enseignement agricole privé : 22 novembre 2021, Syndicat national de l'enseignement privé CFE-CGC (SYNEP CFE-CGC), Syndicat national de l'enseignement privé initial (SNEIP-CGT) et Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT), n° 433536.
84 - Licenciement d'un salarié protégé - Avis favorable de l'inspection du travail - Annulation par le juge d'appel pour non-recherche de la gravité de la faute reprochée - Office du juge - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
L'inspection du travail avait donné un avis favorable au projet de licenciement d'un salarié protégé (conseiller prudhomal) du requérant. La cour administrative d'appel, par un arrêt infirmatif, avait annulé cette autorisation motif pris de ce qu'il ne résultait pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail avait recherché si le licenciement était justifié par une « faute grave » ainsi que l'exigent les stipulations de l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Le Conseil d’État annule cet arrêt pour erreur de droit car il était de l'office du juge saisi d'un tel grief de se prononcer lui-même, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, y compris, le cas échéant, celles fixées dans la convention collective qui lui était applicable, sur le bien-fondé de l'appréciation de l'autorité administrative selon laquelle les faits reprochés étaient de nature à justifier le projet de licenciement.
(24 novembre 2021, Institut Avenir Provence, n° 432331)
85 - Licenciement d'une salariée - Refus d'autorisation opposé par l'inspection du travail confirmé par le ministre - Faits justificatifs du licenciement jugés comme « apparaissant » prescrits - Insuffisance de motivation - Annulation avec renvoi.
Une autorisation de licenciement est refusée en raison de ce que les faits invoqués pour le justifier sont prescrits. L'employeur conteste la réalité de la prescription. Une cour administrative d'appel rejette l'appel en raison de ce que les faits « apparaissaient » prescrits. Une motivation dubitative ne constitue pas une motivation : l'arrêt est très logiquement cassé pour n'avoir pas mis le juge de cassation en mesure d'exercer son office.
(24 novembre 2021, Association « Coordination des œuvres sociales et médicales» (COSEM), n° 433075)
86 - Droit au logement - Reconnaissance d'une personne comme prioritaire au logement - Refus du logement proposé - Condition d'exercice du pouvoir d'injonction du juge - Rejet.
Rappel de ce que lorsqu'un demandeur reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé ou relogé en urgence refuse un logement qui lui est proposé, le juge administratif, saisi par lui d'un recours tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement (cf. art. L. 441-2-3-1, c. de la construct. et habitat.), ne peut adresser une injonction à l'administration que si l'offre qu'il a rejetée n'était pas adaptée à ses besoins et capacités tels que reconnus par la commission ou si, bien que cette offre soit adaptée, il fait état d'un motif impérieux de nature à justifier son refus.
En ce cas, l'administration doit être regardée comme étant déliée de son obligation de lui proposer un logement conforme aux préconisations de la décision de la commission de médiation.
(30 novembre 2021, Mme B., n° 436148)
Élections et financement de la vie politique
87 - Élections municipales et communautaires - Compte de campagne – Dépôt tardif – Conditions d’envoi de ce compte – Caractère non probant – Inéligibilité confirmée – Rejet.
C’est sans erreur de droit ni de fait que le tribunal administratif, après avoir constaté le dépôt tardif du compte de campagne du requérant et en l’absence de valeur probante des éléments qu’il apporte pour tenter de démontrer l’existence d’un dépôt de ce compte suivi de son envoi dans le temps légal, a sanctionné l’irrégularité ainsi commise par une inéligibilité de trois mois.
(4 novembre 2021, M. E., n° 453522)
(88) V., avec solutions comparables : 9 novembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Allonnes, n° 448318 ou, pour une inéligibilité de six mois : 18 novembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Ajaccio, n° 451971 ou encore : 22 novembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune du Beausset, n° 453026.
(89) V aussi, confirmant une inéligibilité pour dix-huit mois, alors que le compte de campagne a été visé par un expert-comptable mais qu’il a été déposé tardivement et n’était pas accompagné des justificatifs des recettes et des dépenses : 10 novembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Besançon, n° 450388.
(90) Comparer avec la décision qui, tout en relevant l’importance du montant des dépenses en cause dans un compte déposé hors délai, constate le caractère non délibéré du manquement et annule la partie d’un jugement prononçant l’inéligibilité de l’intéressé : 9 novembre 2021, M. G., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Asnières-sur-Seine, n° 448221 ou encore avec celle jugeant que si le compte de campagne doit en l’espèce être rejeté, le montant faible du déficit (moins de 2500 euros) permet de dispenser l’intéressée de l’inéligibilité : 16 novembre 2021, Mme F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-François, n° 451512 ; v. aussi, assez semblable en substance : 16 novembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Morne-à-l’Eau, n° 451514.
(91) Voir, confirmant par la sanction de l’inéligibilité entraînant une démission d’office du candidat dont le mandataire financier figure sur sa liste électorale en violation de l’art. L. 52-6 du code électoral : 10 novembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune de Goussainville, n° 451001 ; Mme L., Él. mun. et cnautaires de la commune de Goussainville, n° 451039.
(92) Voir également, censurant sur ce point le jugement de première instance, la décision proclamant l'inéligibilité d'une candidate administratrice de la société d'économie mixte de la commune, laquelle est une entreprise de services municipaux, bien qu'elle soit la seule des quatre administrateurs qui ne soit pas un représentant de la commune car à ce titre elle est la seule à pouvoir voter sans devoir se déporter sur les dossiers relatifs à des contrats ou des marchés concernant la commune, d'où le rôle prépondérant qu'elle joue au sein du conseil d'administration de cette société : 22 novembre 2021, M. G., Él. mun. et cnautaires de la commune de Montreuil-sous-Bois, n° 448743.
93 - Élections des conseillers régionaux – Conclusions dirigées contre un premier tour de scrutin sans résultat – Irrecevabilité – Possibilité d’exciper d’éventuelles irrégularités entachant ce tour au soutien d’une protestation dirigée contre le second tour – Rejet.
Tout d’abord, le juge rappelle qu’est irrecevable une protestation dirigée contre un premier tour de scrutin à l’issue duquel aucun résultat n’a été proclamé même si celui-ci a conduit à l’élimination de la liste du candidat requérant. En revanche, il est loisible d’invoquer des irrégularités qui auraient entaché ce premier tour au soutien d’un recours dirigé contre le second tour des opérations électorales.
Ensuite, s’agissant du second tour, le protestataire soulève des moyens qui soit ne sont pas assortis d’éléments permettant d’en apprécier le bien-fondé, soit n’ont pas altéré la sincérité du scrutin comme la composition incomplète de bureaux de vote ou l’ouverture tardive de certains d’entre eux, le taux élevé d’abstentions n’étant pas différent des autres circonscriptions métropolitaines ou ultra-marines.
(4 novembre 2021, M. G., Élections de conseillers régionaux de Guadeloupe, n° 454069)
(94) V. aussi, pour une application à des élections régionales de cette règle d'irrecevabilité d'une protestation dirigée contre un premier tour à l'issue duquel n'a été proclamé aucun élu et sur son extension aux conclusions dirigées contre la décision de la commission départementale de recensement des votes relative à la validité des bulletins de vote ainsi que contre le refus du préfet d'invalider certains suffrages, qui ne sont, en tout état de cause, pas détachables des opérations électorales : 22 novembre 2021, M. C., Élections des conseillers régionaux de la région Normandie, n° 453941.
95 - Élections municipales et communautaires – Protestataire ayant annoncé la production ultérieure d’un mémoire complémentaire – Expiration du délai d’un mois – Désistement d’office.
En contentieux électoral, le protestataire qui n’a pas produit avant l’expiration du délai d’un mois (art. R. 611-22 et R. 611-23 c. électoral) le mémoire complémentaire qu’il avait annoncé, est réputé s’être désisté de sa requête.
(10 novembre 2021, M. K., Él. mun. et cnautaires de la commune de Soisy-sous-Montmorency, n° 448589)
96 - Élections municipales et communautaires – Griefs tirés d’irrégularités diverses – Décès d’un responsable de liste entre les deux tours – Inéligibilité de certains agents du conseil régional – Fonctions ne figurant pas dans l’énumération du 8° de l’art. L. 231 du code électoral – Rejet.
Cette décision, d’ailleurs rendue en chambres réunies, situation peu fréquente en contentieux électoral, est intéressante à un double titre par-delà les habituels griefs, tous rejetés, tenant aux incidents ayant émaillé la campagne électorale.
En premier lieu, dans le silence du code électoral sur ce point, le Conseil d’État juge qu’en cas de décès d’un responsable de liste entre les deux tours de scrutin, le deuxième de cette liste doit être considéré comme lui succédant pour l'accomplissement des opérations de candidature du second tour.
En second lieu, était contestée l’éligibilité d’un candidat en sa qualité d’agent employé par le conseil régional ; les fonctions qu’il occupe ne figurent pas dans l’énumération du 8° de l’art. L. 231 du code électoral (selon lequel « Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) 8° Les personnes exerçant, au sein du conseil régional (...), les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif (...) »). Le Conseil d’État, fidèle à sa jurisprudence habituelle, considère cette énumération comme non limitative et recherche si la réalité des fonctions exercées ne confère pas à leur titulaire des responsabilités équivalentes à celles exercées par les personnes mentionnées par ces dispositions. En l’espèce, il constate que ce n’est pas le cas car, ainsi que jugé par le tribunal administratif, l’intéressé occupait, par contrat, un poste de directeur de projet au sein de la direction de la communication et de la marque de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, correspondant au grade d'administrateur. Chargé en particulier de développer les relations avec les institutions et la presse nationales et d'assurer la promotion de la marque « Région Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur », il exerçait des fonctions d'expertise stratégique en matière de communication auprès de la directrice de la communication et de la marque, sans mission d'encadrement de personnel, et ne disposait d'aucune délégation de signature ni d'aucun pouvoir de décision.
(8 novembre 2021, Mme T., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Allauch, n° 450970 ; Mme Robineau- Chailan, Él. mun. et cnautaires de la commune d’Allauch, n° 451000)
(97) V. aussi, pour un florilège des moyens développés en contentieux électoral : 22 novembre 2021, Mme A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villetaneuse, n° 448292 ou : 22 novembre 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villemomble, n° 450484 ou également : M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bondy, n° 450598.
98 - Élections municipales et communautaires – Délai dans lequel doit statuer le tribunal administratif - Irrégularités de certains suffrages exprimés - Élément nouveau de polémique électorale - Soutien sur les réseaux sociaux - Confirmation de l'annulation des deux tours du scrutin.
Le tribunal administratif saisi d'un recours dirigé contre les résultats d'une élection qui s'est déroulée lors du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, doit surseoir à statuer jusqu'à la réception des décisions de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à compter de laquelle il dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer. En l'espèce, les décisions de cette commission ayant été notifiées au tribunal administratif le 9 décembre 2020, celui-ci n'a pas jugé hors délai en se prononçant le 12 février 2021 sur le recours dont il était saisi, soit moins de trois mois après que la commission lui a notifié sa décision.
Le juge d'appel estime irréguliers un certain nombre de suffrages, outre une partie de ceux déjà relevés en première instance et confirmés en appel, en raison des différences significatives et systématiques entre les signatures portées lors du premier et du second tours du scrutin. Cela le conduit à déduire hypothétiquement de chaque liste seize suffrages.
Enfin, des accusations graves ont été portées contre la maire sortante pour prise illégale d'intérêts au moyen de divers instruments de diffusion reprenant, en le tronquant et en le truquant, une partie d'un article de presse ; celles-ci ont été portées trop tardivement à la connaissance des électeurs pour permettre à la maire de répliquer utilement et entachent la sincérité du scrutin. Par ailleurs, on ne saurait soutenir que cette irrégularité aurait été «compensée» par les publications appelant sur les réseaux sociaux à voter pour la maire sortante notamment de la part d'un célèbre joueur de football évoluant au PSG (avant, peut-être, de devenir madrilène ?) et d'une bien connue influenceuse.
C'est donc sans erreur que le tribunal administratif a annulé les opérations électorales des 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Bondy.
(22 novembre 2021, M. A. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Bondy, n° 450598)
99 - Élections municipales - Fraude électorale - Personnes sanctionnables - Inéligibilité pour fraude - Dossier communiqué au procureur de la république - Rejet.
Des élections municipales sont arguées de fraude en ce qui concerne les conditions de recueil de 118 procurations ainsi que de constatation de l'identité des mandants.
Le Conseil d’État décide, et c'est là l'intérêt principal de la décision, que la faculté pour le juge de l'élection de déclarer inéligibiles, d'office le cas échéant, les candidats ayant personnellement accompli des manœuvres frauduleuses ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin litigieux, s'applique aux candidats qui, « informés de l'existence ou de la préparation de telles manœuvres, se sont abstenus de prendre toute mesure utile en vue de les prévenir ou d'y mettre fin ». La solution pourrait sembler donner une extension très large à la notion d'auteur d'une fraude, elle est pourtant très logique et particulièrement bienvenue dans une matière où la moralité des comportements est une composante de la légalité s'agissant d'une opération consubstantielle à l'idée de démocratie.
(10 novembre 2021, M. K., Élections municipales d'Arue, n° 450401)
100 - Élection des adjoints - Communes de plus de mille habitants - Obligation d'une liste alternée par sexe - Caractère unisexué des deux dernières candidatures - Irrégularité - Rejet.
Dans les communes de plus de mille habitants les adjoints sont élus au scrutin de liste à partir d'une liste composée alternativement d'un homme et d'une femme. En l'espèce, où neuf adjoints devaient être élus, la liste comportait, pour les deux derniers postes d'adjoints à pourvoir, deux candidats de même sexe. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé l'élection de l'ensemble de la liste.
(19 novembre 2021, Élection des adjoints de la commune de Chennevières-sur-Marne, n° 451305)
101 - Élections municipales et communautaires – Crise sanitaire - Faible taux de participation - Autres griefs - Rejet.
Rappel, une énième fois, que ne sauraient être annulées des opérations électorales motif pris de ce qu'en raison de leur déroulement pendant la crise sanitaire de Covid-19, le taux d'abstention y aurait été très élevé : d'une part la loi n'impose pas un taux minimum de participation, d'autre part, il n'est pas établi que ce taux aurait porté atteinte à la sincérité du scrutin. Au reste, un recours contentieux est possible, le cas échéant, contre les résultats obtenus. Les autres griefs (attribution de salles pour des réunions électorales, affiches électorales dégradées, nombre d'assesseurs pouvant être désignés, absence irrégulière de bulletins ou mauvaise disposition de ceux-ci) sont rejetés comme non établis ou impuissants à affecter la sincérité du scrutin.
(18 novembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Mireval, n° 445197)
(102) V., semblable sur ce point : 19 novembre 2021, Mme F., Él. mun. et cnautaires de la commune d'Aimargues, n° 445632.
103 - Élection du maire et de ses adjoints - Caractère définitif de l'élection, contestée, d'un adjoint - Rejet.
L'appel dirigé contre le jugement rejetant la protestation d'un conseiller municipal contre l'élection du troisième adjoint au maire est irrecevable dès lors que cette élection a acquis un caractère définitif.
(19 novembre 2021, M. H., Élection d'un adjoint au maire de la commune de Verchin, n° 446482)
104 - Élection des adjoints - Ordre de leur présentation sur la liste - Obligation de les proclamer élus dans cet ordre - Notion de contentieux électoral - Compétence du Conseil d’État par connexité - Déféré préfectoral - Délai de saisine du juge par ce déféré - Versions successives du tableau du conseil municipal - Inexistence des actes administratifs - Annulation très partielle, rejet pour l'essentiel.
La décision ici rapportée est très riche par le nombre et la diversité des questions soulevées.
Le préfet de la Loire-Atlantique avait demandé au tribunal administratif de Nantes de rectifier les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 mai 2020 en vue de l'élection des adjoints au maire de la commune de La Haye-Fouassière, de proclamer élus les adjoints au maire dans l'ordre de leur présentation sur la liste «Ensemble, vivons La Haye-Fouassière» ou d'enjoindre au conseil municipal de procéder à une nouvelle élection, de déclarer inexistante la seconde version de la proclamation des résultats des opérations électorales du 28 mai 2020, transmise le 11 juin, d'annuler pour excès de pouvoir les trois versions du tableau du conseil municipal, transmises respectivement les 29 mai, 5 juin et 11 juin 2020 ou, à titre subsidiaire, de déclarer inexistante la version transmise le 11 juin et d'enjoindre au maire d'établir un nouveau tableau du conseil municipal tenant compte de la rectification de l'ordre des adjoints et classant les autres conseillers municipaux selon l'ordre prescrit par l'article L. 2121-1 du code général des collectivités territoriales. Toutes ces demandes ont été rejetées en première instance ; le préfet déférant interjette appel, ce dernier est, pour l'essentiel, rejeté.
À l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune, les vingt-sept sièges de conseillers municipaux ont été pourvus. Le 28 mai 2020, les conseillers municipaux se sont réunis afin de procéder à l'installation du conseil municipal. Après l'élection du maire, la séance s'est poursuivie par la fixation du nombre d'adjoints au maire suivie de leur élection. Puis, par courriel du 29 mai, le maire a transmis à la préfecture de la Loire-Atlantique le procès-verbal de l'élection du maire et des adjoints, auquel était annexée la feuille de proclamation des résultats ainsi que le tableau du conseil municipal, il est alors apparu, d'une part, que les adjoints au maire ne figuraient pas selon leur ordre de présentation sur la liste soumise au vote des conseillers municipaux ni sur la feuille de proclamation annexée au procès-verbal ni sur le tableau du conseil municipal, d'autre part que les conseillers municipaux autres que les adjoints au maire n'étaient pas classés sur le tableau du conseil municipal par priorité d'âge, à nombre de voix égal. Par courriel du 5 juin 2020, le maire a adressé à la préfecture une deuxième version du tableau du conseil municipal, datée du 28 mai, dans laquelle les conseillers municipaux autres que les adjoints au maire étaient classés, à nombre de voix égal, par priorité d'âge. Enfin par courriel du 11 juin 2020, le maire a transmis à la préfecture, d'une part, le procès-verbal de l'élection, auquel était annexée une seconde version de la feuille de proclamation des résultats, datée du 28 mai, faisant figurer les adjoints au maire dans le même ordre que celui de la liste soumise au vote des conseillers municipaux, d'autre part, une troisième version du tableau du conseil municipal, également datée du 28 mai, faisant figurer les adjoints au maire dans cet ordre et les autres conseillers municipaux par priorité d'âge, à nombre de voix égal.
Une première question se posait dans la mesure où, manifestement, le préfet avait suivi dans cette affaire la procédure ordinaire du contentieux électoral alors que l'établissement du tableau du conseil municipal est distinct des opérations électorales et de la proclamation des résultats de ces opérations, d'où il résulte que le litige relatif à ce tableau n'a pas le caractère d'un litige en matière électorale et ne relève donc pas de la compétence d'appel du Conseil d'État. Toutefois, en raison de la connexité existant entre le déféré préfectoral et l'appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif concernant l'élection du maire et des adjoints, le Conseil d’État accepte de statuer sur le litige portant sur les trois versions successives du tableau.
En deuxième lieu, le préfet disposait de quinze jours à compter de la réception du procès-verbal des opérations électorales pour saisir le juge, y compris en cas de transmission, comme ici, par voie électronique (solution nouvelle et qui n'allait pas de soi). Or, alors que ce délai expirait le 15 juin 2020 à vingt-quatre heures, le déféré contre les deux premières versions du tableau n'a été enregistré au greffe du tribunal administratif que le 17 juillet 2020. Le déféré était tardif mais, comme on va le voir, seulement en tant qu'il tendait à l'annulation de la proclamation des résultats de l'élection des adjoints au maire.
En troisième lieu, dès lors que le code électoral interdit à toute autre personne que la juridiction administrative saisie de rectifier les résultats de l'élection du maire et des adjoints tels qu'ils ont été transcrits au procès-verbal signé des membres du bureau de vote, le maire ne pouvait pas, comme il l'a fait en l'espèce, « apporter la moindre rectification à l'annexe au procès-verbal des opérations électorales ». C'est pourquoi le préfet requérant estimait cet acte inexistant mais le Conseil d’État refuse cette qualification d'acte nul et de nul effet car, relève-t-il, « la modification à laquelle il a pourtant été procédé en l'espèce n'a pas altéré le résultat des opérations électorales mais a uniquement visé à faire apparaître les adjoints dans l'ordre prescrit par l'article L. 2121-1 du CGCT ». C'est donc sans erreur que le tribunal administratif a rejeté sur ce point le déféré préfectoral.
En quatrième lieu, puisque la critique du contenu du tableau du conseil municipal ne relève pas du contentieux électoral c'est le délai de recours de droit commun qui doit être appliqué, soit deux mois. Ce délai a été respecté par le déféré préfectoral et c'est à tort que le tribunal l'a rejeté sur ce point en se fondant sur sa tardiveté. Passant à l'examen des première et deuxièm versions dudit tableau, le juge constate le non-respect des prescriptions législatives (cf. le II de l'art. L. 2121-1 CGCT) et déclare le préfet fondé à en demander l'annulation pour excès de pouvoir. Puis, s'agissant de la troisième version du tableau, du 11 juin 2020, même à la supposer antidatée comme le soutient le préfet, cette circonstance ne saurait la faire regarder comme inexistante en raison de son objet qui était de respecter les prescriptions légales. Le préfet est seulement fondé à en demander l'annulation que dans la mesure où ce tableau a entendu produire effet entre le 28 mai et le 11 juin 2020.
Maigre consolation du représentant de l'État dans le département...
(22 novembre 2021, Préfet de la Loire-Atlantique, Élection des adjoints au maire de la commune de La Haye-Fouassière, n° 445758)
105 - Élection présidentielle de 2022 - Demande d'injonction envers le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - Réglementation des sondages - Temps de parole des candidats déclarés - Incompétence du juge du référé de l'art. L. 521-3 CJA - Rejet.
Une personne ayant fait connaître sa décision de se porter candidate à l'élection présidentielle du printemps 2022 saisit le juge du référé de l'art. L. 521-3 du refus que lui a opposé le CSA de modifier sa délibération du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision, afin d'y préciser les règles d'élaboration des sondages d'opinion susceptibles d'être pris en compte pour apprécier le caractère équitable des temps d'intervention des candidats au regard de leur représentativité. Dans l'attente du jugement au fond du rejet implicite de cette demande, il saisit le juge des référés du Conseil d’État afin qu'il enjoigne au CSA de prendre une délibération fixant provisoirement de telles règles et d'assurer provisoirement un temps minimal de quinze minutes par semaine d'expression de tous les candidats publiquement déclarés à la prochaine élection présidentielle dans les médias se trouvant sous son contrôle à des heures de grande audience.
Le recours est rejeté pour irrecevabilité, le référé de l'art. L. 521-3 ne pouvant produire d'effets qui ne seraient pas produits par les référés des art. L. 521-1 et L. 521-2 CJA.
(25 novembre 2021, M. A., n ° 458424)
Environnement
106 - Annulation du refus implicite d’abroger le a) du 2° de l’art. D. 531-2 du code de l’environnement et de prononcer un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides – Injonctions diverses adressées au premier ministre en cette matière – Élaboration d’un projet de décret pour l’exécution des injonctions – Absence d’exécution à ce jour de ces injonctions – Projet de décret jugé contraire à la réglementation européenne par la Commission européenne – Contradictions entre les avis scientifiques du Haut Conseil des biotechnologies et de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) – Solution du litige en exécution d’injonctions dépendant de la résolution de difficultés sérieuses – Renvoi à la CJUE de questions préjudicielles – Prononcé d’injonctions contre l’État – Demande à la CJUE de statuer en urgence ou par classement prioritaire de cette affaire.
(8 novembre 2021, Confédération Paysanne, Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès, n° 451264)
V. n° 135
107 - Création d'une centrale à cycle combiné gaz dans le cadre du « pacte électrique breton » conclu entre plusieurs organismes publics – Autorisation préfectorale en vue de cette création – Demande d’annulation – Rejet.
Les requérantes contestaient la décision d’un préfet autorisant, au terme d’un appel d’offres, une société à construire une centrale à cycle combiné gaz. Deux des moyens soulevés ont donné lieu à d’importantes réponses du Conseil d’État.
En premier lieu, était reproché le non-respect, par l’étude d’impact réalisée en vue de cette opération, du 5° de l’art. R. 122-5 du code de l’environnement, selon lequel l’étude d’impact présente « Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ». Le moyen est rejeté car une telle étude « peut légalement s'abstenir de présenter des solutions qui ont été écartées en amont et qui n'ont, par conséquent, pas été envisagées par le maître d'ouvrage ».
En second lieu, le juge de cassation réserve au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond la question de savoir si, conformément aux dispositions de l’art. L. 181-27 du code de l’environnement, la société pétitionnaire dispose des capacités techniques et financières lui permettant « de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (c. env.) et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 (c. env.) lors de la cessation d'activité ».
(15 novembre 2021, Association Force 5 et autres, n° 432819)
(108) V. aussi, assez comparable et avec rejet de la requête : 15 novembre 2021, Association Force 5, n° 434742.
109 - Directive européenne instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable – Transposition dans le code rural et de la pêche maritime – Absence alléguée de prise des mesures d’application – Aires de captage d’eau potable – Utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 visés à l'article L. 414-1 du code de l'environnement – Rejet et annulation partiels avec injonction d’édicter des mesures d’application sous six mois.
L’association demandait l’annulation pour excès de pouvoir du rejet implicite de sa demande de prendre les mesures d'application des 2° et 3° du I de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime intervenus en transposition des articles 11 et 12 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
S’agissant de l'interdiction ou de l'encadrement de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les zones de captage de l'eau potable destinée à la consommation humaine mentionnées au 1° de l'article R. 212-4 du code de l'environnement, la requête est rejetée car soit au titre de la règlementation applicable aux aires d'alimentation des captages d'eau potable prévue par le code de l'environnement et le code rural et de la pêche maritime, soit au titre de la réglementation applicable aux prélèvements d'eau destinée à la consommation humaine prévue par le code de l'environnement et le code de la santé publique, l'autorité administrative, en fonction des caractéristiques de la zone de captage et des activités humaines susceptibles de s'y exercer, peut interdire ou encadrer, dans les conditions fixés par ces réglementations spéciales, l'usage de toute substance, y compris de produits phytopharmaceutiques afin de garantir la qualité des eaux prélevées destinées à la consommation humaine. Ces réglementations mettent donc bien en œuvre les dispositions du 2° du I de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, conformément aux exigences posées par la directive du 21 octobre 2009 précitée.
S’agissant, en revanche, de l'interdiction ou de l'encadrement de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 visés à l'article L. 414-1 du code de l'environnement, le Conseil d’État juge que le pouvoir réglementaire n’a pas adopté les mesures qu'il était tenu de prendre pour l'application des dispositions du 3° du I de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime pour ce qui concerne ces sites. Le recours est accueilli sur ce point et injonction est faite d’édicter sous six mois les mesures d’application de ce dernier texte.
(15 novembre 2021, Association France Nature Environnement, n° 437613)
110 - Référé suspension - Contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et des quadricycles - Directive européenne fixant au 1er janvier 2022 l'instauration d'un contrôle technique de certains véhicules - Non-respect par un décret - Existence prévue d'alternative - Absence d'urgence - Rejet.
Il était demandé la suspension d'exécution du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur en tant qu'il fixe au 1er janvier 2023 l'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules de catégorie L et qu'il prévoit des dispositions transitoires alors qu'une directive fixe au 1er janvier 2022 la date d'entrée en vigueur de l'obligation de contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.
La requête est rejetée au prix d'une motivation embarrassée et peu convaincante. Il n'y aurait pas urgence à statuer, d'une part, car la directive invoquée n'instaurerait pas une obligation univoque mais ouvrirait la faculté aux États membres de ne pas imposer d'obligation de contrôle technique aux véhicules de catégorie L3e, L4e, L5e et L7e de cylindrée supérieure à 125 cm3 lorsqu'ils ont mis en place et notifié à la Commission européenne des mesures alternatives de sécurité routière en tenant compte des statistiques pertinentes de sécurité routière et, d'autre part, compte tenu de ce que le recours en annulation de ce même décret pour ce même motif viendra à l'audience dans le courant du premier semestre 2022.
(ord. réf. 16 novembre 2021, Associations Respire, Ras-le-Scoot et Paris Sans Voiture, n° 457399)
111 - Plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) - Classement des terrains - Objet - Régime et conditions du classement - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Suite à d'importantes inondations, un préfet abroge le PPRI existant et prescrit l'élaboration d'un nouveau plan. Celui-ci classant des parcelles appartenant à la requérante en zone rouge R1, cette dernière saisit la justice administrative et in fine se pourvoit en cassation contre l'arrêt d'appel confirmatif du rejet de son recours en première instance.
Le Conseil d’État, conformément à sa jurisprudence antérieure (cf. 6 avril 2016, Commune d'Alès et autres, n° 386000), déduit de dispositions du code de l'environnement (art. L. 562-1 et R. 562-3) « que le classement de terrains par un plan de prévention des risques d'inondation a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l'intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires, à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ».
Il suit de là, selon lui, que le plan doit être arrêté après un examen in concreto et non théorique des éléments de fait (existence et état des ouvrages de protection, altimétrie des terrains inclus dans ou exclus du PPRI, classement en fonction du degré de risque...).
En l'espèce, la société requérante faisait valoir l'exhaussement, par remblaiement, des terrains classés en zone rouge R1 et donc la modification subséquente de leur altimétrie, pour prétendre ce classement illégal. La cour a jugé que le préfet pouvait, lors de l'établissement du nouveau PPRI, s'abstenir de tenir compte de la modification de l'altimétrie de terrains résultant d'une opération de remblaiement au motif que celle-ci avait eu lieu dans des conditions estimées irrégulières et présentait, à ce seul titre, un caractère précaire dans l'attente d'une éventuelle régularisation dont la cour n'excluait d'ailleurs pas la possibilité.
Ce jugeant elle a commis une erreur de droit, l'altimétrie des terrains devant être éventuellement classés à risque devant s'apprécier à la date à laquelle le PPRI est établi.
(24 novembre 2021, Société «Les quatre chemins», n° 436071)
112 - Notion de « déchets » - Droit de l'Union - Code de l'environnement - Cas du stockage de pneumatiques usagés - Erreur de droit - Annulation sans renvoi (affaire réglée au fond).
Il résulte tant des dispositions de l'article 3 de la directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets que de celles de l'art. L. 541-1-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de cette directive, que sont des déchets les biens dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention de se défaire.
En jugeant que des pneumatiques ne pouvaient pas être regardés comme des déchets s'ils n'avaient pas été recherchés comme tels dans le processus de production dont ils sont issus, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit.
(24 novembre 2021, Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 437105)
État-civil et nationalité
113 - Action en changement de nom – Nom illustre au plan national – Absence – Motif affectif ne caractérisant pas un intérêt légitime – Nom en voie d’extinction en ligne directe comme en ligne collatérale – Absence d’erreur de droit – Rejet.
L’intéressé, qui s’était vu refuser par le garde des sceaux l’autorisation de changer de nom a saisi le juge administratif en annulation dudit refus qui, tant en première instance qu’en appel lui a donné gain de cause. Le garde des sceaux, débouté en son appel, se pourvoit.
La cour administrative d’appel avait admis les trois motifs invoqués par le demandeur au soutien de sa requête en changement de nom : ce nom est porté par sa mère, il a un caractère illustre et enfin cette demande repose sur un motif affectif.
Le Conseil d’État aperçoit dans l’arrêt querellé devant lui deux erreurs dans la qualification des faits.
D’une part, c’est à tort que la cour a retenu le motif tiré du caractère illustre de ce nom au plan national même s’il a été porté sous l'Ancien régime par des descendants de familles royales et des membres de la cour et par Jacques-François de Menou, baron de Bussay, président de l'assemblée constituante en mars 1790, général en chef de l'armée d'Orient en 1800 et dont le nom est gravé sur un pilier de l'Arc de Triomphe et en dépit du caractère éminent des fonctions occupées par certains membres de cette famille.
D’autre part, la cour a fait droit, à tort, au motif affectif invoqué par le requérant en raison de son projet de reprendre la gestion d'un domaine familial dont ses parents sont propriétaires et qui appartenait à son grand-père maternel.
En revanche, faisant application du deuxième alinéa de l’art. 61 du code civil (« La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré »), il approuve la cour d’avoir examiné, à partir de la descendance en ligne directe et en ligne collatérale issue de cet ascendant du demandeur au quatrième degré, si le nom est en voie d'extinction et d’avoir, pour ce motif également, jugé illégal le refus opposé par le garde des sceaux.
La demande d’annulation de l’arrêt par le garde des sceaux est rejetée, ce dernier motif suffisant à en justifier le dispositif.
(9 novembre 2021, M. Q., n° 448719)
(114) V. aussi, rejetant une opposition à autorisation de changement de nom, la décision qui estime, d’une part, qu’est légitime la demande de relèvement d’un nom en voie d’extinction porté par un ascendant ou collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré, et d’autre part, que ce risque d’extinction s’apprécie au sein d’une même famille sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’existent des porteurs du nom revendiqué qui sont susceptibles de le transmettre : 9 novembre 2021, M. de J. et autres, n° 450752.
Étrangers
115 - Réfugiés – Convention de Genève et art. L. 711-6 CESEDA - Office de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – Étendue différente de cet office selon que la CNDA est saisie d’un recours contre une décision mettant fin à ce statut sans remise en cause de cette qualité par l’OFPRA ou qu’elle est saisie d’une demande de l’OFPRA tendant à la remise en cause de cette qualité – Rejet.
Le requérant, de nationalité russe et d'origine tchétchène, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en 2009. Par suite de sa condamnation, en 2013, pour participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme commis dans le département de la Sarthe, en Turquie et en Russie, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), se fondant sur le 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA, a, par une décision du 30 mai 2018, mis fin à son statut de réfugié en raison de ce qu’il avait été condamné en dernier ressort en France pour un délit constituant un acte de terrorisme et que sa présence en France constituait une menace grave pour la société. Saisie par l’intéressé, la Cour nationale du droit d'asile a dénié à l'intéressé la qualité de réfugié en application du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève et a annulé, par une décision du 6 février 2020, la décision du 30 mai 2018 de l'OFPRA, d’où le pourvoi.
Pour rejeter le pourvoi, le Conseil d’État apporte une précision d’où il fait découler une distinction qui a des effets importants sur l’office de la CNDA.
Tout d’abord, le juge précise que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, en application de l'article L. 711-6 du CESEDA, est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié.
Ensuite se déduisent de là deux situations.
Première situation : la CNDA est saisie d'un recours dirigé contre une décision mettant fin au statut de réfugié prise sur le fondement dudit article L. 711-6 sans que l'OFPRA ne remette en cause devant elle la qualité de réfugié de l'intéressé. En cette hypothèse, la CNDA n’a pas à vérifier d'office que ce dernier remplit les conditions prévues aux articles 1er de la convention de Genève et L. 711-1 du CESEDA.
Seconde hypothèse : Dans le cadre d'un recours dirigé contre la décision mettant fin au statut de réfugié d'un demandeur d'asile, la cour est saisie par l'OFPRA, en cours d'instance, de conclusions visant à ce que soit remise en cause la qualité de réfugié de l'intéressé. En ce cas s’impose à elle l’obligation de vérifier qu’il remplit les conditions prévues aux articles 1er de la convention de Genève et L. 711-1 du CESEDA.
(9 novembre 2021, M. K., n° 439891)
116 - Demandeur d’asile – Procédure devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – Annonce du dépôt d’un mémoire complémentaire – Recours insusceptible de remettre en cause la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – Rejet du recours sans attendre la réception des observations complémentaires annoncées – Rejet.
Lorsqu’un demandeur d'asile qui conteste une décision de l'OFPRA devant la Cour nationale du droit d'asile annonce dans son recours son intention de produire des observations complémentaires, la cour, tenue de statuer dans les délais prévus à l'article L. 731-2 du CESEDA sur les recours dont elle est saisie, peut, après avoir mis en mesure le requérant de prendre connaissance des pièces du dossier et après examen de l'affaire par un rapporteur, rejeter le recours par ordonnance sur le fondement du 5° de l'article R. 733-4 du CESEDA s'il ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA, sans attendre la production des observations annoncées ni avoir imparti au requérant de le produire dans un délai déterminé et attendu l'expiration de ce délai.
(10 novembre 2021, Mme G., n° 447265)
(117) Voir, identiques : 10 novembre 2021, M. E., n° 447279 ; 10 novembre 2021, M. M., n° 447293 ; Mme I., n° 447309 ; M. G., n° 447310.
118 - Réfugié syrien – Demande d’asile – Refus de l’OFPRA pour agissements contraires aux buts des Nations Unies – Octroi de l’asile par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) non entaché de qualification inexacte des faits – Rejet.
Voilà une affaire délicate malaisée à juger.
L’OFPRA, sur le fondement de l'article L. 711-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), avait refusé à un ressortissant syrien l’asile qu’il sollicitait. La CNDA annule ce refus ; l’OFPRA se pourvoit et son pourvoi est rejeté.
En bref, il était reproché à l’intéressé, qui est médecin, d’avoir perpétré des actes de torture sur des détenus ou sur des personnes hospitalisées.
La Cour a estimé que celui-ci, eu égard aux activités exclusivement médicales auxquelles il s'était livré, à l'absence de participation, même indirecte, aux actes de torture perpétrés par les services du régime syrien dans les établissements où il a été affecté et dont il a pu être témoin, et à l'incapacité dans laquelle il se trouvait de faire obstacle à ces agissements répréhensibles, quand bien même il a gravi les échelons de la police syrienne jusqu'à en être promu colonel en 2012, ne pouvait pas être exclu du bénéfice de l’asile sur le fondement des dispositions du c) de la section F de l'article 1er de la convention de Genève qui excluent l’octroi de l’asile aux individus personnellement impliqués dans des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies.
Le Conseil d’État estime cette décision suffisamment motivée après une analyse serrée des faits quant au comportement de l’intéressé notamment dans l’exercice de ses fonctions dans le cadre d’une prison et d’un hôpital.
Il a, à la suite de la Cour, relevé, d’une part, que le demandeur d’asile « exerçait exclusivement des fonctions administratives et médicales et n'entretenait pas de lien avec les forces de sécurité, que, s'il a été témoin d'agissements répréhensibles de cette nature, il ne résultait pas de l'instruction qu'il aurait pu être en capacité d'y faire obstacle, au-delà de la réprobation qu'il a exprimée et de demandes tendant à ce que ces exactions cessent au sein de l'hôpital, et, enfin, qu'il a demandé que des sanctions disciplinaires soient prises contre des personnels de l'hôpital ayant insulté ou maltraité des patients, lesquels ont finalement été mutés » et, d’autre part, que « sunnite originaire de la ville rebelle de Deraa, M. F. a fait l'objet à plusieurs reprises de soupçons et de mises en garde de la part de responsables de la sécurité et a dû fuir la Syrie dès le mois d'août 2012, alors qu'il venait d'être promu colonel. »
On mesure aisément combien délicats à juger sont ces sortes de dossiers.
(10 novembre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 447059)
(119) V. aussi, très semblable et concernant également un individu de nationalité russe et d’origine tchétchène : 18 novembre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 444991.
120 - Réfugié – Décision de l’OFPRA mettant fin à son statut - Annulation par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) - Qualification juridique inexacte des faits – Annulation avec renvoi.
Qualifie inexactement les faits au plan juridique l’arrêt de la CNDA qui, annulant la décision de l’OFPRA mettant fin au statut de réfugié jusque-là reconnu à un individu, estime que la présence en France de ce dernier ne constitue pas, à la date de sa décision, une menace grave pour la société française, au sens du 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA alors qu’il a été condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement dont un an avec sursis pour des faits de vol avec violences et de violences en réunion à l'encontre de deux personnes qu'il a agressées à leur domicile, délit qui est puni de dix ans de prison, que l’un de ses trois frères a été condamné pour des actes de terrorisme, qu’il s’est lui-même fait remarquer, lors de sa détention, entre juin 2012 et novembre 2015, par une pratique rigoriste de l'islam et par sa proximité avec plusieurs détenus condamnés pour des actes de terrorisme, qu’il a aussi été soupçonné de participer au recrutement de codétenus pour le « djihad » et qu’après sa sortie de prison, il a poursuivi ses relations avec des personnes appartenant à des groupements « djihadistes ». Par ailleurs, il ne saurait se prévaloir de ce qu'il a suivi une formation, consulté un médecin psychiatre et commencé à indemniser ses victimes car ces actions répondaient aux obligations de sa mise à l'épreuve de deux ans décidée par le juge pénal pour lui permettre de bénéficier d'un sursis d'un an sur sa peine de prison.
(18 novembre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 441397)
Fonction publique et agents publics
121 - Ressortissant indien se prévalant d’avoir été recruté par les services français du renseignement – Demande indemnitaire couvrant rémunérations dues et préjudices subis – Inexistence d’un emploi permanent occupé par ce ressortissant – Erreur de droit – Rejet et annulation sans renvoi.
L’affaire était assez mystérieuse, bien dans le style des romans d’espionnage en forme de poker menteur.
Un ressortissant indien, naturalisé français, affirme avoir été employé par les services français du renseignement pendant sept années et réclame de ce chef une indemnité couvrant les rémunérations qu’il estime lui être dues ainsi que la réparation des dommages qu’il a subi du fait de son refus de poursuivre ces missions.
Ayant essuyé une décision de refus de la part du ministre de l’intérieur, il saisit la justice administrative, en vain, d’où son pourvoi. Ce dernier est rejeté.
Tout d’abord, le Conseil d’État prononce l’annulation de l’arrêt d’appel en ce qu’il contient une erreur de droit dans la mesure où, pour rejeter l’appel dont elle était saisie, la cour a estimé que le requérant n’occupait pas du fait de ses fonctions prétendues un emploi budgétairement ouvert dans un service considéré, inséré dans une chaîne hiérarchique déterminée et comportant des attributions stables et déterminées, il ne pouvait donc pas être considéré comme occupant un emploi permanent. L’arrêt est annulé car aucun texte ni aucun principe ne fixe de telles exigences, un emploi permanent de la fonction publique pouvant être pourvu par un agent contractuel soit lorsqu'il implique un service à temps incomplet, soit dans les cas limitativement prévus à l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984. Le caractère permanent d'un emploi doit donc s'apprécier – contrairement à ce qu’a jugé la cour - au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi.
Ensuite, le juge de cassation réglant l’affaire au fond, rejette le recours par le double motif, d’une part, que s’il est certain que l’intéressé a perçu des rétributions pour fourniture « de renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l'identification des auteurs de crimes ou de délits » (cf. loi du 21 janvier 1995), celui-ci se prévaut d’un contrat conclu avec les services du renseignement sans apporter la preuve de son existence et contredisant son affirmation de première instance selon laquelle il n’aurait pas passé de contrat, et d’autre part, qu’il n’établit pas le bien-fondé de ses allégations relatives aux préjudices qu’il aurait subis.
(5 novembre 2021, M. G., n° 443810)
122 - Militaire radié des contrôles à l’expiration du contrat d’engagement – Ordre de reversement d’un trop-perçu – Absence de forclusion en raison de l’obligation de mobilité – Annulation sans renvoi.
Radié des contrôles à l’expiration de son contrat d’engagement, un militaire fait l’objet, au titre de la répétition de l’indu, d’un ordre de reversement du trop-perçu de certaines sommes. L’ordre de reversement ayant été envoyé à l’ancienne adresse de ce militaire, ce dernier prétend échapper à son obligation de paiement en invoquant la prescription biennale de la créance de l’État. La cour administrative d’appel, infirmant très partiellement le jugement de première instance, a déchargé entièrement l’intéressé de l’obligation de payer.
La ministre des armées se pourvoit.
Le Conseil d’État rappelle que les anciens militaires de carrière sont soumis, à certaines conditions, à une obligation de disponibilité constituant la « réserve militaire » ; au rang des obligations en découlant figure la nécessité pour l’ancien militaire d'avertir l'autorité militaire de tout changement dans sa situation personnelle susceptible d'affecter l'accomplissement de cette obligation, ainsi en va-t-il d’un changement d’adresse (art. R. 4231-3 code de la défense) et cela alors même qu’il n’aurait pas reçu, en violation des dispositions de l’art. R. 4231-1 du code de la défense, la notification écrite indiquant « la durée de sa disponibilité, les sujétions qui en découlent ainsi que, le cas échéant, son unité et son lieu d'affectation ». Par suite, la créance n’était pas prescrite contrairement à ce qui avait été jugé en appel.
Juridiquement impeccable la solution – le litige portant sur neuf mille euros environ – est un peu sévère au regard du manquement du créancier à une obligation stricte de notification.
(5 novembre 2021, Ministre des armées, n° 448092)
123 - Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Comité technique – Compétences consultatives respectives – Personnel de l’administration centrale et des trois services à compétence nationale de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – Rejet.
Rappel de ce qu’il résulte, d’une part, des art. 34, 35 et 36 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'État et, d’autre part, de l’art. 47 du décret du 28 mai 1982 pris pour l'application de l'article 16 de la loi du 11 janvier 1984, qu'une question ou un projet de disposition ne doit être soumis à la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que si le comité technique ne doit pas lui-même être consulté sur la question ou le projet de disposition en cause. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne doit ainsi être saisi que d'une question ou projet de disposition concernant exclusivement la santé, la sécurité ou les conditions de travail. En revanche, lorsqu'une question ou un projet de disposition concerne ces matières et l'une des matières énumérées à l'article 34 du décret du 15 février 2011, seul le comité technique doit être obligatoirement consulté.
En l’espèce, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n’avait pas à être consulté sur une note de service relative au temps de travail question qui relève de la compétence du comité technique. De ce chef le recours est rejeté.
(10 novembre 2021, Syndicat Solidaires CCRF et SCL, n° 445353)
124 - Poste vacant dans une administration – Administration décidant de pourvoir un poste vacant par affectation après réintégration – Existence de prérequis mentionnés dans l’avis de vacance - Obligations s’imposant à l’administration dans l’examen des candidatures – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui juge que les prérequis définis dans l'avis de vacance d’un poste conditionnent l'admissibilité des candidatures individuelles en vue de leur classement selon les seuls critères prévus par le quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, sans pouvoir, eux-mêmes, donner lieu à aucun classement des candidatures par l'administration.
En effet, lorsque, comme en l’espèce, l’administration a fait le choix de pourvoir un poste vacant par la voie de l’affectation après réintégration, elle a l’obligation de comparer l'ensemble des candidatures dont elle est saisie, au titre des mutations comme des affectations après réintégration, en fonction, d'une part, de l'intérêt du service, d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés appréciée, pour ce qui concerne les agents qui demandent leur mutation, compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.
(10 novembre 2021, Mme E., n° 447693 ; ministre de l’éducation nationale, n° 447897, jonction)
125 - Militaire – Bonification du cinquième du temps de service – Conditions – Conditions non réunies – Rejet et annulation.
Les art. L. 12 et R. 25-1 du code des pensions civiles militaires de retraite prévoient, au profit des militaires, la bonification du cinquième du temps des services militaires effectivement accomplis, dans la limite d’un plafond de vingt trimestres.
Le Conseil d’État rappelle que ces dispositions, en prenant pour base de calcul de la bonification une durée de « services militaires effectifs », entendent en exclure, d’une part, les services accomplis à titre civil et d’autre part, tous les congés ne figurant pas parmi ceux limitativement énumérés à l’art. 12 précité.
(10 novembre 2021, Mme A., n° 449124)
(126) V. aussi, même solution mutatis mutandis s’agissant d’appliquer le coefficient de minoration en cas d’insuffisance de la durée totale de cotisation pour la retraite (art. L. 14, code des pensions civiles et militaires) calculée sur la durée des seuls « services militaires effectifs » y compris les congés limitativement énumérés à l’art. 12 dudit code : 10 novembre 2021, Mme B., n° 449574.
127 - Concours interne d’accès à l’ÉNA – Allégation de diverses irrégularités dans le déroulement des épreuves comme dans la notation – Rejet.
La requérante, qui a obtenu la note de cinq sur vingt à l’épreuve de grand oral, demande l’annulation de cette note, de la délibération du jury sur laquelle son nom ne figure pas au titre des admis, du rejet de son recours gracieux et l’octroi d’indemnités au titre de divers préjudices. Sans surprise aucune, le recours est rejeté.
Le recours contre la note n’était pas recevable car celle-ci n’est pas détachable de la décision finale du jury dressant la liste de ceux des candidats admis.
Les vices de forme qui auraient entaché la délibération litigieuse manquent en fait.
Concernant l’obligation du port du masque, d’une part, celle-ci s’imposait aux candidats au concours d’entrée à l’ÉNA en vertu de l’art. 35 du décret du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l'épidémie de Covid, d’autre part, la circonstance que cette obligation n’ait été effective qu’à partir du 27 octobre, pour regrettable qu’elle soit, n’a pas entraîné une rupture de l’égalité entre les candidats.
Enfin, la requérante n’établit pas son allégation selon laquelle la note obtenue au grand oral serait le résultat d’une discrimination à raison de son origine et de sa double nationalité.
(15 novembre 2021, Mme I., n° 453244)
128 - Fonctionnaire placé en congé spécial - Retrait de cette autorisation - Absence d'atteinte grave et immédiate aux intérêts de la requérante - Annulation de la suspension ordonnée en première instance.
La directrice générale des services d'une commune avait été admise, sur sa demande, au bénéfice d'un congé spécial par arrêté du 15 avril 2020 ; lors du changement de municipalité consécutif aux élections de 2020, le nouveau maire, par arrêté du 28 juillet 2020, a retiré le précédent arrêté et réintégré l'intéressée dans ses fonctions antérieures.
Sur saisine de cette dernière, le juge des référés a suspendu ce dernier arrêté et enjoint à la commune de Vals-près-le-Puy d'exécuter dans toutes ses conséquences l'arrêté du 15 avril 2020, remis en vigueur par cette ordonnance.
La commune se pourvoit contre cette ordonnance de référé suspension.
Le Conseil d’État considère que le retrait du bénéfice du congé spécial, qui entraînait ipso facto la réintégration de l'intéressée dans ses fonctions, ne portait pas atteinte à sa situation financière ni non plus à ses conditions d'existence dont, d'ailleurs, il n'était nullement soutenu qu'elles auraient été bouleversées par ce retrait. Par suite, c'est au prix d'une dénaturation des faits que l'ordonnance attaquée a suspendu l'arrêté municipal portant retrait du bénéfice du congé spécial ; le recours de la commune est donc accueilli.
(22 novembre 2021, Commune de Vals-près-le-Puy, n° 444484)
129 - Fonction publique territoriale - Principe de parité avec la fonction publique d'État - Maintien intégral de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) aux fonctionnaires placés en congé de longue durée ou en congé de longue maladie - Situation jugée n'être pas plus favorable que celle faite aux fonctionnaires d'État - Erreur de droit - Annulation sans renvoi.
La communauté d'agglomération Ardenne Métropole ayant décidé le maintien du versement intégral de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) aux fonctionnaires placés en congé de longue durée ou en congé de longue maladie, le préfet des Ardennes a déféré cette délibération à la censure du juge au motif qu'elle ne respecte pas le principe de parité institué par la loi entre les agents des deux fonctions publiques, territoriale et d'État (cf. art. 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale). Selon ce principe, « Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'État exerçant des fonctions équivalentes ».
Si le tribunal administratif a annulé la délibération attaquée, la cour administrative d'appel, après annulation du jugement, a rejeté le recours du préfet, jugeant que les dispositions litigieuses n'étaient pas plus favorables que celles applicables en cette matière à la fonction publique d'État.
L'arrêt est cassé sans renvoi - le Conseil d’État jugeant l'affaire au fond - en raison de l'erreur de droit sur laquelle il repose du fait des dispositions directement contraires à cette solution figurant à l'art. 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
(22 novembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 448769)
(130) V., mêmes solutions s'agissant de délibérations identiques du conseil municipal de la commune de Charleville-Mézières (22 novembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 448779) et du centre communal d'action sociale de cette commune (22 novembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 448807).
131 - Professeurs des universités - Régime des mutations - Profils des postes à pourvoir - Demande de mutation au titre du rapprochement des conjoints - Délibération irrégulière du conseil académique car non suivie de celle du comité de sélection - Décision insuffisamment motivée - Annulation de cette délibération, de celle du comité de sélection, et du décret portant nominations de professeurs sur les postes litigieux - Injonction.
Le requérant, candidat au titre de la mutation pour rapprochement de conjoints, sur des postes vacants d'une université demandait l'annulation de plusieurs décisions liées les unes aux autres. S'agissant de fonctionnaires nommés par décret du président de la république, le litige relevait de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État.
Celui-ci donne raison, pour l'essentiel, au requérant.
S'agissant de la délibération du conseil académique du 24 avril 2019, celle-ci est entachée d'irrégularité substantielle puisque ce n'est qu'après rejet de la demande de mutation par ce conseil que le comité de sélection peut examiner cette candidature avec les autres candidatures aux mêmes postes. En l'espèce, c'est l'inverse qui s'est produit : le comité de sélection a retenu le 9 avril la candidature de l'intéressé alors que le refus de mutation qui lui a été opposé par le conseil académique résulte d'une délibération qui ne s'est tenue que le 29 avril 2019. De plus, la motivation par ce conseil de son rejet de la mutation sur les trois postes à pourvoir est manifestement insuffisante.
S'agissant des délibérations subséquentes du comité de sélection dont le requérant n'a eu connaissance que le 4 juillet 2019, elles sont illégales par voie de conséquence ; ceci entraîne également l'annulation du décret du 15 janvier 2020 procédant aux nominations de professeurs sur les trois postes à pourvoir.
Enfin, injonction est adressée au conseil académique de se prononcer à nouveau, sous trois mois, sur les candidatures présentées sur chacun des trois postes litigieux.
(23 novembre 2021, M. D., n° 432576)
132 - Enseignants vacataires des universités - Contrats à durée déterminée - Absence de licenciement en cas de non-renouvellement d'un contrat arrivé à terme - Rejet.
Rappel de ce que les relations de travail entre les agents chargés d'enseignement et les universités ne peuvent être regardés que comme des contrats à durée déterminée. Par suite, c'est sans dénaturation des pièces du dossier et sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a analysé la décision par laquelle le président de l'université a mis fin aux fonctions d'enseignement de la requérante comme une décision de non-renouvellement de son dernier contrat de travail à durée déterminée en qualité de chargée d'enseignement et non comme une mesure de licenciement d'un agent bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée.
(23 novembre 2021, Mme B., n° 438880)
133 - Fonctionnaires de l'Union européenne - Notion "d'entrée au service" au sens du statut des fonctionnaires de l'Union - Affectation initiale ou retour dans cette fonction après une interruption - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Le Conseil d’État, saisi d'un pourvoi contre un jugement du tribunal administratif de Strasbourg, a posé à la CJUE, afin de statuer sur ce pourvoi, la question préjudicielle de savoir si le bénéfice des dispositions du 1. de l'article 11 de l'annexe VIII du règlement fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le statut applicable aux autres agents, est réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels affectés pour la première fois au sein d'une administration nationale après avoir été employés en qualité de fonctionnaire, agent contractuel ou agent temporaire dans une institution de l'Union européenne, ou s'il est ouvert également aux fonctionnaires et agents contractuels retournant au service d'une administration nationale après avoir exercé des fonctions dans une institution de l'Union européenne et avoir été, pendant cette période, placés en disponibilité ou congé pour convenances personnelles ?
Le tribunal administratif avait estimé ces dispositions applicables seulement dans le cas de l'affectation initiale de l'agent au sein d'une administration.
Suite à la réponse de la Cour (CJUE 4 février 2021, X. c/ contre Ministre de la Transition écologique et solidaire et Ministre de l'Action et des Comptes publics, aff. C-903/19) selon laquelle cette notion d'« entrée au service » a été jugée comme s'appliquant aussi bien en cas d'affectation initiale qu'en cas de retour de l'agent ayant exercé des fonctions dans le cadre d'une mise en disponibilité ou d'un congé pour convenances personnelles, le Conseil d’État annule le jugement pour erreur de droit et lui renvoie l'affaire.
(24 novembre 2021, M. D., n° 405548)
134 - Fonctionnaires du ministère du travail - Notes de service du ministre du travail instaurant une priorité d'accès ou une réservation d'accès à certains postes - Non-respect du principe d'égal accès aux emplois publics - Dispositions indivisibles - Annulation intégrale.
Des notes de service de la ministre du travail du 20 juillet et du 3 août 2017 relatives aux mutations prévoient que certains postes vacants sont ouverts en priorité aux candidatures infrarégionales et réservent l'accès à certains postes d'agents de contrôle de la législation du travail aux membres du corps de l'inspection du travail.
Celles-ci instaurent pour certains postes une « priorité » de mutation, dite « infrarégionale », à caractère subsidiaire, en faveur des agents qui sont affectés sur un poste situé dans les départements relevant de la même région par rapport aux agents affectés dans des postes situés à l'extérieur à la région qui ne peuvent se prévaloir d'aucune des priorités prévues par le quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Cette « priorité » ainsi instituée a pour effet que les candidatures des agents affectés dans des postes situés à l'extérieur de la région en cause ne seront examinées en commission administrative paritaire que pour la prise en compte éventuelle de motifs prioritaires.
Les syndicats requérants sont ainsi fondés à soutenir que ces notes de service, faisant obstacle à ce que des agents affectés dans des postes situés à l'extérieur des régions en cause et ne pouvant se prévaloir d'aucune des priorités prévus par ce quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1964 puissent utilement présenter leurs candidatures en vue d'une mutation sur ceux des postes de ces régions faisant l'objet d'une «priorité» infrarégionale, ont été édictées en méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics.
Ces dispositions n'étant pas divisibles des autres dispositions de ces notes de service, est prononcée l'annulation intégrale desdites notes.
(24 novembre 2021, Syndicat national solidaire, unitaire et démocratique (Sud-travail affaires sociales) et autres, n° 437958)
Hiérarchie des normes
135 - Annulation du refus implicite d’abroger le a) du 2° de l’art. D. 531-2 du code de l’environnement et de prononcer un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides – Injonctions diverses adressées au premier ministre en cette matière – Élaboration d’un projet de décret pour l’exécution des injonctions – Absence d’exécution à ce jour de ces injonctions – Projet de décret jugé contraire à la réglementation européenne par la Commission européenne – Contradictions entre les avis scientifiques du Haut Conseil des biotechnologies et de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) – Solution du litige en exécution d’injonctions dépendant de la résolution de difficultés sérieuses – Renvoi à la CJUE de questions préjudicielles – Prononcé d’injonctions contre l’État – Demande à la CJUE de statuer en urgence ou par classement prioritaire de cette affaire.
Voilà encore une décision-fleuve (près de 40 000 caractères !). Mais où est donc passée la légendaire imperatoria brevitas du Conseil d’État ?
L’affaire n’était pas banale et le demeure tournant à l’imbroglio. Elle concerne tout autant le droit de l’environnement, la hiérarchie des normes et le dialogue des juges.
A l’origine se trouve une décision du Conseil d’État du 7 février 2020 (Confédération Paysanne, Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès, n° 388649) qui a :
- en premier lieu, annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande tendant, d'une part, à l'abrogation du a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement et, d'autre part, à ce qu'il prononce un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides,
- en deuxième lieu, enjoint au premier ministre, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, de modifier le a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement, en fixant par décret pris après avis du Haut Conseil des biotechnologies, la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps,
- en troisième lieu, enjoint aux autorités compétentes d'identifier, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la cette décision, au sein du catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, celles des variétés, en particulier parmi les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), qui y auraient été inscrites sans que soit conduite l'évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir et d'apprécier, s'agissant des variétés ainsi identifiées, s'il y a lieu de faire application des dispositions du 2 de l'article 14 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002 et des articles L. 535-6 et L. 535-7 du code de l'environnement,
- en quatrième lieu, enjoint, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre des recommandations formulées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) dans son avis du 26 novembre 2019, en matière d'évaluation des risques liés aux VRTH, ou de prendre toute autre mesure équivalente de nature à répondre aux observations de l'agence sur les lacunes des données actuellement disponibles,
- en cinquième lieu, enjoint au Premier ministre de mettre en œuvre la procédure prévue par le 2 de l'article 16 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002, pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagénèse utilisées en France.
Les organisations demanderesses ont saisi le Conseil d’État d’une requête en mesures d’exécution et d’astreinte car celui-ci avait donné un délai de six mois pour que soit assurée l’exécution des diverses injonctions prononcées le 7 février 2020 et ce délai est expiré depuis plus d’un an sans que les exécutions ordonnées aient eu lieu. Certes le gouvernement a produit devant le Conseil d’État un projet de décret censé avoir cet effet mais il est patent que faute que ce décret ait été pris, les injonctions sont restées lettre morte. Celui-ci note : « Il y aurait donc lieu, pour le Conseil d’État, dans son rôle de juge de l'exécution, de constater l'absence d'exécution de son injonction et de prononcer, le cas échéant, contre l'État une astreinte jusqu'à ce que ladite injonction ait reçu exécution. ».
On aura remarqué l’emploi du conditionnel qui peut sembler étrange dans ce contexte. S’il en est ainsi c’est qu’un grain de sable a grippé la machine. Le projet de décret dont il a été jugé qu’il ne satisfaisait pas à l’obligation d’exécution en raison de sa nature de simple « projet » a été notifié à la Commission européenne, notification obligatoire pour une réglementation technique. Celle-ci, au vu notamment d’un rapport préliminaire du 19 mai 2020 de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), dans lequel celle-ci conclut que les processus et les mécanismes de réparation qui sont déclenchés par l'agent mutagène se produisent au niveau cellulaire et que, dès lors, il n'y a pas de différence dans la manière dont cet agent affecte l'ADN, qu'il soit appliqué in vivo ou in vitro, et qu'il est attendu que le type de mutations induites par un agent mutagène donné soit identique, qu'il soit appliqué in vivo ou in vitro, a rendu un avis circonstancié indiquant notamment que la distinction opérée par le Conseil d’État entre la mutagénèse in vivo et la mutagénèse in vitro n'est étayée ni par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 juillet 2018 (Confédération paysanne et alii, aff. C-528/16), ni par la législation de l'Union européenne, ni par les avancées scientifiques de ces techniques. Selon cet avis circonstancié, en effet, il n'y aurait pas de distinction entre les deux techniques, mais un continuum dans les modifications génomiques causées par la mutagénèse aléatoire in vivo et in vitro, ainsi que dans la régénération des plantes qui en résulte.
En conséquence, la Commission, estimant que l'ensemble de la mutagénèse aléatoire devrait être regardée comme une même technique de modification génétique au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, en déduit que le projet de décret mentionné susmentionné méconnaîtrait, d'une part, cette directive en ce qu'il inclut la mutagénèse aléatoire in vitro dans le champ de la réglementation des organismes génétiquement modifiés, d'autre part, l'article 14 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002 en ce qu'il aboutirait au retrait du catalogue commun de variétés remplissant pourtant les conditions pour y figurer et, enfin, la libre circulation des marchandises en ce qu'il conduirait à interdire la commercialisation, en France, de variétés autorisées dans d'autres États membres. Si le Gouvernement français devait adopter, en l'état, ce projet de décret, la Commission indique qu’elle pourrait engager une procédure en constatation de manquement conformément à l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
S’ensuit donc une contradiction assez frontale, d’une part, entre les données scientifiques sur lesquelles se sont fondés, respectivement, le gouvernement français pour élaborer le projet de décret précité et la Commission européenne pour rendre l’avis circonstancié susévoqué et d’autre part, entre le projet français de décret et l’avis européen. Ce que résume très bien le Conseil d’État lorsqu’il écrit : « Il se déduit de ce qui précède que, pour déterminer les techniques de mutagénèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, au sens de l'arrêt de la Cour de justice du 25 juillet 2018, deux approches s'opposent. Selon une première approche, qui est celle de la Commission européenne et de l'EFSA, il convient, à cette fin, de ne prendre en compte que le processus par lequel le matériel génétique est modifié tandis que, selon une seconde approche, qui a été celle retenue par le Conseil d’État dans sa décision du 7 février 2020, il convient de prendre en compte l'ensemble des incidences sur l'organisme du procédé utilisé dès lors qu'elles sont susceptibles d'affecter la santé humaine ou l'environnement, que ces incidences proviennent de l'agent mutagène ou de la méthode de reconstitution de la plante, le cas échéant, employée. »
Parvenu à ce stade, le lecteur doit se souvenir que tout ce qui précède n’est pas en réalité l’objet du litige mais conditionne absolument la solution à donner au litige, à savoir la sanction du non-respect par le gouvernement français d’injonctions à lui adressées par le Conseil d’État.
On comprend aisément que cela passe par un renvoi à la CJUE de deux questions préjudicielles.
Si le Conseil formule et adresse ces questions et demande à la Cour de justice de statuer selon la procédure d’urgence ou, à défaut, en classant prioritairement ce litige par rapport aux autres litiges actuellement soumis à la Cour, il n’en décide pas moins, en l’état du dossier, de condamner l’État, d’une part, à une astreinte de 100 000 euros par semestre de retard s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de la présente décision, adopté un plan d'action définissant les mesures retenues en vue d'évaluer les risques liés aux variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides pour la santé humaine et le milieu aquatique, en exécution de l'injonction mentionnée à l'article 4 de la décision du 7 février 2020, et d’autre part à une astreinte de 500 euros par jour de retard (ce qui fait 91 000 euros par semestre) s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de la présente décision, exécuté l'injonction mentionnée à l'article 5 de la décision du 7 février 2020.
Par un enchaînement diabolique, digne du Woody Allen de « Match Point », ou, plutôt, par une inattendue mutagénèse, un simple litige d’inexécution d’injonction prend des proportions considérables du fait de l’imbrication normative entre droit interne et droit de l’Union
(8 novembre 2021, Confédération Paysanne, Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès, n° 451264)
Libertés fondamentales
136 - Ressortissant palestinien – Assignation à résidence – Obligation de présentation quadri-journalière à la gendarmerie – Atteinte excessive à la liberté d’aller et venir – Annulation.
En l’absence de tout élément particulier avancé à l’appui de cette mesure, la cour administrative d’appel ne pouvait pas considérer comme régulier l’arrêté préfectoral imposant au requérant, assigné à résidence, de se présenter quatre fois par jour, à 9 heures 15, 11 heures 45, 15 heures 15 et 17 heures 45, à la brigade de gendarmerie, tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés, alors qu’il porte une atteinte excessive à la liberté d’aller et venir.
(4 novembre 2021, M. C., n° 439405)
137 - Ressortissant camerounais - Père d'un enfant de mère française - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) - Naissance postérieure de l'enfant - Obligation de réexamen de la situation de l'intéressé - Absence - Annulation.
Un ressortissant camerounais faisant l'objet d'une OQTF tente de s'y opposer en invoquant sa qualité de père d'un enfant de mère française. Le recours est rejeté car l'enfant n'est pas encore né.
Après la naissance de ce dernier, le 24 juillet 2021, il incombait au préfet de procéder à un réexamen de la situation du père au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant et au droit de celui-ci à une vie familiale normale sans que puisse y faire obstacle la circonstance que l'intéressé soit connu sous différentes identités, ait été interpellé pour des faits de détention, acquisition et transport non autorisé de stupéfiants ou soit connu au fichier automatisé des empreintes digitales, dès lors qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre à la suite des diverses interpellations dont il a fait l'objet. Faute de ce réexamen existe une atteinte aux libertés susénoncées et celles-ci sont constitutives de l'urgence, ce qui justifie que soit suspendu l'arrêté préfectoral emportant OQTF adressé au requérant.
L'ordonnance de rejet du 15 octobre 2021 est annulée.
(ord. réf. 19 novembre 2021, M. C., n° 458056)
138 - Référé liberté - Personnes gardées à vue - Protection de leur vie et de leur santé - Propreté des locaux de garde à vue - «Kits d'hygiène» - Protection contre l'épidémie de Covid-19 - Injonction au ministre de l'intérieur de prendre d'urgence des mesures d'information des intéressés.
La requérante demandait au juge du référé liberté, suite aux recommandations de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dans un rapport publié au Journal officiel, d'ordonner au ministre de l'intérieur la prise d'un certain nombre de mesures de nature à protéger la dignité des personnes en garde à vue ainsi que leur santé et leur hygiène.
Deux des trois séries de mesures sollicitées sont accordées en raison de l'urgence découlant de l'atteinte à la dignité des personnes gardées à vue. Il est enjoint à ce ministre : d'une part, de prendre les dispositions utiles pour que les «kits d'hygiène» soient disponibles et systématiquement proposés aux personnes gardées à vue, d'autre part, de prendre les mesures permettant d'informer les personnes gardées à vue des possibilités qui leur sont offertes en matière de protection contre les risques découlant de l'épidémie de Covid-19.
En revanche, il n'est pas possible au juge du référé liberté d'ordonner qu'à très bref délai il soit mis fin à des dysfonctionnements structurels affectant la propreté des locaux de garde à vue.
C'est le rappel, à nouveau, que l'urgence de l'art. L. 521-2 CJA (référé liberté) n'est pas celle de l'art. L. 521-1 (référé suspension), elle suppose et une urgence à statuer et une possibilité d'exécution urgente, quasi-immédiate, de ce qui est ordonné.
(ord. réf. 22 novembre 2021, Association des avocats pénalistes, n° 456924)
139 - Référé suspension - Défaut d'urgence, le juge étant saisi plus de deux mois après la mise en oeuvre de la décision contestée - Rejet.
Alors que les décisions du jury de passage de l'Ecole polytechnique fixant le classement final des élèves de la promotion 2018 et les admissions dans les services publics et, notamment, les admissions dans le corps des mines et son admission dans le corps des ingénieurs de l'armement, ont été prises le 20 mai 2021, la requérante saisit le juge du référé de diverses demandes de suspension le 9 novembre 2021. La scolarité à l'École ayant débuté depuis plus de deux mois, elle ne saurait invoquer l'urgence à suspendre ces décisions ; son recours est rejeté sans qu'il y ait lieu pour le juge de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées.
(22 novembre 2021, Mme A., n° 458302)
140 - Liberté de culte - Fermeture d'un lieu de culte - Conditions et régime juridique - Prévention d'actes de terrorisme - Éléments de fait de nature à justifier une telle fermeture - Rejet.
L'association requérante demandait au juge du référé liberté l'annulation de l'ordonnance refusant de suspendre l'exécution de l'arrêté par lequel le préfet de la Sarthe a prononcé, sur le fondement de l'art. L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, la fermeture pour une durée de six mois du lieu de culte Mosquée d'Allonnes, situé à Allonnes.
Réuni en formation collégiale de référé, le Conseil, statuant par voie d'appel, donne une extension importante au champ d'application des dispositions de cet article qui pourrait prêter à critique si elle n'était pas justifiée par un souci de réalisme et d'efficacité dans la lutte pour la protection des personnes contre une menace terroriste multiforme et omniprésente.
Selon ce texte tel que l'a interprété le Conseil constitutionnel lors de son examen, la mesure de fermeture d'un lieu de culte ne peut être prononcée qu'aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et à condition que les propos tenus en ce lieu, les idées ou théories qui y sont diffusées ou les activités qui s'y déroulent soit constituent une provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d'actes de terrorisme, soit provoquent à la commission d'actes de terrorisme ou en font l'apologie.
Toute la difficulté de cette affaire consistait à relever les éléments de fait établissant, le cas échéant, l'existence de tels actes. C'est la raison principale de la réunion, ici, en formation collégiale pour statuer en état de référé.
Posant le cadre juridique de la détermination des éléments pouvant être retenus comme manifestant des signes de menace, les juges écrivent :
« 4. La provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d'actes de terrorisme, à la commission d'actes de terrorisme ou à l'apologie de tels actes peut, outre des propos tenus au sein du lieu de culte, résulter des propos exprimés, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, par les responsables de l'association chargée de la gestion de ce lieu ou par les personnes en charge du culte qui y officient ainsi que des propos émanant de tiers et diffusés dans les médias ou sur les réseaux sociaux relevant de la responsabilité de cette association ou de ces personnes en charge du culte.
5. Peut également révéler la diffusion, au sein du lieu de culte, (l'existence de tels comportements) (...), notamment, la fréquentation du lieu de culte par des tiers prônant ces idées ou théories, l'engagement en faveur de telles idées ou théories des responsables de l'association chargée de la gestion de ce lieu et des personnes en charge du culte qui y officient ou la présence, sur le lieu de culte ou dans des lieux contrôlés par l'association gestionnaire ou les officiants du culte, d'ouvrages ou de supports en faveur de ces idées ou théories. »
Appliquant ces principes au cas de l'espèce, la juridiction des référés estime justifiée la mesure de fermeture provisoire de ce lieu de culte du fait d'éléments figurant dans les notes blanches précises et circonstanciées des services de renseignements, soumises au débat contradictoire d'où il résulte, d'une part, que (X et Y) ont lors de prêches, fait l'apologie du «djihad» par les armes et tenu des propos haineux à l'encontre des «mécréants», d'autre part, que certains des dirigeants des associations gestionnaires du lieu de culte, de leurs membres actifs et des personnes nommément désignées, ont légitimé les attentats terroristes commis en France, notamment celui du 16 octobre 2020 ayant causé la mort de M. B. et celui du 23 avril 2021 contre le commissariat de Rambouillet, enfin, que certaines de ces personnes ont mis en œuvre un prosélytisme radical envers des jeunes fréquentant le lieu de culte. Si l'association requérante produit notamment de nombreuses attestations de personnes se présentant comme des fidèles de ce lieu de culte, qui certifient ne jamais avoir entendu de tels propos, et de collègues et connaissances de M. A. témoignant de ses qualités professionnelles et humaines, ces attestations, rédigées pour la plupart en termes généraux, ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments précis et concordants relevés par le préfet, qui établissent la diffusion, au sein de la mosquée d'Allonnes, d'idées et de théories provoquant à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d'actes de terrorisme au sens de l'article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure.
(ord. réf., form. coll., 29 novembre 2021, Association Al Qalam, n° 458385)
Police
141 - Police sanitaire – Certificat de vaccination ou de non-contamination par la Covid-19 (passe sanitaire) – Agents publics territoriaux - Note de service le rendant obligatoire – Champ d’application excessif – Atteinte aux libertés fondamentales – Rejet.
Le syndicat requérant, par voie de référé liberté, demandait l’annulation d’une note de service du directeur général des services de la région Occitanie imposant à certaines catégories de personnes dans certaines circonstances la présentation d'un certificat de non contamination par la Covid-19 (passe sanitaire) dans les services généraux de la collectivité. Le requérant faisait valoir qu’en imposant cette exigence à des agents qui n'interviennent pas nécessairement et à tout moment dans des espaces et aux heures accessibles à un public soumis à la présentation d'un passe sanitaire, la note de service étend cette mesure qui porte atteinte aux droits et libertés fondamentaux des agents au-delà de son champ d'application légal et réglementaire, sans que cela soit au demeurant nécessaire ni proportionné.
Pour rejeter la requête, le juge des référés retient, d’une part, que cette note ne s’applique, s’agissant des agents de musées, qu’à ceux dont les « missions les amènent à être en contact régulier avec le public » et, s’agissant des agents des services protocole et accueil de la DRPP, qu’à ceux qui interviennent sur les lieux de manifestation et, d’autre part, que cette obligation ne s’applique pas à ceux des agents qui, exerçant des fonctions purement administratives, ne sont pas en contact avec le public. Enfin, l’absence d’un planning général recensant pour chaque agent les moments et activités de la journée où, en contact avec du public, il est soumis à l’obligation du passe et ceux, autres, où il en est dispensé, à supposer la chose réalisable, ne révèle pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, étant observé, au surplus, que les agents concernés ne disposant pas d'un passe sanitaire peuvent voir leurs conditions de travail aménagées.
(ord. réf. 2 novembre 2021, Syndicat SUD collectivité territoriale région Occitanie, n° 457346)
142 - Stationnement payant – Forfait de post-stationnement – Absence de recours administratif préalable obligatoire – Moyen n’étant pas d’ordre public – Rejet.
En matière de litige relatif au forfait post-stationnement, le moyen tiré de ce que l’automobiliste requérant n’a pas formé de recours administratif préalable obligatoire avant de saisir la commission n’est pas d’ordre public. Le juge saisi n’avait donc pas l’obligation de le soulever d’office et, présenté pour la première fois par la commune devant le juge de cassation, ce moyen y est irrecevable.
(10 novembre 2021, Commune de Strasbourg, n° 435646)
143 - Parc national de la Guadeloupe – Pouvoir de police spéciale du directeur du parc – Mesures de protection de la faune et de la flore – Interdiction ou réduction de certaines pratiques sportives – Absence de caractère de sanction – Annulation et rejet.
La société requérante poursuivait l’annulation de la décision du directeur du parc national de la Guadeloupe par laquelle il a abrogé un précédent arrêté qui l’avait autorisée à pratiquer des activités commerciales de kayak et de randonnée palmée ainsi qu'une activité de découverte par bouée tractée sur le site des îlets Pigeon à Bouillante, classé en cœur du parc national et l’a remplacé par un arrêté n'autorisant la location de kayaks et la pratique de randonnée palmée qu'à une fréquence plus restreinte que celle précédemment autorisée et en supprimant l'autorisation de pratiquer l'activité de bouée tractée en raison de plusieurs infractions commises par la société Caraïbes Pirates relevées au cours de l'année 2016 par les agents du Parc. En réalité la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce en voyant dans cette décision une sanction car dans le cœur du parc national de la Guadeloupe, le directeur du parc dispose d'un pouvoir de police spéciale pour autoriser et réglementer les activités commerciales nouvelles ou les changements de localisation ou d'exercice d'activités existantes, dans le but d'assurer le développement de la faune et de la flore et de préserver le caractère du parc national. Or une mesure de police ne constitue pas par elle-même une sanction.
(15 novembre 2021, Société Caraïbes Pirates, n° 435662)
144 - Police sanitaire - Covid-19 - Restrictions à la circulation des personnes entre La Réunion et le reste du territoire national - Absence de doute sérieux sur la légalité du décret attaqué - Rejet.
Était contesté par voie de référé suspension, le I de l'article 23-2 du décret du 1er juin 2021 dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 29 septembre 2021 en tant qu'il fixe les conditions de voyage des personnes non-vaccinées entre la France et la Réunion.
La demande de suspension est rejetée sans que soit recherchée l'existence d'une urgence dès lors qu'il n'y a pas de doute sérieux quant à la juridicité de la disposition contestée. En effet, les dispositions de l'art. L. 3131-12 du code de la santé publique ne sont pas imprécises contrairement à ce qui est soutenu, l'état sanitaire dans l'île de La Réunion de mi-juillet à mi-octobre 2021 puis à nouveau à compter de novembre 2021 justifiait des mesures restrictives. Celles-ci, nécessaires, adaptées et proportionnées, ne portent pas d'atteinte excessive à la liberté d'aller et venir, au droit au respect de la vie privée et familiale, à la liberté individuelle et, même, au «principe de fraternité». Au reste, ces dispositions ne concernent que les personnes ne justifiant pas d'une complète vaccination qui sont donc, au regard du risque de contamination, dans une situation identique à celle des personnes complètement vaccinées.
(ord. réf. 16 novembre 2021, M. D. et autres, n° 457686)
(145) V. aussi la solution identique mutatis mutandis concernant la requête de parents d'élèves contestant la même disposition assortie de l'inconstitutionnalité alléguée de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 en tant qu'il prévoit la possibilité de vacciner un mineur avec l'accord d'un seul des parents ainsi que l'éviction des seuls élèves non vaccinés : ord. réf. 16 novembre 2021, Mme V. épouse E. et autres, n° 457687.
(146) V. également, jugeant que n'est pas illégal le refus du premier ministre de suspendre l'obligation vaccinale pesant sur les professionnels de santé compte tenu de ce que cette obligation vise à éviter la propagation du virus, qu'elle ne porte pas d'atteintes excessives aux droits et aux libertés et de l'accélération de la circulation du virus dans toute la France à partir du début du mois de novembre 2021, d'où le rejet du référé suspension et du référé liberté introduits : ord. réf. 16 novembre 2021, M. J. et autres, n° 458085 et n°458087.
(147) V. encore, estimant que des tests sérologiques établissant un niveau d'immunité suffisant, en particulier en cas de rétablissement depuis plus de six mois, n'établissent pas que l'assurance apportée sur l'immunité contre la Covid-19 par les résultats de test sérologique qu'elle invoque seraient équivalents à ceux d'un test RT-PCR ou d'un test antigénique négatif de moins de six mois : 17 novembre 2021, Mme A., n° 458216.
(148) V. enfin, le rejet du recours fondé sur ce que le maintien par le décret du 10 novembre 2021 du champ d'application géographique et matériel de l'usage du passe sanitaire ne serait plus justifié en raison de l'amélioration de la situation sanitaire et de la bonne couverture vaccinale, le juge retenant la nécessité de maintenir la vigilance sanitaire : ord. réf. 18 novembre 2021, M. B. et Association française des espaces de loisirs indoor, n° 458393.
149 - Covid-19 - Motif impérieux d'entrée sur le territoire national - Mariage - Inexécution d'une précédente ordonnance du juge des référés du Conseil d’État - Engagement pris à l'audience - Non lieu à statuer à fin d'astreinte.
Par plusieurs ordonnances, du 9 avril 2021 (V. cette Chronique, avril 2021, n° 47 et n° 145) et du 17 juin 2021 (V. cette Chronique, juin 2021, n° 48), le juge des référés du Conseil d’État a suspendu l'exécution d'une circulaire du premier ministre en tant qu'elle interdisait l'enregistrement et l'instruction de demandes de visa en vue de se marier en France avec un Français, et d'autre part en tant qu'elle n'autorisait pas l'entrée sur le territoire du titulaire d'un tel visa lorsqu'était invoqué le mariage comme motif (ordonnance du 9 avril), puis ce même juge a enjoint au premier ministre de modifier la circulaire du 19 mai 2021 pour y indiquer que le mariage en France constitue un motif impérieux permettant le franchissement des frontières, et pour indiquer que le visa délivré dans ce cas peut, si les circonstances et conditions de délivrance sont remplies, être de court ou de long séjour (ordonnance du 17 juin).
Constatant l'ineffectivité de ces injonctions, la requérante dans ces diverses affaires a demandé le prononcé d'une astreinte.
Le juge relève qu'il résulte des échanges entre les parties au cours de l'audience de référé l'engagement pris par le ministre de l'intérieur de donner instruction aux postes consulaires, lorsque le motif impérieux d'entrée sur le territoire national invoqué est le mariage, de procéder à l'instruction de la demande de visa correspondante en vue de la délivrance d'un visa de court ou de long séjour selon que les circonstances et conditions en sont réunies, et de publier sans délai sur le site internet du ministère de l'intérieur cette nouvelle information. Par suite, il décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'astreinte.
L'inertie du ministre de l'intérieur n'a pas coûté cher à l'État.
(ord. réf. 19 novembre 2021, Association de soutien aux amoureux au ban public, n° 457726)
150 - Plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) - Classement des terrains - Objet - Régime et conditions du classement - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
(24 novembre 2021, Société "Les quatre chemins", n° 436071)
V. n° 111
151 - Police des bâtiments en péril - Edifice menaçant ruine - Ordonnance désignant un expert et fixant sa mission - Régime de la communication de cette ordonnance - Tierce opposition - Absence d'appel en cause d'un syndicat de copropriétaires - Pourvoi en cassation requalifié en tierce opposition - Renvoi à la cour administrative d'appel.
La commune d'Aubervilliers a obtenu du juge administratif des référés la désignation d'un expert aux fins d'examiner l'état d'un immeuble et de déterminer, le cas échéant, les mesures à mettre en œuvre.
Le syndicat des copropriétaires de cet immeuble a formé tierce opposition à cette ordonnance dont il a demandé l'annulation à son auteur ; celui-ci l'a annulée en la déclarant nulle et non avenue et a rejeté la demande de la commune.
Cette seconde ordonnance a été annulée par une ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Versailles.
Le syndicat des copropriétaires requérant demande au Conseil d’État d'annuler cette dernière ordonnance et de rejeter l'appel de la commune.
Pour répondre à ces demandes, le Conseil d’État est conduit à une longue et complexe analyse de la combinaison du régime de la tierce opposition, d'une part avec celui issu des dispositions de l'art. L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation sur lesquelles la commune se fonde pour solliciter la mesure d'expertise et d'autre part, avec le principe du caractère contradictoire de l'expertise.
En premier lieu, le Conseil d’État indique que s'il peut mettre en cause le propriétaire du bâtiment et les autres défendeurs éventuels avant de rendre son ordonnance, le juge des référés n'en a toutefois pas l'obligation.
En deuxième lieu, il résulte de ces dispositions, au contraire, d'une part, que le juge des référés a l'obligation de notifier immédiatement à ces personnes l'ordonnance par laquelle il nomme un expert et fixe sa mission puisque l'expertise doit avoir lieu en présence de ces défendeurs et, d'autre part, s'il rejette la demande du maire et que la commune fait appel de son ordonnance devant le juge des référés de la cour administrative d'appel, que ce dernier n'est pas non plus tenu de mettre en cause le propriétaire du bâtiment et les autres défendeurs éventuels avant de rendre son ordonnance, y compris dans le cas où ceux-ci auraient été mis en cause en première instance. Toutefois, comme au cas précédent, s'il désigne un expert, il a l'obligation de leur notifier l'ordonnance de désignation.
En troisième lieu, dans le cas où le juge des référés du tribunal administratif fait droit à la demande d'expertise présentée par le maire, le principe du caractère contradictoire de la procédure lui impose, saisi, soit par la voie de l'appel, soit par celle de la tierce opposition, d'une contestation de l'ordonnance ayant ordonné l'expertise, de mettre en cause la commune avant de statuer. Il n'est en revanche pas tenu de mettre en cause les autres personnes auxquelles avait, le cas échéant, été notifiée l'ordonnance ayant nommé l'expert.
Cependant, il a l'obligation de leur notifier son ordonnance lorsque, ressaisi de la demande de la commune, il rejette cette demande ou modifie la mission de l'expert.
Enfin, en quatrième lieu, dans le cas où la commune fait appel d'une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif ayant, à la demande d'un tiers-opposant, déclaré nulle et non avenue une précédente ordonnance de nomination d'un expert à la demande du maire, le principe du caractère contradictoire de la procédure impose au juge des référés statuant en appel d'appeler à l'instance ce tiers-opposant. Naturellement, comme aux cas précédents, dans cette hypothèse, il n'est pas tenu de mettre en cause les autres personnes auxquelles avait, le cas échéant, été notifiée l'ordonnance ayant nommé l'expert, mais il lui appartient là encore, s'il désigne un expert, de leur notifier son ordonnance.
Voilà une architecture procédurale bien complexe...
(30 novembre 2021, Syndicat des copropriétaires du 65 avenue de La République à Aubervilliers, n° 439491
Question prioritaire de constitutionnalité
152 - Covid-19 –Loi du 31 mai 2021 - Pouvoir réglementaire autorisé à porter atteinte au droit absolu d'entrée et de séjour des Français sur le territoire national – Atteintes à divers autres droits et libertés constitutionnels – Atteintes disproportionnées – Refus de transmission d’une QPC.
Le requérant soulevait une QPC à propos des dispositions du 1° du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, en tant qu'elles permettent au pouvoir réglementaire de prendre, sur leur fondement, des mesures applicables aux ressortissants français, portent atteinte à leur droit général et absolu d'entrée et de séjour sur le territoire national, rattachable à la liberté d'aller et venir garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi qu'à leur droit de mener une vie familiale normale consacré par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qu'elles sont entachées d'incompétence négative et méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales en ne prévoyant pas de limites temporelles aux mesures qu'elles instituent ainsi qu’une atteinte au principe d'égalité entre les citoyens français selon le pays dans lequel ils se trouvent.
La demande de transmission est rejetée.
Le motif principal de ce refus repose sur une erreur d’interprétation du requérant : le premier ministre n’est pas autorisé par ce texte à faire durablement obstacle au droit fondamental de tout Français de rejoindre le territoire national, mais se voit seulement attribuer la faculté d'imposer, pour une période limitée, les restrictions d'accès qui se révéleraient indispensables pour préserver la situation sanitaire, et à la condition que le bénéfice de telles mesures pour la protection de la santé publique excède manifestement l'atteinte ainsi portée à ce droit. Il s’ensuit que contrairement à l’argumentation du requérant qui fonde sur ce moyen l’essentiel de son recours, que ces dispositions ne peuvent donc pas être interprétées comme autorisant le pouvoir réglementaire à exiger des ressortissants français la présentation d'un résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19, d'un justificatif de statut vaccinal concernant la Covid-19 ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la Covid-19 que s'il prévoit, pour ce qui les concerne, des dérogations à ces obligations, notamment dans l'hypothèse où, au vu des conditions dans le pays de résidence ou de la situation des personnes en cause, celles-ci ne seraient pas à même de les respecter et se trouveraient ainsi privées durablement de leur droit de rejoindre le territoire national.
(8 novembre 2021, M. N., n° 454927)
153 - Droit à la communication des documents administratifs – Limitation tenant à la vie privée et à la protection des personnes – Restrictions imposées par la loi en cas de signalement d’un enfant au service d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger et aux services d’aide sociale à l’enfance – Refus de transmission d’une QPC.
Le requérant contestait la constitutionnalité des dispositions de l’art. L. 226-9 du code de l’action sociale et des familles et de celles des 1° et 3° de l’art. L. 311-6 du code des relations du public avec l’administration en ce qu’elles font obstacle à la communication, aux parents d'un enfant dont la situation a été signalée au service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger et aux services de l'aide sociale à l'enfance, des informations leur permettant de se défendre et, en particulier, de l'identité de l'auteur du signalement.
Pour refuser la transmission sollicitée, le Conseil d’État relève tout d’abord la légitimité du but poursuivi par ces dispositions restrictives qui est de permettre une dénonciation sans crainte de représailles et, ensuite, la possibilité pour les parents s’estimant victimes de mauvaise foi ou de dénonciation calomnieuse d’en poursuivre leur auteur devant les juridictions répressives ou civiles et d’obtenir de ces juridictions, le cas échéant, réparation de ces agissements fautifs.
Il n’y a pas, dans ce mécanisme, d’atteinte disproportionnée à un droit ou à une liberté que la Constitution garantit justifiant la transmission de la QPC. On peut ne pas trouver cette réponse très convaincante.
(8 novembre 2021, M. H., n° 455421)
154 - Question prioritaire de constitutionnalité – Attribution de la charge des frais de procédure – Incompétence du juge de la QPC – Compétence du juge saisi du litige ayant donné lieu à QPC – Irrecevabilité.
Rappel de ce que la décision statuant seulement sur le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ne peut se prononcer sur les conclusions présentées au titre des frais de procédure, lesquelles doivent être portées seulement devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée et sont irrecevables devant le juge de saisi de la seule QPC.
(16 novembre 2021, Société Aéroport de Tahiti, n° 452646)
155 - Covid-19 - QPC dirigée contre des dispositions législatives portant atteinte au droit à recours effectif ou au principe Nulla poena... - Absence - Rejet.
(19 novembre 2021, M. A., agissant en son nom propre et au nom de ses enfants mineurs, n° 457360)
V. n° 172
156 - Installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus de tri issus d'installations de valorisation de déchets performants - Art. L. 541-30-2 du code de l'environnement - Obligation de réceptionner certains déchets - Régime de facturation du traitement des déchets - Absence d'indemnisation du chef des préjudices résultant sur les contrats conclus de l'obligation de réception desdits déchets - Transmission de la QPC.
Dans le cadre d'un recours en annulation du décret du 29 juin 2021 relatif à la priorité d'accès aux installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus de tri issus d'installations de valorisation de déchets performants et de l'arrêté du 29 juin 2021 pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, la fédération requérante demande au Conseil d’État la transmission d'une QPC fondée sur l'atteinte portée par l'article législatif précité à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre.
Selon ce texte les propriétaires d'installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus de tri issus d'installations de valorisation de déchets performants ont l'obligation de réceptionner certains déchets avec cette double particularité qu'un régime uniforme de facturation du traitement des déchets est imposé et qu'aucune indemnisation des préjudices résultant sur les contrats conclus de l'obligation de réception desdits déchets n'est possible.
La question lui paraissant revêtir un caractère sérieux, le Conseil d’État la transmet.
(26 janvier 2021, Fédération nationale des activités de dépollution, n° 456187)
Responsabilité
157 - Assurance dommages-ouvrage – Déclaration de sinistre – Délai de soixante jours imparti à l’assureur pour y répondre – Non-respect de ce délai - Inopposabilité de principe de la prescription biennale – Prescription cependant opposable en cas d’inaction de l’assuré dans les deux années suivant l’expiration du délai de soixante jours – Annulation et renvoi.
Cette décision fournit un bel exemple de dialogue des juges au travers de l’interprétation des dispositions de l’art. L. 242-1 du code des assurances selon lesquelles, saisi d’une déclaration de sinistre par un assuré auprès de son assureur dommages-ouvrage, l’assureur doit prendre position dans les soixante jours sur la mise en jeu de la garantie (Cass. civ., 3ème, 26 novembre 2003, SCI du Golf c/ société Axa assurances venue aux droits de la société UAP, n° 01-12.469), faute de quoi ce dernier est déchu du droit de se prévaloir de la prescription biennale (cf. art. L. 114-1 de ce code et).
En l’espèce, une communauté d’agglomération avait notifié aux sociétés requérantes la mise en jeu de l’obligation résultant pour elles de la réparation des désordres affectant la station d'épuration dont cette communauté avait la charge. Les assureurs n’ayant pas répondu dans le délai de soixante jours, la communauté réclamait, outre la condamnation au principal, l’allocation des intérêts courant pour la période considérée.
Toutefois, si les assureurs étaient légalement déchus du droit d’opposer la prescription biennale, une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (3è chambre, 20 juin 2012, époux X. c/ société Bouygues immobilier, n° 11-14.969) décide que « l'action du maître de l'ouvrage contre l'assureur dommages-ouvrage qui n'a pas répondu à une déclaration de sinistre dans le délai de soixante jours de l'article L. 242-1 du code des assurances (est) soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du même code dont le délai commence à courir à l'issue du délai précité (…) ». C’est cette solution qu’adopte à son tour ici le Conseil d’État dans des termes semblables en substance : « (…) la seule circonstance que l'assureur n'ait pas respecté ce délai (de 60 jours) ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse ensuite opposer la prescription biennale dans le cas où l'action du maître de l'ouvrage n'a pas été engagée dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. »
Semblablement, sur le point de savoir si le délai de 60 jours doit se comprendre comme celui dans lequel l’assureur doit avoir adressé sa réponse à l’assuré ou comme celui dans lequel l’assuré doit avoir reçu la réponse de son assureur, le juge du Palais-Royal rejoint celui du Quai de l’Horloge : comme lui (Cass. 3è civile, 18 février 2004, Commune de Lyon c/ Compagnie AGF, n° 02-17.976), il estime que l’envoi doit avoir été effectué au plus tard le soixantième jour ou le premier jour ouvrable qui suit si ce dernier est un jour férié (ce qui était le cas dans l’espèce jugée par la Cour de cassation).
(5 novembre 2021, Sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD, n° 443368)
158 - Divagation de bovins sur la voie publique – Dommage causé à un véhicule – Carence dans l’exercice municipal des pouvoirs de police – Responsabilité de la commune – Annulation.
Commet une erreur dans la qualification des faits de l’espèce, le jugement qui, pour rejeter la demande de réparation du dommage causé à un véhicule par un bovin divagant sur la voie publique, se fonde sur ce que le maire de la commune n'avait commis aucune carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police, aux seuls motif que la commune ne comporte ni éleveur ni troupeau sur son territoire et qu'elle a aménagé en 2010 un lieu de dépôt pour le bétail divagant, sans s’assurer que ce dépôt avait été effectivement utilisé ou que d'autres mesures avaient été prise pour obvier au danger provoqué par la divagation d'animaux sur les voies de circulation de la commune, et alors qu'à la même époque, trois accidents de la circulation ont été provoqués, en quinze jours, par la divagation d'animaux sur la voie publique.
(10 novembre 2021, M. A., n° 439350)
159 - Suicide d’un détenu en prison – État dépressif initial ayant disparu depuis plusieurs années – Défaut de surveillance ou de vigilance carcérale – Absence – Faute de l’hôpital – Absence – Rejet.
Divers membres de la famille d’un détenu réclament à l’État (administration pénitentiaire) et à un centre hospitalier la réparation du préjudice moral qu’ils ont subi du fait de son suicide survenu dans la cellule de la prison où il purgeait une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour meurtre
La demande est rejetée par le Conseil d’État qui confirme ainsi l’arrêt d’appel.
S’agissant de la maison d’arrêt, l’action en responsabilité est rejetée car si le détenu a présenté au début de son incarcération un état dépressif et a fait une tentative de suicide par pendaison, en août 2011, il a fait l’objet ensuite d’un traitement et de soins appropriés et, pendant plusieurs années, il n’a plus donné de signes suicidaires ; son suicide revêt donc le caractère d’un événement imprévisible exonérant le service pénitentiaire de sa responsabilité.
S’agissant du centre hospitalier, la prise en charge médicale, psychiatrique et psychologique a été immédiate et n’a pas permis de déceler une tendance suicidaire ; en outre, la circonstance que le centre hospitalier n’ait pas avisé l’administration pénitentiaire de la tentative de suicide survenue en janvier 2011 n’a pas constitué une faute.
Sur le premier point, on comparera mutatis mutandis cette solution relative à la force majeure avec celle retenue dans une décision récente très discutable (Cf. cette Chronique, octobre 2021, n° 156 : 4 octobre 2021, Société sportive professionnelle Olympique de Marseille, n° 440428).
Sur le second point, on peut ne pas partager la conviction du juge.
(10 novembre 2021, Mme I. épouse G. et autres, n° 448105)
160 - Marché de travaux publics – Recherche de la responsabilité quasi-délictuelle de participants à l’opération – Condition – Annulation.
(10 novembre 2021, Société Entreprise Jean Spada, n° 448580)
V. n° 16
161 - Militaire – Imputabilité au service d’une pathologie – Juridiction se bornant à retenir l’absence de liens entre cette pathologie et l’ambiance du service – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit l’arrêt qui, pour écarter l’imputabilité au service d’une pathologie dont se plaint une militaire, se fonde sur ce que l'ambiance dégradée au sein de l'unité dans laquelle était affectée la requérante ne visait pas spécifiquement celle-ci, qu'une sanction adoptée à son encontre ne présentait pas de caractère vexatoire et que les justificatifs d'absence qui lui étaient demandés ne caractérisaient aucune volonté de lui nuire personnellement, sans rechercher, ce qui était pourtant l’essentiel, l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et l'exercice des fonctions de l'intéressée.
(10 novembre 2021, Mme D., n° 448135)
162 - Saisie et mise en fourrière d’un hélicoptère français en Espagne sur commission rogatoire de juges français – Recours en responsabilité pour faute et sans faute dirigé contre l’État – Incompétence des juridictions de l’ordre administratif – Rejet.
Les requérants réclamaient à l’État un peu plus de trois millions d’euros du chef de dommages résultant de l’exercice défectueux, en Espagne, d’une commission rogatoire internationale ordonnée par des juges français dans le cadre d’une affaire de trafic et d’importation de stupéfiants, ayant abouti à la saisie et à la mise en fourrière d’un hélicoptère. Était en particulier reproché le comportement défaillant du magistrat de liaison en fonction à l'ambassade de France en Espagne pour avoir assuré un suivi insuffisant de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille.
L’action en responsabilité était fondée à la fois sur l’existence d’une faute et sur celle d’un cas de responsabilité non fondée sur la preuve de l’existence d’une faute.
L’une et l’autre sont, comme il était aisément prévisible, rejetées au motif que se rattachant d’évidence à une opération de police judiciaire, elles relevaient de la seule compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Seule eût pu donner ouverture à la compétence du juge administrative l’invocation comme cause du dommage de l’irrégularité entachant l’incorporation en droit interne français de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à Strasbourg le 20 avril 1959 et entrée en vigueur dans l'ordre interne en vertu d'un décret du 23 juillet 1967 (cf. Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie générale d’énergie radio-électrique, Rec. Leb. p. 257) : ce n’était pas le cas ici.
(15 novembre 2021, M. D. et société Aéronord, n° 443978)
163 - Illégalité fautive – Refus illégal d’autoriser une opération de lotissement – Appréciation du lien direct entre l’illégalité et le préjudice invoqué – Appréciation du caractère certain du préjudice – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.
Un maire ayant illégalement refusé d’autoriser une opération de lotissement, la société propriétaire du terrain d’assiette de ce projet, réclame réparation du préjudice causé par ce refus irrégulier.
Son action est rejetée par la cour administrative d’appel pour défaut de caractère direct et certain du préjudice allégué. La société se pourvoit.
Le Conseil d’État juge que si, en principe, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison du refus illégal opposé à sa réalisation revêt un caractère éventuel et n’ouvre pas droit à réparation, la circonstance que le requérant justifie de circonstances particulières, peut permettre de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain et d’en demander la réparation à hauteur de la certitude acquise.
En l’espèce, le juge de cassation aperçoit une erreur de droit dans l’arrêt d’appel dans la mesure où la cour, pour juger dépourvu de caractère direct et certain le préjudice né de la perte du prix de cession de son terrain par la requérante, n’a pas recherché, si l’autorisation de lotir avait été délivrée le 15 février 2007, quelle eût été la probabilité, compte tenu des règles d’urbanisme alors applicables, de l'octroi des permis de construire objet de la condition suspensive de la vente du terrain litigieux dans le protocole d'accord du 2 mai 2007. Alors que, au lieu de cela, elle s’est bornée à relever, d'une part, la signature, le 2 mai 2007, entre la société et un promoteur d'un protocole d'accord par lequel ce dernier s'engageait à acquérir le terrain litigieux au prix de 640 000 euros à condition que les neuf parcelles obtiennent un « permis » et que « tous les recours soient épuisés » et, d'autre part, l'absence d'autres démarches entreprises par la société, ce qui ne suffisait pas, selon elle, à caractériser le lien direct et certain entre la faute résultant de l’illégalité et le dommage.
(18 novembre 2021, Société le Trou d’Houillet, n° 437821)
164 - Victime d'un dommage corporel - Nécessité de l'assistance d'une tierce personne - Calcul de l'indemnité allouée - Caractère futur de l'assistance à domicile d'une tierce personne - Office du juge - Méconnaissance - Annulation avec renvoi dans la mesure de l'annulation prononcée.
Annulant en partie l'arrêt dont il était saisi, le Conseil d’État décrit très complètement l'office du juge administratif indemnisant la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne.
Le juge aborde deux séries de questions.
La première concerne la détermination du montant de la réparation à allouer.
A cet égard, l'office du juge doit le conduire à déterminer d'abord l'étendue des besoins d'aide de la victime ainsi que les dépenses nécessaires pour y pourvoir.
Il doit fixer, ensuite, le montant de l'indemnité à allouer par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce stade, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant.
Enfin, lorsque la personne publique n'est tenue de ne réparer qu'une fraction du dommage corporel, la déduction évoquée ci-dessus ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l'indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d'aide par tierce personne, évaluées comme indiqué plus haut.
La seconde série de questions concerne l'hypothèse où le juge, saisi de conclusions tendant, pour une période à venir, à l'indemnisation de frais futurs d'assistance à domicile par tierce personne, n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime sera effectivement logée à domicile, ou hébergée dans une institution spécialisée dans laquelle ces frais ne seront pas exposés. En cette occurrence il appartient au juge d'accorder une rente couvrant les frais d'assistance par tierce personne à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à domicile.
(30 novembre 2021, Mme C. et Union départementale des associations familiales (UDAF) de l'Essonne, n° 438391)
165 - Responsabilité hospitalière - Accident survenu à un enfant jeune – Impossibilité d’être scolarisé – Impossibilité d’exercer une activité professionnelle – Réparation – Détermination du calcul et des modalités de l’indemnisation – Annulation très partielle.
Il résulte des conditions de sa naissance dans un centre hospitalier et des graves séquelles qui en ont résulté qu’un enfant n’a pu, dès son jeune âge, être scolarisé et qu’il ne peut davantage exercer une quelconque activité professionnelle. Se posait en l’espèce d’importantes questions de réparation et de distinction des préjudices subis et à venir. Cette affaire est assez semblable à celle rapportée dans cette chronique (Juillet-août 2019 n° 126 : 24 juillet 2019, Mme Depecker, tutrice légale de son fils majeur, n° 408624) à laquelle on se permet pour le surplus de renvoyer le lecteur. Cette décision constituait un revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt du 28 avril 1978, Borras (n° 4225, Rec. T. p. 941-943-945).
Toutefois, la présente affaire permet d'ajouter une précision notable à la solution de 2019.
La fixation d'un montant de la rente égal au salaire médian doit être effectuée déduction faite des revenus perçus par l'intéressé au titre de son activité salariée dans un établissement spécialisé et d'éventuels revenus, prestations ou pensions de retraite ; c'est d'ailleurs là le motif de la cassation très partielle prononcée en l'espèce.
(30 novembre 2021, Centre hospitalier Métropole Savoie, n° 440443)
V. aussi, sur un autre aspect de cette décision, le n° 48
166 - Indemnisation d'un préjudice par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale - Refus - Dommage sans probabilité faible de survenue - Seuil de 5% - Absence d'erreur de qualification juridique - Rejet.
Ne commet pas d'erreur de qualification juridique la cour administrative d'appel qui juge que ne relève pas du régime de réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale un préjudice, tel celui de l'espèce (accident vasculaire cérébral post-opératoire immédiat chez un patient atteint d'une sténose carotidienne), dont le risque de survenue est de l'ordre de 5%.
(30 novembre 2021, M. E., n° 443922)
Santé publique
167 - Covid-19 – Obligation vaccinale imposée aux personnels soignants – Demandes en référé de suspension d’exécution d’un décret et d’une loi, et de prise d’un nouveau décret – Rejet.
La requérante, médecin libéral, demande au juge du référé liberté, notamment, d’ordonner la suspension d’exécution du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, pris en application des articles 12 et suivants de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, ainsi que de la loi elle-même.
Elle demande également que soit levée l’obligation vaccinale des soignants eu égard à l’évolution favorable du taux de couverture vaccinale de la population française, que les soignants non vaccinés puissent exercer sous réserve de tests de dépistage, qu’ils soient, d’une part, indemnisés pour perte de travail et rémunérés par Pôle emploi à hauteur de leur revenu initial, et, d'autre part qu'ils soient indemnisés par les contrats d'assurance et de prévoyance au titre de la perte de leur travail et de leurs revenus, qu’enfin il soit ordonné au gouvernement de garantir une prise en charge financière pour toute formation ou tentative de reconversion professionnelle.
A l’énoncé du contenu d’une telle requête, laquelle nous semble constituer un abus de l’utilisation du droit à recours, il est clair qu’elle ne pouvait qu’être rejetée et qu’il n’y a même pas lieu de dire au lecteur pourquoi.
(ord. réf. 5 novembre 2021, Mme B., n° 457445)
(168) V. aussi, rejetant une demande en référé liberté dirigée contre l'annexe II du décret du 1er juin 2021 dans la version que lui a donné le décret du 7 août 2021 tendant à ce qu'injonction soit adressée au premier ministre d'élargir les cas de contre-indications médicales prévues par ces dispositions : ord. réf. 24 novembre 2021, M. L. et autres, n° 457935.
(169) V. également, réitérant la solution donnée le mois précédent à un recours identique (ord. réf. 27 octobre 2021, Confédération générale du travail (CGT) et autres, n° 457060. V. cette Chronique, octobre 2021 n° 83), le rejet d’un référé tendant à la suspension de l'exécution du décret n° 2021-951 du 16 juillet 2021 fixant le cadre applicable des dispositions du code du travail en matière de prévention des risques biologiques dans le cadre de la pandémie de SARS-CoV-2 : ord. réf. 8 novembre 2021, Syndicat national travail, emploi, formation professionnelle CGT (SNTEFP-CGT), n° 457429.
170 - Covid-19 - Suspension totale de la vente en ligne de certaines spécialités pharmaceutiques - Durée - Durée excessive après une certaine date - Annulation partielle.
L'article 6 de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dans sa rédaction issue de cet arrêté puis des arrêtés des 14 et 23 avril et du 11 mai 2020, a suspendu la vente par internet des spécialités composées exclusivement de paracétamol, d'ibuprofène et d'acide acétylsalicylique (aspirine) et de spécialités contenant de la nicotine et utilisées dans le traitement de la dépendance tabagique.
Les requérants demandaient l'annulation de cette disposition pour excès de pouvoir.
Tout d'abord, le juge relève que, contrairement à ce qui était soutenu dans la requête, le ministre de la santé était compétent, sur le fondement de l'art. L. 3131-16 du code de la santé, pour prendre une mesure encadrant les conditions de dispensation d'une spécialité pharmaceutique en officine et par internet, afin d'éviter un risque de mésusage et une tension sur son approvisionnement.
Ensuite, il estime que pour la période courant du 23 mars au 11 mai 2020, la décision de suspension totale de la vente en ligne des spécialités composées exclusivement de paracétamol, d'ibuprofène ou d'aspirine et des spécialités contenant de la nicotine et utilisées dans le traitement de la dépendance tabagique satisfaisait à la condition de nécessité comme de caractère proportionné en raison du risque de surconsommation de médicaments, d'aggravation de l'infection et d'automédication.
Enfin, en revanche, pour la période au-delà du 11 mai 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, le ministre défendeur n''apporte aucun élément de nature à justifier de la nécessité de maintenir les mesures prises par l'arrêté du 23 mars 2020 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire alors, d'une part, que les risques ayant initialement justifié les mesures prises s'étaient atténués et, d'autre part, que la levée progressive des mesures de confinement strict par le décret du 11 mai 2020 rendaient plus aisé l'accès physique aux professionnels de santé.
Par suite, les dispositions contestées n'étaient plus nécessaires ni proportionnées, et étaient par suite illégales, à compter du 12 mai 2020.
(19 novembre 2021, M. L. G. et Association française des pharmacies en ligne (AFPEL), n° 440721)
171 - Référé liberté - Institution d'un passe sanitaire dans l'ïle de La Réunion - Atteinte à plusieurs libertés fondamentales - Rejet.
Les requérants demandaient, en premier lieu, à titre principal, la suspension de l'exécution du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, en deuxième lieu, à titre subsidiaire, la réalisation de tests pour toutes les personnes détenant un «laissez-passer sanitaire», et la prise en charge de tous les tests par l'assurance maladie, en troisième lieu, de prendre toutes les mesures nécessaires à la lutte contre l'épidémie s'agissant des maladies chroniques, en quatrième lieu, de suspendre l'obligation vaccinale pour toute personne ou, à défaut, pour les sapeurs-pompiers et pour les personnes qui y sont soumises n'étant pas en contact direct avec du public et, en dernier lieu, de prendre toute mesure visant à prévenir les conflits d'intérêt dans les facultés de médecine.
La demande est rejetée car elle se limite à des allégations d'ordre général selon lesquelles, d'une part, le passe sanitaire constitue en réalité une obligation de présenter un «laissez-passer» pour accéder à de nombreux lieux de la vie quotidienne, et ce sur l'ensemble du territoire de La Réunion, et, d'autre part, il serait porté atteinte à de nombreuses libertés fondamentales. De ce fait, n'est pas établie l'existence d'un préjudice suffisamment grave et immédiat pour les requérants et, par suite, une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du CJA.
(ord. réf. 17 novembre 2021, M. T. et autres, n° 458259)
172 - Covid-19 - QPC dirigée contre des dispositions législatives portant atteinte au droit à recours effectif ou au principe Nulla poena... - Absence - Rejet.
Ne saurait donner lieu à ouverture à QPC l'allégation que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique et du VIII de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, porteraient atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ou qu'elles méconnaîtraient par elles-mêmes les dispositions de l'article 7 de la même Déclaration, qui garantissent le droit de n'être accusé, arrêté et détenu que dans les cas déterminés par la loi.
En effet, les mesures pouvant être prescrites sur le fondement de ces dispositions, outre qu'elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, peuvent faire l'objet, sur le fondement du IV de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, outre des recours de droit commun, des recours en urgence prévus par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du CJA.
(19 novembre 2021, M. A., agissant en son nom propre et au nom de ses enfants mineurs, n° 457360)
173 - Juridiction des référés - Conditions d'accès - Covid-19 - Obligation vaccinale des personnels de santé ne travaillant pas dans des locaux de soins - Rejet.
(25 novembre 2021, Mme B. et autres, n° 457734)
V. n° 44
174 - Classification commune des actes médicaux - Cotations de l'arthroscanner du membre supérieur et de l'arthroscanner du membre inférieur - Rémunération insuffisante de certains actes - Absence d'erreur manifeste d'appréciation - Rejet.
Les requérants demandaient l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la santé et par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) sur leurs demandes tendant à l'abrogation des dispositions de la classification commune des actes médicaux fixant la cotation de l'arthroscanner du membre supérieur et de l'arthroscanner du membre inférieur.
Leur requête est rejetée en tous ses chefs.
Le moyen tiré de la contrariété de la classification des actes d'arthroscanner du membre inférieur et du membre supérieur avec les dispositions prévues par les articles L. 182-2-4 et R. 162-52 du code de la sécurité sociale est écarté car cette classification ne résulte pas d'une orientation délibérée par le conseil de l'UNCAM.
Pas davantage les requérants ne sont fondés à soutenir que la rémunération associée à l'arthroscanner du membre supérieur serait inférieure à celle associée à l'arthrographie de l'épaule alors que cette dernière constitue un acte moins complexe que la première et que la classification commune des actes médicaux serait de ce fait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Enfin, de la même manière, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la rémunération associée à l'arthroscanner du membre inférieur serait inférieure à celle de l'arthrographie du genou, alors que cette dernière constitue un acte moins complexe que la première, et que la classification commune des actes médicaux serait de ce fait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
(30 novembre 2021, M. Pierre C. et autres, n° 448575)
Service public
175 - Service public de la justice judiciaire - Organisation judiciaire - Regroupement du jugement de certains litiges devant un seul tribunal judiciaire du département - Objectif constitutionnel de bonne administration de la justice - Absence d'erreur manifeste d'appréciation - Rejet.
Les requérants contestaient la légalité du décret du 30 août 2019 modifiant le code de l'organisation judiciaire, pris en application des articles 95 et 103 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en tant que son art. 3 permet de spécialiser, au sein d'un département, un seul tribunal judiciaire pour juger certaines affaires civiles et pénales.
Pour rejeter le recours, le Conseil d’État relève, d'une part, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel (déc. décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), que le législateur a entendu regrouper certaines catégories de litiges très techniques, exigeant des compétences particulières, au sein d'un nombre restreint de tribunaux satisfaisant ainsi à l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice, et d'autre part, que le pouvoir réglementaire, eu égard à la technicité des matières civiles et pénales ainsi regroupées et à leurs faibles volumes représentant respectivement moins de 10 % du contentieux des tribunaux judiciaires pour les affaires civiles et moins de 4 % pour les affaires pénales, n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en prenant ces dispositions.
(24 novembre 2021, Conseil national des barreaux et association Conférence des bâtonniers de France et d'Outre-Mer, n° 435698)
(176) V. aussi, en partie voisin et comparable : 24 novembre 2021, Ordre des avocats au barreau de Lille, n° 438491.
Urbanisme
177 - Permis de construire – Demande d’un permis de construire – Rejet pour absence de justification par les requérants de la notification de leur recours imposée par l’art. R. 600-1 du code de l’urbanisme – Absence d’invitation à régulariser la requête – Annulation.
Commet une erreur de droit le magistrat qui rejette pour irrecevabilité un recours tendant à l’annulation d’un permis de construire au motif que leurs auteurs ne justifiaient pas avoir notifié leur recours contentieux au bénéficiaire du permis conformément aux dispositions de l’art. R. 600-1 c. urb. alors qu’il n’a pas invité les requérants, préalablement au rejet de leur action, à régulariser le défaut de notification.
(9 novembre 2021, Association Timone Noyau Villageois et autres, n° 447271)
178 - Déclaration préalable de division parcellaire en vue de construire – Absence d’opposition du maire – Ordonnance rejetant le recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette non-opposition – Contestation ayant le caractère d’un appel – Incompétence du Conseil d’État – Renvoi à la cour administrative d’appel.
Le recours dirigé contre l’ordonnance du président d’une chambre d’un tribunal administratif rejetant la demande d’annulation d’une non-opposition à une division parcellaire en vue de construire, a le caractère d’un appel et non d’un recours formé dans une matière où les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort (cf. art. R. 811-1 CJA). C’est donc à tort que le Conseil d’État a été saisi, le dossier est transmis à la cour administrative d’appel dont relève ce tribunal.
(9 novembre 2021, M. F. et Mme B., n° 448424)
179 - Permis de construire – Absence de permis modificatif - Invitation à régulariser une irrégularité partielle du permis – Conséquences sur les moyens susceptibles d’être développés – Absence de notification au juge d’une mesure de régularisation – Obligation d’annulation – Contestation possible d’un refus de régularisation par une autre procédure – Rejet.
Cette affaire donne l’occasion au juge d’apporter d’importantes précisions sur les effets contentieux d’une demande de permis de modificatif qu’il a suggérée afin de régulariser une irrégularité entachant le permis (cf. art. L. 600-5-1 c. urb.).
Lorsque, saisi d’une demande d’annulation d’un permis de construire, le juge constate que le(s) motif(s) d’irrégularité qu’il retient peu(ven)t être régularisé(s), il peut inviter le pétitionnaire du permis à demander la régularisation de cette situation en déposant un permis modificatif et à l’obtenir avant l’expiration d’un terme qu’il fixe.
En premier lieu, à compter de ce jugement, seuls peuvent être invoqués devant ce juge, le cas échéant, des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée. Les parties peuvent donc contester la légalité d'un permis de régularisation par des moyens propres et au motif qu'il ne permet pas de régulariser le permis initial.
En deuxième lieu, ce qui était le cas de l’espèce, lorsque aucune mesure de régularisation ne lui a été notifiée à l’expiration du délai qu’il avait fixé, il appartient au juge de prononcer l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse.
Enfin, il n’est pas possible de contester devant lui la légalité de l’éventuel refus opposé à la demande de régularisation présentée par le pétitionnaire. Une telle contestation ne peut intervenir que dans le cadre d'une nouvelle instance, qui doit être regardée comme dirigée contre le refus d'autoriser le projet dans son ensemble, y compris les modifications qu'il était envisagé d'y apporter.
C’est donc sans erreur de droit qu’ici le tribunal administratif a jugé illégal le permis de construire délivré le 26 juin 2015 à la SCCV Lucien Viseur dès lors qu'aucun permis de construire modificatif n'avait été produit auprès de lui dans le délai imparti par son premier jugement et cela sans se prononcer sur la légalité du refus du maire de délivrer le permis modificatif sollicité.
(9 novembre 2021, Société civile de construction vente Lucien Viseur, n° 440028)
180 - Permis de construire – Notion de vice régularisable – Limite – Dénaturation du projet de construction – Absence – Annulation.
Rappel d’une jurisprudence constante selon laquelle un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé sur le fondement des dispositions de l’art. L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Seule la dénaturation du projet d’origine ferait obstacle à une régularisation, de sorte que, allant sans doute au-delà de la lettre de la loi mais fidèle à l’inspiration du législateur, le juge a construit un véritable droit à la régularisation.
(10 novembre 2021, Commune de Val d’Isère, n° 439966)
181 - Outre-mer - Demande de permis de construire, à titre de logements sociaux, portant sur des bâtiments collectifs ou sur des ensembles de logements individuels – Demande devant être considérée comme portant sur un ensemble immobilier – Applicabilité de l’art. 199 undecies C CGI – Réduction d’impôt – Réduction d’impôt subordonnée à un agrément fiscal – Seuil de deux millions d’euros non atteint – Rejet.
(15 novembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 452952)
V. n° 62
182 - Acte obtenu par fraude – Notion de fraude – Déclaration préalable de travaux au lieu d’une demande de permis de construire – Date incertaine ou non démontrée de construction du bien objet de la déclaration de travaux – Fraude non établie – Annulation avec renvoi.
Un particulier avait déposé une déclaration préalable de travaux en vue de la réhabilitation d’un hangar à usage agricole. Sur recours d’une association, le tribunal administratif a annulé l’arrêté de non-opposition du maire à cette déclaration. La cour administrative d’appel a, à son tour, annulé le refus implicite du maire de retirer l’arrêté de non-opposition et enjoint au maire de le retirer rétroactivement sous trois mois.
Le pétitionnaire se pourvoit en cassation contre cet arrêt en ce qu’il se fonde sur la fraude qu’il aurait commise en se bornant à une déclaration préalable de travaux au lieu de solliciter un permis de construire car il ne justifiait pas que la construction existante, qui a été édifiée sans autorisation, l'aurait été antérieurement à la loi du 15 juin 1943 imposant la délivrance d'un permis de construire et qu’ainsi elle n'entrait pas dans le champ de l'obligation de permis de construire instituée par cette loi reprise pour l'essentiel par l'ordonnance du 27 octobre 1945 relative au permis de construire.
Le Conseil d’État annule pour erreur de droit cet arrêt – et il a bien raison – en rappelant que « la fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le demandeur a eu l'intention de tromper l'administration pour obtenir une décision indue. » Ce n’était manifestement pas le cas ici. L’absence de justification, qui n’a rien de caché ou de mensonger, ne saurait constituer l’élément intentionnel d’un acte de fraude.
(18 novembre 2021, M. A., n° 442887)
183 - Permis de construire - Reconstruction de bâtiments existants - Notion - Directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes - Annulation avec renvoi.
La directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes prévoit que, dans les espaces urbanisés sensibles, l'extension de l'urbanisation est « strictement limitée aux seules parcelles interstitielles du tissu urbain, ou « dents creuses » des îlots bâtis, ainsi qu'à la reconstruction et à la réhabilitation des bâtiments existants ».
Un jugement avait estimé, sur saisine par déféré préfectoral, que l'arrêté municipal accordant un permis de construire une résidence de six logements était illégal car le projet autorisé visait à l'édification d'une résidence après démolition d'une construction préexistante sur la parcelle et que ce projet ne pouvait, eu égard aux différences qu'il comportait dans sa conception et ses caractéristiques par rapport au bâtiment démoli, être regardé comme la reconstruction d'un bâtiment existant au sens des dispositions de la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes. Le Conseil d’État annule pour erreur de droit ce jugement car, selon lui, « les dispositions de la directive territoriale d'aménagement doivent être regardées comme permettant l'extension de l'urbanisation sur les parcelles ainsi désignées (...). La « reconstruction » ainsi permise sous cette réserve s'entend donc d'une construction après démolition du bâtiment préexistant sur la parcelle.»
Toutefois, comme le tribunal, le juge de cassation rappelle que les dispositions que le tribunal a opposées au permis de construire en litige avaient pour objet de préciser les modalités d'application des dispositions particulières au littoral qui sont les seules à être directement applicables à une autorisation d'urbanisme en application du 2° de l'article L. 172-2 du code de l'urbanisme.
(19 novembre 2021, Commune de Théoule-sur-Mer, n° 435153 ; Société MFT Théoule IV, n° 435157, jonction)
184 - Extension d'une construction existante en vue d'en conserver l'unité architecturale - Prescription d'un plan d'urbanisme - Dénaturation des pièces du dossier - Annulation avec renvoi.
Dénature les pièces du dossier l'arrêt d'une cour administrative d'appel jugeant que le prrojet autorisé ne constitue pas l'extension d'une construction existante en vue d'en conserver l'unité architecturale au sens d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme, alors que le permis de construire modificatif attaqué permet de prolonger sur environ 1,20 m, avec le même bardage en bois, la couverture du mur de façade nord du premier étage de la grange appartenant aux pétitionnaires, jusqu'au mur mitoyen de l'habitation de l'appelant et que ces travaux de clôture du mur s'inscrivent dans le volume préexistant du bâtiment.
(19 novembre 2021, M. et Mme G., n° 445509)
185 - Non-opposition à déclaration préalable en vue de la division d'un terrain en deux lots - Permis de construire deux villas - Défaut d'intérêt pour agir des requérants en excès de pouvoir - Rejet de recours comme manifestement irrecevables - Absence d'invitation à régulariser - Annulation.
(9 novembre 2021, M. I. et Mme C., n° 448423 et n° 448425)
V. n° 36
186 - Commissions départementales d'aménagement commercial - Composition - Présence de personnalités qualifiées désignées par les chambres de commerce et d'industrie et par les chambres de métiers et de l'artisanat - Incompatibilité de dispositions législatives avec le droit de l'Union - Illégalité du décret pris pour l'application de ces dispositions - Annulation.
Après renvoi préjudiciel à la CJUE (du 15 juillet 2020) et réponse de cette dernière (15 juillet 2021, aff. C-325/20), le Conseil d’État, qui était saisi d'un recours en annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d'aménagement commercial et aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale, admet partiellement le recours dont l'avait saisi le requérant.
La CJUE a jugé que « l'article 14, point 6, de la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale prévoyant la présence, au sein d'une instance collégiale compétente pour émettre un avis sur l'octroi d'une autorisation d'exploitation commerciale, de personnalités qualifiées représentant le tissu économique de la zone de chalandise pertinente, et ce même si ces personnalités ne prennent pas part au vote sur la demande d'autorisation et se bornent à présenter la situation de ce tissu économique ainsi que l'impact du projet concerné sur ce dernier, pour autant que les concurrents actuels ou potentiels du demandeur participent à la désignation desdites personnalités ».
Par suite, les dispositions ajoutées à l'art. L. 751-2 du code de commerce, issues de la loi du 23 novembre 2018, sont incompatibles avec le droit de l'Union, ce qui entraîne l'illégalité et l'annulation des dispositions du décret attaqué du 17 avril 2019 faisant application de ces dispositions.
(22 novembre 2021, Conseil national des centres commerciaux, n° 431724)
187 - Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) - Qualité de partie de l'État dans certains litiges portant sur des demandes de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale - Représentation de l'État par le président de la CNAC - Dispense du ministère d'avocat dans le contentieux né de tels permis - Pouvoir d'injonction du juge envers la CNAC - Effets contentieux de l'avis défavorable de la CNAC - Annulation sans renvoi et injonctions.
(22 novembre 2021, Société Taninges distribution, n° 441118 ; Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), n° 442107)
V. n° 74
188 - Plan local d'urbanisme (PLU) - Projet d'aménagement et de développement durables (PADD) - Fixation d'une zone comme agricole (zone "A") - Conditions et limites - Absence d'erreur manifeste d'appréciation - Dénaturation des pièces et des faits - Annulation avec renvoi.
Le tribunal administratif avait annulé une délibération municipale approuvant un PLU au motif qu'il classe certaines parcelles en zone agricole ou zone "A". Ce jugement ayant été annulé sur ce point en appel, les demandeurs se pourvoient en cassation.
Toute la question était de déterminer ce qu'il convient d'entendre par "zone agricole" au sens et pour l'application des art. L. 151-5 et L. 151-9, R. 151-22 et R. 151-23 du code de l'urbanisme. Interprétant ces textes, le Conseil d’État estime qu'il en résulte qu'une telle zone « a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ». Il importe peu à cet égard que la parcelle en cause soit actuellement une terre agricole ou, à l'inverse, qu'elle soit en partie urbanisée ou non car seul est déterminant le "potentiel".
En l'espèce, l'arrêt d'appel est annulé pour avoir jugé que le classement en zone "A" n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation car les auteurs du PLU ont entendu préserver les ressources agricoles de la commune et rechercher un équilibre entre le développement résidentiel et le maintien du « caractère rural » du hameau, situé au cœur d'une vaste plaine agricole de bonne valeur agronomique et facilement exploitable, alors que le secteur ainsi classé, situé à environ un kilomètre du centre-bourg, comporte une trentaine d'habitations et présente un caractère urbanisé, et qu'il n'est pas établi par des pièces du dossier que ce classement permet d'assurer la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de cette commune.
(24 novembre 2021, M. et Mme I., n° 435178)
189 - Délivrance d'un certificat d'urbanisme - Cristallisation pendant dix-huit mois du droit applicable à la date du certificat - Annulation du refus opposé à une demande d'autorisation fondée sur ce certificat - Absence d'effets sur le droit applicable - Annulation avec renvoi au tribunal administratif.
Les demandes d'autorisation de construire ou les déclarations préalables déposées dans les dix-huit mois de l'obtention d'un certificat d'urbanisme sont régies par le droit en vigueur au jour de la délivrance de ce certificat (art. L. 410-1 c. urb.) à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (cf. 18 décembre 2017, M. et Mme B. c/ commune de Lambres-lez-Douai, n° 380438), et, en cas d'annulation du refus de délivrer un certificat d'urbanisme, la demande doit tout de même être examinée au regard des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de ce certificat, l'administration demeurant saisie de cette demande après l'annulation du refus de l'accorder.
Cependant, se posait en l'espèce la question de savoir si cette règle est également applicable lorsque le bénéfice d'un permis de construire tacite est subordonné à la condition que le pétitionnaire ait confirmé sa demande.
La cour administrative d'appel avait répondu par la négative : faute d'avoir demandé la prorogation du certificat d'urbanisme, la société pétitionnaire ne pouvait bénéficier du maintien des règles d'urbanisme applicables à cette date, alors même qu'il n'était pas contesté que celle-ci avait déposé sa demande initiale dans le délai de dix-huit mois lui permettant de bénéficier du maintien des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de ce certificat. Le Conseil d’État, très logiquement, annule l'arrêt pour erreur de droit sur ce point en jugeant que la règle sus-rappelée joue alors même que le demandeur n'est susceptible de bénéficier d'un permis tacite qu'à la condition d'avoir confirmé sa demande.
(24 novembre 2021, Société Dai Muraille, n° 437375)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Octobre 2021
Octobre 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse
1 - Haute autorité de santé (HAS) - Recommandations de bonnes pratiques - Traitement de la bronchiolite aigüe chez le nourrisson de moins de douze mois - Absence de recommandation à la kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique en ambulatoire - Vices de légalité externe - Défaut d’impartialité - Absence - Erreur manifeste d'appréciation - Absence - Rejet.
La fédération requérante demandait au Conseil d’État, par des moyens de forme et par des moyens de fond, l'annulation d'une décision du 6 novembre 2019 du collège de la Haute Autorité de santé portant adoption de la recommandation de bonne pratique intitulée « Prise en charge du premier épisode de la bronchiolite aiguë chez le nourrisson de moins de 12 mois », en ce qu'elle indique de ne pas recommander, pour cette prise en charge, en l'absence de données, la kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique en ambulatoire.
Le juge rejette tout d'abord les critiques tenant à la légalité externe de cet acte. Retenons celle relative au principe d'impartialité. La requérante estimait que le professeur de médecine présidant le groupe de travail créé en vue de préparer la recommandation en cause devait signaler dans sa déclaration d'intérêts sa publication de plusieurs articles scientifiques portant sur la bronchiolite aiguë du nourrisson. Pour rejeter le moyen, le Conseil d’État retient, d'une part, que in abstracto, cette circonstance ne s'opposait, par elle-même, ni à ce que ce professeur prenne part à ce groupe de travail, ni à ce qu'il le préside, dans le respect des principes de l'expertise sanitaire et du principe d'impartialité qui s'impose à tous les organes administratifs, d'autre part, in concreto, il n'est pas soutenu que la teneur de ces publications aurait été de nature à affecter l'impartialité de l'intéressé, qu’elles auraient été réalisées pour des organismes publics ou privés ni qu'elles auraient été soutenues financièrement par des entreprises privées.
Concernant la légalité interne de cette recommandation, le juge relève qu'eu égard à la documentation dont elle disposait, à son contenu et à sa tendance majoritaire et en l'absence de toute preuve contraire de ceux-ci la HAS n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prenant la recommandation critiquée par le recours.
(6 octobre 2021, Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs, n° 437622)
2 - Cour nationale du droit d’asile – Création d’un poste d’agent de prévention à temps plein – Mesure d’ordre intérieur – Irrecevabilité d’un recours contre une telle mesure – Rejet.
Rappel d’une jurisprudence ancienne, constante et éprouvée : les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Telles sont les mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, n'emportent pasde perte de responsabilités ou de rémunération et ne révèlent ni une discrimination ni une sanction.
Les recours formés contre de telles décisions – dites aussi « mesures d’organisation interne du service » - sont irrecevables.
(13 octobre 2021, Syndicat indépendant du personnel du Conseil d'État et de la Cour nationale du droit d'asile (SIPCE), n° 433128)
3 - Enseignement supérieur – Recrutement d’un professeur – Conseil académique retenant un profil de poste d’enseignant-chercheur ouvert au recrutement – Acte préparatoire – Acte ne pouvant pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir – Rejet.
Le Conseil d’État estime que « La délibération par laquelle le conseil académique se prononce sur le profil d'un poste d'enseignant-chercheur ouvert au recrutement présente le caractère d'acte préparatoire et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet de recours pour excès de pouvoir. »
Cette solution peut se discuter en raison du caractère détachable de la définition du profil de poste par rapport au reste de la procédure de recrutement ; il nous semble qu’elle revêt un caractère suffisamment autonome pour constituer un acte pouvant être déféré au juge dans la mesure où, traduisant une appréciation d’ensemble sur les besoins d’un établissement universitaire, elle n’est pas, d’abord, tournée vers les candidats à venir mais, au contraire, vers l’institution prise dans sa globalité.
(13 octobre 2021, M. C., n° 434658 et n° 438428)
4 - Demande de communication de documents administratifs – Documents relatifs à la gestion du domaine privé – Application du droit à communication – Substitution irrégulière des motifs par le juge – Annulation du jugement - Appréciation de la régularité des motifs de non-communication à la date où le juge statue – Annulation partielle du refus.
Cette affaire est un épisode du flop retentissant de la célèbre « écotaxe » sur les poids lourds, dite encore affaire Écomouv’.
Suite à la résiliation du contrat de partenariat conclu entre l’État et la société Écomouv’ en vue de la mise en œuvre de la mort-née écotaxe, la société requérante, qui avait passé un contrat avec Écomouv’ pour le développement des boitiers ou badges embarqués à bord des véhicules et destinés aux abonnés, contrat lui aussi résilié, a été contrainte de céder au service des domaines les équipements qu’elle avait développés. Dans le cadre d’un contentieux indemnitaire qu’elle a engagé contre l’État la requérante a demandé à la direction de l'immobilier de l'État (DIE) de lui communiquer un grand nombre de documents destinés en particulier à établir le prix de cession par cette Direction des équipements électroniques standards et de leurs accessoires associés. La DIE a refusé, conduisant la société Axxès à saisir le juge administratif. Le tribunal, pour rejeter la requête, a fait droit à une demande de substitution de motifs de la part de la DIE fondée sur ce que les documents dont la communication était demandée auraient été de nature à révéler des éléments financiers et stratégiques, relatifs à l'activité concurrentielle des sociétés du secteur du télépéage, protégés par le secret industriel ou commercial.
La société Axxès saisit le Conseil d’État.
Celui-ci, annule le jugement au motif que le juge a accordé la substitution de motifs demandée sans rechercher si les mentions en cause étaient susceptibles de faire l'objet d'une occultation ou d'une disjonction.
Examinant l’affaire au fond, le Conseil d’État reprend l’analyse des deux autres moyens opposés par le ministre défendeur à la société requérante.
En premier lieu, celui-ci invoquait l’absence de caractère communicable de documents relatifs à la gestion du domaine privé de l'Etat. L’argument est évidemment rejeté puisque l’art. L. 300-3 du code des relations du public avec l’administration déclare applicables aux actes de gestion du domaine privé de l’État les dispositions de l’art. L. 300-2 du même code, lesquelles posent le principe du droit à communication. Or les cessions de biens du domaine privé de l’État constituent d’évidence des actes de gestion de celui-ci.
En second lieu, était invoqué le secret des affaires pour s’opposer à la communication des pièces demandées. Le Conseil d’État décide que le ministre défendeur ne pouvait légalement opposer un refus à la demande de la société Axxès de se voir communiquer les documents relatifs à la procédure de publicité et de mise en concurrence mise en œuvre par l'État au titre du projet « écotaxe » qu'en ce qui concerne les documents ayant déjà fait l'objet d'une diffusion publique et, s'agissant des autres documents, que pour les seules mentions révélant l'identité des cessionnaires.
L'annulation de la décision attaquée est prononcée dans la mesure où le refus opposé à la société Axxès excède les limites ci-dessus ; elle est assortie d’une injonction au ministre d’effectuer la communication dans le mois de la reddition de la présente décision.
(14 octobre 2021, Société Axxès, n° 437004)
5 - Théorie de l’acte inverse – Nomination d’administrateurs provisoires d’un laboratoire par un président d’université – Nomination n’emportant pas par elle-même l’abrogation de la nomination du directeur de ce laboratoire – Erreur de droit – Annulation.
Un président d’université a désigné deux administrateurs provisoires du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux de cette université et leur a attribué délégation de signature. Un professeur d’université membre de ce laboratoire a demandé l’annulation de cet arrêté. Pour accueillir cette requête la cour administrative d’appel avait jugé que cet arrêté avait eu implicitement mais nécessairement pour effet d'abroger la décision qui avait nommé le directeur de ce laboratoire.
Le Conseil d’État, appliquant strictement la théorie, elle-même restrictive, de l’acte inverse, casse cet arrêt, jugé entaché d’erreur de droit, motif pris de ce que « la désignation d'un ou de plusieurs administrateurs provisoires d'un organisme n'emporte, par elle-même, que la suspension des prérogatives de ses organes dirigeants transférées aux administrateurs provisoires. »
On peut juger excessif un distinguo non seulement subtil mais en réalité introuvable : que reste-t-il à un directeur de laboratoire dont les fonctions sont exercées par d’autres auxquels a été, en outre, transférée la délégation de signature dont il disposait ? Rien, ce qui est très peu et se distingue mal d’une abrogation de l’acte de nomination.
(13 octobre 2021, M. C., n° 433156)
6 - Acte réglementaire – Refus de prendre un tel acte – Refus de nature réglementaire – Impossibilité de lui appliquer l’obligation de motivation instituée à l’art. L. 211-2 CRPA – Rejet.
Les organisations requérantes demandaient l’annulation du refus du premier ministre d’accéder à leur demande de mettre en place des registres nationaux, déclinés à l'échelle régionale et départementale, pour les malformations congénitales et les cancers. Elles invoquaient comme moyen de légalité externe l’absence de motivation du refus.
Rappelant une jurisprudence classique selon laquelle le refus de prendre une décision réglementaire constitue lui-même une décision réglementaire, le juge rappelle qu’il ne saurait être fait grief à un tel refus de n’être pas motivé, les dispositions de l’art. L. 211-2 du CRPA ne s’appliquant qu’à des décisions individuelles appartenant à certaines catégories.
(18 octobre 2021, Commission de recherche et d'informations indépendantes pour la création de registres de santé et autres, n° 444885)
7 - Actions de formation financées sur fonds publics – Rejet par le préfet de certaines dépenses – Respect du principe du contradictoire – Obligation d’un recours administratif préalable – Conséquence sur la décision administrative – Annulation de l’arrêt d’appel puis du jugement de première instance.
Un litige s’étant élevé entre un organisme de formation professionnelle et un préfet au sujet d’actions prétendument facturées mais non effectuées, le Conseil d’État rappelle un principe et une règle bien connues de la procédure administrative non contentieuse.
Tout d’abord, le principe du contradictoire, qui domine cette procédure tout comme la procédure contentieuse proprement dite, impose non seulement que l’intéressé dispose d’un délai suffisant pour présenter ses observations mais encore que – contrairement à ce qui a été jugé en appel - lui soient remises toutes les pièces qu’il réclame.
Ensuite, l’obligation faite à un requérant potentiel en excès de pouvoir de saisir l’auteur de la décision litigieuse d’un recours préalable a pour effet que la décision rendue après l’exercice de ce recours préalable se substitue entièrement à la décision antérieure qui, de ce fait, a disparu de l’ordonnancement juridique.
(20 octobre 2021, Association Centre de formation pour adultes (CFPA) IMB Formation, n° 438193)
8 - Suppression de la profession d’avoué près les cours d’appels – Obligations en matière de retraite devant être réglées par convention entre diverses caisses - Intervention d’un décret prévu par une loi en cas d’absence de conventionnement (loi du 25 janvier 2011, art. 43) – Refus implicite de prendre le décret - Délai raisonnable de prise d’un acte réglementaire dépassé – Injonction au premier ministre de prendre une telle décision.
La loi du 25 janvier 2011 qui a supprimé la profession d’avoué près les cours d’appel a prévu que les diverses caisses concernées par cette modification (CAVOM, Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et Caisse nationale des barreaux français) devaient convenir entre elles des transferts financiers résultant de cette opération. L’art. 43 de la loi dispose qu’à défaut de convention entre ces caisses le pouvoir réglementaire devait intervenir par décret. Constatant l’absence d’accord sur une convention, la caisse requérante a demandé au premier ministre de prendre ce décret.
La caisse saisit le Conseil d’État aux fins d’annulation du refus implicite du premier ministre d’édicter un tel décret, résultant du silence gardé par celui-ci sur sa demande.
Le Conseil d’État rappelle d’abord en des termes classiques sa position de principe concernant l’exercice du pouvoir réglementaire : « L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle. ».
Puis il relève qu’il n’y a pas eu conventionnement et pas de perspective, depuis 2014, qu’en intervienne un. Le premier ministre doit obligatoirement intervenir car il ne dispose ici d’aucun pouvoir de libre appréciation. Or son abstention d’agir s’est prolongée au-delà du délai raisonnable. Elle est illégale. Il est fait injonction de prendre, sous neuf mois, le décret prévu par la loi.
(20 octobre 2021, Caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires (CAVOM), n° 445502 et n° 447488)
9 - Artistes-auteurs – Affiliation au régime général de sécurité sociale – Composition du conseil d’administration de chaque organisme agréé de gestion collective – Fixation par la loi – Décret intervenant dans cette composition – Incompétence du ministre de la culture – Annulation.
Les différentes catégories de membres que doit comporter le conseil d’administration des organismes agréés de gestion collective de la sécurité sociale des artistes-auteurs étant entièrement fixées par l’art. L. 382-1 du code de la sécurité sociale, l’art. 2 du décret du 28 août 2020 relatif à la nature des activités et des revenus des artistes-auteurs et à la composition du conseil d'administration de tout organisme agréé prévu à l'article R. 382-2 du code de la sécurité sociale est donc illégal en tant qu’il prévoit, d’une part, que siègent avec voix délibérative au sein du conseil d'administration de tout organisme agréé prévu à l'article R. 382-2 « trois représentants des tiers habilités mentionnés au premier alinéa de l'article R. 382-19 » et, d’autre part, que ces personnes sont désignées par le ministre chargé de la culture.
(20 octobre 2021, Comité pluridisciplinaire des artistes auteurs, n° 445648)
10 - Refus d’abroger des dispositions réglementaires – Introduction d’un recours contentieux contre le refus – Abrogation postérieure à l’introduction du recours mais reprise en substance des dispositions abrogées – Recours contentieux ne perdant pas son objet – Rejet.
Rappel d’un principe constant (depuis, Section, 5 octobre 2007, Ordre des avocats du barreau d'Evreux, n° 282321, JCP, G, 2007.IV.2983, abandonnant, 24 janvier 2007, GISTI, n° 243976, Recueil Lebon p. 17) : si l’abrogation de dispositions réglementaires postérieurement à l’introduction d’un recours contentieux dirigé contre la décision administrative refusant leur abrogation rend normalement sans objet ce recours, il n’en va pas de même lorsque l’administration reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme.
(21 octobre 2021, Union nationale des syndicats autonomes des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (UNSA-CCRF), n° 434825)
11 - Produits phytopharmaceutiques – Compétence pour ordonner des mesures concernant l’utilisation de ces produits - Compétence interministérielle – Note émanant du seul ministre de l’agriculture – Incompétence – Annulation.
Un arrêté du ministre de l’agriculture a prévu les distances minimales de sécurité à respecter pour protéger les personnes se trouvant à proximité des zones de traitement au moyen de produits phytopharmaceutiques lorsque l’autorisation de mise sur le marché d’un tel produit ne fixe pas elle-même cette distance minimale.
Les art. L. 253-7 et R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime confient aux ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation la compétence pour prendre ensemble les mesures d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant l'utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques mentionnés à l'article L. 253-1 du même code.
L’arrêté litigieux n’ayant été pris que par le seul ministre de l’agriculture, il est entaché d’incompétence et doit être annulé.
(22 octobre 2021, Association Générations Futures, n° 442620)
(12) V. aussi, sur ce même thème des distances de sécurité en cas d’utilisation de produits phytopharmaceutiques avec des éléments communs avec la décision précédente : 22 octobre 2021, Association Générations Futures et autres, n° 440210.
13 - Commission nationale d’aménagement commercial – Décisions devant être motivées – Limites de l’obligation de motivation – Rejet.
(25 octobre 2021, Société Ingka Centre Fleury, n° 434695)
V. n° 79
Audiovisuel, informatique et technologies numériques
14 - Conventions et traités internationaux - Dispositions invocables ou non - Distinction entre dispositions d'effet direct et dispositions sans effet direct - Régime de l'exception d'inconventionnalité - Traités européens - Régime de l'invalidité d'actes de l'Union au regard du droit de l'Union - Compétence du juge national pour rejeter une action ou une exception en invalidité mais non pour l'admettre - Rejet.
(6 octobre 2021, Associations Pour Rassembler, Informer et Agir contre les Risques liés aux Technologies ElectroMagnétiques (PRIARTEM) et Agir pour l'environnement, n° 446302 et n° 446494 ; Mme D. et autres, n° 446643 ; M. O. et autres, n° 452518, n° 452520, n° 452522 et n° 452524)
V. n° 140
15 - Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) – Commission des sanctions – Tenue d’une audience par visio-conférence le 2 novembre 2020 – Absence de demande en ce sens de l’intéressée – Irrégularité – Annulation.
La requérante a fait l’objet de diverses mesures de sanction à la suite d’un contrôle antidopage réalisé à l’occasion d’une manifestation de crossfit. Elle demande l’annulation de celles-ci en tirant argument notamment de l’irrégularité entachant la tenue de l’audience sous forme de visio-conférence alors qu’elle n’avait pas demandé qu’elle se déroule sous cette forme.
Le Conseil d’État accueille sa requête rejetant tous les moyens de défense soulevés par l’AFLD.
Tout d’abord, est rejeté le moyen tiré de ce que les art. 1er et 2 de l’ordonnance du 6 novembre 2014, selon lesquels, respectivement « Les autorités publiques et administratives indépendantes peuvent décider de recourir aux formes de délibérations collégiales à distance prévues par la présente ordonnance, dans des conditions et selon des modalités précisées par ces autorités et conformément aux règles qui les régissent » et, « Sous réserve de la préservation, le cas échéant, du secret du vote, le président du collège d'une autorité mentionnée à l'article 1er peut décider qu'une délibération sera organisée au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle ». En effet, ces dispositions, si elles visent les délibérations des membres des instances collégiales des autorités publiques et administratives indépendantes, ne sont pas applicables aux audiences qui sont tenues par la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage pour entendre les observations des personnes poursuivies devant elle.
Est également rejeté le moyen tiré des dispositions de l’art. 15-2 du règlement intérieur de la commission des sanctions de l'Agence permettant au président de cette commission de « décider, en cas d'urgence ou de nécessité absolue, que la séance de la commission se tiendra en utilisant un moyen de communication audiovisuelle permettant de s'assurer de l'identité des participants et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des débats » car ces dispositions ne pouvaient que préciser et non contredire les dispositions de l’art. R. 232-12 (devenu R. 232-95-1) du code du sport selon lesquelles une audience ne peut être tenue sous forme audio-visuelle que sur demande des personnes poursuivies devant cette commission.
Enfin, n’est pas, non plus, retenu le moyen tiré de l’existence de circonstances exceptionnelles dues à la situation sanitaire à la date du 2 novembre 2020 qui n’auraient pas permis la tenue d’une audience sous sa forme normale ; l’invocation des ordonnances du 27 mars 2020 et du 2 décembre 2020 est inopérante, la première ordonnance n’étant plus en vigueur à cette date et la seconde n’étant pas encore, alors, entrée en vigueur.
(6 octobre 2021, Mme C., n° 447436)
16 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Refus de classer des programmes dans une catégorie d’œuvres audiovisuelles – Refus de classement comme « documentaires » - Décision faisant grief - Décision non soumises à l’obligation de motivation – Absence d’irrégularité de la décision refusant le classement d’œuvres comme « documentaires » - Rejet.
Une société éditrice d’un service de télévision demande au Conseil d’État d’annuler les trois séries de décisions du CSA ayant refusé de classer 37 programmes de cette société comme documentaires.
Le Conseil d’État rejette la requête.
La convention conclue entre le CSA et cette société prévoyait en son art. 3-1-1 que « les documentaires (diffusés par cette société) représentent annuellement au moins 75 % du temps total de diffusion et portent sur une grande variété de sujets ».
Le CSA, a estimé, respectivement dans ses décisions du 11 juillet 2018, du 17 juin 2019 et du 20 mai 2020 que n’étaient pas des documentaires et qu’en conséquence ils ne respectaient pas les engagements de la convention, les programmes :
1°/ « Billy l'exterminateur : le B. », « Cabanes perchées », « Vintage mecanic », « Alaska : De l'or sous la mer », « Aquamen », « Americars », « Lagoon master », « Traqueur de bolides », « Boat masters », « Ultime garage », « Casse-cash », « B. à l'instinct primaire », « Bamazon », « Mecanic brothers », « La fièvre du ginseng » et « The grand tour » ;
2°/ « Americars, pièces détachées », « Avions à la casse », « Voitures à la casse », « 60 jours en prison », « Flipping bangers, voitures à tout prix », « Pawnshop : une histoire de famille », « B. à l'instinct primaire », « Classic car rescue », « Chat sauvage avec Rich », « Tueurs nés avec Tom », « Maraudeur avec Marty », « Sang sur la neige avec Rich », « Pris sur le fait avec Tom », « Piège fatal avec Eustache » et « Intrus mortel avec Tom » ;
3°/ « Last stop garage », « B. à la civilisation », « Cabane fever », « Off road garage », « Troc en stock » et « Les Brown, génération Alaska ».
Contrairement à ce que soutenait le CSA, il est évident que de telles décisions font grief et peuvent donc faire l’objet de recours pour excès de pouvoir. En revanche, elles n’ont pas à être motivées, n’entrant dans aucune des catégories de décisions, limitativement énumérées, qui doivent être obligatoirement motivées.
Le Conseil d’État approuve le CSA :
- d’une part, d’avoir retenu comme critère de la qualité de « documentaire », l'existence d'un point de vue d'auteur, la présence d'un apport de connaissances pour le spectateur, la présentation de faits ou de situations qui préexistent à la réalisation de l'émission, l'absence - sans interdire toute reconstitution - de mises en scène artificielles et, le cas échéant, l'obtention du soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée au titre des œuvres documentaires,
- d’autre part, d’avoir à bon droit refusé cette qualification aux programmes litigieux qui « soit invitent à suivre une ou plusieurs personnes dans l'exercice de leur profession ou de leur passion tels que l'orpaillage, la réparation de véhicules de collection, la réalisation de cabanes ou de piscines ou l'extermination d'animaux nuisibles, soit s'attachent à des protagonistes en situation d'aventure, de voyage ou de survie (…). », que, par suite, en utilisant des procédés narratifs et de mise en image caractéristiques du divertissement ils « ne procèdent pas d'une intention d'enrichir les connaissances du téléspectateur, faute d'apporter, de manière substantielle et continue, des données informatives sur leurs sujets (…) » et qu’enfin « ils mettent en scène la réalité de manière artificielle, en recherchant la dramatisation, les effets de surprise et l'exacerbation des émotions. »
A quand un documentaire sur le contentieux de l’audiovisuel ?
(29 octobre 2021, Société RMC Découverte, n° 424065, n° 433701 et n° 442205)
Biens
17 - Dépendance du domaine public départemental - Bien sorti de ce domaine public - Qualification comme bien appartenant au domaine privé par délibération du conseil général – Bien appartenant, par suite d’une cession, au domaine privé d’une commune – Non vérification de l’existence d’une mesure expresse de déclassement – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui, pour juger qu’une dépendance du domaine public départemental fait désormais partie du domaine privé d’une commune, se fonde sur sa désaffectation et sur sa cession par le département à la commune par acte notarié ainsi que sur les termes d’un rapport fait au conseil général sur sa qualification comme dépendance du domaine privé, sans rechercher si elle avait fait l’objet d’une mesure expresse de déclassement du domaine public.
En effet, seul un déclassement exprès peut faire sortir une dépendance du domaine public (art. L. 2141-1 CGPPP) alors que, on le sait, l’inverse n’est pas vrai : un bien n’a pas besoin d’avoir fait l’objet d’une décision formelle de classement pour intégrer le domaine public (cf. art. L. 2111-3 CGPPP selon lequel tout acte de classement « n'a d'autre effet que de constater l'appartenance de ce bien au domaine public »)
(22 octobre 2021, Commune de Saint-Martin-de-Londres, n° 443040)
18 - Expropriation – Légalité de l’arrêté de cessibilité – Appréciation du caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant une expropriation – Appréciation in concreto – Création d’une liaison douce pour piétons et cyclistes – Rejet.
Les demandeurs poursuivaient l’annulation de l’arrêt d’appel confirmatif du rejet de leur demande d’annulation d’un arrêté préfectoral de cessibilité dans le cadre d’une expropriation.
Deux questions principales se posaient.
Tout d’abord, l’arrêté de cessibilité était prétendu illégal en ce qu’en l’espèce n’était pas joint à cet arrêté un document d’arpentage établi antérieurement à celui-ci. Pour le juge, si ce document est une garantie pour les intéressés et si son absence constitue une irrégularité, les textes n’imposent cependant pas que le procès-verbal d’arpentage soit joint à l’arrêté de cessibilité reçu par les propriétaires de la parcelle concernée, si, comme en l’espèce, les annexes de cet arrêté « établies d'après un document d'arpentage, délimitent avec précision la fraction expropriée de la parcelle dans sa superficie et indiquent les désignations cadastrales de cette parcelle, ainsi que sa nature, sa contenance et sa situation. »
Ensuite, était soulevée la question de l’utilité publique de l’opération d’expropriation. Pour apercevoir ici ce caractère le juge de cassation, à l’instar des juges du fond, relève, d’une part que la réalisation d’une liaison douce vers le centre-ville pour piétons et cyclistes dont de nombreux élèves d’un groupe scolaire, en prolongement d’un chemin piétonnier existant, était très utile et ne pouvait se faire ailleurs, et, d’autre part, que cela ne causait pas une grande gêne aux propriétaires dans la mesure où n’est détaché qu’un terrain de 188 m2 sur une parcelle d’une superficie de 1700 m2 situé sur une zone en friche de cette parcelle supportant actuellement un mur effondré.
(28 octobre 2021, M. et Mme E., n° 434676)
Collectivités territoriales
19 - Nouvelle-Calédonie – Épidémie de Covid-19 - Répartition des compétences entre le territoire et l’État – Loi du 23 mars 2020 et loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie – Réitération de la chose jugée par le Conseil constitutionnel – Rejet.
Les requérants contestaient la conformité de l’art. 3 de la loi du 23 mars 2020 dite d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 à la loi organique de 1999 régissant la répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, en ce qu’il permet au gouvernement, par ordonnance de l’art. 38 de la Constitution, de prendre « les mesures d'adaptation destinées à adapter le dispositif de l'état d'urgence sanitaire dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, dans le respect des compétences de ces collectivités. »
Selon eux, l’art. L. 3841-2 du code de la santé publique étendant à ce territoire notamment les dispositions de l’art. L. 3131-16 dudit code serait contraire aux règles de répartition des compétences fixées aux articles 76 et 77 de la Constitution et 21 et 22 de la loi organique du 19 mars 1999 en ce qu’il permettrait un empiètement de l’État sur la compétence sanitaire dévolue à la Nouvelle-Calédonie.
Le Conseil d’État, dans cette décision, reprend expressis verbis la solution et la réponse du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-869 QPC du 4 décembre 2020. Ce dernier avait jugé que « si elles poursuivent un objectif de protection de la santé publique, ces mesures exceptionnelles, temporaires et limitées à la mesure strictement nécessaire pour répondre à une catastrophe sanitaire et à ses conséquences, se rattachent à la garantie des libertés publiques et ne relèvent donc pas de la compétence de la Nouvelle-Calédonie » et que « en étendant à la Nouvelle-Calédonie les mesures prévues par l'article L. 3131-16 du code de la santé publique permettant au ministre chargé de la santé ou au haut-commissaire de prescrire ou d'adapter, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, " toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au fonctionnement du dispositif de santé ", autre que celles prévues à l'article L. 3131-15, pour mettre fin à la catastrophe sanitaire, le législateur n'a visé que les mesures qui, parce qu'elles concernent l'ordre public ou les garanties des libertés publiques, relèvent de la compétence de l'État. Cette extension est donc sans incidence sur les compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière de santé ».
Le recours est rejeté.
(14 octobre 2021, M. AD. et autres, n° 440741)
(20) V. aussi, sur le même thème et assez comparable en substance : 14 octobre 2021, M. AD. et autres, n° 441059.
Contentieux administratif
21 - Zones de tension entre l'offre et la demande de logements - Recours contre un refus implicite d'accorder un permis de construire - Appel du jugement porté devant la cour administrative d'appel - Compétence de premier et dernier ressort du tribunal administratif ne s'appliquant pas en l'espèce - Renvoi à la cour.
Rappel de ce que si l'art. R. 811-1 CJA dispose que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours, introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022, dirigés contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes où existe une zone de tension particulièrement vive entre l'offre et la demande de logements, il ne s'applique qu'aux jugements statuant sur des recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d'aménager et non, comme au cas de l'espèce, aux jugements statuant sur des recours formés contre des refus d'autorisation.
L'affaire est donc renvoyée du Conseil d’État à la cour administrative d'appel.
(5 octobre 2021, M. A., n° 449606)
22 - Contentieux des prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale - Possibilité de dispenser le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions (art. R. 732-1-1 CJA) - Obligation de porter cette dispense à la connaissance des parties avant la tenue de l'audience - Mutisme de l'avis d'audience sur ce point - Justiciable ainsi privé d'une garantie - Procédure irrégulière - Annulation avec renvoi.
Si le CJA permet au juge statuant seul de dispenser le rapporteur public du prononcé de conclusions dans le contentieux des prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, c'est sous la condition expresse que les parties doivent être avisées avant l'audience de cette décision de dispense. En l'absence de cette communication, la procédure est irrégulière et le jugement annulé.
(6 octobre 2021, Département du Pas-de-Calais, n° 443197)
23 - Arrêté délivrant un permis de construire - Requête en référé suspension de ce permis - Rejet pour défaut de diligence à saisir le juge - Date de cristallisation des moyens (L. 600-3 c. urb.) - Irrecevabilité de conclusions à fin de référé suspension déposées après cette date - Annulation de l'ordonnance de référé et rejet de la demande.
Le juge des référés ayant rejeté leur demande tendant à la suspension d'un permis de construire délivré par le maire de Nogent-sur-Marne, les demandeurs se pourvoient en Conseil d’État.
C'est l'occasion pour le juge de préciser sur deux points le régime contentieux des requêtes en référé suspension.
En premier lieu, le juge des référés du tribunal administratif avait rejeté la demande de référé suspension motif pris de ce que les demandeurs n'avaient pas fait diligence pour le saisir puisqu'un délai de plusieurs mois s'était écoulé depuis l'enregistrement de leur recours en excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire. Cette motivation est annulée car elle est, en soi, insuffisante et ici d'autant plus que les demandeurs au référé avaient fait valoir que la préparation du chantier avait commencé et que le début des travaux était imminent.
On remarquera que le juge de première instance, ce jugeant, a fait échec, comme cela lui était possible en cas de circonstances particulières, au principe selon lequel la condition d'urgence est supposée remplie en cas de référé suspension dirigé contre un permis de construire en raison du caractère largement irréversible de la construction d'un bâtiment. Cependant, cet arrêt le démontre, le juge a une appréciation très restrictive de la notion de « circonstances particulières ».
En second lieu, en dépit de cette annulation, le pourvoi est rejeté car le principe de cristallisation des moyens (cf. art. L. 600-3, 1er alinéa, c. urb.) qui a pour effet de rendre irrecevable tout moyen présenté après l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'enregistrement du recours au fond, rend également irrecevable à l'expiration de ce même délai toute demande tendant à voir ordonner la suspension de l'exécution du permis de construire.
(6 octobre 2021, Mme H. et autres, n° 445733)
(24) V. aussi, identiques au précédent et concernant deux autres permis mais délivrés dans la même commune : 6 octobre 2021, Mme C. et M. E., n° 445735 ; 6 octobre 2021, Mme C. et M. D, n° 445737.
25 - Pôle emploi - Radiation du compte employeur - Absence du caractère de sanction - Recouvrement des contributions dues par certains employeurs - Fonction de recouvrement assurée pour le compte de l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage en vue du versement de prestations aux travailleurs privés d'emploi - Compétence exclusive du juge judiciaire - Rejet.
Pôle emploi assure pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage le recouvrement des contributions dues par les employeurs des salariés engagés à titre temporaire relevant des professions de la production cinématographique, de l'audiovisuel ou du spectacle.
Les décisions de radiation du compte employeur que Pôle emploi prend à l'égard d'une entreprise se présentant comme employeur de tels salariés ne revêtent pas, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, le caractère d'une sanction à l'égard de cet employeur mais lui ferment la voie du versement des contributions à l'assurance chômage au titre du régime dont ces salariés relèvent.
De telles décisions se rattachent ainsi à la mission que Pôle emploi exerce en qualité d'organisme chargé du recouvrement pour le compte de l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage en vue du versement des prestations auxquelles ont droit les travailleurs privés d'emploi.
Or, il résulte des dispositions de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi dont sont issus les art. L. 5312-1 et suivants du code du travail relatifs à Pôle emploi, ainsi que des travaux préparatoires à celle-ci, que le législateur a souhaité que la réforme consistant à substituer Pôle emploi à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et aux associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic), reste sans incidence sur le régime juridique des prestations et sur la juridiction compétente pour connaître du droit aux prestations, notamment sur la compétence de la juridiction judiciaire s'agissant des prestations servies au titre du régime d'assurance chômage. C'est pourquoi le litige dont s'agit, relatif à la radiation du compte employeur tenu par Pôle emploi, relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire.
(6 octobre 2021, Sociétés SMARTFR et La Nouvelle Aventure, n° 450379)
26 - Avis d’audience – Information erronée sur la dispense de conclusions du rapporteur public dans l’application SAGACE – Conclusions ayant été réellement prononcées à l’audience – Requérant privé d’une garantie en n’ayant pas pu prendre connaissance du sens de ces conclusions – Procédure irrégulière – Annulation.
Encourt la cassation l’arrêt résultant d’une audience au cours de laquelle le rapporteur public a prononcé des conclusions alors que l’application SAGACE indiquait qu’il n’y aurait pas de conclusions, le rapporteur public en étant dispensé, alors, au surplus, qu’une demande d'indemnisation des préjudices subis à l'occasion d'une opération d'urbanisme ne peut, en tout état de cause, faire l'objet d'une dispense de conclusions.
(8 octobre 2021, Me F. Blanc, liquidateur de la Sarl ARECIM, n° 437046)
27 - Référé-suspension – Urgence prétendument établie du fait du refus d’une direction départementale des finances publiques d’exécuter deux ordonnances de référé – Situation irrégulière ne caractérisant pas une situation d’urgence – Rejet.
La requérante, qui exploite une activité de football en salle, a, d’une part, été conduite à cesser son activité du fait de l’épidémie de Covid-19 et d’autre part reçu pendant un certain temps des aides publiques versées par le fonds de solidarité créé à cette fin. Elle demande la suspension, en référé, de l’exécution de la décision implicite du premier ministre et du ministre de l'économie, des finances et de la relance refusant d'abroger les articles 3-19, 3-22, 3-24, 3-26 et 3-27 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et aux mesures prises pour limiter cette propagation. Au soutien de sa requête la requérante développe l’argumentation selon laquelle les dispositions dont la suspension d’exécution est demandée ont pour effet d’exclure du bénéfice du fonds de solidarité, sans égard pour la durée de la fermeture administrative et donc de manière définitive, les entreprises qui ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral de fermeture administrative sur le fondement du troisième alinéa de l'article 29 du décret du 16 octobre 2020 ou du troisième alinéa de l'article 29 du décret du 29 octobre 2020.
De ce fait, elle allègue la forte dégradation de sa situation financière, en particulier du fait que l’administration a refusé, par deux fois, d’exécuter deux ordonnances du juge des référés du tribunal administratif ordonnant que soit suspendue l'exécution de la décision rejetant une demande d'aide pour le mois d'avril 2021.
Le juge des référés considère que si l’administration doit exécuter ces ordonnances, le « défaut d'exécution de ces deux ordonnances, alors que l'administration y est pourtant tenue, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à justifier l'intervention du juge des référés du Conseil d’État saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative du refus d'abroger les dispositions fondant le refus d'aide financière dont l'exécution a été suspendue par le tribunal administratif. »
Il faut comprendre par-là, tout d’abord, que l’action dont a été saisi le juge des référés du Conseil d’État repose sur un tout autre fondement que celui sur lequel a statué le juge des référés du premier degré. En ce dernier cas il s’agissait d’obtenir la suspension de l’exécution d’une mesure individuelle refusant l’allocation d’une aide financière alors que le Conseil d’État était saisi d’une demande de suspendre des dispositions de nature réglementaire dont, au demeurant, il n’est même pas certain qu’elles soient à l’origine de la situation financière de la requérante.
Ensuite, dans la mesure où, d’une certaine façon le référé en Conseil d’État tendait à voir exécutées les deux ordonnances jusque-là laissées lettre morte par l’administration des finances, la voie du référé n’était pas appropriée car il existe une voie de droit permettant d’obtenir l’exécution des décisions de justice que l’administration s’obstine à ne point exécuter, c’est celle régie par les dispositions des art. L. 911-1 et L. 911-3 à L. 911-7 du CJA.
(4 octobre 2021, Société NT, n°456570)
28 - Contrat d’amodiation – Recours contre une mesure d’exécution du contrat – Recours d’un tiers au contrat – Demande de suspension du contrat – Refus – Erreur de droit – Cassation de l’ordonnance avec renvoi.
(12 octobre 2021, Commune du Lavandou, n° 446457)
V. n° 48
29 - Frais de justice – Frais exposés devant le juge administratif en conséquence d’une faute de l’administration – Prise en compte dans l’évaluation du préjudice subi du chef de cette faute – Frais exposés par une personne partie à l’instance – Frais réparés nécessairement et intégralement par la décision du juge prise sur le fondement de l’art. L. 761-1 CJA.
L’intérêt de cette décision, relative à un litige en responsabilité du fait de décisions illégales prises par une commune, vient de l’aspect procédural qu’elle comporte.
Le juge y rappelle que si les frais de justice exposés devant le juge administratif du chef d’une action en responsabilité pour faute d’une personne publique dont ils sont la conséquence directe sont susceptibles d’être pris en compte dans l’évaluation du préjudice à réparer c’est sous l’expresse condition que le demandeur n’ait pas été partie à l’instance en cause. En effet, s’il y est partie, ces frais sont nécessairement et intégralement inclus dans la décision prise au titre de l’art. L. 761-1 du CJA.
(15 octobre 2021, Société 2AB, n° 436725 et commune de Pézenas, n° 436746)
30 - Autorisations, notamment, de construire et d’exploiter des éoliennes – Demande de suspension des arrêtés préfectoraux d’autorisation – Application des dispositions de l’art. L. 612-5-2 CJA – Désistement d’office – Erreur de droit pour application anticipée – Annulation avec renvoi.
Des requérants sollicitaient la suspension et l’annulation d’arrêtés préfectoraux autorisant la construction et l'exploitation de huit éoliennes et de trois postes de livraison. Le juge des référés d’une cour administrative d’appel avait rejeté la demande de suspension au motif qu'aucun des moyens soulevés n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces arrêtés et il avait informé les parties, en application des dispositions de l'art. R. 612-5-2 CJA, qu'à défaut de confirmer dans le délai d'un mois le maintien de leurs conclusions à fin d'annulation de ces arrêtés, ils seraient réputés s'en être désistés. Puis, par ordonnance du 6 décembre 2019, il avait donné acte aux requérants de leur désistement.
Cette ordonnance est contestée devant le Conseil d’État et elle est annulée car, la demande des intéressés ayant été enregistrée au greffe de la cour (qui, ici, statue en premier ressort) le 5 février 2018, le décret du 17 juillet 2018, dont sont issues les dispositions de l’art. R. 612-5-2 CJA régissant le désistement d’office de la requête principale en cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 CJA pour absence de moyen propre à créer un doute sur la légalité de la décision attaquée, n’était pas encore applicable à cette date et ne pouvait être opposé aux intéressés.
(4 octobre 2021, Association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres, n° 438256)
31 - Permis de construire – Recours en référé suspension – Présomption d’urgence – Renversement de la présomption par le délai séparant le recours en annulation du permis du recours en référé – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit le juge du référé suspension qui, pour rejeter pour défaut d’urgence un tel recours dirigé contre un permis de construire, se fonde sur le délai de plusieurs mois qui s’est écoulé entre le dépôt du recours en annulation du permis de construire et celui du recours en référé suspension ; ce seul élément n’est pas suffisant pour renverser la présomption d’urgence prévue à l’art. L. 600-3 du code de l’urbanisme. Cela d’autant plus, au demeurant, que les requérants faisaient valoir que la préparation du chantier avait commencé et que le début des travaux était imminent.
(20 octobre 2021, M. A. et autres, n° 445731)
32 - Référé-suspension – Référé dirigé contre une « loi du pays » en Nouvelle-Calédonie - Régime contentieux – Irrecevabilité en principe – Exceptions – Rejet pour absence de doute sérieux sur la légalité.
Le juge des référés de l’art. L. 521-1 CJA, était saisi par 81 requérants d’une demande de suspension, d’une part de l’exécution de l’acte de promulgation d’une « loi du pays » du 23 août 2021, d’autre part de la « loi du pays » elle-même. Celle-ci a prévu la vaccination obligatoire, en Nouvelle-Calédonie, de certaines catégories de personnes dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
C’est surtout la question de la recevabilité de ces demandes qui constitue l’apport principal de cette ordonnance.
En principe, en dehors de l’hypothèse de l’art. 176 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, qui prévoit que la légalité d’une « loi du pays » puisse être contestée par voie de recours direct dans le mois qui suit sa publication (art. 178, loi organ.) et que sa promulgation doit intervenir dans les dix jours de l’expiration de ce délai d’un mois, une telle loi ne peut être contestée que par voie d’exception.
De ce qu’aucun recours contre une « loi du pays » n'est recevable en dehors de l’hypothèse précédente, il découle que n’est pas davantage recevable la saisine du juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, dès lors qu’un tel référé n’est lui-même recevable qu’en cas d'introduction d'une demande d'annulation, d’autant que, en ce cas, non encore promulguée, la « loi du pays » ne peut de ce fait être susceptible de créer une situation d'urgence au sens de l’art. L. 521-1 du CJA, faute d'être entrée en vigueur.
Cependant, le juge des référés rappelle tout d’abord qu’en revanche un référé-supension peut être dirigé contre l’acte de promulgation d’une « loi du pays » même si son irrégularité est sans incidence sur la légalité de dispositions de la « loi du pays »
Ensuite, et surtout, le juge indique qu’il « en va différemment quand l'acte dit " loi du pays " a été prématurément promulgué, que cette promulgation intervienne avant l'expiration du délai d'un mois prévu au premier alinéa de l'article 178 de la loi organique ou, si le Conseil d'Etat a été saisi, avant l'expiration du délai de trois mois prévu au I de l'article 177. » Il s’ensuit alors une situation un peu complexe.
1°/ En cas de promulgation prématurée, saisi d'un recours dirigé seulement contre l'acte de promulgation, si le Conseil d'Etat prononce l'annulation de cet acte, la « loi du pays » cesse d'être exécutoire et la publication qui a été faite de la « loi du pays » promulguée vaut publication pour information, ouvrant le délai de recours par voie d'action prévu par les dispositions de l'article 176 de la loi organique.
2°/ Si, en cas de promulgation prématurée, le Conseil d'Etat est simultanément saisi de conclusions dirigées contre l'acte de promulgation et contre la « loi du pays " promulguée et s'il annule l'acte de promulgation, le recours dirigé contre la « loi du pays » est alors regardé comme un recours tendant à déclarer non conforme au bloc de légalité défini au III de l'article 176 de la loi organique, la délibération adoptée par l'assemblée de la Polynésie française.
S'il rejette les conclusions dirigées contre l'acte de promulgation, le recours dirigé contre la « loi du pays » présente le caractère d'un recours en annulation.
Il suit de là que dans ces deux hypothèses, l'introduction devant le juge des référés d'une demande de suspension demeure recevable dans les limites ci-dessus rappelées à l'encontre d'un acte de promulgation, et l'est également à l'encontre d'une « loi du pays » ainsi promulguée si les conditions posées par l'article L. 521-1 CJA sont réunies.
C’était la seconde de ces hypothèses qui se trouvait réalisée en l’espèce : la demande de suspension était donc recevable mais les demandes sont rejetées en l’absence de doute sérieux sur la légalité de la « loi du pays » attaquée.
(ord. réf. 12 octobre 2021, Mme A. et autres, n° 456936)
33 - Référé-suspension – Article 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives – Possibilité de statuer sans audience, par ordonnance motivée – Exigence tenant au respect du contradictoire – Absence d’information complète des parties – Annulation.
Si l’art. 3 de l’ordonnance du 18 novembre 2020, pour tenir compte de l’épidémie de Covid-19, permet au juge administratif de statuer sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé, c’est à la condition que les parties soient informées de l'absence d'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction sera close.
Faute que les visas de l’ordonnance attaquée ou quelque autre pièce de procédure porte mention que ces informations ont été données, l’ordonnance est annulée.
(ord. réf. 20 octobre 2021, Mme K. et autres, n° 447756)
34 - Référé-liberté – Saisine du Conseil d’État en appel – Demande de prise en charge par l’État des frais d’expertise engagés par l’association requérante en première instance – Irrecevabilité – Demande ressortissant du membre du tribunal qui a ordonné l’expertise – Rejet.
Suite à un incendie survenu dans un centre de rétention, l’association demanderesse, qui a interjeté appel du rejet de son référé-liberté en première instance, demande, outre l’annulation de ce rejet, l’attribution des frais d’expertise qu’elle a engagés, à la charge de l’État.
Sa requête est rejetée de ce dernier chef car il résulte des dispositions de l’art. R. 761-5 du CJA que la contestation de l’ordonnance fixant les frais d’expertise mis à la charge de l’une des parties doit être portée « devant la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance ». En l’espèce, l’action, qui relevait du tribunal administratif de Pau, est irrecevable en tant qu’elle est portée devant le Conseil d’État.
(ord. réf. 21 octobre 2021, Association Avocats pour la défense des étrangers, n° 457179)
35 - Juridiction administrative spécialisée – Décision disciplinaire du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) – CNESER saisi d’une demande de sursis à exécution – Obligations en découlant - Non-respect – Annulation.
Un étudiant de l’IEP de Paris est sanctionné d’une exclusion de deux années par la section disciplinaire de cet établissement pour avoir commis des faits constitutifs d'une violation de l'article 3 du règlement de la vie étudiante de l’IEP.
Il demande au CNESER le prononcé d’un sursis à l’exécution de cette décision et, ceci lui étant refusé, se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État relève que si le CNESER a analysé dans les motifs de sa décision l'ensemble des moyens soulevés devant lui par le requérant pour contester la régularité et le bien-fondé de la décision attaquée, il s'est borné en revanche, ensuite, à indiquer qu'aucun des moyens tirés de l’irrégularité de la décision de première instance n'était sérieux et de nature à en justifier l'annulation ou la réformation, sans se prononcer expressément sur les moyens portant sur son bien-fondé.
La décision du CNESER est entachée d'irrégularité, ce qui entraîne son annulation avec renvoi de l’affaire à celui-ci.
(25 octobre 2021, M. D., n° 449286)
36 - Référé-liberté – Scolarisation d’une élève handicapée – Absence d’urgence à statuer sous 48 h en l’état d’une situation imputable aux requérants – Rejet.
Il n’y a pas d’urgence à statuer sous 48 heures en vue que soit ordonnée la scolarisation d’une élève handicapée alors que ses parents ont refusé de donner suite à la proposition qui leur a été faite par l'administration de l'accueillir dans une classe ULIS dans une commune voisine, en leur laissant le choix entre deux établissements, l'administration ayant sans réponse de leur part désigné l'établissement de La Longueville et y ayant organisé l'accompagnement nécessaire et qu’ils ne justifient pas de l'inadaptation alléguée de cet établissement au handicap de leur fille. Par-là, ils se sont ainsi eux-mêmes placés, en maintenant leur intention de scolariser leur fille en milieu ordinaire dans l'école de leur commune, dans la situation de déscolarisation qu'ils imputent aux services de l'État. D’autant qu’au surplus, ils ne justifient pas que cet établissement ne serait pas adapté à la situation de leur fille ou qu’elle se heurterait à d'autres obstacles, qu'ils soient juridiques ou pratiques.
(ord. réf. 11 octobre 2021, Mme E. et M. D., n° 456727)
37 - Demande de visa d’entrée sur le territoire français – Refus – Recours en référé porté directement devant le Conseil d’État – Irrecevabilité manifeste – Rejet.
De ce que les litiges relatifs au rejet des demandes de visa d'entrée sur le territoire français relevant des autorités consulaires ressortissent à la compétence du tribunal administratif de Nantes (art. R. 312-18 CJA), il s’ensuit qu’est manifestement irrecevable, la saisine directe du Conseil d’État par voie de référé-suspension dirigé contre un tel refus de visa dès lors que le Conseil d’État n’est pas compétent en premier et dernier ressort pour connaître du litige principal.
(ord. réf. 18 octobre 2021, M. B., n° 457448)
38 - Droit fiscal - Vérification de comptabilité – Évaluation de titres d’une société non cotés en bourse – Modes d’évaluation – Choix de la méthode d’évaluation patrimoniale ou mathématique – Contradiction de motifs – Annulation.
Cette décision est relative à l’application d’une méthode d’évaluation de titres d’une société non cotée en bourse afin d’apprécier si leur cession a été réalisée à un prix jugé, par l’administration fiscale, inférieur à celui de leur valeur réelle.
Le juge de cassation aperçoit une contradiction de motifs dans l’arrêt d’appel en ce que, d’une part, la cour a approuvé l’administration fiscale d’avoir retenu comme unique méthode d'évaluation des titres en litige, la méthode d'évaluation dite patrimoniale ou mathématique, et écarté tous les facteurs de décote dont se prévalait la société Crédit Agricole et, d’autre part, elle a jugé que l’écart entre la valeur déclarée de ces titres et la valeur fixée par l’administration n’étant que de 14,1%, celui-ci n’était pas significatif car « toute évaluation de titres non cotés en bourse comporte un aléa, tenant au choix de la ou des méthodes d'évaluation prises en compte et aux multiples correctifs qu'il est possible de retenir ».
On avoue être dubitatif sur l’existence réelle d’une contradiction.
(26 octobre 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 426462)
39 - Demande de rétablissement des conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile – Litige ne portant pas sur la reconnaissance d’une qualité ou l’attribution d’un avantage attaché à une qualité – Compétence du tribunal dans le ressort duquel a son siège l'autorité de décision – Renvoi à ce tribunal.
La requérante recherchait le rétablissement des conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile qui, après lui avoir été accordées puis suspendues lui ont été finalement refusées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Le Conseil d’État estime que ce litige n’est pas relatif à la reconnaissance d'une qualité ou à l'attribution d'un avantage attaché à une qualité au sens des dispositions de l'article R. 312-6 du CJA. Il relève donc de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel a son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris les décisions attaquées, c’est-à-dire ici celui d’Amiens puisqu’en l’espèce les décisions litigieuses ont été prises par la direction territoriale de l'OFII située à Amiens.
Le jugement de ce litige est ainsi renvoyé au tribunal administratif d'Amiens.
(28 octobre 2021, Mme C., n° 452857)
40 - Caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG) – Organisme privé chargé d’une mission de service public – Ordre de virement à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) – Décision ne comportant pas exercice de prérogatives de puissance publique ou organisation du service public – Incompétence de la juridiction administrative – Rejet.
Les requérants contestaient la légalité de la décision par laquelle, en application du II de l’art. 14 de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, le directeur et le directeur comptable de la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG) ont viré une somme de 175 millions d’euros à la CNAM.
La requête est rejetée pour incompétence du juge saisi car si la CAMIEG est un organisme privé, doté de la personnalité morale, chargé d’une mission de service public et disposant à ce titre de prérogatives de puissance publique, la décision de virement dont il s’agit ne mettant pas en œuvre l’exercice de telles prérogatives ni ne comportant organisation du service public, il s’ensuit que le contentieux né de ce virement ne relève pas de l’ordre administratif de juridiction mais du juge judiciaire.
Cette incompétence emporte ipso facto le rejet de la demande de transmission d’une QPC.
(29 octobre 2021, Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) et autres, n° 454015)
41 - Droit au logement opposable – Injonction d’un tribunal au préfet d’assurer le logement – Inexécution de cette ordonnance – Compétence de la juridiction ayant délivré injonction, non du Conseil d’État – Renvoi à ce tribunal.
Application au cas de l’espèce, des dispositions de l’art. L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation : en cas d’inexécution par le préfet de l’injonction sous astreinte de reloger un demandeur au titre du droit au logement social, ce dernier ne peut saisir que le juge ayant ordonné son relogement afin qu'il constate l'inexécution de cette injonction et liquide l'astreinte dont elle était assortie.
(29 octobre 2021, Mme C., n° 453660)
(42) V. aussi, même solution : 29 octobre 2021, M. C., n° 453661.
(43) V. également, rappelant que le Conseil d’État n’est pas compétent pour connaître en premier et dernier ressort de la requête tendant à ce qu’il soit enjoint à un préfet d’exécuter la décision d’une commission de médiation reconnaissant comme prioritaire une demande de logement : 29 octobre 2021, Mme D., n° 452966 ou encore : 29 octobre 2021, Mme C., n° 451091.
(44) V. encore la même solution retenue s’agissant d’un recours contre le rejet par une commission de médiation de la demande de reconnaître une personne comme prioritaire pour être logée d’urgence : 29 octobre 2021, M. A., n° 450141.
45 - Référé suspension – Refus d’attribuer un logement social – Attribution de ce logement à une autre personne – Décision entièrement exécutée – Demande de suspension devenue sans objet – Annulation et rejet.
Rappel d’une règle classique : l’exécution d’une décision rend sans objet le référé tendant à la suspension de celle-ci.
En l’espèce, une requérante, à laquelle avait été refusée l’attribution d’un logement social, avait demandé et obtenu la suspension de l’exécution de ce refus. Cependant, ce logement avait été entretemps attribué à un autre candidat qui en était devenu locataire, la demande de référé suspension était devenue sans objet. C’est donc par suite d’une erreur de droit que le juge du tribunal administratif avait ordonné la suspension du refus.
L’ordonnance est annulée.
(29 octobre 2021, Société 13 Habitat, n° 451471)
46 - Tribunal administratif – Compétence de premier et dernier ressort – Action indemnitaire (exception de l’art. R. 811-1, 8° CJA) – Demande de prise en charge de frais de déplacements professionnels - Demande n’entrant pas dans l’exception précitée – Compétence d’appel de la cour administrative d’appel – Renvoi du dossier à cette juridiction.
Un praticien hospitalier a demandé en première instance la condamnation d’un centre hospitalier à prendre à sa charge ses frais de déplacements professionnels. Il s’est pourvu en Conseil d’État contre le jugement rejetant sa requête.
Si le 8° de l’art. R. 811-1 du CJA prévoit bien que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur toute action à fin indemnitaire n’excédant pas un certain plafond, la demande de remboursement de frais de déplacements professionnels ne constitue pas une « demande indemnitaire » au sens de ce texte.
Le jugement querellé relevait donc d’un appel porté devant la cour administrative d’appel à laquelle le dossier est renvoyé.
(29 octobre 2021, M. B., n° 442261)
Contrats
47 - Marchés de travaux publics – Retard dans la livraison d’un lot – Préjudice financier subi par un participant du fait de ce retard - Retard imputable à un autre participant – Absence de lien contractuel entre ces deux participants – Action en responsabilité quasi-délictuelle – Action fondée sur des stipulations du contrat conclu par ce second participant – Régularité – Cassation de l’arrêt rejetant l’action quasi-délictuelle.
(11 octobre 2021, Société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG), n° 438872)
V. n° 157
48 - Contrat d’amodiation – Recours contre une mesure d’exécution du contrat – Recours d’un tiers au contrat – Demande de suspension du contrat – Refus – Erreur de droit – Cassation de l’ordonnance avec renvoi.
Commet une erreur de droit le juge des référés qui, pour rejeter le recours d’une commune contre un contrat d’amodiation pris en exécution d’une convention de concession d’exploitation d’ouvrages d’un port de plaisance, relève que s’agissant d’une mesure d’exécution d’un contrat autre que sa résiliation, le juge des référés pouvait seulement rechercher si cette mesure était intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité, le contrat d'amodiation ne pouvant faire l'objet ni d'une annulation ni, a fortiori, de la suspension demandée par la commune.
Ce jugeant, alors que la commune demanderesse était un tiers au contrat d'amodiation en litige et que sa demande tendait en réalité à la mise en œuvre de la possibilité ouverte à tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses de former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat et d'assortir ce recours d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de ce dernier sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés a commis une erreur de droit.
(12 octobre 2021, Commune du Lavandou, n° 446457)
49 - Marché de prestations intellectuelles – Mandat de maîtrise d’ouvrage – Résiliation – Projet de décompte de résiliation – Rejet de ce projet – Inapplicabilité du cahier des charges – Erreur de droit – Obligation d’établir un décompte de résiliation – Annulation.
La communauté d'agglomération Amiens Métropole a conclu avec la société requérante, dans le cadre de la réalisation de la première ligne de tramways, un marché de mandat de maîtrise d’ouvrage en vue d'assurer le suivi administratif, financier et technique des études et de la réalisation de cette ligne de tramway. Celui-ci comportait cinq phases. A l’issue de la première phase, consistant en la finalisation des études préalables et à la désignation de la maîtrise d'œuvre, la communauté d’agglomération a informé la requérante qu’elle arrêtait sa mission et qu’elle n’engageait pas les phases suivantes du marché.
La société requérante a présenté un décompte de résiliation faisant apparaître un solde positif de 540 662,63 euros hors taxes intégrant des prestations demandées par le maître d'ouvrage et non prévues au contrat ainsi que des dépenses ayant résulté de la résiliation du marché. Ce décompte a été rejeté par la collectivité publique et les recours contentieux dirigés contre ce refus ont été, à leur tour, rejetés.
Un pourvoi est formé.
Le juge de cassation rappelle qu’aux termes des dispositions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles la décision d'arrêter l'exécution des prestations et de résilier le marché n'ouvre aucun droit au titulaire à être indemnisé des dépenses engagées pour des prestations qui n'auraient pas été fournies à l'acheteur ou des dépenses et préjudices liés à la résiliation du marché ; il n’en irait autrement qu’en cas de stipulation contraire du marché.
Cependant, le Conseil d’État considère qu’il résulte, au cas d’espèce, des stipulations des art. 34.1 et 34.2 de ce CCAG qu’une décision de résiliation, survenue dans les circonstances susrelatées, doit faire l’objet d’un décompte de résiliation. Par suite, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que l’art. 34.2 du CCAG n'était pas applicable dès lors que la communauté d'agglomération avait décidé de mettre fin à l'exécution des travaux à l'issue de la première phase. Cette dernière circonstance est sans effet sur l’obligation contractuelle du décompte.
L’affaire est renvoyée à la cour.
(25 octobre 2021, Société Egis Rail, n° 446498)
Droit fiscal et droit financier public
50 - Régime fiscal des transferts de bénéfices - Nature juridique de tels transferts - Nature de revenu distribué - Cas où le bénéficiaire des transferts a son siège hors de France - Application de la retenue à la source - Conditions d'établissement par l'administration fiscale d'une majoration des prix d'achat ou d'une minoration des prix de vente facturés entre entreprises opérant ces transferts - Prise en compte du rôle fonctionnel concret joué par l'une des entités en cause - Application des Principes de l'OCDE à ces transferts - Annulation.
La société requérante a fait l'objet de propositions de rectification par l'administration fiscale du fait que cette dernière a remis en cause les prix auxquels la société avait facturé ses produits aux sociétés distributrices du groupe SKF à l'étranger et a soumis à la retenue à la source prévue par l'article 119 bis 2° du CGI les sommes correspondant au transfert indirect de bénéfices.
La société SKS a demandé et obtenu du tribunal administratif la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie ainsi que des pénalités les assortissant. La cour administrative d'appel, sur appel du ministre, a annulé ce jugement et remis ces sommes à la charge de la société. Celle-ci se pourvoit.
Le Conseil d’État estime tout d'abord qu'il résulte notamment des art. 109, 110 et 108 à 117bis du CGI, qu'en cas de présomption de transfert de bénéfices, le montant transféré doit être considéré comme un revenu distribué, et comme tel soumis à la retenue à la source dès lors que son bénéficiaire a son siège hors de France.
Il juge ensuite que pour établir cette présomption de transfert il faut que l'administration démontre que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs, ou supérieurs, à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance. Cette démonstration rapportée, l'administration est fondée à la réintégrer dans les résultats de l'entreprise française.
Le Conseil d’État, en troisième lieu, fait expressément, sur ce point, la réserve du cas où l'entreprise en cause justifie que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes.
Dans l'hypothèse où l'administration fiscale n'a pas effectué une telle comparaison, d'une part, elle ne saurait se prévaloir d'une présomption de transferts de bénéfices et d'autre part, si elle entend néanmoins démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant - ou en les payant à un prix excessif -, il lui incombe d'établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu. Pour établir cet écart il lui est loisible, comme le préconisent les Principes de l'OCDE applicables aux prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations publiques, de se fonder sur la comparaison d'un ratio financier pertinent de l'une ou l'autre entreprise : ainsi elle obtiendra, éventuellement, le différentiel entre les prix afférents à des entreprises liées et ceux concernant des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire sans lien de dépendance. Dans ce cas, cependant, l'administration doit avoir égard au fait que ce différentiel peut ne pas constituer un avantage dépourvu de contrepartie susceptible d'être réintégré dans les résultats de cette entreprise s'il est justifié par les risques que celle-ci a vocation à assumer et qui affectent sa rentabilité. Pour cela, elle doit établir, d'une part, qu'elle avait, du fait des fonctions qu'elle exerçait au sein du groupe, vocation à assumer ces risques, et d'autre part, que l'écart entre les ratios financiers constatés et ceux d'entreprises similaires exploitées normalement s'explique par la réalisation de ces risques.
En l'espèce, le Conseil d’État approuve la cour d'avoir jugé qu'aucune critique n'étant adressée à la méthodologie de l'administration, celle-ci devait être considérée comme ayant établi une présomption de transfert de bénéfices pour les transactions en cause, à hauteur de la différence entre le montant constaté des recettes et celui qui aurait résulté de l'application du taux de marge nette moyen du panel d'entreprises comparables.
Cependant, le Conseil d’État est à la cassation pour deux raisons.
En premier lieu, l’arrêt n’a pas répondu à l'argumentation de la société SKF qui, pour justifier l'écart relevé par l'administration fiscale, invoquait la circonstance qu'elle exerçait un rôle fonctionnel plus important que celui d'une simple unité de production au sein du groupe SKF, ce qui lui donnait vocation à assumer un risque de développement et un risque commercial et que ce risque avait affecté, pour les années en litige, son bénéfice d'exploitation. En effet, en premier lieu, la cour ne pouvait pas - sans commettre d'erreur de droit - se fonder, pour juger que la société RKS n'avait pas vocation à assumer des pertes économiques liées à l'exploitation de son activité, sur le seul motif que cette société n'avait pas le statut « d'entrepreneur principal » au sein du groupe SKF; il lui incombait de rechercher si sa position fonctionnelle au sein du groupe lui donnait vocation à supporter les risques spécifiques qu'elle invoquait, à savoir, d'une part, des risques stratégiques liés au choix de développer de nouveaux produits, et, d'autre part, des risques opérationnels liés à l'efficacité des processus de production.
En second lieu, alors qu'elle était saisie de l'argumentation de SKF justifiant la baisse de marge sur les deux exercices en cause, par le fait qu'elle avait subi les conséquences d'un risque stratégique lié à son choix de réorienter son unique activité vers le secteur de l'éolien, la cour ne pouvait pas répondre, pour juger que le taux de marge négatif de la société RKS ne résultait pas de la réalisation d'un risque que celle-ci avait vocation à assumer, retenir que le résultat consolidé du groupe SKF, toutes activités confondues, se situait dans le même temps entre 6 et 14%, que les achats de matières premières de la société avaient été stables et que ses ventes n'avaient pas subi de baisse en volume sauf en ce qui concerne les éoliennes.
En effet, ce raisonnement ne répond pas à l'argumentation dont elle était saisie, il est donc entaché d'insuffisance de motivation.
L'arrêt querellé est annulé avec renvoi à la cour qui l'a rendu.
(4 octobre 2021, Société RKS, n° 443130)
(51) V. aussi, identique : 4 octobre 2021, Société par actions simplifiée (SAS) SKF Holding France, n° 443133.
52 - Taxe d'enlèvement des ordures ménagères - Exception d'illégalité dirigée contre l'acte pris pour l'application d'un acte réglementaire ou dont celui-ci est la base légale - Régime applicable lorsque l'illégalité a cessé à la date à laquelle le juge doit se placer pour statuer - Mise à l'écart de l'exception - Application aux exceptions d'illégalité visant les actes réglementaires servant de base à une décision individuelle d'imposition - Annulation sur ce point.
Un tribunal administratif, saisi par un contribuable, lui avait donné raison, jugeant qu'à la date à laquelle l'assemblée délibérante d'une communauté d'agglomération avait fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2016, les dispositions alors applicables de l'article 1520 du CGI ne permettaient de couvrir que la collecte et le traitement des seules ordures ménagères et décidant, en conséquence, que le taux ainsi fixé était entaché d'illégalité en ce qu'il aboutissait à une disproportion manifeste entre le produit de cette imposition et les dépenses exposées par la communauté d'agglomération pour l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères non couvertes par des recettes non fiscales.
Pour annuler partiellement ce jugement pour erreur de droit, le Conseil d’État lui reproche de n'avoir pas vérifié si cette illégalité subsistait à la date du fait générateur de l'imposition, eu égard au périmètre des dépenses pouvant être couvertes par le produit de cette taxe à compter du 1er janvier 2016.
A cette occasion, le juge étend le champ d'application d'une règle bien établie en matière d'exception d'illégalité au domaine des impôts. On sait que lorsque l'illégalité d'un acte règlementaire a cessé, du fait d'un changement de circonstances, à la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité d'un acte pris pour son application ou dont il constitue la base légale, le juge, saisi d'une exception d'illégalité de cet acte réglementaire soulevée à l'appui de la contestation de ce second acte, doit l'écarter. Précisément, dans la présente affaire, il est jugé que cette règle est applicable lorsque le juge de l'impôt est saisi, au soutien d'une contestation du bien-fondé de l'impôt, d'une exception d'illégalité de l'acte réglementaire sur la base duquel a été prise une décision individuelle d'imposition, il lui appartient de l'écarter lorsque cet acte réglementaire est, par l'effet d'un changement de circonstances, devenu légal à la date du fait générateur de l'imposition.
Il convient de préciser, dans le silence du juge sur ce point, que ce changement de circonstances peut être de droit ou de fait.
(4 octobre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance c/ S.A. Ceetrus France, n° 448651)
(53) V. aussi, identiques en tous points : (4 octobre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance c/ S.A.S. Établissements Darty et Fils, n° 448820 ; 4 octobre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance c/ S.A. Mercialys, n° 448822 ; 4 octobre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance c/ S.A.S. L'Immobilière Groupe Casino France, n° 448850)
54 - Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - Assujettissement - Établissement d'enseignement supérieur - Exonération - Conditions d'exonération - Conditions non satisfaites - Annulation.
Pour juger que c'est à tort que l'association requérante a été assujettie à des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi qu'à des pénalités, la cour administrative d'appel avait considéré que les services rendus par l'association requérante n'étaient pas offerts en concurrence avec le secteur commercial en se fondant sur la forme juridique des organismes fournissant des prestations similaires dans la même zone d'attraction géographique.
En effet, les dispositions des art. 206 (1bis), 1447 et 1586 ter du CGI exonèrent les associations de la cotisation foncière des entreprises et décident que la détermination des redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises se fait par rapport à ceux redevables de la cotisation foncière des entreprises ; ainsi, les associations sont exonérées de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dès lors que leur gestion présente un caractère désintéressé et que la part de leurs activités non lucratives est prépondérante.
Le Conseil d’État reproche à la cour de n'avoir pas recherché si, eu égard aux conditions dans lesquelles elles exercent leur propre activité, ces entités devaient être regardées comme des entreprises commerciales et d'avoir ainsi commis une erreur de droit.
(4 octobre 2021, Association de gestion du groupe ESC Chambéry Savoie, n° 453368)
55 - QPC - Questions diverses à propos de la QPC - Compensation entre dettes et créances fiscales - Impossibilité - "Principe" de non-compensation rendant inapplicables en la matière les dispositions de l'art. 1290 du Code civil - Refus de compensation et absence de voies d'exécution contre les personnes publiques - Expropriation de fait - Annulation et rejet.
Les requérants avaient demandé au juge que soient compensées leurs dettes fiscales avec les créances qu'ils détiennent sur l'Etat, compensation refusée par l'administration fiscale. Parallèlement, ils ont sollicité la transmission d'une QPC à propos de l'art. 1289 du Code civil.
Le Conseil d’État était saisi d'un second pourvoi dans cette affaire, il devait donc statuer au fond comme une juridiction d'appel.
Il est d'abord amené à apporter deux précisions au sujet de la procédure contentieuse en matière de QPC. Selon la première, la juridiction saisie d'une QPC peut régulièrement refuser de transmettre la QPC dont elle est saisie et statuer au fond sur la demande. Selon la seconde précision, il est indiqué qu'en l'espèce, les requérants n'ont pas contesté le refus du tribunal administratif de transmettre leur QPC mais ont soulevé à nouveau une QPC en cause d'appel, fondée sur le même grief qu'en première instance, cette seconde QPC était irrecevable. Elle ne peut donc être renvoyée au Conseil constitutionnel.
Le Conseil d’État est ensuite amené à se prononcer sur la demande de compensation pour la rejeter en vertu du "principe" (sic) de non-compensations des créances publiques. Nul ne sait en quoi est-ce là un "principe" ni d'où il est tiré.
Les motifs (pas la source !) invoqués au soutien de l'existence de ce principe sont aussi peu convaincants que possible et carrément controuvés. Il s'agirait d'appliquer le principe d'insaisissabilité des biens et deniers publics (CAA Paris, 25 avril 2013, Sarl AY, 12PA03838) et celui de l'impossibilité de voies d'exécution contre les personnes publiques (cf. R. Odent, Cours de contentieux administratif, Les cours de droit,1980-1981, p. 1601). Ces arguments ne sont guère acceptables : assimiler la compensation à une "saisie" est assez comique et vouloir protéger le créancier public des autres créanciers en concours avec lui est assez cocasse vu que l'Etat est le plus privilégié des créanciers privilégiés, de facto il n'est jamais en concours avec les autres créanciers.
La situation est d'autant plus intolérable que l'administration peut toujours, librement, opposer la compensation aux personnes privées (jurisprudence constante au moins depuis : Section, 4 juillet 1930, Société l'Oxylithe, p. 693, sol. implicite), qu’en matière de marchés publics elle peut être opposée aussi bien par le cocontractant public que par le cocontractant privé selon une jurisprudence établie sans texte (depuis : 27 novembre 1935, Piketty, p. 1108), enfin, c'est un principe classique qu'en droit fiscal l'administration peut toujours opposer la compensation (par ex. : 10 janvier 1890, Syndicat des marais du littoral, concl. J. Valabrègue, p. 6, solution réitérée par 6 janvier 1965, Sieur B., req. 36433 ; 5 janvier 1994, Auguste X., D. 1994. 497, note V. Haïm) et que confirme l'art. L. 203 du Livre des procédures fiscales.
(7 octobre 2021, M. et Mme A., n° 427999)
56 - Impôt sur le revenu - Exonération de cet impôt pour certaines plus-values - Plus-values réalisées lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale - Condition de remploi pour l’acquisition d’une résidence principale - Commentaire administratif entaché d’illégalité - Absence - QPC - Rejet.
Cette affaire étant identique à celle déjà rapportée dans notre Chronique de juillet-août 2021, au n° 70 (15 juillet 2021, M. B., n° 453490), on se permet d’y renvoyer le lecteur.
(12 octobre 2021, Mme B., n° 454641)
57 - TVA applicable aux cessions de terrains à bâtir – Nécessité d’un terrain nu et ne comportant pas de constructions même vouées à la démolition – Erreur de droit et annulation pour deux des trois communes concernées - Opération de lotissement comportant une cession gratuite de terrain à la commune – Inclusion de la valeur du terrain dans la détermination du prix de revient en vue de l’établissement de l’assiette de la TVA – Rejet.
Une société ayant la qualité de marchand de biens s’est vu appliquer des rappels de TVA concernant des cessions de terrains à bâtir dans trois communes. Les juges du fond annulent les rehaussements de TVA ; le ministre se pourvoit.
Pour deux des communes le pourvoi est admis au fond car en vertu d’une jurisprudence bien établie et souvent rappelée le régime particulier de TVA applicable aux livraisons de terrains à bâtir ne peut s’appliquer qu’à des terrains nus ; ainsi, des terrains comportant des constructions, quel qu’en soit l’état, même destinées à une démolition complète, ne sont pas des « terrains à bâtir » au sens et pour l’application du régime de TVA caractérisant les terrains à bâtir. C’est par suite d’erreur de droit que la cour administrative d’appel, dans son arrêt confirmatif, avait jugé le contraire.
En revanche, le ministre succombe s’agissant de la troisième commune. La société, pour pouvoir réaliser un lotissement, avait été obligée de céder gratuitement à la commune une certaine portion de terrain. Pour établir le prix de revient des terrains viabilisés afin de le déduire du prix de vente et d’obtenir ainsi la marge servant à calculer le montant de la TVA due, la société a affecté le prix de revient de chaque lot du lotissement d’une quote-part de la valeur du terrain cédé gratuitement. Ici, le juge de cassation confirme les juges du fond qui ont jugé régulière cette façon de procéder et rejette le recours du ministre.
(13 octobre 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 433745)
58 - Taxe sur les surfaces commerciales – Assujettissement à la taxe de tout établissement entendu comme unité locale – Notion d’unité locale – Cas en l’espèce – Rejet.
La loi du 13 juillet 1972 (art. 3) a institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. Le décret du 26 janvier 1995, pris pour l’application de la loi de 1972, précise que par le mot « établissement » utilisé par la loi il convient d’entendre l'unité locale où s'exerce tout ou partie de l'activité d'une entreprise. « Lorsque plusieurs locaux d'une même entreprise sont groupés en un même lieu comportant une adresse unique ou sont assujettis à une même taxe professionnelle, ils constituent un seul établissement. »
En l’espèce, la société demanderesse exploite un commerce « Super U », un commerce « U culture » et une station-service pour lesquels elle a été assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales au motif que ces trois entités constituaient une unité locale. Elle conteste cet assujettissement en faisant valoir que deux d’entre elles, situées dans un même centre commercial, étaient situées, l’une en rez-de-chaussée et l’autre au deuxième étage, que ces différents commerces faisaient l’objet d’une imposition séparée au titre de la cotisation foncière des entreprises et que les locaux avaient des adresses distinctes.
Confirmant le jugement attaqué, et en dépit des objections non dépourvues de pertinence soulevées par la requérante, le Conseil d’État juge qu’il s’agit bien d’une unité locale au sens des dispositions précitées car ce sont des locaux d'une même entreprise formant un ensemble géographiquement cohérent pour l'exercice de tout ou partie de l'activité de cette entreprise,
(13 octobre 2021, Société Sagadis, n° 434111)
59 - Droit de reprise de l’administration fiscale – Taxe d’aménagement – Extension de la durée du droit de reprise – Loi nouvelle muette sur la date de son entrée en vigueur – Application immédiate aux délais en cours pour leur partie restant à courir – Erreur de droit – Annulation et rejet.
Une société de construction avait demandé – notamment - l’annulation de titres exécutoires pour le recouvrement de la taxe d'aménagement due au titre d’un permis de construire qui lui avait été délivré. Le jugement de première instance a fait droit à sa demande. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoit contre ce jugement.
Était en jeu l’allongement du délai d’exercice d’un droit par l’administration fiscale du fait d’une loi nouvelle.
Il résultait de l’art. L. 331-21 du code de l’urbanisme, issu de l’art. 28 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010, qu’était alors créé au profit de l’administration fiscale un droit de reprise en matière de taxe d’aménagement, dont la durée a été fixée jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit celle de la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager qui sert d’assiette à cette taxe.
Puis, l'article 56 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 a modifié l’art. L. 331-21 précité et étendu le droit de reprise de l'administration en matière de taxe d'aménagement jusqu'au 31 décembre de la quatrième année qui suit celle de la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager. Cette loi est entrée en vigueur le 30 décembre 2015.
Compte tenu de l’allongement de la durée du droit de reprise, la loi nouvelle s’appliquait aux autorisations délivrées à compter du 1er janvier 2012, puisqu’à cette date le délai du droit de reprise expirait le 31 décembre de la troisième année suivant la délivrance du permis ou de l’autorisation d’urbanisme soit le 31 décembre 2015.
En l’espèce, les travaux sur lesquels était assise la taxe d’aménagement ont été autorisés par un permis de construire délivré le 2 octobre 2012 c’est-à-dire sous l’empire de la version initiale de l’art. L. 331-21 du code de l’urbanisme, soit d’un délai expirant le 31 décembre 2015.
Le tribunal a jugé que les titres de perception litigieux, émis le 28 juin 2016, étaient prescrits puisque postérieurs au 31 décembre 2015.
Le Conseil d’État ne l’a pas jugé ainsi et censure l’erreur de droit car si le délai initial expirait bien le 31 décembre 2015, cette dernière date était postérieure à la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 30 décembre 2015.
Or la jurisprudence décide – et le Conseil d’État le rappelle ici – que l’allongement du délai de prescription d’un droit par une loi nouvelle qui ne comporte pas de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, a pour effet que le délai nouveau est immédiatement applicable aux délais en cours, compte tenu du délai déjà écoulé. Le droit de reprise de la taxe d’aménager du fait d’un permis de construire délivré le 2 octobre 2012 n’a donc été prescrit qu’à compter du 31 décembre 2016.
Encore une fois, est en jeu la rétroactivité de la loi dans des conditions peu satisfaisantes et il est regrettable que les défendeurs n’aient invoqué les principes de confiance légitime et de sécurité juridique pour la première fois que devant le Conseil d’État alors qu’ils ne les avaient pas soulevés en première instance où ils étaient demandeurs.
(13 octobre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 434551)
60 - Revenus du patrimoine - Revenus distribués – Revenus ayant normalement la nature de revenus des capitaux mobiliers – Assujettissement à divers prélèvements sociaux – Caractère de revenus d’activité des revenus provenant d’une société d’exercice libéral – Régime particulier des prélèvements sociaux – Erreur de droit – Annulation partielle.
Il résulte des dispositions combinées, d’une part, des art. L. 131-6, L. 136-3 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale et, d’autre part, des art. 109 et 110 du code général des impôts que les revenus distribués ont en principe le caractère de revenus des capitaux mobiliers passibles de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine mais que les revenus provenant d'une société d'exercice libéral, telle la pharmacie exploitée sous forme de Selarl comme au cas de l’espèce, doivent être regardés, pour leur assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social et des primes d'émission ainsi que des sommes versées en compte courant.
Il suit de là que la fraction entrant ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d'activité ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine.
Or la cour administrative d’appel avait jugé – au prix d’une erreur de droit - que l'administration fiscale avait pu légalement assujettir les demandeurs aux prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine à raison de la fraction excédant le seuil de 10 % mentionné ci-dessus des revenus réputés distribués, taxés entre leurs mains à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au motif qu'ils n'établissaient pas que ces revenus auraient été soumis à la contribution sur les revenus d'activité.
(20 octobre 2021, M. et Mme A., n° 440375)
61 - Impôt sur le revenus et contributions sociales - Apport en titres de société – Valeur des titres délibérément majorée par rapport à leur valeur vénale – Appauvrissement de la société bénéficiaire de l’apport au profit de l’apporteur – Libéralité – Absence – Erreur de droit – Annulation.
L’administration fiscale avait considéré que la circonstance que des apporteurs de titres en avaient délibérément majoré la valeur par rapport à leur valeur vénale constituait pour la société bénéficiaire de l’apport un appauvrissement au profit de l’apporteur qui devait donc être considéré comme ayant reçu une libéralité. Elle avait, en conséquence, assujetti les intéressés à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assorties de pénalités.
Leur recours ayant été rejeté en appel où la cour avait entièrement repris à son compte le raisonnement de l’administration fiscale, les requérants se pourvoient.
Le Conseil d’État leur donne raison en annulant l’arrêt déféré à sa censure car la cour ne pouvait pas retenir pour seul motif à la qualification de l’opération comme constituant une libéralité taxable entre les mains de l’apporteur, l’attribution aux titres apportés d’une valeur d'apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés.
La solution ne peut qu’être approuvée dès lors qu’aucun autre élément n’est fourni par l’administration ou établi par la cour pour démontrer l’existence d’une libéralité.
(20 octobre 2021, M. et Mme C., n° 445685)
62 - Taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux – Notion de « surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux » - Surfaces contribuant directement à l’activité de ces locaux – Cas des aires de dépôt de bus, des surfaces de stationnement réservées aux véhicules personnels de leurs chauffeurs – Exclusion des dépendances immédiates et indissociables des aires de stationnement – Annulation.
Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : « I.- Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines.
(…)
III.- La taxe est due : (…) 4° Pour les surfaces de stationnement, qui s'entendent des locaux ou aires, couvertes ou non couvertes annexées aux locaux mentionnés aux 1° à 3° (locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage), destinés au stationnement des véhicules, qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production. »
La société requérante soutenait, en vain en première instance et en appel, avoir été assujettie à tort à cette taxe pour une partie des surfaces de stationnement. Elle se pourvoit.
Le Conseil d’État analyse le texte de cet article comme incluant dans le champ d'application de la taxe les surfaces de stationnement annexées à des locaux à usage de bureaux, à des locaux commerciaux ou à des locaux de stockage, sous réserve qu'ils ne soient pas topographiquement intégrés à un établissement de production.
Pour déterminer si les surfaces de stationnement doivent être regardées comme annexées à l'une des catégories de locaux ainsi énumérées, il y a lieu de rechercher, selon le juge, « si leur utilisation contribue directement à l'activité qui y est déployée ». Faisant application de ce critère aux trois catégories de surfaces litigieuses que la requérante estimait ne devoir point être considérées comme des surfaces de stationnement assujetties à ladite taxe, le Conseil d’État donne raison à la requérante. La cour a commis une erreur de droit.
Tout d’abord, la cour a estimé que l’administration avait pu à bon droit assujettir à la taxe les aires de dépôt de bus et les surfaces de stationnement réservés aux véhicules personnels de leurs chauffeurs aménagées au sein de l'ensemble immobilier et s’est fondée pour cela sur ce qu'elles étaient destinées au stationnement de véhicules et intégrées à un groupement topographique homogène comprenant des locaux à usage de bureaux mais elle n’a pas recherché si l'utilisation de ces surfaces contribuait directement à l'activité déployée dans des locaux relevant de l'une des catégories visées aux 1° à 3° de l'article 231 ter du CGI.
Ensuite, pas davantage ne pouvaient être assujetties à la taxe les dépendances immédiates et indissociables des aires de stationnement, telles les voies de circulation internes desservant les emplacements de stationnement.
(20 octobre 2021, Société Transports du Val d'Oise, n° 448562)
(63) V. aussi, dans cette affaire, une autre décision relative à l’irrecevabilité de la requête : 20 octobre 2021, Société Transports du Val d'Oise, n° 448563.
64 - Détention de titres sous condition d’un engagement de conservation – Condition sans effet sur la nature dues titres – Application de l’art. 150-0 D du CGI – Détermination du prix moyen de chaque titre – Erreur de droit – Annulation.
A l’occasion de la cession d’une partie des titres qu’elle possédait, une contribuable a fait l’objet d’un rehaussement d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales du fait de la plus-value dégagée lors de cette cession.
Il convenait donc de déterminer le mode de calcul de la plus-value et, pour cela, établir en premier lieu le prix d’acquisition de ces titres, sachant que les uns étaient détenus en pleine propriété et les autres en nue-propriété. Par ailleurs, une partie des titres restant en possession de la contribuable après cette cession était constituée de titres soumis à un engagement de conservation.
Les requérants proposaient que la valeur des titres cédés soit calculée sur la base du prix moyen pondéré d'acquisition de l'ensemble des titres que la contribuable détenait en pleine propriété à la date de la cession, ce qui aboutissait à ce que soit prononcé le dégrèvement des impositions supplémentaires mises à leur charge.
La cour administrative d’appel, infirmant le jugement accordant décharge des impositions et cotisations sociales, a jugé, suivant en cela la position de l’administration fiscale, que l’art. 150-0 D du CGI, en disposant au 3. que « En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres » n’était pas applicable en l’espèce, les titres à cession libre et ceux soumis à une obligation de conservation n’étant pas de même nature.
Le Conseil d’État annule cette motivation pour erreur de droit car « Pour l'application de ces dispositions, la circonstance que le détenteur de titres ait souscrit un engagement de conservation est par elle-même sans incidence sur la nature des titres concernés. »
(20 octobre 2021, M. et Mme D., n° 449292)
65 - Cotisation sur la valeur ajoutée de l’entreprise – Inclusion dans cette valeur ajoutée d’un abandon par l’État d’une fraction non remboursée d’une avance consentie à Airbus Opérations – Abandon jugé constituer une subvention d’exploitation – Erreur de droit – Abandon pouvant être une contrepartie ayant le caractère d’une subvention d’investissement – Annulation.
L’État, dans le cadre d’un protocole d’accord du 29 décembre 1998, avait accordé un soutien financier à la société Airbus Opérations sous la forme d'une avance remboursable de 2,11 milliards de francs (321 667 426 euros), destinée à financer, selon l'article 2.1 de ce protocole, « le développement, l'étude de l'industrialisation et l'outillage pour la réalisation des prototypes des programmes d'avions Airbus A340-500 et A340-600 ». Le remboursement de l’avance devait s’effectuer par fraction au moment de la livraison de chaque appareil de cette gamme. Toutefois, l’arrêt du programme a été décidé de façon anticipée en novembre 2011 alors que 133 appareils, sur les 404 qui avaient été prévus, avaient été livrés.
Le solde de l’avance demeurant à rembourser, soit 215 500 000 euros environ, a fait l’objet de la part de l’État d’un abandon de créance. Airbus Opérations, dans ses écritures comptables, a placé cette somme dans la catégorie « produit exceptionnel ».
L’administration fiscale a considéré que l'abandon de créances constituait une subvention d'exploitation et qu’elle devait, par suite, être incluse dans le calcul de la valeur ajoutée en vue de l'établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Sa réclamation par voie gracieuse ayant été rejetée, la société a saisi, en vain, les juges du fond.
Elle se pourvoit contre l’arrêt d’appel qui, pour dire fondée la position de l’administration fiscale, a retenu que la réalisation de travaux de développement et de recherche en matière aéronautique, que l'avance avait pour objet de financer, constituait une activité courante et ordinaire de la société Airbus Opérations, que cette avance était remboursable sur les produits d'exploitation tirés de la vente des appareils de la gamme A340-500 et A340-600 et que l'abandon au profit de la société de son solde non encore remboursé en cas d'échec du programme était corrélé aux dépenses réalisées pour le financement de celui-ci. Cette solution n’était dépourvue ni de logique ni de pertinence.
Le Conseil d’État annule cependant l’arrêt en reprochant à la cour de n’avoir pas recherché si « comme il était soutenu devant elle, la fraction non remboursée de cette avance avait eu pour contrepartie la création ou l'acquisition d'éléments de son actif immobilisé ou le financement d'activités de long terme et avait par suite le caractère d'une " subvention d'investissement " ».
On peut trouver discutable cette légitimation a posteriori de l’abandon de créance qui s’apparente bien en une aide d’État pure et simple dans la mesure où l’avance était bien remboursable au regard d’un certain objet et pas d’un autre et qu’il ne saurait être question de modifier cet objet au gré des évolutions et fluctuations techniques ou autres du marché de l’aéronautique.
(20 octobre 2021, Société Airbus Opérations, n° 450268)
66 - Délai de reprise de l’administration fiscale – Délai dérogatoire de deux ans (art. L. 169, livre des proc. fisc., LPF) – Inapplicabilité en l’espèce – Erreur de droit – Annulation.
Une cour administrative d’appel avait estimé, confirmant les premiers juges, que le droit de reprise de l’administration applicable en matière d’erreurs ou d’omissions n’était pas, en l’espèce, celui prenant fin au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due que prévoit le premier alinéa de l’art. L. 169 LPF mais celui, dérogatoire, s’achevant la seconde année, prévu au deuxième alinéa de ce texte.
Le Conseil d’État annule cet arrêt pour erreur de droit.
En l’espèce était en cause la cession d’un fonds de commerce de pharmacie. Il résulte de la disposition précitée que le délai dérogatoire prenant fin au 31 décembre de la seconde année n’est applicable qu’aux « revenus imposables selon un régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux et des bénéfices agricoles ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique » et à condition que le « le contribuable (soit) adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. ».
En revanche, contrairement à ce qu’a jugé la juridiction d’appel, ces dispositions « ne trouvaient à s'appliquer, en ce qui concerne les entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes et dont les bénéfices sont taxables entre les mains de leurs associés à concurrence de leur quote-part, que pour les rectifications procédant d'une remise en cause du montant des bénéfices de la société. ». En cette dernière hypothèse, l'administration disposait, pour procéder aux rectifications de l'impôt dû par l'associé qui ne procèdent pas d'une telle remise en cause, du délai de droit commun (art. L. 169 LPF, al. 1er) courant donc jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due.
(20 octobre 2021, M. et Mme C., n° 451666)
67 - Titres détenus depuis plus de huit ans – Cession – Plus-value – Bénéfice du report d’imposition – Exigence d’un seuil de réinvestissement égal à 50% du montant net de la plus-value – Abattements pour durée de détention – Erreur de droit – Annulation sans renvoi, affaire réglée au fond.
Commet une erreur de droit la juridiction qui, pour juger que des contribuables sont fondés à demander le bénéfice du report d'imposition (cf. art 150-0 D bis du CGI) à raison de la cession de titres qu'ils détenaient depuis plus de 8 ans, se fonde sur ce que le seuil de réinvestissement auquel ces dispositions subordonnaient leur bénéfice était égal à 50 % du montant de la plus-value, net de prélèvements sociaux, calculé après application des abattements pour durée de détention prévus à l'article 150-0 D bis du même code.
En effet, les abattements pour durée de détention s’ils permettent de déterminer la fraction de la plus-value devant être soumise à l’impôt sur le revenu sont sans incidence pour l’application de l’art. 150-0 D bis du CGI.
Par conséquent, il convient de réintégrer le montant des abattements pour durée de détention afin de calculer le respect du seuil de réinvestissement de 50%. En l’espèce, le seuil de 50%, après application de ce principe, cesse d’être atteint contrairement à ce qui a été jugé.
D’où la cassation le juge décidant, par application de l’art. L. 821-2 du CJA, de régler l’affaire au fond.
(20 octobre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 453860)
68 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères – Prélèvement destiné seulement à couvrir les dépenses réellement exposées par la commune ou par un EPCI – Possibilité d’y inclure la quote-part des dépenses de fonctionnement du service public de collecte et de traitement de ces ordures – Conditions – Annulation.
Se posait ici la question de savoir si – pour la détermination du montant global de la taxe sur les ordures ménagères - une commune peut inclure dans le calcul des dépenses de fonctionnement induites pour elle par la collecte et le traitement des ordures ménagères, les dépenses représentatives de la quote-part d'activité du service public assurant cette collecte et ce traitement parmi l’ensemble des dépenses de fonctionnement des différents services de la collectivité.
La réponse est positive à condition que les dépenses en cause correspondent à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité et que cette quote-part soit calculée au moyen d'une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d'identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l'administration générale de la commune, peuvent être regardées comme ayant été directement exposées pour le seul service public de collecte et de traitement des déchets ménagers ainsi que des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.
En l’espèce, si l’arrêt d’appel est annulé c’est pour avoir estimé que ces conditions n’étaient pas satisfaites alors que le Conseil d’État considère que ce jugeant la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
(22 octobre 2021, Association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL), n° 434900)
(69) V. aussi, illustrant le caractère proliférant du contentieux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères : 22 octobre 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 450128.
70 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Application à des réacteurs de centrales nucléaires – Centrales mises à l’arrêt forcé – Demande d’EDF d’être dispensée de taxe à raison de ceux-ci – Erreur de droit pour avoir accordé cette dispense – Annulation.
La société Électricité de France a demandé au juge administratif une réduction de sa cotisation à la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison de la mise à l’arrêt durant plusieurs mois de deux réacteurs d’une centrale nucléaire sur demande de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Si le tribunal administratif a accordé la réduction de taxe sollicitée, le Conseil d’État a vu dans ce jugement une erreur de droit conduisant à l’annulation du jugement sans renvoi, le juge de cassation se prononçant lui-même au fond.
Le Conseil d’État rappelle que le I de l’art. 1389 du CGI subordonnant le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à la condition, notamment, que l'inexploitation de l'immeuble à usage industriel utilisé par le contribuable lui-même soit indépendante de sa volonté, il s’ensuit que des circonstances inhérentes à l'immeuble lui-même, tenant en particulier à des défauts dont il se trouverait affecté et, par conséquent, à des décisions administratives faisant obstacle à son exploitation prises en raison de ces défauts ne sauraient suffire à caractériser le caractère contraint de l'inexploitation.
La conclusion est, dès lors, prévisible, le tribunal administratif, en jugeant que l'inexploitation prolongée des réacteurs d’une centrale nucléaire avait été indépendante de la volonté de son propriétaire car cette inexploitation résultait d'une demande formulée par l'Autorité de sûreté nucléaire dans un cadre préventif et que les tests et mesures effectués n'étaient pas prévus par la règlementation en vigueur, a commis une erreur de droit.
(22 octobre 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 442449)
71 - Droit fiscal - Vérification de comptabilité – Évaluation de titres d’une société non cotés en bourse – Modes d’évaluation – Choix de la méthode d’évaluation patrimoniale ou mathématique – Contradiction de motifs – Annulation.
(26 octobre 2021, Ministre de l’action et des coptes publics, n° 426462)
V. n° 38
71 - Procédure fiscale – Taxes et autres droits prévus à l’art. L. 332-6-1, 1° du code de l’urbanisme – Obligation d’émission d’un titre de recette suivi d’un avis d’imposition (art. L. 255 A, Livre des proc. fisc., LPF) – Application à la taxe départementale des espaces naturels sensibles – Absence – Annulation.
Comme les autres impôts taxes et autres participations énumérées à l’art. L. 332-6-1, 1° du code de l’urbanisme, la taxe départementale des espaces naturels sensibles est soumise à un certain formalisme qui comporte, d’abord, l’émission d’un titre individuel de recette, puis, un avis d’imposition. Ce dernier, qui est distinct du titre de recette, informe le contribuable du montant de l'imposition mis à sa charge par le titre de recette.
C’est donc de façon irrégulière que le tribunal administratif n’a pas répondu au moyen, qui n’était pas inopérant en l’espèce, tiré de ce que l'administration n'avait pas établi l'existence de titres de recette prévus par l'article L. 255 A du LPF.
En conséquence, la société requérante est déchargée de l’obligation de payer les suppléments de taxe départementale sur les espaces naturels sensibles mis à sa charge par les avis d'imposition litigieux.
(26 octobre 2021, Société La Crête du Berger, n° 430511)
72 - Taxe sur les surfaces commerciales – Réduction du taux de la taxe – Professions dont l’exercice requiert des superficies anormalement élevées – Surfaces affectées à la vente de marchandises éligibles – Confusion avec l’exercice à titre exclusif d’une telle vente – Erreur de droit – Annulation.
Le décret du 26 janvier 1995 a prévu une réduction du taux de la taxe sur les surfaces commerciales pour la part de superficie affectée exclusivement à la vente de matériaux exigeant une superficie de vente anormalement élevée.
Dans la présente affaire, pour rejeter la demande d’octroi du bénéfice de ce taux minoré à une entreprise vendant, notamment, des matériaux de construction, les premiers juges avaient estimé qu'elle ne pouvait pas être regardée comme exerçant, à titre exclusif, une activité de vente de matériaux de construction. Ce jugeant, le tribunal a commis une erreur de droit, le A de l’art. 3 du décret précité n’exigeant pas que l’entreprise exerce à titre exclusif l’activité de vente de marchandises éligibles à ce taux mais seulement de calculer, dans la superficie commerciale totale, celle consacrée à la vente desdites marchandises.
(26 octobre 2021, Société Comasud, n° 434755)
Droit public de l'économie
73 - Société de gestion de fonds d'investissement - Retrait d'agrément par l'Autorité des marchés financiers (AMF) - Obligation de détenir des fonds propres en actifs liquides - Non-respect de l'obligation - Rejet.
La société requérante, gestionnaire de fonds d'investissement, s'est vu retirer par l'AMF l'agrément d'exercice qui lui avait été accordé et sans lequel elle ne peut exercer son activité. Elle recherchait devant le Conseil d’État l'annulation de cette décision ainsi que celle du recours gracieux formé contre celle-ci.
Des deux griefs sur lesquels repose ce retrait, c'est surtout le second qui retient l'attention. L'AMF estimait que cette société ne démontrait pas disposer de fonds propres réglementaires placés en actifs liquides ou rapidement réalisables en liquide.
Si la société disposait par ailleurs de créances détenues sur des fonds dont elle assurait la gestion, ces créances ne pouvaient présenter un caractère de liquidité suffisant tant que les fonds n'auraient pas mené à terme la cession de leurs participations.
Également, la société requérante n'a pas démontré qu'elle disposait d'un montant de 325 000 euros de créances sur les fonds qu'elle gérait correspondant à des actifs réalisables à court terme.
Enfin, la société requérante n'ayant communiqué, ni avant que le collège de l'AMF ne statue, ni à l'appui de son recours gracieux, aucun engagement ferme concernant la participation d'investisseurs à l'augmentation de son capital, elle n'établit pas que des investisseurs auraient été susceptibles de souscrire à une augmentation de capital permettant de garantir la réalisation imminente d'un apport de capitaux.
D'où il suit qu'elle n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision querellée de l'AMF.
(4 octobre 2021, Société de gestion des fonds d'investissement de Bretagne, n° 437893 et n° 439490)
74 - Subventions publiques - Subvention à une personne publique - Réfaction - Régime juridique - Soumission à discussion contradictoire - Absence de délai pour opérer la réfaction - Annulation.
Une agence de l'eau entend opérer une réfaction sur une subvention qu'elle a allouée à une communauté d'agglomération motif pris de ce que celle-ci n'a pas respecté les conditions auxquelles était subordonné l'octroi de cette subvention. Sur recours de la communauté d'agglomération les juges du fond annulent la décision de réfaction car celle-ci a été prise sans respecter la procédure contradictoire prévue par l'art. L. 122-1 du code des relations du public avec l'administration.
Saisi d'un pourvoi contre cette solution, le Conseil d’État annule l'arrêt d'appel pour dénaturation.
L'arrêt est intéressant d'abord en ce qu'il rappelle une jurisprudence bien établie sur le régime de la subvention publique et en particulier sur son retrait, partiel ou total. Une décision de subvention, si elle constitue, à l'évidence, une décision créatrice de droit, est toujours prise sous condition que son bénéficiaire respecte les engagements qu'il a pris à cet égard ou les conditions auxquelles est subordonné le versement de la subvention. A défaut, le subventionneur peut retirer la subvention en réclamant son remboursement pour le passé ou en arrêtant son versement pour le futur.
Ensuite, le juge apporte une précision surprenante à savoir qu'en cas de non respect des conditions d'octroi de la subvention « (sa) réfaction (...) peut intervenir sans condition de délai ». La solution interroge. On eût imaginé qu'une telle mesure fût enfermée dans un certain délai, quitte à fixer le point de départ de ce délai au jour de la découverte, par l'autorité qui a subventionné, du non rerspect des conditions. La formulation surprend par sa brutalité et il faut espérer qu'il ne s'agisse là que d'une malfaçon rédactionnelle.
Enfin, examinant les faits de l'espèce, le juge de cassation constate qu'il ressort des pièces du dossier que l'agence de l'eau requérante avait bien mis la communauté d'agglomération en état de connaître le reproche qui lui était fait, le risque de réfaction de la subvention, et donc de préparer utilement un débat contradictoire.
Dès lors que ces éléments ressortaient directement des pièces du dossier soumis aux juges du fond il s'ensuit que ces derniers n'ont pu annuler la décision litigieuse pour non respect du principe du contradictoire que par suite d'une dénaturation de ces pièces.
(4 octobre 2021, Agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse, n° 438695)
75 - Autorité des marchés financiers (AMF) - Sanctions - Conseiller en investissements financiers ne pouvant fournir un service de placement non garanti - Cas en l'espèce - Faits ne figurant pas dans la notification des griefs mais se rattachant à eux - Communication défectueuse sur les risques du produit proposé - Défaut de coopération avec la mission de contrôle de l'AMF - Sanctions non disproportionnées - Rejet.
Les requérants demandent l'annulation de la décision par laquelle la commission des sanctions de l'AMF a prononcé à l'encontre de la société Cérès Finance une sanction pécuniaire et une interdiction d'exercer la profession de conseiller en investissements financiers d'une durée de cinq ans, et celle par laquelle elle a prononcé à l'encontre de M. B. une sanction pécuniaire et une interdiction d'exercer la profession de conseiller en investissements financiers d'une durée de cinq ans et, enfin, la décision ordonnant la publication des décisions précitées sur le site Internet de l'AMF et fixé à cinq ans à compter de la date de la décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.
La requête est annulée.
D'abord, il est patent que l'infraction reprochée a été réellement commise : il résulte des dispositions combinées des art. L. 321-1, L. 541-1 et L. 541-8-1 du code monétaire et financier que les conseillers en investissements financiers ne peuvent pas, à titre professionnel, se livrer, comme en l'espèce, à la fourniture d'un service de placement non garanti.
Ensuite, les requérants ont manqué à leur obligation de délivrer à leurs éventuels clients une information exacte, claire et non trompeuse. En effet, leur communication ne mettait l'accent que sur l'objectif de rendement du placement proposé sans alerter sur les risques liés à ce type d'investissements, même si ceux-ci étaient indiqués sur d'autres documents commerciaux.
Enfin, les requérants ont également manqué à l'obligation qui leur est faite d'apporter leur concours avec diligence et loyauté en particulier dans le cadre de l'instruction menée par la mission de contrôle de l'AMF (cf. art. 143-3 du règlement général de l'AMF).
De tout ceci, le juge conclut que les sanctions pécuniaires, professionnelles et de publicité, infligées aux requérants ne sont disproportionnées ni au regard de la gravité et de la persistance des manquements dont ils sont les auteurs ni au regard de leurs facultés financières.
(4 octobre 2021, M. B. et Société Cérès Finance, n° 442569)
76 - Aide d’État - Notion et régime - Établissements d'enseignement supérieur habilités à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage - Absence de caractère d'aide d’État en l'espèce - Rejet.
La société requérante qui est spécialisé dans l'enseignement, notamment supérieur, à des fins lucratives, demandait l'annulation de refus implicites opposés par le premier ministre à ses demandes de notifier à la Commission européenne, comme constituant une aide d’État, le dispositif par lequel les catégories d'établissements énumérées à l'article L. 6241-5 du code du travail sont habilitées à percevoir le solde de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1° de l'article L. 6241-4 du même code.
La question était doublement délicate. D'un côté se posait un problème de répartition des compétences entre les organes de l'Union et le juge national français et, de l'autre côté, la comparaison avec le traitement dont bénéficient en la matière les écoles rattachées aux chambres de commerce et d'industrie pouvait faire difficulté.
Sur le premier point, le Conseil d’État rappelle tout d'abord la finalité et décrit le mécanisme des aides d’État.
Il appartient au Gouvernement, soit spontanément soit sur demande d'un intéressé, en application du paragraphe 1 de l'art. 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de notifier à la Commission les projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Il suit de là que la décision du premier ministre ou d'un ministre refusant de notifier à la Commission « se rattache à l'exercice par le Gouvernement d'un pouvoir qu'il détient seul aux fins d'assurer l'application du droit de l'Union et le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ».
Parallèlement, une telle décision de refus, que le texte la fondant ait une nature réglementaire ou une nature législative, peut être contestée par voie de recours pour excès de pouvoir.
Enfin, prenant toute la mesure de cette dualité de compétences, le Conseil d’État, dans une formulation de principe, juge que s'il « ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 107 précité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché intérieur, il incombe, en revanche, au juge administratif, saisi d'un tel recours pour excès de pouvoir, de déterminer si le texte dont la notification est demandée est relatif à une aide d’État dont la Commission doit être informée. »
Sur le second point, le juge estime n'être pas en présence, dans le cas d'espèce, d'une aide d’État c'est-à-dire d'une mesure réunissant, à la fois, les quatre conditions suivantes : existence d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, cette intervention devant présenter, en sus, cumulativement les trois traits suivants, être susceptible d'affecter les échanges entre les États membres, accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire et faussant ou susceptible de fausser la concurrence. Ce dernier se révèle par le fait que la mesure en cause constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d'autres se trouvant, au regard de l'objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable.
Appliquant ici cette grille d'analyse, le Conseil d’État rejette la qualification d'aide d’État aussi bien en comparant la situation des établissements de la requérante avec les établissements d'enseignement secondaire et supérieur publics ou privés sans but lucratif qu'avec - ce qui était le point central de l'argumentation de la société requérante - les établissements d'enseignement consulaires, constitués et financés par les chambres de commerce. Bien que le Conseil d’État insiste lourdement sur la comparaison avec cette seconde catégorie d'établissements (cf. point 8), il faut avouer, lorsque l'on en connaît le fonctionnement concret, que sa démonstration se fait moins convaincante.
Au reste, le versement de la taxe d'apprentissage se révèle très discriminant selon que l'établissement bénéficiaire est consulaire ou non.
(6 octobre 2021, Société Galileo Global Education France, n° 439011, n° 439017, n° 439019, n° 439021)
77 - Hypermarché – Extension de superficie – Commission nationale d’aménagement commercial – Commission se prononçant sur un projet d’extension ne nécessitant pas de permis de construire – Acte ayant non la nature d’un avis mais celui d’une décision – Acte faisant grief – Possibilité d’intenter un recours pour excès de pouvoir – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit l’arrêt d’une cour administrative d’appel qui rejette comme irrecevable le recours dirigé contre l’acte par lequel la commission nationale d’aménagement commercial se prononce sur le projet d’extension de la superficie d’un hypermarché ne nécessitant pas de permis de construire au motif que cet acte est purement préparatoire et que, ne faisant pas grief, il ne peut pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
En effet, cet acte est, au contraire, une décision et peut donc faire l’objet d’un tel recours.
(13 octobre 2021, Société Auchan Supermarché, n° 442849)
78 - Accord triennal applicable aux professionnels en vin de la région Bourgogne – Refus ministériel d’étendre l’article 13 de cet accord – Légalité – Rejet.
Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) a adopté un accord applicable aux professionnels produisant et commercialisant des vins de la région Bourgogne viticole bénéficiant d'une appellation d'origine protégée et il en a demandé l’extension. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé de procéder à l'extension de son article 13 relatif à l'habillage et au conditionnement des vins de Bourgogne. Un arrêté ministériel a, ensuite, procédé à l’extension sollicitée sauf pour l’article 13 précité.
Le ministre de l’agriculture a implicitement, du fait de son silence, rejeté le recours gracieux tendant à voir également étendu cet article.
Le BIVB demande au Conseil d’État l’annulation de l’arrêté et du rejet implicite du recours gracieux.
Le cadre juridique est rappelé par le juge : l'utilisation, pour les produits de la vigne bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée, d'une référence au nom d'une unité géographique plus grande que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique ne peut être rendue obligatoire que par les cahiers des charges de ces produits.
Le ministre, pour refuser l’extension des stipulations de l’art. 13 litigieux, s’est fondé sur ce que l'accord interprofessionnel avait prévu que la mention Vin de Bourgogne ou Grand Vin de Bourgogne devait figurer sur tous les habillages principaux des bouteilles et autres conditionnements des vins de Bourgogne, selon les mentions prévues aux cahiers des charges des AOP, alors que les stipulations litigieuses allaient « au-delà de ce que prévoit le cahier des charges » et qu'elles n'étaient, dès lors, pas compatibles avec les dispositions du droit de l'Union.
Jugeant un tel motif au nombre de ceux justifiant la décision attaquée et estimant que s’il s’était fondé uniquement sur celui-ci le ministre aurait pris la même décision, le juge rejette le recours dont il était saisi.
(22 octobre 2021, Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, n° 441653)
79 - Commission nationale d’aménagement commercial – Décisions devant être motivées – Limites de l’obligation de motivation – Rejet.
Les péripéties d’une demande d’autorisation d’implantation d’un centre commercial de près de 50 000 m2 dans la proche banlieue de Caen conduisent le Conseil d’État, saisi pour la seconde fois dans le cadre de ce litige, à apporter une précision importante qui ne ressort pas d’évidence des textes applicables (spécialement les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce).
Le juge estime que les décisions que prend la Commission nationale d'aménagement commercial sont au nombre de celles qui doivent être motivées « eu égard à la nature, à la composition et aux attributions » de cette commission (formule identique à celle utilisée dans l’arrêt d’Assemblée du 27 novembre 1970, Agence maritime Marseille-Frêt, Recueil Lebon p. 704 ; RDP 1971 p. 987, concl. M. Gentot).
Cependant est ajoutée la précision que « cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. » Il ne semble pas certain que cette restriction soit pleinement conforme à l’intention du législateur.
(25 octobre 2021, Société Ingka Centre Fleury, n° 434695)
80 - Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) – Pouvoirs de police administrative – Décision de suspension temporaire d’une activité d’émission de monnaie électronique – Tickets ne constituant pas une monnaie électronique – Société agréée en tant qu’émetteur de monnaie électronique – Sanction rendue publique – Rejet.
La requérante est une société agréée par l’ACPR en tant qu’établissement émetteur de monnaie électronique. Apprenant que le cautionnement apporté à cette société par un assureur pour protéger les fonds de ses clients collectés en contrepartie de l'émission de monnaie électronique avait cessé et constatant que l’établissement se trouvait dans une situation financière très dégradée, l’ACPR l’a informé qu’elle suspendait l’autorisation qui lui avait été donnée d’émettre de la monnaie électronique et qu’elle portait cette décision à la connaissance du public.
La société saisit le Conseil d’État d’un recours en référé suspension de ces décisions ; ses deux moyens sont rejetés.
La société prétendait que les dispositions de l’art. L. 526-32 du code monétaire et financier ne lui étaient pas applicables, le « ticket premium » qu’elle commercialise n’étant pas une monnaie électronique. La juge décrit d’abord le mécanisme en cause par lequel la requérante propose à ses clients d'acheter, par tout moyen habituel, dans un point de vente de son réseau, essentiellement composé de buralistes, un support ou ticket qui comporte un code PIN qu'elle émet et auquel est associé une ligne de valeur monétaire qui peut être consommée en ligne auprès des sites marchands, notamment de jeux et paris en ligne, acceptant ce mode de paiement.
Puis, assez embarrassée par le moyen soulevé, la juge des référés recourt à une sorte ce faisceau d’éléments : Certes les fonds des clients ne sont pas collectés directement par la société Wari Pay mais ils le sont pour son compte et lui sont reversés par ses distributeurs dans le cadre d'un réseau de distribution mandaté à cet effet. Pareillement, la société doit rembourser aux sites marchands le montant des tickets consommés et aux utilisateurs ceux non consommés, qui valent créance sur elle. Enfin, il est relevé que « dans ces conditions et eu égard aux caractéristiques du ticket de paiement litigieux, telles qu'elles ressortent des écritures et des échanges à l'audience », il n’y a pas de doute sur la légalité de la décision attaquée.
Le second moyen reposait sur le caractère disproportionné de la décision de publier la sanction, il est rejeté au vu des éléments de fait de la cause.
(ord. réf. 22 octobre 2021, Société Wari Pay, n° 456973)
Droit social et action sociale
81 - Établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées - Epidémie de Covid-19 - Prime exceptionnelle exonérée de charges instituée par la loi du 25 avril 2020 - Prime établie notamment au profit des salariés particulièrement mobilisés pendant l'état d'urgence sanitaire, dont ceux des établissements privés de santé ou des établissements sociaux et médico-sociaux - Financement de ces primes par l'assurance maladie - Absence de couverture des éléments de rémunérations supplémentaires susceptibles d'être versées à leurs salariés par les sociétés prestataires de ces établissements - Rejet du recours.
La requérante est une société prestataire de services pour des établissements et services accueillant des personnes âgées. La loi du 25 avril 2020, prenant en compte les efforts considérables demandés aux personnels des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, a décidé l'octroi de financements supplémentaires par l'assurance maladie pour le versement d'une prime exceptionnelle à ces personnels.
La requérante demandait l'annulation du décret n° 2020-681 du 5 juin 2020 modifiant les modalités particulières de financement applicables aux établissements susmentionnés ainsi que de l'instruction ministérielle prise pour son application, en tant qu'ils ne prévoient pas que les financements complémentaires prévus à titre exceptionnel en 2020 au titre de l'article R. 314-163 du code de l'action sociale et des familles puissent couvrir des éléments de rémunération supplémentaires des prestataires auxquels sont susceptibles de faire appel les établissements mentionnés à l'article L. 314-2 de ce code, afin de permettre à ces prestataires de verser une prime aux membres de leur personnel mobilisés au sein de ces établissements pendant la pandémie de Covid-19.
La requête est, sans surprise, rejetée.
En effet, les établissements concernés par l'octroi de cette prime exceptionnelle à leurs personnels sont financés par un forfait global relatif aux soins comprenant des financements complémentaires qui ne peuvent couvrir que des charges limitativement énumérées, dont les dépenses relatives à « des actions mises en œuvre dans le cadre de la prévention et de la gestion des situations sanitaires exceptionnelles ».
De ce que les décisions attaquées ont pour seul objet d'organiser le financement dans ces établissements, par l'utilisation des financements complémentaires qu'ils peuvent recevoir de l'assurance maladie, de la prime exceptionnelle instituée par le législateur, il résulte que la société requérante ne saurait donc s'en prévaloir. Le silence des textes à son endroit, sur ce point, ne lui fait pas grief, ce qui rend irrecevable sa demande d'annulation du décret et de l'instruction.
(6 octobre 2021, Société Restalliance, n° 442536 et n° 442537)
82 - Référé suspension – Régime d’assurance chômage – Fixation de la date d’entrée en vigueur de nouvelles dispositions – Demande de suspension du décret du 29 septembre 2021 – Erreur manifeste d’appréciation – Absence – Rejet.
Par ces requêtes, que le juge des référés a jointes, les organisations requérantes demandaient la suspension d’exécution de la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions du décret du 29 septembre 2021 déjà entrées en vigueur le 1er octobre 2021.
Selon l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application des dispositions de ce code relatives au régime d'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés qui doivent ensuite être agréés. Préalablement à la négociation de ces accords et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, le premier ministre transmet à celles-ci un document de cadrage qui précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage. L'agrément du premier ministre à l'accord est subordonné, d'une part, à sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et, d'autre part, à sa compatibilité avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage définis dans le document de cadrage.
Le premier ministre peut demander aux partenaires sociaux de prendre les mesures nécessaires pour corriger un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et la trajectoire prévue, ou celle que décide le législateur, en modifiant l'accord précédemment agréé. Lorsqu'aucun accord remplissant les conditions du second alinéa de l'article L. 5422-22 n'est conclu, le premier ministre peut mettre fin à l'agrément de l'accord qu'il avait demandé aux organisations concernées de modifier. Les mesures d'application des dispositions législatives régissant l'assurance chômage sont alors déterminées par décret en Conseil d'Etat.
En l’espèce, après que le premier ministre a communiqué le 25 septembre 2018 aux partenaires sociaux ce document de cadrage et que les négociations ont échoué, celui-ci a, par le décret du 26 juillet 2019, abrogé les arrêtés portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage, de ses textes associés et de ses avenants et fixé, en conséquence, les mesures d'application des dispositions législatives régissant l'assurance chômage.
Le Conseil d’État, dans sa décision du 25 novembre 2020 (Voir cette Chronique, novembre 2020, n° 95), a annulé les dispositions du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 relatives au salaire journalier de référence, au motif que ses modalités de calcul portaient atteinte au principe d'égalité, ainsi que celles relatives à la modulation de la contribution des employeurs à l'assurance chômage, au motif de l'illégalité de la subdélégation à un arrêté ministériel de la définition d'éléments déterminants du dispositif. Tirant les conséquences de cette décision, le décret du 28 décembre 2020 a abrogé les dispositions du règlement d'assurance chômage relatives aux différés d'indemnisation et aux règles de cohérence entre les régimes, liées aux dispositions annulées, puis, le décret du 30 mars 2021 a rétabli, en les amendant, les dispositions relatives au salaire journalier de référence, aux différés d'indemnisation, à la modulation de la contribution des employeurs ainsi qu'à la coordination entre les régimes. L’entrée en vigueur de ce texte a été fixée pour l’ensemble des dispositions, sauf celles relatives à la contribution à l'assurance chômage, au 1er juillet 2021, les règles correspondantes issues de la convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 étant prorogées jusqu'au 30 juin 2021.
Par une ordonnance du 22 juin 2021, le juge des référés du Conseil d'Etat, a prononcé la suspension de l'exécution des dispositions relatives à l'entrée en vigueur au 1er juillet 2021 des modalités nouvelles de calcul du salaire journalier de référence et de celles qui en sont indivisibles concernant la durée et les différés d'indemnisation, ceci a conduit le premier ministre, par décret du 29 juin 2021, à maintenir en vigueur jusqu'au 30 septembre 2021 l'application des dispositions de la convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 relatives au calcul de la durée d'indemnisation du salaire journalier de référence et des différés d'indemnisation, à modifier certaines des dispositions du décret du 26 juillet 2019 précité et, enfin, à décider qu’un certain nombre de dispositions des art. 9, 11, 12, 13, 21, 23 et 65 du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 ainsi que les dispositions correspondantes de l'annexe I, du chapitre 2 de l'annexe II, de l'annexe III et du chapitre 1er de l'annexe IX à ce même règlement seront applicables « à une date fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle ».
C’est dans ces conditions, dont la narration qui précède a montré la complexité déroutante, que les organisations professionnelles susnommées ont saisi le juge du référé suspension du Conseil d’État d’une demande de suspension du décret du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage.
Quatre moyens principaux étaient soulevés, ils sont tous rejetés.
Tout d’abord, contrairement à ce qui est soutenu, ne sont pas retenus les moyens tirés de l'irrégularité des consultations opérées : d’une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'avis rendu par la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle en la matière soit subordonné à la transmission, par le Gouvernement, d'une étude d'impact ou d'éléments relatifs à la trajectoire financière ou aux buts poursuivis et, d’autre part, il résulte de la copie de la minute de la section sociale du Conseil d'Etat que le texte publié ne contient pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier.
En deuxième lieu, n’est pas, non plus, retenu le moyen tiré de la caducité du document de cadrage. Les mesures qu’adopte le premier ministre, à défaut d’accord entre les partenaires sociaux, doivent rester compatibles avec les objectifs impartis aux partenaires sociaux pour cette négociation et avec la trajectoire initialement fixée. De plus, le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018, ne saurait être regardé comme frappé de caducité du fait du temps qui s’est écoulé entre la date de sa transmission et la date du décret contesté et du fait, aussi, des changements résultant de la crise sanitaire qui n'a pas permis d'atteindre les niveaux de croissance économique et de baisse du nombre de chômeurs indemnisés prévus annuellement dans le document de cadrage. En effet, il ne résulte pas de l’instruction que les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière et les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage contenus dans le document de cadrage adressé aux organisations intéressées le 25 septembre 2018 soient devenus caducs.
Ensuite, n’est pas jugé pertinent le moyen selon lequel le décret attaqué méconnaîtrait l’ordonnance de référé du 22 juin 2021 en ce qu’il n’aurait pas respecté son caractère exécutoire. Il convient de rappeler que cette ordonnance prononce la suspension de l'exécution des dispositions du décret du 30 mars 2021 « en tant seulement qu'il fixe dès le 1er juillet la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la détermination du salaire journalier de référence » et celles qui en sont indivisibles, ainsi le juge des référés du Conseil d'Etat a estimé, qu' « il ne résulte pas de l'instruction d'éléments suffisants permettant de considérer que les conditions du marché du travail sont à ce jour réunies pour atteindre l'objectif d'intérêt général poursuivi », intérêt que l’ordonnance identifie comme étant celui de « stabilité de l'emploi ». Ainsi, cette ordonnance, qui ne comportait d'ailleurs aucune injonction, n'a pas eu pour objet de priver le gouvernement du pouvoir de fixer, le cas échéant, avant même que le Conseil d'État, statuant au contentieux, se prononce sur la légalité du décret du 30 mars 2021, une nouvelle date d'entrée en vigueur des modalités de calcul du salaire journalier de référence après avoir pris en compte notamment l'évolution des conditions du marché du travail.
Enfin, ne prospère pas davantage l’invocation de l’erreur manifeste d’appréciation que comporterait la fixation de l'entrée en vigueur des modalités de calcul nouvelles du salaire journalier de référence. D’une part, s’agissant des demandeurs d’emploi, les droits à l'allocation de retour à l'emploi ouverts immédiatement à compter du 1er octobre 2021 seront calculés en neutralisant les périodes d'inactivité et en prolongeant la période d'affiliation du nombre de mois affectés par des restrictions sanitaires de telle sorte que l'effet des nouvelles règles se fera sentir à une date à laquelle les périodes de référence des intéressés ne contiendront plus aucune période liée à la crise sanitaire à neutraliser. D’autre part, s’agissant des entreprises, la période d'observation d'un an est entrée en vigueur dès le 1er juillet 2021 de telle sorte qu'au terme de ce délai, les entreprises concernées verseront, à compter du 1er septembre 2022, une contribution calculée en fonction du taux de séparation effectivement constaté sur la période par rapport au taux médian de leur secteur d'activité. Au reste, au vu des différents éléments fournis par la ministre du travail et en dépit du désaccord entre les parties sur l'analyse ou l'interprétation de certaines données, il ne résulte pas de l'instruction que la tendance générale du marché de l'emploi constituerait, à ce jour, un obstacle à la poursuite de la réforme.
(ord. réf. 22 octobre 2021, Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), n° 457300 ; Confédération générale du travail (CGT) et autre, n° 457313 ; Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), n° 457321 ; Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE - CGC), n° 457337 ; Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC) et autres, n° 457343 ; Confédération française démocratique du travail (CFDT) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), n° 457345)
83 - Prévention des risques biologiques – Covid-19 – Cadre applicable fixé par le décret du 16 juillet 2021 – Non-conformité prétendues à des directives européennes - Demande de suspension – Rejet.
Était demandée la suspension de l’exécution du décret n° 2021-951 du 16 juillet 2021 fixant le cadre applicable des dispositions du code du travail en matière de prévention des risques biologiques dans le cadre de la pandémie de SARS-CoV-2 en ce qu’il contreviendrait aux dispositions de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994, de la directive 2000/54/CE du Parlement et du Conseil du 18 septembre 2000 et de la directive (UE) 2020/739 de la Commission du 3 juin 2020 qui ajoute le coronavirus SARS-CoV-2, classé dans le groupe 3 de la classification figurant à l'article 2 de la directive 2000/54.
La requête est rejetée.
La première série de moyens est dirigée contre le non-respect de la directive 2000/54. Aucun de ces moyens n’a convaincu le juge, ni celui fondé sur la méconnaissance des articles 1er, 2 et 18 de la directive relatifs à l'objet de la prévention des risques biologiques et à la classification des agents biologiques, ni celui selon lequel l'évaluation des risques mentionnée au 2° de l'art. 2 du décret contesté ne respecterait pas les exigences de la directive alors que cette évaluation est celle prévue aux art. R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail, qui, précisément, transposent l'art. 3 de la directive 2000/54, pas davantage n’est retenu le non-respect des dispositions combinées des articles 4, 11 et 14 de la directive, qu’il s’agisse de la liste des travailleurs exposés, du suivi médical individuel, des mesures de réduction des risques, des mesures d'information en cas d'accident ou d'incident, ou encore du niveau de protection des travailleurs.
Concernant la directive 94/33, un moyen est soulevé, il repose sur la méconnaissance prétendue de l’art. 7 de la directive 94/33 relative à la protection des jeunes au travail. Il est rejeté motif pris de ce que « Compte tenu du caractère pandémique du coronavirus SARS-CoV-2 auquel est exposée l'ensemble de la population, désormais largement vaccinée, y compris les jeunes de moins de dix-huit ans, l'activité professionnelle des jeunes travailleurs au sein des établissements dont la nature de l'activité habituelle ne relève pas du régime de droit commun de prévention des risques biologiques, ne saurait être regardée comme une affectation à des travaux qui impliquent une exposition nocive aux agents biologiques de groupe 3 au sens de l'article 7 de la directive 94/33. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article 7 n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'article 4 du décret contesté. »
(ord. réf. 27 octobre 2021, Confédération générale du travail (CGT) et autres, n° 457060)
Élections et financement de la vie politique
Comme un long dimanche de fiançailles…
L’épidémie de Covid-19, en provoquant un allongement d’une à quinze semaines (15 mars – 28 juin) de l’intervalle de temps séparant les deux tours de scrutin pour les élections municipales et communautaires tenues en 2020 a son effet sur l’étalement dans le temps de ce contentieux électoral en dépit des efforts des juges pour statuer dans des délais aussi raisonnables que possible.
84 - Élections municipales et communautaires - Griefs divers - Rejet.
Comme dans notre Chronique du mois de septembre 2021 (Voir le n° 52), est proposée ici la lecture de décisions rendues en matière électorale où sont présents de nombreux griefs assez représentatifs de ce type de contentieux comme de l'exercice par le juge de son contrôle et de son office.
(1er octobre 2021, M. M.-E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Béziers, n° 448993)
(85) V. aussi : 5 octobre 2021, Mme G. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Moret-Loing-et-Orvanne, n° 450786.
(86) V. également : 8 octobre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Grand-Bourg, n° 445479.
(87) V. encore : 22 octobre 2021, M. J., Él. mun. et cnautaires de la commune de Réguisheim, n° 446902.
(88) V. enfin : 25 octobre 2021, M. AN. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Chennevières-sur-Marne, n° 451546.
89 - Élections municipales et communautaires - Déclarations de candidature - Absence ou contrefaçon de signatures manuscrites - Irrégularité - Altération de la sincérité du scrutin - Annulation du jugement et des élections.
Après avoir constaté qu'en violation notamment des dispositions des art. L. 264 et L. 265 du code électoral, à l'occasion des élections tenues dans cette commune, il a été constaté que la mention manuscrite figurant sur plusieurs déclarations de candidature des membres d'une liste a été écrite d'une même main et non pas personnellement par chacun des candidats, que cette mention est manquante sur l'une des déclarations, que plusieurs membres de cette liste attestent ne pas avoir rempli de déclaration de candidature et que, lors de son passage au bureau de vote n° 8, une personne, qui figurait sur ladite liste, a indiqué ne pas avoir souhaité y figurer, le Conseil d’État juge irrégulières les conditions de constitution de cette liste.
Ensuite, il convenait de vérifier si cette manoeuvre, dans les circonstances de fait de l'espèce, a altéré la sincérité du scrutin. La réponse est positive en raison du nombre de suffrages obtenu au premier tour de scrutin par cette liste, soit 140 voix, qui était supérieur à l'écart de 24 voix séparant la liste conduite par le protestataire du seuil de 10 % des suffrages exprimés permettant à cette dernière liste de se présenter au second tour de scrutin.
En conséquence, et contrairement à ce qui avait été jugé en première instance, cette manœuvre ayant été de nature à fausser le résultat des élections municipales et communautaires dans cette commune, ces élections sont annulées.
(1er octobre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Savigny-sur-Orge, n° 450756 et n° 453838)
90 - Élections municipales et communautaires - Compte de campagne - Élections tenues en 2020 - Délai ouvert à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour saisir le juge administratif - Absence de forclusion - Rejet.
Le requérant contestait le jugement qui avait rejeté son recours fondé sur ce que le tribunal administratif aurait été saisi par la CNCCFP après expiration du délai légal. Confirmant la solution des premiers juges, le Conseil d’État rappelle en ces termes la computation de ce délai du fait de la loi du 23 mars 2020 dite d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 :
« pour le renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires ayant eu lieu en 2020, dans le cas où l'élection n'a pas été acquise au premier tour et a fait l'objet de contestations devant le juge, qu'il s'agisse des listes de candidats présents seulement au premier tour ou aux deux tours, le délai imparti par l'article L. 52-15 du code électoral à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour saisir le juge de l'élection était de trois mois à compter du 11 septembre 2020. »
Ce délai, présentant le caractère d'un délai franc, a expiré le 12 décembre 2020. Ce jour étant un samedi, il a été prorogé jusqu'au lundi 14 décembre 2020. La CNCCFP ayant saisi le juge le 11 décembre 2020, c'est à bon droit que celui-ci a jugé cette requête recevable.
(1er octobre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Savigny-sur-Orge, n° 450771)
91 - Compte de campagne – Saisine de la juridiction administrative par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) – Appréciation de la gravité du(des) manquement(s) reproché(s) – Non présentation du compte de campagne par un expert-comptable – Manquement délibéré en l’état d’un rappel de la CNCCFP – Rejet.
Son compte de campagne ayant été rejeté par la CNCCFP et ce rejet ayant été confirmé par le tribunal administratif qui lui a infligé une inéligibilité d’une durée de six mois, le requérant saisit le Conseil d’État. Le juge d’appel rejette son recours.
Rappelant l’assouplissement des règles d’examen des irrégularités en matière de compte de campagne introduite par la loi du 2 décembre 2019 (art. L. 118-3 du code électoral) hormis le cas de fraude, le Conseil d’État juge fondés en l’espèce le rejet du compte et l’infliction d’une inéligibilité pour six mois.
Il retient le manquement d’une particulière gravité qui a consisté à ne pas faire présenter son compte par un membre de l’ordre des experts-comptables et comptables agréés, ce qui viole une règle légale de caractère substantiel, à quoi s’ajoute le caractère délibéré du manquement dès lors que la CNCCFP avait expressément rappelé à l’intéressé, dans le cadre de la procédure contradictoire, l’obligation impérative d’une telle présentation.
(7 octobre 2021, M. C., Élections municipales de Longjumeau, n° 450317)
(92) V. aussi, très semblables : 7 octobre 2021, Mme D., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Evry-Courcouronnes, n° 452360 ou encore, s’agissant d’un compte non présenté par un expert-comptable ou un comptable agréé, non régularisé, constitué de pièces disparates et incomplètes, irrégularités entraînant le rejet du compte et l’infliction d’une inéligibilité d’une année : 20 octobre 2021, M. D., Élections municipales de Lifou, n° 451221 ou, plus fort, l’absence pure et simple de dépôt du compte de campagne assortie d’une inéligibilité de six mois : 20 octobre 2021, Mme C., Él. mun. et cnautaires de Monteraut-Fault-Yonne, n° 451436.
(93) V. encore : 7 octobre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Narbonne, n° 453008.
(94) V. également, une décision assez semblable aux précédentes, sauf en ce que le Conseil d’État ramène de 18 mois à 6 mois la durée de l’inéligibilité : 7 octobre 2021, Mme A., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Epinay-sous-Sénart, n° 452403.
(95) Voir : 13 octobre 2021, Mme C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bollène, n° 450489.
(96) Voir, jugeant déposé hors délai un compte de campagne « régularisé » par un expert-comptable et déposé le 25 août alors que la date limite était celle du 18 juillet et qu’à cette date n’avait été déposé qu’un document incomplet qui ne pouvait pas être assimilé à un compte de campagne au sens de la loi : 13 octobre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fresnes, n° 451057.
(97) Voir, à l’inverse, estimant que si l’absence de dépôt du compte de campagne dans le délai légal constitue bien un manquement d’une particulière gravité, la double circonstance de très faibles dépenses (2000,00 euros environ) et de l’absence de caractère délibéré de l’omission en cause, le délai d’inéligibilité, fixé à dix-huit par le tribunal doit être ramené à six mois par le Conseil d’État juge d’appel : 13 octobre 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Lunéville, n° 448760.
98 - Élections municipales – Bulletins comportant plus de noms que de candidats à élire – Mauvaise orthographe du nom de l’un des candidats d’une liste – Erreur simplement matérielle sans incidence – Prise en compte de ces bulletins pour les autres candidats – Non prise en compte pour le calcul des suffrages exprimés – Confusion – Faible écart des voix d’élus – Confirmation de l’annulation des opérations électorales – Rejet.
Lors du dépouillement d’un scrutin municipal sept bulletins, sur lequel le nom de l’un des candidats comportait une erreur orthographique par rapport à celui figurant sur la déclaration de candidature en préfecture, ont été annulés en ce qui concerne ce candidat, retenus comme valides pour les autres candidats y figurant mais non pris en compte pour le calcul des suffrages exprimés.
Le juge constate que l’erreur matérielle d’orthographe avait été sans incidence sur la sincérité du scrutin, l’intéressé étant bien inscrit sur la liste électorale et aucun risque de confusion ou d’homonymie n’existant.
Ensuite, l’imbroglio né du traitement contradictoire des bulletins litigieux, au nombre de sept, et alors que plusieurs candidats ont été proclamés élus avec un nombre de suffrages, compris entre 113 et 115, qui ne dépasse pas la majorité absolue une fois réintégrés les sept bulletins invalidés à tort, conduit à juger altérée la sincérité du scrutin.
L’annulation des deux tours de scrutin prononcée en première instance est confirmée.
(13 octobre 2021, Mme AE., Élections municipales de Cons-la-Grandville, n° 445838)
99 - Élections municipales et communautaires - Élément nouveau de polémique électorale – Courriel de l’ancien maire aux 58 agents municipaux de la commune – Courriel envoyé le 13 mars à 16h51, le scrutin se tenant le 15 mars - Faible écart des voix – Altération de la sincérité du scrutin - Annulation du jugement contraire.
Est jugé comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin l’envoi par le maire sortant qui ne se représentait pas, le vendredi 13 mars à 16h51, à cinquante-huit agents municipaux, sur leur messagerie professionnelle, d’un courriel dans lequel il remettait en cause l'intérêt que portaient les membres d’une liste de candidats aux élections municipales à leurs conditions de travail et incitait les agents à voter en faveur d’une autre liste.
Le caractère d’élément nouveau de polémique électorale, la tardiveté de sa présentation et le faible écart de voix entre les listes conduisent le Conseil d’État, contrairement à ce qui avait été jugé en première instance, à annuler le scrutin qui s’est tenu le 15 mars 2021 dans cette commune.
(13 octobre 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villerupt, n° 448534)
(100) V. aussi, confirmant le jugement annulant des opérations électorales, la décision qui vise l’apparition tardive et sans possibilité de répliquer de deux éléments nouveaux de polémique électoral conduisant à mettre en doute la probité de la tête d’une liste : 13 octobre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Mèze, n° 450996.
101 - Élections municipales – Irrégularités diverses alléguées – Courriers ne constituant pas une campagne de promotion publicitaire – Mais courriers de nature à altérer la sincérité du scrutin concernant l’attribution d’un siège – Rejet.
On retiendra de cette longue et importante décision, d’ailleurs rendue en chambres réunies, ce qui n’est pas si fréquent en contentieux électoral, le point suivant.
Le tribunal administratif et le Conseil d’État étaient, notamment, saisis du grief fondé sur ce qu’un courrier avait été adressé le 9 juin 2021 par la présidente de l'office public de l'habitat de la collectivité de Corse aux 174 locataires de la résidence Saint-Antoine à Bastia, annonçant de nouveaux travaux permettant une rénovation intégrale de leurs logements qui débuteraient à la fin de l'année 2021 et sur ce que dans un second courrier, du 15 juin 2021, elle a présenté à l'ensemble des locataires de l'office, dont plus de 2 000 résident à Bastia, les réalisations qu'elle avait accomplies depuis sa prise de fonctions ainsi que ses projets. Les protestataires estimaient que ces courriers constituaient une campagne de promotion publicitaire des réalisations d'une collectivité au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral, donc prohibée.
Les juges estiment, d’une part, qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une promotion publicitaire prohibée par l’art. L. 52-1, mais, d’autre part, que dans les circonstances de fait de cette espèce, ces courriers ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin en ce qui concerne l'attribution du 43ème siège de conseiller en raison de ce qu’il aurait suffi à une certaine liste, sur les 13 629 suffrages exprimés au second tour, d’obtenir 50 voix de plus (soit 0,0037%) pour se voir attribuer le siège dévolu à une autre liste le soir du scrutin.
Est donc confirmée l’annulation de l’attribution de ce siège.
On peut trouver cette solution passablement subtile mais il est vrai qu’elle concerne des habitués du prétoire du juge administratif en matière de contentieux électoral…
(14 octobre 2021, M. AL. et autres, Élections municipales de Bastia, n° 450396 ; M. BK., Élections municipales de Bastia, n° 450419)
102 - Élections municipales et communautaires – Émargements irréguliers – Retranchement du nombre des voix de la liste arrivée en tête – Écart de six voix en sa faveur – Annulation du jugement ayant annulé le second tour de scrutin.
Voilà encore une affaire qui constitue un florilège des moyens qu’invoquent des protestataires au soutien de leurs demandes d’annulation de scrutins.
Le tribunal administratif avait relevé l’irrégularité de dix signatures portées sur la liste d’émargement et, en conséquence, annulé les opérations électorales puisque le retranchement de celles-ci du nombre de voix obtenu par la liste arrivée en tête ne permettait plus à cette liste d’avoir la majorité absolue des suffrages exprimés.
Procédant à une analyse minutieuse des faits, le Conseil d’État ne retient comme suspects que deux émargements. Par suite, la liste arrivée en tête représentait toujours la majorité absolue des suffrages exprimés. Le jugement est annulé, les innombrables autres moyens des protestataires étant tous rejetés.
(4 octobre 2021, M. J. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Paul-de-Vence, n° 446953)
103 - Élections municipales et métropolitaines – Pressions sur les électeurs – Faible écart des voix – Interventions de nature à fausser les résultats du scrutin – Confirmation de l’annulation prononcée en première instance – Rejet.
Le juge d’appel confirme l’annulation prononcée par le tribunal administratif des deux tours de scrutin tenus dans une commune en vue de l’élection de conseillers municipaux et métropolitains en raison de pressions sur les électeurs de nature à fausser les résultats du scrutin compte tenu du faible écart des voix. En effet, d’une part, des partisans d’une liste se sont rassemblés à l'entrée et aux abords de deux bureaux de vote en interpellant les électeurs afin de les inciter à voter pour cette liste, nécessitant dans un cas l'intervention de la police municipale, et, d’autre part, une manifestation publique de soutien pour cette liste a même eu lieu à l'intérieur d'un bureau de vote.
C’est bien connu, « Quand les bornes sont franchies il n’y a plus de limites. »
(20 octobre 2021, M. D., Él. mun et métropolitaines de la commune de Givors, n° 450297)
104 - Élections municipales et communautaires – Rejet du compte de campagne et inéligibilité – Caractère minime des dépenses non comptabilisées – Absence de manœuvre frauduleuse – Annulation du jugement.
Avec sagesse le Conseil d’État annule le jugement de première instance qui, se fondant sur les dispositions de l’art. L. 52-12 du code électoral, a prononcé une inéligibilité d’une année à l’encontre d’une candidate qui n’avait pas intégré dans son compte de campagne (dont le total s’élevait à 28 952 euros) des dépenses (location d’un minibus pour un déplacement entre les lieux de deux manifestations à l’intérieur de la commune et achat de 50 petites bouteilles d’eau) pour un total de 78 euros.
En l’absence de manœuvre, la modicité de la somme omise ne justifiait ni le rejet du compte ni la sanction de l’inéligibilité.
(20 octobre 2021, Mme G., Él. mun. et cnautaires de la commune de Romans-sur-Isère, n° 450393 ; M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Romans-sur-Isère, n° 450591)
(105) V. aussi, la décision validant le rejet d’un compte de campagne où les paiements effectués hors mandataire financier représentaient les deux tiers du montant total des dépenses déclarées et confirmant le prononcé d’une inéligibilité d’une année : 20 octobre 2021, M. F., Élections municipales de Bussy-Saint-Georges, n° 451155.
106 - Élections municipales et communautaires – Période d’épidémie de Covid-19 – Conclusion d’une convention de partenariat entre une association présidée par une tête de liste et des commerces alimentaires - Distribution de colis alimentaires dans les quartiers éloignés du centre – Absence d’utilisation à des fins de propagande électorale – Confirmation du jugement de rejet.
Dans le contexte d’une grave épidémie, la conclusion d’une convention de partenariat entre une association présidée par une tête de liste aux élections à venir et des commerces alimentaires en vue de la distribution de produits de première nécessité tels que pain, fruits et légumes, n’a pas revêtu la forme d’une opération de promotion publicitaire ni, non plus, celle de dons ou libéralités en vue d’influencer les électeurs.
Le juge d’appel, en conséquence, confirme le jugement de première instance rejetant la demande d’annulation des opérations électorales.
(20 octobre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Louis, n° 452053)
107 - Élections municipales – Distribution de « paniers gourmands » - Distribution à des personnes absentes du « repas des anciens » - Distribution habituelle et au prix analogue aux précédentes distributions – Absence d’altération de la sincérité du scrutin – Annulation du jugement en sens contraire.
Contrairement à ce qui avait été estimé par le tribunal administratif pour prononcer l’annulation de l’élection du requérant, le Conseil d’État considère comme n’ayant pas altéré la sincérité du scrutin la circonstance que, comme les années précédentes, dans les mêmes conditions et à un prix voisin, aient été distribués entre le 8 et le 21 février 2020, pour un montant de 438 euros, douze « paniers gourmands » à trois employés municipaux et neuf personnes âgées de plus de 71 ans qui n’avaient pas pu prendre part au « repas des anciens » du 19 janvier 2020.
C’est à tort que les premiers juges ont, pour ce seul motif, annulé l’élection du protestataire.
(20 octobre 2021, M. D., Élections municipales de Thorame-Basse, n° 445771)
108 - Élections municipales et communautaires - Demande du protestataire de communication de documents avant l’expiration du délai de recours contentieux en vue d’établir ses griefs - Irrecevabilité des griefs formulés après expiration du délai de recours contentieux – Rejet.
On pourra trouver sévère la solution, confirmative du jugement de première instance, qui déclare irrecevables des griefs formulés après l’expiration du délai de recours contentieux alors même que leur auteur, en vue d’établir ces moyens, a sollicité la communication de documents administratifs avant l’expiration de ce même délai.
Cette position, qui peut s’autoriser d’un souci de célérité du contentieux électoral, nous paraît précisément aggravée du fait de la brièveté du délai de cinq jours ouvert pour saisir le juge.
(22 octobre 2021, Mme H., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Aubusson, n° 445872).
109 - Élections régionales – Second tour - Utilisation de machines à voter – Acheminement défectueux des professions de foi et des bulletins de vote – Rejet.
Saisi de plusieurs recours dirigés contre le déroulement du scrutin en vue de l’élection des membres du conseil régional des Pays de Loire, le Conseil d’ans letat, qui est juge en premier et dernier ressort du contentieux de ces élections, rejette les deux griefs des protestataires.
En premier lieu est rejeté le moyen tiré de ce que l’utilisation de machines à voter aurait altéré la sincérité du scrutin du bureau de vote n° 84 de la commune du Mans car il n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En second lieu, est écarté le moyen tiré de ce qu’un nombre significatif d’électeurs n’aurait pas reçu les documents électoraux (circulaire et bulletins de chacune des listes) car, tout d’abord, ce dysfonctionnement, à le supposer établi, aurait affecté de façon semblable toutes les listes en présence, ensuite parce que l’écart entre les listes figurant au second tour a été très important et, enfin, du fait que la première liste non qualifiée à ce second tour a obtenu moins de 3% des suffrages exprimés.
(26 octobre 2021, Mme K., Élection des membres du conseil régional des Pays de la Loire, n° 454007 ; M. N., n° 454038 ; Mme M., n° 454081 ; MM. Bernard, Jean-Paul et Jean-Pierre Cureau, n° 454626 ; M. S., n° 454369 ; Mme Cécile S., n° 454370 ; M. G., n° 454623 ; M. M., n° 455037)
110 - Élections municipales – Erreur sur le nombre de conseillers municipaux à élire – Bulletins comportant plus de noms que de sièges à pourvoir – Condition de validité – Rejet.
Le nombre de conseillers municipaux d’une commune est déterminé par le chiffre de sa population. Pour calculer ce chiffre, précise cette décision et c’est ce qui fait son importance, il faut prendre en compte la seule population municipale à la dernière valeur authentifiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques avant l’élection, à l'exclusion de la population dite « comptée à part » (cf. art. L. 2151-1 CGCT). La population totale d’une commune est constituée par l’addition de la population authentifiée par l’INSEE et de la population « comptée à part ».
En l’espèce, la population totale de la commune était de 506 habitants et la population authentifiée de 498. Se fondant par erreur sur le premier de ces chiffres, il avait été considéré que devaient être élus quinze conseillers alors que ce chiffre était en réalité de onze au vu de la population authentifiée.
72 bulletins comportaient quinze noms pour un effectif maximum de onze conseillers à élire. Le requérant en demandait l’annulation.
Le juge rappelle qu’en ce cas c’est l’ordre de classement des candidats sur le bulletin qui doit être retenu ; ici il convenait donc de ne tenir compte que des onze premiers noms figurant sur chaque bulletin peu important que ces noms ne soient pas numérotés dès lors qu’ils étaient disposés sur une seule colonne.
L’appel contre le jugement est rejeté.
(28 octobre 2021, M. AK., Élections municipales d’Abbécourt, n° 446038)
111 - Élections municipales et communautaires – Candidat au second tour se présentant en mairie hors délai pour y déposer les documents électoraux – Non présentation du compte de campagne par un expert-comptable – Rejet des requêtes.
Le requérant appelant contestait deux jugements rendus en première instance.
Tout d’abord, il estimait qu’était une manœuvre de nature à altérer le scrutin du second tour des élections municipales et communautaires la circonstance que la commission de propagande ait refusé de transmettre aux électeurs ses documents de campagne. Le Conseil d’État rejette la critique en raison de ce que l’appelant s’était présenté en mairie après expiration de l’heure limite fixée pour le dépôt des candidatures sans disposer des bulletins de vote et de la circulaire devant être adressés aux électeurs. Sa protestation contre le jugement ayant annulé les opérations électorales est donc rejetée.
Ensuite, n’ayant pas fait présenter son compte de campagne par un expert-comptable et n'ayant pas ouvert de compte bancaire pour recevoir les recettes et régler les dépenses afférentes à sa campagne électorale au motif, inexact, qu’il se serait heurté à des refus de la part des banques sollicitées pour l'ouverture d'un compte bancaire, alors pourtant qu'il a comptabilisé au titre de ses recettes plusieurs chèques de donateurs, il ne saurait se plaindre de la sanction d’inéligibilité de dix-huit mois infligée en première instance.
(29 octobre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villiers-le-Bel, n° 451457)
112 - Élections des conseillers de Paris et des conseillers d’arrondissement – Propagande prohibée – Avantage prohibé – Absence – Rejet.
Est confirmé le rejet, en première instance, des moyens soulevés par le protestataire à l’appui de son recours en annulation d’opérations électorales organisées en vue de l’élection des conseillers de Paris et des conseillers du 5ème arrondissement.
La diffusion, au demeurant habituelle, de numéros du « Journal du 5eme arrondissement », qui ne sont pas des documents de propagande électorale, n’a pas revêtu, au profit de Mme C., le caractère d’avantages en nature prohibés.
Pas davantage ne peut être tenue pour une opération de propagande électorale la mise à disposition de masques de protection par la Ville de Paris et la région Île-de-France tout comme le contenu d’une brochure de la caisse des écoles du 5ème arrondissement diffusée en octobre 2019.
Enfin, l’utilisation du fichier des parents d’élèves des écoles de l’arrondissement pour les informer le 5 mai 2020 des mesures sanitaires mises en place pour garantir la protection des élèves à quelques jours de la réouverture des écoles, ne saurait constituer un avantage en nature consenti au profit à la maire sortante de l’arrondissement.
(29 octobre 2021, M. B., Élections au conseil de Paris, n° 450886)
113 - Élections municipales et communautaires – Élément nouveau de polémique électorale – Termes d’une grande gravité excédant les limites de la polémique électorale – Impossibilité d’y répondre utilement – Faible écart des voix – Annulation du scrutin confirmée.
Confirmant l’annulation du scrutin prononcée par les premiers juges, le Conseil d’État relève « qu'au cours des journées des jeudi 25 et vendredi 26 juin, des tracts mettant gravement en cause la probité du maire sortant, ont été largement diffusés et ont en outre été repris dans la journée du vendredi 26 juin ainsi que le samedi 27 juin sur les comptes Facebook de deux associations de soutien à la liste conduite par M. D. La diffusion de tels éléments dont les termes excédaient les limites de la polémique électorale et, à un moment de la campagne où, compte tenu de leur nouveauté et de leur gravité, il n'était plus possible d'y répondre utilement, a été constitutive d'une manœuvre qui, eu égard au très faible écart de voix à l'issue du scrutin, a été de nature à en altérer la sincérité ».
L’appel est rejeté.
(29 octobre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Martin-du-Tertre, n° 446828)
114 - Élections municipales et communautaires – Appel incident – Voie de droit inexistante en contentieux électoral – Irrecevabilité – Rejet.
L’appel incident n’étant pas ouvert en contentieux électoral il est donc irrecevable. Comme, en outre, l’appel incident est normalement formé après expiration du délai d’appel et que l’appel incident doit être requalifié ici d’appel ordinaire, il est entaché de forclusion.
(22 octobre 2021, M. T., Él. mun. et cnautaires de la commune de Mainvilliers, n° 450655)
Environnement
115 - Conventions et traités internationaux - Dispositions invocables ou non - Distinction entre dispositions d'effet direct et dispositions sans effet direct - Régime de l'exception d'inconventionnalité - Traités européens - Régime de l'invalidité d'actes de l'Union au regard du droit de l'Union - Compétence du juge national pour rejeter une action ou une exception en invalidité mais non pour l'admettre - Rejet.
(6 octobre 2021, Associations Pour Rassembler, Informer et Agir contre les Risques liés aux Technologies ElectroMagnétiques (PRIARTEM) et Agir pour l'environnement, n° 446302 et n° 446494 ; Mme D. et autres, n° 446643 ; M. O. et autres, n° 452518, n° 452520, n° 452522 et n° 452524)
V. n° 140
116 - Chasse – Tenderies aux grives et aux merles noirs – Capture de l’alouette des champs au moyen de matoles ou de pantes - Capture des vanneaux et pluviers dorés – Arrêtés reprenant des dispositions d’arrêtés antérieurs annulés par le juge – Arrêtés pris sur le fondement d’actes réglementaires illégaux – Suspension ordonnée.
Cette décision est un nouvel épisode d’un feuilleton répétitif et agaçant.
Les deux requérantes demandaient la suspension de huit arrêtés ministériels du 12 octobre 2021 autorisant, dans divers départements, la chasse par tenderies aux grives et aux merles noirs, la capture de l’alouette des champs au moyen de matoles ou de pantes ainsi que la capture des vanneaux et pluviers dorés.
Ces arrêtés reprennent à l’identique, pour la campagne de chasse 2021-2022, les dispositions contenues dans les arrêtés antérieurs ouvrant les campagnes des années précédentes. Or ces arrêtés ont été annulés par le Conseil d’Etat pour contrariété aux dispositions des articles 8 et 9 de la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « Oiseaux »). En effet, ils usaient d’une dérogation permise par ce texte sans en respecter les conditions en se bornant à invoquer le caractère traditionnel des méthodes de chasse ainsi autorisées.
Il est jugé ici, la condition d’urgence étant, à l’évidence, satisfaite, que « Si la ministre de la transition écologique soutient que les arrêtés litigieux, par leur motivation, ne se borneraient pas à invoquer l'usage traditionnel des modes et moyens de chasse mais détaillerait les motifs qui conduisent à regarder les quotas de prélèvement retenus comme répondant aux exigences posées par l'article 9 de la directive, le moyen tiré de ce que ces arrêtés auraient été pris sur le fondement de dispositions réglementaires illégales est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur sa légalité. »
Il serait temps que l’État, pris en la personne d’une ministre qui a – apparemment - charge de l’environnement cesse, si l’on ose l’expression, de jouer au chat et à la souris avec les associations protectrices des oiseaux, sous l’œil d’un Conseil d’État donnant dans ce énième épisode de « Titi et Grosminet » toujours raison à Titi, le petit canari : où la réalité rejoint la fiction…
(ord. réf. 25 octobre 2021, Association One Voice, n° 457535, n° 457536, n° 457538, n° 457542, n° 457545, n° 457547, n° 457549, n° 457551 ; Ligue pour la protection des oiseaux, n° 452540, n° 457543, n° 457546, n° 457550, n° 457553, n° 457572, n° 457573)
117 - Autorisation d’implantation d’éoliennes et d’un poste de livraison – Préfet auteur de l’avis en qualité d’autorité environnementale et autorité compétente pour délivrer permis de construire et autorisation – Absence d’autonomie et d’indépendance objective – Erreur de droit – Annulation.
Il est bien connu que la directive du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'étude d'impact des projets, publics ou privés, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant qu’une autre ne statue sur une demande d'autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Spécialement, s’agissant de l’art. 6 de cette directive, ici en cause, une interprétation restrictive – et au demeurant justifiée – en est donnée par la CJUE (Pour la décision de principe, voir : 20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10).
La cour administrative d’appel avait, d’une part, relevé que le préfet de région était à la fois l'auteur de l'avis rendu le 4 avril 2013 en qualité d'autorité environnementale et l'autorité compétente qui a délivré les permis et autorisation attaqués et que l'avis ainsi émis par le préfet de région n'avait pas été rendu par une autorité disposant d'une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité, et, d’autre part, estimé que l'avis résultait d'une analyse précise, critique et indépendante du dossier et qu'il mettait en exergue aussi bien les lacunes que les qualités du dossier.
Le Conseil d’État casse l’arrêt en jugeant : « En en déduisant que, dans les circonstances de l'espèce, l'avis, versé au dossier d'enquête publique, qui avait pourtant été rendu dans des conditions qui méconnaissaient les exigences de la directive, avait permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération et que son irrégularité n'avait pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit. »
Il nous semblerait plus juste d’apercevoir dans cette rédaction de l’arrêt d’appel et dans cette présentation du fait et du droit une véritable contradiction de motifs car la directive ayant pour objet la correcte information de la population, il ne saurait être dit, en même temps et sous le même rapport, qu’il y a non-respect des exigences propres à assurer une correcte information et cependant qu’il y a eu une correcte information.
(28 octobre 2021, Commune de Pellevoisin et autres, n° 442828)
(118) V. aussi, appliquant également l’art. 6 de la directive précitée telle qu’interprétée par la Cour de Luxembourg et annulant le refus implicite opposé à la demande de l’association requérante en tant seulement qu'il la rejette en vue de l'adoption de toute mesure réglementaire pour soumettre à évaluation environnementale les plans d'exposition au bruit concernant les aérodromes qui ne sont pas mentionnés au I de l'article 1609 quatervicies A du CGI avec injonction de soumettre ces plans à une telle évaluation sous quatre mois : 28 octobre 2021, Association de défense contre les nuisances aériennes, n° 447123.
État-civil et nationalité
119 - Déchéance de la nationalité française (art. 25 et 25-1 Code civil) - Commission d'actes de terrorisme - Condamnation par le juge pénal pour financement d'une entreprise de terrorisme et appartenance à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme - Motivation suffisante - Sanction non disproportionnée - Absence d'atteinte disproportionnée à la vie privée - Rejet.
Le décret infligeant la sanction de la déchéance de la nationalité française à un individu condamné définitivement par le juge pénal pour terrorisme (participation à une entreprise de financement du terrorisme et à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes) n'est pas illégal - en dépit du fait qu’il ait été pris plus de quinze ans après les faits - dès lors, 1°, qu'il est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'art. 61 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, 2°, que, eu égard à la gravité des faits, il n'est pas disproportionné et, enfin, 3°, qu'il ne porte pas, non plus, une atteinte disproportionnée à sa vie privée.
(6 octobre 2021, M. A., n° 446945)
120 - Réfugiés – Demande d’extrait d’acte de naissance – Refus de l’Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – Saisine du tribunal administratif - Transmission de la demande au Conseil d’État – Incompétence – Compétence des juridictions de l’ordre judiciaire – Rejet.
Le requérant avait attaqué devant le tribunal administratif le refus de l’OFPRA de lui délivrer un extrait d’acte de naissance, le président du tribunal a transmis la requête au Conseil d’État.
Celui-ci la rejette au visa de l’art. 2 du décret du 6 mai 2017 relatif à l'état civil selon lequel : « Les personnes habilitées auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à exercer les fonctions d'officier de l'état civil sont, dans le cadre de ces activités, placées sous le contrôle du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris ».
Il juge logiquement que l’activité de l’OFPRA, s’agissant de la délivrance de certificats tenant lieu d’actes d’état civil, est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, d’où il résulte que les litiges y relatifs ressortissent à la compétence des juridictions judiciaires.
Portée devant une juridiction incompétente pour en connaître le présent recours est rejeté.
(28 octobre 2021, M. H., n° 453810)
Étrangers
121 - Demandeur d’asile – Convocation au siège de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) – Demande de prise en charge du transport en vue de se rendre au lieu de la convocation – Rejet.
On retiendra parmi les motifs de rejet d’un référé liberté, tous approuvés par le Conseil d’État, qu’aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à l'Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) de prendre en charge le déplacement pour se rendre au siège de l'OFPRA des personnes qui ne bénéficient pas des conditions matérielles d'accueil.
(5 octobre 2021, M. A., n° 457186)
122 - Syrien demandeur d’asile en France – Personne ayant obtenu la protection subsidiaire en Espagne – Octroi de la protection subsidiaire en France – Absence de vérification du sort de la décision espagnole – Erreur de droit – Annulation.
Un ressortissant syrien qui a obtenu la protection subsidiaire en Espagne, demande l’octroi de cette protection en France motif pris de ce qu’il se serait désisté de sa demande auprès des autorités espagnoles ; cette protection, refusée par l’OFPRA qui l’a jugée irrecevable d’autant que l’Espagne est un État membre de l’Union, est cependant accordée par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La décision de cette dernière est attaquée par l’OFPRA et elle est annulée par le Conseil d’État. Celui-ci reproche à la cour de ne s’être pas prononcée sur l’irrecevabilité opposée à cette demande par l’OFPRA en n’examinant pas, comme elle y était pourtant tenue, si l'intéressé bénéficiait de la protection subsidiaire en Espagne ou si cette dernière n'était pas effective. Il lui incombait donc de vérifier la réalité du désistement allégué de cette dernière protection.
(14 octobre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 444469)
123 - Reconnaissance de la qualité de réfugié – Demande de révision pour fraude – Computation du délai de révision – Erreur de droit – Annulation.
Le juge de cassation rappelle que quel que soit le service chargé, au sein de l'OFPRA, de constater une fraude, d'engager une procédure de fin de protection et d'exercer un recours en révision devant la Cour nationale du droit d’asile, ces actions sont exercées au nom de l'Office. Par suite, cette Cour commet une erreur de droit en jugeant que la computation du délai dans lequel devait être introduit un recours en révision avait commencé à courir à la date à laquelle la division des affaires juridiques européennes et internationales de l’OFPRA avait reçu le courriel de la préfecture, au motif que cette division était « le seul service de l'Office compétent pour caractériser une fraude ».
(20 octobre 2021, M. B. c/ Cour nationale du droit d’asile, n° 439097)
124 - Ressortissant afghan - Demande d’asile – Transfert aux autorités allemandes saisies précédemment de cette demande – Obligation pour le préfet de s’assurer de l’absence de risque de renvoi en Afghanistan – Présomption de défaillances systémiques en Allemagne – Erreur de droit – Annulation sans renvoi (règlement de l’affaire au fond, art. L. 821-2 CJA)
Un ressortissant afghan demande l’asile politique en France après l’avoir demandé en Allemagne ainsi que l’avait révélé la consultation du fichier « Eurodac ». Le préfet, appliquant les dispositions de l’art. 18.1 d) du règlement européen du 26 juin 2013, a décidé, avec l’accord des autorités allemandes, le transfert de ce ressortissant vers l’Allemagne. Sur recours de ce dernier, une cour administrative d’appel annule l’arrêté de transfert en se fondant sur ce que le préfet n’avait pas vérifié auprès des autorités allemandes que l'intéressé ne courrait aucun risque de renvoi en Afghanistan. Ce jugeant, elle appliquait les dispositions du 2 de l’art. 3 du règlement européen précité qui régissent l’hypothèse de défaillances systémiques dans la procédure d’asile en Allemagne.
L’arrêt est cassé au motif, évident, que la cour ne développe aucune raison sérieuse de croire qu’existent en Allemagne des risques de défaillances systémiques en cette matière et aussi en raison de ce que l’intéressé lui-même ne faisait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Allemagne à des traitements inhumains ou dégradants.
Usant de la procédure de l’art. L. 821-2 du CJA, le juge de cassation se prononce lui-même au fond.
(20 octobre 2021, M. A., n° 443306)
125 - Mesure d’éloignement d’étrangers – Obligation de quitter le territoire français – Atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale (art. 8 Convention EDH) – Annulation sans renvoi, le Conseil d’État statuant au fond.
Qualifie inexactement les faits de l’espèce, l’arrêt qui juge que ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale normale, prévue à l’art. 8 de la Convention EDH, la décision d’éloignement du territoire français (OQTF) d’un couple et de leur fille alors que cette dernière, sourde-muette comme ses parents, a fait l'objet d'une violente agression à l'arme blanche en Ukraine en 2016, à l’âge de 15 ans, agression à la suite de laquelle la protection subsidiaire lui a d'ailleurs été octroyée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile. En effet, si elle a engagé une formation en France, où elle bénéficie également d'un suivi social et psychologique, cette fille souffrait, à la date de la décision attaquée, de séquelles psychologiques résultant de ces événements, que la présence de ses parents permettait seule d'atténuer.
Statuant au fond (cf. art. L. 821-2 CJA), le juge de cassation fait injonction au préfet de réexaminer la demande de l'intéressée tendant à la délivrance d'un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.
(25 octobre 2021, Mme A. épouse D. et M. D., n° 446527)
126 - Étranger demandeur d’un titre de séjour – Obligation de quitter le territoire français (OQTF) – Mainlevée d’une rétention administrative – Absence d’effet sur l’arrêté portant OQTF – Atteinte au droit à une vie privée et familiale normale – Suspension de l’arrêté attaqué ordonnée.
Le juge du référé liberté était saisi en appel du recours d’un ressortissant comorien dirigé contre un arrêté préfectoral portant OQTF et sollicitant également que lui soit délivré un récépissé portant la mention « vie privée et familiale » et l'autorisant à travailler.
Sur la motivation, le jugement du tribunal administratif est annulé pour erreur de droit en ce qu’il a rejeté la requête en se fondant sur le motif que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mamoudzou avait prononcé le 16 septembre 2021, postérieurement à la saisine du juge des référés du tribunal administratif, la mainlevée de la rétention administrative dont M. D. faisait l'objet par un arrêté préfectoral du 15 septembre 2021.
Cette mainlevée est par elle-même sans effet sur le caractère exécutoire de l'arrêté d'éloignement du même jour, seul objet de la demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du CJA. Il est, par ailleurs, constant que cet arrêté n'avait pas été rapporté à la date de l'ordonnance attaquée.
Au reste, si cette ordonnance se réfère à la « pratique administrative constante » consistant en ce que le préfet renonce à la mise à exécution de la mesure d'éloignement dès lors que l'autorité judiciaire prononce la mainlevée de la mesure de rétention administrative, cette circonstance, à la supposer même établie, est sans effet sur le caractère exécutoire de l'arrêté en litige.
Sur le fond, le juge des référés du Conseil d’État estime que, dans les circonstances de l’espèce, l’arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale au doit du demandeur de mener une vie privée et familiale normale, qui constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 CJA, alors qu’il est père de six enfants qu’il a eus de son épouse, laquelle dispose d’un titre de séjour en raison d’un enfant qu’elle a eu, né d’un père français, entre le 3ème et le 4ème enfant nés du requérant, qu’il a une vie commune continue avec cette dernière depuis douze années et participe à l’entretien de ces enfants, notamment à leurs frais de scolarité.
(ord. réf. 19 octobre 2021, M. D., n° 456948)
127 - Demande de visa d’entrée sur le territoire français – Refus – Recours en référé porté directement devant le Conseil d’État – Irrecevabilité manifeste – Rejet.
(ord. réf. 18 octobre 2021, M. B., n° 457448)
V. n° 37
128 - Étranger père d’un enfant français – Algérien - Refus de renouvellement du certificat de résidence « vie privée et familiale » - Absence de soumission à la commission du titre de séjour - Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 – Non-examen de son article 6 – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit l’arrêt d’appel infirmatif jugeant que le préfet a pu à bon droit refuser le renouvellement du certificat de résidence que lui demandait un ressortissant algérien père d’un enfant français sans avoir à saisir la commission du titre de séjour, alors qu’il lui incombait de rechercher si, à raison de sa nationalité, l’intéressé remplissait effectivement, ou non, les conditions de l’art. 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
(28 octobre 2021, M. L., n° 441708)
Fonction publique et agents publics
129 - Fonctionnaire de La Poste - Carrière active - Départ en retraite anticipée pour invalidité - Absence de droit au bénéfice de l'allocation spéciale de fin de carrière (ASFC) - Erreur de droit - Annulation sans renvoi (règlement de l'affaire au fond).
Pour tenir compte de ce que les fonctionnaires de La Poste ayant eu une carrière dite "active" partent plus tôt à la retraite et, de ce fait, ne bénéficient pas d'une retraite à taux plein, il leur est allouée lors de ce départ une allocation spéciale de fin de carrière (ASFC).
Toutefois, lorsque le départ à la retraite d'un agent ayant eu une carrière active est motivé par une invalidité, il ne donne pas lieu au versement de cette allocation spéciale.
Un agent a contesté, avec succès, devant un tribunal administratif, dont le jugement a été confirmé en appel, ce non-versement.
La Poste s'est pourvue et le Conseil d’État lui donne raison en relevant que la différence de traitement qui résulte, pour des agents ayant accompli des services relevant de la catégorie active, selon le motif et les conditions de départ à la retraite, est en rapport direct avec l'objet de la mesure et qu'elle est ainsi légale contrairement à ce qu'avait jugé l'arrêt d'appel confirmatif.
Usant de la procédure de l'art. L. 821-2 du CJA, le juge de cassation, après annulation de l'arrêt critiqué, se prononce au fond et donc sans renvoyer à la cour.
(6 octobre 2021, Société La Poste, n° 437642)
130 - Personnel des chambres de commerce et d’industrie – Suppression de poste – Indemnité de départ - Régimes différents d’indemnisation selon la situation de l’agent au regard de la pension de retraite – Différence poursuivant un objet légitime non disproportionnée – Rejet.
Le requérant, agent d’une chambre de commerce et d’industrie, est licencié par suite de la suppression de son poste. Il conteste l’application qui lui a été faite des dispositions de l’art. 35-2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie. Selon ce texte, en cas de licenciement par suppression de poste il est distingué selon que l’agent licencié peut ou non bénéficier du versement d'une pension de retraite à taux plein du régime général de la sécurité sociale.
Dans le premier cas, il n’a droit qu’à l'allocation de fin de carrière, dont le montant ne peut excéder quatre mois de rémunération mensuelle indiciaire brute. Dans le second cas, il a droit à l'indemnité de licenciement pour suppression d'emploi, dont le montant est d'au moins un mois de rémunération par année d'ancienneté.
Le requérant estime cette distinction contraire aux dispositions de l’art. 1er de la loi du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, transposant la directive du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Selon ce texte, en matière de travail et d'emploi, une différence de traitement liée à l'âge n'est légale que si elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.
Pour juger que la disposition litigieuse du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ne contrevient pas aux exigences de la loi et de la directive, le Conseil d’État recherche la raison de l’existence d’une dualité de régime d’indemnisation en cas de licenciement par suite de suppression d’emploi.
Cette distinction est incontestablement liée à l’âge, puisque pour obtenir une pension de retraite à taux plein du régime général de la sécurité sociale il faut nécessairement avoir atteint l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite.
Cependant, cette distinction poursuit un objectif légitime dans la mesure où il est justifié que l’allocation de l'indemnité de licenciement pour suppression d'emploi ne soit pas versée à des agents disposant d’une retraite à taux plein et qui n’ont, par suite, pas vocation à rester sur le marché du travail, en revanche, en l’absence du bénéfice d’une retraite à taux plein, il n’est pas illégitime que cette allocation, plus généreusement calculée, soit alors versée.
Outre sa légitimité, cette solution, selon le juge, n’institue pas, entre les deux catégories d’agents concernées, une différence de traitement trop disproportionnée même s’il est exact que les pensionnés à taux plein peuvent encore, le cas échéant, continuer à cotiser auprès de régimes complémentaires de retraite.
On peut trouver quelque peu laborieuse cette défense et illustration de l’art. 35-2 du statut des personnels administratifs des chambres de commerce et d’industrie.
(11 octobre 2021, M. B., n° 440078)
131 - Pension de retraite des fonctionnaires – Années de services dans un emploi de catégorie active – Cas du fonctionnaire détaché sur un emploi de catégorie active alors que l’emploi occupé dans le corps d’origine n’entre pas dans cette catégorie – Prise en compte de l’exercice effectif des fonctions – Cassation sans renvoi, le Conseil d’État statuant au fond.
Les emplois de la fonction publique présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles sont dits de « catégorie active » ; ils permettent une liquidation anticipée de la pension en cas d'accomplissement de quinze années de services dans lesdits emplois.
L’intéressée relevait une erreur dans le calcul de sa durée de services, estimée à moins de quinze années par le service gestionnaire car celui-ci refusait de prendre en compte deux années d’activité comme accomplies en catégorie active. Selon lui, ces deux années ont été accomplies en détachement sur un emploi qui a comporté l’exercice effectif d’une activité relevant de la catégorie active mais elles ne pouvaient être prises en compte à ce titre car son emploi dans son corps d'origine ne relevait pas de la catégorie active et ne correspondait pas à des fonctions de même nature. Le tribunal administratif a été du même avis.
Sur pourvoi le jugement est cassé au visa des art. L. 24 et L. 73 du code des pensions civiles et militaires de retraite car « les services accomplis par un fonctionnaire en détachement dans un emploi classé dans la catégorie active qui exerce effectivement des fonctions correspondant à cet emploi doivent être pris en compte au titre de cet article (24), quelles que soient les fonctions qu'il exerçait ou qu'il avait vocation à exercer dans son corps d'origine. »
La solution ainsi adoptée possède toutes les vertus de l’équité et de la logique.
(11 octobre 2021, Mme A., n°443879)
132 - Fonctionnaire suspendu – Expiration d’un délai de quatre mois sans intervention d’une décision de l’autorité disciplinaire – Réintégration sauf poursuites pénales – Notion – Hypothèse d’un appel contre un jugement correctionnel – Existence de poursuites pénales - Affectation provisoire possible – Absence de créance non sérieusement contestable – Rejet.
Le demandeur, conseiller principal d’éducation stagiaire, a été condamné par un jugement correctionnel à vingt mois d'emprisonnement pour des faits d'agressions sexuelles sur mineur de quinze ans ; il a interjeté appel de ce jugement. Le rectorat l’a suspendu temporairement de ses fonctions puis, au bout de quatre mois, il a prolongé la mesure de suspension et réduit de moitié son traitement.
Le demandeur a saisi le juge administratif d’un référé provision aux fins de se voir allouer une certaine somme.
Les premiers juges ont rejeté cette demande et le requérant se pourvoit.
Son pourvoi est, sans grande surprise, rejeté.
La question principale était de savoir si la créance prétendue du requérant sur l’État était bien, comme l’exige l’art. R. 541-1 du CJA qui régit le référé provision « non sérieusement contestable ».
L’art. 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose notamment :
« (…) Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois.
Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation.
(...) Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, affecté provisoirement ou détaché provisoirement dans un autre emploi peut subir une retenue, qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée au deuxième alinéa. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille ».
Ces règles ont été déclarées applicables aux fonctionnaires stagiaires par le décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'État et de ses établissements publics.
En l’espèce, l’agent condamné par le juge correctionnel a interjeté appel de sa condamnation. Il se trouve donc dans la situation de l’agent déjà suspendu pendant quatre mois et dont la suspension est prolongée. Or selon le texte précité il doit être rétabli dans ses fonctions en l’absence de poursuites pénales.
L’intéressé se trouvait-il dans ce cas ? La réponse est négative en raison des termes de l’art. 6 du code de procédure pénale dont le premier alinéa dispose : « L'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée ». Certes, en l’espèce la chose a été jugée mais en l’état de l’appel intervenu à la demande du requérant, ce texte ne s’applique pas.
L’intéressé se trouve donc dans la seconde hypothèse : à l’expiration de la suspension de quatre mois il faisait encore l’objet de poursuites pénales au sens de la loi de 1983. L’autorité rectorale, d’une part, pouvait opérer une retenue sur son traitement à partir du premier jour du cinquième mois de suspension et cette retenue ne pouvait excéder la moitié du traitement, d’autre part, pouvait refuser une affectation ou un détachement temporaire en l’état des faits reprochés et des fonctions exercées.
Dès lors la créance du requérant n’était pas « non sérieusement contestable » et son recours en référé provision ne pouvait qu’être rejeté.
(12 octobre 2021, M. B., n° 443903)
133 - Cour nationale du droit d’asile – Création d’un poste d’agent de prévention à temps plein – Mesure d’ordre intérieur – Irrecevabilité d’un recours contre une telle mesure – Rejet.
(13 octobre 2021, Syndicat indépendant du personnel du Conseil d'État et de la Cour nationale du droit d'asile (SIPCE), n° 433128)
V. n° 2
134 - Pension de retraite à taux plein – Demande d’autorisation de cumul avec des revenus perçus au titre des fonctions de secrétaire d’une fédération sportive nationale (art. L. 86, I, 3° du code des pensions civiles et militaires de retraite) – Refus – Rejet.
Retraitée à taux plein de la fonction publique d’État, la requérante a demandé à bénéficier des dispositions législatives (art. L. 86, I, 3° du code des pensions civiles et militaires de retraite) permettant le cumul de cette pension avec les revenus tirés de l’exercice des fonctions de secrétaire fédérale d’une fédération sportive nationale. Cela lui a été refusé et ce refus a été confirmé par jugement du tribunal administratif.
L’intéressée se pourvoit.
La disposition de l’art. 86 invoquée au soutien du pourvoi est ainsi libellée :
« I. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 84 et de l'article L. 85, les revenus perçus à l'occasion de l'exercice des activités suivantes peuvent être entièrement cumulés avec la pension : (...)
3° Participation (...) à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d'un texte législatif ou règlementaire. »
Pour rejeter le recours et confirmer la solution des premiers juges, le Conseil d’État retient qu’il résulte de ce texte que seuls les revenus perçus au titre de la participation aux instances consultatives et délibérantes créées par un texte législatif ou réglementaire peuvent être entièrement cumulés avec une pension servie en application du code des pensions civiles et militaires de retraite. Or en l’espèce, « la seule circonstance que le cadre juridique des fédérations sportives soit défini par la loi, que celle-ci leur confie une mission de service public et que l'obtention de l'agrément délivré par le ministre des sports soit subordonné notamment à la condition que leurs statuts comportent un certain nombre de dispositions obligatoires relatives notamment au fonctionnement de leurs instances dirigeantes ne saurait faire regarder celles-ci comme étant réunies en vertu d'un texte législatif ou réglementaire au sens des dispositions du 3° du I de l'article L. 86 (précité) ».
La solution semble sévère à la fois au regard de la lettre du texte que, surtout, de son esprit.
(13 octobre 2021, Mme F., n° 438803)
135 - Pension de réversion d’un fonctionnaire – Conjoint ayant contracté, en vertu de son statut personnel résultant d’une loi étrangère, un second mariage avant le décès de sa précédente épouse – Droit à pension suspendu – Possibilité de recouvrer ce droit à la cessation du second mariage – Rejet.
Le Conseil d’État approuve le tribunal administratif de Marseille d’avoir jugé que le conjoint – titulaire d’une pension de réversion - qui, en vertu de la loi étrangère qui lui est applicable, contracte un second mariage avant le décès de sa précédente épouse, doit voir suspendu son droit à pension de réversion. Il peut cependant le recouvrer en cas de cessation du second mariage.
(13 octobre 2021, M. O., n° 441390)
136 - Fonction publique hospitalière – Révocation d’un agent – Procédure disciplinaire – Communication de l’avis émis par le conseil de discipline postérieurement à la décision infligeant une sanction – Absence d’irrégularité – Rejet.
Le requérant, fonctionnaire hospitalier, qui a fait l’objet de la très grave sanction de la révocation contestait la régularité de la procédure suivie en ce que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne lui avait communiqué l’avis de la commission de discipline qu’après qu’a été prise la décision de sanction.
Le Conseil d’État estime que le défaut de communication de cet avis avant le prononcé de la décision de sanction n’entache pas la légalité de cette dernière.
On peut ne pas être d’accord avec cette solution.
(15 octobre 2021, M. F., n° 444511)
137 - Accès à divers emplois supérieurs de l’État – Accès aux fonctions de magistrats au Conseil d’État et la Cour des comptes – Ordonnance du 2 juin 2021 – Questions prioritaires de constitutionnalité – Rejet de la plupart d’entre elles sauf deux.
Les organisations requérantes, composées de membres des juridictions administratives et comptables, avaient saisi le Conseil d’État de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre des dispositions de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat prise sur le fondement de l'habilitation prévue par les dispositions de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et prolongée par celles de l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
A l‘occasion de l’examen de ces requêtes qui ont été jointes bien que ne comportant qu’en partie des demandes identiques, le Conseil d’État est amené à préciser un certain nombre de points importants.
Sur l’atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité, le grief est rejeté.
Tout d’abord, et l’on pouvait d’ailleurs s’en douter depuis longtemps, la circonstance que les dispositions critiquées de l’ordonnance du 2 juin 2021 (7° de l'article 7 de l'ordonnance, du 13° de l'article 7 en tant qu'il crée les articles L. 133-12-1 et L. 133-12-2 du code de justice administrative, du a) du 1° de l'article 8 et du 2° de l'article 8 en tant qu'il crée l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières) mettent fin au recrutement direct des auditeurs parmi les anciens élèves de l'École nationale d'administration selon les règles propres au classement des élèves de cette école ne porte pas, par elle-même, atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité, indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, consacrés par l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Ensuite, ne porte pas davantage atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité le fait que les nominations des auditeurs soient faites par le vice-président du Conseil d'Etat ou par le premier président de la Cour des comptes. Ces nominations ont lieu après avis de comités consultatifs sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur et, durant l'exercice de leurs fonctions, les auditeurs sont soumis aux mêmes droits, garanties et obligations que les membres du Conseil d'État ou de la Cour des comptes, dont l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de fonctions juridictionnelles et le respect des principes déontologiques propres à l'exercice des fonctions de membre du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes.
Sur la liste des personnes susceptibles d'être nommées en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire par le vice-président du Conseil d'État pour exercer les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes, il est jugé que le 11° de l’art. 7 de l’ordonnance attaquée ne porte pas atteinte aux droits et libertés que garantit la Constitution car, d’une part, ces recrutements n’ont lieu que pour une durée qui est limitée et qui ne peut excéder quatre années, et, d’autre part, les personnes nommées sont soumises aux mêmes droits, garanties et obligations que les autres membres du Conseil d'État, dont l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de fonctions juridictionnelles et le respect des principes déontologiques propres à l'exercice des fonctions de membre du Conseil d'État. De plus, l’ordonnance renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les conditions de leur application, au nombre desquelles figurent les règles présidant à la reprise, par ces personnes, d'une activité professionnelle lorsque leurs fonctions au Conseil d'État prennent fin.
S’agissant de l’obligation de mobilité, considérée ici par le Conseil d’État comme ne s’appliquant qu’à l’avancement des magistrats administratifs, elle ne porte pas atteinte au principe que les fonctions juridictionnelles sont, normalement, exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle. Elle n’est pas, non plus, contraire, par elle-même, aux principes d'indépendance et d'impartialité dans l'exercice des fonctions juridictionnelles, au principe d'égalité devant la loi qui n'impose pas de prendre en compte les différences de situation pouvant exister entre les magistrats tenus d'effectuer une mobilité et découlant de leur situation familiale ou du lieu d'exercice de leurs fonctions.
Enfin, pas davantage ne porte atteinte au principe d'indépendance la mobilité instaurée par les dispositions critiquées du code des juridictions financières.
S’agissant de la création d’une voie particulière d'accès aux fonctions de maître des requêtes en service extraordinaire au Conseil d'Etat et de conseiller référendaire en service extraordinaire à la Cour des comptes dans le cadre d'une procédure de sélection relevant de l'Institut national du service public, les griefs ne sont pas, non plus, retenus car celle-ci est très encadrée (fixation du nombre de recrutements, spécificité des modalités d’intégration, renvoi à un décret du soin de fixer la composition du jury de sélection des candidats à cette voie de recrutement) et présente toutes garanties.
(12 octobre 2021, Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), n° 454719 ; Syndicat de la juridiction administrative, n° 454775 ; Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration (AAEENA) et autres, n° 455105 ; Association des magistrats de la Cour des comptes (AMCC), 455150, jonction)
V. aussi, pour les QPC renvoyées, le n° 153
138 - Fonctionnaire territorial – État anxio-dépressif – Détermination de l’éventuelle imputabilité au service de cet état – Erreur de droit – Annulation.
Un fonctionnaire se plaint de ce que les conditions dans lesquelles a été appréciée sa manière de servir sont à l’origine de son état dépressif et a sollicité du syndicat mixte la reconnaissance de son état comme imputable au service.
La cour administrative d’appel a retenu deux éléments pour dire cette situation imputable au service : 1°) l'intéressé, qui ne présentait pas d'état anxio-dépressif antérieur, a vu sa manière de servir contestée à la suite du changement de président et de directrice du syndicat mixte employeur au début de l'année 2012, d’où une situation professionnelle très tendue qui a pu, dans les circonstances de l'espèce, être à l'origine d'une pathologie anxio-dépressive ; 2°) il résulte de nombreux avis médicaux l’existence d’un lien direct et certain entre l’activité professionnelle de l’intéressé le syndrome anxio-dépressif dont il est atteint.
Saisi d’un pourvoi du syndicat mixte dirigé contre cet arrêt le Conseil d’État rappelle d’abord le modus operandi ordinaire dans ces sortes de litiges ; il se décline en deux propositions.
En principe, doit être considérée comme imputable au service une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause.
Par exception, l’imputabilité n’a pas lieu si un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
En l’espèce, le Conseil d’État relève une erreur de droit dans l’appréciation positive par la cour de l’existence d’une imputabilité au service. En effet, ce jugeant, elle n’a pas tenu compte de ce que le syndicat mixte affirmait que l’agent avait adopté dès le changement de président et de directrice du syndicat une attitude systématique d'opposition. Or, il incombait à la cour de rechercher si ce comportement était avéré et s'il était la cause déterminante de la dégradation des conditions d'exercice professionnel de l’intéressé susceptible de constituer dès lors un fait personnel de nature à détacher la survenance de la maladie du service.
C’est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation.
(22 octobre 2021, Syndicat mixte, n° 437254)
139 - Fonctionnaire territorial – Mise en disponibilité pour convenances personnelles – Demande de réintégration – Absence d’emploi vacant de son grade – Maintien en disponibilité – Proposition postérieure d’emplois – Choix de l’un d’entre – Demande de réparation du chef de préjudices subis du fait d’une réintégration tardive – Rejet – Erreur de droit – Annulation.
Cette affaire est l’illustration d’une situation classique née de la difficulté pour un agent public bénéficiaire d’une mise en disponibilité pour convenances personnelles de réintégrer un emploi correspondant à son grade.
En l’espèce, l’intéressé avait sollicité sa réintégration le 11 avril 2012 pour prendre effet au 1er octobre 2012. Après lui avoir répondu qu’aucun emploi de son grade n’était vacant, il lui a été proposé, d’avril 2013 à novembre 2014, sept postes, l’intéressé a manifesté son intérêt pour trois d’entre eux et a été réintégré le 5 janvier 2015. Il a saisi le juge administratif d’une demande de réparation des préjudices financier et moral subis du fait de sa réintégration tardive à l'issue de sa période de disponibilité et du retard dans le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.
Sa requête est rejetée en première instance et en appel.
Sur pourvoi, le Conseil d’État annule l’arrêt d’appel.
Sont d’abord rappelées les exigences s’imposant à l’administration saisie d’une demande de réintégration : le fonctionnaire mis en disponibilité pour convenances personnelles a droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, à obtenir sa réintégration à l'issue de la période de disponibilité. Si le délai dans lequel doit intervenir cette réintégration n’est pas fixé par les textes, celui-ci doit être raisonnable en fonction des vacances d'emplois qui se produisent. Si la collectivité concernée constate n’être pas en mesure de proposer un emploi correspondant à son grade à la date de la demande de réintégration, elle doit saisir, sauf réintégration possible à bref délai, le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local afin qu'il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade.
En l’espèce, l’arrêt d’appel est annulé pour dénaturation des pièces du dossier et pour erreur de droit.
Dénaturation d’abord car la cour, alors que douze emplois ont été déclarés vacants entre le 1er octobre 2012, date pour laquelle l'intéressé avait demandé sa réintégration, et la première proposition de poste qui lui a été faite, le 8 avril 2013, a jugé qu’il n’y avait eu aucun dépassement de la durée raisonnable du délai pour procéder à la réintégration.
Erreur de droit ensuite car la cour n’a aperçu aucune faute envers l’intéressé dans le fait que la collectivité employeur n’a pas saisi le centre de gestion alors qu'elle considérait ne pas être en mesure de lui proposer un poste correspondant à son grade à la date de réintégration demandée ou de procéder à sa réintégration à bref délai après cette date.
(22 octobre 2021, M. B., n° 442162)
Hiérarchie des normes
140 - Conventions et traités internationaux - Dispositions invocables ou non - Distinction entre dispositions d'effet direct et dispositions sans effet direct - Régime de l'exception d'inconventionnalité - Traités européens - Régime de l'invalidité d'actes de l'Union au regard du droit de l'Union - Compétence du juge national pour rejeter une action ou une exception en invalidité mais non pour l'admettre - Rejet.
Les requérants invoquaient, notamment, à l'encontre de diverses décisions (arrêté du 30 décembre 2019 de la secrétaire d’État auprès du ministre de l'économie et des finances, puis décisions de l'ARCEP, prises sur le fondement de cet arrêté du 31 mars et du 20 octobre 2020 ainsi que du 12 novembre 2020) intervenues pour définir les modalités et conditions d'attributions des autorisations d'utlisation de fréquences sur la bande 3,5 GHz.
Selon eux, l'arrêté du 30 décembre 2019, d'une part, a été pris pour la transposition de l'art. 54 de la directive du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen, alors que cet article est invalide pour contrariété au droit de l'Union et, d'autre part, l'art. L. 32-1 du code des postes et communications électroniques, dont l'arrêté litigieux fait application, est contraire à l'art. 6 de la convention d'Aarhus (25 juin 1998) sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
Sur le premier point, le Conseil d’État rappelle le mécanisme existant en cas d'invocation de l'invalidité d'un acte de l'Union au droit de l'Union. Le juge national est compétent pour rejeter l'action ou l'exception en invalidité d'un acte de l'Union fondée sur sa contrariété au droit de l'Union. En revanche, seules les juridictions de l'Union sont compétentes pour constater l'invalidité d'un tel acte. Toutefois, comme les particuliers, personnes physiques ou personnes morales, ne peuvent pas saisir le juge de l'Union d'une action en invalidité de l'acte, il leur incombe de saisir d'une exception d'invalidité, donc à titre incident, le juge de l'Union ou le juge national qui pourra, le cas échéant adresser une question préjudicielle à la CJUE.
Sur le second point, on sait que l'invocation par les requérants de stipulations d'un traité international est impérativement subordonnée à ce que ces stipulations soient d'effet direct. Celles ne produisant pas un tel effet ne peuvent être invoquées devant le juge.
Le Conseil d’État, depuis une fondamentale décision (Assemblée, 11 avril 2012, Groupe d'information et de soutien des immigrés et Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement, n° 322326, Rec. p. 142), examine si la stipulation en cause est d'effet direct, c'est-à-dire que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elle n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers. A défaut, la stipulation n'a pas d'effet direct, étant rappelé, comme dans la décision de 2012 précitée, que « L'absence de tels effets ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les États parties comme sujets de l'obligation qu'elle définit. »
Ici, il est jugé qu'est d'effet direct le a) du § 1er de l'art. 6 de la Convention d'Aarhus lu en combinaison avec l'annexe I à cette convention mais non le b) de ce même paragraphe. Par suite, il ne saurait être soutenu que l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques serait incompatible avec ces dernières stipulations.
(6 octobre 2021, Associations Pour Rassembler, Informer et Agir contre les Risques liés aux Technologies ElectroMagnétiques (PRIARTEM) et Agir pour l'environnement, n° 446302 et n° 446494 ; Mme D. et autres, n° 446643 ; M. O. et autres, n° 452518, n° 452520, n° 452522 et n° 452524)
Libertés fondamentales
141 - Association dispensatrice de formation professionnelle – Organisme soumis à l’enregistrement de son activité – Annulation de cet enregistrement – Conditions – Absence en l’espèce – Annulation.
Les organismes qui réalisent des prestations de formation professionnelle continue (cf. art. L. 6313-1, code du travail) doivent souscrire une déclaration préalable d'activité comportant diverses informations portées à la connaissance de l'administration et que celle-ci enregistre. Toutefois, il n’y a pas lieu à enregistrement en l'absence de conformité des prestations envisagées ou des conditions de leur réalisation aux dispositions législatives régissant de telles prestations, ou en l'absence de production des pièces justificatives. Il en va de même si l’organisme de formation exerce une activité illicite ; en ce cas il ne saurait relever de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 du code du travail, ni par suite donner lieu à enregistrement lorsque ce caractère illicite ressort de la déclaration souscrite par l’organisme de formation.
S’il apparaît par la suite, après que l’enregistrement d’activité a eu lieu, une absence de conformité des prestations réalisées, des conditions de leur réalisation ou du fonctionnement de l'organisme de formation aux dispositions régissant cette activité, l'enregistrement de la déclaration d'activité peut être annulé par l'autorité administrative, pour l'avenir.
Il s’agit là d’une mesure de police qui ne fait pas obstacle par elle-même au dépôt, sans délai, d'une nouvelle déclaration et à un nouvel enregistrement.
L’enregistrement de la déclaration d’activité est créateur de droits, sauf en cas de fraude, il ne peut donc être annulé, au-delà d'un délai de quatre mois (art. L. 6351-4 c. travail), que pour un motif reposant sur une circonstance postérieure à l'enregistrement ou que l'administration n'était pas en mesure de retenir à cette date au vu de la déclaration préalable.
C’est donc par suite d’une erreur de droit qu’en l’espèce une cour administrative d’appel a jugé que l’annulation par le préfet d’un enregistrement d’activité pouvait être fondée sur ce que, au vu du contenu des supports pédagogiques, la formation délivrée n'entrait pas dans le champ de la formation professionnelle continue. En effet, dès lors que l'activité faisant l'objet de la formation n'était pas illicite et que l'association requérante faisait valoir que le contenu de la formation dispensée et les supports utilisés étaient restés inchangés depuis leur création, la décision attaquée d’annulation de l’enregistrement, portait atteinte aux droits acquis de la requérante.
La cour ne pouvait donc pas retenir un tel motif comme justifiant légalement l'annulation par le préfet de l'enregistrement de la déclaration d'activité de l'association requérante, sans rechercher si ce motif n'était pas de nature à remettre en cause les droits que l'association tenait de cet enregistrement.
(20 octobre 2021, Association Institut de reiki, n° 440377)
Police
142 - Taxis - Décret prohibant la « maraude électronique » - Annulation par le Conseil d’État pour contrariété à une directive de l'Union - Arrêt de la CJUE jugeant hors du champ de la directive le comportement litigieux - Conséquences à tirer de cet arrêt - Obligation d'intervention du pouvoir réglementaire - Rejet.
Un décret du premier ministre avait sanctionné d'une amende pour contravention de la cinquième classe la pratique dite de « maraude électronique » qui consiste pour un taxi à informer un client, avant réservation, à la fois de la localisation et de la disponibilité d'un véhicule quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d'une autorisation de stationnement. Le Conseil d’État, jugeant que cette disposition constituait une « règle technique » au sens du droit de l'Union européenne, l'a annulée pour n'avoir pas été soumise préalablement à son édiction à la procédure d'information de la Commission européenne prévue par la directive du 22 juin 1998.
En conséquence, le décret du 6 avril 2017 a excepté du champ d'application de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait de « maraude électronique ».
Cependant, la CJUE (20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi contre Uber Systems Spain SL, aff. C-434/15), statuant en grande chambre, a jugé, contrairement à la solution retenue par le Conseil d’État, que s'agissant d'un tel service d'intermédiation, il doit être considéré comme relevant de la qualification de « service dans le domaine des transports » et, par conséquent, comme exclu du champ d'application de la directive du 9 septembre 2015, qui remplace celle du 22 juin 1998.
La fédération requérante a saisi le Conseil d’État d'un recours tendant principalement à l'annulation du refus implicite du premier ministre de prendre un nouveau décret sanctionnant la pratique illicite de la « maraude électronique », en application du 1° du III de l'article L. 3120-2 du code des transports, et de l'indemniser des préjudices subis. Elle estime, en effet, que, par suite de l'arrêt précité de la CJUE, il incombait nécessairement au premier ministre de rétablir la disposition de l'article R. 3124-11 du code des transports punissant de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait de contrevenir à l'interdiction de la maraude électronique. Elle considère, d'une part, que cette interdiction ne serait pas effective si elle ne s'accompagnait pas d'une telle sanction, d'autre part, que l'absence d'intervention du pouvoir réglementaire pour sanctionner l'usage illicite de la maraude électronique était fautive et enfin qu'elle lui avait causé un préjudice moral.
Le recours est rejeté au double motif :
1°/ que le pouvoir réglementaire n'était pas tenu d'adopter un tel décret, l'entrée en vigueur de cette interdiction n'étant pas manifestement impossible en l'absence de telles dispositions règlementaires ;
2°/ que cette abstention n'a pas pour effet de priver la loi d'effectivité car la méconnaissance de la réglementation applicable à la profession par le conducteur d'un véhicule de transport public particulier de personnes est soumise, de manière générale, aux sanctions administratives prévues par l'article L. 3124-11 du code des transports.
On avouera ne pas bien comprendre comment l'abstention d'instituer la sanction pénale d'une interdiction législative est, en quelque sorte, « compensée » par l'existence d'une sanction administrative.
(4 octobre 2021, Fédération française des taxis de province, n° 439249)
143 - Police du renseignement – Contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat – Questions préjudicielles à la CJUE – Inopérance de certains moyens – Droit au recours effectif – Rejet.
Les requérants demandaient l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2015-1211 du 1er octobre 2015 relatif au contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat.
Le Conseil d’État a écarté tous les moyens dont il était saisi sauf ceux tirés de la méconnaissance du droit de l’Union pour lesquels il a posé trois questions préjudicielles à la CJUE. Celle-ci a répondu par un arrêt de grande chambre du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net, French Data Network, Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs et Igwan.net, aff. C-511-18, C-512-18 et C-520-18.
Vidant le litige, le Conseil d’État se prononce sur trois points.
Tout d’abord, il juge inopérants les moyens fondés sur la contrariété d’une disposition législative (L. 811-4, L. 851-1 à L. 851-4 et L. 854-1 du code de la sécurité intérieure) au droit de l’Union lorsque l’acte réglementaire déféré à la censure du juge n’a pas été pris pour l’application de cette disposition législative ou ne trouve pas en celle-ci sa base légale. C’est là le rappel d’une solution classique et bien établie. Or, en l’espèce, les dispositions critiquées ont été prises par un décret les insérant dans le code de justice administrative, au Titre VII, dans un chapitre III bis relatif au contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat et afin de préciser les dispositions législatives du code sur ce point. Il en va de même de la critique fondée sur l’absence de contrôle de l'exploitation des données collectées par les services de renseignement sur le fondement du livre VIII du code de la sécurité intérieure ainsi que de l’absence de contrôle de la conservation et de l'exploitation des données qui leur sont transmises par des services étrangers, dans la mesure où il est allégué que cela violerait le droit de l’Union alors, au contraire, que ces dispositions sont expressément exceptées de ce droit par l'article 1er, paragraphe 3 de la directive du 12 juillet 2002.
Ensuite, sont rejetés les griefs dirigés contre le non-respect par les dispositions du décret attaqué du droit au recours effectif garanti par l’art. 47 de la Charte des droits fondamentaux. Pour rejeter cette argumentation, le Conseil d’État s’appuie sur la portée donnée à ce texte par la jurisprudence de la CJUE (4 juin 2013, ZZ c./ Secretary of State for the Home Department, aff. C-300-11). Il suit de là, selon lui, que ni en ce qu’elles régissent les conditions de la saisine de la formation spécialisée du Conseil d’État, ni en ce qu’elles déterminent les conditions dans lesquelles celle-ci doit remplir son office, les dispositions législatives en cause ne sont contraires au droit de l’Union.
Les recours joints sont rejetés.
(14 octobre 2021, Association La Quadrature du Net et autres, n° 394925)
144 - Police des immeubles insalubres – Arrêté préfectoral d’interdiction d’occupation d’un immeuble inoccupé et libre de location – Fixation des travaux à réaliser pour en permettre la réoccupation – Immeuble devenu sécurisé et ne constituant pas un danger pour la santé ou la sécurité des voisins – Effets sur les mesures prescrites – Annulation des mesures par le juge – Erreur de droit – Annulation.
L’art. 1331-28 du code de la santé publique, dispose en son II, qu’un arrêté préfectoral peut interdire l’habitation d’un immeuble ou d’un logement inoccupé et libre de location s’il ne constitue pas un danger pour la santé et la sécurité et préconiser les travaux à réaliser pour que puisse être levée cette interdiction. Toutefois, tant que ce bien n’est pas, après cet arrêté, remis en location ou à disposition pour être occupé, le propriétaire n’est pas tenu de faire effectuer les travaux préconisés. En revanche, ces travaux doivent précéder toute remise du bien en location ou à disposition sauf pour le préfet à lever l’interdiction qu’il a édictée.
En l’espèce, des propriétaires contestaient l’arrêté préfectoral déclarant un immeuble en état d’insalubrité remédiable et prescrivant la réalisation sous quatre mois des mesures propres à remédier à cette situation. Le tribunal, saisi par les propriétaires, a rejeté leur demande tandis que la cour administrative d’appel, annulant ce jugement, a annulé l’arrêté préfectoral litigieux.
La ministre de la santé se pourvoit.
L’arrêt est annulé pour erreur de droit car le juge saisi d’un recours contre un tel arrêté, s’il doit vérifier, à la date où il se prononce, que l'immeuble ou le logement, qui ne constitue pas un danger pour la santé et la sécurité du voisinage, est inoccupé et libre de location, et s’il peut, le cas échéant, décider que soit différée l'échéance fixée dans l'arrêté d'insalubrité pour prendre les mesures nécessaires à l'occupation de l'immeuble ou du logement, ne peut, en revanche, décider, pour ce motif, l'annulation des mesures fixées dans cet arrêté.
(29 octobre 2021, M. C. et Mme C., n° 443163)
Question prioritaire de constitutionnalité
145 - ndemnisation des victimes d'essais nucléaires français - Élargissement par la loi du 28 décembre 2018 de la possibilité, pour l'administration, de combattre la présomption de causalité instituée par la loi du 5 janvier 2010 modifiée - Loi du 17 juin 2020 donnant une portée rétroactive au b du 2° du I de l'art. 232 de la loi de 2018 - Question présentant un caractère sérieux - Transmission d’une QPC.
Présente un caractère sérieux justifiant sa transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité à la garantie des droits découlant de l'art. 16 de la Déclaration de 1789, de l'art. 57 de la loi du 17 juin 2020 en tant qu'il prive rétroactivement les victimes des essais nucléaires et leurs ayants-droit ayant déposé leur demande d'indemnisation avant l'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2018 de l'application des conditions d'indemnisation plus favorables prévues par le I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017.
(5 octobre 2021, Mme B. veuve A., n° 451407)
146 - Régime de la négociation et des accords collectifs dans la fonction publique (ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021) - Dénonciation des accords conclus subordonnée à la représentativité syndicale - Risques liés à l'évolution de cette représentativité - Atteinte à la liberté syndicale - Transmission d'une QPC.
Le Conseil d’État était saisi de trois QPC dirigées contre diverses dispositions de l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique. S'il rejette deux d'entre elles, il retient la troisième qui est tirée de l'inconstitutionnalité du III de l'article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983 dans la version qui lui a été donnée par l'ordonnance précitée.
Est jugée présenter un caractère sérieux la critique des organisations requérantes à l'encontre de cette disposition en tant qu'elle conditionne la dénonciation des accords conclus à des conditions de représentativité et en limitent la faculté aux seules organisations signataires car, notamment en cas de modification de la représentativité des organisations syndicales à l'issue d'un nouveau cycle électoral, cette disposition peut conduire à priver les organisations représentatives non signataires de toute possibilité de dénonciation de ces accords, portant ainsi atteinte à la liberté syndicale. Ce moyen est jugé sérieux en tant qu'il repose sur les principes énoncés au sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
(5 octobre 2021, Union fédérale des syndicats de l'État CGT et autres, n° 451784)
147 - Permis de construire affecté d’un vice régularisable (art. L. 600-5-1 c. urb.) – Obligation pour le juge d’inviter à régulariser – Absence d’obligation parallèle pour le juge en cas de demande d’annulation d’un refus de permis de construire – Atteinte au principe d’égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif – QPC sur ces fondements - Situations différentes – Possibilité de soumettre à tout moment une nouvelle demande de permis et d’en attaquer le refus – Rejet.
Le Conseil d’État refuse de transmettre une QPC tirée de ce que porte atteinte au principe d’égalité devant la justice comme au droit à un recours juridictionnel le fait que l’art. L. 600-5-1 du code de l’urbanisme s’il oblige le juge saisi d’un recours contre l’octroi d’un permis de construire affecté d’un vice régularisable à inviter son bénéficiaire à en rechercher la régularisation, ne prévoit en revanche pas une telle obligation pour le juge saisi d’un recours en annulation d’un refus de permis de construire.
Outre qu’il s’agit de deux situations dissemblables et que l’on voit mal comment régulariser un refus de permis, le juge rappelle aussi qu’il est loisible à tout moment à l’intéressé de former une demande de permis et de rechercher ensuite, le cas échéant, l’annulation de son refus.
(7 octobre 2021, M. A., n°451827)
148 - Police spéciale des substances vénéneuses – Défaut d’encadrement du pouvoir réglementaire y relatif par le législateur – Atteinte à la liberté d’entreprendre – Question présentant un caractère sérieux – Transmission de la QPC.
Est jugée présenter un caractère sérieux justifiant sa transmission au Conseil constitutionnel, la question de savoir si les dispositions des art. L. 5132-1, L. 5132-7 et L. 5132-8 du code de la santé publique portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire, par le classement des plantes, substances ou préparations dans les catégories des substances stupéfiantes ou psychotropes ou par leur inscription sur les listes I et II figurant à l’art. L. 5132-6 précité, sans l'encadrer, la définition du champ d'application de la police spéciale des substances vénéneuses qui lui confère par ailleurs des pouvoirs étendus, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes la liberté d'entreprendre.
(8 octobre 2021, Association française des producteurs de cannabinoïdes, n° 455024)
149 - QPC - Régime transitoire des plans d’occupation des sols (POS) en vue de leur transformation en plans d’urbanisme (PLU) – Maintien en vigueur des dispositions relatives aux anciens POS – Dispositions combinées des art. L. 123-1 et L. 174-4 c. urb.) - Traitement différent des propriétés foncières en matière de superficie minimale des terrains constructibles – Différence en rapport direct avec l’objet de la loi – Refus de transmission de la QPC.
(11 octobre 2021, M. B., n° 451628)
V. n° 186
150 - Cession à titre onéreux de certains titres ou valeurs ou d’une fiducie – Imposition des gains nets – Soumission à l’impôt sur le revenu – Absence de prise en compte des facultés contributives des contribuables – Question de caractère sérieux – Transmission de la QPC.
Est jugée sérieuse et transmise au Conseil constitutionnel, la question de l’atteinte portée aux droits et libertés, en particulier au principe d’égalité devant l’impôt, que garantit la Constitution, par les dispositions du I de l’art. L.150-0 A du CGI en tant que, pour l’imposition à l’impôt sur le revenu des gains nets tirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, il n’est pas tenu compte des facultés contributives des contribuables ainsi assujettis.
(13 octobre 2021, M. et Mme D., n° 452773)
151 - Dégâts causés aux cultures et récoltes agricoles par le grand gibier – Réparation mise à la charge des fédérations départementales de chasseurs - Atteintes au principe d’égalité – Question présentant un caractère sérieux – Transmission de la QPC.
Est jugée présenter un caractère sérieux et est transmise au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que diverses dispositions du code de l’environnement font reposer sur les fédérations départementales de chasseurs la charge de la réparation des dégâts causés par le grand gibier aux cultures et récoltes agricoles.
(15 octobre 2021, Fédération nationale des chasseurs, n° 454722)
152 - Mineur ayant obtenu la nationalité française – Reconnaissance frauduleuse de paternité – Éloignement du parent étranger par refus du séjour ou obligation de quitter le territoire français (OQTF) – QPC dépourvue de caractère sérieux – Refus de transmission.
La requérante se plaignait de l’atteinte porté à de nombreux droits et libertés que la Constitution garantit par les dispositions du CESEDA, telles qu’interprétées par le Conseil d’État, régissant les refus de séjour et les OQTF. En particulier elle reproche à ces dispositions de ne pas faire obstacle à l'éloignement du parent étranger qui exerce seul l'autorité et la garde de son enfant mineur ayant obtenu la nationalité française à raison d'une reconnaissance de paternité frauduleuse et ce, alors même que l'enfant serait toujours légalement détenteur de cette nationalité en l'absence de décision judiciaire définitive la lui retirant, et serait donc appelé, sauf à être abandonné, à suivre son parent étranger, revenant ainsi à éloigner du territoire un ressortissant français.
Visiblement quelque peu agacé, le Conseil d’État rejette la demande de transmission de la QPC qui est dépourvue de caractère sérieux car, fait-il sèchement et fermement remarquer, « Aucun des principes constitutionnels invoqués ne fait obstacle, par principe, à ce que l'autorité administrative, même en l'absence de texte l'y autorisant expressément, puisse rejeter une demande entachée de fraude à la loi ou refuser, pour l'application de dispositions de droit public, de tirer les conséquences d'un acte de droit privé opposable aux tiers entaché de fraude à la loi. »
(15 octobre 2021, Mme G., n° 454706)
153 - Accès à divers emplois supérieurs de l’État – Accès aux fonctions de magistrats au Conseil d’État et la Cour des comptes – Ordonnance du 2 juin 2021 – Questions prioritaires de constitutionnalité – Rejet de la plupart d’entre elles sauf deux.
Les organisations requérantes avaient saisi le Conseil d’État de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité dirigées contre des dispositions de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.
Si la plupart de ces questions n’ont pas été jugées devoir être transmises au Conseil constitutionnel, ce n’est pas le cas de deux d’entre elles.
En premier lieu, est jugée nouvelle et de caractère sérieux la question de savoir si l’art. 6 de l’ordonnance précitée ne porte pas atteinte au principe d'indépendance, de valeur constitutionnelle, applicable aux membres de services d'inspection générale (cf. art. 15 et 16, Déclaration de 1789), dont la mise en œuvre relèverait des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'Etat, en vertu de l'art. 34 de la Constitution, alors même que le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de faire application des articles 15 et 16 de la Déclaration de 1789.
En second lieu, sont jugés devant également être transmis les moyens selon lesquels les dispositions introduites par le 13° de l'article 7 de l'ordonnance et le 16° de son article 8, en ce qu'elles prévoient une composition paritaire des commissions d'intégration (des auditeurs au grade des maîtres des requêtes au Conseil d’État et des auditeurs au grade de conseiller référendaire à la Cour des coptes) sans désigner leur président ni fixer les règles de départage des voix de leurs membres, seraient entachées d'une incompétence négative de nature à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, notamment les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles.
(12 octobre 2021, Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), n° 454719 ; Syndicat de la juridiction administrative, n° 454775 ; Association des anciens élèves de l'École nationale d'administration (AAEENA) et autres, n° 455105 ; Association des magistrats de la Cour des comptes (AMCC), 455150, jonction)
V. aussi, pour les questions non renvoyées, le n° 138
154 - Arrêté préfectoral ordonnant le prélèvement de sangliers sur une propriété privée - Application de l’art. L. 425-5-1 du code de l’environnement – Atteinte à la liberté de conscience – Transmission de la QPC.
Le Conseil d’État était saisi, sur renvoi d’un tribunal administratif, d’une QPC portant sur le point de savoir si l’art. L. 425-5-1 du code de l’environnement n’est pas contraire à un droit ou une liberté que garantit la Constitution en tant qu’il porterait atteinte à la séparation des pouvoirs, au droit à un recours juridictionnel effectif, à l’art. 2 de la Charte de l’environnement et à la liberté de conscience.
Selon ce texte « Lorsque le détenteur du droit de chasse d'un territoire ne procède pas ou ne fait pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds et qui causent des dégâts de gibier, il peut voir sa responsabilité financière engagée pour la prise en charge de tout ou partie des frais liés à l'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 et la prévention des dégâts de gibier mentionnée à l'article L. 421-5.
Lorsque l'équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de ce territoire, le représentant de l'Etat dans le département, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs ou de la chambre départementale ou interdépartementale d'agriculture, après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie dans sa formation spécialisée pour l'indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa. »
Pour juger de caractère sérieux la question ainsi posée, le Conseil d’État retient principalement, parmi les quatre droits ou libertés invoqués au soutien de la requête, la liberté de conscience.
Voilà une « belle » QPC.
(27 octobre 2021, Société civile immobilière du Mesnil (SCIAM), n° 455017)
155 - Bail rural – Résiliation – Nécessité d’une autorisation administrative préalable – Absence de détermination légale des conditions d’octroi ou de refus de l’autorisation – Incompétence négative du législateur affectant le droit de propriété et la liberté contractuelle – Jurisprudence constante obviant ce silence – Refus de transmission de la QPC.
La solution qui suit, refusant la transmission d’une QPC, est quelque peu acrobatique.
Les requérants contestaient la conformité à la Constitution d’une incompétence négative de la loi de nature à affecter le droit de propriété et la liberté contractuelle. Selon eux, la disposition du code rural et de la pêche maritime (art. L. 411-32) obligeant le propriétaire d’un bien donné à bail rural qui désire le résilier à obtenir une autorisation administrative à cet effet est entachée d’incompétence négative en ce qu’elle ne prévoit pas les conditions d’octroi ou de refus par l’administration de cette autorisation. Ils soutenaient que de cette incomplétude de la loi découlait directement l’atteinte au droit et à la liberté susindiqués. L’argumentation ne manquait pas d’une certaine logique.
Pour refuser la transmission de la QPC, le Conseil d’État relève qu’ « Il résulte d'une jurisprudence constante qu'il appartient à cette autorité, saisie d'une demande d'autorisation de résiliation d'un bail sur le fondement de ces dispositions, de s'assurer, sous le contrôle du juge administratif, d'une part, que la parcelle en cause peut, au regard de la règlementation en vigueur et des caractéristiques du projet, faire l'objet de la modification de destination souhaitée par le bailleur et, d'autre part, que la résiliation ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur. »
Dès lors que le juge s’est chargé de combler le vide légal, celui-ci n’existe plus et la QPC n’a pas lieu d’être. Voilà une curieuse conception de la hiérarchie des normes surtout dans un système juridique où, dit-on, la règle du précédent n’a pas cours…
(29 octobre 2021, M. O. et autres, n° 452187)
Responsabilité
156 - Indisponibilité d'un équipement - Préjudice né de cette indisponibilité - Action en réparation du dommage ainsi causé - Constatation de l'existence d'une situation de force majeure - Rejet de la demande indemnitaire - Qualification inexacte des faits - Cassation sans renvoi (seconde cassation).
La société demanderesse a sollicité l'indemnisation par la ville de Marseille du préjudice subi du fait de l'indisponibilité du stade Vélodrome le 16 août 2009. Sa demande a été rejetée en première instance et en appel et à nouveau par ces deux juridictions après une première cassation. Le Conseil d’État est donc ici saisi d'un second pourvoi.
Les faits étaient assez simples.
La commune de Marseille et l'Olympique de Marseille avait conclu, pour la période 1er juillet 2009 - 30 juin 2011, une convention de mise à disposition du stade Vélodrome pour l'organisation et la tenue des rencontres de football programmées du club de l'Olympique de Marseille.
Parallèlement, la commune de Marseille a également conclu avec la société Live Nation France une convention de mise à disposition de ce même stade pour la période du 15 au 21 juillet 2009 en vue de l'organisation d'un concert. Or le 16 juillet 2009, au cours des opérations de montage de la scène de ce concert, la structure métallique de celle-ci s'est effondrée, occasionnant le décès de deux personnes.
De ce fait, le match de football devant opposer, le 16 août 2009, l'Olympique de Marseille et le Lille Olympique Sporting Club (LOSC) n'a pu avoir lieu au stade Vélodrome, mais s'est tenu au stade de la Mosson à Montpellier. C'est pourquoi la société requérante a demandé à la commune de Marseille de lui verser une certaine somme en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de cette indisponibilité du stade Vélodrome.
Pour rejeter les prétentions de l'Olympique de Marseille, les juges du fond ont, à deux reprises, considéré que l'effondrement de la structure scénique et l'accident mortel qui s'en est suivi n'avaient pas pour origine une faute de la commune de Marseille, laquelle était étrangère à l'opération de montage de cette structure, et résultaient de faits qui étaient extérieurs à cette commune et avaient le caractère d'un événement indépendant de sa volonté, qu'elle était impuissante à prévenir et empêcher. En bref, il s'agissait d'un classique événement de force majeure, exonératoire de la responsabilité contractuelle.
Statuant au fond, le Conseil d’État annule ce raisonnement et donc l'arrêt déféré à sa censure car « alors que l'indisponibilité du stade, bien qu'elle résulte de fautes commises par la société Live Nation France et les sous-traitants de cette dernière dans le montage de la structure scénique, n'aurait pu survenir sans la décision initiale de la commune de Marseille de mettre le stade Vélodrome à disposition de cette société pour l'organisation d'un concert, la cour a inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation. »
Cette censure se comprend mal et pour deux raisons.
En premier lieu, aucune faute contractuelle n'était reprochée à la commune de Marseille dans la mesure où le contrat de mise à disposition du stade Vélodrome la liant à l'Olympique de Marseille n'excluait point toute faculté pour ladite commune de mettre ce stade à disposition d'autres usagers durant les périodes où il n'est pas nécessaire à l'OM (pour ses matches ou préparations ou autres). D'ailleurs la décision du Conseil d’État n'évoque nullement la présence d'une telle faute à l'origine du préjudice subi.
En second lieu, l'événement en cause présente bien les troits traits cumulatifs nécessaires à l'existence d'une situation de force majeure contrairement à ce que juge le Conseil d’État car il est inexact de dire qu’ici fait défaut la condition d’extériorité. Écrire que du seul fait qu’elle a conclu un contrat avec une société, la Ville est indéfiniment responsable envers les tiers à ce contrat des dommages résultant de la seule faute de son cocontractant défie autant le bon sens que l’équité. Surtout, il se déduit du raisonnement retenu, implicitement mais nécessairement, qu’il sera à peu près impossible désormais d’apercevoir dans de telles circonstances une situation de force majeure. Avec une telle conséquence, la cause est entendue…
C'est pourquoi il est incompréhensible que le juge ait pu être en cette espèce à la cassation.
Puisque le concert cause du dommage devait être celui de Madonna, on se consolera en écoutant son célèbre Borderline.
(4 octobre 2021, Société sportive professionnelle Olympique de Marseille, n° 440428)
157 - Marchés de travaux publics – Retard dans la livraison d’un lot – Préjudice financier subi par un participant du fait de ce retard - Retard imputable à un autre participant – Absence de lien contractuel entre ces deux participants – Action en responsabilité quasi-délictuelle – Action fondée sur des stipulations du contrat conclu par ce second participant – Régularité – Cassation de l’arrêt rejetant l’action quasi-délictuelle.
La société requérante participait à la réalisation du lot « gros oeuvre » dans le cadre d’un marché public de travaux pour la construction du pôle éducatif et familial Molière du lotissement Courbet au Havre. Elle avait achevé sa prestation avec huit semaines de retard et en imputait la cause à la société Belliard, qui était chargée du lot « charpente » dont la réalisation avait pris du retard.
Considérant que, de ce fait, elle avait subi un préjudice financier, la société requérante a recherché la responsabilité de cette dernière en vue qu’elle répare ledit préjudice. Les juges, de premier degré et d’appel, ont rejeté son action indemnitaire.
En particulier la cour administrative d’appel a jugé que ne pouvait pas être recherchée par la demanderesse la responsabilité quasi-délictuelle de la société Belliard car, d’une part, à la fois, elle n’était liée à elle par aucun contrat et était tiers au marché conclu par la société Belliard et, d’autre part, elle n'établissait ni même n'alléguait que ces retards auraient été, compte tenu des circonstances particulières, constitutifs d'une violation des règles de l'art.
Le Conseil d’État aperçoit, à juste titre nous semble-t-il, une erreur de droit dans ce raisonnement. En effet, comme l’écrit le juge administratif suprême dans une formulation de principe : « Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage. »
La solution nous paraît d’autant plus justifiée qu’elle repose au fond sur l’idée d’unicité d’une opération et évite de « saucissonner » les questions contentieuses qu’elle peut soulever entre divers juges et entre divers régimes juridiques.
(11 octobre 2021, Société coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG), n° 438872)
158 - Responsabilité hospitalière et médicale – Réparation d’un accident médical au titre de la solidarité nationale – Exclusion de ce régime en cas d’acte fautif ou du défaut d’un produit de santé – Hypothèse où la faute, sans être la cause de l’accident médical, a réduit pour la victime la chance d’y échapper ou de se soustraire à ses conséquences – Régime jurisprudentiel – Annulation.
Lors d’une greffe hépatique les médecins du CHU de Bordeaux s’aperçoivent en cours d’implantation que le patient est atteint d’une adénopathie cancéreuse et renoncent à implanter le greffon qui était prévu, provenant du centre hospitalier du Havre ; après quelques heures, une implantation peut être réalisée avec un greffon provenant du centre hospitalier de Cholet. Le patient conserve de cette opération de lourdes séquelles neurologiques.
Un litige complexe naît en vue de la détermination du régime d’indemnisation du préjudice subi et le Conseil d’État trouve là l’occasion d’une importante décision qui aura d’ailleurs l’honneur d’une publication au Recueil Lebon.
On sait que le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne soumet la réparation par l'ONIAM d'un accident médical au titre de la solidarité nationale que si celui-ci ne résulte pas directement soit d’un acte fautif d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I du même article, soit d’un défaut d'un produit de santé. Sur ce point le texte est clair : le recours à la solidarité nationale suppose l’absence de faute ou de défectuosité.
Mais qu’en est-il lorsque, comme en l’espèce, une faute est commise qui, à la fois, n’est pas la cause directe de l’accident mais fait cependant perdre à la victime une chance d'y échapper ou de se soustraire à ses conséquences ?
Le Conseil d’État adopte en ce cas une solution équilibrée et d’équité : la victime « a droit à la réparation intégrale de son dommage au titre de la solidarité nationale, mais l'indemnité due par l'ONIAM doit être réduite du montant de l'indemnité mise à la charge du professionnel, de l'établissement, du service ou de l'organisme responsable de la perte de chance, laquelle est égale à une fraction des dommages, fixée à raison de l'ampleur de la chance perdue. »
Si donc l’acte fautif n'est pas la cause directe de l'accident, le juge saisi doit rechercher, le cas échéant d'office, si le dommage subi présente le caractère d'anormalité et de gravité requis par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et doit, par suite, faire l'objet d'une réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Dans le cas d'une réponse positive à cette question, si la faute reprochée au professionnel de santé ou à l'établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L.1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d'éviter l'accident médical non fautif ou de se soustraire à ses conséquences, il appartient au juge, tout en prononçant le droit de la victime à la réparation intégrale de son préjudice, de réduire l'indemnité due par l'ONIAM du montant qu'il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance.
(15 octobre 2021, Agence de la biomédecine, n° 431291 ; M. et Mme K., n° 431347)
159 - Exercice du pouvoir de police – Police de la circulation – Arrêté portant interdiction de la circulation de véhicules à moteur sur une voie de la commune – Débit de tabacs situé dans cette voie et retenu comme le plus proche du centre pénitentiaire voisin (décret du 28 juin 2010, art. 45, 47 et 49) – Perte du monopole d’approvisionnement du centre – Réclamation et dommages-intérêts – Annulation du refus d’abroger l’arrêté municipal d’interdiction de circulation des véhicules à moteur sur cette voie – Refus d’indemniser – Erreur de droit – Annulation.
Le maire d’une commune interdit, par un arrêté du 28 février 2013, la circulation des véhicules à moteur sur une voie communale au bord de laquelle est situé un débit de tabacs, « Le Reinitas », qui est « rattaché » au centre pénitentiaire voisin dont il est le plus proche, ce qui lui confère le monopole des achats de tabacs pour ce centre. Du fait de cette interdiction de circulation, un détour étant nécessaire pour s’y rendre, il a perdu son « rattachement » au centre pénitentiaire et donc la clientèle captive (au double sens du mot) qui en résultait.
Le gérant de ce commerce a demandé au maire l’abrogation de l’arrêté d’interdiction et la réparation du préjudice déjà subi. Le tribunal administratif a donné satisfaction au requérant en ordonnant sous astreinte l’abrogation de l’arrêté litigieux et en lui allouant l’indemnité qu’il réclamait. Sur appel de la commune la cour administrative d’appel a, pour l’essentiel, confirmé l’annulation du refus d’abrogation mais annulé l’indemnisation accordée en première instance.
Le débitant de tabacs se pourvoit contre cette partie de l’arrêt d’appel.
Le Conseil d’État lui donne raison.
La cour avait rejeté la demande indemnitaire du requérant au motif que les limitations apportées à la circulation sur le chemin de Saint-Vaast, où se trouve le débit de tabacs, par l'arrêté du 28 février 2013, n'étaient pas la cause du préjudice commercial subi par l'intéressé, son commerce de tabac ayant, à cette date, déjà cessé de remplir les conditions prévues par le décret du 28 juin 2010 pour être le débit de tabac le plus proche du centre pénitentiaire d'Annœullin par l'effet d'un arrêté municipal antérieur du 14 octobre 2004, lequel avait interdit le chemin de Saint-Vaast à la circulation des véhicules à moteur autres que les engins agricoles.
Ce jugeant la cour a commis une erreur de droit car il résulte des dispositions des art. 45, 47 et 49 du décret du 28 juin 2010 que le calcul de la distance entre l'entrée principale d'un établissement pénitentiaire revendeur et celle de son débit de tabacs de rattachement est celle de l'itinéraire le plus court incluant toutes les voie de circulation, y compris les voies accessibles uniquement aux piétons ou celles qui, bien que privées, sont ouvertes au public pendant la journée.
Le Conseil d’État en déduit qu'un tel itinéraire, « qui n'a pas nécessairement à être celui qui sera effectivement emprunté mais a pour seul objet de désigner le débit de rattachement, peut comporter une succession de voies réservées à des modes de circulation différents et qu'il n'y a notamment lieu de tenir compte, pour le déterminer, ni de la durée des déplacements le long de ses voies ni de la circonstance qu'il serait, en raison de la nécessité de recourir à un mode de transport sécurisé, impropre au transport effectif du tabac. »
Or, pour juger que l’arrêté du 14 octobre 2004 interdisant, sur le chemin de Saint-Vaast, la circulation des véhicules à moteur autres que les engins agricoles, avait déjà fait perdre au débit de tabac « Le Reinitas » son caractère de débit le plus proche du centre pénitentiaire d'Annœullin, la cour administrative d'appel s'est notamment fondée sur la nécessité d'utiliser un véhicule pour aller chercher le tabac, compte tenu des quantités en cause et des risques que présente le transport de ce type de produit. Elle a donc commis une erreur de droit en en inférant le calcul de la distance entre le centre pénitentiaire et le débit de tabacs.
C’est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation.
(15 octobre 2021, M. D., n° 436386)
160 - Dommages survenus à des randonneurs – Dommages survenue lors de la traversée d’une parcelle occupée par des bovins – Responsabilité de l’éleveur - Société d’assurances condamnée à les indemniser – Dommages survenus sur un chemin figurant au plan départemental des itinéraires de promenade et randonnées (art. L. 361-1 c. env.) - Refus d‘une condamnation solidaire du département et d’une communauté de communes – Rejet.
Des randonneurs circulant sur un sentier de randonnée sont blessés par des bovins se trouvant sur une parcelle traversée par ce chemin. La compagnie d’assurances requérante a demandé, en vain, sa condamnation solidaire avec le département et une communauté de communes dans la mesure où le département établit, après avis des communes intéressées, un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, plan dont faisait partie le sentier où s’est produit le dommage.
Elle se pourvoit et se trouve déboutée, le Conseil d’État approuvant la solution et la motivation de l’arrêt d’appel.
Tout d’abord, les conventions prévues par l’art. L. 361-1 du code de l’environnement ne sont signées qu’entre le département et les propriétaires.
Ensuite, il résulte des dispositions, alors en vigueur, de l’art. 1385 du Code civil (« Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. ») que les exploitants des parcelles supportant ces chemins ne sont pas dégagés de leur responsabilité civile en tant que gardiens d'animaux ayant causé des accidents à des randonneurs fréquentant ces chemins.
Enfin, c’est sans erreur sur la qualification des faits que la cour a jugé que l'absence de conclusion de la convention prévue par l'article L. 361-1 du code de l'environnement préalablement à l'inscription d'un chemin au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée et à l'aménagement et l'ouverture au public de ce chemin, n'était pas la cause directe et certaine de l'accident survenu sur ce chemin, qui n'est directement imputable qu'au comportement des bovins dont le gardien était l’assuré de la société requérante.
(25 octobre 2021, Société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, n° 442949)
161 - Dommages causés par un ouvrage public à ses usagers - Défaut d’entretien normal – Responsabilité du maître de l’ouvrage – Fait d’un tiers – Circonstance non exonératoire – Annulation.
La demanderesse sollicitait réparation des conséquences dommageables d’un accident automobile survenu du fait de la remontée d’une borne escamotable installée sur la voirie publique au moment où son véhicule circulait au-dessus de cette borne.
Elle a recherché la responsabilité in solidum de la commune, de la communauté d’agglomération et de l’assureur. Sa demande ayant été rejetée par le tribunal administratif, son appel a été transmis par la cour administrative d’appel au Conseil d’État, ainsi saisi d’un pourvoi.
Le juge cassation aperçoit une erreur de droit dans le jugement attaqué en ce qu’il a écarté la responsabilité de la collectivité publique au motif que la borne avait été mise en mouvement du fait d’une erreur imputable à un tiers, tout en constatant, dans le même temps, que cette collectivité était bien maître de la borne à l’origine des dommages et que la victime était bien usager de celle-ci.
Dès lors, en effet, que la commune ne rapportait pas la preuve ou un faisceau d’indices montrant qu’elle entretenait normalement l’ouvrage au moment où s’est produit le dommage, elle ne pouvait pas invoquer le fait d'un tiers pour s'exonérer de tout ou partie de cette responsabilité.
(25 octobre 2021, Mme B., n°446976)
162 - Accident de service – Pompier (militaire) – Réparation forfaitaire par la pension militaire d’invalidité – Préjudices excédant le forfait - Réparation – Régime – Annulation de l’arrêt d’appel et du jugement.
Alors qu’il revenait d’un hôpital où il avait acheminé un blessé, un sapeur-pompier de Paris – lequel est sous statut militaire - est victime de graves brûlures après avoir été aspergé, par un de ses collègues, d’un produit désinfectant. S’ensuit un contentieux au parcours sinueux du fait de l’action en réparation.
La commission d'indemnisation des victimes d'infractions a ordonné au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) de verser à la victime une certaine somme en réparation de ses préjudices.
Par un premier jugement (22 mai 2014), devenu définitif, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande du FGTI tendant à la condamnation de l'État à lui rembourser cette somme, puis, par un second jugement (20 avril 2017), ce tribunal a condamné la Ville de Paris à verser au FGTI une somme au titre des préjudices subis par la victime et non réparés par sa pension militaire d'invalidité, ainsi qu'une indemnité égale à la différence, si elle était positive, entre la somme de 55 993,80 euros et le montant de la pension effectivement versée.
La cour administrative d'appel de Versailles a annulé le premier jugement du tribunal administratif et déclaré nul et non avenu le second jugement, renvoyé l'affaire à ce tribunal et rejeté les conclusions présentées par le FGTI par voie d’appel incident.
L’arrêt de la cour est annulé en ce qu’il a jugé que l’accident n'était pas survenu à l'occasion de l'exercice de missions d'assistance et de secours en urgence dans une commune de la petite couronne ou dans la Ville de Paris, dénaturant ainsi les faits de l’espèce puisque cet accident est survenu alors que le véhicule transportant les sapeurs-pompiers revenait de l’hôpital où avait été déposé le piéton blessé à Montrouge.
Procédant à l’examen du jugement que cet arrêt avait annulé, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que la pension militaire d’invalidité a pour objet de réparer forfaitairement les militaires victimes d’accident de service.
Toutefois, ce nonobstant, si la victime se prévaut de préjudices que ne répare pas le forfait de pension elle peut réclamer un complément d’indemnisation, la jurisprudence Mme Moya-Caville (Assemblée, 4 juillet 2003, n° 211106), qui concerne les fonctionnaires civils, ayant été étendue aux militaires, notamment par les décisions du 1er juillet 2005 (Brugnot, n° 258208) et du 7 octobre 2013 (Hamblin, n° 337851).
Ensuite, la victime peut engager une action de droit commun contre l'État en vue de la réparation intégrale de l'ensemble du dommage notamment si l'accident est imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité.
Enfin, en l’espèce, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris étant à la disposition du préfet de police de Paris dans le cadre de sa compétence pour assurer l'organisation et le fonctionnement du service public de secours et de défense contre l'incendie dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, il s’ensuit que la réparation des accidents de services subis par ces pompiers dans l’exercice de leurs fonctions ou dans le cadre du service incombe à l’État pour ceux des préjudices que ne couvre pas le forfait de pension. Pareillement, peut être recherchée la réparation intégrale du préjudice subi lorsqu’est en cause une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
C’est à tort que le jugement attaqué a condamné la Ville de Paris à indemniser le FGTI du montant des préjudices non couverts par le forfait de pension et c’est à bon droit que la ministre requérante demande sa mise hors de cause en sa qualité d’employeur de la victime.
(25 octobre 2021, Ministre des armées, n° 449175)
163 - Dommage résultant de plusieurs fautes – Fautes commises par des personnes différentes – Action de la victime – Faculté de choix – Action dirigée contre l’une d’elles seulement ou contre toutes solidairement – Rejet.
Rappel d’une règle procédurale classique et d’ailleurs commune aux droits administratif et civil de la responsabilité quasi-délictuelle.
« Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux. »
(29 octobre 2021, Mme C., n° 441310)
Santé
164 - Haute autorité de santé (HAS) - Recommandations de bonnes pratiques - Traitement de la bronchiolite aigüe chez le nourrisson de moins de douze mois - Absence de recommandation à la kinésithérapie respiratoire de désencombrement bronchique en ambulatoire - Vices de légalité externe - Défaut d’impartialité - Absence - Erreur manifeste d'appréciation - Absence - Rejet.
(6 octobre 2021, Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs, n° 437622)
V. n° 1
Covid-19 : Le virus court encore… le contentieux aussi…
165 - Covid-19 – Obligation vaccinale des professionnels de santé – Opticiens – Effets indésirables des vaccins - Atteintes à divers droits ou libertés – Rejet.
Par voie de référé liberté était demandée la suspension de l'exécution des dispositions de l'article 1er du décret du 7 août 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la crise sanitaire, en tant qu'elles concernent la vaccination obligatoire de certains professionnels de santé, notamment les opticiens.
Deux séries de moyens étaient soulevés, ils sont, sans aucune surprise, rejetés.
En premier lieu étaient contestées l’efficacité et l’innocuité des vaccins contre le Covid-19. Le Conseil d’État relève que ces critiques ne sont pas appuyées sur une démonstration et qu’elles ne remettent pas en cause le bien-fondé et le caractère non manifestement disproportionné de l'instauration par le législateur d'une obligation vaccinale pour certaines professions spécifiques à raison des conditions de leur exposition à une contamination du fait des personnes qu'elles côtoient, dont sont de surcroît exemptées les personnes présentant des contre-indications médicales reconnues.
En second lieu sont rejetés les griefs d’atteintes à divers droits ou libertés fondamentaux car ils sont formulés en allégations générales et très peu développées.
(ord. réf. 8 octobre 2021, M. B. et société Optique du Centre, n° 456947)
(166) Sur la vaccination obligatoire de certains professionnels et les risques encourus en cas de non-vaccination, voir, à propos d’un sapeur-pompier et d’une professionnelle de santé, le rejet contenu dans : ord. réf. 13 octobre 2021, M. A. et Mme B., n° 456692 ; Mme B., n° 456694
(167) V. aussi, rejetant un référé-liberté dirigé contre ce même décret du 7 août 2021 en tant qu’il porterait une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir et à la liberté de circulation en ce qu'il conditionne l'utilisation des services de transport à la présentation d'un passe sanitaire alors, d’une part, que la propagation du Covid-19 est en recul constant, et, d’autre part, que les vaccins administrés n'empêchent pas la contamination et la transmission du virus et, enfin, du fait que le décret contesté instaurerait une discrimination entre les personnes vaccinées et les personnes non vaccinées : ord. réf. 8 octobre 2021, M. A., n° 457120 ou encore : ord. réf. 8 octobre 2021, M. B., n° 457155 ou encore, rejetant la requête d’un établissement de restauration dirigée contre l’obligation de passe sanitaire et d’un contrôle à l’entrée de celui-ci : ord. réf. 12 octobre 2021, Société YS Group, n° 456917 et n° 456918 ; également, rejetant le recours contre l’obligation du passe sanitaire pour les enfants de 12 ans et plus, qui les empêcherait de se livrer à des activités récréatives propres à leur âge : ord. réf. 15 octobre 2021, Mme A., n° 456360.
(168) V. également, le rejet de la demande en référé faite au juge administratif d’abroger (sic) la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : ord. réf. 8 octobre 2021, Mme B., n° 457150 ou de la demande en référé tendant à la suspension (sic) de cette même loi du 5 août 2021 : ord. réf. 22 octobre 2021, Mme A., n° 457577.
(169) V. encore, le rejet pour défaut d’urgence d’une requête en vue que soit ordonnée – au premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé, et à l'Agence nationale de sécurité du médicament - la suspension, sous astreinte de cent mille euros par jour de retard (!), l'autorisation de mise sur le marché des « vaccins » à ARN-m des laboratoires Pfizer et Moderna à compter du quinzième jour ouvrable suivant cette notification à venir : ord. réf. 8 octobre 2021, M. C., n° 457253.
(170) Voir, rejetant, comme ne remplissant aucune des deux conditions nécessaires à son admission, un recours en référé suspension en vue, notamment, de la suspension d’exécution du « cadre sanitaire pour le fonctionnement des écoles et établissements scolaires » pour l'année scolaire 2021-2022, publié le 28 juillet 2021 en tant qu'il prévoit l'obligation de port du masque dans les écoles et autres établissements de type " R " pour les enfants âgés de six à dix ans : ord. réf. 11 octobre 2021, Mme D. et autres, n° 457065.
(171) Également, jugeant que la condition d’urgence n’est pas remplie dans le cadre d’un référé suspension en vue que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la note de service SG/SRH/SDDPRS/2021-702 de la secrétaire générale du ministère de l'agriculture et de l'alimentation en date du 21 septembre 2021 définissant le régime de télétravail applicable à compter du 4 octobre 2021 : ord. réf. 14 octobre 2021, M. B., n° 457235.
(172) Encore, rejetant, sans examen de la condition d’urgence, le référé tendant à la suspension des dispositions insérées par le a) du 8° de l'article 1er du décret n° 2021-1268 du 29 septembre 2021 à l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire qui étendent aux personnes âgées d'au moins douze ans et deux mois l'obligation de présentation de documents pour l'accueil dans divers établissements, lieux, services et événements, dite « passe sanitaire » : ord. réf. 20 octobre 2021, M. A., n° 457367.
173 - Covid-19 – Obligation de vaccination ou d’un certificat de contre-indication à la vaccination – Non-respect de ces exigences – Agent public hospitalier suspendu de ses fonctions sans traitement – Absence d’atteinte à une liberté fondamentale – Rejet.
Le requérant demandait la suspension, en référé-liberté, de la mesure de suspension de ses fonctions sans traitement dont il a fait l’objet de la part du directeur délégué du centre hospitalier qui l’emploie, jusqu’à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Le rejet de sa requête en première instance le conduit à saisir le Conseil d’État.
Son recours est, évidemment, rejeté.
L’auteure de l’ordonnance rappelle tout d’abord que : « La décision, fût-elle illégale, suspendant un agent public n'est pas, par son seul objet, de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, même lorsqu'elle est assortie de l'interruption du versement de la rémunération. Toutefois, les motifs sur lesquels se fonde cette décision peuvent, dans certains cas, révéler une telle atteinte. »
Elle examine ensuite le grief d’atteinte aux libertés fondamentales pour le rejeter.
Les vaccins autorisés contre le Covid-19 ne sont pas des médicaments expérimentaux alors même qu’ils ont fait l’objet d’une autorisation conditionnelle de mise sur le marché et ils ne portent donc pas atteinte au droit à l'intégrité physique, à la dignité de la personne humaine, au droit à la sécurité et à la vie et au droit de disposer de son corps garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par la Convention d'Oviedo du 4 avril 1997 pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine.
Si tout vaccin constitue une ingérence dans la vie privée au sens et pour l’application de la Convention EDH, en l’espèce il est justifié tant pour le bénéfice de la personne vaccinée que pour celui de la communauté nationale tout entière.
L’obligation vaccinale particulière pour les professionnels de santé ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la dignité de la personne humaine invoqué par le requérant au regard de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi qu’aux deux pactes des Nations-Unies (droits civils et politiques et droits économiques, sociaux et culturels).
Enfin, la circonstance que les personnes présentant un certificat médical de contre-indication vaccinale ne sont pas susceptibles de faire l'objet de la mesure de suspension prévue par l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne peut conduire, en tout état de cause, le juge des référés à ordonner des mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 précité.
(ord. réf. 18 octobre 2021, M. A., n° 457213)
(174) V. aussi, identique et concernant le même centre hospitalier : ord. réf. 18 octobre 2021, Mme B. épouse A., n° 457216.
(175) Voir aussi, le rejet du recours en référé d’un aide-soignant hospitalier pour le motif ci-dessus, avec cette particularité ici que l’intéressé bénéficiait d’une décharge totale d’activité en sa qualité de représentant syndical dès lors que le local syndical est situé dans l’enceinte du centre hospitalier dans lequel il est employé : ord. réf. 20 octobre 2021, M. A., n° 457101.
(176) Pareillement, du rejet d’un référé liberté dirigé contre deux notes des 20 et 25 août 2021, de la directrice générale des services de la commune de Nanterre informant les agents affectés dans les établissements de la petite enfance de la commune qu'ils entrent dans le champ de l'obligation vaccinale contre le Covid-19 : ord. réf. 25 octobre 2021, Syndicat Interco CFDT des Hauts-de-Seine, n° 457230.
(177) Semblables à la précédente ordonnance mutatis mutandis : ord. réf. 25 octobre 2021, Syndicat Action et Démocratie, n° 457294 ; ord. réf. 25 octobre 2021, Syndicat Action et Démocratie, n° 457357.
Service public
178 - Réseau d’assainissement collectif - Redevance d’assainissement - Tarif des services publics – Tarifs différents pour un même service rendu à des catégories diverses d’usagers – Conditions de légalité – Rejet.
Le Conseil d’État statue sur un pourvoi dirigé contre le jugement d’un tribunal administratif saisi d’une question préjudicielle par un tribunal d’instance sur l’appréciation de la légalité de délibérations municipales instituant un montant différencié de la redevance d’assainissement collectif mise à la charge de différents usagers.
Confirmant pour l’essentiel le jugement critiqué, le juge de cassation rappelle dans une formulation de principe que « La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure. »
Solution qui confirme mot pour mot notamment celle retenue par : 26 juillet 1996, Association Narbonne Libertés 89 et autre (Recueil Lebon, tables, p. 754 et 969).
(22 octobre 2021, Mme AE. et autres, n° 436256)
Sport
179 - Ligue de football professionnel – Personne privée chargée d’une mission de service public – Compétence du juge administratif – Actions ne constituant pas une prérogative de puissance publique pour l’accomplissement de la mission de service public – Incompétence – Rejet.
La société requérante a saisi le Conseil d’État d’un recours en annulation de la décision du conseil d'administration de la Ligue de football professionnel adoptant le guide de répartition des droits audiovisuels 2020/2021 en tant qu'elle ne prévoit pas l'application de l'aide variable additionnelle aux clubs relégués en Ligue 2 à l'issue de la saison 2018/2019 et en tant qu'elle rejette sa demande tendant à bénéficier de l'aide à la relégation additionnelle triplée pour sa deuxième année de relégation en 2020/2021.
Le Conseil d’État rejette le recours pour incompétence de la juridiction saisie.
En effet, si la Ligue de football professionnel, personne morale de droit privé chargée de la gestion du football professionnel, est à ce titre investie d'une mission de service public administratif, et si les actes et décisions pris par elle dans ce cadre ressortissent à la compétence de la juridiction administrative, il n’en va pas ainsi lorsque, comme au cas de l’espèce, ces actes et décisions ne constituent pas l'exercice d'une prérogative de puissance publique.
(28 octobre 2021, Société En Avant Guingamp, n° 445699)
180 - Gymnastique rythmique – Règlement – Absence de prise en compte de la pratique masculine – Discrimination – Rejet.
L’association demanderesse recherchait l’annulation de la décision implicite née du silence gardé par la Fédération française de gymnastique (FFG) sur sa demande tendant à la modification du règlement technique de la gymnastique rythmique en vue de l'ouverture aux athlètes masculins de l'ensemble des niveaux de compétitions, dont celles correspondant à la catégorie " Elite ", et de la création d'une catégorie sportive dédiée à la pratique masculine de cette discipline.
Le recours est rejeté d’abord parce le principe d’égalité n’oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes, ensuite, parce qu’à supposer qu’il soit établi que lors de la sélection des sportifs en vue de compétitions, les responsables excluent systématiquement les hommes, ceci n’a pas pour effet d’entacher d’illégalité le règlement litigieux et enfin car les dispositions du second alinéa de l’art. 1er de la Constitution (selon lesquelles : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. ») ne peuvent pas être utilement invoquées pour contester l'absence de catégorie dédiée à la pratique masculine de la gymnastique rythmique ainsi que les conditions réglementaires de participation aux différents niveaux de compétition.
En conséquence, « contrairement à ce qui est soutenu, le règlement technique de la gymnastique rythmique, en ce qu'il ne distingue pas selon le sexe des gymnastes et ne prévoit pas de dispositions spécifiques à la pratique masculine, ne porte, par lui-même, pas d'atteinte au principe d'égalité ni au libre accès à l'activité sportive en cause. »
(28 octobre 2021, Association de défense de l'égalité hommes-femmes en gymnastique rythmique (GR-ADE), n° 445703)
(181) V. aussi, voisin : 28 octobre 2021, Association de défense de l'égalité hommes-femmes en gymnastique rythmique (GR-ADE), n° 445705.
Urbanisme et aménagement du territoire
182 - Permis de construire - Intérêt de voisins à agir - Absence de productions des défendeurs en cours d'instance - Motif sérieux suffisant à justifier la suspension prononcée - Irrégularité d'un autre moyen sans effet sur la demande d'annulation de l'ordonnance – Rejet.
Un permis de construire ayant été suspendu, son bénéficiaire demande l'annulation de l'ordonnance rendue sur référé suspension.
En premier lieu, le juge des référés a estimé que les requérants qui l'ont saisi avaient intérêt à agir dans la mesure où ils sont voisins de la construction projetée et susceptibles d'en subir les effets. Comme cet intérêt à agir n'a pas été contesté par les défendeurs en première instance - et pour cause car ils n'ont pas produit à cette instance -, il est donc établi.
En deuxième lieu, le Conseil d’État relève l'absence de toute production de la part des défendeurs ainsi que de la part du maire auteur de la délivrance du permis suspendu. Il estime qu'en ce cas : « il appartient au juge des référés d'apprécier le bien-fondé des moyens présentés devant lui et susceptibles de créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en tenant compte des faits exposés par le requérant à la lumière des pièces du dossier. » En d'autres termes, il ne saurait y avoir de critique de l’absence de débat contradictoire dès lors que la partie défenderesse s'est volontairement soustraite au débat. Ce sont donc seulement les pièces et productions des demandeurs qui seront prises en considération.
En troisième lieu, enfin, pour suspendre l'arrêté octroyant le permis, le juge des référés avait retenu deux motifs : l'incompétence du maire pour délivrer un permis de construire car cette compétence aurait été transférée à la communauté d'agglomération et la violation, par ce permis, de plusieurs dispositions du règlement national d'urbanisme (RNU).
Le premier motif est censuré par le juge de cassation pour erreur de droit : en réalité n'a été transférée à la communauté d'agglomération que la compétence pour instruire les permis de construire non celle de la délivrance du permis qui demeure entre les mains du maire. Toutefois cette erreur est sans incidence sur le sort de l'ordonnance, le second moyen sur lequel elle repose étant fondé et justifiant la solution retenue.
(4 octobre 2021, M. D., n° 441505)
183 - Permis de construire valant permis de démolir - Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) - Plan local d'urbanisme - Obligation de compatibilité avec les objectifs du SDRIF - Examen du respect de cette compatibilité - Absence d'erreur de droit ou de qualification juridique des faits - Rejet.
A l'occasion d'un litige né du refus d'une commune de délivrer un permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction de deux immeubles de 65 logements collectifs, dont 20 logements sociaux, après démolition totale de l'existant, le Conseil d’État apporte un certain nombre de précisions en particulier celles relatives à la circonstance que le cadre juridique du litige est celui du schéma directeur de la région d'Ile-de-France et d'un PLU dont certaines dispositions sont postérieures à l'entrée en vigueur de ce schéma.
Des dispositions législatives spéciales propres au SDRIF (L. 123-1 et suiv. du code de l'urbanisme), il résulte qu'au sein de cette région, les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de cette région.
S'agissant d'apprécier cette compatibilité, le Conseil d’État estime que le juge administratif doit rechercher la non-contrariété des dispositions du SCoT, du PLU ou de tout autre document en tenant lieu avec les objectifs et les orientations d'aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées par celui-ci. Il s'agit d'une appréciation globale qui doit être effectuée à l'échelon territorial le plus pertinent au regard du cadre du litige dont le juge est saisi, c'est pourquoi celui-ci n'a pas à rechercher l'adéquation du plan à chaque orientation ou objectif particulier.
Compte-tenu, ici, des dispositions réglementaires relatives au SDRIF (décret du 27 décembre 2013), notamment de ses « orientations réglementaires » et de la « carte de destination générale des différentes parties du territoire », notamment celles fixant un objectif d'augmentation minimale de 10 % de la densité humaine et de la densité des espaces d'habitats à l'horizon 2030, à l'échelle communale, dans les « espaces urbanisés à optimiser » qui couvrent notamment le territoire de la commune de Montmorency, il n'en résulte aucune obligation d'accroître les surfaces bâties de la commune mais seulement d'adopter, au travers des documents d'urbanisme locaux, des dispositions autorisant la densification, dans les proportions indiquées, à l'horizon 2030.
De là le Conseil d’État estime que c'est sans erreur de droit ni de qualification des faits que la cour, dont l'arrêt lui est déféré, a jugé en premier lieu que la réduction très sensible des possibilités de construction sur le territoire de la commune n'était justifiée ni par la densité de population de la commune, plus faible que celle des communes avoisinantes, ni par l'atteinte alléguée des objectifs de densification fixés en 2012 par le plan alors en vigueur de 900 logements pour la période de 2012 à 2022, dont 650 auraient déjà fait l'objet de permis de construire et jugé en second lieu que, contrairement à ce que soutenait la commune, les objectifs du schéma directeur de la région d'Île-de-France ne pourraient être respectés par la seule délivrance de permis de construire dans les « dents creuses » du territoire, celle-ci ne pouvant suffire à compenser la réduction manifeste de la constructibilité sur la majeure partie du territoire communal résultant des dispositions nouvelles du plan local d'urbanisme.
De la même manière, le nombre et l'emplacement de places de stationnement ont été illégalement fixés dans le cadre d'un PLU qui contrevient lui-même irrégulièrement aux objectifs du SDRIF.
Enfin, c'est également sans erreur et sans dénaturation, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, que la cour a retenu que le projet refusé ne compromettait ni la qualité des lieux environnants ni les dispositions de l'article U1/11 du règlement du PLU qui, ayant le même objet que l'article R. 111-27, posent des exigences qui ne sont pas moindres et trouvent à s'appliquer, dès lors, d'une part, que si les deux bâtiments à démolir présentent les caractéristiques architecturales de maisons bourgeoises construites à la fin du XIXème siècle, il en existe de nombreuses autres dans la commune, aucune protection particulière n'ayant été fixée à la date du refus attaqué, et que, d'autre part, le projet revêt une grande qualité architecturale et prévoit une insertion dans un environnement de parc arboré, sans qu'il soit établi que l'emprise au sol des constructions envisagées ou les toitures seraient de nature à porter une atteinte visuelle à un espace vert situé à proximité ou à un espace boisé classé inclus dans le terrain d'assiette qui sera conservé.
(6 octobre 2021, Commune de Montmorency, n° 441847)
184 - Construction sans permis ou en méconnaissance des prescriptions légales ou ayant subi des modifications irrégulières postérieurement à l'obtention du permis - Projet de nouveaux travaux - Obligations s'imposant au pétitionnaire - Obligations s'imposant à l'autorité compétente pour délivrer le permis - Régularisation impossible d'une demande de permis ne portant pas sur l'ensemble des travaux projetés - Rejet.
Un tribunal administratif, sur demande des voisins immédiats du projet, annule le permis de construire délivré à la société requérante en vue d'accroître la surface de plancher d'un appartement, de la réalisation de divers travaux de toiture, de façade et de la création de places de stationnement. Il avait estimé illégale la délivrance du permis car le pétitionnaire, qui voulait réhabiliter et agrandir une construction ayant fait l'objet d'un permis le 15 mai 1962, n'avait pas, dans sa nouvelle demande de permis, déposée en 2017, inclus l'ensemble des éléments de la construction qui avaient eu ou allaient avoir pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement autorisé par le permis de construire délivré en 1962. Or le tribunal a relevé que le garage accolé à la maison n'avait pas été autorisé par le permis de construire initial, que la toiture de la maison, initialement prévue en terrasse, avait été transformée en une toiture à pans inclinés et que les ouvertures de la façade nord du bâtiment avaient été modifiées.
Les premiers juges en ont donc déduit à juste titre que la décision du maire de non opposition du 18 mars 2014 ne pouvait être regardée comme ayant eu pour effet d'autoriser l'implantation du garage et d'autoriser les transformations de la toiture et des ouvertures de la façade nord dès lors que le dossier de déclaration de travaux ne portait que sur la réhabilitation projetée du garage et de la toiture, sans comporter aucun élément relatif aux travaux antérieurs dont ils étaient issus, et comprenait seulement des plans et photographies de l'existant, n'incluant d'ailleurs pas de plan de la façade nord.
Certes, les dispositions des art. L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme permettent, à certaines conditions, au juge saisi de conclusions à fin d'annulation de certaines autorisations d'urbanisme n'affectant qu'une partie du projet, d'inviter la partie concernée à solliciter la régularisation du vice affectant ladite autorisation ou ne procéder qu'à une annulation partielle. Toutefois, et c'est l'intérêt principal de la décision rapportée, lorsque l'autorité administrative, saisie d'une demande ne portant pas sur l'ensemble des éléments qui devaient lui être soumis, a illégalement accordé l'autorisation de construire qui lui était demandée au lieu de refuser de la délivrer et de se borner à inviter le pétitionnaire à présenter une nouvelle demande portant sur l'ensemble des éléments ayant modifié ou modifiant la construction par rapport à ce qui avait été initialement autorisé, cette illégalité ne peut être regardée comme un vice susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation au titre de l'un des deux articles précités.
Ainsi sont clairement identifiées les obligations respectives du pétitionnaire et de l'autorité administrative en cette occurrence.
Le pétitionnaire qui envisage de faire de nouveaux travaux sur une construction édifiée sans permis ou non conforme au permis obtenu, doit présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment.
L'autorité administrative saisie d'une demande ne satisfaisant pas à cette exigence, doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation et cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés. Faute de respecter ces conditions l'autorisation est illégale sans possibilité de régularisation.
(6 octobre 2021, Société Marésias, n° 442182)
185 - Permis de construire affecté d’un vice régularisable (art. L. 600-5-1 c. urb.) – Obligation pour le juge d’inviter à régulariser – Absence d’obligation parallèle pour le juge en cas de demande d’annulation d’un refus de permis de construire – Atteinte au principe d’égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif – QPC sur ces fondements - Situations différentes – Possibilité de soumettre à tout moment une nouvelle demande de permis et d’en attaquer le refus – Rejet.
(7 octobre 2021, M. A., n° 451827)
V. n° 147
186 - QPC - Régime transitoire des plans d’occupation des sols (POS) en vue de leur transformation en plans d’urbanisme (PLU) – Maintien vigueur des dispositions relatives aux anciens POS – Dispositions combinées des art. L. 123-1 et L. 174-4 c. urb.) - Traitement différent des propriétés foncières en matière de superficie minimale des terrains constructibles – Différence en rapport direct avec l’objet de la loi – Refus de transmission de la QPC.
Le pétitionnaire d’un permis de construire s’est vu refuser le permis qu’il sollicitait en vue de la construction de deux maisons jumelées, attenantes par un garage au motif de l’insuffisance de superficie de la parcelle devant servir d’assiette à cette construction.
Il saisit le juge d’une demande de transmission d’une QPC fondée sur ce que les dispositions combinées des art. L. 174-4 et L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans la version immédiatement antérieure à la loi du 13 décembre 2000, méconnaissent, d’une part, le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, en ce qu'elles établissent une différence de traitement manifestement injustifiée entre les pétitionnaires selon que leur commune est régie par un plan d'occupation des sols ou par un plan local d'urbanisme, et d’autre part, les dispositions de l'article 34 de la Constitution et des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, en n'encadrant pas ou en ne limitant pas la faculté de fixer des règles relatives à la superficie minimale des terrains constructibles.
Le Conseil d’État motive ainsi son refus de transmettre cette QPC.
En premier lieu, cette situation de droit ne porte pas atteinte à l’art. 6 de la Déclaration de 1789 car le législateur a voulu, à titre transitoire, soumettre les POS au régime juridique des PLU, tout en maintenant en vigueur les dispositions relatives à leur contenu. Le traitement différent des propriétés foncières pouvant en résulter au regard de la règle relative à la surface minimale des terrains constructibles, pendant la période transitoire durant laquelle les POS ont été maintenus en vigueur afin d'être transformés en PLU ou en PLU intercommunaux (PLUi), traduit le souci du législateur d’une rénovation en douceur du cadre juridique en cause, dans un délai raisonnable qui tienne compte des contraintes inhérentes à l'élaboration d'un plan local d'urbanisme et sans que les communes concernées ne se trouvent dans l'obligation de faire, durant cette attente, application du seul règlement national d'urbanisme. Cette différence de traitement est donc en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'a établie. Elle n’est pas critiquable.
En second lieu, cette situation ne porte pas davantage atteinte à l’art. 2 de cette Déclaration car l’incompétence négative du législateur n’est pas, en soi et à elle seule, au nombre des cas d’ouverture à QPC.
Enfin, ne peut être invoquée l’atteinte portée au droit de propriété tel que le protège l’art. 17 de la Déclaration de 1789 car le maintien provisoire de la différence susindiquée entre les propriétés foncières ne constitue pas une privation du droit de propriété.
La transmission de cette QPC et donc refusée.
(11 octobre 2021, M. B., n° 451628)
187 - Permis de construire – Demande d’annulation – Intérêt à agir – Requête rejetée car manifestement irrecevable – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit l’auteur de l’ordonnance qui, pour rejeter une demande d’annulation d’un permis de construire au motif que le requérant n’a pas intérêt à agir en l’espèce, la qualifie comme « manifestement irrecevable ».
Or, aux termes de l’art. R. 222-1 CJA, ne peut être ainsi qualifiée qu’une requête dont soit l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte soit dont la régularisation ne peut intervenir que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré, soit qui a donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation, est expiré.
Ici, le juge devait, d’une part, inviter le requérant a lui apporter les précisions permettant d’apprécier la recevabilité de sa demande au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme et, d’autre part, avoir assorti cette invitation de l’information des conséquences qu'emporterait un défaut de régularisation dans le délai imparti (cf. art. R. 612-1 CJA).
(14 octobre 2021, M. G., n° 441415)
(188) V. aussi, sur l’appréciation de l’intérêt à agir : 20 octobre 2021, Association Préservons l'environnement montpelliérain (PEM), n° 442424 ; Société IF Ecopole, n° 442429 ; Société Ode à la mer H1, n°s 444522, 444523 et 444524.
189 - Décision unique accordant un permis de construire et un permis de démolir – Actes distincts et divisibles – Annulation de la décision entière, seul le permis de construire étant argué d’illégalité – Erreur de droit – Annulation partielle.
La solution retenue ici est classique (V. par exemple cette Chronique, Février 2018 n° 105 : 21 février 2018, SCI La Villa Mimosas, n° 401043).
S’il est possible à l’autorité compétente de délivrer par un acte unique un permis de construire et un permis de démolir cela n’en fait pas une décision unique ou, a fortiori, indivisible. Cet acte comporte en ce cas deux décisions distinctes et autonomes quant à l’appréciation de leur légalité.
Il s’ensuit que commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, ayant constaté l’illégalité du seul permis de construire, procède à l’annulation des deux permis que contenait la décision.
Est donc prononcée l’annulation partielle du jugement en tant qu’il concerne le permis de démolir.
(18 octobre 2021, Société Plurimmo, n° 449506)
190 - Recours contre un permis de construire – Obligation de notification du recours au titulaire de l’autorisation – Cas d’une société bénéficiaire du permis – Notification à son siège social – Absence de notification à l’adresse mentionnée sur l’affichage du permis sur le terrain – But d’information satisfait – Erreur de droit – Annulation de l’arrêt contraire.
L’article R.600-1 du code de l’urbanisme impose à tout auteur d’un recours en annulation d’un permis de construire d’en aviser, dans un certain délai et sous une certaine forme, l’auteur de la décision de permis et son bénéficiaire.
En l’espèce, où le permis avait été délivré à une société, les auteurs du recours avaient notifié celui-ci non à l’adresse de la société mentionnée sur l’affichage du permis sur le terrain mais à celle de son siège social.
La cour administrative d’appel avait jugé irrecevable le recours en annulation dès lors que sa notification n’avait pas été régulièrement accompli à l’adresse mentionnée sur l’affichage du permis sur le terrain.
La solution est condamnée pour erreur de droit par le Conseil d’État - qui doit être approuvé pour cette solution -, juge que le but poursuivi par l’obligation de notification est un but de sécurité juridique, destiné à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. C’est pourquoi, contrairement à ce qu’avait jugé la cour, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, s'agissant d'une société, elle lui est adressée à son siège social.
(20 octobre 2021, M. et Mme N. et autres, n° 444581)
191 - Permis de construire – Recours en référé suspension – Présomption d’urgence – Renversement de la présomption par le délai séparant le recours en annulation du permis du recours en référé – Erreur de droit – Annulation.
(20 octobre 2021, M. A. et autres, n° 445731)
V. n° 31
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Septembre 2021
Septembre 2021
Actes et décisions - Documents administratifs - Procédure administrative non contentieuse
1 - Silence de l'autorité administrative gardé pendant deux mois valant acceptation - Exceptions - Nécessité éventuelle d'une étude d'impact - Autorisation d'extension d'une exploitation agricole - Installation classée pour la protection de l'environnement - Rejet.
La société demanderesse, exploitante d'un élevage de 500 vaches laitières, bénéficiait d'une autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Projetant une modification des conditions d'exploitation pour parvenir à un total de 880 vaches, elle a porté ce projet à la connaissance du préfet avant sa mise en œuvre et a déposé à cette fin un dossier comportant les éléments d'appréciation prévus à l'article R. 515-54 du code de l'environnement.
En ce cas, la législation prévoit deux possibilités :
1° Soit le préfet considère que le regroupement projeté est de nature à entraîner une modification substantielle de l'installation autorisée, il invite alors l'exploitant à déposer une nouvelle demande d'autorisation qui doit faire l'objet de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dudit code.
2° Soit le préfet estime qu'il n'y a pas lieu à modification substantielle et il lui appartient de prendre un arrêté complémentaire afin de modifier les prescriptions de l'autorisation existante et, le cas échéant, de fixer les prescriptions additionnelles rendues nécessaires par les modifications apportées.
Le Conseil d’État estime, dans la présente décision, que, dans son ensemble, quel que soit le terme de l'alternative concerné, cette procédure doit être regardée comme constituant une demande de modification des conditions d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement au sens de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 codifié à l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que dès lors qu'elle est susceptible de rendre nécessaire le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation devant faire l'objet de l'étude d'impact préalable prévue à l'article L. 122-1 du code de l'environnement, la demande en cause relève des exceptions à l'application du principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative vaut décision d'acceptation.
En jugeant ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, d'où le rejet du pourvoi.
(23 septembre 2021, Société civile d'exploitation agricole Côte de la Justice, n° 437748)
2 - Circulaire du garde des sceaux - Circulaire prise pour la mise en oeuvre des dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de réforme pour la justice, relatives aux peines - Légalité - Absence s'agissant des instructions relatives à certaines peines - Présence pour les autres dispositions - Annulation partielle.
Le syndicat requérant demandait l'annulation de divers points de la circulaire du garde des sceaux du 20 mai 2020 portant mise en oeuvre de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de réforme pour la justice dans sa partie relative aux peines.
Rejetant la fin de non-recevoir du ministre défendeur, le Conseil d'État, appliquant une jurisprudence désormais classique et bien établie en dépit de tout ce qu'elle a de discutable, constate que ce document a pour objet d'adresser aux magistrats du ministère public ainsi qu'aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires des instructions générales pour la mise en œuvre des dispositions de la loi du 23 mars 2019 relatives aux peines, et qu'il porte notamment, s'agissant des magistrats du ministère public, sur l'application des articles 132-19 du code pénal et 723-15 du code de procédure pénale. Comme les éléments qu'il comporte sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que ses destinataires, en particulier les personnes poursuivies ou condamnées, il s'ensuit que doit être écartée la fin de non-recevoir du garde de sceaux opposée à cette requête.
Ensuite, il retient comme fondé le grief d'illégalité tiré de ce que les instructions de la circulaire qui concernent les peines d'emprisonnement de moins d'un mois et les peines d'emprisonnement ou reliquats de peines anciens et de faible quantum sont relatives à l'exécution de condamnations passées en force de chose jugée : elles ne peuvent donc pas être rattachées aux dispositions nouvelles de l'article 132-19 du code pénal relatif au prononcé des peines, issues de la loi du 23 mars 2019, et méconnaissent, par voie de conséquence, le principe d'exécution de la sentence posée à l'article 707-1 du code de procédure pénale.
Enfin, les autres griefs sont rejetés.
Il en va ainsi de l'instruction donnée aux magistrats du parquet de mettre en œuvre les pouvoirs de réquisition qu'ils tiennent de l'article 712-4 du code pénal afin de saisir le juge de l'application des peines des modalités d'exécution des peines concernées, celle-ci n'est, en effet, pas entachée d'incompétence ni ne méconnaît l'autorité de chose jugée et l'article 707 du code de procédure pénale. Il en va pareillement de la disposition de la circulaire selon laquelle, restant dans les limites de sa compétence, son auteur adresse une instruction générale aux magistrats du parquet sollicités en ce sens par le juge d'application des peines qui, en vertu de l'article R. 131-29 du code pénal, « s'assure de l'exécution du travail d'intérêt général soit par lui-même, soit par l'intermédiaire d'un agent de probation ».
(23 septembre 2021, Syndicat unité magistrat SNM-FO, n° 441255)
3 - Note de la secrétaire générale du ministère de la justice - Précisions sur le report de congés au titre de l'année 2020 - Absence de caractère décisoire - Inapplicabilité de l'art. L. 212-1 du code des relations du public et de l'administration (CRPA) - Rejet.
La note du 24 décembre 2020 du ministre de la justice relative au report de jours de congés non pris au titre de l'année 2020, signée par la secrétaire générale du ministère de la justice, n'a pas la nature d'une décision, par suite, le syndicat requérant ne saurait en soutenir l'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 212-1 du CRPA, relatives à la signature des décisions et aux mentions concernant leur auteur.
(27 septembre 2021, Union nationale des syndicats CGT de la protection judiciaire de la jeunesse (UNS CGT-PJJ), n° 448985)
V. aussi sur le fond, le n° 58
4 - Aide aux jeunes agriculteurs à l'occasion de leur première installation - Conditions de l'aide - Instruction définissant les activités à retenir pour la détermination du revenu disponible agricole - Fiche annexée à cette instruction - Définition du niveau maximum de marge brute - Incompétence du ministre de l'agriculture pour édicter une telle condition - Annulation.
Cherchant à définir la notion et la détermination du « revenu disponible agricole » qu'est susceptible de dégager une nouvelle installation agricole par un jeune agriculteur afin d'en vérifier la viabilité à moyen terme, viabilité qui permet d'attribuer une aide publique, le ministre de l'agriculture a pris une instruction à cette fin.
Il y indique dans une fiche technique n° 1 jointe à cette instruction que « pour les activités de diversification situées dans le prolongement de l'exploitation, les marges brutes de ces activités ne doivent pas représenter plus de 50 % du total des marges brutes de l'exploitation, alors même que ces activités font partie des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime ». Constatant que le ministre ne tient ici d'aucun texte, et notamment pas de l'art. L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, le pouvoir réglementaire qui lui permettrait d'édicter une telle condition. Entaché d'incompétence ce point est annulé.
(28 septembre 2021, Confédération paysanne, n° 436696)
V. aussi, pour un autre aspect de la décision, le n° 38
5 - Requête en annulation - Demande au juge de « constater » l'irrégularité d'une procédure administrative non contentieuse - Irrecevabilité - Rejet.
Rappel de ce qu'« il n'entre pas dans l'office du juge administratif, saisi d'une requête au fond, de " constater l'irrégularité " d'une procédure administrative ».
De telles conclusions sont irrecevables et sont donc rejetées.
(30 septembre 2021, M. et Mme A., n° 448006)
6 - Certificats d’économie d’énergie (CEE) – Manquements d’une société à ses obligations en la matière – Sanctions – Société mise en redressement judiciaire – Mise en demeure de la société en vue de l’acquisition de CEE « classiques » au lieu de ceux « précarité » qu’elle détenait – Incompétence du ministre – Annulation.
Une société dont l’activité consiste en la maîtrise de la consommation énergétique et la valorisation de certificats d'économies d'énergie (CEE) n’ayant pas respecté ses engagements, fait l’objet de sanctions de la part du ministre de l’énergie. Cette dernière a, sur le fondement du 3° de l'article L. 222-2 du code de l'énergie, annulé des CEE dits " classiques " correspondant à un volume de 48 137 600 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac). Cette sanction, non contestée dans le délai de recours contentieux, est devenue définitive. Toutefois, la société Proecowatt ayant été placée en redressement judiciaire puis un plan de redressement ayant été adopté, la sanction édictée le 27 novembre 2017 n'avait fait l'objet d'aucune exécution lorsque, au terme de la procédure de redressement, ayant constaté que la société Proecowatt ne possédait plus que des CEE dits " précarité " correspondant à un volume de 630 968 kWh cumac, le ministre chargé de l'énergie a mis en demeure la société, par lettre du 15 novembre 2018, d'acquérir dans le délai d'un mois des CEE dits " classiques " permettant de garantir l'exécution de la sanction prononcée le 27 novembre 2017 et l'a informée que, passé ce délai, cette sanction pourrait être convertie en une sanction pécuniaire maximale égale à 0,030 euro par kWh cumac manquant. Enfin, par une décision du 2 août 2019, sa mise en demeure étant restée sans effet, la ministre de la transition écologique et solidaire a, pour assurer l'exécution de la sanction du 27 novembre 2017, annulé des certificats dits " précarité " d'un volume de 630 968 kWh cumac détenus par la société et mis à sa charge une pénalité financière d'un montant de 1 425 198 euros. La société Proecowatt demande l’annulation de cette décision.
Le Conseil d’État accueille le recours en raison de ce que cette décision a été prise par une autorité incompétente à cet effet du moins avant que la loi du 22 août 2021 n’introduise dans le code l’énergie l’art. L. 222-3-1. En effet, si la ministre pouvait infliger, aux conditions habituelles, une sanction à la société requérante pour ses manquements, elle ne pouvait pas, en revanche, légalement lui imposer des mesures d'exécution distinctes de celles prévues par la sanction prononcée. Cette possibilité, qui lui est désormais ouverte par l’art. L. 222-3-1 précité depuis la loi du 22 août 2021, n’existait pas à la date du 2 août 2019 où a été prise la décision attaquée.
Or, en l’espèce, constatant que la société requérante ne possédait pas des CEE « classiques » mais des CEE dits « précarité » alors que la sanction infligée ne pouvait porter que sur des CEE « classiques », le ministre a imaginé un subterfuge consistant à imposer à la société l'annulation de certificats d'économies d'énergie dits « précarité » d'un volume de 630 968 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac) détenus à cette date par la société requérante et à lui infliger en sus une pénalité financière d'un montant de 1 425 198 euros correspondant au solde de certificats d'économies d'énergie dits « classiques » dont l'annulation ne pouvait donner lieu à conversion. Aucun texte ne donnant compétence à ce ministre pour procéder ainsi, sa décision est annulée.
(7 octobre 2021, Société Proecowatt, n° 435121)
Audiovisuel, informatique et technologies numériques
7 - Traitement de données à caractère personnel fondé sur la constatation automatique de certaines infractions au code de la route - Arrêté portant extension à toutes les infractions non routières assorties d'une amende forfaitaire sur relevé automatique - Légalité sauf sur un point - Annulation très partielle.
Les orgnisations requérantes contestaient la juridicité de l'arrêté du 14 avril 2020 modifiant l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé. Par ce dernier arrêté a été créé un traitement de données à caractère personnel dont les finalités étaient de constater, au moyen d'appareils de contrôle automatique homologués, certaines infractions au code de la route, d'identifier les conducteurs des véhicules concernés et de procéder aux opérations relatives aux avis de contravention correspondants, notamment le recouvrement des amendes. L'arrêté querellé porte extension de ce mécanisme à l'ensemble des infractions non routières faisant l'objet d'une amende forfaitaire relevées au moyen d'appareils électroniques permettant l'établissement d'un procès-verbal électronique. C'est notamment le cas des amendes sanctionnant la consommation de produits stupéfiants.
Le Conseil d'État rejette tous les griefs articulés à l'encontre de ce texte sauf un.
Tout d'abord, contrairement à ce qui était soutenu devant lui, il n'est pas exact que l'extension, par l'arrêté attaqué, du champ d'application de l'arrêté de 2004 ne repose sur aucune nécessité du fait de l'existence d'un traitement relatif aux antécédents judiciaires qui permettrait déjà d'atteindre les mêmes finalités. En effet, il résulte de l'article 230-6 du code de procédure pénale que ce traitement a pour objet de faciliter le rassemblement des preuves et la recherche des auteurs d'infractions à la loi pénale constitutives de crimes, délits ou contraventions de la cinquième classe. Il poursuit ainsi des finalités distinctes de celles assignées au système de contrôle automatisé, qui vise pour sa part à faciliter la gestion des constats d'infractions et à procéder au recouvrement des amendes forfaitaires relevant essentiellement, en vertu de l'article R. 48-1 du même code, des contraventions des quatre premières classes. On doit reconnaître qu'il est discutable d'affirmer que la poursuite par des moyens automatiques identiques d’infractions différentes retentit directement et par elle-même sur la nature desdits moyens.
Ensuite, est rejeté le moyen tiré de ce que les durées maximales de conservation des données en cause, variables selon la nature de l'infraction, ne sont pas contraires aux exigences du 5° de l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978, selon lequel les données à caractère personnel doivent être « conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ». Selon le juge, d'une part, s'agissant de la durée de dix ans du délai prévu pour la conservation des données relatives aux délits et aux contraventions routières, l'arrêté attaqué se borne à reprendre des dispositions antérieures et présente à cet égard le caractère d'une décision confirmative dont la légalité ne peut être discutée dans le cadre de la présente instance, et d'autre part, pour les autres durées, celles-ci ne présentent pas un caractère excessif.
Également, n'est pas retenue la critique selon laquelle seraient illégales les conditions d'accès au système de contrôle automatisé en ce qu'elles constituent une ingérence excessive dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la CEDH, dès lors qu'y auraient accès, dans des conditions insuffisamment déterminées, d'une part, certaines personnes privées et, d'autre part, l'ensemble des personnels du Centre national de traitement et de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions. Au contraire, le juge estime proportionnées les accès de ces agents à ce traitement, qu'il s'agisse des organismes mettant des véhicules à disposition de leurs collaborateurs ou clients et ayant signé une convention avec le Centre national de traitement ou des personnels de ce Centre.
Sur un point cependant le recours prospère. L'art. 2, dernier alinéa, de l'arrêté attaqué est jugé illégal en ce qu'il « ne prévoit pas la possibilité pour les personnes mises en cause dans une procédure classée sans suite de demander au procureur de la République l'effacement des données les concernant du fichier " système de contrôle automatisé " pour les infractions non routières, seules en cause (ici) ».
(24 septembre 2021, Association Médecins du Monde, n° 441317)
Biens
8 - Domaine public fluvial – Contravention de grande voirie – Attribution de la charge des condamnations – Conditions non remplies – Rejet.
Une contravention de grande voirie a été établie par Voies navigables de France à l’encontre de prétendus propriétaires d’un bateau en infraction.
Pour dire injustifiée cette contravention en tant qu’infligée à tort, la cour administrative d’appel avait retenu que les intéressés avaient vendu leur bateau par acte du 23 septembre 2015, antérieurement à l’établissement, le 26 février 2016, du procès-verbal de contravention de grande voirie et cela alors même que les formalités prescrites par les dispositions de l'article L. 4121-2 du code des transport, lesquelles incombent à l'acquéreur, n'avaient pas été accomplies. Par suite, les vendeurs, qui avaient au demeurant effectué toutes démarches, y compris contentieuses, pour que les acquéreurs les accomplissent, ne pouvaient plus être regardés, à la date du procès-verbal, comme les personnes ayant commis l'infraction de stationnement sans autorisation, ni comme les personnes pour le compte desquelles cette infraction a été commise, ni comme les personnes ayant la garde du bateau, moyen de la commission de la contravention.
Il est en effet de jurisprudence constante, au moins depuis 1998 (27 février 1998, Ministre de l'équipement, des transports et du logement c/ Entreprise SOGEBA, req. n° 169359) que « la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ».
La solution est entérinée par le Conseil d’État qui rejette le pourvoi de Voies navigables de France.
(13 septembre 2021, Voies navigables de France, n° 450097)
(9) V. aussi, sur cette affaire, à propos de la résolution du litige né de la majoration de 100% : 13 septembre 2021, Mme C. et M. B., n° 443019.
10 - Location d'un bien public à une personne privée - Loyer inférieur à la valeur locative - Condition de régularité de la location - Application des principes de l'arrêt Commune de Fougerolles - Rejet.
Le Conseil d'État était saisi d'un pourvoi dirigé contre un arrêt annulant la décision d'un président de centre communal d'action sociale de louer des locaux professionnels à un kinésithérapeute à un prix nettement inférieur à leur valeur locative. La cour administrative d'appel avait transposé, en matière de location d'un bien public, les principes posés par la jurisprudence en matière de vente (Section, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, Rec. p. 391) et relevé l'absence de motif d'intérêt général comme de contreparties suffisantes, pouvant motiver le prix du loyer, en particulier l'absence d'offre insuffisante de soins en matière de kinésithérapie.
Le juge de cassation approuve l'argumentation ainsi retenue.
(28 septembre 2021, Centre communal d'action sociale de Pauillac, n° 431625)
11 - Cession par une commune de terrains bâtis dans le cadre d’un bail emphytéotique – Cession à un prix inférieur à la valeur vénale des biens – Justifications à apporter – Absence – Rejet.
(13 septembre 2021, Commune de Dourdan, n° 439653 ; Société Dourdan Vacances, n° 439675)
V. n° 12
Collectivités territoriales
12 - Cession par une commune de terrains bâtis dans le cadre d’un bail emphytéotique – Cession à un prix inférieur à la valeur vénale des biens – Justifications à apporter – Absence – Rejet.
Une commune a conclu avec une société un bail emphytéotique d’une durée de soixante années, à compter du 1er janvier 1962, portant sur un ensemble de terrains en vue de la construction et de l’exploitation d’un village de vacances. Sur proposition de la société, le conseil municipal a approuvé la vente à cette dernière de ces terrains et constructions au prix d’un million d’euros, l’estimation du service des domaines – qui ne portait que sur la valeur des seuls terrains nus - étant de 994 000 euros.
Saisie sur renvoi après cassation, la cour administrative d’appel a estimé très inférieure à la valeur vénale du bâti la somme de six mille euros représentant la différence en plus entre l’estimation domaniale et le prix de vente, sans que cela soit justifié par un motif d’intérêt général.
Sur pourvois de la commune et de la société d’exploitation du village vacances, le Conseil d’État confirme l’arrêt d’appel et, s’agissant d’un second pourvoi, statue définitivement au fond.
Le Conseil d’État rappelle le régime jurisprudentiel des cessions immobilières par des collectivités publiques tel qu’il résulte d’une importante décision de Section (3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, Rec. 391) : « La cession par une commune d'un bien immobilier à des personnes privées pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. »
En l’espèce, il est relevé que la somme de six mille euros retenue pour prix de la cession de l’ensemble du bâti nécessitait une justification dans la note explicative de synthèse qui avait été adressée aux conseillers municipaux avant la délibération sur cette opération de cession. Or cette note, si elle indiquait que le bail emphytéotique conclu avec la société Dourdan-Vacances était d'une durée de soixante ans à compter du 1er janvier 1962 et précisait qu'à l'expiration du contrat, le bâti devait revenir en pleine propriété à la commune, elle ne comportait aucun élément permettant d'apprécier la valeur de la renonciation. Cette absence est d’autant plus à relever que l’avis du service des domaines ne comportait aucun élément à cet égard puisqu’il se limitait à évaluer les terrains d'assiette.
Les élus ont donc été mis dans l’impossibilité d’apprécier si la différence entre le prix envisagé et l'évaluation fournie par le service des domaines pouvait être regardée comme représentative de l'indemnité due à la commune pour sa renonciation au droit d'accession et, par suite, si la commune pouvait être regardée comme n'ayant pas cédé un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur.
(13 septembre 2021, Commune de Dourdan, n° 439653 ; Société Dourdan Vacances, n° 439675)
Contentieux administratif
13 - Requête en référé suspension et QPC - Défaut de préjudice grave et immédiat - Défaut d'urgence - Irrecevabilité de la demande de transmission de la QPC - Rejet.
La fédération requérante demandait, à la fois, que soit suspendue l'exécution du décret du 29 juin 2021 relatif à la priorité d'accès aux installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus de tri issus d'installations de valorisation de déchets performantes ainsi que l'arrêté du même jour et que soit transmise une question prioritaire de constitutionnalité.
Le juge des référés jugeant que la demande de référé suspension étant formulée en termes trop généraux pour permettre de caractériser l'existence d'un préjudice suffisamment grave et immédiat pour les membres de la fédération requérante, celle-ci doit être rejetée. Par suite, est rejetée également la demande de transmission de la QPC : la solution est classique et normale puisque la QPC se greffe sur une demande principale qui, ici, est rejetée. Ce qui est remarquable en l'espèce c'est que l'ordonnance ne dit rien de cette conséquence, la QPC étant ainsi rejetée implicitement.
(ord. réf. 10 septembre 2021, Fédération Nationale des Activités de Dépollution, n° 456188)
14 - Référé suspension - Condition d'urgence - Établissement de l'urgence - Nécessité d'en apporter la démonstration ou la preuve - Absence en l'espèce - Rejet.
La demande de référé suspension est soumise, notamment, à l'existence d'une urgence à statuer. Cette urgence doit être expressément établie par l'auteur de la requête en référé. Celui-ci ne saurait se borner, comme en l'espèce, à soutenir que « l'urgence n'est pas douteuse du fait de l'entrée en vigueur des dispositions critiquées ».
(ord. réf. 17 septembre 2021, Mme A. et autres, n° 456576)
(15) V. aussi, identiques : ord. réf. 21 septembre 2021, Mme A. et autres, n° 456650 et Mme A. et autres, n° 456652.
(16) V. encore, précisant également que l'urgence, au sens de l'art. L. 521-2 CJA, s'apprécie comme justifiant de statuer sous 48 heures. L'entrée en vigueur d'un texte n'établit pas de cette urgence-là quand bien même serait avérée l'atteinte à une liberté fondamentale : 17 septembre 2021, Mme A. et autres, n° 456577.
17 - Dispositions d'une ordonnance de l'art. 38 - Art. 16 déclaré inconstitutionnel par voie de QPC - Effets de cette déclaration sur les autres moyens développés, devant le Conseil d’État, contre cette ordonnance, par voie d'action. Appréciation de la portée rétroactive des annulations prononcées.
Le Conseil d’État avait été saisi d'un recours dirigé contre divers articles de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, et contre des dispositions de la circulaire de présentation de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 26 mars 2020. Les requérants avaient soulevé, d'une part une question prioritaire de constitutionnalité, et d'autre part divers griefs d'illégalité.
Sur renvoi du Conseil d’État des articles 4, 5, 15, 16 et 17 de l'ordonnance, l'art. 16 a été déclaré inconstitutionnel. A la suite de cette décision (C. C., 15 janvier 2021, n° 2020872 QPC), le Conseil d’État avait, d'une part, prononcé l'annulation des autres dispositions de l'ordonnance et accordé un délai d'un mois aux parties pour formuler leurs observations sur le point de savoir si l'annulation rétroactive de ces dispositions serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison des effets qu'elles ont produits et des situations qui ont pu se constituer quand elles étaient en vigueur et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
La présente décision a pour objet de régler définitivement ce qui reste du litige.
Le juge estime que, s'agissant des articles 5, 16 et 17, la rétroactivité du prononcé de leur annulation aurait des conséquences manifestement excessives en raison de la remise en cause des décisions et des mesures ayant été prises sur leur fondement ainsi que des objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. Il décide donc d'en limiter les effets dans le temps et, compte tenu de ce que les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance ne sont plus applicables, de prévoir que les effets de ces dispositions, jusqu'à la présente annulation s'agissant des articles 5 et 17, doivent être regardés comme définitifs.
S'agissant de l'art. 4, la déclaration d'illégalité est faite avec effet rétroactif, ce dernier caractère n'emportant pas des effets excessifs.
(23 septembre 2021, Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, Conseil national des barreaux, Ordre des avocats au barreau de Paris et association Conférence des bâtonniers de France et d'outre-mer, n° 440037 ; M. A., n° 440165)
18 - Ordonnance de donné acte d'un désistement - Appel de cette ordonnance - Office du juge d'appel - Erreur de droit - Annulation.
Le juge d'appel saisi de la contestation d'une ordonnance donnant acte au requérant de son désistement faute d'avoir répondu dans le délai fixé par le juge doit, conformément à une jurisprudence désormais bien établie, vérifier que l'intéressé a reçu la demande de confirmation du maintien de ses conclusions (art. R. 612-5-1 CJA), que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile. Enfin, ces conditions étant réunies, il incombe au juge d'appel d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 précité. En se bornant à ne vérifier que ce dernier point et en omettant l'examen des autres, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, d'où l'annulation de son arrêt.
(27 septembre 2021, M. A., n° 438009)
(19) V. aussi, dans le même sens : 30 septembre 2021, M. A., n° 443763.
20 - Procédure contentieuse - Refus de tenir compte d'un mémoire pour dépôt tardif - Tardiveté prétendue contredite par l'accusé de réception d'une application télématique - Décision irrégulière - Annulation.
Doit être annulé pour avoir été rendu dans des conditions irrégulières, l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile qui refuse de tenir compte de l'unique mémoire déposé dans le cadre d'un procès par l'OFPRA car il aurait été produit après la date de clôture de l'instruction alors qu'il résulte de l'accusé de réception de l'application "CNDém@t " qu'il a été déposé deux jours avant l’expiration de cette date.
(27 septembre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n° 440190)
21 - Propriétaires voisins - Recours en tierce opposition contre un jugement annulant un refus de permis de construire - Conditions de recevabilité d'un tel recours (art. R. 832-1 CJA) - Conditions non réunies en l'espèce - Rejet.
Ne commet ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits et n'enfreint pas les exigences du procès équitable, l'arrêt d'appel qui rejette l'action en tierce opposition contre un jugement annulant le refus d'un permis de construire car, d'une part l'annulation d'un tel refus ne valant pas octroi du permis et d'autre part, les motifs de ce jugement, alors même que, s'agissant de ceux de ces motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif d'annulation, l'autorité absolue de la chose jugée fait obstacle à ce qu'en l'absence de changement de circonstance de droit ou de fait, l'administration fonde un nouveau refus sur l'un d'entre eux, ne valant pas davantage par eux-mêmes octroi d'un tel permis, il s'ensuit que ce jugement ne préjudicie pas directement aux droits des demandeurs au pourvoi, seule hypothèse donnant ouverture à une action en tierce opposition.
(29 septembre 2021, EARL Grand Fossé et autres, n° 438525)
V. pour un autre aspect de la décision, le n° 82
22 - Délai du recours contentieux - Délai franc - Computation en cas de jour férié - Prétendue tardiveté - Absence - Erreur de droit - Annulation.
Commet une erreur de droit le juge d'une cour administrative d'appel qui rejette pour tardiveté un appel, introduit le 11 mai 2018, dirigé contre un jugement notifié le 9 mars 2018. En effet, le délai a commencé à courir le 10 mars (neutralisation du dies a quo, soit le 9 mars) et s'est achevé le 11 mai à minuit (non le 10, dies ad quem, qui était un jour férié). L’appel n’était donc point tardif.
(29 septembre 2021, Ministre des armées, n° 447332)
(23) V., comparable, la décision du Conseil d’État annulant le rejet d'un recours contentieux pour cause de tardiveté alors que du fait de l'épidémie de Covid-19, la date à l'expiration de laquelle était constituée en l'espèce une décision implicite de rejet a été reportée au 24 juin 2020 par l'effet des dispositions prorogatrices de délais contenues à l'art. 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 ; le délai de recours expirait donc, en l'espèce, le 24 octobre 2020 inclus et la requête, enregistrée au greffe le 22 octobre, n'était donc pas entachée de forclusion : 29 septembre 2021, M. B., n° 447987.
24 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères – Qualité de partie en première instance nécessaire pour se pourvoir – Absence en la matière s’agissant d’une communauté d’agglomération – Faculté n’appartenant qu’aux seuls services de l’État – Rejet pour irrecevabilité.
(7 octobre 2021, Communauté d’agglomération Grand Lac, n° 438203)
V. au n° 37
Contrats
25 - Accord-cadre - Procédure négociée - Offre adressée par voie électronique reçue hors délai - Rejet de l'offre pour tardiveté - Offre déposée en temps utile - Fonctionnement correct du matériel de l'expéditeur - Irrégularité - Rejet.
La RATP recherchait l'annulation de l'ordonnance de référé par laquelle a été annulée sa décision de rejeter pour tardiveté une offre faite par voie électronique hors délai dans le cadre d'un appel d'offres ouvert en vue d'un accord-cadre.
Le pourvoi est rejeté car la société auteur de l'offre a établi, d'une part, avoir adressé son envoi en temps utile, et, d'autre part, l'absence de tout dysfonctionnement de son appareil, d'autant que la RATP n'a pu démontrer le bon fonctionnement de sa propre plateforme.
En outre, la RATP ne saurait reprocher au juge du référé précontractuel de n'avoir pas tenu compte, dans son appréciation d'une éventuelle négligence de la société, de l'absence de dépôt par cette société d'une copie de sauvegarde des documents transmis, dès lors que la transmission d'une copie de sauvegarde des documents eux-mêmes transmis par voie électronique est une simple faculté ouverte aux candidats et soumissionnaires en application de l'article R. 2132-11 du code de la commande publique, et que l'absence d'un tel dépôt n'était pas à elle seule de nature à établir l'existence d'une négligence de la société.
La solution doit être approuvée.
(23 septembre 2021, RATP, n° 449250)
26 - Marché public - Mémoire de réclamation - Conditions de forme et de contenu - Condition non remplie par le renvoi à un document antérieur - Rejet.
Rappel et même amplification d'une exigence de forme que l'on peut juger excessive.
Le juge déduit des dispositions du 1.1 de l'art. 50 du CCAG Travaux qui fixent les conditions de forme et le contenu du mémoire en réclamation (énoncé d'un différend, exposition précise et détaillée des chefs de la contestation, montants des sommes réclamées, motifs de ces demandes dont les bases de calcul) que celui-ci doit figurer soit dans le mémoire lui-même soit dans un document annexé à ce mémoire. Il ne saurait en revanche, figurer dans un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre auquel le mémoire de réclamation se bornerait à renvoyer sans le joindre à nouveau à ce mémoire.
(27 septembre 2021, Société Amica, n° 442455)
Droit fiscal et droit financier public
27 - Impôt sur le revenu global – Plus-value réalisée lors de la cession d’actions d’une société américaine – Acquisition et cession effectuées en dollars américains – Calcul de la plus ou de la moins-value – Conversion en euros – Rejet.
L’art. 150-0-A, I, 1 du CGI soumet à l’impôt sur le revenu les gains réalisés à l’occasion des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières.
Ici la question posée était de savoir comment calculer le gain net imposable s’agissant d’actions acquises puis vendues à des prix exprimés en dollars américains.
Les requérants prétendaient que ce gain devait être calculé par la conversion en euros, au jour de la cession, de la différence entre les prix, en dollars américains, d’achat et de vente et contestaient la solution retenue par la cour administrative d’appel. Celle-ci, pour constater le gain net, a converti en euros respectivement, les prix d’achat en dollars américains, au jour de l’acquisition, et celui de cession en dollars américains au jour de la vente et calculé la différence entre les deux prix exprimés en euros.
Le pourvoi est rejeté, le Conseil d’État approuvant la solution, très logique, retenue par la cour compte tenu de la nécessaire intégration des taux de change.
(13 septembre 2021, M. B. et Mme F., n° 443914)
28 - Taxe d’habitation – Abattement pour assistants familiaux et maternels – Nécessité de produire le planning journalier des gardes d’enfants – Erreur de droit – Annulation.
Les assistants maternels et familiaux peuvent demander le bénéfice d’un abattement de la taxe d’habitation à raison de la nécessité où ils sont de disposer dans leur habitation d’un espace pour les enfants dont ils assurent la garde et l’entretien. Le Conseil d’État juge, contrairement au tribunal administratif, que la production par l’intéressée des bulletins de salaires et des contrats de travail ne suffisait pas et que c’est à juste titre que l’administration fiscale lui a demandé la fourniture des plannings journaliers retraçant le nombre d'enfants gardés et la durée de garde journalière de chacun d'eux afin que l’abattement de taxe d’habitation soit calculé au prorata.
Pour logique que soit cette exigence, elle cadre mal, d'une part, avec la modestie des sommes en jeu et, d'autre part, avec les conséquences paperassières qu'elle engendre pour des personnes dont les compétences en sont bien éloignées. Il conviendrait de se souvenir que les formalités administratives ne doivent point être conçues dans le seul souci du confort des agents publics.
(13 septembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 445544)
29 - Imposition des bénéfices des sociétés – Convention de fusion avec effet rétroactif – Conséquences sur le régime fiscal applicable – Interprétation ministérielle de la loi fiscale – Rejet.
La société requérante demandait l’annulation de la décision du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la relance a refusé d'abroger les paragraphes 80, 90 et 110 des commentaires administratifs publiés le 3 octobre 2018 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts par lesquels il a fait connaître son interprétation de la loi fiscale en ce qui concerne les conséquences à tirer, en matière d'imposition des bénéfices des sociétés, des clauses des conventions de fusion prévoyant une date d'effet rétroactif.
Il se déduit du 2. de l’art. 38 du CGI qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise. Si parmi ces opérations figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus.
Il suit de là, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, que les conséquences de cette rétroactivité doivent affecter les résultats de l'exercice au cours duquel de pareils contrats ont été effectivement conclus.
En cas de conclusion d’un contrat de fusion de deux sociétés, avec effet rétroactif de la fusion à une date antérieure à celle à laquelle la convention de fusion a été définitivement conclue, rien ne s'oppose à ce que soient prises en compte toutes les conséquences de la fusion, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante, dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention a été définitivement conclue.
Cependant, conformément à l’interprétation ministérielle contestée par la requérante, les effets de la fusion, qui ne saurait exercer une influence sur le bilan de clôture du ou des exercices précédents de chacune des deux sociétés concernées, et donc sur les bénéfices imposables dégagés par celles-ci au cours de ces exercices, ne sauraient remonter à une date antérieure à la plus récente des dates d'ouverture des exercices des deux sociétés au cours desquels la convention a définitivement été conclue.
Le recours est, très logiquement, rejeté.
(13 septembre 2021, Société Adis, n° 451564)
30 - Plan comptable général – Modification par l’Autorité des normes comptables (ANC) – Conditions d’amortissement des fonds commerciaux des petites entreprises (art. L. 123-16 code de commerce) – Avis de droit.
Le Conseil d’État était saisi par le tribunal administratif d’Orléans de la question suivante : à la suite de la modification des dispositions du plan comptable général par le règlement du 23 novembre 2015 pris par l'Autorité des normes comptables, l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts doit-il être interprété comme autorisant, en application du principe de connexion fiscalo-comptable, les petites entreprises, définies à l'article L. 123-16 du code de commerce, à amortir tous leurs fonds commerciaux sur dix ans sans avoir à justifier de l'irréversibilité de leur dépréciation ?
Il est répondu que si, en effet, les dispositions du cinquième alinéa de l'article 214-3 du plan comptable général permettent à une petite entreprise au sens de l'article L. 123-16 du code de commerce d'amortir sur 10 ans l'ensemble des fonds commerciaux inscrits à l'actif de son bilan, ces mêmes dispositions ne subordonnent pas l'exercice de l'option qu'elles prévoient à la condition, prévue par la loi fiscale, que les effets bénéfiques sur l'exploitation du fonds commercial dont il s'agit prennent fin à une date déterminée.
Il suit de là qu’en raison de l'incompatibilité de cette règle comptable avec la règle législative, propre à la détermination de l'assiette de l'impôt, selon laquelle (art. 39 CGI) un élément d'actif incorporel identifiable, y compris un fonds de commerce, ne peut donner lieu à une dotation à un compte d'amortissement que s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée, une petite entreprise qui met en œuvre l'option prévue à l'article 214-3 du plan comptable général ne saurait en conséquence s'en prévaloir pour la détermination de son résultat fiscal.
(Avis, 8 septembre 2021, SELARL Pharmacie de Bracieux, n° 453458)
31 - Ordre de reversement d'une aide d'urgence - Conditions et délai de contestation - Décision initiale devenue définitive constatant une créance publique et la liquidant - Possibilité de contester néanmoins l'ordre de reversement dans le délai du recours contentieux - Irrecevabilité du recours dirigé contre un ordre de reversement se bornant à réitérer la décision initiale - Annulation et rejet.
Un marin pêcheur, qui avait obtenu une aide d'urgence pour son navire, s'est vu réclamer quelques mois plus tard, par une décision préfectorale du 20 novembre 2008, le remboursement du montant de cette aide après que son navire a été détruit. Il a fait l'objet d'un ordre de reversement émis par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) le 2 décembre 2008, puis, après plusieurs relances, cet ordre de reversement a été réitéré par un titre exécutoire émis le 27 mars 2015 par l'Agence de services et de paiement qui a succédé au CNASEA.
Deux pourvois sont formés contre l'arrêt fondés notamment sur la forclusion : l'intéressé n'aurait pas pu saisir le juge d'un recours contre le titre de mars 2015 alors que le délai de recours contre la décision préfectorale du 20 novembre 2008 ou contre l'ordre de reversement du 2 décembre 2008 était manifestement expiré.
Le Conseil d’État, comme le juge d'appel, rejette l'argumentation en indiquant, pour la première fois avec cette netteté dans la formulation, que « Le destinataire d'un ordre de versement est recevable à contester, à l'appui de son recours contre cet ordre de versement, et dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision initiale constatant et liquidant cette créance est devenue définitive ».
Toutefois, en l'espèce, le juge relève que le titre de mars 2015, qui porte comme date d'émission celle du 2 décembre 2008, se borne à rappeler le montant dû figurant dans l'ordre de reversement du 2 décembre 2008 ; n'emportant par lui-même aucune décision nouvelle, le titre de 2015 n'a pu rouvrir le délai de recours contentieux. Les conclusions du demandeur étaient donc irrecevables contrairement à ce qu'a jugé la juridiction d'appel.
(28 septembre 2021, Ministre de l'agriculture, n° 437650 ; Agence de services et de paiement, n° 437683)
32 - Aménagement de combles - Qualification refusée de travaux d'agrandissement - Juridiction d'appel prenant en considération la hauteur des combles avant travaux - Erreur de droit - Annulation.
Le litige portait sur la prise en compte, dans les revenus fonciers, des frais occasionnés aux demandeurs par la réalisation de travaux sur un ensemble immobilier dont ils sont propriétaires.
Dans ce cadre, la cour administrative d'appel avait jugé que n'étaient pas des travaux d'agrandissement ceux relatifs à l'aménagement des combles motif pris de ce qu'ils avaient déjà une hauteur de 1,80 mètre avant les travaux et qu'ils étaient dès cette date habitables.
Le Conseil d’État annule ce raisonnement en exigeant que la cour vérifie, outre cette hauteur, si, avant les travaux, « les combles étaient (...) pourvus d'aménagements les rendant habitables ».
On apercevrait ici plutôt une erreur de fait qu'une erreur de droit...
(28 septembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 439145)
33 - Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Déductibilité de la TVA acquittée sur des dépenses antérieures à l'opération - Nécessité d'un lien direct et immédiat entre une opération en amont et une ou plusieurs opérations en aval - Absence en l'espèce - Annulation.
A l'occasion d'une opération de cession des parts d'une société à une société tierce, la Sarl Saint-Exupéry Holding a été contrainte d'exposer des frais d'avocat et d'instance à l'occasion d'un litige l'opposant à la société acquérante. Elle entendait déduire de la TVA applicable à cette opération de cession celle ayant grevé les frais de procès et d'honoraires.
Le ministre demandeur à la cassation se pourvoit contre l'arrêt d'appel qui a donné gain de cause à la holding.
Pour annuler cet arrêt, le Conseil d’État relève que c'est par suite d'une erreur de droit que la cour a admis la déductibilité de la TVA. En effet, elle a jugé que l'opération en cause avait un caractère patrimonial et qu'il était établi que la TVA ayant grevé les frais de procédure n'avait pas été incorporé au prix de cession. Or une opération purement patrimoniale n'entrant pas dans le champ d'application de la TVA, il ne saurait exister, comme l'exigent les textes et la jurisprudence communautaires, de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction : dès lors il ne pouvait être question de déductibilité.
(28 septembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 440987)
34 - Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Acquisition de biens immobiliers à usage d’habitation avec faculté de rachat par le vendeur – Nature juridique d’une telle vente - Livraison de bien lors de la vente – Réalisation d’une condition résolutoire lors du rachat – Qualification de livraison de bien en ce second cas – Erreurs de droit et de qualification juridique des faits – Cassation sans renvoi (affaire réglée au fond, art. L. 821-2 CJA).
Une société immobilière propose aux personnes en surendettement de leur acheter leur bien à usage d’habitation, à un prix inférieur à sa valeur vénale, avec faculté pour elles de le racheter dans les dix-huit mois en cas de retour à meilleure fortune, celles-ci continuant à occuper leur bien, à verser un loyer et pouvant racheter leur bien à un prix supérieur de 13% au prix de vente.
La société s’est acquittée du montant de la TVA calculé sur la différence entre le prix d’achat et le prix de vente de chaque bien, puis elle a sollicité le remboursement, avec intérêts moratoires, de la TVA. Après refus de l’administration fiscale, la société a saisi, en vain, le tribunal administratif, avec succès la cour administrative d’appel. Le ministre chargé des finances se pourvoit contre cet arrêt et en obtient la cassation.
Appliquant les dispositions des art. 1659, 1660, 1661 et 1664 du Code civil, le Conseil d’État relève que si, lors de la cession initiale du bien à la société, l’opération constitue une livraison de bien, par conséquent exonérée de TVA (cf. art. 256, 2° du 5 de l’art. 261 et 1° de l’art. 261 C du CGI), en revanche il n’en va pas de même lors du rachat du bien par le vendeur initial, cette opération constituant non une livraison de bien mais la mise en œuvre d’une condition résolutoire ayant pour effet de remettre les parties dans le même et semble état que celui dans lequel elles étaient avant la vente. C’est donc par suite d’une erreur de droit et d’une erreur sur la qualification juridique des faits que la cour administrative d’appel avait estimé exonérée de TVA l’opération de rachat.
(7 octobre 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 430136)
35 - Plus-value d’apport – Régime du sursis d’imposition (art. L. 150-0 B CGI) – Vente de parts sociales reçues en contrepartie d’apport – Plus-value de cession – Bénéfice du taux optionnel d’imposition à 19% (2bis de l’art. 200 A CGI) - Refus – Application du taux de 24% (cf. A du IV de l’art. 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013) – Erreur de droit mais rejet par substitution de motif.
Si, finalement, les auteurs du pourvoi succombent pour une question de délai d’exercice d’une activité, le principe posé dans cette décision demeure et il est d’une importance pratique certaine.
Le e du 2 bis de l'article 200 A du CGI prévoit qu’en cas d'exercice par le contribuable d'une fonction dirigeante ou d'une activité salariée au sein d’une société, dont les titres ou droits sont cédés, pendant une période de cinq ans précédant la cession la plus-value de cession de parts sociales bénéficie d’un taux d’imposition de 19%.
Ce taux est déclaré applicable par le Conseil d’État « aux gains nets de cession mentionnés à l'article 150-0 A du même code, réalisés au titre de l'année 2012, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces gains soient issus de la vente ou du rachat de titres reçus à l'occasion d'opérations ayant relevé de l'article 150-0 B du même code ». C’est là l’apport principal de la décision.
Toutefois, comme c’était le cas des requérants dans la présente espèce, faute de satisfaction de cette condition de durée des fonctions, est alors applicable le taux d’imposition de 24% prévu au IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.
(7 octobre 2021, M. et Mme C., n° 433954)
(36) V. aussi, voisine quant à l’exigence de durée minimale d’exercice d’activité pour pouvoir bénéficier d’une exonération fiscale de plus-value, la décision qui approuve une cour administrative d’appel d’avoir jugé que la remise en cause de l'exonération de la plus-value que le requérant avait réalisée en 2007 ne procédait pas directement du rehaussement des résultats de la société, imposable entre les mains de celui-ci en sa qualité d'associé de la société soumise au régime des sociétés de personnes prévu à l'article 8 CGI, mais de l'utilisation, par l'administration fiscale, pour apprécier si la condition de seuils à laquelle était subordonnée l'exonération de plus-value dont se prévalait à titre personnel le requérant sur le fondement de l'article 151 septies du même code était satisfaite, d'informations sur le montant du chiffre d'affaires de la SNC recueillies lors de la vérification de la comptabilité de cette dernière. Par suite, l'irrégularité de la procédure d'imposition menée à l'encontre de la SNC, qui résultait de l'absence de réponse donnée à sa demande de saisine de l'interlocuteur départemental, n'était pas de nature à rendre illégale, au regard de la garantie des droits consacrée par l'article 16 de la Déclaration de 1789, l'utilisation des éléments comptables recueillis par l'administration fiscale au cours des opérations de contrôle menées à l'égard de cette société et pris en compte pour remettre en cause l'avantage fiscal dont se prévalait le requérant.
Voilà une solution de faible moralité que n’excuse pas le comportement similaire ou comparable du contribuable ; il n’existe pas, pour la puissance publique, un principe d’égalité dans le recours à la turpitude. Elle ne saurait, tel un nouveau Mascarille, s’écrier :
« Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde,
Tandis que, sans songer à mal, je vous regarde,
Votre oeil en tapinois me dérobe mon coeur,
Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur »
(7 octobre 2021, M. et Mme X., n° 434805)
37 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères – Qualité de partie en première instance nécessaire pour se pourvoir – Absence en la matière s’agissant d’une communauté d’agglomération – Faculté n’appartenant qu’aux seuls services de l’État – Rejet.
Une société ayant obtenu du tribunal administratif la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle avait été assujettie, la communauté d’agglomération dans le périmètre de laquelle est situé l’immeuble de cette société servant d’assiette à la taxe, se pourvoit contre le jugement.
Le Conseil d’État rappelle que seuls peuvent se pourvoir en cette matière les services de l'État car ce sont eux qui établissent, liquident et recouvrent, pour le compte de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale qui en est le bénéficiaire légal, cet impôt local qu’est la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Le pourvoi de la communauté d’agglomération est donc déclaré irrecevable.
(7 octobre 2021, Communauté d’agglomération Grand Lac, n° 438203)
Droit public économique
38 - Aide à la première installation de jeunes agriculteurs - Conditions de l'aide - Instruction définissant les activités à retenir pour l'établissement du revenu disponible agricole - Fiche annexée à cette instruction - Définition des « activités agricoles » - Définition ne restreignant pas ces activités aux seules activités de première transformation - Absence d'illégalité - Rejet sur ce point.
Le code rural et de la pêche maritime a prévu l'octroi d'une aide d'État pour favoriser la première installation de jeunes agriculteurs. Les dispositions combinées des art. D. 343-3 et L. 311-1 de ce code, en même temps qu'elles esquissent une définition des « activités » agricoles, renvoyaient au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le revenu disponible agricole sur une certaine période afin de vérifier la viabilité de cette première installation.
A cette fin, le ministre de l'agriculture a pris une instruction, du 9 avril 2015, accompagnée de fiches techniques.
Le syndicat requérant estimait que ces documents restreignaient illégalement la notion d'activités agricoles à celles de première transformation, excluant donc les autres stades de transformation et ne satisfaisant pas ainsi aux dispositions, réglementaire et législative, précitées.
Le moyen est rejeté car il manque en droit et en fait. Le Conseil constate au contraire que c'est explicitement que l'instruction et sa fiche technique n° 1 ont prévu la faculté, pour les jeunes agriculteurs, d'exercer « les activités de diversification situées dans le prolongement de l'exploitation, ce qui n'exclut pas, notamment, des activités de panification, de biscuiterie et de pâtisserie, afin de définir les conditions de détermination du revenu disponible agricole dont l'évolution prévisionnelle pendant les quatre premières années d'activité du demandeur constitue l'un des éléments pris en compte par l'administration pour apprécier la viabilité du projet d'installation présenté et statuer sur la demande d'aide à l'installation ».
De ce chef, le recours est rejeté
(28 septembre 2021, Confédération paysanne, n° 436696)
V. un autre aspect de cette décision au n° 4
39 - Gestion de la trésorerie de l'État - Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) - Obligation de dépôt des disponibilités de certains organismes sur le compte du Trésor - Organismes privés chargés d'une mission de service public - Notion de mission de service public et notion de service public - Ordonnance ne sortant point du champ de l'habilitation législative - Droit au respect des biens et à la protection de la propriété - Absence d'atteinte excessive - Rejet.
L'affaire était délicate.
La situation peu reluisante des finances publiques françaises a conduit l'État à un tour de passe-passe. Voulant éviter d'émettre de la dette pour faire face à ses engagements financiers, l'État a cherché par tous les moyens à se procurer de la trésorerie à peu de frais en contraignant toutes sortes d'organismes publics et privés à déposer leurs disponibilités sur un compte du Trésor sans aucune possibilité pour ceux-ci d'être rémunérés pour cette mise à disposition « gracieuse » forcée.
C’est dans ces conditions que le Fonds de garantie des dépôts et de résolution a saisi le Conseil d’État d'un recours nécessairement voué à l'échec étant donné l'importance de l'enjeu... (« filtrer le moustique et laisser passer le chameau... », aurait rappelé Jean Rivero).
Le requérant est une personne morale de droit privé, créée par la loi, qui gère et met en oeuvre le mécanisme de garantie des dépôts et le dispositif de financement de la résolution.
Il faut laisser de côté les moyens, assez faibles, de légalité externe soulevés par le FGDR, pour se consacrer à l'examen du fond qui consiste à critiquer la légalité de l'art. 1er de l'ordonnance du 2 décembre 2020 relative à la centralisation des disponibilités de certains organismes du Trésor.
Celui-ci insère dans l'article L. 312-4 du code monétaire et financier un paragraphe II bis ainsi libellé : « A l'exception des fonds issus de dons, legs ou libéralités, les disponibilités du fonds de garantie des dépôts et de résolution sont déposées au Trésor et ne donnent lieu à aucune rémunération ».
Partant de là le Fonds requérant développe une double argumentation : d'une part ce texte méconnaîtrait le champ de l'habilitation législative (A) et d'autre part, il violerait le premier protocole additionnel à la Convention EDH (B).
A/ Concernant l'habilitation, le Conseil d’État rappelle d'abord les critères permettant de savoir si une personne privée est chargée d'une mission de service public ou chargée d'un service public en réitérant une jurisprudence bien connue d'où se détachent les arrêts Narcy et APREI. Du premier, le juge retient qu'« une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ». Du second, il déduit qu'« une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ». On aura relevé cependant - du moins en apparence - une importante différence : l'arrêt Narcy, au moyen de ses critères cumulatifs, sert à déterminer l'existence d'un service public géré par une personne privée tandis que l'arrêt APREI ne sert qu'à déterminer si une personne privée accomplit une mission de service public. On aura compris qu'il ne s'agit pas du tout là de deux branches d'une alternative mais de deux situations différentes, exercer une mission de service public (c'est-à-dire l'une des missions d'un service public qui en comporte plusieurs) ne revient pas à assurer la gestion de l'ensemble d'un service public.
Ensuite, le Conseil d’État examine dans quel cas de ces deux figures se trouve le Fonds requérant pour en conclure qu'il exerce une mission de service public après avoir dit qu'il exerce une mission d'intérêt général et alors que sont satisfaits tous les critères de l'arrêt Narcy. C'est confus et brouillon, presque un galimatias.
Qu'on en juge (c'est nous qui avons mis certains passages en caractères gras) :
« 7. D'une part, il ressort des pièces du dossier, que le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, personne morale de droit privé, qui a pour mission, en vertu de l'article L. 312-4 du code monétaire et financier, de gérer et de mettre en œuvre le mécanisme de garantie des dépôts et le dispositif de financement de la résolution, assure une mission d'intérêt général. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 312-10 du même code que son règlement intérieur et les règles d'emplois de ses fonds sont homologués par arrêté du ministre chargé de l'économie, qu'il est soumis au contrôle de l'inspection générale des finances, que les délibérations par lesquelles son conseil de surveillance arrête le taux ou le montant des contributions appelées auprès de ses adhérents ainsi que la répartition des contributions selon leur nature sont prises sur avis conforme de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et qu'un censeur d'État, désigné par le ministre chargé de l'économie, participe, sans voix délibérative, aux travaux du conseil de surveillance, l'article L. 312-13 du code monétaire et financier prévoyant, en outre, la possibilité pour le ministre, le gouverneur de la Banque de France, le président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ainsi que pour le président de l'Autorité des marchés financiers ou leurs représentants d'être entendus, à leur demande, par le conseil de surveillance et le directoire. L'article L. 312-16 dispose également qu'il appartient au ministre chargé de l'économie de préciser par arrêtés, entre autres, les conditions, délais et modalités de mise en œuvre de la garantie des dépôts, le plafond d'indemnisation par adhérent et par déposant ou encore les modalités de désignation des membres du conseil de surveillance ainsi que la durée de leur mandat. Il s'ensuit que le Fonds doit être regardé comme placé sous le contrôle de l'État. Enfin, le Fonds est doté, pour l'exercice de sa mission d'intérêt général, de prérogatives de puissance publique dès lors que les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les sociétés de financement mentionnées au II de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, agréés en France, ainsi que les compagnies financières holding et holding mixtes ayant leur siège en France, les entreprises de marché autorisées à fournir les services d'investissement mentionnées aux 8 et 9 de l'article L. 321-1 de ce code sont tenus d'adhérer au fonds, qu'il peut, en application de l'article L. 312-7 du même code, lever des contributions exceptionnelles et que, pour l'exercice de sa mission d'indemnisation, le Fonds a, sur le fondement de l'article L. 312-15 de ce code, accès aux informations nécessaires détenues par ses adhérents, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et son collège de supervision ou son collège de résolution, y compris celles couvertes par le secret professionnel.
8. Compte tenu de tout ce qui précède, le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration en étant doté, à cette fin, de prérogatives de puissance publique, exerce une mission de service public ».
On a bien lu : Le FGDR exerce une mission de service public alors que l'on attendait qu'il fût, au terme de ce qu'en dit le juge, déclaré chargé d'un service public.
Les disponibilités du Fonds de garantie des dépôts et de résolution sont considérées par le juge comme étant majoritairement issues de ressources prévues par la loi en dépit de ce que l'art. L. 312-10 du code monétaire et financier confie au seul conseil de surveillance du Fonds la compétence pour fixer le taux ou le montant des contributions appelées auprès des adhérents du Fonds ainsi que leur répartition selon leur nature.
De là la conclusion en forme de rejet de ce premier moyen : on ne saurait soutenir que l'auteur de l'art. 1er de l'ordonnance attaquée a excédé le champ de l'habilitation législative (cf. art. 58 de la loi du 17 juin 2020) puisque le Fonds est un organisme privé, établi par la loi, chargé d'une mission de service public et dont les disponibilités sont bien majoritairement issues de ressources prévues par la loi, au sens des dispositions de l'article 58 de la loi du 17 juin 2020.
Circulez, il n'y a rien à voir...Le massacre des notions gestion de service public, de mission de service public, de mission d’intérêt général, etc. n’intéresse personne.
B/ Concernant la Convention EDH, on ne sera guère surpris de lire que le juge ne voit ici aucune atteinte à son premier protocole additionnel. L'État est aux abois (crise sanitaire, endettement considérable récurrent) et s'emparer des liquidités du Fonds, qui cependant n'en perd pas la libre disposition (sic, sauf s'il en a besoin quand le Trésor ne les a plus...), « ne porte pas une atteinte excessive au droit du requérant au respect de ses biens et ne rompt pas le juste équilibre entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général ». La messe est dite. Ite missa est.
(28 septembre 2021, Fonds de garantie des dépôts et de résolution, n° 447625)
40 - Police des contrats d’assurance-vie en déshérence – Exercice d’un contrôle par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) – Cas d’une mutuelle – Obligations pesant sur elle de ce chef – Manquements avérés et d’une gravité certaine – Sanctions – Absence de caractère disproportionné – Rejet.
Voilà une affaire exemplaire.
La loi du 17 décembre 2007 a prévu que les organismes, telles les compagnies d’assurances ou les mutuelles notamment, ont l’obligation de rechercher les bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés afin de prévenir la non-exécution des engagements, pris à l'égard des assurés, dont le fait générateur est le décès. Cette obligation concerne ceux des contrats « dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine » (art. L. 111-1, I, 1°, b du code de la mutualité).
A la suite d’un contrôle diligenté par l’ACPR, et compte tenu des manquements à ces exigences, il a été infligé à la mutuelle – composée pour l’essentiel des « petites catégories de personnel des PTT » - un blâme, une sanction pécuniaire de 500 000 euros et la publication de cette décision au registre de l'Autorité. C’est de ces décisions de sanction que la mutuelle demandait l’annulation.
Sans surprise le recours est rejeté.
Tout d’abord, la mutuelle faisait valoir que le contrat TUT’LR qu’elle commercialise auprès de ses 400.000 adhérents (PTT et Orange) est un contrat mixte de prévoyance qui n'est pas au nombre des contrats soumis aux obligations susrappelées. L’argument est infondé car il ressort clairement de la lecture des dispositions en cause du code de la mutualité (notamment les art. L. 223-10, dernier alinéa et L. 223-10-2) que les obligations qu'elles prescrivent doivent être mises en œuvre pour tout contrat d'assurance comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, y compris ceux comprenant également d'autres garanties, notamment au titre de la prévoyance, et ceci quelle que soit l'importance respective des différentes garanties offertes au sein du même contrat.
Dès lors que, comme en l’espèce où le contrat TUT'LR comporte des garanties décès permettant aux ayants droit, en cas de décès de l'assuré pendant la durée de vie du contrat, de bénéficier d'un capital, un tel contrat constitue indubitablement un engagement dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, au sens du b du 1° du I de l'article L. 111-1 du code de la mutualité précité. Cette conséquence n’est affectée ni par le fait que le contrat TUT'LR est dépourvu de finalité d'épargne, ni par la circonstance que son souscripteur peut, à chaque échéance annuelle, décider d'y mettre un terme, ni, non plus, de ce que les fonds investis sont perdus dans l'hypothèse où le risque garanti ne se réalise pas. C’est donc sans erreur de droit que la commission des sanctions de l’ACPR a estimé que Tutélaire était tenue, au titre de son contrat TUT'LR, de procéder systématiquement à des recherches sur le décès éventuel de ses assurés et, le cas échéant, de rechercher leurs ayants-droit.
La mutuelle faisait également valoir qu’était méconnu en l’espèce le principe de légalité des délits et des peines. L’argument peine à convaincre dès lors que ce principe, appliqué en dehors de la matière pénale, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l'institution dont elle relève. Tel est le cas ici où la mutuelle ne pouvait se méprendre sur la portée de ses obligations en matière de contrats d'assurance sur la vie non réclamés. Elle ne saurait donc invoquer une prétendue violation de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ou de l'article 7 de la Convention EDH.
Ensuite, concernant les manquements reprochés à Tutélaire, ils sont avérés et indiscutables aussi bien en ce qui concerne le grief tiré de l'absence de recherche exhaustive et systématique du décès potentiel des assurés que pour ce qui regarde le grief tiré de l'absence de recherche permettant l'identification des bénéficiaires des contrats TUT'L. Ce sont plusieurs milliers de dossiers que la mutuelle n’a pas traités du tout ou de manière très insuffisante.
C’est pourquoi le juge rejette toute l’argumentation tendant à dire excessives ou disproportionnées les différentes sanctions infligées à ladite mutuelle.
(7 octobre 2021, Société mutualiste Tutélaire, n° 438374)
Droit social et action sociale
41 - Personne résidant fiscalement au Luxembourg - Titulaire de pensions de retraite françaises - Assujettissement à des contributions sociales - Conditions d'assujettissement à ou d'exonération de ces contributions - Erreur de droit - Annulation.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge qu'un retraité percevant des pensions de retraite de source française ne doit pas être assujetti à la contribution additionnelle au prélèvement social ainsi qu'à la contribution pour le remboursement de la dette sociale. En effet, celles-ci, contrairement à ce que juge la cour, ont pour objet d'assurer la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité ou assimilées pour lesquelles l'article 30 du règlement communautaire du 29 avril 2004 prévoit une dérogation au principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale.
(28 septembre 2021, M. D., n° 432579)
42 - Revalorisation du SMIC - Circulaire - Principe de solidarité et organismes sociaux - Portée du droit de l'Union en cette matière - Critère de distinction ne concernant que le droit de la concurrence - Rejet.
Après avoir rejeté la demande du requérant tendant à ce que soit ordonnée une médiation (art. L. 114-1 CJA), le juge rejette au fond sa demande d'annulation du paragraphe 2.2 de la circulaire du 22 décembre 2020 de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) intitulée « revalorisation du SMIC au 1er janvier 2021 et incidences en matière de législation vieillesse ». Le requérant reprochait à ce texte de ne pas imposer à la sécurité sociale l'application, qui lui incomberait de plein droit, du principe de solidarité, lequel résulterait du droit de l'Union.
Le Conseil d’État rejette ce moyen en rappelant que le droit de l'Union laisse les États libres d'organiser comme ils l'entendent leurs systèmes nationaux de sécurité sociale. Simplement, la prise en compte de l'application, ou non, du principe de solidarité par le droit de l'Union ne sert qu'à distinguer les entreprises des activités non soumises au droit de la concurrence. L'argument peine à convaincre : les organismes de sécurité sociale sans solidarité sont-ils encore des organismes de sécurité sociale ? Ou, pour le dire autrement, qu'est-ce qui distingue, au point de vue du régime de concurrence, une entreprise d'un organisme de sécurité sociale n'appliquant pas le principe de solidarité ? Il y a là un mystère.
(29 septembre 2021, M. B., n° 448647)
43 - Institution d'une contribution exceptionnelle des organismes complémentaire santé à la prise en charge des dépenses liées à la gestion de l'épidémie de Covid-19 - Inconstitutionnalité - Absence - Inconventionnalité - Absence - Rejet.
La société requérante contestait la constitutionnalité et l'inconventionnalité de la « contribution exceptionnelle des organismes complémentaire santé à la prise en charge des dépenses liées à la gestion de l'épidémie de Covid-19 » figurant à la page 20 de l'édition 2021 du « guide pratique » relatif à la taxe de solidarité additionnelle publié par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Île-de-France, ainsi que la décision implicite par laquelle le directeur général de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de ces énonciations.
Sa requête est rejetée en ses deux chefs de critiques.
La requérante soutenait que les énonciations litigieuses réitèrent des dispositions législatives (art. 3 et 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021) elles-mêmes contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution ainsi qu'à l'article 14 de la CEDH et à l'article 1er de son premier protocole additionnel.
Selon elle, l'inconstitutionnalité aurait reposé sur le fait que ces dispositions instituent un mécanisme méconnaissant le principe d'égalité devant la loi fiscale et le principe d'égalité devant les charges publiques entre, d'une part, les mutuelles, institutions de prévoyance, entreprises régies par le code des assurances et organismes d'assurance maladie complémentaire étrangers admis à opérer en France au titre de la libre prestation de service et, d'autre part, les autres contribuables. Le Conseil d’État rejette l'argument au motif qu'il est loisible au législateur de ne faire peser que sur une catégorie seulement de contribuables la charge d'une imposition pourvu qu'il n'en résulte pas une différence injustifiée de traitement. C'est bien le cas en l'espèce, d'où le rejet. Pas davantage le législateur n'a porté atteinte, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, à des situations légalement acquises.
Selon la requérante l'inconventionnalité de la mesure attaquée reposerait sur sa contrariété à l'art. 14 de la Convention et à l'art. 1er du premier protocole additionnel à cette Convention. Le Conseil d’État réfute l'argumentation car, selon le premier de ces textes, une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue n'est discriminatoire que si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi. Or ce reproche ne peut être adressé aux mesures attaquées. Par ailleurs, le premier protocole n'est pas davantage méconnu car le prélèvement ainsi institué est dépourvu de tout caractère rétroactif et ne porte pas une atteinte excessive au droit des organismes visés au respect de leurs biens.
On demeure dubitatif sur l'éventuelle acceptation, par la Cour EDH, de cette dernière partie du raisonnement du juge.
(29 septembre 2021, Société Quatrem, n° 451491)
44 - Licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude physique – Incompétence alléguée de l’inspection du travail pour se prononcer - Existence ou non d’une faute – Conditions et régime de la réparation en cas de faute ayant causé un dommage – Erreur de droit – Annulation avec renvoi à la cour.
L’employé d’un abattoir municipal géré en régie directe par une commune fait l’objet d’une décision de licenciement pour inaptitude physique ; l’intéressé étant un salarié protégé, l’inspection du travail était obligatoirement appelée à autoriser, ou non, un tel licenciement. Elle s’y est refusé au motif que l’administration du travail n’était pas compétente pour se prononcer sur le licenciement d’un agent d’une régie municipale.
La cour administrative d’appel a jugé illégal le refus de l’inspection du travail de se prononcer mais a rejeté la demande de réparation du préjudice allégué par l’agent licencié car celui-ci ne rapporte pas la preuve qu’il aurait pu être reclassé.
Le Conseil d’État saisit cette affaire pour rappeler la marche à suivre tant pour l’auteur du licenciement que pour l’inspection du travail et, par suite, pour le juge éventuellement saisi.
Tout d’abord, le refus illégal de se prononcer sur une demande d'autorisation de licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État à l'égard du salarié s’il est résulté directement de ce refus un préjudice certain pour le salarié. Saisi d’une demande de réparation de ce chef, il appartient au juge saisi de rechercher si une décision d'autorisation de licenciement aurait pu légalement être prise.
Ensuite, lorsque la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il incombe à l’inspection du travail de vérifier si l’employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. En conséquence, le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
Enfin, en l’espèce, l’arrêt est cassé pour erreur de droit en ce que la cour n’a pas recherché si l'autorité administrative aurait pu légalement, si elle n'avait pas illégalement refusé de se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement, autoriser ou rejeter la demande d'autorisation qui lui était soumise, en vérifiant notamment si l'employeur avait sérieusement recherché si l'intéressé pouvait être reclassé.
(7 octobre 2021, M. A., n° 430899)
45 - Convention collective – Arrêté ministériel étendant partiellement un avenant – Exclusion d’une partie de l’art. 1er du champ de l’extension – Extension sous réserve de l’art. 3, dernier alinéa de cet avenant – Effets de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective – Articulation hiérarchique nouvelle des conventions de branche et des accords d’entreprise – Pouvoirs du ministre du travail en matière d’extension d’avenants – Illégalité – Annulation.
Les organisations requérantes demandaient l’annulation d’un arrêté de la ministre du travail du 5 juin 2019 portant extension de l'avenant n° 67 du 31 mai 2018 à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (n° 2216), en tant qu'il exclut de l'extension les 2ème et 3ème alinéas de l'article 1er de cet avenant et étend sous réserve le dernier alinéa de son article 3.
Dans cette importante décision, le Conseil d’État retrace l’évolution survenue en matière de hiérarchisation des dispositions figurant respectivement dans des accords collectifs de branche et dans des accords d’entreprise du fait de l’intervention l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.
Avant cette ordonnance, c’est à la branche, par voie d'accord collectif s'imposant à tout accord d'entreprise, qu’il revenait de fixer un salaire minimum conventionnel pour chaque niveau hiérarchique de la grille de classification des emplois prévue par la convention collective, auquel la rémunération effectivement perçue par les salariés de la branche ne pouvait être inférieure. En particulier, les conventions de branche pouvaient déterminer, d'une part, le montant de ce salaire minimum conventionnel, et, d'autre part, les éléments de rémunération à prendre en compte pour s'assurer que la rémunération effective des salariés atteigne au moins le niveau du salaire minimum conventionnel correspondant à leur niveau hiérarchique. A défaut de stipulations conventionnelles expresses sur les éléments de rémunération des salariés à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, il convenait de retenir, en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le salaire de base et les compléments de salaire constituant une contrepartie directe à l'exécution de la prestation de travail par les salariés.
Depuis l’entrée en vigueur de cette ordonnance du 22 septembre 2017, l’articulation entre les conventions de branche et les accords d'entreprise a été modifiée par rapport au droit antérieurement applicable.
Tout d’abord, la convention de branche peut définir les garanties applicables en matière de salaires minima hiérarchiques, auxquelles un accord d'entreprise ne peut déroger que s'il prévoit des garanties au moins équivalentes.
Ensuite, si la convention de branche peut, y compris indépendamment de la définition des garanties applicables en matière de salaires minima hiérarchiques, prévoir l'existence de primes, ainsi que leur montant, les stipulations d'un accord d'entreprise en cette matière prévalent sur celles de la convention de branche, qu'elles soient ou non plus favorables, sauf, le cas échéant, en ce qui concerne les primes pour travaux dangereux ou insalubres pour lesquelles la convention de branche, lorsqu'elle le stipule expressément, s'impose aux accords d'entreprise qui ne peuvent que prévoir des garanties au moins équivalentes.
Enfin, en raison du silence, dans la nouvelle rédaction notamment des art. L. 2253-1, 2253-2 et 2253-3 du code du travail concernant la définition de la notion de salaires minima hiérarchiques, la convention de branche peut désormais, d'une part, définir les salaires minima hiérarchiques et, le cas échéant à ce titre prévoir qu'ils valent soit pour les seuls salaires de base des salariés, soit pour leurs rémunérations effectives résultant de leur salaires de base et de certains compléments de salaire, d'autre part, en fixer le montant par niveau hiérarchique. Dans le cas où la convention de branche stipule que les salaires minima hiérarchiques s'appliquent aux rémunérations effectives des salariés résultant de leurs salaires de base et de compléments de salaire qu'elle identifie, elle ne fait pas obstacle à ce que le montant de ces minima soit atteint dans une entreprise par des modalités de rémunération différentes de celles qu'elle mentionne, un accord d'entreprise pouvant réduire ou supprimer les compléments de salaire qu'elle mentionne au titre de ces minima, dès lors toutefois que sont prévus d'autres éléments de rémunération permettant aux salariés de l'entreprise de percevoir une rémunération effective au moins égale au montant des salaires minima hiérarchiques fixé par la convention.
Il suit de là que la ministre du travail, par l’arrêté querellé, a commis une erreur de droit en décidant :
- d’une part, d’exclure de l’extension de l’avenant auquel procédait son arrêté, les stipulations des deuxième et troisième alinéas de l'article 1er de l'avenant, qui prévoient que les salaires minima hiérarchiques qui prévalent, sauf garanties au moins équivalentes, sur les accords d'entreprise, correspondent à une garantie annuelle de rémunération incluant un salaire de base et certains compléments de salaire, au motif que les salaires minima hiérarchiques entrant dans le champ de l'article L. 2253-1 du code du travail et qui s'imposent aux accords d'entreprise ne peuvent se rapporter qu'à un salaire de base ;
- et, d’autre part, que le dernier alinéa de l'article 3 de l'avenant, qui stipule que le salaire minimum mensuel garanti pour les cadres à temps complet dont le temps de travail est décompté dans le cadre d'un forfait annuel en jours inférieur à 216 jours ne peut être inférieur au salaire minimum mensuel garanti fixé à l'article 2 de l'avenant, est étendu sous réserve de l'application de l'article L. 2253-3 du code du travail, ce dont il s'infère que la référence à l'article 2 devait s'entendre comme ne visant que les montants des salaires de base qui y sont mentionnés.
Or il résulte de ce qui a été dit plus haut quant aux salaires minima hiérarchiques pour lesquels la convention de branche peut retenir, comme au cas d'espèce, qu'ils s'appliquent aux rémunérations effectives des salariés résultant de leurs salaires de base et de certains compléments de salaire, qu'en procédant à cette exclusion et à cette réserve, au motif que les salaires minima hiérarchiques ne s'appliquent qu'aux salaires de base, l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit.
(7 octobre 2021, Fédération des syndicats CFTC Commerce, Services et Force de vente (CFTC CSFV), n° 433053 ; Fédération CFDT des services (FS CFDT), n° 433233 ; Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes Force ouvrière (FGTA-FO) , n° 433251 ; Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres AGRO (CFE-CGC AGRO), 433463 ; Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD), n° 433473 ; Fédération CGT des Personnels du Commerce, de la Distribution et des Services (Fédération CGT du commerce et des services), n° 433534)
Élections et financement de la vie politique
46 - Élections municipales et communautaires - Irrégularités multiples - Annulation du scrutin par les premiers juges - Annulation du jugement.
Cette décision est surprenante en ce que le Conseil d’État désavoue le tribunal administratif qui avait sanctionné l'existence de nombreuses irrégularités par l'annulation des deux tours de scrutin s'étant tenus dans cette commune. Cela est d'autant plus gênant que le juge d'appel ne conteste point l'existence des irrégularités relevées en première instance ni, non plus, le faible écart des voix entre les listes en présence. Même en faisant la part de la subjectivité dans l'appréciation in concreto par le juge d'irrégularités prétendues, en l'espèce cela est allé très (trop ?) loin.
On se borne, en premier lieu, à énumérer les griefs non contestés.
Le Conseil d’État examine d'abord les griefs qui ont déterminé le tribunal administratif à annuler les opérations électorales.
Le recours, par la liste du maire sortant, à un procédé de publicité commerciale interdit par le code électoral ayant consisté à mettre en avant, moyennant paiement, deux vidéos publiées sur la page du réseau social « Facebook » de cette liste et ayant fait l'objet, respectivement de 7700 vues et de 2700 vues ne saurait être retenu au motif qu'est ignoré quels étaient ces chiffres au moment du vote.
Le tournage de vidéos dans une salle de la mairie n'aurait pas créé de confusion dans l'esprit des électeurs entre action municipale et propagande électorale.
La circonstance que l'une des vidéos ait fait l'objet d'un partage sur le site officiel du comité des fêtes de la commune aurait été sans influence sur l'issue du scrutin. Au total, le cumul de ces irrégularités, en dépit du faible écart des voix, n'a pas altéré la sincérité du scrutin.
Après annulation du jugement, le Conseil d’État examine les autres griefs. Voici quelques-uns entre-eux.
L'utilisation par la liste du maire sortant, sur ses affiches, des trois couleurs du drapeau national n'entretenait pas de confusion avec l'emblème national.
Certains tracts distribués par cette liste, critiqués par ses adversaires pour leur caractère mensonger, ne comportaient point d'éléments nouveaux de polémique électorale.
La liste en question n'a pas indûment utilisé les moyens de la commune et les agents municipaux au service de sa propagande électorale en faisant réaliser par l'association du comité des fêtes une distribution d'œufs de Pâques, en annonçant de nouvelles actions en matière de stationnement lors d'une réunion publique à peine plus d'une semaine avant le second tour du scrutin, en procédant tardivement à la mise en place de la vidéo-protection, en faisant participer des agents municipaux à sa campagne électorale, dont l'épouse du maire sortant qui exerce les fonctions de directrice générale des services, en utilisant la communication institutionnelle de la commune entre les deux tours de scrutin pour faire la promotion des actions menées dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, en ayant recours à la photothèque de la commune et enfin en laissant diffuser un entretien du président du comité des fêtes la soutenant. En particulier, la distribution d'oeufs de Pâques n'était pas liée à la campagne électorale et la réunion publique du 20 juin 2020 qui portait sur le stationnement, avait été organisée à la suite d'une demande des habitants.
Pas davantage ne peut être retenu le fait que les présidents suppléants de différents bureaux de vote aient été désignés, non parmi les membres du conseil municipal dans l'ordre du tableau mais parmi les candidats non élus de la liste « Bondoufle l'Enjeu », en méconnaissance de l'article R. 43 du code électoral.
Le maintien de l'affichage des voeux du maire pour l'année 2020 jusqu'au second tour des élections, en juin, ne saurait être regardée, à elle seule, comme ayant méconnu l'article L. 52-8 du code électoral.
Enfin, le requérant n'a pas excédé ses fonctions de maire en assurant une permanence et en étant présent sur les marchés durant la période électorale pour assurer la distribution de masques fournis par la région.
Visiblement, le Conseil d’État n'avait pas envie que ces élections-là fussent annulées.
« Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas ».
(15 septembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bondoufle, n° 450600 et n° 450614)
47 - Élections municipales et communautaires - Dons prohibés (art. L. 52-8 c. élect.) - Tentative d'influencer le vote (art. L. 106 c. élect.) - Compte de campagne - Inéligibilité - Rejet.
Dans une décision bienveillante, le Conseil d’État confirme en appel le jugement rejetant le recours électoral fondé sur divers moyens soit parce que l'irrégularité alléguée n'existe pas (ainsi de l'art. L. 52-8 c. élect. s'agissant de relancer économiquement des activités commerciales mises à mal par l'épidémie de Covid-19) soit parce que le grief n'est pas suffisamment établi (ainsi de procurations qui auraient été obtenues par dons, promesses ou autres en violation de l'art. 106 c. élect.) soit parce que l'irrégularité n'est pas d'une gravité suffisante (cas du compte de campagne dont le montant demeure, en toute hypothèse, très inférieur au maximum légal) soit, encore, parce que l'irrégularité est bien présente mais absoute au regard de l'écart entre les voix obtenues par les listes en présence (ainsi de l'art. L. 52-8 c. élect. s’agissant du partenariat entre la commune et une association proposant une consultation ophtalmologique et une paire de lunettes aux plus de 60 ans).
(29 septembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Montereau-Fault-Yonne, n° 451189)
48 - Élections municipales et communautaires - Recours dirigé contre le premier tour de scrutin formé après la tenue du second tour - Recours ayant conservé son objet - Irrecevabilité d'une demande tendant à l'annulation d'un tour de scrutin à l'issue duquel aucun élu n'a été proclamé et qui ne sollicite la proclamation de l'élection d'aucun candidat.
La décision présentement rapportée rappelle deux règles de la procédure contentieuse en matière électorale.
En premier lieu, et contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal administratif dont le jugement est annulé, la protestation que le requérant avait présentée devant le tribunal administratif et qui demandait l'annulation de suffrages exprimés lors du premier tour n'a pas perdu son objet en cours d'instance alors même qu'elle a été formée après la tenue du second tour de scrutin. C'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la demande dont ils étaient saisis était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande.
En second lieu, il est rappelé que sont irrecevables des conclusions dirigées contre un tour de scrutin à l'issue duquel aucun candidat n'a été proclamé élu et qui ne sollicitent pas la proclamation d'un élu au titre de ce tour de scrutin.
Cette irrecevabilité nous paraît être d'ordre public.
(29 septembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune du Tampon, n° 451851)
(49) V. aussi, à propos de ces mêmes élections, le rejet du recours tendant à voir annulées les opérations électorales des deux tours de scrutin et prononcée l'inéligibilité d'un candidat élu : 29 septembre 2021, Mme E., Él. mun. et cnautaires de la commune du Tampon, n° 451853.
50 - Élections municipales et communautaires - Dépôt tardif du compte de campagne - Inéligibilité proclamée - Désignation d'un autre candidat comme élu - Rejet.
Le juge d'appel confirme le jugement de première instance en ce que, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, il a déclaré inéligible pour six mois le requérant en raison du dépôt tardif de son compte de campagne et il a proclamé élu à sa place un autre candidat.
(30 septembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune de Crépy-en-Valois, n° 449925)
(51) V. aussi, comparable et faisant négativement application des dispositions nouvelles de l'art. L. 118-3 c. élect. issues de la loi du 2 décembre 2019 : 30 septembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Châlons-en-Champagne, n° 452978.
52 - Élections municipales et communautaires - Invocations de nombreuses et diverses irrégularités - Rejet.
La lecture de cette longue décision donnera au lecteur un véritable panorama de la diversité et du foisonnement des griefs en contentieux électoral.
Ils sont tous rejetés en l'espèce tant en première instance qu'en appel.
(29 septembre 2021, M. Q., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Pierre, n° 448954 ; M. A. et Mme F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Pierre, n° 448973)
Environnement
53 - Pollution de l'air - Contrôle technique des véhicules à deux et trois roues - Suspension - Demande de suspension de la mesure de suspension - Défaut d'urgence - Rejet.
Est rejetée la demande de suspension de l'arrêté ministériel du 12 août 2021 qui suspend l'application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues car les dispositions de ce dernier ne doivent entrer en vigueur, selon la date d'immatriculation de ces véhicules, que le 1er janvier 2022 ou le 1er janvier 2023.
Ainsi fait défaut la condition d'urgence
(ord. réf. 10 septembre 2021, Association Respire, n° 456134)
54 - Certificats d’économie d’énergie (CEE) – Manquements d’une société à ses obligations en la matière – Sanctions – Société mise en redressement judiciaire – Mise en demeure de la société en vue de l’acquisition des CEE « classiques » au lieu de ceux « précarité » qu’elle détenait – Incompétence du ministre – Annulation.
(7 octobre 2021, Société Proecowatt, n° 435121)
V. n° 6
(55) V. aussi, à propos d’un litige né de la mise en œuvre défectueuse des certificats d’économie d’énergie mais soulevant des questions différentes de celles de la décision précédente : 7 octobre 2021, Société Alpha Europe Energy, n° 436706.
Étrangers
56 - Étrangère mineure non accompagnée - Refus de prise en charge opposé par un département pour défaut de minorité - Demande de désignation, par le procureur de la république, d'un administrateur ad hoc - Refus pour défaut de minorité - Refus du préfet d'enregistrer une demande d'asile en tant que mineure - Rejet.
Opérant une substitution de motif, le juge du référé liberté du Conseil d'État, rejette la demande d'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés d'un tribunal administratif a rejeté la requête d'une ressortissante ivoirienne se disant mineure et tendant à ce que soit ordonné au préfet l'enregistrement de sa demande d'asile et donné avis au procureur de la république pour qu'il lui désigne un mandataire ad hoc.
En effet, s'il résulte des dispositions, notamment, de l'art. L. 521-9 du CESEDA, que si le préfet doit enregistrer, sur la base des éléments dont il dispose, la demande d'asile d'un mineur non accompagné se présentant, sans représentant légal, dans ses services et, concomitamment, doit aviser immédiatement le procureur de la République pour qu'il désigne sans délai un administrateur ad hoc afin que, dès cette désignation effectuée, soit complété l'enregistrement de la demande d'asile, en revanche, dès lors que le procureur refuse d'opérer cette désignation au motif que le demandeur n'est pas mineur, le préfet est tenu de refuser de compléter l'enregistrement de la demande d'asile en tant que mineur.
Si l'intéressée peut contester le refus du procureur devant le juge judiciaire ou saisir le préfet d'une demande d'asile en tant que majeure, en l'espèce le préfet était tenu d'opposer un refus. En cet état de compétence liée, ce refus de compléter l'enregistrement de la demande d'asile ne saurait, en lui-même, constituer une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile.
(ord. réf. 27 septembre 2021, Mme B., n° 456388)
Fonction publique et agents publics
57 - École nationale de la magistrature – Recrutement sur titre – Condition d’âge minimal – Discrimination non contraire à la Constitution – Discrimination contraire au droit de l’Union – Annulation.
Il est possible, en vertu des dispositions de l’art. 18-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative à la magistrature, dans la version qui lui a été donnée par la loi organique du 25 février 1992, d’accéder directement sur titres à l’École nationale de la magistrature, les conditions à remplir étant fixées, en vertu de ce texte, par un décret. Le décret du 24 mai 1972 impose un âge minimum de 31 ans et un âge maximum de 40 ans pour pouvoir prétendre au bénéfice de cette voie d’accès. La requérante, qui satisfait par ailleurs aux autres conditions exigées, n’a pas atteint l’âge minimal de 31 ans et a demandé au garde des sceaux d’abroger le premier alinéa de l’art. 33 du décret de 1972 qui impose cette condition d’âge minimal.
Ayant essuyé un refus, elle sollicite, par voie de QPC, que soit déclarée contraire à la Constitution, à raison de son caractère discriminatoire prohibé, l’art. 18-2 de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958 et, par un recours pour excès de pouvoir, que soit déclaré illégal, pour le même motif de discrimination prohibée, l’art. 33 du décret litigieux.
Son recours est rejeté sur le premier point, le Conseil d’État étant forcé de relever que la loi organique du 25 février 1992 a été examinée par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision 92-305 DC du 21 février 1992, n’y a rien trouvé à redire au plan de la légalité constitutionnelle. De plus, il est estimé ici que l’allégation de changement de circonstances tiré du droit de l’Union est formulée en termes trop généraux pour donner ouverture à un renvoi de QPC afin d'interroger à nouveau le Conseil constitutionnel. Sur la motivation de ce second aspect du refus de renvoyer la QPC, on peut être dubitatif mais, d’une part, le C.C. est si imprévisible… et, d’autre part, puisqu’il savait donner raison à la requérante en la seconde branche de son argumentation, le Conseil d’État a jugé plus élégant et expédient de se charger lui-même d’apporter la solution.
En effet, sur le second point de son argumentation, la requérante obtient gain de cause. La limitation de l’âge d’accès au recrutement sur titres constitue incontestablement une discrimination qui doit être considérée comme prohibée dès lors que l’art. 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne combiné avec les dispositions des art. 2, 4 et 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail transposée, n’admettent les discriminations professionnelles fondées sur l’âge que si ces différences répondent à « une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée » et « lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires (...) ».
Or, en la présente affaire, le juge relève que le garde des sceaux n’a pas été capable de justifier son refus d’abroger la disposition incriminée par l’existence d’une exigence professionnelle essentielle et déterminante ni, non plus, de démontrer en quoi l'instauration d'une telle condition serait nécessaire et proportionnée à l'objectif poursuivi, eu égard aux titres et aux conditions d'expérience professionnelle requis aux termes de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour prétendre au recrutement sur titres en tant qu'auditeur de justice.
Le garde des sceaux a trois mois pour procéder à l’abrogation de l’art. 33 du décret de 1972 précité, faute de quoi l’astreinte sera de 500 euros par jour de retard à exécuter la chose jugée.
L’intéressée peut aussi, au reste, solliciter la réparation du préjudice fautif qu’elle a subi du fait, d’une part, d’un texte illégal et d’autre part, du refus illégal d’y mettre un terme.
(8 septembre 2021, Mme B., n° 453471)
58 - Accident - Conditions d'imputabilité au service - Entretien annuel d'évaluation - Syndrome anxio-dépressif à l’issue de cet entretien - Absence d'imputabilité à l'entretien d'évaluation à défaut de caractère soudain et violent - Qualification inexacte des faits - Annulation.
Un arrêt d'appel juge que le syndrome anxio-dépressif dont souffre une fonctionnaire est directement imputable à son entretien annuel d'évaluation avec sa chef de service. Le Conseil d’État annule cet arrêt motif pris de ce qu'il ne suffisait pas à la cour de relever que des certificats médicaux établissaient que cet entretien est la cause du choc ressenti par l'agent et du syndrome qui en est résulté pour en déduire qu'ils étaient imputables à cet entretien et donc au service. Il appartenait aux juges du fond de vérifier si la chef de service avait tenu des propos ou adopté un comportement qui auraient excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique.
Un entretien d'évaluation, acte prévisible et normal, ne saurait par lui-même être cause d'un tel effet.
(27 septembre 2021, Ministre des armées, n° 440983)
59 - Fonction publique - Alimentation du compte épargne-temps - Jours de congé - Notion de jours de congés - Cas des jours de repos pris en contrepartie de la RTT - Absence - Rejet.
C'est sans erreur de droit qu'une note du garde des sceaux expose qu'il résulte des dispositions du décret du 29 avril 2002 portant création d'un compte épargne-temps dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature, que le nombre de 20 jours de congés devant, au minimum, avoir été pris dans l'année pour ouvrir droit à l'alimentation du compte épargne-temps s'apprécie uniquement au regard des jours de congés annuels ainsi que, le cas échéant, des jours de congés supplémentaires dits « de fractionnement » mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 26 octobre 1984, sans que puissent être pris en compte les jours de repos institués en contrepartie de la réduction du temps de travail, qui ne sont pas des jours de congés.
(27 septembre 2021, Union nationale des syndicats CGT de la protection judiciaire de la jeunesse, n° 448985)
V. aussi, sur un autre aspect de cette décision, le n° 3
60 - Procédure disciplinaire - Professeur d'université et praticienne hospitalière - Contrôle de la régularité de la procédure suivie - Invocation de la partialité des auteurs d'un rapport d'inspection - Rapport figurant au dossier soumis au contradictoire - Rejet.
La requérante, professeur des universités et praticienne hospitalière, qui a fait l'objet d'une sanction, pour divers motifs, par la juridiction disciplinaire compétente à l'égard des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires et des personnels enseignants de médecine générale, conteste celle-ci.
Son recours est rejeté.
Des divers griefs invoqués et tous rejetés, le rejet de l'un d'eux doit retenir l'attention.
La requérante soutenait que la décision de la juridiction disciplinaire était entachée d'irrégularité car les auteurs du rapport de la mission d'inspection IGAS-IGAENR diligentée par les ministres auraient manqué au principe d'impartialité. Pour rejeter ce moyen le juge retient que ce rapport ayant constitué une pièce du dossier d'instruction et ayant été soumis à la discussion contradictoire, il a constitué, comme tout autre, un élément apprécié par la juridiction saisie. Il appartenait donc à l'intéressée d'en démontrer, au cours du débat contentieux, l'irrégularité pour défaut d'impartialité.
(29 septembre 2021, Mme B., n° 432628)
61 - Pension de réversion – Séparation de corps – Remariage – Demande de reversement de l’indu de pension – Légalité au fond – Irrégularité en la forme – Rejet et annulation.
Suite à un contrôle, la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités publiques) informe la requérante qu’elle a indûment perçu une pension de réversion en deux périodes totalisant un peu plus de 23 années.
Sur le fond, le juge donne raison à l’administration (Caisse des dépôts) : il résulte des art. 299 et 303 du Code civil que la séparation de corps ne met pas fin au mariage car si elle met fin à la cohabitation elle maintient d’ailleurs le devoir de secours. La requérante n’est pas fondée à invoquer une différence de traitement entre les veuves divorcées ou ayant cessé de vivre en concubinage et les veuves séparées de corps, différence qu’elle estime, à tort, contraire tant à l’art. 14 de la Convention EDH qu’à l’art. 1er du premier protocole additionnel à cette Convention.
Sur la forme, la Caisse était tenue de motiver son retrait de la décision de versement d'une pension de réversion au conjoint survivant ou divorcé d'un fonctionnaire civil à compter de la date à laquelle il a contracté un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire d’une part car il s’agit d’une décision retirant ou abrogeant une décision créatrice de droits et, d’autre part, car il s’agit d’une décision qui ne concerne pas les relations entre l’administration et ses agents, lesquelles sont dispensées de motivation, mais les relations entre l’administration et la veuve ou l’épouse séparée de corps d’un agent public.
Sur ce point, la décision litigieuse est annulée.
(7 octobre 2021, Mme A., n° 435488)
Libertés fondamentales
62 - Liberté de l’enseignement – Établissement d’enseignement privé sous contrat simple – Refus de contracter – Motifs ne se limitant pas aux conditions posées aux articles L. 442-12, L. 442-13 et L. 442-14 du code l’éducation – Cassation avec renvoi.
Une école primaire privée entendant se placer sous le régime du contrat simple s’était vu refuser par le préfet la conclusion d’un tel contrat. Ce refus a été annulé en première instance et cette annulation a été confirmée en appel au motif que les articles L. 442-12, L. 442-13 et L. 442-14 du code de l’éducation énumérant limitativement les conditions à satisfaire pour la conclusion d’un contrat simple et la demanderesse y satisfaisant, le préfet avait illégalement opposé un refus.
Cassant l’arrêt d’appel, le Conseil d’État juge que si les conditions figurant aux articles précités sont bien les seules pouvant être examinées par l’administration ainsi que l’ont jugé les juges du fond, l'administration peut, également, prendre en considération dans son appréciation, la capacité de l'établissement à respecter le principe du droit à l'éducation et à garantir l'acquisition des normes minimales de connaissances, en vertu des exigences posées par les articles L. 111-1 et L. 131-1-1 de ce code.
Et le juge de cassation de préciser que l’administration peut, à ce titre, tenir compte de l'existence d'une mise en demeure adressée par l'État au directeur de cet établissement, en application de l'article L. 442-2 du même code, à la suite des contrôles que les autorités académiques doivent mener sur les établissements d'enseignement privés demeurés hors-contrat et portant, notamment, sur le respect de telles normes minimales de connaissances et sur l'accès au droit à l'éducation.
La cour a donc commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’existence au dossier d’une telle mise en demeure comme motif du refus préfectoral de contracter.
Il faut donc dire, en dépit de la dénégation du Conseil d’État sur ce point, que l’énumération des art. L. 442-12 à L. 442-14 inclus du code l’éducation n’est pas limitative…
(3 septembre 2021, Association École Hanned-Acces, n° 439008)
63 - Ressortissants afghans bénéficiant de la protection subsidiaire - Demande de réunification de leurs familles - Invocation de l'urgence à décider - Situation exceptionnelle - Absence de carence des services diplomatiques français - Rejet.
Statuant en formation collégiale comme elle l'avait déjà fait à propos de dossiers relatifs à des ressortissants afghans, la formation collégiale des référés du Conseil d’État rejette la demande de deux ressortissants tendant à ce que soit suspendu le refus implicite des ministres concernés de prendre les mesures d'organisation nécessaires à l'instruction de leurs demandes de réunification familiale et à ce que soit ordonné l'enregistrement et l'instruction sans délai de leurs demandes de visas au titre de leur droit à la réunification de leur famille afin que puissent les rejoindre en France, où ils bénéficient déjà de la protection subsidiaire prévue par la Convention de Genève de 1949, leurs épouses et enfants respectifs. Ils invoquent la lenteur actuelle et persistante depuis plusieurs années des procédures d'examen et d'octroi de ces visas du fait de la fermeture des postes diplomatiques de Kaboul (Afghanistan) et d'Islamabad (Pakistan) et de l'éloignement des postes désormais compétents territorialement de New Dehli et de Téhéran ainsi que des difficultés liées tant à l'épidémie de Covid-19 qu'à la situation chaotique de l'Afghanistan.
Ils demandent au juge des référés qu'il ordonne à la France la prise de mesures administratives complémentaires exceptionnelles et d'urgence afin d'accélérer la procédure d'instruction des visas en cause.
Pour rejeter les moyens soulevés à l'appui de la requête, tirés de la méconnaissance de l'obligation de statuer dans les meilleurs délais sur les demandes de réunification familiale et du principe de continuité du service public, le juge retient qu'au moment où il se prononce n'existe pas de doute sérieux sur la légalité du refus de prendre les mesures sollicitées par les requérants car le ministre de l'intérieur a pris l'engagement, après l'audience, d'une part, d'autoriser tout poste consulaire saisi à cet effet par des demandeurs afghans, nonobstant sa compétence territoriale, à les faire bénéficier de la dérogation prévue par l'article 1er du décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions en matière de visas qui autorise tout chef de poste consulaire à « délivrer des visas aux étrangers justifiant de motifs imprévisibles et impérieux qui ne leur ont pas permis de déposer leur demande dans la circonscription consulaire où ils résident habituellement » et, d'autre part, la prise de mesures prochaines pour mieux dimensionner les moyens humains, matériels et immobiliers, en lien avec les postes concernés et en fonction de l'évolution sécuritaire.
Il se déduit de là que les précisions ministérielles unilatéralement apportées et les engagements unilatéralement pris l'ont été en dehors du débat contradictoire.
(ord. réf., form. coll., 8 septembre 2021, M. A. et M. C., n° 455751)
Police
64 - Police sanitaire – Covid-19 – Mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire (décrets des 1er juin et 10 août 2021) – Inconstitutionnalité (QPC) et illégalité – Rejet.
Les requérants contestaient la constitutionnalité, au moyen d’une QPC, et la légalité de textes législatif et réglementaires disposant en matière de gestion administrative de la sortie de crise sanitaire.
La demande de renvoi d’une QPC est rejetée car elle est dirigée contre le D du paragraphe II de l’art. 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, alors que le décret attaqué a été, lui, pris pour l’application des dispositions du 2° du A du II de la loi du 31 mai 2021. La disposition législative critiquée n’est donc pas applicable au litige frappé d'une QPC.
Ensuite, le recours en illégalité dirigé contre le décret litigieux est également rejeté en tant que n’a été instaurée par les textes ni obligation de soin ni obligation de vaccination. Sur ce point l’ordonnance est discutable car empêcher l’exercice d’activités sociales diverses ou l’exercice d’une profession pour défaut de vaccination ou de soin n’est guère différent dans ses effets pratiques de l’instauration d’une obligation vaccinale ou de soin.
(ord. réf. 1er septembre 2021, Association « Le Cercle droit et liberté » et autres, n° 455532 et n° 455533)
65 - Police sanitaire - Covid-19 - Référé suspension - Demande de suspension des décrets primo-ministériels pris sur le fondement de diverses dispositions législatives - Référé liberté - Invocation d'atteintes à diverses libertés - Absence d'identification des dispositions réglementaires litigieuses - Rejet.
La requérante demandait au juge des référés qu'il ordonne la suspension de tous les décrets - pris par le premier ministre dans l'intérêt de la santé publique afin de lutter contre l'épidémie de Covid-19 -, sur le fondement des art. 1, 3, 4 et 11 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, sur ceux des articles 4, 12 à 21, de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, sur celui de l'alinéa 3 du I de l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.
La demanderesse soutenait que l'obligation générale de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par voie de Covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant le Covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par le Covid-19 pour emprunter certains transports en commun et accéder à certains lieux, établissements, services ou événements ainsi que l'obligation faite aux seuls personnels des services de santé d'être vaccinés contre le Covid-19, porteraient atteinte à divers droits et libertés. En particulier, seraient ainsi affectés le principe de précaution, faute pour ces obligations d'avoir été précédées d'études indépendantes, le droit constitutionnel à la protection de la santé, le principe d'égalité entre les citoyens, selon qu'ils peuvent ou non présenter ce justificatif et entre les salariés selon qu'ils doivent ou non être vaccinés, la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression et de manifestation de ses opinions ainsi que le droit au respect de la vie privée, notamment en raison de la conservation de données de santé dans des systèmes d'information.
La requête est rejetée, le juge n'y trouvant ni un moyen sérieux d'illégalité, ceci pour répondre à la demande en référé suspension, ni une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, ceci pour répondre à la demande de référé liberté.
L’absence de réalisation de l’une des conditions du référé-liberté dispense le juge d'examiner la condition d'urgence.
Le recours est rejeté au visa de l'art. L. 522-3 CJA.
(ord. réf. 1er septembre 2021, Mme Brigitte Thivenin, n° 455637)
66 - Police sanitaire - Covid-19 - Obligation vaccinale des soignants - Atteinte à divers principes fondamentaux - Argumentation de caractère très général et non développée - Rejet.
La requérante, infirmière libérale de son état, soutenait par voie de référé liberté que le décret n° 2021-1089 du 7 août 2021 en tant qu'il prescrit les mesures générales relatives à l'obligation vaccinale des soignants et autres professionnels de santé porte une atteinte grave et manifestement illégale à l'article 2 de la charte de l'Union européenne, au principe de précaution, au principe de l'interdiction de toute discrimination résultant de la Déclaration des droits de 1789 et de l'article 2 du traité de l'Union européenne, à l'égalité des citoyens devant la loi et aux dispositions du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016.
Jugeant ces critiques, d'une part, formulées en termes très généraux et, d'autre part, dépourvues d'argumentation, le Conseil d’État estime non démontrée l'existence d'une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées et rejette la requête selon la procédure de l'art. L. 522-3 CJA en raison de son irrecevabilité manifeste.
(ord. réf. 10 septembre 2021, Mme B., n° 456233)
(67) V. aussi, voisine, la solution identique donnée à une requête en référé liberté tendant à ce qu'il soit mis au harcèlement électromagnétique dont le requérant ferait l'objet sans apporter aucune précision sur l'origine et les manifestations du harcèlement allégué : ord. réf. 15 septembre 2021, M. A., n° 456197.
68 - Police sanitaire - Covid-19 - Arrêté préfectoral subordonnant à la présentation du passe sanitaire l'accès aux centres commerciaux d'une certaine superficie - Conditions de légalité de la mesure - Conditions satisfaites en l'espèce - Rejet.
Cette ordonnance rendue en formation collégiale - le fait est notable compte tenu de son objet -, est un nouvel épisode de la célèbre saga « Covid-19 ».
Les requérants contestaient la légalité d'un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes subordonnant à la présentation du passe sanitaire l'accès aux six centres commerciaux du département d'une surface commerciale utile de plus de 20 000 m².
Le recours est, sans surprise, rejeté.
Le juge relève tout d'abord que la loi du 31 mai 2021 et son décret d'exécution du 1er juin 2021 qui garantissent l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, n'imposent pas d'assurer cette garantie au regard de ceux de ces biens ou services se trouvant dans l'enceinte des grands magasins et centres commerciaux dans lesquels est exigé le passe sanitaire. Toutefois, le préfet doit s'assurer de l'existence, à proximité des centres commerciaux d'accès restreint, de commerces où les personnes démunies de passe sanitaire peuvent accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé. Il doit, à cette fin, apprécier, d'une part, la réalité des moyens de transports disponibles pour parvenir à ces commerces, et d'autre part, qu'ils sont situés à une distance raisonnable des centres à accès restreint.
En outre, ces personnes doivent être autorisées à accéder aux lieux de soins situés à l'intérieur des centres commerciaux lorsque ne peut être établi un accès différencié entre porteurs et non porteurs du passe sanitaire. Enfin, le préfet doit veiller à ce que ces derniers puissent accéder aux moyens de transport situés dans des centres commerciaux où est exigée la présentation du passe, en instituant des accès différenciés.
Ensuite, ces préalables posés, le juge examine les moyens de la requête en référé liberté pour les rejeter.
Le préfet n'était pas tenu, comme indiqué ci-dessus, de prévoir un accès aux centres commerciaux soumis au passe sanitaire pour permettre aux personnes sans passe d'y accéder aux biens et services de première première nécessité proposés.
De plus, il existe bien à proximité de chacun des six centres concernés dans le département des Alpes-Maritimes un nombre suffisant de commerces proposant ces biens et services.
Enfin, la mesure ainsi adoptée est adéquate à l'évolution du taux d'incidence et du taux de positivité même si l'un et l'autre, ainsi que le chiffre des hospitalisations, sont en baisse dans ce département et elle n'affecte pas le principe d'égalité au regard de personnes situées dans des conditions différentes par rapport à la lutte contre un fléau sanitaire.
(ord. réf. 13 septembre 2021, Mme B. et autres, n° 456391)
69 - Réunion publique d'information sur la modification d'un plan local d'urbanisme - Exigence d'un passe sanitaire pour l'accès à la salle de réunion - Illégalité - Rejet.
La commune requérante demandait au Conseil d’État, ici juge d'appel des référés, l'annulation de l'ordonnance du 10 septembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles lui a enjoint de permettre l'accès à une réunion publique d'information sur la modification du plan local d'urbanisme organisée dans la salle des fêtes de la commune sans que soit exigée la présentation du passe sanitaire.
L'appel est rejeté car après avoir relevé que le respect des conditions d'hygiène et de distanciation définies dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19 était de nature à assurer une protection suffisante de la santé publique, le premier juge a à bon droit décidé que cette réunion ne constitue pas une activité culturelle, sportive, ludique ou festive au sens et pour l'application des dispositions de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, issu du décret du 7 août 2021. Ainsi, l'accès à cette réunion ne pouvait pas être subordonné à la présentation d'un passe sanitaire sur le fondement des dispositions résultant de la loi du 5 août 2021 et du décret du 7 août 2021, quand bien même la réunion devait se tenir dans une salle relevant de la catégorie des établissements recevant du public de type L.
Aucune autre disposition n'investissant, par ailleurs, le maire du pouvoir d'exiger la présentation d'un tel document pour accéder à cette réunion, la décision attaquée était bien irrégulière.
On relèvera que la réunion se tenait le 13 septembre et que, saisi d'un appel contre une ordonnance rendue le 10 septembre, le juge des référés du Conseil d’État a rendu sa propre ordonnance le 13 septembre étant observé que les 11 et 12 septembre étaient un samedi et un dimanche. Cette célérité, dont beaucoup doutaient lors de la réforme du 30 juin 2000, est devenue banale, raison de plus pour la saluer.
(ord. réf. 13 septembre 2021, Commune de Savigny-sur-Orge, n° 456578)
Question prioritaire de constitutionnalité
70 - Portée effective d’une disposition législative donnée par une interprétation jurisprudentielle – Possibilité de former une QPC à son égard – Impossibilité lorsque la jurisprudence contestée ne porte pas sur l’interprétation des dispositions législatives en cause – Rejet de la demande de renvoi.
S’il est possible à un requérant, dans le cadre d’une action fondée sur une question prioritaire de constitutionnalité, de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition, c’est à la condition que le litige porte réellement sur une telle interprétation.
En l’espèce, la jurisprudence constante du Conseil d’État selon laquelle, à l'exception des moyens d'ordre public ou de ceux relatifs à la régularité de la procédure, les moyens qui n'ont pas été invoqués devant la commission départementale d'aménagement foncier ne peuvent, à peine d'irrecevabilité, être présentés pour la première fois devant le juge administratif à l'appui d'une demande d'annulation de la décision de cette commission, n'a pas pour objet d'interpréter les dispositions des articles L. 121-7 et L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime mais, simplement, de les appliquer. Il n’y a donc pas lieu de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel.
(16 septembre 2021, Mme A. et autres, n° 451257)
71 - Contrôle routier impliquant l’interception de véhicules – Diffusion au moyen d'un service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation de tout message ou autre susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle – Interdiction – Absence de limitation et de précision des motifs de cette interdiction – Admission de la QPC.
Il est jugé que soulève une question présentant un caractère sérieux le moyen, relevé par la société requérante, tiré de ce que les dispositions des art. L. 130-11 et L. 130-12 du code de la route, pour l’application des art. L. 234-9 ou L. 235-2 de ce code ou pour l’application de dispositions du code de procédure pénale, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à la liberté de communication entre utilisateurs d'un même service électronique d'aide à la conduite en ce que, d'une part, la possibilité de leur interdire d'échanger des informations susceptibles de leur permettre de se soustraire à un contrôle de police s'étend à des motifs et est soumise à des conditions, notamment de durée et de couverture géographique, qui ne seraient pas suffisamment limités et en ce que, d'autre part, la possibilité de leur interdire, en dehors du réseau routier national, l'échange de toute information, y compris celles ne portant pas sur l'existence d'un contrôle de police, ne serait pas adaptée, nécessaire et proportionnée à l'objectif poursuivi. Ce moyen est renvoyé au juge de la QPC.
(16 septembre 2021, Société Coyote System, n° 453763)
72 - Organismes de formation professionnelle - Absence de preuve de la réalité des actions de formation financées notamment sur fonds publics - Obligation de restitution des sommes indûment perçues - Obligation ne constituant pas une sanction - Absence d'atteinte au droit des contrats - Invocation impossible au soutien d'une QPC de l’incompétence négative du législateur hors du champ des droits et libertés - Rejet.
Les organismes de formation professionnelle reçoivent, pour l'exercice de leurs actions de formation, à la fois des fonds publics (État, collectivités territoriales, Caisse des dépôts et consignations, Pôle emploi, opérateurs de compétences) et des fonds versés par les employeurs. Un contrôle est exercé sur la réalité de l'accomplissement de ces activités de formation.
La société requérante, soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, se plaignait de ce que les dispositions du code de travail qui régissent les conditions et les effets de ces contrôles, d'une part, instituent des sanctions disproportionnées en cas de manquement, violant ainsi le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, d'autre part portent atteinte à la liberté contractuelle et au droit au maintien de l'économie des contrats légalement conclus, enfin, au cas d'espèce, révèlent une incompétence négative du législateur.
Cette demande est très logiquement rejetée en tous ses chefs de demande.
D'abord, ne saurait être qualifié de « sanction » le fait pour une autorité publique d'exiger le remboursement de versements indus tant pour ce qui concerne les aides publiques à une opération qui n'a pas eu lieu que pour ce qui regarde les sommes versées par les employeurs.
Ensuite, ne sauraient être invoqués les principes du droit contractuel (liberté contractuelle et respect de l'économie initiale du contrat) à l'encontre de dispositions législatives qui loin d'y porter atteinte en assurent en réalité le respect en tirant les conséquences du non-respect d'engagements de nature contractuelle.
Enfin, il est à nouveau rappelé que l'incompétence négative du législateur ne peut pas, en soi, constituer un cas d'ouverture à QPC si elle n'affecte pas directement un droit ou une liberté constitutionnellement garantie.
(22 septembre 2021, Société « Institut de formation à distance », n° 449602)
73 - Fonctionnaires - Accidents et maladies professionnelles - Présomption d'imputabilité au service - Régime différent en cas d'incapacité temporaire et en cas d'incapacité permanente - Absence d'inconstitutionnalité - Refus de transmission de la QPC.
Dans cadre d'un litige l'opposant à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), la requérante faisait valoir notamment l'inconstitutionnalité du I de l'art. 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations du fonctionnaire pour violation du principe d'égalité devant la loi et du principe d'égalité devant les charges publiques en tant qu'il réserve la présomption d'imputabilité au service de certains accidents et maladies professionnelles aux seuls cas d'incapacité temporaire du fonctionnaire, à l'exclusion de son incapacité permanente.
L'argument n'apparaît pas sans valeur mais il est rejeté par le Conseil d’État.
Celui-ci, pour refuser la transmission, considère que sont placés dans une situation différente de celle des fonctionnaires frappés d'une incapacité temporaire ceux des fonctionnaires atteints d'une incapacité permanente, dont les conséquences sont prises en charge au moyen de dispositifs d'indemnisation adaptés au caractère durable de ses effets et qui ne sont pas à la charge directe de chaque employeur mais mutualisés entre les employeurs publics au sein des régimes spéciaux de retraites. C'est pourquoi la différence de traitement qui en résulte est ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
Cette manière de traiter la QPC pose un réel problème : jusqu'où peut aller le juge a quo pour apprécier le caractère sérieux d'une question ? A partir de quand, l'ampleur et les caractéristiques de son analyse se substituent au rôle et à la compétence exclusifs du juge de la QPC ?
La présente affaire constitue un bon exemple de cette difficulté.
(23 septembre 2021, Mme B., n° 451317)
74 - Institution d'une contribution exceptionnelle des organismes de complémentaire santé à la prise en charge des dépenses liées à la gestion de l'épidémie de Covid-19 - Inconstitutionnalité - Absence - Rejet.
(29 septembre 2021, Société Quatrem, n° 451491)
V. n° 43
Responsabilité
75 - Vaccination obligatoire contre l'hépatite B - Troubles attribués à cette vaccination - Absence de lien de causalité scientifiquement établi - Omission de vérifier l'absence de toute probabilité d'existence d'un tel lien - Erreur de droit - Annulation.
Une personne, militaire de son état, est soumise, entre 1994 et 1995, à l'obligation d'être vaccinée contre le virus de l'hépatite B.
Ayant souffert de divers troubles quelques mois après avoir été vaccinée, elle s'est vu attribuer une pension militaire d'invalidité à partir de 2001.
Le ministre de la défense lui ayant refusé la réparation des préjudices non indemnisés par cette pension, l'intéressé se pourvoit en cassation contre l'arrêt confirmatif jugeant que n'est pas établi un lien de causalité entre les troubles dont il se plaint et l'administration d'un vaccin contenant des adjuvants aluminiques. La cour avait fondé sa décision de rejet sur les travaux de l'Académie nationale de médecine, du Haut conseil de santé publique, de l'Académie nationale de pharmacie et de l'Organisation mondiale de la santé consacrés aux liens susceptibles d'exister entre l'administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques et le développement de différents symptômes constitués de lésions histologiques de myofasciite à macrophages, de fatigue chronique, de douleurs articulaires et musculaires et de troubles cognitifs, symptômes dont le requérant se plaignait.
Pour accueillir le pourvoi et annuler cet arrêt, le Conseil d’État retient, dans une formulation qui n'est pas loin d'être celle d'une décision de principe en la matière, qu' « il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration d'adjuvants aluminiques et les différents symptômes attribués à la myofasciite à macrophages était ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu'il n'y avait aucune probabilité qu'un tel lien existe.»
Puis, le juge de cassation délivre un véritable mode d'emploi de la conduite à tenir par la cour en cette hypothèse : soit il était résulté de cet examen, en l'état des connaissances scientifiques, l'absence de toute probabilité d'existence d'un lien de causalité, la cour devait en ce cas rejeter la demande dont elle était saisie, soit, à défaut d'une exclusion totale de probabilité, la cour, examinant les circonstances, ne pouvait alors retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations et les symptômes que si ceux-ci étaient apparus postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et avec une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.
En réalité, le Conseil d’État introduit ici une présomption, peu réfragable, de lien de causalité.
(29 septembre 2021, M. D., n° 435323)
(76) V., pour une solution identique en matière de vaccinations obligatoires à raison d'activités professionnelles (ici, à la fois, contre le virus de l'hépatie B et contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite) : 29 septembre 2021, Mme B., n° 437875.
77 - Police de l'ordre public - Attroupements et rassemblements - Actes commis à force ouverte ou par violence - Régime de réparation et charge de la réparation - Distinction entre un blocage routier, donc prémédité, et les violences qui en ont résulté, non préméditées - Rejet.
L'art. L. 211-110 du code de la sécurité intérieure disposait à l'époque des faits litigieux : « L'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».
Dans le cadre d'un mouvement national de protestation contre un projet de texte législatif des manifestants ont bloqué un carrefour giratoire situé à proximité d'une sortie d'autoroute et causé des dégâts aux biens de la société requérante, exploitante du réseau autoroutier. Elle a demandé réparation à l'État des préjudices qu'elle avait subis, ce qui lui a été refusé par une décision implicite dont elle a recherché, en vain, l'annulation par un tribunal administratif puis, avec succès, par la cour administrative d'appel.
Le ministre compétent se pourvoit contre cet arrêt. Son pourvoi est rejeté.
Le Conseil d’État approuve les juges du fond d'avoir estimé, d'une part, que les dégradations dont la société d'autoroutes demande réparation résultent d'actes commis à force ouverte ou par violence et sont constitutives de délits et, d'autre part, que si le blocage routier et ses conséquences ont pu présenter un caractère organisé et prémédité, les dégradations qui ont été commises ne l'ont pas été par un groupe qui se serait constitué et organisé à seule fin de commettre ce délit, et qu'ainsi ces faits étaient de nature à engager la responsabilité sans faute de l'État sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 211-10.
(29 septembre 2021, Ministre de l'intérieur, n° 449761)
78 - Responsabilité hospitalière - Hospitalisation psychiatrique - Agression d'un malade par un autre - Existence éventuelle d'une faute de la part de l'établissement de soins - Appréciation en l'espèce - Qualification inexacte des faits - Annulation.
Un patient hospitalisé dans un établissement de santé mentale agresse violemment, le 22 novembre 2009, un autre patient de cet établissement qui demeurera, du fait de cette agression et jusqu'à sa mort huit ans plus tard, dans un état végétatif.
L'établissement public de santé mentale se pourvoit en cassation contre l'arrêt confirmatif qui l'a condamné à indemniser le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie.
Tout le débat se concentrait sur le point de savoir si l'établissement avait, ou non, par défaut de surveillance, commis une faute ayant joué un rôle causal dans la survenance de l'agression. Le Conseil d’État, statuant au fond après une première cassation (art. L. 821-2 CJA), retient une solution directement contraire à celles qu'avaient retenue les juridictions du fond.
Dans une formulation de principe, le juge cassation fixe, au point 3 de sa décision, le cadre juridique dans lequel doit s'inscrire l'analyse du juge saisi d'un tel litige : « Pour établir l'existence d'une faute dans l'organisation du service hospitalier au titre du défaut de surveillance d'un patient atteint d'une pathologie psychiatrique, le juge doit notamment tenir compte, lorsque l'état de santé de ce patient fait courir le risque qu'il commette un acte agressif à son égard ou à l'égard d'autrui, non seulement de la pathologie en cause et du caractère effectivement prévisible d'un tel passage à l'acte, mais également du régime d'hospitalisation, libre ou sous contrainte, ainsi que des mesures que devait prendre le service, compte tenu de ses caractéristiques et des moyens dont il disposait.»
Appliquant cette grille d'analyse au cas de l'espèce, le juge indique, en premier lieu quel a été le raisonnement de la juridiction d'appel et, en second lieu, en quoi il lui paraît qu'il repose sur une qualification inexacte des faits.
La cour avait retenu une faute dans l'organisation du service hospitalier en se fondant sur deux faits. 1° l'auteur de l'agression était connu pour son agressivité et sa violence, plusieurs actes commis par lui au cours des sept derniers mois en attestant ; 2° le rapport de l'expert commis par les juges avait relevé que les pathologies respectives dont souffraient l'agresseur et sa victime présentaient une incompatibilité spécifique devant immanquablement se révéler s'ils se trouvaient en présence l'un de l'autre.
Le Conseil d’État reproche à la cour de s'être fondée sur ces seuls éléments pour y apercevoir l'existence d'une faute de l'établissement. Il a une autre opinion sur l'appréciation des faits le conduisant à dénier l'existence d'une faute et il retient, pour aboutir à cette conclusion, deux faits.
1° le comportement de l'agresseur s'était stabilisé depuis plus de deux mois au moment de l'agression et il avait bénéficié de permissions de sortie qui n'avaient donné lieu à aucun incident ; 2° il avait été décidé de ne pas le confiner dans sa chambre mais de lui laisser une certaine autonomie de mouvement après administration d'un traitement ad hoc et mise en observation dont l'application et la surveillance étaient, selon le juge, d'autant plus aisées s'agissant d'un établissement de petite taille dans lequel le personnel pouvait très vite intervenir.
De là se déduit l'absence de faute.
On peut disputer à l'infini de ces deux appréciations des faits où demeure une grande part de subjectivité. Cependant, dans la mesure où était connue l'existence d'une incompatibilité majeure entre les maladies dont souffraient les deux protagonistes, il eût peut-être été plus sage, soit d'empêcher tout contact soit d'éloigner systématiquement l'un de l'autre, ce que la petite taille de l'établissement, dont le Conseil d’État fait un atout, permettait difficilement.
(29 septembre 2021, Établissement public de santé mentale (EPSM) de Lille-Métropole, n° 432627)
Service public
79 - Gestion de la trésorerie de l'État - Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) - Organismes privés chargés d'une mission de service public - Notion de mission de service public et notion de service public - Rejet.
(28 septembre 2021, Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), n° 447625)
V. n° 39
Urbanisme
80 - Demande de permis de construire - Silence de l'administration - Servitude d'urbanisme non inscrite en annexe d'un plan local d'urbanisme - Silence valant acceptation - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit l'arrêt qui annule le refus de délivrance d'un permis de construire sur un immeuble dont les façades et le toit sont inscrits au titre des monuments historiques au motif que cette servitude d'urbanisme ne figurant pas en annexe du plan local d'urbanisme, le silence de plus de trois mois du maire sur la demande de permis valait permis de construire tacite.
En effet, si une servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols, telle la servitude pesant sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, n'est pas, en principe, opposable à une demande d'autorisation d'occupation des sols lorsqu'elle n'est pas annexée à un plan local d'urbanisme, il en va différemment lorsque le propriétaire d'un immeuble classé ou inscrit aux monuments historiques s'est vu notifier cette inscription en application de l'article R. 621-8 du code du patrimoine. En ce cas, cette servitude lui est opposable alors même qu'elle ne serait pas annexée au plan local d'urbanisme et toute demande de permis de construire, de démolir ou d'aménager portant sur cet immeuble relève en conséquence, conformément à l'article R. 424-2 du code de l'urbanisme, de la procédure dérogatoire prévue pour ces demandes par les dispositions précitées de l'article L. 621-27 du code du patrimoine, d'où il résulte que le silence gardé par l'administration à l'issue du délai d'instruction fait naître une décision implicite de rejet de la demande.
Au cas de l'espèce, le classement par un arrêté du 15 novembre 1927 (!!!) avait été notifié au propriétaire, d'où il suit que le pétitionnaire ne saurait se prévaloir de ce que le silence, gardé pendant plus de cinq mois, aurait valu octroi d'un permis de construire tacite.
Encore eût-il fallu, nous semble-t-il, car le propriétaire requérant n’est probablement celui qui a reçu notification de l’arrêté de classement près de 95 ans avant la saisine du juge, établir que ce dernier avait incontestablement connaissance de cet acte, par exemple car il était retranscrit dans l’acte notarié d’acquisition, de donation ou de succession de l’immeuble litigieux.
(23 septembre 2021, Société La Place Gambetta, n° 432650)
81 - Permis de construire initial et permis modificatif - Accès à la propriété par une voie privée ouverte à tous les propriétaires riverains - Voie accessible aux services de lutte contre l'incendie - Accès alternatif autorisé par le permis modificatif - Erreur de droit et double dénaturation des pièces du dossier - Annulation avec renvoi.
Le permis de construire initial d'une maison d'habitation individuelle d'une superficie de 664,89 m2 avait été annulé par le tribunal administratif pour le double motif, d'une part, que les pétitionnaires, qui prétendaient pouvoir utiliser une voie privée pour l'accès à leur parcelle n'invoquaient aucun titre créant une servitude ou un quelconque droit de passage sur cette voie de desserte et d'autre part, que l'état de ladite allée privée ne permettait pas l'accès des vehicules de lutte contre l'incendie.
Le permis de construire modificatif, qui faisait suite à l'acquisition par les pétitionnaires de parcelles de terrain supplémentaires, est également annulé par le tribunal par le motif que, vu l'importance de la construction projetée, l'accès alternatif proposé par le permis de régularisation accordé méconnaissait les conditions posées par le règlement du PLU.
Le jugement est annulé en ses deux branches.
Concernant le permis initial, le tribunal a, d'abord, commis une erreur de droit en ce qu'il n'a pas tiré la conséquence que les demandeurs tenaient directement de leur qualité de propriétaires riverains de la voie privée le droit d'y accéder et d'en user. Il a, ensuite, dénaturé les pièces du dossier en jugeant ladite voie inaccessible aux véhicules de secours alors que figuraient au dossier de demande permis, d'une part des photographies attestant que l'état de l'allée en cause ne fait pas obstacle à l'accès des services de lutte contre l'incendie au terrain d'assiette du projet et, d'autre part, l'avis favorable émis par le service de lutte contre l'incendie et la protection civile de la préfecture de police.
Concernant le permis modificatif, le tribunal - se fondant exclusivement sur la superficie de la construction projetée - a omis de prendre en considération, pour apprécier la pertinence de la création d'un accès piétonnier et d'un accès pour véhicules, le fait qu'il ne s'agissait néanmoins que d'un seul logement, commettant ainsi une seconde dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis.
(23 septembre 2021, M. et Mme A. H., n° 435616)
82 - Révision d'un POS portant plan d'urbanisme - Irréglarités affectant la consultation - Invocation au soutien d'un recours dirigé contre la délibération approuvant le PLU - Nature de servitudes d'urbanisme des zones ZPPAUP - Absence d'effet sur l'appréciation de la légalité d'un PLU - Rejet.
Les requérants contestaient par de nombreux moyens de forme et de fond la légalité de la délibération du conseil municipal de la commune de Pertuis approuvant la révision du POS mis en forme de PLU.
On retiendra surtout deux aspects de la décision du Conseil d’État dont le premier est une reprise d'une importante jurisprudence antérieure.
Tout d'abord, réitérant le revirement de jurisprudence constitué par une décision relativement récente (Section 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, n° 388902) le Conseil d’État rappelle que s'il est loisible à tout requérant de contester la légalité de la délibération fixant les modalités de la concertation en vue de l'adoption ou de la révision d'un PLU, il ne lui est plus possible, depuis cette décision, d'invoquer cette illégalité au soutien d'un recours dirigé contre la délibération approuvant le PLU, ce qui était le cas en l'espèce.
Ensuite, de façon plus innovante, est précisée l'imbrication normative et hiérarchique du PLU avec l'institution d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP).
Le juge de cassation approuve la cour administrative d'appel d'avoir jugé, d'une part, que les dispositions d'une ZPPAUP ne sont pas au nombre des règles par rapport auxquelles s'apprécie la légalité d'un plan d'urbanisme, et d'autre part, que ces dispositions sont, en revanche, opposables aux autorisations d'urbanisme délivrées sous l'empire dudit PLU.
Ceci ne manquera pas de soulever de délicats problèmes de hiérarchie des normes et de cohérence juridique car au final il y a bien interposition des dispositions du ZPPAUP entre le PLU et l'autorisation d'urbanisme sollicitée.
Ce qui soulève une question difficile : y a-t-il vraiment une grande différence pour le pétitionnaire entre voir sa demande directement soumise au respect de la réglementation au titre de la ZPPAUP ou par le biais de dispositions du PLU prises dans le respect des règles que comporte la ZPPAUP ?
D'un autre côté il n'est pas illégitime de considérer que l'empilement normatif au-dessus du PLU est déjà suffisamment consistant pour ne pas en rajouter une couche.
(24 septembre 2021, Mme B. et autres, n° 444673)
83 - Propriétaires voisins - Recours en tierce opposition contre un jugement annulant un refus de permis de construire - Conditions de recevabilité d'un tel recours (art. R. 832-1 CJA) - Conditions non réunies en l'espèce - Rejet de ce chef - Refus d'un permis de construire pour des motifs censurés par le juge - Impossibilité d'un nouveau refus fondé sur l'un des motifs censurés.
Rappel de ce que si l'administration qui a refusé un permis de construire pour des motifs censurés par le juge demeure saisie de la demande de permis et peut, à ce titre, le refuser à nouveau pour un motif différent de ceux censurés, en revanche elle ne peut le refuser en se fondant sur l'un des motifs censurés en raison de l'autorité absolue qui s'attache à la chose jugée par une annulation sur recours pour excès de pouvoir.
(29 septembre 2021, EARL Grand Fossé et autres, n° 438525)
V. pour un autre aspect de la décision, le n° 21
84 - Réunion publique d'information sur la modification d'un plan local d'urbanisme - Exigence d'un pass sanitaire pour l'accès à la salle de réunion - Illégalité - Rejet.
(ord. réf. 13 septembre 2021, Commune de Savigny-sur-Orge, n° 456578)
V. n° 69
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Juillet-Août 2021
Juillet-Août 2021
Actes et décisions - Documents administratifs - Procédure administrative non contentieuse
1 - Existence d’une supposée règle non écrite appliquée par les juridictions administratives – Demande au garde des sceaux d’y mettre fin et d’en annuler certains effets – Existence de cette règle non établie – Silence du garde des sceaux n’ayant, par suite, pas le caractère d’une décision déférable au juge – Requête abusive – Condamnation à amende et rejet.
Les requérants prétendaient que diverses décisions rendues par des juridictions administratives statuant en référé révéleraient l'existence d'une supposée règle non écrite selon laquelle ces juges des référés se soustrairaient à leurs obligations dans le cadre du contrôle des aides d'État prévu par les articles 107 et 108 du TFUE, notamment en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction, en cas de méconnaissance, par les autorités étatiques, de l'interdiction instituée par le paragraphe 3 de l'article 108. Ils avaient demandé au garde des sceaux de mettre fin à cette « règle » et d’en annuler certains des effets. Ils contestent devant le Conseil d’État le rejet implicite de leurs demandes résultant du silence gardé par le ministre.
Constatant l’inexistence de la « règle » prétendue, le Conseil d’État juge qu’en conséquence l’absence de réponse du garde des sceaux n’est pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours.
Passablement agacés par cette démarche d’une habituée de son prétoire, les juges lui infligent cinq mille euros d’amende pour avoir introduit une requête abusive.
(1er juillet 2021, Société MEI Partners, de Me A., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, n° 441150)
2 - Actes de droit souple - Haute autorité de santé - Recommandations de bonne pratique du 12 juillet 2017 relative au syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement - Refus d’abrogation - Recours pour excès de pouvoir dirigé directement contre ce refus dans le délai du recours contentieux - Exception d’illégalité dirigée contre ce refus - Rejet.
139 requérants demandent l’annulation de la décision de la Haute autorité de santé refusant d’abroger la recommandation de bonne pratique du 12 juillet 2017 émise par le collège de celle-ci, relative au « syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement » et actualisant une précédente recommandation émise le 8 juin 2011.
Le recours est rejeté.
Le juge rappelle tout d’abord les limites des actes de droit souple notamment en matière de santé où toute recommandation de bonne pratique « pas davantage qu'elle ne dispense le professionnel de santé de rechercher pour chaque patient la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée, ne saurait faire obstacle à la discussion du bien-fondé des diagnostics établis sur sa base dans le cadre des procédures applicables à chaque cas particulier, notamment devant le juge pénal ». On ne saurait mieux décrire l’incomplétude claudicante de ces « actes ».
Puis s’agissant du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la recommandation en cause, le juge réitère sa jurisprudence aussi constante désormais que discutable, selon laquelle il est possible - dans le cadre d’un recours direct pour excès de pouvoir ou d’une action en exception d’illégalité contestant le refus d'abroger une recommandation de bonne pratique de la Haute autorité de santé -, d’invoquer la légalité de son contenu, la compétence de la Haute autorité pour la prendre et l'existence d'un détournement de pouvoir. Il n'est en revanche pas possible de critiquer par voie d’exception d’illégalité ses conditions d'édiction, ses vices de forme et de procédure. Cela n’est en effet possible que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la recommandation elle-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
(7 juillet 2021, M. H.C. et autres, n° 438712)
3 - Retrait d'une pension de réversion à l'époux d'une fonctionnaire décédée - Contestation non relative aux relations entre l'administration et ses agents - Obligation de motivation - Décision n'étant pas prise en situation de compétence liée - Rejet.
Ayant constaté que le conjoint survivant d'une fonctionnaire prédécédée avait continué à percevoir une pension de réversion après s'être remarié, le ministre de l'action et des comptes publics a retiré la décision de versement de cette pension à compter de la date du remariage, le 9 avril 2004.
Cette décision, d'une part, en ce qu'elle entre dans la catégorie de celles qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits et, d'autre part, en ce qu'elle ne peut être regardée comme créant un litige entre l'administration et l'un de ses agents, doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et précédée d'une procédure contradictoire (art. L. 121-1 CRPA).
Ensuite, pour procéder au retrait d'une pension de réversion, l'autorité administrative est conduite à porter une appréciation sur les faits de l'espèce en particulier pour apprécier si son bénéficiaire a contracté un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire, c'est donc sans erreur de droit que le tribunal administratif a considéré que l'autorité administrative ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige et en en déduisant que les moyens présentés devant lui à l'encontre de cette décision n'étaient pas inopérants.
(1er juillet 2021, ministre de l'action des comptes publics, n° 430834)
4 - Office national des forêts (ONF) - Vente de bois de chêne - Décision établissant un formulaire d'engagement - Application à des ventes non réalisées par l'ONF - Atteintes à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie - Incompétence - Annulation.
Avant l'examen du litige au fond, le Conseil d’État a tranché une question de compétence dans la lignée de la jurisprudence édifiée sur ce point par le Tribunal des conflits : si l'ONF tient de la loi la qualité d' établissement public national à caractère industriel et commercial et si, de ce fait, les litiges nés de ses activités relèvent normalement de la compétence de la juridiction judiciaire, il en va autrement des litiges portant sur celles des activités de l'ONF qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique. En l'espèce, le juge administratif est donc bien compétent puisqu'il s'agit de l'exercice par l'office de son pouvoir réglementaire.
Une résolution du conseil d'administration de l'ONF modifiant le formulaire d'engagement approuvé par une précédente résolution relative à l'accès aux ventes publiques de chêne par appel d'offres et par adjudication impose à tout acheteur de ce bois ne disposant pas du « label transformation UE » une série d'engagements dont celui d'alimenter la filière de transformation située dans l'Union européenne avec les bois d'œuvre de chêne issus des lots qu'il aura acquis. Le non-respect de cet engagement, dont le contrôle doit être assuré par un organisme indépendant, peut entraîner l'exclusion de l'acheteur des ventes de bois de chêne de l'ONF pour une durée allant jusqu'à cinq ans.
Les requérants contestaient le fait que l'application de cette résolution concerne non seulement les lots de bois achetés dans le cadre d'une vente par l'ONF mais également l'ensemble de l'approvisionnement en bois d'œuvre de chêne par tout intéressé, quelle que soit son origine ou la date de son acquisition, y compris celui qui n'est pas issu d'une vente de l'ONF.
Si l'ONF est habilité par les dispositions du code forestier à subordonner le droit de se porter acquéreur des lots de bois qu'il met en vente à des engagements portant sur l'usage de ces lots (cf. art. L. 121-2-1, code forestier), cette habilitation ne saurait lui permettre de porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie des acquéreurs de bois en leur imposant des contraintes portant non seulement sur le bois de chêne acquis auprès de l'office, mais affectant aussi l'ensemble des activités d'acquisition, de cession ou d'échange de bois de chêne et à celles des entreprises avec lesquelles il entretient des liens commerciaux.
Excédant les limites de la compétence réglementaire dévolue par la loi à l'Office, sa décision est entachée d'incompétence.
(2 juillet 2021, Syndicat de la filière bois et autres, n° 423720)
(5) V. aussi, avec même solution : 2 juillet 2021, Syndicat de la Filière bois et autres, n° 427483.
6 - Agence nationale de l'habitat (ANH) - Abrogation par décret de la consultation obligatoire d'une commission locale de l'habitat - Caractère obligatoire de cette consultation maintenu par le règlement intérieur de l'ANH - Décision de retrait et de reversement d'une subvention - Absence de consultation de la commission - Omission d'une formalité constituant une garantie - Illégalité - Rejet.
C'est sans erreur de droit qu'une cour administrative d'appel annule une décision de retrait et de remboursement d'une subvention car elle n'avait pas été précédée de la consultation de la commission locale de l'habitat dont la caractère obligatoire, supprimée par un décret du 5 mai 2017, a été maintenu postérieurement par le règlement intérieur de l'ANH.
(2 juillet 2021, M. A., n° 434447)
7 - Secret défense - Archives classifiées – Sauf exception, documents communicables de plein droit après 50 ou 100 ans - Illégalité de la subordination de leur communication à leur déclassification préalable - Annulation de ce chef.
Est illégale l'instruction générale interministérielle qui subordonne à leur déclassification préalable la communication des archives classées secret défense alors que le code du patrimoine (art. L. 213-2) n'exige pas cette déclassification dès lors, d'une part, que s'est écoulé un délai de 50 ou de cent ans, selon l'archive concernée, et d'autre part, que la demande de communication ne porte pas sur les documents relatifs aux armes de destruction massive lesquels ne sont jamais communicables.
(2 juillet 2021, Association des archivistes français et autres, n° 444865, n° 448763)
8 - Acte réglementaire - Refus d'abroger un tel acte - Nature juridique - Régime contentieux - Rejet.
Rappels, d'abord, que le refus d'abroger un acte réglementaire a lui-même une nature réglementaire, ensuite que le juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions à fin d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire se place à la date de sa décision pour apprécier les règles applicables.
(5 juillet 2021, Association La Quadrature du Net et autres, n° 433539)
V. n° 20
9 - Documents de portée générale - Document intitulé « GT éditeurs » - Document sans effets notables sur les éditeurs de logiciels - Acte ne faisant pas grief - Irrecevabilité - Rejet.
Il est jugé qu'un document, établi par un ministère, qui correspond à une impression du support visuel diffusé au sein d'un groupe de travail consacré à la présentation de la procédure d'évaluation des logiciels du nouveau diagnostic de performance énergétique des logements et bâtiments institué par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique et qui se borne à donner aux éditeurs de logiciels des informations pratiques pour faire valider leurs logiciels sans comporter d'effet notable sur leurs droits, ne constitue pas un document de portée générale à effet notable ou une ligne directrice ou présentant un caractère impératif.
Le recours formé à son encontre est irrecevable.
(5 juillet 2021, Société Tekimmo, n° 453401)
(10) V. aussi l'ordonnance de référé rejetant la demande de suspension de l'exécution de deux arrêtés relatifs aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l'établissant ainsi qu'au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation en France métropolitaine, devant entrer en vigueur le 1er juillet 2021, le moyen d'atteinte à la sécurité juridique développé à leur encontre ne soulevant pas de doute sérieux : 5 juillet 2021, Association LDI, n° 453621.
(11) V. également, sur recours notamment de la société Tekimmo précitée, l'annulation d'un arrêté interministériel du 2 juillet 2018 (avec effet différé au 1er janvier 2022) définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification en tant qu'il rend d'application obligatoire les normes NF EN ISO/CEI 17024 et NF EN ISO/CEI 17065 sans qu'elles soient gratuitement accessibles, en violation des dispositions du décret du 16 juin 2009 dont l'art. 17 dispose notamment que « (...) Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation ».
D'où il suit que la gratuité d'accès est une condition du caractère obligatoire de l'application de ces normes : 7 juillet 2021, Société Tekimmo, n° 423261 ; Syndicat du retrait et du traitement de l'amiante et des autres polluants, n° 423897 ; Association nationale de défense des victimes de l'amiante, n° 423951 ; Confédération des organismes indépendants tierce partie de prévention, de contrôle et d'inspection, n° 426347.
12 - Administration fiscale - Acte de délégation de signature - Auto-affirmation qu’il a été affiché dans les locaux du service - Présomption ne pouvant être renversée que par la production d’éléments significatifs - Erreur de droit - Annulation.
Dans le cadre d’un litige l’opposant à l’administration fiscale suite à une vérification de comptabilité, un contribuable invoque le caractère irrégulier de la décision prise à son encontre car elle a été signée par un agent ayant reçu une délégation de signature, dont l’art. 2 de cette décision indiquait qu’elle serait affichée dans les locaux du service comptable du service des impôts des entreprises de Bobigny et alors que le contribuable contestait la réalité de cet affichage. La cour administrative d’appel a accueilli ce moyen.
Le Conseil d’État voit dans ce raisonnement une erreur de droit car l’intéressé s’est borné à contester l’existence de cet affichage sans assortir ses allégations d'aucun élément de nature à renverser la présomption d’affichage résultant de l’art. 2 de l’acte de délégation de signature.
La solution surprend car elle opère, subrepticement, un renversement de la charge de la preuve : d’une part, elle crée de toutes pièces une présomption d’affichage fondée sur le seul libellé d’un acte administratif, et d’autre part, elle exige du contribuable non pas un simple commencement de preuve mais bel et bien la preuve d’un non-affichage, lequel n’aurait guère pu résulter que d’un constat d’huissier effectué dans les locaux mêmes du service public, pour autant qu’ils se trouvent dans une partie accessible au public et également à l’huissier.
La solution ne peut être approuvée car elle autorise - et légitime - bien des dérives.
(16 juillet 2021, ministre de l’action et des comptes publics, n° 440013)
13 - Norme AFNOR - Norme faussement présentée comme élaborée de manière consensuelle - Illégalité - Annulation - Incidence sur le pouvoir ministériel de définir une norme - Annulation avec modulation dans le temps.
Le directeur de l’AFNOR a homologué, par une décision du 28 novembre 2018, la norme révisée NF X 31-620 « Qualité du sol - Prestations de services relatives aux sites et sols pollués » alors que celle-ci n’avait pas fait l’objet de l’élaboration consensuelle prévue par les dispositions de l’art. 1er décret du 16 juin 2009. Compte tenu du caractère substantiel des points de désaccords exprimés lors de la séance orale d’instruction qu’a menée l’une de ses chambres, le Conseil d’État annule la décision en raison de l’erreur manifeste d'appréciation commise par son auteur en estimant que le projet de norme révisée avait été élaboré de manière consensuelle.
Les ministres compétents ont, par un arrêté du 19 décembre 2018, rendu obligatoire les parties 1 et 5 de la norme NF X31-6 dont le juge a prononcé l’annulation comme indiqué ci-dessus ; par suite, cet arrêté est annulé par voie de conséquence.
Ce qui fait l’importance de cette décision vient de ce que le juge reconnaît que si les ministres pouvaient définir par leur arrêté la norme prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l'environnement en reprenant, le cas échéant, le contenu d'un projet de norme préparé par l'AFNOR même n'ayant pas fait l'objet d'un consensus, ils se sont ici « bornés (…) à rendre obligatoire, les parties 1 et 5 de la norme NF X31-620 auxquelles leur arrêté renvoie », l’annulation par voie de conséquence était inévitable. Elle a lieu, ici, avec effet différé au 1er mars 2022.
(21 juillet 2021, Union des consultants et ingénieurs en environnement et autres, n° 428347)
14 - Refus d'autoriser un licenciement - Retrait du rejet implicite du recours contre ce refus - Licenciement d'un salarié protégé par motif économique - Respect de la procédure contradictoire - Absence - Annulation.
Le retrait de la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé est soumis à une procédure contradictoire impliquant l'invitation de l'intéressé à présenter ses observations sur le projet de retrait, la décision implicite étant créatrice de droits pour le salarié.
(30 juillet 2021, M. B., n° 429342)
15 - Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – Élaboration de "lignes directrices" - Lignes ne fixant pas de norme à caractère général - Irrégularité - Absence - Rejet.
L'édiction par l'ARCEP de « lignes directrices relatives à la tarification de l'accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique déployés par l'initiative publique » n'ayant pour seul objet que de guider l'action des collectivités territoriales et de leurs groupements en exposant une méthode d'élaboration des niveaux tarifaires pouvant être proposés aux opérateurs commerciaux, ne fixent pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, de norme à caractère général s'imposant aux collectivités territoriales.
(30 juillet 2021, Société Coriolis Télécom, n° 437847)
16 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) - Mise en garde contre un possible manquement adressé à une société de télévision - Absence de caractère de décision faisant grief - Irrecevabilité du recours introduit - Rejet.
Le président du CSA a adressé à la société requérante une « mise en garde » contre un possible manquement de celle-ci à ses obligations conventionnelles envers le CSA et, sur recours gracieux de cette dernière, a maintenu sa position en mettant la société « fermement en garde ».
Celle-ci saisit le Conseil d’État qui rejette son recours pour irrecevabilité, les courriers critiqués se bornant à rappeler la nécessité pour cette société de se conformer aux obligations contenues dans la convention qui la lie au CSA, ne constituent ni une mise en demeure au sens et pour l'application de l'art. 42 de la loi du 30 septembre 1986, ni un acte de droit souple susceptible de produire des effets notables ou d'influer de manière significative sur les comportements de la société et ne produisent par eux-mêmes aucun effet de droit. Il ne s'agit donc pas de décisions faisant grief, d'où l'irrecevabilité opposée au recours.
(30 juillet 2021, Société Diversité TV France, n° 447256)
17 - Avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) – Avis défavorable sur une proposition de nomination d’un magistrat exerçant à titre temporaire – Absence de caractère de sanction – Avis non soumis à une procédure contradictoire ou à une obligation de motivation – Rejet.
L’avis défavorable donné par le CSM sur une proposition de nomination d'un magistrat exerçant à titre temporaire ne constitue pas une sanction. Dès lors, il n’a pas à être précédé d'une procédure contradictoire, ni non plus à être motivé car un tel avis, d’une part, n'est pas au nombre des décisions individuelles refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l'obtenir qui doivent être motivées et, d’autre part, ne relève d’aucun texte ou principe emportant obligation de le motiver.
(3 août 2021, M. D., n° 429389)
18 - Demande de compléter un décret – Refus implicite du premier ministre – Nature législative de l’ajout demandé – Rejet.
Le requérant avait saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus implicite du premier ministre d’ajouter au texte actuel du 3° de l’art. R. 742-1 du code de commerce un cas de déchéance de plein droit des fonctions de greffier de tribunal de commerce à l’instar de ce qui est prévu pour les magistrats de tribunal de commerce. La requête est rejetée car un tel ajout relève de la compétence législative et l’on ne saurait reprocher au premier ministre un refus opposé à une demande ne relevant manifestement pas de sa compétence.
(3 août 2021, M. C., n° 434928)
Audiovisuel, informatique et technologies numériques
19 - Télévision hertzienne - Notion d' « heures de grande écoute » - Avenant à une convention avec une société éditrice d'un service de télévision - Définition manifestement erronée - Annulation.
Par un avenant à la convention le liant à RMC Découverte, le CSA a modifié les plages horaires considérées comme heures de grande écoute pour cette chaîne, les faisant passer de 15h à 23h tous les jours jusque-là à 8h30-10h30 et 18h-minuit tous les jours.
La requérante estimait illégale cette grille appliquée à RMC Découverte.
Le Conseil d’État admet le raisonnement de la demanderesse nonobstant l'obstacle que constitue en la matière le contrôle réduit du juge sur une telle décision car il relève que l'institution d'heures de grande écoute a pour objet de déterminer des plages horaires à l'intérieur desquelles doit être assuré le respect des obligations de programmation d'œuvres audiovisuelles européennes et d'œuvres d'expression originale française. Or, en l'espèce, la nouvelle définition retenue a pour effet de comporter, pour un quart de cette durée globale, une audience moyenne significativement plus faible que l'audience moyenne quotidienne. Est ainsi jugée manifestement erronée l'application faite par le CSA de l'art. 27 de la loi du 30 septembre 1986 et de l'art. 14 du décret du 17 janvier 1990, aucun des moyens de défense du CSA n'ayant convaincu les juges.
(2 juillet 2021, Société Télévision Française 1 (TF 1), n° 429121)
20 - Données à caractère personnel - Traitement automatisé – « Système de gestion des mesures pour la protection des oeuvres sur internet » - Légalité pour partie et renvoi préjudiciel à la CJUE pour le surplus.
Les demanderesses sollicitaient l'annulation de la décision implicite du premier ministre rejetant leur demande tendant à l'abrogation du décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé des données à caractère personnel autorisé par l'article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des oeuvres sur internet ». Ce décret a été pris pour l'application des art. L. 331-21, L. 331-29 et L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle qui visent à protéger le droit d'auteur et les droits voisins attachés aux œuvres ou objets utilisés à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication dans le cadre de services de communication au public en ligne lorsqu'est requis l'accord de l'auteur pour cette diffusion.
Un système de recommandations puis de mises en demeure et pouvant déboucher sur des poursuites devant la juridiction judiciaire a été organisé sous l'égide de la commission de protection des droits de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).
Est d'abord rejetée l'exception d'inconstitutionnalité de l'art. L. 331-21 du code précité car la déclaration d'inconstitutionnalité opérée par le Conseil constitutionnel (décis. n° 2020-841 QPC du 20 mai 2020) ne concerne que les alinéas 3 et 4 de cet article alors que le décret querellé a été pris sur le fondement du cinquième alinéa de ce texte. Dès lors les requérantes ne peuvent soutenir qu'il serait privé de base légale.
Ensuite, s'agissant du droit de l'Union, il est tout d'abord relevé que la jurisprudence de la CJUE (6 octobre 2020, Association La Quadrature du Net et autres, aff. C-511/18, C-512/18, C-520/18) juge possible, sans délai particulier, la conservation des données relatives à l'identité civile des utilisateurs de moyens de communications électroniques, aux fins de recherche, de détection et de poursuite des infractions pénales en général. Il est ensuite considéré qu'il résulte de décisions de la CJUE (21 décembre 2016, Tele2 Sverige AB c/ Post-och telestyrelsen, aff. C-203/15 et Secretary of State for the Home Department c/ Tom Watson et autres, aff. C-698/15 ; et, surtout, 2 mars 2021, H.K. / Prokuratuur, aff. C-746/18) que celle-ci impose l'obligation d'un contrôle préalable de l'accès des autorités nationales aux données de connexion par une juridiction ou une autorité administrative indépendante.
Constatant que la Hadopi a adressé 827 791 recommandations pour la seule année 2019 et que l'exigence d'un contrôle préalable comme celui exigé par la CJUE risque de paralyser ce mécanisme, le Conseil d’État renvoie à la Cour de justice les questions préjudicielles en ce sens.
(5 juillet 2021, Association La Quadrature du Net et autres, n° 433539)
V. aussi n° 20
21 - Données à caractère personnel - Communication de données demandée par une personne héritière de son père - Données détenues par des établissements bancaires situés en Suisse - Plaintes de l'héritière clôturées par la CNIL - Rejet.
La requérante, héritière de son père, avait porté plainte devant la CNIL contre des établissements bancaires situés en Suisse se refusant à lui communiquer des données personnelles relatives à son père et aux comptes supposément détenus par lui dans ces établissements.
La CNIL a clôturé ces plaintes et il est demandé au juge d'annuler cette clôture.
Le recours est rejeté.
En premier lieu, comme l'a relevé la CNIL, les banques dont s'agit exercent leur activité en Suisse pays qui est en dehors du champ territorial d'application de la loi Informatique et Libertés alors même que celles-ci seraient des filiales d'un groupe dont la société mère se trouve en France.
En second lieu, comme l'a également relevé la CNIL, les données en litige ne résultent pas d'un traitement lié à une offre de biens ou services dont la requérante aurait fait elle-même l'objet en sa qualité d'héritière de son père. Elles ne pouvaient dès lors entrer dans le champ du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
C'est sans erreur de droit qu'un refus a été opposé par la CNIL à ces demandes.
(5 juillet 2021, Mme B.-C., n° 447088)
Biens
22 - Sculpture placée sur une tombe - Nature juridique - Classement au titre des monuments historiques - Interprétation de l'article 518 du Code civil - Régime juridique applicable - Rejet.
Il s'agit d'une affaire à rebondissements à propos d'une sculpture de Constantin Brancusi, dénommée « Le Baiser », édifiée en 1911 à la demande de son fiancé sur la tombe de Tania Rachevskaïa, après le suicide de cette dernière.
La cour administrative d'appel de Paris avait jugé (le 11 décembre 2020) que cette pièce n'était pas un immeuble par nature et qu'elle pouvait être détachée de la tombe mais, saisi par le ministre compétent, le Conseil d’État avait, par sa décision n° 447968 du 31 mars 2021 (Voir cette Chronique, mars 2021, n° 16 et n° 35), suspendu l'exécution de cet arrêt.
La présente affaire est l'épilogue d'une saga artistico-financière débutant par le refus du ministre de la culture de délivrer le certificat demandé en vue de l'exportation de cette œuvre.
L'art. 518 du Code civil énonçant que : « Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature », le Conseil d’État en déduit que « la seule circonstance qu'un élément incorporé à un immeuble n'ait pas été conçu à cette fin et qu'il puisse en être dissocié sans qu'il soit porté atteinte à l'intégrité de cet élément lui-même ou à celle de l'immeuble n'est pas de nature à faire obstacle au caractère d'immeuble par nature de l'ensemble, qui doit être apprécié globalement. »
Par suite, la cour a commis une erreur de droit en se fondant pour dénier le caractère immobilier par nature de la sculpture sur la double circonstance qu'elle n'avait pas été créée à cette fin par Constantin Brancusi et qu'il n'était pas établi qu'elle ne pouvait en être descellée sans porter atteinte à son intégrité, ni à celle du monument funéraire. Inversant la proposition, le Conseil d’État reproche à la cour de n'avoir pas recherché « si ce monument avait été conçu comme un tout indivisible incorporant ce groupe sculpté ». L'argument n'est pas convaincant car raisonner ainsi supposerait que l'objet fût immeuble par destination, destination résultant de la volonté de l'artiste comme de la famille de la défunte. En posant un caractère immobilier par nature, donc objectif, le Conseil d’État se condamne à ne pas tenir compte de l'élément subjectif constitué par cette volonté...
D'autres aspects très importants sont abordés dans cette décision dont celui de la classification comme monument historique et celui de l'atteinte portée au droit de propriété.
Un siècle après, l'Amour est toujours aussi brûlant mais pas pour les mêmes personnes...
(2 juillet 2021, Société Duhamel Fine Art, n° 447967)
23 - Usinier fondé en titre – Détermination de la consistance légale du droit d’usage du titre – Mode de calcul – Erreur de droit à ne pas tenir compte d’une expertise – Annulation avec renvoi.
La société propriétaire d’un moulin édifié sur les bords de la Creuse, après avoir été reconnue fondée en titre pour l’exploiter, a souhaité moderniser son installation et a sollicité la fixation de sa consistance légale, c’est-à-dire la puissance maximale théorique qu’elle peut tirer de l’exploitation de son installation.
L’administration ayant fixé cette puissance à 66,24 kilowatts, la société, jugeant ce chiffre erroné, a saisi les juges du fond qui l’ont déboutée en première instance et en appel.
Sur pourvoi, le Conseil d’État casse l’arrêt d’appel au motif, dont il faut souligner l’importance ici, qu’« un droit fondé en titre conserve, en principe, la consistance légale qui était la sienne à l'origine. A défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle. Elle correspond, non à la force motrice utile que l'exploitant retire de son installation, compte tenu de l'efficacité plus ou moins grande de l'usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut, en théorie, disposer. S'il résulte des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'énergie (…), que les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions du livre V " Dispositions relatives à l'utilisation de l'énergie hydraulique " du code de l'énergie, leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l'article L. 511-5 (…), c'est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur ».
Alors que les juges s’en sont tenus aux données fournies par un document établi en 1879 et gravement lacunaire sur plusieurs points, la société se prévalait devant eux d’une expertise faisant application des éléments de calcul retenus par le Conseil d’État : pour n’en avoir pas tenu compte la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit.
(3 août 2021, Société Hydro Energie Muyle France, n° 431392)
Collectivités territoriales
24 - Conseil municipal - Délibérations - Obligation d'un vote par projet d'acte soumis au conseil municipal - Vote unique sur plusieurs délibérations à objet commun unique - Régularité - Rejet.
Si, en principe, il se déduit des dispositions de l'art. L. 2121-20 du CGCT que le conseil municipal doit se prononcer par vote ou par assentiment sur chacun des objets sur lesquels il est appelé à décider, n'est toutefois pas irrégulière la délibération qui se prononce en un vote unique sur cinq projets ayant un objet unique et commun, ici l'octroi de la protection fonctionnelle à la maire en fonctions et à ses quatre derniers prédécesseurs dans le cadre d'un même litige.
(5 juillet 2021, M. D., n° 433537)
25 - Syndicat intercommunal - Désignation en son sein de membres titulaires et de membres suppléants à sa commission d’appel d’offres - Déférés préfectoraux - Statuts respectifs des deux catégories de membres - Égalité totale - Rejet.
Confirmant la solution retenue en première instance, le Conseil d’État rejette les déférés préfectoraux dirigés contre l’élection par le comité syndical du syndicat intercommunal d'assainissement de Cogolin-Gassin des membres suppléants de la commission d'appel d'offres des marchés publics du syndicat ainsi que de la commission de concessions du syndicat.
Il considère qu’il résulte des dispositions, respectivement, de l’art. L. 1411-5 et de l’art. L. 5211-7 du CGCT, que, lorsqu'il est prévu qu'une commune soit représentée au sein du comité syndical d'un syndicat de communes dont elle est membre à la fois par des délégués titulaires et par des délégués suppléants, ces délégués titulaires et suppléants sont élus dans les mêmes conditions au comité syndical et, lorsqu'ils sont appelés à y siéger, participent de la même façon, avec une voix également délibérative, à ses délibérations. Par suite, les délégués suppléants au comité syndical sont éligibles, en qualité de membres de l'assemblée délibérante élus en son sein, pour être désignés en qualité de membres titulaires ou suppléants tant de la commission d'appel d'offres que de la commission de délégation de service public.
(12 juillet 2021, préfet du Var, n° 448741 et n° 448742)
(26) V. aussi, comparable dans une certaine mesure : 13 juillet 2021, M. H., n° 448662.
27 - Syndicat mixte - Désignation des membres du bureau du comité syndical (président et vice-présidents) - Crise sanitaire - Dérogation législative à la règle du quorum - Absence d’effet sur les conditions particulières de majorité requises pour l’obtention d’une majorité absolue qualifiée - Rejet.
C’est sans erreur de droit que les premiers juges, appliquant les statuts d’un syndicat mixte, ont jugé que si la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, qui a introduit des modalités dérogatoires aux conditions générales de quorum applicables aux réunions des organes délibérants des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, elle n’a eu ni pour objet ni pour effet de déroger aux conditions particulières de majorité requises pour certaines de leurs délibérations.
Dès lors, la loi précitée ne faisait point obstacle - contrairement à ce que soutiennent les demandeurs appelants - à l’application des statuts du syndicat qui imposent, pour l’élection du président et des vice-présidents, l'obtention d'une majorité absolue de suffrages déterminée par rapport au nombre de membres du comité, quel que soit le nombre de membres présents lors du vote et indépendamment du nombre de voix détenues éventuellement par chacun d'eux,
L’appel est rejeté.
(16 juillet 2021, M. N. et autres, n° 451002)
28 - Permis de construire modificatif - Refus du maire - Saisine du préfet sur le fondement de l’art. L. 2131-6 du CGCT - Interprétation de cette saisine comme un recours hiérarchique - Rejet - Erreur de droit- Annulation.
(22 juillet 2021, Société civile de construction vente Grenadines, n° 436105)
V. n° 248
29 - Collectivités territoriales - Indemnités de fonction des conseillers municipaux - Majoration ne bénéficiant qu’aux élus des communes de métropole - Principe d’égalité - Question présentant un caractère sérieux - Transmission de la QPC.
(26 juillet 2021, Commune du Port, n° 452813)
V. n° 215
Contentieux administratif
30 - Intervention – Délégation de signature irrégulière – Circonstance sans effet sur la solution du litige – Moyen inopérant – Rejet.
Est inopérant le moyen tiré de ce que l’intervention présentée au nom de l’État au cours d’un procès l’a été par une personne sans délégation de signature régulière, cette intervention étant sans effet sur l’issue du litige.
(1er juillet 2021, Société MEI Partners, de Me A., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, n° 441150)
V. aussi, sur un autre aspect de cette affaire, le n° 1
31 - Juridiction ordinale - Principe d'impartialité - Composition irrégulière de la formation de jugement - Office du juge d'appel - Obligation d'examen d'office - Compétence du juge de cassation en vue de voir censurer l'éventuelle erreur de droit du juge d'appel qui ne procède pas à cet examen - Annulation.
Rappel valable pour toutes les juridictions - et pas seulement celles ordinales - que le juge d'appel a l'obligation de s'assurer, alors même que cette question n'est pas discutée devant lui, que la juridiction dont la décision est contestée a siégé dans une composition conforme aux dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent cette composition ainsi qu'aux principes qui gouvernent la mise en œuvre de ces dispositions. Par conséquent, l'auteur d'un pourvoi en cassation peut faire valoir que le juge d'appel aurait commis une erreur de droit en ne soulevant pas d'office, au vu des pièces du dossier, le moyen tiré de ce que la juridiction de première instance aurait siégé en méconnaissance des dispositions fixant sa composition.
(1er juillet 2021, M. C., n°432358)
32 - Référé – Question prioritaire de constitutionnalité - Défaut d'urgence - Non-lieu à statuer sur le renvoi de la QPC - Rejet.
Cette ordonnance de référé suspension vient rappeler que si le juge des référés peut être saisi d'une QPC, il n'est tenu de la transmettre, les conditions du renvoi au Conseil constitutionnel étant supposées remplies, qu'à la condition qu'en outre il ait été lui-même valablement saisi du référé, tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, il estime non satisfaite la condition d'urgence indispensable à la recevabilité d'un référé suspension.
Par suite, il prononce le non-lieu à statuer sur le renvoi de la QPC.
(1er juillet 2021, Mme B., n° 453470)
33 - Principe d'impartialité de la fonction de juger - Juge du référé suspension ayant auparavant siégé comme président du conseil discipline se prononçant sur le cas du requérant - Atteinte au principe d'impartialité - Annulation.
La circonstance que l'auteur de l'ordonnance prononçant la suspension d'un arrêté municipal infligeant une sanction à un agent de la commune présidait le conseil de discipline qui s'est prononcé sur le cas de celui-ci dans le cadre de la procédure disciplinaire ayant abouti à la sanction suspendue, contrevient au principe d'impartialité qui commandait que ce magistrat ne statue pas sur cette demande de suspension.
La demande d'annulation formulée par la commune est admise.
(5 juillet 2021, Commune de Bussy-Saint-Georges, n° 440566)
(34) V. aussi sur un autre aspect du litige : 5 juillet 2021, Commune de Bussy-Saint-Georges, n° 442625.
35 - Référé liberté - Liberté syndicale - Suspension du site internet d'un syndicat d'agents d'un département - Maintien d'un certain nombre de fonctionnalités - Atteinte à une liberté fondamentale non constitutive par elle-même d'une situation d'urgence - Rejet.
Le syndicat requérant demandait la suspension de la décision, prise en vertu des dispositions du point 7.5 de la charte d'utilisation des ressources des systèmes d'information annexée au règlement intérieur du département du Nord, par laquelle le directeur général des services du département du Nord, après un premier avertissement adressé au syndicat SUD des personnels du département du Nord et eu égard à la portée politique du document intitulé « élections départementales : les agentes du Conseil Départemental alertent », publié le 23 juin 2021, par le syndicat sur l'intranet syndical en vue du second tour des élections départementales du 27 juin, a suspendu pour une durée de quinze jours « les publications », y compris antérieures, du syndicat, sur cet intranet, accompagné d'une copie à l'écran de la décision de suspension sur la seule page restée ouverte.
Relevant que celle-ci comportait des indications suffisantes pour maintenir un lien constant entre le syndicat et les salariés via la fonction « carnet d'adresses » et que la direction des ressources humaines a pris au cours de l'audience, ce qui a été fait, l'engagement d'afficher les coordonnées des représentants du syndicat SUD sur la page restée ouverte de l'intranet du syndicat, le juge des référés rejette la demande de référé , rappelant que les deux conditions : 1° d'atteinte à une liberté fondamentale, réalisée en l'espèce, et 2° d'urgence (absente en l'espèce du fait des mesures rappelées ci-dessus) sont distinctes et que la non réalisation de l'une d'elles empêche l'exercice par le juge du référé liberté des pouvoirs qu'il tient, à ces conditions, de l'art. L. 521-2 du CJA.
(5 juillet 2021, Syndicat SUD des personnels du département du Nord, n° 451062)
36 - Astreinte - Liquidation - Renonciation à la liquidation - Absence d'empêchement à cette liquidation - Rejet.
La renonciation par le justiciable appelé à en bénéficier à la liquidation de l'astreinte prononcée à son profit est sans effet, dès lors que les conditions en sont réunies, sur le pouvoir du juge de procéder à cette liquidation en vertu de son pouvoir prore de décision.
(6 juillet 2021, Mme A., n° 441440)
37 - Référé suspension - Nécessité d’une requête distincte en annulation - Absence - Irrecevabilité manifeste - Rejet.
Rappel de l’absolue nécessité qu’une demande de référé suspension soit, à peine d’irrecevabilité manifeste, accompagnée d’une requête distincte en annulation de la décision dont la suspension est demandée.
(5 juillet 2021, M. B., n° 454141)
38 - Référé suspension - Décision résultant du silence gardé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) - Protection des mineurs contre l’accessibilité des contenus pornographiques de sites internet - Notion d’urgence - Rejet.
L’association requérante demandait par voie de référé, notamment, la suspension de l'exécution de la décision implicite née du silence gardé par le CSA sur la demande qui lui a été faite le 11 janvier 2021 d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 pour assurer la protection des mineurs à l'égard des contenus pornographiques accessibles sur divers sites internet.
Pour rejeter la requête il est avancé que la législation en cause, adoptée depuis moins d'un an, qui entend remédier à une situation qui persiste depuis de nombreuses années en confiant au CSA des prérogatives nouvelles, imposant notamment une appréciation des mesures susceptibles d'être utilement imposées pour empêcher l'accès des mineurs aux contenus en cause, l'association requérante n'établit pas, eu égard à l'appréciation concrète, objective et globale de l'urgence, l'existence d'une situation d'urgence telle que l'exécution de la décision qu'elle conteste devrait être suspendue sans attendre le jugement de sa requête au fond.
(ord. réf. 9 juillet 2021, Association Civitas, n° 454179)
39 - Fonction publique - Recrutement des professeurs d’université dans les sciences juridiques et politiques - Protocole d’accord sur une nouvelle procédure de recrutement - Attente d’un décret en ce sens - Recours sans utilité en tant qu’il est dirigé contre le protocole - Rejet du référé « mesures utiles » (art. L. 521-3 CJA).
Doit être rejeté le recours en référé « mesures utiles » (art. L. 521-3 CJA) dirigé contre le contenu d’un protocole d’accord conclu entre la ministre des universités et les présidents de section du 1er groupe du Conseil national des universités dès lors que la procédure de recrutement de professeurs d’université dans les disciplines juridiques envisagée par ce protocole, sans effet juridique immédiat, doit faire l’objet d’un décret non encore publié. Le référé « mesures utiles » est rejeté car il est, en l’état, sans utilité.
(ord. réf. 13 juillet 2021, M. B., n° 454257)
40 - Recours en rectification d’erreur matérielle - Conditions d’admission - Erreur purement matérielle - Absence d’appréciation d’ordre juridique - Erreur susceptible d’avoir eu une incidence sur une décision de justice - Admission.
Dans un litige en demande d’extension d’expertise à des personnes autres que celles initialement appelées dans l’instance, le Conseil d’État reconnaît l’existence d’une erreur matérielle. Alors que la société requérante sollicitait l'extension d’une expertise, d'une part, à la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société ECB, et d'autre part, à la SATC ainsi qu'à la société Socotec construction, le juge avait cru que l’extension d’expertise sollicitée concernait la société Axa France Iard en qualité d'assureur des trois sociétés ECB, SATC et Socotec construction.
Le recours en rectification d’erreur matérielle satisfaisant aux conditions de son admission, il est donc admis.
(19 juillet 2021, Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), n° 449607)
(41) V. aussi, rejetant un recours en rectification d’erreur matérielle pour défaut de satisfaction des conditions de celui-ci : 19 juillet 2021, M. G., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sainte-Anne, n° 452821
42 - Arbitrage international - Recours devant le Conseil d’État - Étendue du contrôle exercé - Licéité de la convention d’arbitrage - Contrôle de la régularité de la sentence arbitrale - Conformité de la sentence à l’ordre public - Condition d’attribution de l’exequatur à la sentence arbitrale - Rejet.
Cette décision semble être l’épilogue d’une longue saga contentieuse au centre de laquelle se trouvent la société Fosmax (TC, 11 avril 2016, Société Fosmax LNG, n° 4043 ; C.E. Assemblée, Société Fosmax LNG, n° 388806 ; Rec. Lebon p. 466) et la compétence contentieuse en matière d’arbitrage international (TC, 17 mai 2010, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) c/ Fondation Letten F. Saugstad, n° 3754 ; rec. Lebon p. 580), cette dernière décision ayant quelque peu secoué le Landerneau des spécialistes du droit de l’arbitrage.
En l’espèce, la société requérante demandait au Conseil d’État d'annuler la sentence arbitrale rendue à Paris le 13 février 2015 par le tribunal arbitral composé sous l'égide de la Chambre de commerce internationale en tant qu’il a condamné le groupement d'entreprises STS, composé des sociétés TCM FR, Tecnimont et Saipem, à payer une certaine somme à la société Fosmax et cette dernière à payer au groupement une certaine somme et qu’il a rejeté le surplus des demandes.
S’agissant de l’étendue du contrôle exercé par le Conseil d’État sur les sentences arbitrales rendues en France dans les litiges nés de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécutés sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, le juge apporte, selon les cas, quatre précisions ou rappels d’importance.
En premier lieu, il incombe au Conseil d’État, au besoin même d’office, de s'assurer, de la licéité de la convention d'arbitrage, qu'il s'agisse d'une clause compromissoire ou d'un compromis d’arbitrage.
En deuxième lieu, ne peuvent en outre être utilement soulevés devant lui que des moyens tirés, d'une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d'autre part, de ce qu'elle est contraire à l'ordre public.
En troisième lieu, le contrôle de la régularité de la procédure suivie s’entend, en l'absence de règles procédurales applicables aux instances arbitrales relevant de la compétence de la juridiction administrative, de la vérification par le juge que le tribunal arbitral était compétent pour statuer sur le litige, qu'il était régulièrement composé, notamment au regard des principes d'indépendance et d'impartialité, qu'il a statué conformément à la mission qui lui avait été confiée, qu’il a respecté le principe du caractère contradictoire de la procédure ou qu'il a motivé sa sentence.
En quatrième lieu, le contrôle de la non contrariété à l’ordre public d’une sentence arbitrale consiste à vérifier si elle a fait application d'un contrat dont l'objet est illicite ou entaché d'un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, si elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l'interdiction de consentir des libéralités, d'aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l'intérêt général au cours de l'exécution du contrat, ou si elle méconnaît les règles d'ordre public du droit de l'Union européenne.
Au terme de l’application de ces divers contrôles le Conseil d’État, en l’espèce, rejette le pourvoi dont il était saisi.
(20 juillet 2021, Société Fosmax, n° 443342)
43 - Permis de construire modificatif - Refus du maire - Saisine du préfet sur le fondement de l’art. L. 2131-6 du CGCT - Interprétation de cette saisine comme un recours hiérarchique - Rejet - Erreur de droit - Annulation.
(22 juillet 2021, Société civile de construction vente Grenadines, n° 436105)
V. n° 248
44 - Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles (PSMV) - Disposition de ce plan (art. 3) interdisant la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver - Rejet de la demande d’autorisation de créer un ascenseur extérieur - Décision reposant sur une pluralité de motifs - Absence de motif surabondant - Effet de la cassation sur la décision juridictionnelle déférée - Annulation.
Lorsqu’une décision administrative déférée au juge de cassation statuant en excès de pouvoir repose sur une pluralité de motifs, le motif sur lequel se prononce le juge de cassation ne peut pas être tenu pour surabondant. Il s’ensuit que l’annulation de ce motif en cassation conduit à l’entière annulation de la décision juridictionnelle déférée au juge de cassation.
(22 juillet 2021, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 9, place Hoche à Versailles, n° 438247)
V. aussi à propos d’un autre aspect de cette décision le n° 249
45 - Référé liberté - Possibilité d'emploi de mineurs de seize à dix-huit ans comme sapeurs-pompiers volontaires - Décret du 28 novembre 2003 - Refus d'abrogation - Défaut d'urgence - Rejet.
Le Syndicat requérant a demandé, en vain, au premier ministre, l'abrogation des articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de sécurité intérieure en tant qu'ils permettent l'engagement et la participation à des opérations d'incendie ou de secours de mineurs de seize à dix-huit ans en qualité de sapeurs-pompiers volontaires.
Il saisit le juge du référé liberté d'une requête qui ne pouvait qu'être rejetée.
D'une part, en sollicitant une mesure de suspension à durée indéterminée, le syndicat voulait en réalité obtenir du juge l'abrogation qui lui avait été refusée, abrogation qu'il n'est pas au pouvoir du juge du provisoire d'accorder.
D'autre part, les dispositions contestées du code précité y ayant été insérées par le décret du 28 novembre 2003, celles-ci existent donc depuis plus de dix-sept, le défaut d'urgence est ainsi patent.
(28 juillet 2021, Syndicat Sud SDIS National, n° 454875)
46 - Jugement - Mémoire en défense non visé - Absence de réponses au moyen de défense qu'il contient - Irrégularité - Annulation.
Encourt annulation le jugement, rendu en matière de contestation d'un retrait de points du permis de conduire, qui ne vise pas le mémoire en défense du ministre de l'intérieur en précisant que ce dernier n'a pas produit de mémoire et qui, par conséquent, ne répond pas au moyen qui y est soulevé par le ministre défendeur.
(30 juillet 2021, Ministre de l'intérieur, n° 439258)
47 - Demandes d'asile - Enregistrement - Droit de l'Union - Obligation de résultat non satisfaite - Condamnation de l'État sous astreinte.
Le Conseil d’État constate que le ministre de l'intérieur, tenu d'exécuter sa décision du 31 juillet 2019 (n° 410347), n'a pas produit les éléments permettant d'établir qu'en moyenne un délai de dix jours est respecté entre la présentation et l'enregistrement des demandes d'asile en Île-de-France. Il s'agit là, pour lui, du chef notamment du droit de l'Union (art. 6 et 17 de la directive du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale) transposé par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, d'une obligation de résultat.
En conséquence, le Conseil d’État prononce contre l'État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète en Île-de-France dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la décision du 31 juillet 2019 aura reçu une complète exécution.
(30 juillet 2021, Association " La Cimade ", n° 447339)
48 - Compétence matérielle du juge administratif – Recours pour excès de pouvoir contre une note du Garde des sceaux établissant une liste d’aptitude complémentaire de recrutement au choix dans le corps des directeurs de services de greffe - Compétence directe du Conseil d’État – Absence – Renvoi au tribunal administratif de Paris.
Le recours pour excès de pouvoir dirigé contre une note du Garde des sceaux établissant une liste d’aptitude complémentaire de recrutement au choix dans le corps des directeurs de services de greffe ne relève pas de la compétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort mais de celle du tribunal administratif de Paris.
(3 août 2021, Syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires, n° 443816)
49 - Décret fixant la composition du gouvernement – Nomination du Garde des sceaux Acte de gouvernement – Incompétence du Conseil d’État et, par suite, de la juridiction administrative pour connaître de rapports d’ordre constitutionnel – Rejet.
Le recours dirigé contre le décret présidentiel fixant la composition du gouvernement, en tant qu’il nomme M. Dupond-Moretti en qualité de Garde des sceaux, est rejeté en raison de l’incompétence du Conseil d’État pour connaître des rapports d’ordre constitutionnel entre le président de la République, le premier ministre et le gouvernement. L’ajout, ensuite, qu’ainsi c’est l’ensemble de la juridiction administrative qui est incompétente pour en connaître suggère qu’il s’agit d’un acte de gouvernement.
(3 août 2021, M. C., n° 443899)
50 - Concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux – Demande d’extension d’une telle concession – Refus - Litige relatif à un titre minier – Incompétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort (R. 311-1 CJA) – Compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l’établissement ou l’exploitation à l’origine du litige (art. R. 312-10 CJA).
Le refus de l’autorité administrative, ici implicite, d’étendre une concession de mines est relatif à une législation régissant les activités professionnelles, et notamment industrielles, au sens de l'article R. 312-10 du CJA et relève donc, non du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort, mais du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit le siège de l'établissement, soit l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige, soit le lieu d'exercice de la profession.
Il est ici renvoyé au tribunal administratif de Poitiers.
(4 août 2021, Société BridgeOil, n° 439252)
51 - Refus d’autorisation d’implantation d’éoliennes et de postes de livraison – Notion d’ensemble immobilier unique – Absence en l’espèce – Acte indivisible – Absence – Cassation sans renvoi (seconde cassation).
Le litige portait sur le refus d’autoriser l’implantation de dix-sept éoliennes et de sept postes de livraison, refus confirmé par les juges de première instance et d’appel. Après cassation, la cour de renvoi a refusé de donner acte à la société Parc éolien de l'Aire de son désistement partiel de ses demandes tendant à l'annulation des permis de construire s'agissant de douze de ces dix-sept éoliennes au motif que l’ensemble de l’opération immobilière avait fait l’objet d’une instruction unique et constituait ainsi une opération indivisible or, c’est un principe constant du contentieux administratif que sont irrecevables les demandes d’annulation partielle d’actes indivisibles quels que soient les moyens invoqués contre la décision attaquée. L’appel avait donc été rejeté.
Saisi d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’État casse l’arrêt car il ne s’agissait pas en l’espèce d’une opération indivisible dès lors que du fait de l’existence de bâtiments distincts les uns des autres, fonctionnant chacun de manière autonome, ce n’était point un « ensemble immobilier unique » au sens des dispositions de l’art. L. 421-6 du code de l’urbanisme même s’ils ont une fonctionnalité identique et devaient faire l’objet d’un seul permis de construire.
C’est à tort que la cour a refusé de donner acte à la requérante de son désistement partiel et d’examiner sa contestation du refus de lui accorder le permis de construire cinq éoliennes.
Toutefois, au fond, le recours est rejeté en raison de l’obstacle massif constitué par les éoliennes dans cette zone de contournement obligatoire pour la navigation aérienne à vue, civile et militaire, ainsi que l’avait jugé le tribunal administratif.
(6 août 2021, Société Parc éolien de l’Aire, n° 432947)
Contrats
52 - Marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage - Marché pouvant comporter la rédaction d’actes juridiques - Faculté réservée aux personnes titulaires d’une licence en droit ou disposant de compétences appropriées (art. 54 loi du 31 décembre 1971) - Recours du Conseil national des barreaux (CNB) - Qualité de tiers - Absence de lien direct entre le marché litigieux et une éventuelle lésion des intérêts dont il a la charge - Annulation.
Si le CNB tient de la loi du 31 décembre 1971 qualité pour agir en justice en vue notamment d'assurer le respect de l'obligation de recourir à un professionnel du droit pour donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui et si sa qualité de tiers à un contrat - comme en l’espèce - lui permet de former devant le juge administratif du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, c’est sous réserve de satisfaire à la condition d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses.
Tel n’est pas le cas en l’espèce car « la seule attribution, par une collectivité territoriale, d'un marché à un opérateur économique déterminé ne saurait être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs dont le Conseil national des barreaux a la charge, alors même que le marché confie à cet opérateur une mission pouvant comporter la rédaction d'actes juridiques susceptibles d'entrer dans le champ des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 ».
C’est au prix d’une erreur de droit que les juges du premier et du second degrés ont jugé le contraire.
(20 juillet 2021, Société Espélia, n°443346)
53 - Marchés conclus en Nouvelle-Calédonie - Régime applicable - Délai minimal à respecter entre la date d’information des candidats évincés et celle de la conclusion du contrat - Absence sauf pour les contrats de l’État ou de ses établissements publics - Rejet.
Le code de la commande publique (art. R. 2182-1) n’a prévu l’application en Nouvelle-Calédonie, d’un délai minimal de onze jours entre la date d'envoi de l’information des candidats évincés et la date de signature du marché par l'acheteur que pour les seuls marchés conclus par l’État ou ses établissements publics.
Il suit de là qu’aucun texte ou principe n’impose à une collectivité néo-calédonienne qui attribue un marché l'obligation de respecter un délai entre l'information des candidats évincés du rejet de leur offre et la date de conclusion du contrat.
C’est sans erreur de droit que le premier juge a, par son ordonnance, rejeté l’argument contraire de la société requérante.
(27 juillet 2021, Société Franck Tagawa, n° 450556)
Droit fiscal et droit financier public
54 - Petites et moyennes entreprises – Imposition au régime réel - Crédit d’impôt pour certains investissements réalisés en Corse (art. 244 quater E du CGI) – Régime de l’amortissement dégressif – Application – Erreur de droit – Annulation.
Une structure métallique supportant des panneaux photovoltaïques en guise de toiture est fixée au sol par des plots en béton de 1 m3 qui sont reliés entre eux par des semelles ferraillées et elle est destinée à permettre l'utilisation en tant que hangar agricole de l'espace qu'elle délimite. Sa durée normale d’utilisation n’est pas inférieure à quinze ans. La cour administrative d’appel avait jugé que ces divers éléments étant matériellement indissociables, l'ensemble de l'installation ouvrait droit au régime de l'amortissement dégressif et au crédit d'impôt au titre d'un investissement en Corse. Le Conseil d’État, excipant de ce qu’existe en l’espèce une utilisation différente, en termes d'exploitation, des éléments en cause, aperçoit dans ce raisonnement une erreur de droit.
Il faut avouer que la logique de l’arrêt d’appel est plus convaincante que celle de la décision de cassation.
(1er juillet 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 434309)
(55) V. aussi, semblables et relatifs à la même société : 1er juillet 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 434310, n° 434312 et n° 434313, trois espèces.
56 - Bénéfices non commerciaux – Sommes portées au crédit du compte courant d’une SCI – Sommes prétendues être des remboursements d’un prêt – Prêt de forme irrégulière – Remboursement ne pouvant pas être considéré comme un revenu – Erreur de droit - Annulation.
Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui rejette l’argumentation de contribuables soutenant que des sommes prélevées sur le compte courant de la SCI à leur profit étaient une avance constitutive d’un prêt et ont effectivement donné lieu à remboursement. En effet « la circonstance qu'un prêt n'ait pas été régulièrement consenti n'est pas à elle seule suffisante pour écarter l'existence d'un prêt, que le remboursement d'une somme fait obstacle à ce que celle-ci soit qualifiée de revenu et qu'enfin, il convenait de rechercher si les sommes portées au crédit du compte en cause pouvaient être regardées comme procédant au remboursement d'une partie des sommes en litige. »
(1er juillet 2021, M. et Mme A., n° 436465)
57 - Loi Malraux – Restauration des centres de ville anciens – Travaux équivalents à une reconstruction – Absence - Gros-œuvre non substantiellement affecté – Qualification inexacte des faits – Annulation avec renvoi.
Qualifie inexactement les faits qui lui sont soumis la cour administrative d’appel qui qualifie de « travaux de reconstruction » alors qu’ils n’ont pas affecté de manière importante le gros-œuvre, la réfection de la toiture de l'immeuble, la reprise partielle de la charpente, le remplacement des plafonds en plâtre, la restauration des parquets, la réfection des dallages et des réseaux, sur chacun des quatre niveaux et qu’ils sont, en outre, dissociables de ceux ayant conduit à l'augmentation de la surface habitable au rez-de-chaussée.
(1er juillet 2021, M. et Mme A. n° 436551)
58 - Charges admises en déduction des dividendes de source étrangère soumis à une retenue à la source dans un pays étranger - Charges déduites également de l'assiette de l'impôt sur les sociétés du en France - Absence d'atteinte au principe de libre circulation des capitaux - Rejet
Il résulte de l'arrêt de la CJUE du 25 février 2021 (Société Générale, aff. C-403/19) que la circonstance qu'un droit national décide que les charges venant en déduction du montant des dividendes de source étrangère soumis à une retenue à la source sont également déduites pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû en France, ne méconnaissent pas le principe fondamental de la libre circulation des capitaux.
(5 juillet 2021, Société Générale Asset Management (SGAM) Banque, n° 399952)
(59) V. aussi, sur cet aspect précis, le point 10 de : 5 juillet 2021, Société Crédit industriel et commercial (CIC), n° 409716.
(60) V. encore, s’agissant des conventions fiscales franco-luxembourgeoise, franco-allemande, franco-belge, franco-suisse, franco-portugaise, franco-britannique, franco-brésilienne, franco-néerlandaise, franco-australienne, franco-coréenne, franco-néo-zélandaise, franco-norvégienne, franco-italienne, franco-suédoise, franco-autrichienne, franco-américaine, franco-japonaise et franco-espagnole : 5 juillet 2021, Société BNP Paribas, n°414463.
61 - Charge déductible du montant du revenu perçu - Convention de prêt au moyen de titres d'une société avec reversement immédiat de dividendes de cette société majorée d'intérêts - Reversement constituant une charge - Rejet.
La société Crédit Industriel d'Alsace-Lorraine aux droits de laquelle est venue la société requérante avait conclu avec la banque britannique Goldman Sachs International des conventions de prêts/emprunts de titres à court terme d'une société italienne, le Crédit d'Alsace-Lorraine étant tenu de reverser immédiatement à cette banque une somme, majorée d'intérêts, correspondant au montant brut des dividendes attachés aux titres empruntés, déduction faite de la retenue à la source acquittée en Italie. Il est jugé que ces conventions de reversement immédiat constituaient une condition de la conservation des titres de la société italienne par la société Crédit Industriel d'Alsace-Lorraine et que ce reversement était directement lié à la perception de ces dividendes. C'est donc sans erreur sur la qualification des faits que la cour administrative d'appel a jugé ce reversement comme constituant une charge déductible du montant du revenu perçu.
(5 juillet 2021, Société Crédit industriel et commercial (CIC), n° 409716)
62 - Contentieux fiscal - Délai d'appel ouvert à l'administration fiscale - Option pour la signification ou le délai de quatre mois - Facultés reconnues aux contribuables après expiration du délai de deux mois - Absence d'atteintes à divers droits ou principes - Rejet.
L'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ouvre au contribuable, s'agissant du délai d'appel ouvert à l'administration fiscale contre le jugement du tribunal administratif, une option entre faire signifier ce jugement à cette dernière qui disposera, à compter de cette signification (dont le coût est d'environ 26 euros), de deux mois pour interjeter appel ou bien ne rien faire, l'administration disposant alors de quatre mois pour former cet appel avec cette précision invraisemblable que ce délai court à compter de la notification de ce jugement au directeur du service de l'administration des impôts, sans qu'il y ait lieu de rechercher à quelle date le jugement lui a été transmis. Le juge explique traditionnellement ce traitement étrange « par les nécessités du fonctionnement de l'administration (fiscale) », ce qui ne veut strictement rien dire surtout par rapport aux administrations non fiscales et par rapport aux simples particuliers parfaitement démunis face à la machine de Bercy.
Il paraît, le juge dixit, que cette discrimination entre justiciables ne porte « atteinte ni au principe constitutionnel d'égalité devant la justice et d'égalité devant la loi, ni aux stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, aux stipulations des articles 20 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ».
Célébrons un Requiem pour le décès du principe de l'égalité des armes.
(5 juillet 2021, Société Crédit industriel et commercial (CIC), n° 409716)
63 - Pension alimentaire versée en cas de divorce, en numéraire ou en nature - Application du quotient familial - Caractère imposable de la pension - Détermination du parent ayant la charge principale des enfants - Rejet.
Cette décision vient préciser le régime fiscal applicable aux pensions alimentaires pour enfants à charge versées en cas de divorce et qui donne lieu à un contentieux d'une certaine importance quantitative.
Tout d'abord, il découle des dispositions combinées des art. 79 du CGI et 373-2-2 du Code civil, d'une part, que les pensions alimentaires versées pour enfants mineurs ne faisant pas l'objet d'une garde alternée sont incluses dans les bases de l'impôt sur le revenu dû par le parent qui en bénéficie au titre de l'année au cours de laquelle celui-ci les a perçues, quelle que soit la répartition du quotient familial entre les deux parents et d'autre part, qu'en cas de garde alternée les pensions alimentaires versées pour un enfant mineur pris en compte pour la détermination du quotient familial de chacun d'eux ne sont pas imposables entre les mains de celui qui les reçoit.
Ensuite, il résulte de l'art. 193 du CGI que, pour l'attribution des parts supplémentaires de quotient familial pour enfant à charge prévue à l'article 194 du CGI, le versement ou la perception d'une pension alimentaire, qu'elle prenne la forme d'une somme d'argent ou d'une prestation en nature, ne doit pas, en vertu de l'article 193 ter du même code, être pris en compte pour apprécier la charge d'entretien qui est assumée par chaque parent sauf pour l'un d'eux à rapporter la preuve que la charge principale d'entretien des enfants est supportée par l'autre parent.
En l'espèce, cette preuve n'est pas jugée être rapportée du fait de la simple allégation du versement par le père de pensions alimentaires réglées en nature par celui-ci en exécution des décisions judiciaires.
(5 juillet 2021, Mme A., n° 434517)
64 - Cotisation foncière des entreprises (CFE) - Bases d’imposition - Immobilisations exclues - Prise en compte dans l’assiette de la cotisation de divers éléments - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
La requérante estimait que diverses immobilisations de l’entreprise qu’elle exploite devaient être exclues des bases de l’imposition au titre de la cotisation foncière des entreprises. Elle demandait l’annulation de l’arrêt d’appel en ce qu’il a de contraire à ses prétentions.
Le Conseil d’État lui donne raison. Il relève d’abord, l’insuffisante motivation de l’arrêt s’agissant de l’exclusion de cuves de stockage de l’assiette de la CFE dans la mesure où il n’est pas répondu au moyen tiré de ce que leur capacité de stockage n'excédait pas le volume de 100 mètres cube.
Ensuite, il déduit des art. 1380, 1381, 1382, 1467 et 1495 du CGI ainsi que de l’art. 324 B de son annexe III que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le réseau informatique, le système de sécurité-incendie, le système de traitement de l'air et les murs anti-bruit ne pouvaient être exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties et que leur valeur locative devait par suite être incluse dans l'assiette de la cotisation foncière des entreprises due par la société requérante, et en se fondant pour cela sur le seul motif que ces immobilisations étaient indissociables des bâtiments pour lesquels elles étaient conçues et auxquels elles s'incorporaient.
(9 juillet 2021, Société VOA Verrerie d'Albi, n° 427551)
65 - Virement d’une somme entre deux sociétés civiles immobilières - Qualification juridique - Absence de preuve du caractère d’avance en compte courant - Charge de la preuve en cas de redressements consécutifs à une rectification contradictoire non acceptée par le contribuable - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Doit être cassé et renvoyé à la cour qui l’a rendu l’arrêt jugeant que le virement d’une somme d’argent entre deux SCI doit être considéré comme un revenu foncier dès lors que la contribuable ne justifie pas que ce virement a la nature d’une avance en compte courant alors qu’en l’état de redressements opérés par l’administration fiscale suite à une rectification contradictoire non acceptée par le contribuable, la charge de la preuve incombe non à ce dernier mais à l’administration fiscale.
(9 juillet 2021, M. et Mme A., n° 443373)
66 - TVA - Facture initiale - Facture rectificative - Note d’avoir - Régime juridique - Application et récupération de la TVA - Rejet.
Le point 5 du I. de l’art. 289 du CGI disposait à l’époque des faits litigieux « 5. Tout document ou message qui modifie la facture initiale, émise en application de cet article ou de l'article 289 bis, et qui fait référence à la facture initiale de façon spécifique et non équivoque est assimilé à une facture. Il doit comporter l'ensemble des mentions prévues au II. ».
L’art. 242 nonies A de l'annexe II au CGI énumère ces mentions.
Dans l’espèce en cause, la requérante, qui exerçait une activité de fabrication et vente de produits d'emballages alimentaires, sollicitait en décembre 2012 un remboursement de crédit de TVA suite à l'émission de deux notes d'avoir établies le même jour pour des opérations réalisées en 2008 ; elle contestait le refus opposé à sa demande par l’administration fiscale.
Confirmant le bien-fondé de la position du fisc, le Conseil d’État apporte deux importantes précisions, assez novatrices présentées sous cette forme.
Tout d’abord, il se déduit des dispositions de l'art. 289 précité que la modification d'une facture initiale, qu'elle prenne la forme d'une facture rectificative ou d'une note d'avoir, est assimilée à une nouvelle facture devant comporter les mentions énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II au CGI.
Ensuite, l’existence d’omissions ou d’erreurs entachant une facture rectificative ou une note d'avoir ne fait pas obstacle au droit à la récupération de la TVA sur le fondement du 1 de l'article 272 du CGI en cas d'opération annulée, résiliée, définitivement impayée ou de rabais postérieur à l'opération facturée lorsque les pièces produites par le redevable permettent d'établir le bien-fondé de sa demande.
(12 juillet 2021, Société Linpac Packaging Provence, n° 433977)
67 - Acquisition à un prix préférentiel - Avantage accordé à un dirigeant ou à un salarié - Avantage imposable comme traitement ou salaire - Caractéristique sans effet sur la nature des gains réalisés en cas d’exercice de l’option ou de cession - Rejet.
Il est fréquent qu’un dirigeant ou un salarié se voie offrir la possibilité d’acquérir, à raison de cette qualité, à un prix préférentiel par rapport leur valeur réelle au jour de leur acquisition, des options d'achat d'actions ou des bons de souscription d'actions. Cette pratique peut révéler l'existence d'un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur ; cet avantage, dès lors qu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire, il est donc imposable au titre de l'année d'acquisition ou de souscription des options ou des bons dans la catégorie des traitements et salaires (cf. art. 79 et 82 CGI).
Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l'exercice de ces options ou bons, lors de la cession des titres ainsi acquis ou lors de la cession des bons.
Lors de la levée postérieure d’une option d'achat d'actions ou en cas d'exercice d'un bon de souscription d'action, la différence entre la valeur réelle de ces actions à la date de levée de cette option ou de l’exercice d’un bon et leur prix d'achat majoré, le cas échéant, du montant acquitté pour acquérir cette option ou pour exercer le bon, ainsi que de l'avantage ayant été éventuellement imposé comme indiqué ci-dessus, constitue un gain, réalisé par lui dès la levée de cette option qui, lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, est un avantage en argent, au sens de l'article 82 du CGI, imposable dans la catégorie des traitements et salaires (cf. art. 79 et 82 du CGI).
Lorsque l'action est cédée dans des délais tels que sa valeur réelle n'a pas évolué depuis la levée de l'option, l'administration est fondée à imposer l'intégralité de l'écart entre le prix de cession et le prix d'achat majoré précité dans la catégorie des traitements et salaires.
(13 juillet 2021, M. B., n° 428506)
(68) V. aussi, voisin mutatis mutandis : 13 juillet 2021, M. B., n° 435452.
(69) V. encore, appliquant la réserve énoncée dans l’affaire n° 428506 ci-dessus selon laquelle la qualification de gain en capital imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières doit, en particulier, être écartée lorsque l'intéressé a bénéficié d'un mécanisme lui garantissant, dès l'origine ou ultérieurement, le prix de cession de bons de souscription d’actions dans des conditions constituant une contrepartie de l'exercice de ses fonctions de dirigeant ou de salarié : 13 juillet 2021, M. et Mme B., n° 437498.
70 - Impôt sur le revenu - Exonération de cet impôt pour certaines plus-values - Plus-values réalisées lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale - Condition de remploi pour l’acquisition d’une résidence principale - Commentaire administratif entaché d’illégalité - Absence - QPC - Rejet.
Le 1° bis du II de l'article 150 U du CGI, prévoit l'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values résultant de la première cession d'un logement autre que la résidence principale à concurrence de la fraction de la somme résultant de cette cession à la double condition, d’une part, que cette somme soit remployée par le contribuable dans les vingt-quatre mois à l'acquisition ou la construction de son habitation principale, et d’autre part, que le cédant n'ait pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession.
Un commentaire administratif (§ n° 40 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques - impôts du 23 septembre 2013 sous la référence BOI-RFPI-PVI-10-40-30) est venu préciser : « De même, la détention d'un droit démembré ou d'un droit indivis sur un immeuble d'habitation affecté à la résidence principale du cédant est de nature à priver le contribuable du bénéfice de l'exonération ».
Le requérant soulève une QPC, qui est rejetée, à l’encontre du 1° bis du II de l'article 150 U du CGI tel qu’interprété par la jurisprudence du Conseil d’État , motif pris de ce que cette disposition méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques protégés respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, en tant qu'elles excluent du bénéfice de l'exonération de la plus-value réalisée au titre de la cession d'un immeuble à usage d'habitation autre que la résidence principale les contribuables qui ont détenu l'usufruit de leur résidence principale au cours des quatre années précédant cette cession. Le Conseil d’État estime que la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux en raison de l’objectif poursuivi par le législateur qui est de favoriser l'investissement dans l'acquisition d'une résidence principale et d’en réserver le bénéfice aux contribuables qui ne détiennent aucun droit réel immobilier sur le bien qu'ils ont élu pour domicile. Or, en excluant du bénéfice de l'exonération de cette plus-value les contribuables qui ont détenu un usufruit sur leur résidence principale au cours des quatre années précédant cette cession, le législateur s’est fondé sur l’existence d’une différence de situation entre deux catégories contribuables correspondant à une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.
Le requérant demande également l’annulation pour excès de pouvoir du § 40 des commentaires administratifs précités au motif qu’en précisant que la détention par le contribuable « (…) d'un droit démembré ou d'un droit indivis sur un immeuble d'habitation affecté à la résidence principale du cédant est de nature à priver le contribuable du bénéfice de l'exonération » son auteur aurait ajouté illégalement aux dispositions de l’art. précité du CGI et contredit les objectifs poursuivis par le législateur.
Les moyens sont rejetés car ce paragraphe se borne à expliciter, sans y ajouter et sans les contredire, les dispositions législatives en cause.
(15 juillet 2021, M. B., n° 453490)
71 - Impôt sur le revenu - Sommes facturées à une S.A.R.L. française par une société de droit suisse - Qualification irrégulière de ces sommes - Imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux - Exercice en France d’une activité non commerciale occulte d'assistance administrative et de gestion - Infliction de la pénalité prévue au c) de l'article 1728 du même code - Admission partielle des conclusions du contribuable - Rejet.
Une s.a.r.l., exerçant l’activité de construction immobilière, établie en France, dont M. B., domicilié en Suisse, est associé et gérant minoritaire, s’est vu facturer au cours de l'année 2011, par une société de droit suisse, Algiluc, qui détient 99,8% de son capital, des sommes dont l’administration fiscale a estimé qu’elles avaient en réalité rémunéré des prestations d'assistance administrative et de gestion rendues par M. B. par ailleurs administrateur de la société Algiluc et détenteur, avec des membres de sa famille, de son capital.
Elle a donc, par application du II de l'article 155 A du CGI, imposé les sommes en cause entre les mains de M. B. dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et, estimant qu'il avait exercé en France une activité non commerciale occulte d'assistance administrative et de gestion, l'a assujetti à la pénalité prévue au c) de l'article 1728 du même code.
Le ministre se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel qui a prononcé une décharge partielle des impositions en litige, correspondant à une réduction d'assiette de 10% résultant de la taxation des rémunérations en litige dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que la décharge de la pénalité pour activité occulte.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi et approuve en tous points le raisonnement de la cour administrative d’appel.
Tout d’abord, c’est sans erreur de droit et en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation non entaché de dénaturation des faits, que la cour a jugé que les sommes en litige étaient taxables dans la catégorie des traitements et salaires car dès lors qu'à supposer que les prestations effectuées par M. B. excédaient les actes de gestion courante de la s.a.r.l., elles ne pouvaient, eu égard à leur nature et aux conditions de leur fourniture, être regardées comme caractérisant l'exercice d'une activité libérale distincte des fonctions de gérant.
Ensuite, la cour n'a pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les conditions de mise en oeuvre de la pénalité pour activité occulte prévue par les dispositions du c) de l'article 1728 du code général des impôts n'étaient pas réunies en l’espèce.
(15 juillet 2021, ministre de l’action et des comptes publics, n° 433578)
72 - Édition d’ouvrages scolaires - Soumission à la TVA réduite applicable aux livres - Notion de livre - Qualification inexacte des faits - Annulation.
La société requérante, éditrice en ligne et par voie d'impression d'ouvrages destinés aux enseignants d'école maternelle et de cours élémentaire, a sollicité, par voie de rescrit puis par une réclamation contentieuse, l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux ouvrages qu'elle édite, et en conséquence, le remboursement d'un montant de 18 379 euros de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.
Son action dirigée contre le refus de lui accorder cette restitution ayant été rejetée, elle se pourvoit en cassation et obtient gain de cause.
L’art. 278 bis, 6°, du CGI a ramené de 7% à 5,5% le taux de la TVA applicable aux « Livres » or la requérante avait été soumise au taux de 7% : elle demandait donc le remboursement de la différence entre le montant de TVA qu’elle a acquitté et celui qu’elle estimait lui être applicable
La cour administrative d’appel a considéré que les ouvrages produits par cette société, composés d’une sélection de photographies prises durant une année scolaire, présentée de manière chronologique, et des textes rédigés par les enseignants, commentant les activités pédagogiques proposées aux élèves des classes concernées, ne pouvaient être considérés comme des « livres » au sens et pour l’application de la disposition fiscale précitée.
Le Conseil d’État aperçoit dans cette solution une erreur de qualification des faits car les ouvrages en question sont bien des « livres » au sens de la directive européenne du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, pour l’application de laquelle a été pris l’art. 278 bis du CGI et selon laquelle sont des « livres » les « ouvrages qui constituent des ensembles homogènes comportant un apport intellectuel ». En effet, le juge de cassation considère - et doit en être approuvé - « que le travail de l'auteur consistant à sélectionner, parmi les activités réalisées au cours de l'année scolaire, celles présentées dans l'ouvrage, à rédiger les commentaires présentant ces activités, à choisir les illustrations des réalisations des élèves auxquelles elles avaient donné lieu et à organiser l'ensemble suivant la progression des apprentissages durant l'année (suffit) à caractériser un apport intellectuel ».
La société est donc fondée à se prévaloir du taux de TVA de 5,5% au lieu de celui de 7% qui lui a été appliqué et à réclamer restitution du trop-versé.
(16 juillet 2021, Société Des images et des mots, n° 437681)
73 - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Immeuble propriété d’une SCI - Invocation de la doctrine fiscale (art. L. 80 A LPF) - Conditions - Absence - Erreur de droit - Annulation et rejet.
La requérante entendait se prévaloir, pour obtenir la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie en 2016 et 2017 à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire, de la doctrine administrative contenue dans les paragraphes 490 et 500 des commentaires administratifs publiés entre le 10 décembre 2012 et le 6 septembre 2017 au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30.
Selon ces commentaires sont compris parmi les locaux « passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui ne sont ni des locaux d'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 du CGI, ni des établissements industriels » et relevant à ce titre de la méthode d'évaluation de l'article 1498 du code général des impôts « les locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières, lesquelles ne peuvent pas être considérées comme exerçant une véritable profession ».
Entérinant cette argumentation, les premiers juges avaient accordé la décharge sollicitée.
Sur pourvoi du ministre le Conseil d’État casse ce jugement pour erreur de droit car, en ce qu'ils indiquent que les locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières sont évalués selon la méthode de l'article 1498 du CGI, sans exclure l'hypothèse dans laquelle la personne qui prend ces locaux en location y exerce une activité industrielle, les commentaires dont se prévalait la société Fanlene Chambray donnent une interprétation non du seul article 1498 mais des dispositions combinées des articles 1498 et 1500 de ce code. Ainsi, la modification du second de ces deux articles à laquelle a procédé le législateur par la loi de finances du 29 décembre 2015 en précisant que les bâtiments industriels sont évalués « Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels » a eu pour effet de rendre caduque, à compter de son entrée en vigueur, l'interprétation de ses dispositions antérieurement donnée par l'administration fiscale, sur laquelle celle-ci est d'ailleurs revenue dans la version des commentaires qu'elle a ultérieurement mise en ligne.
(16 juillet 2021, ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 443984)
74 - Impôt sur le revenu - Traitements et salaires - Exercice du droit de communication - Demande adressée par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire - Informations résultant d’une enquête préliminaire conclue par un classement sans suite - Possibilité d’être utilisées par les enquêteurs du fisc - Réponse négative entachée d’erreur de droit - Annulation.
L’intéressé a bénéficié d’options de souscription d’actions d’une société dont il a été le P-D G puis le président du conseil d’administration. Lors d’une vérification de sa situation personnelle, l’administration a exercé son droit de communication auprès du juge judiciaire, une première fois en juillet 2019 et une seconde fois en juin 2020. Elle a fini par obtenir certaines informations du chef de l’enquête préliminaire qui avait été ouverte par le Parquet à la suite d'une plainte pour opposition à fonctions déposée par les services fiscaux à l’encontre de la société.
L’administration a utilisé les données ainsi recueillies pour estimer imposables les gains résultant de levées d’option assorties de pénalités.
Toutefois, l’enquête préliminaire s’étant terminée par un classement sans suite, se posait la question de la régularité de l’imposition et des pénalités.
En effet, le droit de communication avait été exercé sur le fondement de l’art. 82 C et de l’art. L. 101 du livre des procédures fiscales (LPF).
Selon l’art. 82 C : « A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances » et selon l’art. 101 : « L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ».
Se fondant essentiellement sur ce dernier texte, la cour administrative d’appel a jugé que les éléments utilisés par l’administration fiscale n’avaient pas pu lui être régulièrement communiqués puisqu’ils avaient été recueillis non pas dans le cadre « d’une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu » mais dans celui d’une enquête préliminaire classée sans suite.
Pour casser cette solution, qui s’autorisait d’une logique assez évidente, le Conseil d’État se livre à un exercice assez acrobatique, relevant « que si le législateur n'a mentionné (…) que les informations criminelles ou correctionnelles, il ne saurait être regardé, compte tenu de l'évolution des règles de procédure pénale depuis l'adoption de ces dispositions (en 1926), comme ayant entendu permettre l'exclusion du champ du droit de communication de l'administration fiscale les éléments recueillis dans le cadre d'une enquête préliminaire, alors même qu'elle aurait fait l'objet d'un classement sans suite. »
En d’autres termes, les articles litigieux du LPF doivent être lus non pour ce qu’ils contiennent mais pour ce qu’ils devraient contenir - mais ne contiennent pas - car ils ont été édictés en 1926 et que beaucoup d’eau a depuis passé sous le pont fiscal. C’est là une façon cavalière de traiter le législateur qui peut avoir mille raisons de ne pas avoir étendu aux enquêtes préliminaires classées sans suite les dispositions, déjà exorbitantes en soi, figurant aux art. L. 82 C et L. 101 du LPF.
La solution semble plutôt illustrer un « réflexe » de rapacité fiscale et cela de maladroite façon.
(16 juillet 2021, M. B., n° 448500)
75 - Impôt sur le revenu - Examen contradictoire de la situation fiscale personnelle - Société de personnes n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux - Imposition des bénéfices réalisés - Rejet.
Le Conseil d’État, confirmant l’arrêt d’appel dont il était saisi, rappelle et précise deux points intéressants.
Tout d’abord, il résulte directement de l’art. L. 57 du LPF qu'après achèvement de la procédure de rectification contradictoire, l'administration n'est tenue de porter à la connaissance du contribuable les modifications apportées aux rehaussements que si ces modifications résultent de la prise en compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure non ceux résultant d’autres éléments.
Ensuite, il est également rappelé que les bénéfices réalisés par une société de personnes qui n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé une part de ces bénéfices. Les bases d'imposition de chaque associé doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumée faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention passé avant la clôture de l'exercice a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social, auquel cas les bases d'imposition des associés doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux.
Cependant, en l’espèce, le juge ajoute cette précision importante qui n’allait pas de soi selon laquelle l'annulation d'un tel acte ou d'une telle convention postérieurement aux années d'imposition ne peut affecter la règle fixée par les dispositions des articles 8 et 12 du CGI en vertu de laquelle sont seuls redevables de l'impôt dû sur les résultats de l'exercice les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice. Il en découle que les impositions supplémentaires résultant des rehaussements apportés par l'administration fiscale aux bénéfices imposables de la société sont réparties entre les associés au prorata de leurs droits sociaux ainsi déterminés. Ainsi, ce qui est très surprenant, est dénié tout effet rétroactif aux annulation prononcées - comme c’est le cas ici - par le juge judiciaire. Les dispositions des art. 8 et 12 précités ne sont pas d’une rigueur telle qu’elles empêchaient toute autre interprétation. Le demandeur eût été sans doute bien inspiré de soulever une QPC tirée de l’impossibilité d’appliquer dans sa plénitude la chose jugée.
(20 juillet 2021, M. A., n° 434029 et n° 434030)
76 - Dividendes distribués à une personne morale - Impôt sur les sociétés soumis à une retenue à la source - Condition d’exonération - Détention de 25% au moins du capital de la personne qui distribue les dividendes - Détention durant au moins deux ans ininterrompus - Absence - Rejet.
Le 2 de l'article 119 bis du CGI soumet à une retenue à la source les revenus distribués par des personnes morales françaises à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Toutefois, l’art. 119ter exonère de cette retenue la personne morale qui assure le paiement de ces revenus, qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qui, notamment, détient de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes.
Le Conseil d’État juge que c’est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier qu’une cour administrative d’appel juge qu’une société de droit belge, qui avait transféré la pleine propriété des titres de sa filiale à une fondation de droit néerlandais, ainsi que les droits de vote qui leur sont attachés, a par là-même interrompu le délai de détention de deux ans permettant de bénéficier de l'exonération de la retenue à la source prévue par l'article 119ter du CGI et cela alors même que cette société serait demeurée le bénéficiaire effectif des dividendes.
(20 juillet 2021, Société nouvelle d'affinage des métaux (SNAM), n° 435635)
77 - Profits de construction - Absence de mise en demeure de l'administration fiscale d'avoir à souscrire les déclarations y afférentes - Mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office des bénéfices ainsi réalisés - Régularité - Erreur de droit - Annulation.
Doit être annulé pour erreur de droit l'arrêt déclarant régulière l'utilisation par l'administration fiscale de la procédure d'évaluation d'office pour non déclaration des profits de construction réalisés par le contribuable dans le cadre de l'imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux, alors que celle-ci n'avait pas mis l'intéressé en demeure de souscrire ladite déclaration et alors que, d'une part, il établissait que les actes de cession de ces immeubles avaient fait l'objet d'actes notariés portés à la connaissance de l'administration fiscale et que, d'autre part, son notaire avait souscrit, en son nom, des déclarations de plus-values de particuliers sur les cessions d'immeubles.
(29 juillet 2021, M. B., n° 438214)
78 - Comptabilité publique – Obligations du comptable public en vue du paiement - Condamnation du comptable à indemniser une commune – Détermination de l’existence d’un manquement du comptable et de l’existence subséquente d’un préjudice financier pour la personne publique – Absence – Erreur de droit – Cassation.
Rappel de ce que le juge des comptes doit, pour estimer que le comptable a méconnu les obligations qui lui incombent, en premier lieu, rechercher si celui-ci a exigé la production de pièces justificatives du paiement (par ex. une délibération d’un conseil municipal instituant la dépense) et, en second lieu, déterminer si ce manquement a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné et en évaluer l'ampleur. Pour ce faire, il lui incombe, d’une part, d’établir l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice et le manquement, à la date où ce dernier a été commis et, d'autre part, d’apprécier l'existence et le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des éléments postérieurs au manquement.
En l’espèce, il était reproché à la comptable d’avoir payé des heures supplémentaires votées par la délibération d’un conseil municipal alors que celle-ci ne fixe pas la liste des emplois, au sein de la commune, dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires. Par suite, elle aurait payé ces heures sans disposer de la pièce justificative prévue par la nomenclature.
Si le Conseil d’État confirme le bien-fondé du raisonnement des juridictions financières (CRC et Cour des comptes) sur ce point, il annule, avec un réalisme et un souci d’équité louables, la mise en débet du comptable en l’absence de préjudice financier subi par la commune.
En effet, la délibération précitée fondait juridiquement la dépense – contrairement à ce qu’ont jugé les juridictions des comptes – car, d’une part, elle « arrêtait le principe du versement de l'indemnité horaire pour travaux supplémentaires aux agents de la commune éligibles à cette indemnité en application de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002, d'autre part, qu'il était constant, au regard des décomptes individuels produits, que cette indemnité avait été versée aux agents de la commune dont les missions impliquaient la réalisation effective d'heures supplémentaires et que le service avait été fait (…) ».
C’est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation.
(3 août 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 436208)
Droit public économique
79 - Covid-19 - Contrats de voyages à forfait et autres prestations inexécutés - Ordonnance du 25 mars 2020 - Conditions de remboursement ou de constitution d'un avoir - Compatibilité avec le droit de l'Union - Renvoi d'une question préjudicielle.
Les organisations requérantes contestaient la compatibilité avec le droit de l'Union de l'ordonnance du 25 mars 2020 en tant qu'elle fixe le régime de remboursement ou de constitution d'un avoir de la part des voyagistes n'ayant pas pu, du fait de l'épidémie de Covid-19, assurer les prestations contractuellement convenues avec leurs clients.
Cette ordonnance - comme divers documents postérieurs allant dans le même sens (publication du 31 mars 2020 de la direction de l'information légale et administrative intitulée « Coronavirus : quels droits en cas d'annulation de vos vacances », publiée sur le site internet « service-public.fr » ; « Foire aux questions » du 7 avril 2020 de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes intitulée « Nouvelles règles de remboursement dans le secteur du tourisme » ; la lettre du 9 avril 2020 de la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'action et des comptes publics, publiées sur le site internet du ministre de l'économie et des finances) - dispose que, lorsqu'un contrat de vente de voyages et de séjours a fait l'objet d'une résolution entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, « l'organisateur ou le détaillant peut proposer, à la place du remboursement de l'intégralité des paiements effectués, un avoir », d'un montant égal à celui de l'intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu. Cette proposition est formulée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution du contrat. Elle est valable pendant une durée de dix-huit mois. Ce n'est qu'à l'issue de ce délai de dix-huit mois et à défaut d'acceptation, par le client, de la prestation identique ou équivalente à celle que prévoyait le contrat résolu et qui lui a été proposée, que le professionnel sera tenu de le rembourser de l'intégralité des paiements effectués.
Cette solution a été adoptée par les pouvoirs publics afin de ne pas obérer gravement les finances des 7000 voyagistes français car, d'une part, ils sont appelés à rembourser un nombre très élevé et inconnu jusqu'alors d'annulations, et, d'autre part, ils n'ont aucune rentrée d'argent pour des prestations nouvelles du fait de la pandémie.
Cependant, les organisations requérantes estiment cette solution contraire aux dispositions de la directive européenne du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, spécialement ses articles 4 et 12 qui prévoient :
- qu'en cas de résiliation d'un contrat de voyage à forfait, le voyageur a droit au remboursement de l'intégralité des paiements effectués au titre du forfait moins, le cas échéant, des frais de résiliation appropriés, dans un délai de quatorze jours suivant la résiliation du contrat.
- que « les États membres s'abstiennent de maintenir ou d'introduire, dans leur droit national, des dispositions s'écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs. »
Le Conseil d’État renvoie à la Cour de justice trois questions préjudicielles.
(1er juillet 2021, Union fédérale des consommateurs - Que choisir et Confédération consommation logement cadre de vie, n° 441663)
80 - Structures agricoles - Schéma directeur départemental des structures agricoles - Régime d'autorisation d'exploitation de terres - Seuil de 70 hectares - Obligation d'obtenir une autorisation - Calcul de la superficie exploitée - Cas de personnes associées - Rejet.
Le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Sarthe prévoit l'obligation d'obtenir une autorisation préfectorale d'exploiter lorsqu'un agrandissement porte la superficie totale des terres exploitées au-delà de 70 hectares.
Les requérants, associés dans le cadre d'une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) d'une superficie de 237 hectares, se sont vus refuser l'autorisation d'exploiter 96 hectares supplémentaires. Ils ont donc décidé d'exploiter, chacun, 48 hectares afin de ne pas franchir ensemble le seuil de 70 hectares. Le préfet les a mis en demeure de déposer, sous un mois, une autorisation d'exploiter car il a estimé que le seuil déclenchant l'obligation d'obtenir une autorisation devait être calculé non par exploitant mais par exploitation dès lors qu'il s'agit de deux associés d'une société à objet agricole participant effectivement aux travaux nécessaires à cette exploitation.
Déboutés en première instance et en appel, les intéressés se sont pourvus en cassation mais le Conseil d’État, inaugurant une jurisprudence assez nouvelle, confirmative des décisions attaquées, rejette le pourvoi en retenant l'appréciation de la superficie de terres agrandies par exploitation et non par exploitant associé.
(2 juillet 2021, Xavier et Laurent C., n° 432801)
(81) V. aussi, dans le même dossier, l'annulation de l'arrêt d'appel qui a refusé de tenir compte de ce que les intéressés ont, à la suite de la mise en demeure du préfet, spontanément régularisé leur situation, pour fixer le niveau des sanctions infligées par la commission des recours dont la saisine constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux : 2 juillet 2021, Xavier et Laurent C., n° 432802.
82 - Mentions portées sur les étiquettes de bouteilles de vin - Utilisation du nom d’une unité géographique plus petite que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique - Réglementation européenne - Marge de manœuvre de la réglementation nationale - Sanction pour manquement - Avertissement - Légalité - Rejet.
La requérante contestait l’avertissement dont elle avait été l’objet de la part de la direction régionale de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur pour n’avoir pas obtempéré à l’injonction qui lui avait été faite de retirer de l'étiquetage de ses vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « Côtes de Provence » toute mention faisant référence aux unités géographiques Grimaud et Coteaux du golfe de Saint-Tropez.
Elle contestait la réglementation en cause, résultant de l’art. 5 du décret du 4 mai 2012, comme portant atteinte au droit de propriété protégé par les art. 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH.
Le Conseil d’État considère que la réglementation européenne (notamment l’art. 67 du règlement du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement 479/2008 en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole) loin de s’opposer à l’existence d’une réglementation nationale en la matière, habilite spécifiquement les États membres à adopter des règles concernant l'utilisation des noms d'unités géographiques plus petites que l'aire de l'appellation ou de l'indication de référence, à condition toutefois que l'aire de l'unité géographique en question soit précisément délimitée, indépendamment de la faculté, prévue à l'article 70, paragraphe 1, de ce règlement, d'introduire dans les cahiers des charges des appellations d'origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) des conditions d'utilisation des mentions facultatives d'étiquetage des vins plus restrictives que celles prévues par les articles 61, 62 et 64 à 67 du même règlement.
Il relève en outre que les objectifs poursuivis par ce décret tendent à la protection de la concurrence et à celle du consommateur et ne s’opposent pas à la commercialisation des vins en cause en conformité avec les cahiers des charges qui leur sont applicables, cahiers dont, au surplus, la requérante peut demander la modification pour qu’y soient incluses les aires plus petites que celles des AOP et IGP. Il s’ensuit l’absence d’atteinte au droit de propriété comme aux dispositions du code de la propriété intellectuelle invoqués par la requérante.
Par suite, cette dernière n’est pas fondée à contester la sanction de l’avertissement dont elle a fait l’objet en tant qu'il lui enjoint de retirer de l'étiquetage de ses vins AOP « Côtes de Provence » les marques faisant référence aux unités géographiques Grimaud et Coteaux du golfe de Saint-Tropez, sanction qui, dans les circonstances de l’espèce, ne revêt pas un caractère disproportionné.
(12 juillet 2021, Société par actions simplifiée (SAS) Les coteaux du golfe de Saint-Tropez, n° 433867)
(83) V. aussi, identique, à propos des marques « Cuvée du golfe de Saint-Tropez » et « Le grimaudin » : 12 juillet 2021, Société coopérative agricole (SCV) Les vignerons de Grimaud, n° 433869.
84 - Interdiction de la dénomination « sirop d’érable pur » - Protection du consommateur - Absence de définition française ou européenne - Référence à la dénomination canadienne - Rejet.
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a enjoint à la requérante de remplacer, sur les étiquettes apposées sur les conditionnements de sirop d’érable qu’elle commercialise ainsi que sur son site internet, la dénomination « sirop d’érable pur » par celle de « sirop d’érable ».
La société se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel annulant le jugement qui lui avait donné gain de cause.
Le Conseil d’État, confirmant cet arrêt, déboute la demanderesse. Il constate l’absence de définition du sirop d’érable tant dans la législation française que dans la réglementation européenne puis, se tournant vers le droit canadien, le Canada étant la référence mondiale de ce produit, il y constate la seule utilisation de la mention « sirop d’érable » sans autre précision. Cette indication se suffisant à elle-même, c’est sans erreur de qualification que la cour a rejeté l’appel de la société. Au surplus, l’adjonction de l’adjectif « pur » est de nature à induire en erreur le consommateur auquel elle n’apporte rien.
(20 juillet 2021, Société Famille A., n° 434910)
85 - Code monétaire et financier - Incompétence négative du législateur en raison de l’imprécision de certains termes ou expressions utilisés par les art. L. 511-31 et L. 512-56 du code monétaire - QPC - Rejet.
(20 juillet 2021, Société Crédit mutuel Arkéa, n° 451308)
V. n° 213
86 - Fonds d’investissement alternatif - Tutelle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) - Obligation déclarative - Absence - Infraction - Sanction justifiée et non disproportionnée - Rejet.
La société Invest Securities, requérante, exerce l’activité de prestataire de services d'investissements assurant un service de réception, transmission et exécution d'ordres pour le compte de tiers, le conseil en investissement et le placement non garanti. Elle a conclu en 2015 une convention avec la société de droit anglais Viagefi 6 Limited spécialisée dans l'acquisition et la revente de biens immobiliers avec réserve de droit d'usage et d'habitation. Cette dernière est enregistrée auprès de la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni comme fonds d'investissement alternatif. Par la convention précitée elle s’est vue confier une mission de placement des actions de la société requérante auprès de souscripteurs.
L'AMF a informé le public que la commercialisation de parts du fonds Viagefi 6 Limited n'était pas autorisée en France, faute d'avoir fait l'objet d'une notification préalable auprès de ses services, conformément à l'article L. 214-24-1 du code des marchés financiers.
Après contrôle du respect éventuel de ses obligations professionnelles par Invest Securities, la commission spécialisée n° 2 du collège de l'AMF lui a notifié des griefs tirés de ce que, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et de l'article 314-3 du règlement général de l'AMF, elle aurait, en bref, manqué à son obligation d'agir de manière professionnelle avec le soin qui s'impose afin de favoriser l'intégrité du marché et de servir au mieux les intérêts de ses clients, en ne procédant pas aux vérifications nécessaires préalablement à la commercialisation du fonds et en exécutant des ordres de souscription sur un titre non autorisé à la commercialisation en France.
Par la décision attaquée du 2 juillet 2019, la commission des sanctions a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 90 000 euros, et ordonné la publication de sa décision sur son site Internet de manière non anonyme pendant cinq ans.
C’est de ces décisions que la requérante demande l’annulation.
Son recours est rejeté.
Le Conseil d’État rappelle qu’en vertu des dispositions de l’art. L. 214-24-1 du code précité, pris pour la mise en oeuvre en droit interne des objectifs définis par la directive européenne du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, sont des fonds d'investissement alternatifs (FIA) les fonds qui :
« 1° Lèvent des capitaux auprès d'un certain nombre d'investisseurs en vue de les investir, dans l'intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d'investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ;
2° Ne sont pas des OPCVM ».
De cette définition telle que précisée en ses critères par l’AMF, il résulte que la demanderesse constitue bien un fonds d’investissement alternatif dont la commercialisation en France, faute d'avoir fait l'objet de la notification prévue par les dispositions de l'article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, n'était pas autorisée.
C’est à bon droit qu’une sanction lui a été infligée.
Saisi de la contestation du quantum de la sanction, le Conseil d’ État estime celle-ci non disproportionnée tant au regard de la faute commise qu’à celui des revenus tirés de son activité par la requérante.
(21 juillet 2021, Société Invest Securities, n° 433480)
(87) V. aussi, confirmant la solution précédente à propos d’une personne physique apporteur d’affaires : 21 juillet 2021, M. B., n° 433624 ou d’une société apporteur d’affaires : 21 juillet 2021, Société A. Conseil, n° 434283
Droit social et action sociale
88 - Conventions collectives – Fusion de leurs champs d’application – Obligation que les branches fusionnées présentent des conditions sociales et économiques analogues – Cas de deux conventions en matière d’habitat social – Intérêt général s’attachant à la fusion des branches – Légalité – Rejet.
La fédération requérante demandait l’annulation, d’une part, de l'arrêté de la ministre du travail portant fusion des champs conventionnels en ce qu'il procède au rattachement de la convention collective du personnel des sociétés coopératives d'HLM à la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat et, d’autre part, du rejet implicite de son recours gracieux contre cet arrêté.
La demande est rejetée.
En premier lieu, il existe bien des « conditions sociales et économiques analogues » entre les deux branches dont cet arrêté opère la fusion : 1°/ elles exercent des activités dans les champs de la construction et de la gestion de logements locatifs sociaux, de la gestion de copropriétés et des prestations de services liées, de l'accession sociale à la propriété, même si certaines de ces activités ne sont pas développées dans chacune des branches dans des proportions identiques ; 2°/ les métiers auxquels ces organismes ont recours présentent des similitudes : personnels commerciaux, agents de gestion locative, personnels d'entretien et de gardiennage.
A l’inverse, la différence des régimes juridiques entre les sociétés anonymes à forme coopérative et les offices publics de l'habitat, établissements publics à caractère industriel et commercial, les différences de rémunération et de conditions de travail entre des salariés pouvant être soumis à des statuts différents selon la branche dont ils relèvent ou les différences de situation financière des sociétés coopératives d'HLM et des offices publics de l'habitat ne sont pas de nature à établir que la ministre chargée du travail aurait fait une inexacte application de la loi en retenant que la branche du personnel des offices publics de l'habitat présente des conditions sociales et économiques analogues à celles de la branche du personnel des sociétés coopératives d'HLM.
En second lieu, conformément à l’art. L. 2261-32 du code du travail, le juge vérifie l’existence dans cette opération de fusion d’un intérêt général à la restructuration des branches concernées.
Cette fusion est donc régulière alors même que la branche des entreprises sociales de l'habitat présenterait également des conditions sociales et économiques analogues à celles de la branche rattachée. La loi requiert l’existence de conditions analogues entre les branches fusionnées non que soient fusionnées toutes celles présentant entre elles des analogies.
(1er juillet 2021, Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, n° 430964)
(89) V. aussi, également importante, la décision comparable, rejetant le recours dirigé contre l'arrêté ministériel du 1er août 2019 portant fusion de champs conventionnels, prononçant la fusion de plusieurs branches, en particulier en se fondant sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 2261-32 relatives aux branches comptant moins de 5 000 salariés, la fusion de la branche des personnels PACT et ARIM [centres pour la protection, l'amélioration et la conservation de l'habitat et associations pour la restauration immobilière] avec celle des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs : 1er juillet 2021, Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, n° 435510.
90 - Revenu de solidarité active (RSA) - Détermination de son montant - Revenus à prendre en compte - Exclusion de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé - Exclusion de la prestation de compensation du handicap - Cas où cette dernière prestation est versée en dédommagement en tant qu'aidant familial - Circonstance indifférente - Erreur de droit - Annulation.
Est entaché d'erreur de droit, au regard des dispositions du 6° de l'art. R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, le jugement qui estime que doit être prise en compte, pour la détermination du montant du RSA, la prestation de compensation du handicap versée à un aidant familial en complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.
(7 juillet 2021, Mme B., n° 433191)
91 - Assistante maternelle - Retrait d'agrément par le président du conseil départemental - Légalité au regard des motifs retenus - Erreur de droit - Annulation.
Commet une erreur de droit l'arrêt d'appel qui, pour dire régulier le retrait par un département de l'agrément d'une femme en qualité d'assistante maternelle, se fonde uniquement sur l'existence d'une perquisition administrative visant son compagnon alors que celle-ci n'a pas été portée spontanément à la connaissance de l'administration et qu'il résulte du dossier que l'intéressée disposait d'un agrément depuis dix ans sans avoir jamais fait l'objet d'observations sur son comportement personnel ou ses aptitudes professionnelles et que les garanties de sécurité, de santé ou d'épanouissement des enfants accueillis apportées par les conditions d'accueil des enfants qui lui étaient confiés n'avaient jamais été mises en cause.
(7 juillet 2021, Mme B., n° 440582)
92 - Salarié protégé - Licenciement pour motif économique - Plan de sauvegarde de l’emploi - Décision du mandataire liquidateur - Décision de l’inspection du travail autorisant le licenciement - Étendue du contrôle du juge administratif
Dans le cadre du contentieux d’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé à l’occasion de la liquidation d’une entreprise (ici une clinique), le Conseil d’État apporte une certaine clarté lorsque ce licenciement intervient dans contexte d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) du fait de la combinaison pas toujours aisée de dispositions du code de commerce (art. L. 641-4) et de celles du code du travail (spécialement les art L. 1233-4, L. 1233-58, L.1233-24-1 à 1233-24-4, L. 1233-57-1 à 1233-57-20, L. 1233-61 et L. 6321-1).
Tout d’abord, l’appréciation, par l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé, du respect par l'employeur ou le liquidateur judiciaire de son obligation en matière de reclassement, doit porter sur le point de savoir s’il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
Ensuite, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui, d’une part, requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et d’autre part, est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé.
Compte tenu de ces importantes restrictions, en jugeant que le liquidateur judiciaire de la société A. avait manqué à son obligation de recherche sérieuse de reclassement de l’intéressée aux motifs que la société B. devait être regardée, à ce titre, comme faisant partie du même groupe que la société A., compte tenu de la persistance de liens étroits avec celle-ci et de son organisation, ses activités et son lieu d'exploitation, et que la recherche de reclassement interne n'avait pas été étendue à la société B., alors que le périmètre du reclassement interne arrêté dans le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société A. homologué par l'autorité administrative n'incluait pas la société B., la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
(22 juillet 2021, SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, n° 427004)
(93) V. aussi, dans un registre assez voisin, la décision relative à des licenciements consécutifs à l’adoption unilatérale d’un PSE en dehors de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, qui rappelle qu'un PSE doit identifier l'ensemble des postes disponibles pour un reclassement interne, peu important qu'ils soient, le cas échéant, d'une durée limitée et qui juge qu’en l’espèce ni la circonstance que le plan ait limité l'identification des possibilités de reclassement interne aux besoins en personnel d'une durée d'au moins trois mois, ni celle qu'il prévoie une période d'adaptation au terme de laquelle l'employeur ou le salarié pourront décider de ne pas donner suite au reclassement, ne sont de nature à l'entacher d'insuffisance, compte tenu des autres mesures qu'il comporte tendant à favoriser le reclassement des salariés, notamment la mise en place d'une antenne emploi, les aides financières individuelles à la formation, les aides financières à la recherche d'emploi et à la mobilité géographique, les aides à la création d'entreprises : 22 juillet 2021, Société Nouvelle France Ouest Imprim (SNFOI), n° 434362.
94 - Revenu de solidarité active (RSA) - Décision ordonnant le remboursement d’indus - Omission de déclarer certaines sommes - Réitération de l’omission - Refus de remise gracieuse de la dette - Ignorance de bonne foi de l’obligation de déclaration -Absence de fausse déclaration - Annulation.
Un couple de bénéficiaires du RSA ayant omis de déclarer les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap en tant qu'aidants familiaux de leur fils majeur vivant à leur foyer, le département de l’Oise a réclamé le remboursement des indus et rejeté la demande de M. C. tendant à la remise gracieuse de sa dette.
Saisi du rejet par le tribunal administratif du recours dirigé contre ce refus, le Conseil d’État juge que « si l'allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l'omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration ».
Par suite, le département et le tribunal ne pouvaient, sans dénaturer les pièces du dossier, retenir la mauvaise foi du requérant.
Le jugement est annulé.
(22 juillet 2021, M. C., n° 442026)
Élections
95 - Élections municipales – Existence avérée d’une campagne de promotion publicitaire – Violation de l’art. L. 52-1 du code électoral – Demande d’infliction d’une amende - Absence d’altération à la sincérité du scrutin en raison d’un important écart des voix – Rejet.
Plusieurs des griefs formulés sont rejetés sans difficultés, l’un d’entre eux retient l’attention particulière du juge d'appel mais ne prospère pas au final. Le bulletin d’informations municipales de janvier 2020 comportait, d'une part, un éditorial du maire sortant encourageant les lecteurs à soutenir la candidature au poste de maire de la première adjointe et d'autre part, un encart de quatre pages retraçant les principales réalisations communales au cours des trois mandats du maire sortant avec, à plusieurs reprises, la mention du nom de l'adjointe précitée.
Le juge considère qu’une telle publication, alors même qu'elle a été éditée à la seule initiative du maire sortant et, pour ce qui est de l'encart, sur ses deniers personnels, présente cependant le caractère d'une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral et, dès lors que sa distribution a été réalisée aux frais de la commune, un avantage consenti par la municipalité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du même code.
Toutefois, il est jugé que quelque regrettable que soit cette irrégularité, elle n’a pas été de nature, au regard de l'écart de voix important, de plus de 12% des suffrages exprimés, séparant le premier candidat non élu du dernier élu, à altérer la sincérité du scrutin et elle ne pouvait pas être regardée comme constitutive d'une fraude au sens de l'article L. 117-1 du code électoral : il n'y a pas lieu de communiquer le dossier au procureur de la République aux fins d’infliction d’une amende ainsi que l’ont décidé les premiers juges.
(1er juillet 2021, MM. G. et E., Élections municipales de Joux, n° 445368)
96 - Élections municipales et communautaires – Contestation du jugement d’annulation d’élus municipaux et d’un élu communautaire – Recours distinct en QPC dirigé contre l’art. L. 228 c. élect. – Rejet.
Au soutien d’une requête tendant à voir le juge d’appel annuler un jugement invalidant l’élection de conseillers municipaux et d’un conseiller communautaire, les protestataires soulèvent l’inconstitutionnalité de l’alinéa 3 de l’art. L. 228 du code électoral selon lequel : « Toutefois, dans les communes de plus de 500 habitants, le nombre des conseillers qui ne résident pas dans la commune au moment de l'élection ne peut excéder le quart des membres du conseil. »
La demande est rejetée, en premier lieu, car les dispositions contestées n'instituent aucune inéligibilité à l'encontre des électeurs qui souhaitent se présenter à l'élection au mandat de conseiller municipal mais qui ne résident pas dans la commune. Elles fixent seulement un plafond de conseillers municipaux qui ne résident pas dans la commune, aux fins de garantir aux habitants de celle-ci, une représentation prépondérante au sein du conseil municipal. La circonstance que les conseillers municipaux qui ne résident pas dans la commune doivent renoncer au bénéfice de leur élection en application de cette règle de plafonnement n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à leur droit de se présenter à l'élection.
La demande est rejetée, ensuite, car ces dispositions ne portent pas atteinte au principe d’égalité du fait qu’elles n’ont pas prévu d'exception à la règle de plafonnement instituée par les dispositions contestées au bénéfice des conseillers municipaux qui résident dans une commune membre de la même intercommunalité que celle dans laquelle ils sont élus, dès lors d'une part, que ces élus sont dans une situation différente de celle des conseillers qui résident dans la commune ou qui, résidant dans des communes éloignées, y effectuent des séjours fréquents et réguliers et que, d'autre part, le conseil municipal est compétent dans les matières qui ne sont pas dévolues à l'intercommunalité.
(1er juillet 2021, M. D. et autres, Él. mun. et cnautaires de la communauté de communes de Cœur de l’Avesnois, n° 445552)
97 - Élections municipales et communautaires – Compte de campagne – Remise tardive et non certifié – Saisine du juge administratif par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) – Confirmation de l’annulation de l’élection et de la proclamation d’inéligibilité – Rejet.
C’est à bon droit qu’un tribunal administratif, saisi à cet effet par la CNCCFP, annule l’élection d’un candidat à un conseil municipal et le sanctionne d’une inéligibilité pendant dix-huit mois pour n’avoir remis, sans réelles justifications, que très tardivement son compte de campagne et sans le faire certifier.
Il y a là un manquement caractérisé à une règle substantielle qui, dans les circonstances de l’espèce, se révèle d’une particulière gravité.
(1er juillet 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Pamandzi, n° 450747)
(98) V. aussi, comparables, la confirmation de jugements déclarant démissionnaire d’office une conseillère municipale et assortissant cette décision d’une inéligibilité de douze mois pour avoir déposé tardivement un compte de campagne présentant en outre un solde déficitaire : 1er juillet 2021, Mme C., Élections municipales de Saint-Fons, n° 450960 ; égalt : 28 juillet 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de Saint-Denis, n° 450431.
(99) V. encore, confirmant une inéligibilité de six mois : 28 juillet 2021, M. A., Élections municipales de Sanary-sur-Mer, n° 451387 ; 28 juillet 2021, M. C., Élections municipales de Carqueiranne, n° 452323 ou de neuf mois : 27 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires d’Haubourdin, n° 451084, ou une inéligibilité de douze mois : 27 juillet 2021, M. B., Élections municipales de La Trinité, n° 452379 ; aussi : 28 juillet 2021, M. A., Élections municipales de La Teste-de-Buch, n° 451047.
100 - Élections municipales – Déféré préfectoral - Bulletins de vote susceptibles de deux lectures différentes - Invalidité des bulletins concernés - Rejet du déféré et confirmation du jugement.
Le tribunal administratif avait invalidé neuf bulletins de vote qu'il estimait ne pouvant compter dans le résultat du scrutin, ce qui a entraîné l'annulation de l'élection d'un des candidats et la proclamation d'une autre.
Saisi d'un déféré préfectoral tendant à l'annulation de ce jugement, le Conseil d’État le rejette et confirme donc la solution retenue par les premiers juges. Il relève en effet que lors du second tour des élections municipales neuf bulletins ont été déclarés nuls par le bureau de vote car ils comportaient plus de noms que de personnes à élire et que le choix de l'électeur ne pouvait être déterminé avec certitude.
Les neufs bulletins litigieux comportaient davantage de noms que de sièges à pourvoir, sans indication d'ordre et sans numéro et les électeurs n'ayant rayé aucun nom ni porté aucune annotation, la disposition des noms sur les bulletins se prêtait tout à la fois à une lecture colonne par colonne ou à une lecture ligne par ligne. L'ordre des noms à retenir différant selon les deux lectures possibles, les bulletins litigieux ne permettaient pas, en l'absence notamment de numérotation des noms, de connaître avec certitude les trois noms que les électeurs avaient entendu désigner. L'annulation de ces bulletins s'imposait donc.
(1er juillet 2021, préfet de Meurthe-et-Moselle, Élections municipales de Moivrons, n° 445538)
101 - Élections municipales et communautaires – Grief autonome - Absence - Propagande électorale - Don prohibé - Faible taux de participation - Rejet.
Est rejetée la protestation dirigée contre le jugement rejetant une demande d’annulation des opérations électorales s’étant tenues dans la commune.
Il ne saurait être reproché aux premiers juges de n’avoir pas répondu à l’un des griefs dont ils étaient saisis, fondé sur le faible écart des voix, car ce grief n’était qu’un élément d'appréciation de l'incidence des irrégularités que le protestataire avait invoquées concernant la sincérité du scrutin, non un grief autonome appelant, en conséquence, une réponse spécifique de la part du juge saisi.
La diffusion, le 5 mars 2020, d'un court reportage consacré au maire sortant et à nouveau candidat sur une chaîne de télévision publique dans le cadre d'un journal télévisé ne peut être regardée comme constituant un élément, prohibé par l’art. L. 52-1 du code électoral, de propagande ou de publicité électorale.
La circonstance que le maire sortant ait annoncé ne pas vouloir appliquer la règle du service fait en opérant des retenues sur traitement des agents municipaux grévistes pour protester contre la réforme des retraites alors en cours n’imposait nullement que fussent retracées dans son compte de campagne la somme correspondante.
Enfin, le faible taux de participation électorale lié à une catastrophe épidémique est sans incidence sur la régularité des opérations électorales.
(9 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires du Lamentin, n° 445538)
(102) V. aussi, assez comparable mutatis mutandis y compris dans la solution adoptée : 9 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Maurepas, n° 448863.
(103) V. égalt, en sens inverse, annulant un jugement confirmant le rejet par CNCCFP d'un compte de campagne pour don prohibé et prononçant une inéligibilité, celui-ci n'étant pas irrégulier en réalité : 28 juillet 2021, M. C., Élections municipales de Cabriès, n° 450776.
104 - Élections municipales et communautaires - Annulation en première instance pour quatre griefs dont un seul est retenu en appel - Fraude de nature à altérer la sincérité du scrutin - Confirmation de l’annulation assortie de l’inéligibilité - Non-communication des mémoires en défense et des pièces jointes - Possibilité de les consulter au greffe - Régularité - Rejet.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord une règle constante du contentieux électoral : le juge de l'élection n'est pas tenu de communiquer les mémoires en défense, non plus que les autres mémoires ultérieurement enregistrés, ou de procéder à la communication des pièces jointes aux saisines. Il lui appartient seulement, une fois ces pièces enregistrées par son greffe, de les tenir à la disposition des parties de sorte que celles-ci puissent, si elles l'estiment utile, en prendre connaissance.
Ensuite, examinant les faits, le Conseil d’État estime non fondés trois des quatre griefs retenus en première instance et juge le quatrième grief (attestation frauduleuse de nature à altérer la sincérité du scrutin) suffisant pour justifier et l’annulation de l’élection et la sanction d’inéligibilité en conséquence de la fraude commise.
(16 juillet 2021, M. U., Él. mun. et cnautaires de la commune de Courtenay, n° 445802)
105 - Élections municipales - Compte de campagne - Rejet par la CNCCFP - Inéligibilité - Application de la loi nouvelle plus douce - Rejet.
Jusqu’à la loi du 2 décembre 2019, le non-dépôt d’un compte de campagne ou la présentation d’un compte de campagne entaché de fraude ou comportant un dépassement du plafond autorisé de dépenses électorales entraînait automatiquement une inéligibilité d’une année. A partir de l’entrée en vigueur de cette loi (30 juin 2000), le législateur a supprimé le caractère automatique de cette sanction la faisant désormais dépendre de la volonté du juge qui doit, d’une part, se fonder sur l’existence d’un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales et, d’autre part, prenant en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce, apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.
En l’espèce, les premiers juges avaient, à tort, appliqué la loi ancienne et infligé une inéligibilité d’une année. Le jugement est annulé mais, appliquant la loi nouvelle, le Conseil d’État prononce une inéligibilité de neuf mois.
(16 juillet 2021, Mme B., Élections municipales de Villeparisis, n° 451616)
(106) V. aussi pour une solution identique en substance : 16 juillet 2021, M. A., n° 451935
(107) V. également, annulant le jugement déféré à la censure du Conseil d’État avec constatation de l’absence de manquement d’une particulière gravité dans l’établissement et la présentation du compte de campagne : 16 juillet 2021, M. B., Élections municipales de Mions, n° 451526 ou encore : 27 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bruay-sur-l’Escaut, n° 450919 ; 27 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Hautmont, n° 450991.
(108) V. encore : 22 juillet 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Roche-la-Molière, n° 450500 ou, aussi : 22 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Auch, n°450567 ; 27 juillet 2021, M. A. Él. mun. et cnautaires de la commune de Rochefort, n° 451311 ; 28 juillet 2021, Mme A., Élections municipales de la commune d'Ambarès-et-Lagrave, n° 450139.
109 - Élection du maire - Déféré du préfet - Inversion des résultats par le tribunal administratif - Rejet.
Le requérant a été déclaré élu maire de la commune au troisième tour de scrutin alors que, dès le premier tour, le conseil municipal comprenant dix membres, sept d’entre eux se sont abstenus et trois ont accordé leurs suffrages à Mme A., la majorité absolue étant de deux. Cette dernière, alors même qu’elle n’était pas candidate, devait être proclamée élue, aucune disposition non plus qu’aucun texte n'imposant à un conseiller municipal de faire acte de candidature pour être élu maire C’est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le déféré préfectoral en ce sens.
(9 juillet 2021, M. N., Élection du maire de Fresnes-sur-Apance, n° 449223)
110 - Élections municipales et communautaires – Contestation du jugement d’annulation d’opérations électorales - Griefs jugés insuffisants en appel - Annulation du jugement et confirmation du résultat des élections.
Prenant le contrepied du jugement qui avait annulé les élections dans cette commune, le juge d’appel estime insuffisants, en dépit du faible écart des voix entre les listes, les deux griefs retenus par les premiers juges : l’excès d’un bulletin par rapport au chiffre inscrit sur le procès-verbal, qui se résout en retranchant une voix à chaque liste, et le malencontreux bref commentaire sur Facebook qu’a cru devoir faire en faveur de la maire sortante le directeur général des services qui, pour regrettable qu’il soit, n’a pu altérer la sincérité du scrutin.
Ces divergences d’attitude des juges révèlent l’incompressible part de subjectivité que comporte l’analyse de certains griefs développés au soutien de recours en matière électorale.
(13 juillet 2021, Mme W. et autres, Él. mun. et cnautaires de Lanton, n° 446812)
111 - Élections municipales - Bulletins décomptés comme nuls - Bulletins de présentation non conforme au modèle déposé en sous-préfecture - Bulletins de remplacement en urgence - Irrégularité non constitutive d’une manœuvre - Grief présenté hors délai - Rejet.
Le Conseil d’État confirme en tous points le jugement de rejet rendu en première instance.
Rappel, tout d’abord, de l’irrecevabilité de l’intervention d’une commune dans un contentieux électoral dès lors qu’elle ne justifie pas d’un intérêt à y intervenir.
Rappel, ensuite, que l’absence de jonction au procès-verbal d’un bureau de vote des bulletins déclarés nuls, en violation de l’art. 66 du code électoral, contraint le juge de l’élection à un calcul hypothétique même en l’absence de toute manœuvre.
Enfin, c’était là le point le plus important du litige, à la suite d'une erreur matérielle dans la conception initiale de leur maquette et dans leur impression, les bulletins de vote d’une liste adressés par voie postale au domicile des électeurs contenaient un ordre de présentation des candidats modifié par rapport à celui de la liste déposée en sous-préfecture en ce qu'ils omettaient le nom d'une des candidates en ne faisant apparaître ni son nom ni son prénom ni son rang dans la liste.
Des bulletins corrigés de cette liste, imprimés en urgence, ont toutefois pu être substitués aux bulletins erronés dans le matériel électoral disponible dans les bureaux de vote à l'ouverture du scrutin du 15 mars 2020.
A l'issue du scrutin, 521 bulletins ont été comptés comme nuls, dont 156 sont des bulletins incomplets de la liste précitée et dont 83 n'ont pas été conservés, les procès-verbaux de cinq bureaux de vote ne contenant en annexe que des enveloppes vides qui n'ont pas été systématiquement annotées du motif de nullité des bulletins qu'elles contenaient.
Le juge d’appel considère, comme son homologue du premier degré, que si en principe sont nuls les bulletins utilisés par les électeurs lorsqu'ils comportent une modification de la liste des candidats par rapport à celle qui a été déposée à la préfecture ou à la sous-préfecture, il n'en va pas de même si la modification ne résulte pas d'une manoeuvre et que les électeurs ont pu émettre, au moyen de ces bulletins irrégulièrement modifiés, un vote contenant une désignation suffisante de la liste en faveur de laquelle ils ont entendu se prononcer. Tel était le cas en l’espèce et c’est donc à bon droit que le tribunal administratif a ajouté 156 voix aux suffrages exprimés et aux suffrages obtenus par la liste en cause.
(13 juillet 2021, M. I. et autres, Élections municipales d’Istres, n° 448642 ; M. Y., n° 448678 ; Commune d’Istres, n° 448679)
112 - Élections municipales et communautaires – Pouvoirs conférés au responsable de liste entre les deux tours de scrutin (art. L. 264 et L. 265 c. élect.) - Atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation - QPC - Rejet.
Les requérants contestaient, au travers d’une QPC, la constitutionnalité des dispositions des art. L. 264 et L. 265 du code électoral en ce qu’elles permettent à la personne responsable de liste, entre les deux tours de scrutin, de décider seule, le cas échéant, de fusionner cette liste avec une des autres listes remplissant les conditions pour se présenter au second tour, de choisir la liste avec laquelle cette fusion est opérée et, enfin, de choisir les membres de la liste initiale dont la candidature est maintenue sur la nouvelle liste, le cas échéant en excluant certaines sensibilités politiques représentées sur la liste d'origine. Ils estimaient que, ainsi, il était porté atteinte aux exigences de pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation qui découlent des articles 3 et 4 de la Constitution.
Pour rejeter ce grief et donc la QPC, le Conseil d’État juge que par les « dispositions contestées qui prévoient que, d'une part, chaque candidat confie au responsable de liste, par mandat signé, le soin de faire ou de faire faire toutes déclarations et démarches utiles à l'enregistrement de la liste, pour le premier et le second tour et que, d'autre part, le choix de la liste sur laquelle les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour peuvent figurer au second tour est notifié à la préfecture ou à la sous-préfecture par la personne ayant eu la qualité de responsable de la liste constituée par ces candidats au premier tour, le législateur a entendu confier au seul responsable de liste la capacité, entre les deux tours de scrutin, de choisir de fusionner la liste dont il est à la tête avec une ou plusieurs autres listes présentes au second tour afin de constituer une liste unique. Ces prérogatives ainsi confiées à la seule personne responsable de liste n'emportent par elles-mêmes aucune atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions ou à la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
Si l’on peut comprendre la solution expédiente retenue par le législateur, il convient de souligner la ténuité de son caractère démocratique.
Au reste, c’est la logique de l’existence d’un second tour que d’arracher des mains des électeurs les votes qu’ils ont émis pour confier aux seuls états-majors de partis le pouvoir de s’en servir par une transmutation de la démocratie en oligarchie.
(13 juillet 2021, M. E. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune d’Ivry-sur-Seine, n° 450358)
(113) V. aussi, enfonçant encore un peu plus le clou et prononçant l’annulation de l’ensemble des opérations électorales pour défaut de notification au sous-préfet, par le responsable de liste, de la liste retenue pour le second tour: 20 juillet 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Cholet, n° 449688
114 - Élections municipales et communautaires - Invocation d’irrégularités diverses - Contestation de la présentation des comptes de campagne - Demande de proclamation d’inéligibilité - Rejet.
On lira dans cette longue décision le rejet par le juge électoral du premier degré et d’appel des nombreux griefs soulevés ainsi que, conséquemment, celui de la demande de déclaration d’inéligibilité de candidats.
(20 juillet 2021, M. L. et Mme U., Él. mun. et cnautaires de la commune de Lille, n° 451268 ; M. A. et autres, n° 451349)
115 - Élections municipales - Épidémie - Faible taux de participation au scrutin - Document d’émargement - Régularité - Mention irrégulière de procurations sur la liste d’émargement - Écart des voix - Rejet.
Le Conseil d’État rejette l’appel dirigé contre le rejet, en première instance, de la protestation du demandeur : l’existence d’une situation épidémique qui a provoqué une baisse du taux de participation aux élections n’a pas altéré la sincérité du scrutin, l’affirmation de l’existence d’un document d’émargement irrégulier dans le bureau de vote n° 2 manque en fait et, enfin, la circonstance d’irrégularités affectant le report de sept procurations sur la liste d’émargement a été sans incidence sur le résultat du scrutin compte tenu de l’écart des voix entre les listes en présence.
(9 juillet 2021, M. D., Élections municipales de Saint-Romain-de-Jalionas, n° 445437)
116 - Élections municipales - Nécessité de griefs ayant une incidence sur la sincérité ou sur la régularité du scrutin - Absence - Rejet.
Confirmant la solution de rejet retenue par les premiers juges, le Conseil d’État rejette tous les griefs qui, même établis, n’ont pu avoir une influence sur la sincérité du scrutin ou sur sa régularité.
Tels sont : l’annonce, lors de la cérémonie des vœux, par le maire sortant, de sa candidature aux prochaines élections ; le fait, en l’absence de toute manipulation irrégulière, que les clés de l’urne aient été détenues, l’une par le maire, président du bureau de vote et l’autre par l’un de ses adjoints, assesseur dudit bureau ; la participation au scrutin d’une personne non inscrite sur la liste électorale, dès lors qu’une voix a été retranchée du nombre de suffrages exprimés au premier tour ainsi que du nombre total de suffrages qui se sont portés sur le seul candidat élu au premier tour ; des propos regrettables contenus dans un commentaire sur les réseaux sociaux, sans incidence sur les résultats du scrutin ; des critiques envers les candidats d’une liste figurant sur un « flyer » distribué l’avant-veille du scrutin mais n’excédant pas les limites de la polémique électorale ; le retrait par une candidate des bulletins à son nom ne saurait constituer une manœuvre en vue de fausser la sincérité du scrutin ; la vérification de l’identité d’un électeur après et non avant la sortie de l’isoloir, pour irrégulière qu’elle soit, n’a pu constituer une fraude ou une manœuvre dès lors qu’elle a eu lieu avant le dépôt de l’enveloppe dans l’urne, etc.
(9 juillet 2021, M. L. et autres, Él. mun. de Tramolé, n° 445767)
117 - Élections municipales et communautaires - Effets de la crise sanitaire sur la sincérité du scrutin - Irrégularités entachant le déroulement de la campagne - Invocation d’inéligibilité et incompatibilité - Rejet.
Le Conseil d’État confirme dans cette décision le rejet en première instance de la protestation du requérant De nombreux griefs étaient développés dont aucun n’a convaincu le juge.
Tout d’abord, l’état sanitaire, moyen classique invoqué à l’encontre de la régularité du premier tour du scrutin municipal de 2020, n’a pas altéré la sincérité de celui-ci.
Ensuite, diverses critiques étaient dirigées - en vain - contre le déroulement de la campagne électorale : une cérémonie des vœux adressés au monde économique, comme les années précédentes, et aux mêmes coût et conditions ; la publication, dans le magazine de la ville de Chartres, d’articles portant sur des sujets recoupant des thèmes de la campagne électorale, présentés comme articles d’information ne comportant pas d’éléments de polémique électorale ; la réutilisation de photographies dans des éléments de propagande électorale ; des publications et des incitations à voter pour une liste figurant sur Facebook, etc. n’ont pas porté atteinte à la sincérité du scrutin.
Enfin, sont rejetés le grief d’inéligibilité dirigé contre un candidat placé en septième position sur une liste et fondé sur sa qualité de directeur général de la gendarmerie nationale jusqu'en octobre 2019 ainsi que celui d’incompatibilité à raison de sa qualité de négociatrice immobilière exercée au sein de l’office public d’habitat de Chartres, concernant une candidate placée en trentième position sur cette liste.
(9 juillet 2021, M P., Él. mun et cnautaires de la ville de Chartres, n° 449217)
118 - Syndicat mixte - Désignation des membres du bureau du comité syndical (président et vice-présidents) - Crise sanitaire - Dérogation législative à la règle du quorum - Absence d’effet sur les conditions particulières de majorité requises pour l’obtention d’une majorité absolue qualifiée - Rejet.
(16 juillet 2021, M. N. et autres, n° 451002)
V. n° 27
119 - Compte de campagne non présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables - Compte présentant de graves irrégularités - Élu déclaré inéligible - Obligation pour la juridiction proclamant l’inéligibilité d’un élu de le déclarer démissionnaire d’office - Absence - Méconnaissance du principe général de procédure applicable même sans texte d’obligation d’épuisement du pouvoir juridictionnel - Annulation et proclamation de la démission d’office.
Il résulte des dispositions combinées des art. L. 118-3 et L. 270 du code électoral que l’élection du candidat proclamé élu, déclaré ensuite inéligible par le juge, doit être annulée. Lorsque cette élection n'a pas été contestée, l’élu doit être déclaré démissionnaire d'office et le candidat suivant, non encore élu, de la liste dont il était membre, doit être déclaré élu.
Le tribunal qui, après avoir constaté l’inéligibilité d’un élu s’abstient de le déclarer démissionnaire d’office n’épuise pas son pouvoir juridictionnel, en violation du principe général de procédure applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui fait obligation au juge administratif d'épuiser son pouvoir juridictionnel, sauf obstacle particulier.
(19 juillet 2021, Préfet du Nord, n° 450792)
120 - Élections municipales et communautaires - Conseillers non-résidents dans la commune - Règle du plafonnement (art. L. 228 c. électoral) - Cas des personnes non-résidentes effectuant des séjours fréquents et réguliers dans une commune pour l’exercice de leur activité professionnelle - xsNon-soumission au plafonnement institué par l’art. L. 228 c. élect. - Annulation.
L’art. L. 228 du code électoral dispose notamment que : « Nul ne peut être élu conseiller municipal s'il n'est âgé de dix-huit ans révolus.
Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection.
Toutefois, dans les communes de plus de 500 habitants, le nombre des conseillers qui ne résident pas dans la commune au moment de l'élection ne peut excéder le quart des membres du conseil.
Dans les communes de 500 habitants au plus, ce nombre ne peut excéder quatre pour les conseils municipaux comportant sept membres et cinq pour les conseils municipaux comportant onze membres.
Si les chiffres visés ci-dessus sont dépassés, la préférence est déterminée suivant les règles posées à l'article R 121-11 du code des communes ".
Le tribunal administratif, se fondant sur ces dispositions, a annulé l'élection d’un candidat en qualité de conseiller municipal et communautaire et celle d’un autre candidat en qualité de conseiller communautaire.
Sur appels de ces derniers, le Conseil d’État annule ce jugement au motif que les conseillers qui n'ont pas dans la commune leur résidence principale mais qui y effectuent des séjours fréquents et réguliers, notamment dans la journée pour l'exercice de leur activité professionnelle, doivent être regardés comme des résidents de la commune pour l'application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 228 du code électoral. Ils ne sont, par suite, pas soumis à la règle de plafonnement instituée par ces dispositions pour les conseillers qui ne résident pas dans la commune.
La solution s’autorise d’un certain bon sens mais celui-ci se concilie mal avec des textes assez clairs pour ne pas prêter à interprétation.
(20 juillet 2021, M. Sébastien U., Él. mun. et cnautaires d’Avesnes-sur-Helpe, él. à la cnauté de communes de Cœur de l’Avesnois, n° 4455552)
121 - Élections municipales - Inscription irrégulière d’un candidat sur une liste - Irrégularité constitutive d’une manœuvre - Très faible écart des voix - Confirmation de l’annulation des opérations électorales en première instance - Rejet.
Le juge d’appel confirme le jugement ayant annulé les opérations électorales s’étant déroulées dans une commune au motif que le membre d’une liste placé en neuvième position sur celle-ci l’a été irrégulièrement faute d’être inscrit au rôle des contributions directes de la commune et à la suite de manœuvres ayant d’autant plus altéré la sincérité du scrutin que l’intéressé jouissait d’une grande notoriété en raison d’activités professionnelles et associatives (maître-nageur et dirigeant sportif), que sa présence sur la liste a été l’un des thèmes débattus durant la campagne et qu’un écart de seulement deux voix séparait les listes en présence.
(16 juillet 2021, M. B.M., Él. mun. de Belleville-sur-Loire, n° 445801)
122 - Élections municipales et communautaires - Captation de votes par tout procédé - Infraction pénale (art. 106 code pénal) - Incompétence du juge administratif - examen des éléments constitutifs de l’infraction par ce juge en vue de la détermination de l’existence éventuelle de pressions sur les électeurs de nature à altérer la sincérité du scrutin - Confirmation du rejet de la protestation.
L’art. 106 du code pénal punit toutes sortes de comportements, actes ou autres de nature à faire pression sur les électeurs.
Dans la présente affaire, le juge administratif indique qu’il ne saurait, évidemment, faire application de ce texte qui ne relève pas de sa compétence mais précise en revanche que, recherchant si des pressions ont été exercése sur des électeurs et ont pu altérer la sincérité du scrutin, il lui est loisible d’effectuer cette recherche en retenant des éléments figurant dans cette disposition de nature pénale.
(22 juillet 2021, Mme C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Dourdan, n° 449614)
123 - Élections municipales et communautaires - Distribution de colis alimentaires durant l’épidémie de Covid-19 - Distributions effectuées par des candidats aux élections - Absence d’appartenance ou d’activités caritatives habituelles - Comportement de nature à affecter la libre détermination de certains électeurs - Écart des voix important - Absence d’effet sur la sincérité du scrutin et sur ses résultats - Rejet.
Le juge relève qu’une tête de liste et plusieurs co-listiers ont, avec des membres d'associations, participé à de nombreuses reprises, pendant la période d'avril à juin 2020, à des distributions de colis alimentaires dans différents quartiers de la commune alors qu'ils n'étaient pas habituellement engagés dans ces associations caritatives ou investis dans ce type d'actions.
Il estime que si ces distributions visaient à apporter aux personnes les plus démunies une aide pour faire face aux difficultés suscitées par l'épidémie de Covid-19 et le confinement qui a été ordonné au printemps 2020 pour lutter contre elle, il n’en reste pas moins que ces distributions, répétées et mises en valeur sur le compte Facebook de la personne tête de liste ainsi que dans la presse, doivent être regardées comme étant intervenues en vue des élections et comme ayant pu affecter la libre détermination de certains électeurs.
Cependant, conformément à sa jurisprudence, le Conseil d’État considère que, eu égard à l'écart de voix séparant la liste conduite par ce candidat des autres listes, il ne résulte pas de l'instruction que ces dons ont été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin et à en vicier les résultats.
La solution peut toutefois être discutée car l’écart des voix peut avoir été lui-même une conséquence de ces distributions irrégulières de colis et, du coup, le recours à la justification par l’écart des voix se retourne un peu contre le raisonnement du juge.
(22 juillet 2021, M. A. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Corbeil-Essonnes, n° 450129)
124 - Élections municipales et communautaires - Doutes sur l’authenticité de signatures portées sur les listes d’émargement - Retranchement hypothétique de voix - Nombre de voix retranchées excédant l’écart entre les listes - Confirmation de l’annulation des opérations électorales.
Application d’une solution jurisprudentielle classique : lorsque par retranchement hypothétique du nombre des suffrages correspondants à des émargements dont l’authenticité est douteuse, la soustraction ainsi opérée excède l’écart des voix entre deux listes, il y a lieu d’annuler les opérations électorales.
(22 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Noyon, n° 450421)
125 - Élections municipales et communautaires - Inscriptions à caractère injurieux et diffamatoires apposées dans la nuit précédant le scrutin - Altération de la sincérité du scrutin - Altération non compensée par d'autres irrégularités supposées existantes - Confirmation de l’annulation des opérations électorales.
Le juge d'appel confirme le jugement rendu par le tribunal administratif motif pris du grand nombre d'inscriptions injurieuses et diffamatoires envers une tête de liste et son directeur de cabinet apposées la veille du scrutin : compte tenu du faible écart de voix entre les listes, ces actes ont altéré la sincérité du scrutin sans que cela puisse être compensé par des irrégularités - à les supposer existantes - qu'aurait commises la liste ainsi injuriée et diffamée. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation des opérations électorales.
(27 juillet 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune d'Halluin, n° 450995)
126 - Élections municipales - Rejet du compte de campagne - Candidate déclarée démissionnaire d'office et inéligible - Première candidate suivante de la liste déclarée élue - Démission de cette dernière - Irrégularité - Rejet.
L'intéressée, dont le compte de campagne a été jugé irrégulier pour cause de dépôt tardif, a été déclarée démissionnaire d'office et frappée d'une inéligibilité pour un an tandis que sa suivante de liste était proclamée élue.
L'appel est rejeté sur les deux premiers points : la démission d'office et l'inéligibilité ont été décidées à bon droit. Il était irrecevable sur le troisième point car, d'un part, la démission d'office de Mme B. n'était pas effective à la date à laquelle Mme A. a fait acte de démission de son mandat et d'autre part, cette démission a été adressée non au maire de la commune, ce qui est la seule procédure normale, mais au greffe du tribunal administratif.
(28 juillet 2021, Mme B., Élections municipales du Haillan, n° 450142)
127 - Élections municipales - Bulletins de vote d'une liste de format inférieur à celui réglementaire - Différence de taille entre les bulletins de deux listes - Enveloppes plus épaisses pour une liste du fait de cette différence - Signe de reconnaissance - Rejet.
Confirmation du rejet en première instance d'une protestation en vue d'obtenir l'annulation d'élections notamment du fait que les bulletins de la liste B étaient d'un format 148 x 210 mm, inférieur à celui prescrit par l'article R. 30 du code électoral (210 x 297 mm) pour les listes comportant, comme en l'espèce, plus de trente-et-un noms, alors que ceux utilisés par la liste A respectaient ces mêmes prescription car il ne résulte pas de l'instruction que le choix de ce format révèle une manoeuvre ni que, en raison de la moindre épaisseur des enveloppes dans lesquelles ils étaient glissés, les bulletins de la liste conduite B auraient pu être aisément identifiés lors des opérations de vote.
(30 juillet 2021, M. A., Élections municipales de Lannemezan, n° 445676)
128 - Élections municipales - Griefs divers tenant au déroulement de la campagne - Griefs tirés du déroulement du scrutin - Rejet.
Confirmant le jugement des premiers juges, le Conseil d’État rejette la protestation dirigée contre les résultats des élections tenues dans cette commune. Aucun des griefs n'est retenu comme de nature à conduire à l'annulation des élections, aussi bien ceux tirés du déroulement de la campagne électorale (dénigrement des qualités de chef d'entreprise d'une tête de liste, versement à une date inopportune de subventions municipales, confusion alléguée entre le site internet d'une liste et celui de la commune) que celui tiré du déroulement du scrutin (interpellations d'électeurs à proximité d'un bureau de vote par les soutiens d'une liste)
(30 juillet 2021, M. D., Élections municipales de Pithiviers, n° 445985)
129 - Élections municipales et communautaires - Griefs multiples (campagne, procurations, émargements, accès au bureau de vote) - Rejet.
Aucun des griefs articulés au soutien de la protestation dont il était saisi n'a convaincu le juge d'appel.
Les éventuelles irrégularités affectant des procurations ne sont pas établies, la privation irrégulière de vote pour cinq électeurs donne lieu à attribution hypothétique de cinq voix à la liste battue, un suffrage a été irrégulièrement émis, il n'est pas établi de différences significatives dans les signatures portées sur la liste des émargements ; enfin, l'affirmation que l'accès au bureau de vote aurait été empêché pour huit électeurs n'est pas corroborée par les indications du procès-verbal.
(30 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Lodève, n° 446408)
130 - Élections municipales et communautaires - Irrégularités diverses - Référencement commercial irrégulier du site internet d'une liste de candidats - Disposition irrégulière des isoloirs - Annulation du second tour des élections - Effet sur le premier tour - Rejet.
La double irrégularité du référencement commercial du site internet d'une liste et de la disposition des isoloirs de plusieurs bureaux de vote, dépourvus de rideaux conformément aux instructions ministérielles pour cause d'épidémie, mais placés face aux électeurs et aux membres du bureau de vote, couplée au faible écart des voix, conduit à l'annulation des élections ainsi que l'ont jugé les magistrats du tribunal administratif.
L'annulation du second tour entraîne, par voie de conséquence, celle du premier tour alors même que cette dernière annulation n'était pas demandée par les protestataires.
(30 juillet 2021, M. AD. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Boucau, n° 446731)
131 - Élections municipales complémentaires (démissions d'une partie des élus) - Proclamation de quatre élus dont deux n'avaient pas recueilli plus du quart des électeurs inscrits - Correction illégale par le maire de cette irrégularité - Absence d'incidence sur les résultats du premier tour - Rejet.
Le point principal de cette affaire résidait dans ce qu'au soir du premier tour, alors qu'étaient proclamés élus quatre candidats, le maire, s'apercevant que deux d'entre eux ne satisfaisaient pas à l'exigence que, pour être élu au premier tour il faut avoir recueilli un nombre de voix égal ou supérieur au quart des électeurs inscrits, a, d'office, rectifié ces résultats.
Les premiers juges, après avoir annulé l'élection des deux élus en cause, ont estimé que l'erreur ayant été illégalement mais immédiatement corrigée, ceci était resté sans incidence sur les opérations électorales.
Le juge d'appel leur donne raison et doit être approuvé.
(30 juillet 2021, M. A., Élections municipales complémentaires de Sains, n° 448042)
132 - Élections municipales et communautaires – Absence de qualité d’électeur dans la commune – Absence d’inscriptions au rôle des contributions directes de la commune – Obligation de rapporter une preuve tirée de pièces ayant date certaine – Absence – Inéligibilité – Annulation.
Seules peuvent être élues à un conseil municipal les personnes électrices de la commune ou inscrites au 1er janvier de l’année de l’élection au rôle des contributions directes de cette commune. A défaut, il leur appartient de rapporter la preuve, au moyen de pièces ayant date certaine, qu’elles devaient être inscrites à ce rôle à la date ci-dessus.
En l’espèce, les deux candidats dont l’éligibilité était contestée avaient produit deux contrats de location de locaux à usage d'habitation conclus le 31 août 2019, des factures d'électricité et deux attestations établies le 28 janvier 2020 en application du c) de l'article R. 228 du code électoral par le directeur départemental des finances publiques, selon lesquelles les documents présentés permettaient aux intéressés d'être inscrits au rôle de l'année 2020 des impôts directs locaux dans la commune. C’est sur ces éléments que le tribunal administratif s’était fondé pour rejeter le grief d’inéligibilité dont il était saisi.
Cependant, le Conseil d’État annule ce jugement motif pris de ce qu’il ne résulte pas de l'instruction que les baux sous seing privé aient été soumis à la formalité de l'enregistrement. Par suite, ces documents n'ont pas acquis date certaine.
Il n’est donc pas établi qu’à la date du 1er janvier 2020, les intéressés remplissaient les conditions pour être inscrits au rôle des contributions directes de la commune de Mauléon-Licharre, ils étaient donc inéligibles.
Le jugement est annulé.
(2 août 2021, M. N. et autres, Él. mun. et cnautaires de Mauléon-Licharre, n° 446762)
133 - Élections municipales et communautaires - Chargée de mission d'évaluation et de contrôle des associations et organismes extérieurs – Qualité de chef de service (8° de l’art. L. 231 c. élect.) – Absence – Annulation.
Le tribunal administratif avait annulé l’élection d’une candidate au motif qu’exerçant les fonctions de chargée de mission d'évaluation et de contrôle des associations et organismes extérieurs, elle devait être considérée comme ayant la qualité de chef de service au sens et pour l’application des dispositions du 8° de l’art. L. 231 du code électoral qui frappe d’inéligibilité les personnes disposant, dans la commune où elles sont candidates, de ces fonctions ou les ayant exercé depuis moins de six mois. Toutefois, le Conseil d’État, relevant que si l’intéressée « est directement rattachée au directeur général des services de la communauté d'agglomération du Grand Périgueux et assiste en tant que de besoin aux instances de direction et de coordination, elle n'exerce aucune fonction d'encadrement, n'entretient des rapports de proximité avec les élus que dans le cadre de la préparation des séances de l'organe délibérant de la communauté d'agglomération, et ne dispose d'aucun pouvoir propre de décision, notamment en matière d'attributions des subventions, dont elle assure seulement le suivi administratif et le contrôle de l'utilisation », en déduit qu’elle ne tombe pas sous le coup des dispositions du 8° de l’art. L. 231 précité.
Le jugement est annulé en ce qu’il prononce l’éligibilité.
(2 août 2021, Mme P. et autre, Él. mun. et cnautaires de Boulazac Isle Manoire, n° 448530)
134 - Élections municipales et communautaires – Distribution massive de masques et de notices avec photographie d’un candidat – Faible écart des voix – Confirmation de l’annulation du scrutin.
Comme l’a jugé le tribunal administratif, la distribution de 15 000 masques en lots de 2, 4 et 10, la circonstance que sur les 4000 notices d'utilisation imprimées, 800 comportaient la photographie de M. D., le nombre d'électeurs ainsi susceptibles d'avoir reçu des masques associés à l'image de ce candidat, l'importance que présentait pour la population, à cette période, une distribution de masques et le retentissement favorable qui en a nécessairement découlé sur l'image de M. D., lequel a régulièrement communiqué sur les opérations menées par l'association qu’il présidait, constituent, au regard des dispositions de l’art. L. 52-8 du code électoral, une irrégularité de nature, compte tenu de l'écart de 161 voix séparant les deux listes arrivées en tête du second tour, à avoir altéré la sincérité du scrutin, sans que la circonstance que l’autre tête de liste ait lui-même procédé à la distribution de 1 000 masques, en sa qualité de candidat et en intégrant les dépenses correspondantes dans son compte de campagne, ne soit de nature à remettre en cause cette appréciation.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé les opérations électorales.
(18 août 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Trappes, n° 449592)
(135) V. aussi, sur ce litige, l’annulation par le Conseil d’État, du jugement confirmant le rejet, par la CNCCFP, du compte de campagne de M. D., la modicité des sommes en jeu et le non-dépassement du plafond légal ne justifiant pas cette sanction : 18 août 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Trappes, n° 449593.
Environnement
136 - Parc éolien - Arrêt d'appel enjoignant le dépôt d'une demande d'autorisation environnementale - Sursis à l'exécution de cet arrêt ordonné - Régime applicable aux installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent autorisées avant l'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 - Annulation.
Encourt annulation l'arrêt d'appel qui juge - au prix d'une erreur de droit - que les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent autorisées avant l'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, qui a soumis à autorisation au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement notamment celles comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres, sont néanmoins soumises à ce décret dès lors que le permis de les construire a été annulé postérieurement à la date d'entrée en vigueur de ce décret.
En effet, contrairement à ce qu'a jugé la cour, il résulte des dispositions combinées des art. L. 553-1 et L. 511-2 du code de l'environnement que les installations ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire en cours à la date d'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris avant cette date sont regardées comme étant autorisées au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, au bénéfice du régime d'antériorité créé par la loi du 12 juillet 2010, leur exploitation étant, à compter de la date de délivrance du permis de construire, soumise à cette législation.
(1er juillet 2021, Société Énergie renouvelable du Languedoc, n° 433449 ; Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et Association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de l'Hérault, 438811)
137 - Déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers - Agrément de filières de ces déchets - Arrêté et cahier des charges y relatifs - Actes à effets directs et significatifs sur l'environnement - Obligation d'une consultation préalable du public (art. L. 123-19-1 c. env.) - Absence - Annulation à effet différé.
Doivent être annulés pour avoir été pris au terme d'une procédure irrégulière l'arrêté du 20 août 2018 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers, pour le cas des catégories 3 à 10 de produits chimiques désignés à l'article R. 543-228 du code de l'environnement, ainsi que le cahier des charges qui y est annexé.
Ces actes ayant un effet direct et significatif sur l'environnement devaient être précédés, en application des dispositions de l'art. 123-19-1 du code de l'environnement, de la consultation préalable du public. En l'absence de respect de cette formalité, ils ont été irrégulièrement pris.
Leur annulation est prononcée avec effet différé au 1er janvier 2022.
(7 juillet 2021, Société EcoDDS, n° 425116)
138 - Autorisation d'implantation d'éoliennes - Obligation d'impartialité dans la délivrance de l'autorisation - Séparation entre autorité donnant son avis sur le projet et autorité autorisant le projet - Condition non remplie lorsque les deux actes résultent d'une instruction conduite par un unique service, fût-ce l'Autorité environnementale - Erreur de droit - Annulation.
Rappel, une nouvelle fois, de l'exigence posée par l'art. 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, telle au surplus qu'interprétée par la Cour de justice (20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10) selon laquelle l'évaluation environnementale de tout projet susceptible d'avoir des effets notables sur l'environnement, lorsqu'elle est assurée par une entité ou autorité publique, doit reposer sur une séparation fonctionnelle stricte entre l'autorité qui détient le pouvoir de décision par approbation du projet et celle qui doit donner un avis objectif sur ce projet.
Il suit de là qu'en cas de séparation effective de ces prérogatives entre deux autorités publiques (par ex., comme en l'espèce, entre un préfet de région et un préfet de département), la condition d'indépendance garante de l'objectivité d'examen n'est cependant pas remplie lorsque l'une et l'autre reposent sur une instruction unique menée par un même service administratif.
C'était le cas en l'espèce, d'où l'erreur de droit de la cour administrative d'appel qui avait jugée régulière la procédure suivie.
(7 juillet 2021, Association " Plus belle notre Verzée " et autres, n° 436301)
(139) V. aussi, identique : 7 juillet 2021, M. D., n° 436361.
(140) V. également, précisant qu'en cas de vice de procédure entachant l'avis de l'autorité environnementale qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, il appartient au juge, saisi de conclusions en ce sens, de surseoir à statuer en vue de la régularisation de l'avis, en précisant les règles selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu : 7 juillet 2021, Société Parc éolien du Bois Désiré, n° 436641.
141 - Interdiction de substances néonicotinoïdes (II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) - Communication de la liste à la Commission européenne - Abstention de la Commission de prendre des mesures d’urgence - Droit pour l’État de prendre des mesures d’urgence provisoires jusqu’à l’adoption de mesures communautaires - Absence d’erreur manifeste d’appréciation - Rejet.
Les requérantes poursuivaient l’annulation du décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques. Le Conseil d’État a sursis a statué dans l’attente des réponses de la CJUE aux questions préjudicielles qu’il lui a adressées. La Cour de justice a répondu dans une décision du 8 octobre 2020 (Union des industries de la protection des plantes contre Premier ministre et alii, aff. C-514/19).
Le II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime (issu de de l’art. 5 de la loi du 8 août 2016) a interdit à compter du 1er septembre 2018 l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits sous réserve de dérogations pouvant être accordées jusqu’au 1er juillet 2020.
Les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne le 2 février 2017 un projet de décret énumérant les substances actives visées par l'interdiction susénoncée, étant relevé que cette notification constituait la procédure d’information prévue à l’art. 5, al.4, de la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 et non la mise en œuvre du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Or la Commission, dans sa réponse du 3 août 2017 à cette notification s’est fondée sur ce dernier règlement.
Par son arrêt avant dire droit du 28 juin 2019, le Conseil d’État a interrogé la Cour de justice sur le point de savoir si, dans un tel cas, alors que la Commission n’a pu se méprendre sur le fondement retenu pour la décision notifiée, la notification en cause peut être regardée comme ayant été présentée au titre de la procédure prévue aux articles 69 et 71 de ce règlement et de prendre, le cas échéant, des mesures d'instruction supplémentaires ou des mesures répondant tant aux exigences de cette réglementation qu'aux préoccupations exprimées par cet État membre.
La Cour de justice, par son arrêt du 8 octobre 2020 en réponse aux questions posées par le Conseil d’État, a considéré :
1° que la communication, opérée au titre de l'article 5 de la directive du 9 septembre 2015, d'une mesure nationale interdisant l'usage de certaines substances actives relevant de ce règlement doit être considérée comme constituant une information officielle de la nécessité de prendre des mesures d'urgence, au sens de l'article 71, paragraphe 1, du règlement du 21 octobre 2009, lorsque cette communication comporte une présentation claire des éléments attestant, d'une part, que ces substances actives sont susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement et, d'autre part, que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante sans l'adoption, en urgence, des mesures prises par l'État membre concerné ;
2° que la Commission européenne a omis de demander à cet État membre s'il y a lieu de considérer que ladite communication constitue une information officielle au titre de l'article 71, paragraphe 1, du même règlement.
Elle a jugé, en outre, que les règlements d'exécution 2018/783, 2018/784 et 2018/785 de la Commission, relatifs aux conditions d'approbation des substances actives imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame, ne peuvent pas être considérés comme des mesures arrêtées par la Commission européenne sur le fondement de l'article 71, paragraphe 1, du règlement du 21 octobre 2009 en réponse à la communication à laquelle ont procédé, le 2 février 2017, les autorités françaises.
Or il est constant qu’il résulte des dispositions des articles 69 et 71 du règlement du 21 octobre 2009 que si, à la suite de l'information officielle d'un État membre de la nécessité de prendre des mesures d'urgence visant à interdire l'utilisation d'un produit ou d'une substance active, la Commission européenne s'abstient de prendre de telles mesures, l'État membre peut prendre des mesures conservatoires provisoires jusqu'à l'adoption de mesures communautaires.
En conséquence, le Conseil d’État juge que la notification, le 2 février 2017, du projet de décret d'interdiction des cinq substances de la famille des néonicotinoïdes comportait une présentation suffisamment claire des éléments de nature à attester que ces substances étaient susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement et que ce risque ne pouvait être maîtrisé de façon satisfaisante sans l'adoption, en urgence, de telles mesures d'interdiction. Par suite, comme la Commission européenne, dans sa réponse du 3 août 2017, n'a pas demandé aux autorités françaises s'il y avait lieu de considérer que cette communication constituait une information officielle au titre des mêmes dispositions, il s’ensuit, d’une part, que la notification du 2 février 2017 doit être regardée comme constituant l'information officielle de la Commission européenne au titre de l'article 71, paragraphe 1, du règlement précité du 21 octobre 2009 et, d’autre part, par voie de conséquence, que contrairement à ce qui est soutenu par les diverses organisations requérantes, Le décret attaqué doit être regardé comme constituant la mesure conservatoire provisoire prise par les autorités françaises sur le fondement de l'article 71, paragraphe 1, du même règlement à la suite de cette information officielle, jusqu'à l'adoption de mesures communautaires.
Faute d’apporter des éléments probants de nature à démontrer comme non fondées scientifiquement les mesures prises par ce décret et compte tenu de sa régularité au regard du droit de l’Union européenne, les requérantes sont déboutées.
(12 juillet 2021, Union des industries de la protection des plantes, n° 424617 ; Union des industries de la protection des plantes, n° 424621 ; Association générale des producteurs de maïs, n° 424625 ; Confédération générale des planteurs de betteraves, n° 424632 ; Fédération nationale des producteurs de fruits, n° 424633)
(142) V. aussi, la décision jugeant que, d’une part, le II de l'article L. 253-8 visé dans la décision précédente ne permettait aux ministres compétents d'accorder la dérogation sollicitée par la requérante que jusqu'au 1er juillet 2020 et que, d’autre part, qu’il résulte des dispositions combinées du II de l'article L. 253-8, dans leur rédaction issue de la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, et de l'article L. 253-8-3 du même code, issu de la même loi, que les nouvelles possibilités de dérogation par arrêté interministériel qu'elles prévoient jusqu'au 1er juillet 2023 ne visent que les cultures de betteraves sucrières. Dès lors, la requête de l'Association générale des producteurs de maïs tendant à l'annulation du refus de dérogation en vue d'autoriser temporairement l'utilisation du produit phytopharmaceutique Sonido contenant la substance active thiaclopride sur les semences de maïs, laquelle ne peut plus donner lieu à aucune mesure d'exécution de la part des ministres concernés, est devenue sans objet : 12 juillet 2021, Association générale des producteurs de maïs, n° 427387.
(143) V. également, confirmative des solutions précédentes, la décision jugeant notamment :
1° irrégulier l’art. 1er du décret n° 2019-1500 du 27 déc. 2019 qui, tout en décidant que les chartes d’engagements des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques doivent obligatoirement intégrer des modalités d’information des résidents ou des personnes présentes au sens du règlement européen 284/2013, rend cependant facultative l’inclusion des modalités d’information préalable à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques alors, précisément, que l’information des personnes habitant, ou présentes, à proximité des zones susceptibles d’être ainsi traitées constitue, avec d’autres, une mesure pertinente et efficace de gestion des risques liés à l’usage vicinal des substances phytopharmaceutiques ; cette disposition est irrégulière en tant qu’elle ne prévoit pas d’imposer que les chartes en cause prévoient des modalités d’information préalables à l’utilisation desdites substances ;
2° irrégulier l’arrêté du 27 déc. 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en ce qu’il a prévu des distances minimales incompressibles de sécurité insuffisantes (5, 10 ou 20 mètres selon les produits) en cas d’épandage des produits phytopharmaceutiques dont la cancérogénicité, la mutagénicité ou la toxicité pour la reproduction est avérée (cas du CMR1A) ou présumée (cas du CMR1B) (cf. règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008) pour la santé des habitants ou des personnes présentes même s’agissant de substances ne figurant à l’art. 14-2 inséré dans l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et à leurs adjuvants ce qui constitue une violation du principe de précaution : 26 juillet 2021, Collectif des maires anti-pesticides, n° 437815 ; Comité de recherche et d'information indépendant sur le génie génétique (CRIIGEN), n° 438085 ; Association Agir pour l’environnement, n° 438343 ; Chambre départementale d’agriculture de la Vienne, n° 438444 ; Coordination rurale Union nationale, n° 438445 ; Association Générations futures et autres, n° 439100 ; Association Générations futures et autres, n° 439127 ; Commune de Tremblay-en-France et autres, n° 439189 ; M. C. et autres, n° 441240 ; M. A. et autres, n° 443223.
(144) V. également la décision annulant la disposition d’un arrêté ministériel en tant qu'elle ne prévoit aucune mesure de protection de la santé des personnes travaillant à proximité immédiate de la parcelle traitée par un aéronef télépiloté : 26 juillet 2021, Association Santé Environnement Combe de Savoie et autres, n° 439902.
145 - Parcelles plantées en carottes - Prélèvements révélant la présence dans le sol de la substance active « 1,3-dichloropropène » - Établissement de procès-verbaux - Procès-verbaux de destruction des carottes - Référé suspension - Rejet.
Des prélèvements effectués par la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation révèlent la présence dans le sol de parcelles plantées en carottes, de la substance active « 1,3-dichloropropène », utilisée pour lutter contre les nématodes à kystes, vers parasites infestant particulièrement les carottes cultivées en sols sablonneux, substance dont l'utilisation n'est plus autorisée en France depuis 2018. En conséquence sont établis divers procès-verbaux dont ceux ordonnant la destruction des carottes en cause.
Les requérants demandent la suspension de l'exécution des cinq procès-verbaux de destruction des semis de carottes dressés par la BNEVP le 22 septembre 2020 jusqu'à ce qu'il soit statué, au fond, sur leurs demandes d'annulation de ces décisions. Leurs requêtes ayant été rejetées ils saisissent le juge de cassation.
Ce dernier, confirmant l’ordonnance du premier juge, rejette la demande de référé suspension.
Aucun des moyens développés devant lui n’emporte sa conviction : c’est sans erreur de droit qu’il a été jugé que n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées le moyen tiré de ce que, en l'absence d'un arrêté ministériel d'application, les dispositions de l'article L. 250-6 du code rural et de la pêche maritime qui autorisent le prélèvement d'échantillons de sol étaient manifestement insusceptibles de recevoir application ; semblablement, s’agissant d’une mesure de police, celle-ci n’avait ni à être précédée d'une procédure contradictoire portant sur la totalité des mesures que l'administration était susceptible d'adopter ni à comporter une motivation explicite sur le danger que le produit en cause était susceptible de présenter pour la santé publique, la sécurité des consommateurs ou l'environnement ; enfin, pas davantage ne peut être retenue l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la décision ordonnant la destruction des récoltes.
(13 juillet 2021, M. A., n° 448238 ; M. C., n° 448239 ; SCEA de la Quenaudière, n° 448241 ; EARL Neel, n° 448242 ; SCEA de la Bergerie, n° 448243)
146 - Aérodrome - Nuisances sonores - Autorisation dérogatoire d’atterrissage de nuit - Absence de limitation du nombre d’autorisations dérogatoires - Absence d’indication des motifs d’intérêt général justifiant l’octroi de ces dérogations - Violation du principe de non-régression - Annulation.
Un arrêté du 25 avril 2002 impose des restrictions d'exploitation de l'aérodrome de Beauvais-Tillé, notamment l’interdiction pour tout aéronef d'atterrir ou de décoller entre 0 heure et 5 heures, et pour les avions les plus bruyants d'atterrir ou décoller entre 22 heures et 7 heures du matin.
Un arrêté du 26 décembre 2019 a prévu que le ministre chargé de l'aviation civile peut, au cas par cas, autoriser des dérogations à cette interdiction d'atterrissage nocturne, dans les conditions qu'il fixe.
Les requérantes demandent l'annulation de l'article 1er de cet arrêté en ce qu’il porterait atteinte au principe de non-régression, énoncé au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, qui impose une amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.
Accueillant le recours, le Conseil d’État juge que l’art. 1er de l’arrêté litigieux, d’une part, ne limite pas le nombre de ces autorisations dérogatoires et d’autre part, n’énonce pas les motifs d'intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier.
Il est donc irrégulier et annulé.
(9 juillet 2021, Association de Défense de l'Environnement des Riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé et autres, n° 439195)
147 - Qualité de l’air – Concentrations excessives en dioxyde d’azote et en particules fines – Valeurs limites fixées par une directive de l’Union – Décisions du Conseil d’État (10 juillet 2010, n° 428409 et 12 juillet 2017, n° 394254) ordonnant à l’État la prise de mesures efficaces contre ces dépassements – Nouvelle constatation d’inefficacité – Condamnation à astreinte définitive – Produit de l’astreinte réparti en plusieurs personnes publiques et privées œuvrant dans la lutte contre la pollution atmosphérique.
A deux reprises, en 2010 et 2017, le Conseil d’État avait fait injonction à l’État de réduire significativement la pollution de l’air en respectant les valeurs limites que fixe la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe. Saisi à nouveau du problème, le Conseil d’État ne peut que constater que, pour l’essentiel, l’objectif fixé n’a pas été atteint, loin s’en faut, d’autant que c’est à une obligation de résultat qu’est soumis l’État en cette matière. Il ne s’agit pas de faire état d’efforts, de mises en œuvre de moyens, d’avancées législatives et/ou réglementaires comme, pour l’essentiel, le fait encore ici l’État, mais il convient d’obtenir des résultats. D’où la condamnation à dix millions d’euros au titre de la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée par sa décision précitée du 10 juillet 2010. Cette somme ne pouvant pas, à peine d’inconséquence, être versée à l’État ni, non plus, intégralement à la requérante, le juge en effectue judicieusement une répartition entre différentes personnes publiques suffisamment autonomes de l’État et diverses personnes privées, dont la requérante, œuvrant dans le champ de la lutte contre la pollution de l’air.
Dix millions d’euros c’est beaucoup comme symbole mais c’est peu au regard de l’effort à fournir pour remplir l’obligation de résultat.
On regrettera que le Conseil d’État n’ait pas décidé d’affecter ce montant, fixé il y a onze ans, d’un taux d’intérêt couvrant le prix du temps qui a passé, ce « Temps perdu » à la recherche duquel il faut maintenant s’atteler…
(4 août 2021, Association Les amis de la Terre France, n° 428409)
État-civil et nationalité
148 - Référé liberté - Projet de mariage entre un ressortissant français et une ressortissante algérienne - Publication des bans - Reports successifs de la date du mariage - Refus de délivrance d’un visa d’entrée en France en vue de la célébration du mariage - Existence en l’espèce, à titre exceptionnel, d’une urgence - Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale - Annulation.
Les requérants ont un projet de mariage concrétisé par la publication des bans en février 2021. Celui-ci a été différé à plusieurs reprises du fait du refus de l’autorité consulaire de délivrer à la future épouse, de nationalité algérienne, un visa d’entrée en France pour la célébration de son mariage.
En principe, un refus de visa d’entrée en France ne constitue pas, sauf circonstances exceptionnelles, une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge du référé liberté. Toutefois, au cas d’espèce, il est relevé que les intéressés, se connaissant depuis 2006, se sont fiancés en janvier 2020 et que la cérémonie de mariage a été reportée du fait de l’épidémie de Covid-19 et du refus du visa d’entrée en France de la future épouse, la condition d’urgence est satisfaite.
Ensuite, en raison du caractère sérieux du projet marital, en dépit d’affirmations contraires du ministre de l’intérieur, résultant, entre autres, de l’audition de Mme D. par l'officier de l'état civil du consulat général d'Alger en prévision de sa future union à la demande de la mairie de Lille avant la publication du mariage le 11 février 2021, le refus persistant de visa porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de se marier et de mener une vie familiale normale.
En conséquence est annulée l’ordonnance de référé du premier juge rejetant la demande des intéressés.
(ord. réf. 9 juillet 2021, M. D. et Mme B., n° 454174)
149 - Chasse aux oiseaux – Vanneaux huppés et pluviers dorés – Arrêtés autorisant la « tenderie aux vanneaux » dans le département des Ardennes – Violation de la directive « oiseaux » du 30 novembre 2009 – Méconnaissance des objectifs de la directive – Annulation des arrêtés.
Se prononçant sur des arrêtés portant, en matière de chasse aux vanneaux huppés et aux pluviers dorés, dérogation à la directive « oiseaux » en autorisant la « tenderie aux vanneaux » - technique de capture de ces oiseaux au moyen de filets à nappes fixés à terre -, le Conseil d’État rappelle, d’une part, qu’ils sont soumis à une obligation de motivation et que la seule invocation de l’inexistence d’une autre solution possible n’est pas jugée satisfaisante par la jurisprudence de la CJUE (CJUE 17 mars 2021, One Voice et Ligue pour la protection des oiseaux contre Ministre de la Transition écologique et solidaire, aff. C-900/19), interrogée sur ce point par le Conseil d’État, et d’autre part que l’objectif de préservation des méthodes traditionnelles de chasse ne saurait constituer à lui seul un motif pertinent et suffisant de dérogation.
Les arrêtés querellés ne satisfaisant à aucune de ces deux conditions cumulatives, sont annulés.
(6 août 2021, Ligue française pour la Protection des Oiseaux, n° 425435 ; Association One Voice, n° 425540 et n° 426515 ; Association One Voice, n° 434456 ; v. aussi, du même jour : Association One Voice, n° 443739)
(150) V. aussi, les solutions identiques retenue pour la chasse à l’alouette des champs au moyen de pantes et, le cas échéant, de matoles, autorisée dans quatre départements du Sud-Ouest : 6 août 2021, Association One Voice, n° 425464, n° 425473, n° 425495, n° 425503, 4 espèces jointes ; 6 août 2021, Association One Voice, n° 434375, n° 434400, n° 434459, n° 434460, 4 espèces jointes ; 6 août 2021, Association One Voice, n° 443736, n° 443745, n° 743746, n° 743748, 4 espèces jointes ; Ligue française pour la Protection des Oiseaux, n° 444588, n° 444589, n° 444590 et n° 444591, 4 espèces jointes.
(151) V. également, identique s’agissant de l’autorisation de la chasse au moyen de la tenderie aux grives dans le département des Ardennes : 6 août 2021, Association One Voice, n° 425549 ainsi que, dans ce même département, de l’autorisation de la tenderie aux grives ou aux merles noirs : 6 août 2021, Association One Voice, n° 434461 et, du même jour, Association One Voice, n° 443742.
Étrangers
152 - Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - Etablissement de la liste des pays sûrs - Étendue du contrôle du juge - Annulation partielle.
Les requérantes demandaient l'annulation de la délibération du 5 novembre 2019 par laquelle l'OFPRA a décidé de ne pas modifier la liste des pays d'origine sûrs fixée par une précédente délibération et l'abrogation du maintien sur cette liste de l'Arménie, de la Géorgie et du Sénégal.
Les moyens de légalité externe (composition irrégulière, non-respect des règles de quorum et de majorité, information insuffisante des membres du conseil d'administration de l'OFPRA lors de la délibération litigieuse, sources d'informations insuffisamment diversifiées, examen particulier de chaque pays) rejetés, le Conseil d’État examine ceux de légalité interne.
Concernant le cas des pays désignés par les requérantes, le Conseil d’État relève que le Bénin a été suspendu de cette liste en septembre 2020, que c'est à tort que le Sénégal et le Ghana ont été maintenus sur la liste au regard du critère - introduit par la loi du 18 septembre 2018 - d'interdiction de la prise en compte de l'orientation sexuelle tout comme la Géorgie, alors qu'aucune erreur d'appréciation n'est constatée s'agissant du maintien de l'Albanie, de l'Arménie (en dépit du conflit du Haut-Karabagh) et du Kosovo, avec des réserves pour ce dernier pays, sur ladite liste.
La délibération attaquée est annulée au regard du maintien sur la liste qu'elle a arrêtée du Bénin, du Ghana et du Sénégal.
(2 juillet 2021, Association des avocats ELENA France et autres, n° 437141 ; Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour (Ardhis) et autres, n° 437142 ; Association Forum Réfugiés-Cosi, n° 437365)
153 - Demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire - Procédure devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) - Contrôle du juge de cassation sur la qualification des faits par cette Cour - Rejet.
Le requérant, ressortissant afghan appartenant à l’ethnie hazâra, conteste en cassation le refus de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmé par la CNDA, de lui accorder le bénéfice de la qualité de réfugié ainsi que celui de la protection subsidiaire.
Il invoque au soutien de son pourvoi des moyens de procédure et des moyens relatifs au fond. Ils sont rejetés.
Au plan procédural, le Conseil d’État juge d’abord que dès lors que son avocat avait été avisé de la tenue de celle-ci et était présent à l’audience relative à la récusation de l’un des juges de la CNDA, la circonstance que le demandeur n’y ait pas été convoqué n’entache pas d’irrégularité celle-ci.
Il estime ensuite que la participation à la grande formation de la CNDA chargée d'examiner son recours d’une magistrate responsable du centre de recherche et documentation de la CNDA lors de l'élaboration d'une note d'information intitulée « Problématique de la PS c) - Analyse de la notion de violence aveugle – Méthodologie », diffusée aux membres de la grande formation de jugement ainsi qu'au sein de la Cour et qui donnait des éléments d'éclairage général sur des questions de droit, dont certaines n'étaient pas dénuées de lien avec celles sur lesquelles la Cour pourrait être amenée à se prononcer pour statuer sur la demande de protection présentée par M. B., n'était pas, par elle-même, susceptible de faire obstacle à ce qu'elle siège au sein de la cette demande.
Enfin, l’absence d'un membre de la formation de jugement saisie initialement du recours lorsque la grande formation de la Cour s’est prononcée sur ce recours n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la composition de celle-ci.
Au fond et s’agissant d’apprécier le climat, le risque et le degré de violence existant dans les parties de l’Afghanistan d’où le requérant provient, à travers lesquelles il doit transiter et dans sa destination finale, le juge de cassation est compétent pour apprécier la régularité de l’appréciation de la qualification des faits opérée par la CNDA.
Celle-ci détient un pouvoir souverain d’appréciation sous réserve de dénaturation.
(9 juillet 2021, M. B., n° 448707)
154 - Référé liberté - Demandeurs d’asile - Rejet par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) - Bénéfice d’un logement d’urgence - Signification d’un ordre de quitter le territoire français (OQTF) - Fin du droit à un hébergement d’urgence - Absence d’atteinte à une liberté fondamentale faute d’existence de circonstances exceptionnelles - Rejet.
Statuant en appel de référés liberté rejetés par le premier juge, le Conseil d’État confirme à des ressortissants géorgiens (req. n° 453716, n° 453721, n° 453723), kosovars (req. n° 453717, n° 453722) et albanais (req. n° 453718, n° 453719, n° 453720, n° 453725, n° 453726), la légalité de l’ordonnance rejetant leur recours en maintien d’hébergement d’urgence alors que leur demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA, rejet confirmé par la CNDA dès lors que, d’une part, sous le coup d’une OQTF, ils n’ont pas sollicité le bénéfice d’aides au retour, et, d’autre part, qu’ils n’invoquent pas au soutien de leurs demandes en référé de circonstances exceptionnelles justifiant l’existence d’une atteinte à une liberté fondamentale.
(ord. réf. 5 juillet 2021, Mme et M. A., n° 453716 ; Mme et M. C., n° 453717 ; Mme B. et M. A., n° 453718 ; Mme et M. C., n° 453719 ; Mme et M. B., n° 453720 ; Mme B. et M. C., n° 453721 ; Mme B. et M. C, n° 453722 ; Mme C. et M. B., n° 453723 ; Mme A. et M. B., n° 453725 ; Mme B., n° 453726)
155 - Étranger faisant l’objet d’un ordre de quitter le territoire français (OQTF) - Mise en rétention dans l’attente de l’exécution de l’OQTF - Référé liberté à l’encontre de la mesure de rétention - Irrecevabilité au-delà de quarante-huit heures - Poursuite d’exécution de l’OQTF malgré la demande d’asile - Rejet.
Un ressortissant étranger faisant l’objet d’une OQTF et ayant engagé une procédure de reconnaissance de sa qualité de réfugié use du référé liberté pour demander la suspension de l’arrêté portant OQTF.
Sa requête est doublement rejetée.
Tout d’abord, l’étranger faisant l’objet d’une OQTF peut être placé en rétention administrative dans l’attente que puisse être exécutée la mesure d’éloignement du territoire français ; toutefois, cette rétention, au-delà de 48 heures, doit être autorisée par un juge des libertés et de la détention, c’est-à-dire par un juge judiciaire. Est donc irrecevable devant le juge administratif la demande en référé dirigée contre une rétention qui a déjà duré plus de 48 heures.
Ensuite, ne saurait constituer une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile justifiant qu’en soit ordonnée la suspension la circonstance que nonobstant sa demande de se voir reconnaître la qualité de réfugié soit poursuivie la procédure d’OQTF puisque, en toute hypothèse, son expulsion est suspendue tant que l’OFPRA ne s’est pas prononcé sur son cas et, le cas échéant, tant que la CNDA éventuellement saisie n’a pas statué.
(ord. réf. 9 juillet 2021, M. Ashry, n° 453670)
156 - OQTF - Délai de quinze jours pour former un recours en annulation de cet OQTF - Caractère franc de ce délai.
Répondant à une demande d'avis d'un tribunal administratif, le Conseil d’État juge que le délai de quinze jours prévu au I bis de l'art. L. 512-1 du CESEDA, devenu l'art. L. 614-5 du même code, dans lequel l'étranger qui a fait l'objet d'un arrêté portant OQTF peut contester devant le juge administratif la légalité de cet arrêté est un délai franc car, sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour (dies a quo) étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour (dies ad quem) étant le lendemain du jour de leur échéance. Les recours doivent donc être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application des règles définies à l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'une demande présentée le premier jour ouvrable suivant.
(30 juillet 2021, M. A., n° 452878)
Fonction publique et agents publics
157 - Rémunération indûment versée - Répétition de l'indu - Délai - Causes d'interruption de la prescription - Annulation.
Cette décision est importante par les précisions qu'elle apporte et qui mettent un point définitif à des solutions jusque-là incertaines.
En premier lieu, il est jugé qu'en cas de versement d'une rémunération indue à l'un de ses agents, la personne publique, se fondant sur les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, peut la répéter dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.
En second lieu, conformément aux principes qu'illustrent les art. 2241 et 2242 du code civil et qui sont applicables aux relations entre les administrations publiques et leurs agents, le délai biennal de prescription peut être interrompu ou suspendu par l'une quelconque des causes d'interruption et de suspension figurant au titre XX du livre III du code civil. Ainsi en va-t-il de l'exercice par un agent public d'un recours juridictionnel, lequel interrompt le délai de prescription, quel qu'en soit l'auteur, et jusqu'à l'extinction de l'instance.
En l'espèce, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, d'une part, en jugeant que la prescription biennale (cf. art. 37-1, loi du 12 avril 2000) applicable aux créances afférentes aux trop-perçus de rémunération de l'agent, ne pouvait avoir été interrompue par le recours contentieux formé par l'intéressée tendant à l'annulation des titres de perception émis par l'administration en vue du recouvrement de ces créances, et d'autre part, en déduisant de cette affirmation qu'aucune régularisation des titres de perception annulés n'était possible.
(1er juillet 2021, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 434665)
158 - Litige en matière de pension militaire d’invalidité – Matière relevant du plein contentieux - Possibilité d’apprécier, sur demande du requérant, la régularité de la décision litigieuse - Exercice du recours administratif préalable obligatoire - Effets.
Répondant à une demande d’avis portant sur le point de savoir si, lorsqu'il a à trancher un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens, la régularité de la décision en litige, le Conseil d’État donne une réponse qui va au-delà de la question posée.
Tout d’abord, en sa qualité de juge de plein contentieux, le juge saisi d’un litige en matière de pension militaire d’invalidité doit, d’une part, se prononcer en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et, d’autre part, le cas échéant, apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.
Ensuite, il résulte tant de l’art. 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 que de son décret d’application du 29 décembre 2018 instituant une commission de recours de l'invalidité chargée d'examiner les recours administratifs préalables obligatoires formés à l'encontre des décisions individuelles en matière de pensions militaires d'invalidité, que les décisions prises sur le recours administratif préalable obligatoire se substituent aux décisions initiales et sont seules susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux comme indiqué au point précédent. Cette substitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient invoqués à leur encontre des moyens tirés de la méconnaissance de règles de procédure applicables aux décisions initiales qui, ne constituant pas uniquement des vices propres à ces décisions, sont susceptibles d'affecter la régularité des décisions soumises au juge.
(Avis, 9 juillet 2021, M. B., n° 451980)
159 - Fonctionnaire territorial - Suppression d’emploi - Recherche d’un emploi de reclassement - Annulation par le juge de l’excès de pouvoir - Pouvoirs et office du juge en ce cas - Injonction.
La requérante, rédactrice territoriale, occupait depuis 2013 un emploi de chargée de mission auprès du directeur des services techniques de la commune de Montmagny. Cet emploi ayant été supprimé à compter du 14 juillet 2014, l’intéressée a été maintenue en surnombre et celle-ci a demandé au juge d'annuler cette délibération et cet arrêté et d'enjoindre à la commune de Montmagny de la réintégrer rétroactivement au 14 juillet 2014 dans un emploi correspondant à son grade. Si le premier juge a rejeté ces demandes, celles-ci ont été accueillies en cause d’appel car la cour a considéré que la commune avait manqué à son obligation de recherche des possibilités de reclassement du fonctionnaire.
C’est contre cet arrêt que la commune s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’État annule l’arrêt car lorsque le juge administratif annule pour excès de pouvoir la décision par laquelle l'autorité territoriale a maintenu un fonctionnaire en surnombre en raison de la suppression de l'emploi qu'il occupait, il lui incombe en principe seulement d'ordonner à l'autorité territoriale, sur le fondement de l’art. L. 911-2 CJA, de rechercher s'il est possible de le reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois.
Toutefois, dans le cas où et seulement en ce cas, il résulte de l'instruction qu'il existe, à la date à laquelle le juge statue, un emploi sur lequel le fonctionnaire peut être reclassé, compte tenu de son grade et des nécessités du service, le juge saisit du litige enjoint à l'autorité territoriale, cette fois sur le fondement de l'article L. 911-1 CJA, de proposer au fonctionnaire cet emploi.
Statuant au fond en raison d’une seconde cassation, le Conseil d’État enjoint à la commune de Montmagny de rechercher s'il est possible de reclasser Mme A. sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
(12 juillet 2021, Mme A., n° 442606)
160 - Agents non statutaires des collectivités territoriales - Agents involontairement privés d'emploi ou ayant signé une rupture conventionnelle ou dont le contrat de travail a été rompu d'un commun accord - État de chômage se prolongeant en dépit d'une recherche active d'emploi - Droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi - Rejet.
Le juge, rejetant le pourvoi de la commune, déduit de dispositions du code du travail (art. L. 5421-1, L. 5422-20 et L. 5422-21) que les agents non statutaires des collectivités territoriales (comme aussi d'ailleurs ceux des établissements publics administratifs autres que ceux de l'État et ceux des groupements d'intérêt public) qui ont quitté volontairement l'emploi qu'ils y occupaient et dont le chômage se prolonge en dépit des efforts de recherche d'emploi, ont droit, aux conditions légales, à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (art. 46 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage).
(5 juillet 2021, Commune de Colmar, n° 429191)
161 - Agent public local contractuel (CDI) - Contrat d’« assistant d’élus » - Licenciement - Demande de diverses indemnisations - Détermination de sa position statutaire par le juge - Absence - Manquement à l’office du juge - Erreur de droit - Annulation.
Suite à son licenciement, un agent public contractuel communal, a demandé l’annulation de cette décision, sa réintégration ainsi que diverses indemnités.
Il se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel en tant qu'il rejette ses demandes indemnitaires au titre de l'illégalité de son licenciement et au titre des congés payés dont il a été privé.
Le pourvoi est partiellement admis et l’un de ses motifs est un rappel significatif de l’office du juge dans le contentieux indemnitaire des fonctionnaires et agents publics. En l’espèce, la cour s’était bornée à relever que les fonctions exercées par le demandeur n'avaient pas pour effet de le soumettre aux dispositions du décret du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet et que l'intéressé ne pouvait pas être regardé comme ayant occupé un emploi de rédacteur territorial. Elle a ensuite réglé le litige sans aucunement procéder, comme il lui incombait, à la détermination de sa position statutaire manquant ainsi à son office et commettant par suite une erreur de droit s’agissant de fixer ses droits indemnitaires.
(13 juillet 2021, M. A., n° 438286)
162 - Fonctionnaire - Pathologie - Imputabilité au service - Existence d’un état antérieur - Effet sur l’imputabilité - Nécessité d’une résorption intégrale de cet état au moment de l’apparition de la pathologie - Annulation.
Rappel d’une règle constante.
L’existence d'un état pathologique antérieur ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état postérieur d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état détermine à lui seul l'incapacité professionnelle de l'intéressé.
En conséquence entache d’erreur de droit son arrêt la cour qui ne recherche pas, pour déterminer si la pathologie actuelle d’un agent est exclusivement imputable à l'évolution de son état de santé antérieur, si les séquelles d’un accident survenu le 13 mars 2013 avaient été entièrement résorbées au 2 novembre 2015, date à partir de laquelle cet agent entendait voir reconnaître l'imputabilité au service des congés maladie.
(13 juillet 2021, M. B., n° 441274)
163 - Égalité des chances - Accès à certaines écoles et à certains organismes de formation des fonctionnaires - Organisation d’un concours externe spécial - Sélection sur critères sociaux - QPC dirigée contre l’ordonnance du 3 mars 2021 organisant cette procédure - Rejet.
La requérante, - à l’appui de sa demande d’annulation pour excès de pouvoir de l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public, du décret n° 2021-239 du 3 mars 2021 instituant des modalités d'accès à certaines écoles de service public et relatif aux cycles de formation y préparant, des arrêtés du président du Centre national de la fonction publique du 8 mars 2021 portant ouverture de concours pour les administrateurs territoriaux et du 1er avril 2021 fixant le nombre de postes ouverts aux concours pour le recrutement des administrateurs territoriaux, de l'arrêté de la ministre de la transformation et de la fonction publiques du 25 mars 2021 autorisant l'ouverture du concours externe, du deuxième concours externe, du concours externe spécial, du concours interne et du troisième concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration pour l'année 2021 et des arrêtés du ministre des solidarités et de la santé du 8 avril 2021 portant ouverture des concours d'admission aux cycles de formation des élèves directeurs d'hôpital et des élèves directeurs d'établissement sanitaire, social et médico-social, - demande au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public.
La requérante soutient que l'ordonnance précitée méconnaît le principe d'égal accès aux emplois publics énoncé à l'article 6 de la Déclaration de 1789, le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 1er de la Constitution et l'étendue de la compétence du législateur, en tant que les dispositions de ses articles 1er à 4 instaurent une voie d'accès spécifique à des écoles de service public qui n'est justifiée ni par les mérites des candidats, ni par les besoins du service public et qui repose sur des critères sociaux insuffisamment définis.
Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle la nécessité de combiner ici deux principes : d’une part, celui selon lequel le législateur peut régler de façon différente des situations différentes et, ce faisant, de déroger à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, et d’autre part, celui selon lequel si, dans les nominations de fonctionnaires, il ne doit être tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents, peuvent cependant être fixées des règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires selon des modalités différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public.
Par ailleurs, le juge relève qu’aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées dès lors que les différences de traitement qui en résultent répondent à des fins d'intérêt général qu'il appartient au législateur d'apprécier.
Ensuite, constatant la volonté politique d'accroître la diversité des profils des personnes constituant la fonction publique, le Conseil d’État relève que le dispositif envisagé et mis en place par le texte litigieux et ses textes d’application consistant, d’une part, en un concours externe spécial régi par les mêmes conditions de diplôme, comportant le même programme et les mêmes épreuves, faisant l'objet du même jury que le concours externe et ne pouvant représenter une proportion supérieure à 15% des recrutements opérés par la voie du concours externe, et d’autre part, ouvert aux personnes qui suivent ou ont suivi un cycle de formation préparant à ce concours, repose sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec l'objet qui leur est assigné. Enfin, la volonté de diversifier les profils des personnes recrutées dans la fonction publique repose sur un motif d'intérêt général. Le renvoi par le législateur à un décret en Conseil d’État du soin de déterminer ces critères sociaux, n’est pas davantage critiquable.
Est donc refusé le renvoi de la QPC.
(13 juillet 2021, Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, n° 452060)
164 - Garanties accordées aux fonctionnaires chargés d’une activité syndicale - Activité syndicale représentant au moins 70% d’un service à temps plein - Mise à disposition ou décharge d’activité - Décompte de la quotité minimale - Différence de traitement - QPC - Différence en rapport avec son objet - Rejet.
(13 juillet 2021, Syndicat national Solidaires finances publiques, n° 452072)
V. n° 210
165 - Agent public territorial - Éducateur territorial de jeunes enfants - Licenciement pour insuffisance professionnelle - Erreur d’appréciation - Rejet.
Le président de la communauté de communes requérante a procédé au licenciement pour insuffisance professionnelle d’une agent public titulaire dans le cadre d’emploi des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, en se fondant notamment sur un rapport d'analyse des risques psychosociaux effectué par un cabinet extérieur et sur les plaintes déposées par de nombreux agents placés sous l'autorité de l’intéressée, sur l'incapacité de cette dernière à développer des relations de travail adéquates avec ses collègues, cette « insuffisance managériale » étant susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service.
La cour administrative d’appel avait annulé ce licenciement car même si les difficultés relationnelles avec certains agents étaient établies, elles ne pouvaient suffire à caractériser l'inaptitude de l'intéressée à exercer l'ensemble des fonctions correspondant au grade qu'elle détient dans le cadre d'emplois, relevant de la catégorie B, des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, lesquelles ne sont, pour l'essentiel, pas des fonctions d'encadrement et elle en avait déduit que le licenciement était entaché d’une erreur d’appréciation.
Elle est confirmée par le Conseil d’État qui, exerçant ici un contrôle de qualification juridique des faits d’insuffisance professionnelle d’un agent public, rejette le pourvoi en rappelant que le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.
(20 juillet 2021, Communauté de communes Val de Charente, n° 441096)
(166) V. aussi la décision jugeant entaché d’erreur de droit l’arrêt annulant un licenciement pour inaptitude professionnelle car, devant le conseil de discipline, les témoins cités par l'administration, respectivement le secrétaire général et le directeur des ressources humaines de la préfecture au sein de laquelle l’intéressé était affecté, ont été appelés simultanément et ont témoigné en présence l'un de l'autre, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État. Le Conseil d’État reproche à l’arrêt de n’avoir pas recherché si, en l'espèce, cette méconnaissance avait, eu égard aux fonctions exercées par les témoins, à l'origine de leur citation et à la teneur de leurs propos, effectivement privé l'intéressé de la garantie qui s'attache à la sincérité des témoignages. : 20 juillet 2021, Ministre de l’intérieur, n° 445843 et n° 445845.
167 - Militaire - Tenue de propos excessifs à l’égard de cadres militaires et autres autorités publiques - Sanction disciplinaire - Membre d’une association nationale professionnelle de militaires - Qualité sans effet sur la légalité de la sanction - Rejet.
Un militaire qui a été sanctionné disciplinairement à raison de propos tenus sur des sites internet tant à l’encontre de cadres de l’armée que d’autorités publiques, argue de ce qu’il appartient à une association nationale professionnelle de militaires pour soutenir l’illégalité de la sanction infligée.
Son recours est rejeté car même si « les membres des associations professionnelles nationales de militaires peuvent exprimer des positions publiques sur les questions relevant de la condition militaire, les propos qu'ils tiennent publiquement ne sauraient excéder les limites que les militaires doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l'égard des autorités publiques. En particulier, la circonstance qu'il soit membre d'une association professionnelle nationale de militaires ne saurait permettre à un militaire de tenir des propos diffamatoires ou outranciers à l'égard de cadres de l'armée ou des appréciations sur l'action d'autres autorités publiques. »
(20 juillet 2021, M. B., n° 444784)
168 - Agent public territorial - Nouvelle affectation - Invocation d'un harcèlement moral - Notion - Application en l'espèce - Rejet.
L'intéressée se plaignait d'être victime d'un harcèlement de la part de la commune qui l'employait. Le Conseil d’État rappelle sa grille d'analyse de l'existence éventuelle d'un tel harcèlement : " Pour être qualifiés de harcèlement moral, (des) agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral."
En l'espèce, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel, dont l'arrêt était frappé de pourvoi dans la présente affaire, a notamment relevé, pour rejeter l'appel dont elle était saisie que l'exercice par l'intéressée des missions de secrétaire comptable résultaient d'une réorganisation de la direction des affaires culturelles décidée dans l'intérêt du service, que cette nouvelle affectation correspondait à son grade et que sa notation avait alors régulièrement augmenté. Le pourvoi est rejeté.
(28 juillet 2021, Mme B., n° 436810)
169 - Concours - Concours d'agrégation des professeurs des facultés de droit - Principe d'impartialité - Régime de la preuve - Preuve non rapportée - Rejet.
Le requérant contestait par de nombreux moyens l'organisation, le fonctionnement et les décisions d’un jury d'agrégation de droit privé et de sciences criminelles portant recrutement de professeurs de l'enseignement supérieur ainsi que divers actes subséquents. Ils sont tous rejetés. L'un d'eux portait sur la violation en l'espèce du principe d'impartialité des jurys.
Sur ce point, le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence selon laquelle : " La seule circonstance qu'un membre du jury d'un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations de ce concours. Le respect du principe d'impartialité fait en revanche obstacle à ce qu'un membre du jury d'un concours puisse régulièrement siéger dans ce jury s'il a, avec l'un des candidats, des liens dont l'intensité est de nature à influer sur son appréciation. "
Cette position balancée tente de faire tenir un égal poids à la possibilité de contester et à la sauvegarde des décisions de jury trop aisément critiquées par les candidats malheureux. Toutefois, la mise en œuvre de cette ligne d'analyse concrète est très délicate et tourne généralement à la confusion du requérant. D'abord, en elle-même, la preuve est le plus souvent très difficile à rapporter. Ensuite, selon la nature des liens « intenses » allégués, il est des modes de preuve ou des natures de preuve impossibles à utiliser sauf pour le contestant à disposer de moyens quasiment policiers d'investigation.
D'un côté l'on voit mal comment le juge pourrait faire autrement que d'examiner les preuves rapportées, d'un autre côté la situation n'est pas très satisfaisante ; quant à attendre la sagesse et la moralité des hommes disposant de pouvoirs sur leurs semblables, il n'est pas douteux que si elles existaient cela se saurait depuis longtemps. (cf. Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser », De l’Esprit des lois, Livre XI, chap. IV)
(30 juillet 2021, M. B., n° 430066)
Hiérarchie des normes
170 - Ordonnance de l’article 38 de la Constitution – Recours contre une telle ordonnance après expiration du délai d’habilitation mais en l’absence de ratification et fondé sur la violation d’un droit ou d’une liberté que garantit la Constitution – Compétence exclusive du Conseil constitutionnel par voie de QPC – Recours invoquant aussi la violation de dispositions internationales ou du droit de l’Union – Compétence du juge administratif – Applications en l’espèce.
Retour sur un – désormais – grand classique de la hiérarchie des normes du à une innovation jurisprudentielle née de l’imagination débridée du Conseil constitutionnel : la compétence exclusive du Conseil constitutionnel pour connaître des QPC dirigées contre des ordonnances non encore ratifiées mais pour lesquelles le délai d’habilitation est expiré et qu’est invoquée à leur encontre une violation des droits et libertés que garantit la Constitution.
Dans cette décision, le juge administratif rappelle à plusieurs reprises que sont irrecevables devant lui les recours tendant à le faire juge de dispositions ordonnancielles non ratifiées mais à délai d’habilitation expiré argüées d’inconstitutionnalité pour atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution dès lors que ces recours ne revêtent pas la forme et les conditions d’une QPC.
En revanche, les exceptions d’inconventionnalité ou de violation du droit de l’Union assortissant lesdits recours relèvent de la compétence du juge administratif saisi.
Tel est le cas, en l’espèce, de l’art. 2 de l’ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation de règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale.
(4 août 2021, Syndicat des avocats de France et autres, n° 447916 ; M. A., n° 448388 ; Association des avocats pénalistes et autres, n° 448962)
Libertés fondamentales
171 - Office national des forêts (ONF) - Vente de bois de chêne - Décision établissant un formulaire d'engagement - Application à des ventes non réalisées par l'ONF - Atteintes à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie - Incompétence - Annulation.
(2 juillet 2021, Syndicat de la filière bois et autres, n° 423720)
V. n° 4
172 - Liberté d'association - Dissolution d'une association - Critique du régime légal - Absence d'atteinte au principe d'égalité - Absence d'incompétence négative du législateur - Décision fondée - Rejet.
La requérante contestait la juridicité du décret présidentiel la dissolvant et soulevait, entre autres, une question prioritaire de constitutionnalité. La demande est rejetée.
L'art. L. 212-1, 6°, du code de la sécurité intérieure ne porte pas atteinte au principe d'égalité du fait qu'il traite différemment des associations de la loi de 1901, lesquelles ne connaissent que la procédure de dissolution, d'une part, les associations ou groupements de fait ayant pour objet le soutien à des associations sportives, et d'autre part les lieux de culte, en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, puisque celles-ci font l'objet de mesures graduées, respectivement, de suspension ou de fermeture temporaire. Les réalités ne sont pas les mêmes.
Ce même article n'est pas entaché d'incompétence négative du fait qu'il ne précise pas à partir de combien d'agissements la dissolution est encourue car, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, cette mesure doit être adaptée, nécessaire et proportionnée aux faits reprochés.
Enfin, les faits recueillis et figurant au dossier de l'instruction attestent du bien-fondé de la mesure de dissolution qui, ainsi, ne saurait être jugée irrégulière.
(2 juillet 2021, Association "Génération identitaire", n° 451741)
173 - Référé liberté - Liberté syndicale - Autorisation d'absence - Participation à un congrès national et à une réunion régionale - Refus - Défaut de justification - Atteinte grave et manifestement illégale - Injonction au garde des sceaux de délivrer les autorisations demandées.
Annulant l'ordonnance du premier juge, statuant en référé liberté le Conseil d’État juge que le refus opposé par le garde des sceaux à un syndicaliste d'autoriser son absence afin de lui permettre de participer au congrès national du syndicat pénitentiaire des surveillants non-gradés et aux réunions du conseil syndical régional porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale au regard des arguments destinés à appuyer ce refus, aucun d'eux n'apparaissant sérieusement fondé ou de nature à le justifier.
Injonction est faite au garde des sceaux de délivrer d'urgence cette autorisation.
Il est à observer que le juge d'appel a été saisi les 25 et 30 juin et que cette ordonnance est rendue le 2 juillet pour des réunions devant se tenir les 5, 7 et 9 juillet.
(2 juillet 2021, M. A., n° 453961)
174 - Référé liberté - Liberté syndicale - Suspension du site internet d'un syndicat d'agents d'un département - Maintien d'un certain nombre de fonctionnalités - Atteinte à une liberté fondamentale non constitutive par elle-même d'une situation d'urgence - Rejet.
(5 juillet 2021, Syndicat SUD des personnels du département du Nord, n° 451062)
V. n° 35
175 - Référé liberté - Covid-19 - Institution d'un passe sanitaire - Document ou application contenant des données révélatrices de la vie privée et de la santé - Suspension du dispositif refusée - Rejet.
La requérante demandait notamment la suspension d'exécution du dispositif de « passe sanitaire », numérique ou papier, mis en place par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, en tant, d'une part, que ce dispositif exige le traitement dans le code en deux dimensions de données relatives à l'état civil et, d'autre part, que ce dispositif permet le traitement dans le code en deux dimensions de données de santé.
Elle invoque la possibilité qui aurait pu être retenue, d'inscrire sur les téléphones mobiles, grâce à un traitement national, un certificat ne contenant pour qualifier l'état de santé de la personne qu'un feu rouge ou un feu vert, parfaitement respectueux de la vie privée.
Le recours est rejeté.
D'abord le principe de minimisation des données a été respecté en l'espèce autant qu'il pouvait l'être dans la mesure où il faut bien s'assurer de l'identité de la personne présentant le passe et la CNIL y a d'ailleurs donné un avis favorable.
Ensuite, le risque de détournement et de lecture des données par un tiers doté d'un logiciel malveillant apparaît très limité.
Enfin, a correctement été apprécié l'impact que pouvait avoir sur les libertés le traitement TousAntiCovid.
(6 juillet 2021, Association La Quadrature du Net, n° 453505)
176 - Référé liberté - Police sanitaire - Non-reconnaissance d'un vaccin autorisé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - Licéité - Empêchement, pour ce motif, au retour d'un Français en France - Illégalité - Rejet.
Un Français résidant aux Émirats Arabes Unis (EAU), qui a été vacciné contre le Covid-19 au moyen du vaccin Sinopharm, lequel, reconnu par l'OMS, ne l'est pas par l'Union européenne (Agence européenne du médicament) demande au juge du référé liberté d'ordonner à la fois la suspension de l'exécution du décret du 1er juin 2021 en tant qu'il réserve la délivrance d'un justificatif de statut vaccinal aux seules personnes ayant reçu l'injection d'un vaccin ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence européenne du médicament et non à celles ayant reçu l'injection du vaccin Sinopharm et l'abrogation de ce texte par le premier ministre.
Le juge des référés déboute l'intéressé de sa demande au motif que le vaccin Sinopharm n'a pas fait l'objet, de la part de l'Agence européenne du médicament, des contrôles effectués pour ceux des vaccins autorisés par elle. De plus, il n'existe pas pour le vaccin Sinopharm de données suffisantes sur son aptitude à être efficace contre les variants du virus Covid-19, dont le variant delta qui est à l'origine d'une forte recrudescence des contaminations en Asie du Sud-Est et au Maghreb.
Ensuite, le juge répond au moyen du requérant tiré de ce que cette attitude porte atteinte de façon disproportionnée à sa liberté d'aller et venir et à sa vie privée et familiale dès lors que l'absence de vaccin adéquat le contraint à justifier pour entrer en France d'un test PCR ou antigénique négatif et d'un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé. Il rappelle fermement dans une formulation déjà plusieurs fois utilisée qu' « Il ne peut être porté atteinte au droit fondamental qu'a tout Français de rejoindre le territoire national qu'en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l'ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. Les restrictions de toute nature opposées à un Français qui souhaite se déplacer depuis l'étranger à destination de la France, en vue de préserver la situation sanitaire sur le territoire national, ne peuvent être légalement prises que si le bénéfice pour la protection de la santé publique excède manifestement l'atteinte ainsi portée au droit fondamental en cause. Elles ne sauraient, en tout état de cause, avoir pour effet de faire durablement obstacle au retour d'un Français sur le territoire national, sans préjudice de la possibilité, pour l'autorité administrative compétente, une fois la personne entrée sur le territoire national, de prendre les mesures que la situation sanitaire justifie, comme, le cas échéant, des mesures de quarantaine. »
Il constate que si le ministre de la santé souscrit à cette doctrine, le décret contesté contredit dans sa lettre cette attitude tout comme le site internet de l'ambassade de France aux Émirats Arabes Unis. Par ailleurs, si une circulaire du Premier ministre du 19 mai 2021 exonère les Français, leurs enfants et leurs conjoints de l’obligation de justifier de tout motif pour entrer sur le territoire national, il ne résulte pas de l'instruction que les mentions illégales et contraires du décret sur ce point soient privées par cette circulaire de tout effet sur les Français de l'étranger.
Ainsi, du fait du droit ainsi reconnu à tout Français de retourner chez lui (peut-être « plein d'usage et raison » comme dit le poète) sous la seule contrainte d'un test et d'une semaine d'isolement prophylactique, l'atteinte portée à la liberté fondamentale d'aller et de venir ne revêt pas un caractère manifestement illégal justifiant l'intervention du juge du référé liberté et conduit au rejet de la requête.
(ord. réf. 6 juillet 2021, M. A., n° 453559)
177 - Référé liberté – Rapatriements de ressortissants afghans aux fins de réunification familiale – Évacuations en urgence depuis l’aéroport de Kaboul – Accords de Doha (29 février 2020) – Incompétence de la juridiction administrative pour connaître de demandes dont l’objet n’est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France – Obtention de visas non nécessaire pour prétendre aux évacuations vers la France – Rejet.
Cette ordonnance de référé, rendue au titre des dispositions de l’art. L. 521-2 CJA, traduit juridiquement la terrible situation d’Afghans agglutinés sur l’aéroport de Kaboul et autour de celui-ci, fuyant la menace meurtrière et cruelle des talibans.
Saisi le 20 août depuis Kaboul dans l’état chaotique que l’on devine, le juge des référés a statué en formation collégiale, signe du caractère très sensible de l’enjeu politique et juridique du litige, et cela en moins de cinq jours. Si besoin était, cela légitime encore un peu plus l’introduction massive des référés devant le juge administratif à partir de la loi du 30 juin 2000, spécialement celle du référé-liberté.
L’enjeu des recours présentés par ces ressortissants afghans était d’obtenir d’être évacués, avec épouse et enfants, vers la France. Pour ce faire trois demandes étaient adressées, deux d’entre elles sont rejetées pour incompétence du juge saisi en raison de la nature d’actes de gouvernement des décisions prises ou à prendre par les autorités françaises, la troisième a été considérée sans objet du fait de l’assouplissement considérable des formalités administratives ordinairement exigées pour l’accès au territoire français en raison de l’état de fait régnant actuellement dans cette partie du monde.
En premier lieu, les intéressés demandaient que le dispositif de rapatriement d’Afghans vers la France soit complété et à ce que des rapatriements soient ordonnés par le juge des référés à l’État français. En application des accords de Doha (29 février 2020) prévoyant le retrait des troupes américaines d’Afghanistan au plus tard le 31 août 2021, l’aéroport international de Kaboul était sécurisé par celles-ci, la France pouvant évacuer par avion 500 personnes par jour à raison de deux vols de 250 personnes. L’organisation de ces rapatriements se faisant sous l’égide de plusieurs pays, le Conseil d’État a donc considéré, par une formule qui définit l’une des deux catégories d’actes de gouvernement, que « L'organisation de telles opérations d'évacuation à partir d'un territoire étranger et de rapatriement vers la France n'est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France ». Il est donc incompétent pour en connaître et, par suite, pour donner des ordres d’évacuation aux autorités françaises même s’agissant de personnes relevant du régime protecteur institué par les art. L. 561-2 et L. 561-5 du CESEDA en faveur des réfugiés. La solution, triste sans doute, n’était cependant guère évitable.
En second lieu, la même réponse est faite à la demande, qui se recoupe partiellement avec la précédente, qu'il soit enjoint aux autorités françaises à Kaboul de faire en sorte que les conjoints et enfants des ressortissants afghans titulaires du droit à réunification familiale qui parviennent aux abords de l'aéroport de Kaboul puissent y accéder. Là encore, c’est la nature juridique des opérations matérielles d’évacuation qui fait obstacle à la compétence du juge.
Enfin, s’agissant de la demande de délivrance de visas ou de toute autre mesure équivalente aux demandeurs et à leurs familles en vue d’une réunification familiale, elle est jugée sans objet. Il résulte des débats à l’audience qu’en raison de la fermeture du poste consulaire de Kaboul la délivrance de visas pour les Afghans relève désormais des postes de Téhéran et de New Dehli ce qui a conduit les responsables français présents à Kaboul à décider que la détention d'un visa d'entrée en France n'est pas requise pour prétendre au bénéficie des évacuations vers la France. Les personnes présentes à l'intérieur de la zone dédiée à la France dans l'enceinte de l'aéroport de Kaboul et éligibles à la réunification familiale, qu'elles soient ou non munies d'un visa, ont ainsi vocation à être prises en charge par les moyens militaires français, dans la mesure de leur disponibilité, en vue d'un transfert vers le territoire national, tant que la situation locale permet la poursuite de ces opérations. Par suite, la demande est devenue sans objet.
Cette décision montre tout à la fois la force et les limites des solutions juridiques.
(ord. réf., formation collégiale, 25 août 2021, M. G., n° 455744 ; MM. B. et C., leurs épouses et leurs enfants mineurs, n° 455745 ; M. J., n° 455746)
Police
178 - Prévention des risques naturels –Élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles « littoraux » (PPRL) du Pays d'Olonne - Modalités d'association des collectivités territoriales et de leurs groupements à l'élaboration du plan - Concertation avec le public - Concertation jugée suffisante par la cour administrative d'appel - Nature et options essentielles du projet de plan communiquées à un stade non trop tardif - Rejet.
Est rejeté le pourvoi de la commune des Sables d'Olonne contre l'arrêt qui a jugé que, dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels prévisibles « littoraux » (PPRL) du Pays d'Olonne, d'une part, la consultation du public avait été correctement assurée, d'autre part, les collectivités territoriales et leurs groupements avaient été suffisamment associés à celle-ci et qu'enfin, la circonstance que la nature et les options essentielles du projet de plan aient été connues un peu plus tard n'a pas empêché le public de faire utilement connaître ses observations.
(1er juillet 2021, Commune des Sables d'Olonne, n° 436132)
179 - Rencontres sportives - Match de football opposant le Football Club de Nantes à En avant Guingamp - Incidents divers antérieurs - Mobilisation policière du 14 juillet - Rejet de la demande en référé.
Était demandée la suspension de l’exécution de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 juillet 2021 réglementant le déplacement des supporters du Football Club de Nantes à Pornic lors de la rencontre du 14 juillet 2021 opposant le Football Club de Nantes à En avant Guingamp et, à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il s'applique hors du stade de Pornic.
Le premier juge avait, le 13 juillet, rejeté ces demandes. L’ordonnance est, sans grande surprise, confirmée en appel par le juge du Conseil d’État.
Celui-ci retient l’existence de vives tensions entre certains supporters du Football Club de Nantes et l'équipe dirigeante de ce club avec l'organisation d'une expédition ayant entraîné l'agression de certains salariés du club ; la réunion de sécurité tenue le 9 juillet 2021 pour ce match amical, ayant décidé, sur le fondement d'informations recueillies par les renseignements territoriaux, que ce match, auquel doivent assister des membres de la famille du président du club nantais, se tiendrait hors la présence du public compte tenu de la configuration du stade et, enfin, la mobilisation particulière des forces de l'ordre le 14 juillet, jour de la fête nationale, qui est le jour choisi pour tenir cette rencontre.
La mesure, comme déjà jugé en première instance, ne peut ainsi pas être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté de réunion et à la liberté d'expression.
(ord. réf. 14 juillet 2021, Association nationale des supporters, n° 454527)
180 - Règlement municipal de police - Interdiction de stationnement de plus de deux chiens sur la voie publique - Interdiction aux groupes de plus de trois personnes d’émettre des sons audibles par les passants - Prohibition générale et absolue - Illégalité - Annulation.
Le maire de Saint-Etienne, faisant usage des compétences qui lui sont dévolues par le code général des collectivités territoriales, a pris le 15 octobre 2015 un arrêté portant « code de la tranquillité publique » dont l’art. 1er dispose :
« Sont interdites du 16 octobre 2015 au 15 janvier 2016, sauf autorisation spéciale, toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances domaniales visées à l'article 5, accompagnées ou non de sollicitations à l'égard des passants, lorsqu'elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes, ou bien de porter atteinte à la tranquillité, au bon ordre et à l'hygiène publics. Sont notamment considérés comme des comportements troublant l'ordre public la station assise ou allongée lorsqu'elle constitue une entrave à la circulation des piétons ou une utilisation des équipements collectifs de nature à empêcher ou troubler un usage partagé, le regroupement de plus de deux chiens effectuant une ou plusieurs stations couchées sur la voie publique, les regroupements de plus de trois personnes sur la voie publique occasionnant une gêne immédiate aux usagers par la diffusion de musique audible par les passants ou par l'émission d'éclats de voix. (…) »
Contrairement au juge d’appel qui avait jugé que cet article se bornait à rappeler les pouvoirs généraux du maire en matière d'atteinte à la tranquillité publique ou au bon ordre, le Conseil d’État estime qu’en prohibant « comme étant de nature à porter par soi-même atteinte à l'ordre public le seul fait de laisser plus de deux chiens stationner, même temporairement, sur la voie publique, ainsi que, de manière générale, le fait pour un groupe de plus de trois personnes d'émettre des bruits de conversation et de musique " audibles par les passants ", sans en préciser la durée ni l'intensité, les mesures ainsi édictées par l'arrêté litigieux pour une durée de trois mois, sans aucune limitation de plage horaire et tous les jours de la semaine, dans un vaste périmètre géographique correspondant à l'ensemble du centre-ville de la commune, doivent être regardées, alors même que la commune de Saint-Etienne invoque une augmentation de la délinquance et des incivilités dans son centre-ville, comme portant, du fait du caractère général et absolu des interdictions ainsi prononcées, une atteinte à la liberté personnelle, en particulier à la liberté d'aller et venir, qui est disproportionnée au regard de l'objectif de sauvegarde de l'ordre public poursuivi. »
Il est jugé que si cet article 1er comporte également le rappel de principes généraux relatifs aux pouvoirs de police du maire concernant l'occupation de l'espace public et l'usage des voies publiques, ces dispositions doivent, en l'espèce, être regardées comme n'étant pas divisibles des interdictions susmentionnées.
Par suite l’association requérante est fondée à demander l'annulation des dispositions de l'ensemble de l'article 1er de l'arrêté attaqué.
(16 juillet 2021, Association Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, n° 434254)
(181) V. aussi, identique : 16 juillet 2021, Association Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, n° 434256
182 - Police sanitaire - Institution d’un passe sanitaire - Annonce contenue dans une allocution présidentielle - Annonce non suivie d’une décision à la date de l’ordonnance de référé - Défaut d’urgence - Rejet.
Doit être rejetée pour défaut d’urgence, le référé liberté dirigé contre l’annonce, par le président de la république, lors de son allocution télévisée du 12 juillet 2021, de la prochaine mise en place obligatoire d'un « passe sanitaire » pour l'accès à certains lieux publics alors que, à la date à laquelle se prononce le juge des référés, cette annonce ne s'est encore traduite par aucun acte réglementaire, ni aucune disposition législative rendant possible une telle mesure, seuls à même de produire des effets juridiques. La condition d’urgence faisant défaut, la demande est rejetée.
(ord. réf. 15 juillet 2021, M. B., n° 454501)
(183) V. aussi : ord. réf. 19 juillet 2021, Fédération nationale des cinémas français et autres, n° 434530
(184) V. également : ord. réf. 19 juillet 2021, Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et autres, n° 454643
(185) V. encore : ord. réf., 19 juillet 2021, Association France Festivals et autres, n° 454730 ou ord. réf., 27 juillet 2021, M. B., n° 454833 ou ord. réf., 27 juillet 2021, M. B., n° 454852.
(186) V., rejetant le recours d’une femme enceinte se disant discriminée et contrainte à abandonner toute vie sociale : 19 juillet 2021, Mme A., n° 454731
(187) V., rejetant, en l'absence d'atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de la requérante combinée à l'évolution de la situation, un recours en référé suspension dirigé contre le décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire : ord. réf. 27 juillet 2021, Mme A., n° 454793 ; égalmt : ord. réf., 29 juillet 2021, Association Victimes Coronavirus Covid-19 France et M. B., n° 454871 ; ord. réf., 29 juillet 2021, Mme D. et autres, n° 454892.
Solution identique s'agissant d'un référé dirigé contre le décret du 19 juillet 2021 en tant qu'il a étendu le passe sanitaire à de nombreux lieux : ord. réf., 28 juillet 2021, Mme A., n° 454873 et 30 juillet 2021, n° 455064 ou ord. réf., 28 juillet 2021, Mme D. et autres, n° 454885 ou ord. réf., 28 juillet 2021, M. C. et Mme D., n° 454886 ou en tant qu'il porterait atteinte à plusieurs libertés fondamentales : 30 juillet 2021, Association DataRating, n° 454907.
(188) Il n'y a pas davantage d'urgence au sens de l'art. L. 521-1 CJA ainsi qu'au sens de l'art. L. 521-2 CJA à suspendre l'exécution, principalement de l'art. 23 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié, l'obligation dans laquelle se trouverait un ressortissant français résidant en Grande-Bretagne, de présenter un justificatif de son statut vaccinal ou du résultat d'un test de dépistage alors que l'organisation de son prochain voyage en France le contraint à prendre des dispositions pour un test de dépistage, et que plusieurs ressortissants français se trouvent empêchés d'entrer en France à cause des dispositions critiquées. Le requérant ne démontre pas en quoi ces mesures porteraient une atteinte grave et immédiate à sa situation ni l'urgence à les suspendre : ord. réf., 29 juillet 2021, M. B., n° 454936 ou, très voisin : 21 juillet 2021, Mme A. B., n° 454384 et 30 juillet 2021, n° 455060.
189 - Police sanitaire - Publication sur un site gouvernemental - Interdiction, pour motif sanitaire, de la pratique du vélo - Violation d'un décret - Annulation.
La décision de publier sur un site gouvernemental l'indication selon laquelle il était interdit aux adultes, même seuls, de pratiquer le vélo pour les loisirs, est annulée en tant qu'elle s'appliquait aux déplacements pourtant autorisés par l'article 3 du décret du 23 mars 2020.
(29 juillet 2021, M. A., n° 440159)
190 - Police des risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public - Autorisation dans ces établissements d’équipements utilisant des fluides frigorigènes inflammables - Application des normes contestées aux équipements disposant du « marquage CE » - Renvoi préjudiciel à la CJUE.
Un arrêté ministériel (intérieur) du 10 mai 2019, modifiant l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, a autorisé, sous certaines conditions de sécurité, l'emploi dans ces établissements d'équipements utilisant des fluides frigorigènes inflammables.
Le syndicat requérant demande l'annulation des dispositions du nouveau paragraphe 3 inséré par l’arrêté du 10 mai 2019 à l'article CH 35 de l'arrêté du 25 juin 1980, à l'exception des dispositions figurant au a) et au c) de ce paragraphe.
Si le juge rejette le recours en tant que l’acte attaqué introduit des normes de sécurité, en revanche, il renvoie à la CJUE les questions préjudicielles découlant de ce que l’application de ces normes aux équipements utilisant des frigorigènes inflammables disposant du « marquage CE » est limitée aux seuls équipements « hermétiquement scellés ».
En effet, le syndicat requérant juge cette restriction contraire au droit de l’Union car elle instaure des exigences supplémentaires aux machines, équipements électriques ou équipements sous pression disposant déjà du « marquage CE » et donc nécessairement conformes aux exigences des trois directives communautaires en cause.
(16 juillet 2021, Syndicat Uniclima, n° 435581)
191 - Police du stationnement - Forfait post-stationnement - Paiement immédiat de la redevance - Justificatif de paiement incomplet ou comportant des renseignements erronés - Valeur probatoire en l’absence fraude -Rejet.
Ne commet pas d’erreur de droit la commission du contentieux du stationnement payant qui, pour décharger une automobiliste de l'obligation de payer le forfait de post-stationnement mis à sa charge par la commune de Strasbourg, juge que, bien qu'elle n'ait pas saisi correctement le numéro de la plaque d'immatriculation de son véhicule dans le dispositif permettant l'émission de son justificatif de stationnement, elle apportait néanmoins la preuve qu'elle s'était acquittée de la redevance due pour le stationnement de son véhicule, cela d’autant plus que la commune n'avait ni établi ni même allégué que cette erreur aurait résulté d'une fraude.
(16 juillet 2021, Commune de Strasbourg, n° 435621)
192 - Police de la salubrité et de l’insalubrité - Insalubrité irrémédiable - Condition et effets - Évaluation du coût de reconstruction de l’immeuble en état d’insalubrité irrémédiable - Refus de transmission d’une QPC.
Le Conseil d’État était saisi d’une demande de renvoi d’une QPC, qu’il rejette, reposant sur l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par le quatrième alinéa de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux.
La disposition litigieuse est ainsi conçue : « L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ».
La décision est intéressante en ce que, interprétant la seconde branche de l’alternative, elle inclut dans le montant de la reconstruction le coût de démolition de l’immeuble et ce contrairement à la réponse ministérielle à une question parlementaire publiée le 5 décembre 2007 au Journal officiel.
(16 juillet 2021, Mme B., n° 450188)
193 - Police du maintien de l'ordre public - Police des manifestations - Schéma national du maintien de l'ordre - Traitement différencié des journalistes professionnels et des autres journalistes - Rejet.
Le requérant contestait diverses dispositions du schéma national du maintien de l'ordre, figurant en annexe d'une circulaire du ministre de l’intérieur du 16 septembre 2020, qui a pour objet de définir le cadre d'exercice du maintien de l'ordre, applicable à toutes les manifestations se déroulant sur le territoire national, permettant ainsi de fixer une doctrine commune pour l'ensemble des forces de l'ordre.
Déjà saisi par plusieurs organisations dont des syndicats de journalistes, le Conseil d’État (voir cette Chronique, juin 2021, n° 122), avait annulé plusieurs des points de ce schéma et rejeté divers autres chefs de demande.
Dans la présente espèce, saisi d'un recours en annulation des points 2.2.2. et 2.2.4., le Conseil réitère sa jurisprudence précédente. Le point 2.2.2. n'est pas illégal en tant qu'il instaure un traitement différent par les forces de l'ordre des journalistes professionnels qui, de ce fait, sont titulaires d'une « carte de presse » et les autres journalistes qui n'en sont pas titulaires alors même que l'exercice de la profession de journaliste n'est pas subordonnée à la détention de cette carte. Les dispositions contenues au point 2.2.4. du schéma litigieux ayant déjà été annulées dans le décision précitée du 10 juin 2021 (req. n° 444849, 445063, 445355 et 445365), la demande de M. B. est, sur ce second point, devenue sans objet.
(29 juillet 2021, M. B., n° 445174)
194 - Police des accidents et fléaux calamiteux – Risque prévisible d'effondrement et d'affaissement de terrain dû à une cavité souterraine - Fermeture définitive d’une exploitation de camping – Prise d’une mesure suffisante de police – Absence régulière de mise en œuvre d’une procédure d’expropriation ou d’acquisition amiable – Possibilité d’engager la responsabilité sans faute à prouver de la personne publique – Rejet.
La société propriétaire d’un terrain qu’elle exploite à fins de camping a été informée de l’existence d’un risque naturel majeur résultant de la présence d’une cavité souterraine et d’une forte probabilité d’effondrement avec de graves risques pour les vies humaines.
Le code de l’environnement prévoit en ce cas la possibilité d’ouvrir une procédure d’expropriation ou une procédure d’acquisition amiable du terrain. C’est cette seconde solution qui lui a été proposée par la sous-préfète de l’arrondissement et que la société a acceptée.
Toutefois, par la suite, sa demande d’acquisition amiable ou d’expropriation ayant été rejetée implicitement du fait du silence gardée sur elle, la société a saisi, en vain, les juges administratifs de première instance et d’appel.
Sur pourvoi, le Conseil d’État approuve la solution retenue. En effet, les solutions prévues par le code de l’environnement ne sont que facultatives en particulier lorsqu’une mesure de police (ici la fermeture du camping) est suffisante pour permettre de protéger la population ou d’éviter son exposition au risque.
Il ne reste, selon le juge, qu’une possibilité à la société, qui demeure propriétaire du terrain litigieux, c’est d’actionner la commune en responsabilité sans faute à condition de satisfaire à la double condition de réparabilité en ce cas : l’existence d’un aléa excédant celui auquel il était raisonnable de s’attendre lors de la mise en exploitation d’un camping dûment autorisé par le pouvoir de police et l’existence d’un préjudice grave et spécial.
Doit cependant se discuter le point de savoir si la commune n’a pas engagé sa responsabilité pour faute en délivrant une autorisation d’exploitation sur un tel terrain sans s’assurer que cela était possible ; si l’on répond qu’elle ne pouvait pas savoir, il en va de même pour l’exploitant.
La solution nous semble très dure : pourquoi pas le recours automatique à l’acquisition amiable ou à l’expropriation d’autant que l’engagement sub-préfectoral d’une acquisition amiable a sans doute pesé lourd dans la décision d’acceptation par la société de la mesure de fermeture de son activité ?
(4 août 2021, Société Le Cro Magnon, n° 431287)
195 - Police de la circulation – Infraction routière justifiant un retrait de points du permis de conduire – Titulaire jugé pénalement coupable de l’infraction mais dispensé de peine – Interprétation stricte de la loi pénale – Dispense ne pouvant pas constituer une condamnation – Retrait illégal de points – Annulation de l’ordonnance du premier juge.
Rappel de ce que la déclaration, par le juge pénal, que le titulaire d'un permis de conduire est coupable d'une infraction justifiant un retrait de points de son permis mais le dispense de peine ne saurait être assimilée à une condamnation au sens de l'article L. 223-1 du code de la route et ne peut par suite établir par elle-même la réalité d'une infraction de nature à fonder un retrait de points.
(6 août 2021, M. B., n° 445514)
Professions réglementées
196 - Juridiction ordinale - Principe d'impartialité - Composition irrégulière de la formation de jugement - Office du juge d'appel - Obligation d'examen d'office - Compétence du juge de cassation pour censurer l'éventuelle erreur de droit du juge d'appel s’étant abstenu de cet examen - Annulation.
(1er juillet 2021, M. C., n°432358)
V. n° 31
197 - Chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmiers - Décret du 2 novembre 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et arrêtés subséquents - Autorisation d'accès partiel en cas de reconnaissance automatique de qualifications professionnelles - Réponse de la CJUE sur renvoi préjudiciel - Compatibilité avec le droit de l'Union - Rejet de diverses demandes d'annulation pour inconventionnalité ainsi que du surplus des requêtes.
Les recours tendaient à l'annulation d'un décret n° 2017-1520 du 2 novembre 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ainsi que de plusieurs arrêtés de la ministre des solidarités et de la santé pris en exécution de ce décret en tant qu'ils décidaient et organisaient la possibilité d'un accès partiel à l'une des professions auxquelles s'applique le mécanisme de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu par les dispositions du chapitre III du titre III de la directive du 7 septembre 2005.
Le Conseil d’État avait posé une question préjudicielle à la CJUE à laquelle celle-ci a répondu dans son arrêt du 25 février 2021 (Les chirurgiens-dentistes de France e. a., aff. C-940/19) ; il tire ici les conséquences de ce dernier.
La Cour ayant dit pour droit que le 6 de l'article 4 septies de la directive du 7 septembre 2005, telle que modifiée par la directive du 20 novembre 2013, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une législation admettant la possibilité d'un accès partiel à l'une des professions relevant du mécanisme de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu par les dispositions du chapitre III du titre III de cette directive, le Conseil d’État rejette les demandes d'annulation dirigées contre le décret attaqué ainsi que contre les arrêtés subséquents.
Les autres griefs sont également rejetés.
(2 juillet 2021, Confédération nationale des syndicats dentaires, devenue Les Chirurgiens-Dentistes de France, n° 419964 ; Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, n°s 417078, 417937, 418010, 418013 ; Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, n° 417963 ; Conseil national de l'ordre des infirmiers, n° 419746, jonction)
198 - Avocats aux conseils - Arrêté ministériel créant quatre nouveaux offices - Création justifiée - Rejet.
L’association requérant demandait l’annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, portant création de quatre offices d'avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle invoquait notamment l’accès récent de plusieurs avocats par intégration ou reprise d’offices existants, l’absence de justification de cette création en l’état d’une stagnation et puis d’une baisse de l’activité de la Cour de cassation ainsi que les disparités de chiffre d’affaires selon les offices.
La requête est rejetée aux motifs que ces créations améliorent le service rendu aux justiciables, que la baisse d’activité de la Cour de cassation est compensée par la hausse de celle du Conseil d’État et, enfin, que les chiffres d’affaires de ces offices permettent une rémunération moyenne nette qui demeure élevée.
(21 juillet 2021, Association des jeunes avocats aux conseils, n° 434750)
199 - Médecin - Juridiction disciplinaire - Procédure - Absence de production d’un nombre suffisant de copies de la requête - Régime juridique - Annulation.
Réitération d’une solution jurisprudentielle déjà plusieurs fois adoptée en matière de contentieux ordinal.
Si le président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins peut, par ordonnance, rejeter une requête pour défaut de production du nombre de copies requises par l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, sans avoir à en demander la régularisation préalable, lorsque l'obligation de cette formalité a été mentionnée dans la notification de la décision attaquée, en revanche, lorsque la notification de la décision attaquée se borne à rappeler les dispositions de l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, lesquelles ne permettent pas d'identifier aisément le nombre de copies requises, et n'indiquent pas le nombre de copies devant être produites en l'espèce, le rejet ne peut intervenir qu’après une mise en demeure, restée infructueuse, de régulariser précisant ce nombre.
Faute de cette demande préalable de régularisation en l’espèce, l’ordonnance de rejet est entachée d’irrégularité.
(22 juillet 2021, M. E., n° 448066)
(200) V. aussi, voisin : 30 juillet 2021, M. C., n°452281.
Question prioritaire de constitutionnalité
201 - Produits phytopharmaceutiques – Utilisation relevant de la seule police spéciale étatique – Incompétence du maire pour intervenir même en cas de carence de l’État – Absence d’atteinte au droit à la santé – Absence de méconnaissance des art. 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement – Refus de renvoyer la QPC.
La requérante demandait le renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC dirigée contre la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle constitue une police spéciale de l’État, exclusive de toute police municipale, la police de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques alors même qu’une décision juridictionnelle aurait constaté la carence de l’autorité compétente de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs de police spéciale, motif pris de ce qu’ « il incombe à cette autorité de prendre les mesures qu'implique l'exécution de cette décision, dans le délai qu'elle impartit ».
Nous voilà bien avancés…
Gageons que cette jurisprudence très discutable aura beaucoup de mal à convaincre le juge pénal national comme les juges de Bruxelles et de Strasbourg.
(1er juillet 2021, Commune d’Epinay-sur-Seine, n° 451362)
202 - Honoraires de postulation d'avocats - Libre fixation de principe (loi du 6 août 2015) - Maintien d'une tarification en Alsace-Moselle - Différence justifiant le renvoi d'une QPC.
Donne lieu au renvoi d'une QPC parce qu'elle est nouvelle et présente un caractère sérieux la question de savoir si la différence résultant de ce que les honoraires de postulation des avocats sont libres sauf dans les trois départements alsaço-mosellans ne porte pas atteinte au principe d'égalité.
(5 juillet 2021, M. C., n° 451174)
203 - Covid-19 - Mesures d'urgence en matière d'activité partielle (ordonnance du 27 mars 2020, art. 2, modifiée) - Possibilité offerte à certains employeur publics - Exclusion de ceux d'entre eux dont les ressources sont majoritairement constituées de subventions - Différence de traitement en rapport avec l'objet du dispositif d'urgence - Rejet.
Il n'y a pas à lieu de renvoyer la QPC tirée par le requérant de la différence de traitement instaurée, du fait de l'épidémie de Covid-19, en matière de placement des salariés en activité partielle selon qu'ils sont salariés d'EPIC de l'État ou des collectivités territoriales, de groupements d'intérêt public, des sociétés d'économie mixte à capital public majoritaire et de sociétés publiques locales exerçant à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources ou qu'ils sont salariés d'une entité, tel un établissement public de coopération culturelle à caractère industriel et commercial dont les ressources sont majoritairement constituées de subventions.
Le Conseil d’État juge, en effet, que cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet du dispositif d'urgence instauré par l'ordonnance, pour un temps limité et sous condition, pour les établissements qui n'ont pas adhéré volontairement au régime d'assurance chômage, de remboursement à celui-ci des sommes mises à sa charge, objet qui vise à prévenir et limiter le risque de cessations d'activité et de ruptures de contrats de travail, moins important pour des établissements qui ne sont pas financés majoritairement par le produit de leur activité industrielle et commerciale que pour les autres.
Le grief d'inconstitutionnalité fondé sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne présente donc pas en l'espèce le caractère sérieux qui aurait justifié le renvoi d'une QPC.
(7 juillet 2020, Établissement public de coopération culturelle Opéra de Rouen Normandie, n° 451752)
204 - Entreprise de transport aérien ou maritime - Obligation de réacheminement des étrangers non ressortissants de l’UE auxquels est refusée l’entrée sur le territoire français - Amende sanctionnant le non-respect de cette obligation - QPC portant sur la conformité à la Constitution de l'article L. 213-4 (devenu L. 333-3) et du 1° de l'article L. 625-7 (devenu L. 821-10) du CESEDA - Question jugée de caractère sérieux - Renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.
En application des dispositions de l’art. L. 333-3 (ex- L. 213-4) du CESEDA, toute entreprise de transport aérien ou maritime a l’obligation de ramener sans délai, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise, ou, en cas d'impossibilité, dans l'État qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou en tout autre lieu où il peut être admis, l’étranger dont l’entrée en France a été refusée.
Le non-respect par l’entreprise de transport de l’obligation qui lui incombe de ce fait est puni d’une amende pouvant atteindre 30 000 euros.
La société requérante ayant fait l’objet d’une amende sur le fondement de ces dispositions (art. L. 625-7, 1°, devenu L. 821-10 CESEDA), en fait plaider l’inconstitutionnalité, par la voie d’une QPC, pour atteinte aux droits garantis par l’art. 12 de la Déclaration de 1789 ainsi qu’au principe d'égalité devant les charges publiques. Le Conseil d’État apercevant dans cette exception une question présentant un caractère sérieux, la renvoie au Conseil constitutionnel.
(9 juillet 2021, Société Air France, n° 450480)
205 - Cession à titre onéreux de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres et autres - Régime d’imposition des gains nets retirés d’une telle cession - 3 de l'article 150-0 A et 3° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du CGI - Application aux plus-values de cessions de titres à l'intérieur du groupe familial réalisées, respectivement, avant et après le 1er janvier 2014 - Méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques - Atteinte à une situation légalement acquise par le contribuable - Atteinte à l’égalité devant les charges publiques - Refus de renvoyer une QPC.
Les requérants soulevaient une QPC à l’encontre des dispositions du 3 de l’art. 150-0 A et du 3° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du CGI, applicables aux plus-values de cessions de titres à l'intérieur du groupe familial réalisées, respectivement, avant et après le 1er janvier 2014.
Ils invoquaient trois motifs au soutien de leur QPC.
Tout d’abord les dispositions contestées méconnaitraient le principe d'égalité devant les charges publiques protégé par l'article 13 de la Déclaration de 1789, dès lors qu'elles ne prévoient aucun abattement d'assiette afin de tenir compte de la durée de détention des titres, ni aucun mécanisme de prise en compte de l'érosion monétaire, en cas de remise en cause de l'avantage fiscal du fait du non-respect par le cessionnaire de la condition de conservation des titres pendant cinq ans et de la taxation de la plus-value selon les règles de droit commun au titre de l'année de leur revente.
Ensuite, les dispositions litigieuses, en prévoyant que, dans le cas où l'avantage fiscal initialement octroyé est remis en cause, l'impôt est établi suivant les règles de liquidation en vigueur à la date de la revente à un tiers, qui ne sont pas nécessairement identiques aux règles en vigueur à la date de la réalisation de la plus-value, porteraient atteinte à une situation légalement acquise par le contribuable.
Enfin, ces dispositions méconnaitraient l'égalité devant les charges publiques en ce qu'elles subordonnent le maintien du régime de faveur octroyé au cédant à une condition dont le respect dépend du comportement du seul cessionnaire.
Aucun de ces moyens, dont plusieurs ne sont pas négligeables, ne convainc pourtant le juge qui refuse le renvoi de la QPC.
(15 juillet 2021, M. et Mme B., n° 453371)
206 - Impôt sur le revenu - Exonération de cet impôt pour certaines plus-values - Plus-values réalisées lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale - Condition de remploi pour l’acquisition d’une résidence principale - Commentaire administratif entaché d’illégalité - Absence - QPC - Rejet.
(15 juillet 2021, M. B., n° 453490)
V. n° 70
207 - Zones rurales - Offre de soins déficitaire - Mission de service public de permanence des soins ambulatoires (art. L. 6314-1 c. santé pub.) - Mission de service public de permanence des soins des établissements de santé (art. L. 6112-1 c. santé pub.) - Exonération fiscale des rémunérations versées aux médecins libéraux au titre de la première mission, non de la seconde - Interprétation stricte de la loi fiscale - Absence d’atteinte à l’égalité devant la loi fiscale et à l’égalité devant les charges publiques - Rejet de la QPC.
(13 juillet 2021, Mme E., n° 449689 et n° 449690 ; M. A., n° 449693 ; M. C., n° 449696) V. n° 226
208 - Élections municipales et communautaires – Pouvoirs conférés au responsable de liste entre les deux tours de scrutin (art. L. 264 et L. 265 c. élect.) - Atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation - QPC - Rejet.
(13 juillet 2021, M. E. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune d’Ivry-sur-Seine, n° 450358)
V. n° 112
209 - Égalité des chances - Accès à certaines écoles et à certains organismes de formation des fonctionnaires - Organisation d’un concours externe spécial - Sélection sur critères sociaux - QPC dirigée contre l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce sens - Rejet.
(13 juillet 2021, Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, n° 452060)
V. n° 163
210 - Garanties accordées aux fonctionnaires chargés d’une activité syndicale - Activité syndicale devant représenter au moins 70% d’un service à temps plein - Mise à disposition ou décharge d’activité - Décompte de la quotité minimale - Différence de traitement - QPC - Différence en rapport avec son objet - Rejet.
La loi du 13 juillet 1983 institue des garanties applicables aux agents publics qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, sont mis à disposition d'une organisation syndicale ou bénéficient d'une décharge d'activité de services et qui consacrent à l'activité syndicale une quotité de leur temps de travail au moins égale à 70 % d'un service à temps plein.
Pour la détermination de cette quotité minimale ne sont pas pris en compte les autres moyens de compensation existants tels, notamment, les crédits d'heures et les autorisations spéciales d'absence.
Le syndicat requérant, estimant cette différence de traitement inconstitutionnelle, sollicite du Conseil d’État le renvoi d’une QPC.
Cela lui est refusé au double motif, d’une part, que cette quotité de 70% peut être atteinte soit par l’une des deux modalités prévues par la loi soit par combinaison des deux, et d’autre part, que les garanties prévues par la loi concernent des agents « justifiant d'un engagement syndical inscrit dans la durée », ce qui n’est pas le cas de ceux bénéficiant d’un crédit d’heures ou d’une autorisation spéciale d’absence.
La différence de traitement trouve ainsi sa justification dans l’objet même poursuivi par les garanties légales. Elle ne porte donc pas atteinte au principe constitutionnel d’égalité ni n’institue une discrimination inconstitutionnelle.
La QPC n’est pas renvoyée.
(13 juillet 2021, Syndicat national Solidaires finances publiques, n° 452072)
211 - Police de la salubrité et de l’insalubrité - Insalubrité irrémédiable - Condition et effets - Évaluation du coût de reconstruction de l’immeuble en état d’insalubrité irrémédiable - Refus de transmission d’une QPC.
(16 juillet 2021, Mme B., n° 450188)
V. n° 112
212 - I de l’art. 1737 CGI - Sanctions du travestissement ou de la dissimulation de l’identité ou de l’adresse de fournisseurs ou de clients - Acceptation consciente d’une identité fictive ou d’un prête-nom - Renvoi d’une QPC.
La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l’art. 1737 CGI est renvoyée au Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État estime qu’elles présentent un caractère nouveau et sérieux du fait que, destinées à sanctionner le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B du CGI et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elles méconnaîtraient les principes de nécessité des délits et des peines, de proportionnalité des peines et de non cumul des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration de 1789, qu’elles porteraient atteinte au droit de propriété garanti par son article 2 et méconnaîtraient également le principe de la présomption d'innocence consacré par son article 9.
(19 juillet 2021, Société Décor Habitat 77, n° 453359)
213 - Code monétaire et financier - Incompétence négative du législateur en raison de l’imprécision de certains termes ou expressions utilisés par les art. L. 511-31 et L. 512-56 du code monétaire - Demande de renvoi d’une QPC - Rejet.
Le conseil d’administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) a adopté une décision de caractère général relative au renforcement de la cohésion du Groupe Crédit mutuel, fondée sur diverses dispositions législatives du code monétaire et financier.
La société requérante conteste au moyen d’une QPC la constitutionnalité des deux premières phrases du deuxième alinéa de l'article L. 511-31 et celle du dernier alinéa de l'article L. 512-56 du code monétaire et financier car elles seraient entachées d'une incompétence négative affectant la liberté d'entreprendre, le droit de propriété et la liberté contractuelle des affiliés du réseau Crédit mutuel. En effet, par l'imprécision des termes « cohésion », « bon fonctionnement » et « toutes mesures nécessaires » employés à ces articles, le législateur aurait laissé aux organes centraux en général et à la CNCM en particulier, une latitude excessive dans l'appréciation des mesures à adopter et des motifs susceptibles de les justifier, dans des conditions portant atteinte aux droits et libertés invoqués.
Pour refuser de renvoyer cette QPC, le Conseil d’État rappelle que, par diverses dispositions du code précité (en particulier L. 511-20, L. 511-30, L. 511-31 et L. 511-32), le législateur a cherché à garantir la stabilité du système financier et la protection des déposants, sociétaires et investisseurs. A cette fin, il a notamment permis la surveillance prudentielle des établissements de crédit appartenant à des groupes bancaires mutualistes et coopératifs sur une base consolidée, et a confié ainsi aux organes centraux, dont la CNCM, les pouvoirs nécessaires pour garantir à tout instant la liquidité et la solvabilité de leur groupe. C’est donc sans incompétence négative qu’il a doté la CNCM des pouvoirs d'organisation et de gestion sur les caisses qu'elle représente et sur les fédérations régionales auxquelles elles sont tenues d'adhérer.
Ceci est certain et guère discutable mais ne répond pas vraiment à la requérante sur le point de savoir si les trois termes ou expressions critiquées sont, ou non, entachés d’une certaine indétermination.
(20 juillet 2021, Société Crédit mutuel Arkéa, n° 451308)
214 - QPC soulevée devant la Cour de cassation - Absence d’examen ou de renvoi de cette question à l’expiration du délai organique de trois mois - Saisine du Conseil d’État afin de transmettre ou de faire transmettre cette question au Conseil constitutionnel - Incompétence manifeste de la juridiction administrative - Rejet.
Le Conseil d’État déclare que la juridiction administrative est incompétente pour transmettre au Conseil constitutionnel une QPC soumise à la Cour de cassation et que celle-ci tarderait à lui transmettre.
Visiblement, il y a des évidences qui ne le sont pas pour tout le monde…
(21 juillet 2021, M. B., n° 454694)
215 - Collectivités territoriales - Indemnités de fonction des conseillers municipaux - Majoration ne bénéficiant qu’aux élus des communes de métropole - Principe d’égalité - Question présentant un caractère sérieux - Transmission de la QPC.
Renvoi au Constitutionnel de la QPC tirée de ce que le 5° de l'article L. 2123-22 du CGCT porterait atteinte au principe d’égalité (cf. art. 1 et 6 de la Déclaration de 1789 et 1 de la Constitution) en tant qu'il institue une majoration d'indemnités qui ne bénéficie qu'aux élus des communes de métropole, seules éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, à l'exclusion des élus des communes d'outre-mer, lesquelles sont éligibles à la dotation d'aménagement des communes d'outre-mer.
(26 juillet 2021, Commune du Port, n° 452813)
216 - Demande de retrait de parcelles du territoire d’une association communale de chasse agréée (ACCA) – Opposition, totale ou partielle, du président d’une fédération départementale des chasseurs – Article L. 422-18 c. env. imposant une condition d’ancienneté d’existence – Renvoi de la QPC.
Il est jugé que présente un caractère sérieux la question de l‘atteinte portée par le dernier alinéa de l’art. L. 422-18 du code de l’environnement, notamment au principe constitutionnel d’égalité et au droit constitutionnel de propriété, en tant qu’il prévoit que seules peuvent se retirer d'une ACCA déjà existante, à condition de remplir les conditions posées à l'article L. 422-10, « les associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association ».
(4 août 2021, Association de chasse des propriétaires libres, n° 452327)
Santé publique
217 - Médicament - Identification comme générique d'une spécialité de référence - Identification par l'autorisation de mise sur le marché (AMM) en qualité de générique - Inscription sur le répertoire des génériques - Compétence liée du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - Rejet.
Les sociétés requérantes demandaient l'annulation de l'article 1er du décret n° 2019-1192 du 19 novembre 2019 relatif au répertoire des génériques, au registre des groupes hybrides et à la suppression du fonds de lutte contre le tabac.
Leur demande est rejetée.
Tout d'abord, de ce que l'identification d'un médicament comme générique d'une spécialité de référence en vue de son inscription au répertoire des groupes génériques se fait à la suite de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament, il résulte que l'inscription d'un tel médicament sur le répertoire des génériques se borne en réalité à tirer les conséquences de son AMM comme générique. Il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne dispose d'aucune latitude pour apprécier si une spécialité, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une AMM en qualité de générique, peut être identifiée comme générique en vue de son inscription au répertoire des génériques. Il ne saurait donc être soutenu que le décret attaqué priverait le directeur général précité d'une marge d'appréciation dont il n'a, en réalité, jamais disposé.
Ensuite, si les requérantes soutiennent que la substitution d'une spécialité générique à une spécialité de référence peut, en dépit de leurs similitudes, présenter des risques pour le patient, ceux-ci peuvent être précisés dans la décision d'identification du médicament générique sans faire obstacle à ce que le générique soit identifié comme tel.
Enfin, il ne saurait être soutenu que le décret attaqué, en créant un lien entre la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché en qualité de générique, qui relève du droit de l'Union européenne, et l'inscription d'une spécialité au répertoire des génériques, qui n'en relève pas, aurait pour effet de faire illégalement relever cette inscription du droit de l'Union européenne ou de priver les autorités nationales d'un pouvoir de police administrative au profit de l'autorité délivrant l'autorisation de mise sur le marché. En effet, le texte litigieux ne dispense nullement l'Agence précitée de ses obligations de pharmaco-vigilance
(7 juillet 2021, Société Janssen Cilag France et la société Johnson et Johnson, n° 437803)
(218) V. aussi, admettant le recours et ajoutant cette précision que les spécialités autorisées en tant que spécialités hybrides au terme de la procédure prévue au 2° de l'article R. 5121-28 du code de la santé publique ne peuvent pas être identifiées comme spécialités génériques de leur spécialité de référence : 7 juillet 2021, Société Laboratoire Glaxosmithkline, n° 440747
(219) V. également, à propos de l'annulation du refus d'inscription d'une spécialité pharmaceutique sur la liste des spécialités remboursables par les caisses de sécurité sociale en raison des défaillances affectant la méthode de comparaison avec des médicaments à même visée thérapeutique : 7 juillet 2021, Sociétés Centre spécialités pharmaceutiques et Proveca Pharma Limited, n° 440246.
220 - Études de santé - Suppression du numerus clausus (loi du 24 juillet 2019) - Fixation du nombre d'étudiants en première année commune aux études de santé (PACES) pouvant poursuivre en deuxième année de ces formations - Arrêté interministériel du 25 janvier 2021 fixant le nombre d'étudiants de PACES autorisés à poursuivre leurs études en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique à la rentrée universitaire 2021-2022 - Suspension sur référé - Nouvel arrêté du 5 mai 2021 répartissant les places en deuxième année- Erreur manifeste d’appréciation - Effets de l’annulation différés au 30 septembre 2021 - Injonctions diverses.
Cette importante décision est relative aux conditions d’application des dispositions de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé et de celles du décret du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique.
Des arrêtés interministériels sont intervenus pour fixer le nombre d’étudiants de première année admis à passer en deuxième année, étant rappelé que l’étude d’impact accompagnant la loi de 2019 faisait état de ce que la mise en oeuvre de l'article 1er de cette loi devrait se traduire, durant l'année de transition (2021-2022), par une augmentation temporaire, de l'ordre de 20%, du nombre de places offertes en deuxième année des études de santé.
Cette proportion n’a pas été respectée par la plupart des universités et la répartition des postes offerts aux différentes cohortes de candidats, selon qu’ils sont issus du parcours accès santé spécifique (PASS), inscrits en licence accès santé (LAS) ou titulaires d'un titre ou d'un diplôme d'État d'auxiliaire médical, n’a pas, non plus, été respectée et cela dans des proportions élevées.
Le recours était fondé sur l’erreur manifeste d’appréciation sur laquelle reposerait l’arrêté ministériel attaqué du 5 mai 2021.
Le Conseil d’État, ce que laissait deviner la décision de son juge des référés suspendant l’exécution dudit arrêté, l’annule pour erreur manifeste d’appréciation mais diffère les effets de cette annulation au 30 septembre 2021 en raison des effets dévastateurs d’une application rétroactive immédiate de sa décision d’annulation.
Toutefois, le juge impartit aux universités concernées - sans vraiment employer le mot injonction qu’est pourtant, sur ce point, sa décision - :
- d'une part, de prendre à bref délai de nouvelles délibérations accroissant, au moins pour atteindre ce taux d'augmentation de 20%, les capacités d'accueil en deuxième année du premier cycle des études de santé - accroissement, au bénéfice des seuls étudiants issus de LAS et de PASS, qu'il leur est loisible de répartir entre les filières de médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique –
- d'autre part, que les places nouvellement créées soient attribuées par elle, par ordre de mérite, aux étudiants de LAS et de PASS figurant sur les listes complémentaires établies conformément aux dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation et, en tant que de besoin, que les jurys d'admission en deuxième année délibèrent à nouveau afin de compléter les listes principales d'admission et, le cas échéant, les listes complémentaires.
Implacable de logique et exemplaire est cette décision qui opère une balance judicieuse entre la sécurité juridique et le respect du droit.
(8 juillet 2021, Association PASS LAS 21 et autres, n° 452731)
(221) V. aussi, identiques, concernant le recours dirigé contre la délibération du 30 mars 2021 du conseil d'administration de l'université Claude Bernard Lyon-I : 12 juillet 2021, Association PASS LAS LYON 21, n° 453064 et celui dirigé contre la délibération du 15 mars 2021 du conseil d'administration de l'université de Bordeaux : 12 juillet 2021, Association PASS LAS 21 Bordeaux, n° 453249.
222 - Zones rurales - Offre de soins déficitaire - Mission de service public de permanence des soins ambulatoires (art. L. 6314-1 c. santé pub.) - Mission de service public de permanence des soins des établissements de santé (art. L. 6112-1 c. santé pub.) - Exonération fiscale des rémunérations versées aux médecins libéraux au titre de la première mission, non de la seconde - Interprétation stricte de la loi fiscale - Absence d’atteinte à l’égalité devant la loi fiscale et à l’égalité devant les charges publiques - Rejet de la QPC.
(13 juillet 2021, Mme E., n° 449689 et n° 449690 ; M. A., n° 449693 ; M. C., n° 449696) V. n° 226
223 - Responsabilité médicale - Article L. 1142-1 c. santé pub. - Condition d'anormalité du préjudice - Portée - Faible probabilité de survenance du dommage - Condition remplie - Annulation partielle.
Rappel de ce que « La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit toujours être regardée comme remplie lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, mais que la survenance du dommage présentait une probabilité faible. »
(30 juillet 2021, Mme C., n° 438787)
Service public
224 - Service public universitaire - Études de santé - Suppression du numerus clausus (loi du 24 juillet 2019) - Fixation du nombre d'étudiants en première année commune aux études de santé (PACES) pouvant poursuivre en deuxième année de ces formations - Arrêté interministériel du 25 janvier 2021 fixant le nombre d'étudiants de PACES autorisés à poursuivre leurs études en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique à la rentrée universitaire 2021-2022 - Suspension sur référé - Nouvel arrêté du 5 mai 2021 répartissant les places en deuxième année- Erreur manifeste d’appréciation - Effets de l’annulation différés au 30 septembre 2021 - Injonctions diverses.
(8 juillet 2021, Association PASS LAS 21 et autres, n° 452731)
V. n° 220
225 - Service public postal - Modalités d’organisation du service postal en temps de pandémie - Note du 20 avril 2020 - Demande d’annulation et d’injonction - Rejet.
La fédération syndicale requérante demandait, à la fois, l’annulation d’une note de La Poste relative aux modalités temporaires d'organisation à la distribution, livraison dans les agences ColiPostes, les plateformes de préparation et de distribution du courrier et les plateformes de distribution du courrier à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de Covid-19 et l’adresse d’une injonction à La Poste tendant à ce que soient rétablies, sous astreinte et dans un certain délai, toutes les organisations du travail qui découlaient des accords collectifs applicables antérieurement à l'intervention de la décision attaquée.
Son recours est, sans surprise, rejeté.
De ce que ces mesures ont pris fin depuis lors, il résulte que la demande d’abrogation de cette note est dépourvue d’objet mais non, en revanche, la demande d’annulation puisqu’elle a reçu application.
Tout d’abord, la note attaquée, d’une part, relève non de la gestion des personnels fonctionnaires de La Poste mais seulement de l’organisation du service et, d’autre part, en ce qu’elle émane d’une société anonyme chargée d'un service public industriel et commercial, dans le cadre du pouvoir d'organisation du service n’est ni soumise au droit commun de l’édiction des décisions administratives (identification et signature de son auteur, obligation de publication de la note) ni soumise au régime des accords collectifs conclus en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à la Poste.
Ensuite, prise pour obvier aux risques et aux effets de la pandémie, la note litigieuse relevait du régime d’exception institué par l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Elle n’avait donc à être précédée ni de la consultation prévue à l'article 28 du décret du 7 septembre 2011 relatif aux comités techniques de La Poste ni de la concertation prévue l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 relative à La Poste.
(9 juillet 2021, Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication, n° 440851)
226 - Zones rurales - Offre de soins déficitaire - Mission de service public de permanence des soins ambulatoires (art. L. 6314-1 c. santé pub.) - Mission de service public de permanence des soins des établissements de santé (art. L. 6112-1 c. santé pub.) - Exonération fiscale des rémunérations versées aux médecins libéraux au titre de la première mission, non de la seconde - Interprétation stricte de la loi fiscale - Absence d’atteinte à l’égalité devant la loi fiscale et à l’égalité devant les charges publiques - Rejet de la QPC.
Dans le but de lutter contre le déficit de couverture médicale de certaines zones rurales, le législateur a prévu - au titre de la mission de service public de permanence des soins ambulatoires instituée à cet effet par l’art. L. 6314-1 c. santé pub. - l’exonération de l’impôt sur le revenu à raison des rémunérations perçues par les médecins libéraux et leurs remplaçants (art. 151 ter du CGI) dans les zones rurales identifiées par le schéma régional d'organisation des soins comme présentant une offre de soins de ville déficitaire.
Les requérants contestaient l’exclusion du bénéfice de cette exonération fiscale pour les rémunérations perçues, dans ces mêmes zones, au titre de la mission de service public de permanence des soins des établissements de santé prévue et organisée par l’art. L. 6112-1 c. santé pub.
Ils se pourvoient en cassation d’arrêts ayant rejeté leur prétention à voir étendu à cette seconde mission de service public le bénéfice de l’exonération fiscale précitée et ils soulèvent une QPC fondée sur ce que cette dualité de régime fiscal pour deux missions de service public de même nature porte atteinte tant au principe d’égalité devant les charges publiques qu’à celui d’égalité devant la loi fiscale.
La demande de renvoi de la QPC est rejetée par le Conseil d’État qui, d’une part, se fonde sur les travaux préparatoires de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux dont sont issues les dispositions contestées, et d’autre part, relève que seuls les médecins participant à la mission de service public de la permanence des soins qui leur incombe en qualité de médecins libéraux peuvent faire l’objet de réquisitions par l’État.
Il en conclut qu’en n’exonérant pas de l’impôt sur le revenu les rémunérations perçues au titre de cette seconde mission de service public, le législateur, dont les dispositions sont d’interprétation stricte, s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi. Ainsi, la différence de traitement qui en résulte n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
(13 juillet 2021, Mme E., n° 449689 et n° 449690 ; M. A., n° 449693 ; M. C., n° 449696)
(227) V. aussi, dans le même sens : 22 juillet 2021, M. A., n° 449683.
228 - Véhicules de transport passif de personnes handicapées - Soutien partiel de la tête - Interdiction de cumul de la prise en charge de ces véhicules avec celle d’un appareil de soutien partiel de la tête - Cas des poussettes, fauteuils roulants à pousser et châssis roulants destinés à ce transport passif - Silence d’un arrêté interministériel sur l’existence d’une prise en charge - Erreur manifeste d’appréciation - Annulation d’une phrase divisible du reste de l’article attaqué.
La société requérante conteste sur plusieurs point la légalité de l'arrêté interministériel du 10 mars 2020 modifiant les modalités de prise en charge des véhicules destinés au transport passif des personnes handicapées inscrits au titre IV de la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Ses moyens sont rejetés sauf sur un point.
Cet arrêté interdit que la prise en charge d'un véhicule de transport passif pour personne handicapée de seize ans et plus soit cumulée avec celle d'un appareil de soutien partiel de la tête.
Cependant, il résulte de l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, rendu le 11 février 2020, que les ministres signataires de l’arrêté litigieux ont décidé de suivre, que certaines situations imposent, y compris pour les personnes handicapées âgées de seize ans et plus, un dispositif de maintien de la tête, ce dernier conditionnant le service attendu du véhicule.
La commission en concluait que la présence d'un dispositif de maintien de la tête devait, dans ce cas, faire partie des caractéristiques propres du véhicule. Cependant, il ressort des pièces du dossier que, si ces véhicules comportent habituellement un tel dispositif, les spécifications techniques des poussettes, fauteuils roulants à pousser et châssis roulants destinés au transport passif des personnes handicapées inscrits au titre IV de la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ne l'imposent pas.
La société requérante est ainsi fondée à soutenir qu'en s'abstenant de prévoir les modalités de prise en charge d'un dispositif de soutien de la tête pour les véhicules, poussettes et fauteuils à pousser destinés aux personnes handicapées âgées de seize ans et plus, les auteurs de l'arrêté attaqué ont commis une erreur manifeste d'appréciation et à demander, pour ce motif, l'annulation de la seule dernière phrase, divisible, de l'article 1er de l'arrêté qu'ils attaquent.
(22 juillet 2021, Société Innov'SA, n° 440212)
229 - Covid-19 - Décret du 19 juillet 2021 - Extension du champ d’application de l’obligation de présenter, en certains lieux, le résultat d’un test ou un document justificatif - Sanction par l’interdiction d’accès - Rejet.
La publication du décret du 19 juillet 2021 étendant à divers lieux, recevant ou rassemblant du public, l’obligation de présenter :
- soit le résultat d'un test ou examen de dépistage réalisé moins de 48 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu ou à l'évènement et permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ;
- soit un justificatif du statut vaccinal ;
- soit un certificat de rétablissement ;
n’a pas manqué de susciter une certaine ire contentieuse de divers milieux professionnels ou groupes de pensée.
Les référés sont tous rejetés aux motifs, notamment, de l’état des données scientifiques, de la virulente transmissibilité du variant Delta, du caractère proportionné des exigences en cause
(ord. réf. 26 juillet 2021, Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres, n° 454792 et Fédération nationale des cinémas français et autres, n° 454818 ;
ord. réf. 26 juillet 2021, M. B., Fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (ACTIVE-FNEAPL) et autres, n° 454754 ;
ord. réf. 26 juillet 2021, Le Cercle Droit et liberté et autres, n° 454832)
(230) V. aussi le rejet, pour défaut d'urgence, d'une requête en référé liberté dirigé contre ce décret : ord. réf. 27 juillet 2021, M. A., n° 454803.
(231) V. également, rejetant le recours à la fois en raison du caractère très général des allégations d’atteinte illégale à des libertés fondamentales et du fait de la modification par la loi du 25 juillet 2021 de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire : ord. réf. 2 août 2021, Association Via La Voie du Peuple, n° 454848.
(232) V. encore, rejetant un recours invoquant le traitement différencié des Français et des autres ressortissants étrangers désirant quitter la Guadeloupe pour se rentre en France métropolitaine alors que celui-ci repose sur le droit fondamental qu'a tout Français de rejoindre le territoire national : ord. réf. 2 août 2021, M. A., n° 455069.
233 - Covid-19 – Demande d’instauration de l’obligation du port du masque dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux – Pouvoir propre des responsables d’établissements – Absence d’atteinte grave à une liberté fondamentale – Rejet.
Le syndicat requérant demandait, sur le fondement de l’art. L. 521-2 CJA, la prise d’une décision nationale rendant obligatoire le port du masque dans les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux et dans les établissements de santé des armées pour toutes les personnes présentes dans ces établissements, y compris lorsqu'elles sont détentrices du « passe sanitaire », en faisant valoir, notamment, le risque de contamination qu'elles peuvent continuer de faire courir aux tiers, accru par la prévalence du variant Delta, la nécessité d'une vigilance particulière dans ces établissements compte tenu de la fragilité des personnes qui y sont soignées, et le fait que le décret du 1er juin 2021 prévoit que la détention d'un « passe sanitaire » ne dispense pas du port du masque dans les transports publics de longue distance.
Était donc critiquée la décision du pouvoir réglementaire de laisser aux responsables de ces établissements le pouvoir de décider du port ou non du masque. Le juge des référés n’aperçoit pas dans cette mesure la création d’un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit à la vie.
La demande en référé est rejetée.
(ord. réf. 24 août 2021, Syndicat Jeunes Médecins, n° 455442)
Sport
234 - Fédération française de football (FFF) – Décision du comité exécutif de reléguer en National 2 le club classé dernier du championnat de National 1 et de faire accéder en National 1 le club classé meilleur deuxième à l'issue de la saison précédente – Saison sportive tronquée pour cause d’épidémie – Conditions d’application/adaptation du règlement à une situation non prévue – Large pouvoir des fédérations sportives délégataires – Contrôle réduit du juge de l’excès de pouvoir – Rejet.
Cette décision prend place dans la longue série des recours formés du chef des décisions que les fédérations sportives nationales ont été amenées à prendre quant au classement des différentes équipes concernées par un arrêt brusque de la saison sportive tronquant ainsi les résultats exploitables. Au surplus, le silence des textes statutaires au regard d’une situation inédite ont contraint les organes intéressés à des solutions expédientes et un peu bricolées. Le juge administratif estime, dans sa sagesse, que ceci justifie le très large pouvoir qui doit être reconnu à cette occasion aux responsables fédéraux sous le contrôle par le juge de l’erreur manifeste d’appréciation.
Un nombre différent de matches joués selon les équipes, l’obligation, tantôt de retenir les seuls résultats d’une année sportive, tantôt de deux années, etc. justifient la compétence du comité exécutif de la FFF pour prendre les décisions litigieuses et le pouvoir pour ce dernier de décider de conserver le chiffre de 18 équipes en compétition plutôt que de réduire ce chiffre à 17.
Les recours sont, sans grande surprise, rejetés.
(ord. réf. 2 août 2021, Association Lyon - La Duchère et société anonyme sportive professionnelle de Lyon - La Duchère, n° 454914 ; Association Le Puy Foot 43 Auvergne, n° 454952)
235 - Décisions de la Ligue de football professionnel et de la commission de contrôle des clubs professionnels de sa direction nationale du contrôle de gestion - Compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort – Absence – Rejet sans transmission à la juridiction compétente.
Ne relève manifestement pas de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État le recours dirigé contre plusieurs décisions de la Ligue de football professionnel et de la commission de contrôle des clubs professionnels de sa direction nationale du contrôle de gestion. Il est donc rejeté avec rappel que le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance sans qu'il ait à les transmettre à la juridiction compétente.
(ord. réf. 11 août 2021, M. D., n° 455352)
(236) V. aussi, identique : ord. réf. 11 août 2021, M. D., n° 455414.
Travaux publics et expropriation
237 - Déclaration d’utilité publique et urgente de travaux de contournement nord de Montpellier - Mises en conformité de PLU et de POS communaux approuvées par le préfet - Irrégularité d’un avis environnemental donné par un organisme sans autonomie réelle par rapport au préfet prescripteur - Régularisation - Conditions et effets - Sursis à statuer pour trois ou neuf mois à fin de régularisation.
La commune de Grabels s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’appel rejetant sa demande d’annulation d’un arrêté préfectoral, d’une part en ce qu’il déclare d’'utilité publique et urgents les acquisitions et les travaux nécessaires à la réalisation du projet de Liaison Intercantonale d'Evitement Nord (LIEN), entre l'A 750 à Bel Air et la route départementale au nord de Saint-Gely-du-Fesc et, d’autre part, en ce qu’il approuve la mise en compatibilité avec ledit projet des plans d'occupation des sols des communes de Combaillaux, Saint-Clément de Rivière et Saint-Gély-du-Fesc et des plans locaux d'urbanisme des communes de Grabels et de Les Matelles.
Tout d’abord, le juge de cassation - réitérant une jurisprudence déjà fermement établie et dont on comprend mal qu’elle ait tant de difficulté à imprégner les mœurs administratives (par ex. : 20 septembre 2019, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association « Sauvons le paradis » et autres, n° 428274, Rec. Tables ; 5 février 2020, Association « Des évêques aux cordeliers » et autres, n° 425451, Rec. Tables) - relève que de tous les moyens soulevés par la commune un seul est fondé et doit être retenu : celui tiré de ce que l’arrêté litigieux a été pris par le préfet de région en qualité de préfet du département au vu d’un avis rendu par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), service placé sous son autorité hiérarchique et ne disposant donc pas, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences de l’art. 6 de la directive européenne du 13 décembre 2011 telles qu’elles résultent de la décision de la CJUE rendue à propos de l’art. 6 de la directive du 27 juin 2001 dont le contenu est identique à celui de l’article précité de la directive de 2011 (20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10).
En l’espèce, le préfet de région ne pouvait pas, du fait de sa position hiérarchique envers la DREAL, prendre l’arrêté déclarant d’utilité publique le projet litigieux, en sa qualité de préfet du département où se trouve le lieu d'implantation dudit projet.
Non seulement l’arrêté attaqué est très logiquement déclaré illégal mais le juge de cassation, qui intervient ici pour la seconde fois en cette qualité dans la même affaire, décide que le moyen ainsi retenu, présenté pour la première fois devant le Conseil d’État, est opérant dès lors que ce dernier statue ici en vue du règlement au fond du litige et donc avec les pouvoirs d’un juge d’appel.
Ensuite, et en l’état de ce que ce moyen est le seul fondant l’annulation de l’arrêté préfectoral, le juge, constatant qu’il est régularisable, non sans audace ni originalité, décide :
1° de surseoir à statuer jusqu’à ce que la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé ait rendu son avis car il considère qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier que cette formation ne constituerait pas une entité administrative de l'État séparée de l'autorité compétente pour prendre l'arrêté attaqué, disposant d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur le projet qui lui est soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale » ;
2° de distinguer deux durées possibles de ce sursis à statuer ; celle-ci étant de trois mois si l'avis de l'autorité environnementale donné par la mission régionale précitée ne diffère pas substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public, l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale devant prendre la forme d'une publication sur internet (cf. art. R. 122-23 c. environnement) ; cette durée du sursis serait portée à neuf mois si l'avis précité diffère substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public, pour permettre l’organisation de consultations complémentaires dans le cadre desquelles seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tous autres éléments de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par ce nouvel avis.
La décision, qui n’est pas sans précédents (Section, 22 décembre 2017, Commune de Sempy c/ M. Merlot, n° 395963, Rec. Lebon. p. 380 ; 27 septembre 2018, Association "Danger de tempête sur le patrimoine rural » et autres, n° 420119, Rec. Leb. p. 340) y compris en dehors du droit de l’environnement (pour un exemple : 27 mai 2019, Ministre de la cohésion des territoires et Société MSE La Tombelle, n°s 420554, 420575, Rec. Tables), frappe par son caractère de décision non de nature juridictionnelle mais de nature directement et pleinement administrative, rendant obsolète la question de savoir si le juge administratif est bien un juge qui gouverne tant la réponse est évidente et qui justifie au-delà de tout ce qui pourrait être imaginé l’aphorisme fameux du Président Henrion de Pansey (1742-1829) selon lequel « Juger l’administration c’est encore administrer ».
Nul doute que, selon les canons de la Cour EDH, une telle décision sent le soufre…
(9 juillet 2021, Commune de Grabels, n° 437634)
238 - Liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express – Procédure d’expropriation – Application de la théorie de l’opération complexe - Rejet.
Le litige opposait la commune requérante à l’État via le décret du 14 février 2019 autorisant la société Gestionnaire d'infrastructure CDG Express à prendre possession immédiate de certaines propriétés privées nécessaires à l'exécution des travaux de réalisation de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express et via l’arrêté préfectoral portant cessibilité et transfert de gestion au profit de l'État des parcelles situées sur le territoire de cette commune et nécessaires à la réalisation de la liaison précitée.
Par delà les contestations portant sur divers points, toutes rejetées, la décision est importante par la manière dont elle met en œuvre en l’espèce la théorie contentieuse de l’opération complexe.
Tout d’abord, il est jugé que l'arrêté de cessibilité, l'acte déclaratif d'utilité publique sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l'objet constituent les éléments d'une même opération complexe. C’est l’application d’une jurisprudence bien établie.
Ensuite, il résulte de cette qualification - et c’est même là tout son intérêt - qu’à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'acte déclaratif d'utilité publique ou de l'acte le prorogeant.
Enfin, ce qui est nouveau c’est que cette faculté reconnue au requérant subsiste quand bien même celui-ci aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la déclaration d'utilité publique ou l'acte la prorogeant, être rejeté. Ainsi, celle-ci peut être contestée deux fois : par voie d’action dans le délai ordinaire de recours contentieux, par voie d’exception, au moyen de la théorie de l’opération complexe pourvu que celle-ci soit exercée dans les deux mois du dernier acte de cette opération.
Pour une fois, le juge a fait primer le respect du principe, objectif, de juridicité sur celui, subjectif, de sécurité juridique.
(4 août 2021, Commune de Mitry-Mory, n° 429800 et n° 431949
Urbanisme
239 - Refus de permis de construire - Hauteur maximale de 9 mètres - Léger dépassement - Invocation du caractère d'adaptation mineure rendue nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes - Confirmation de la légalité du refus du permis en appel - Examen insuffisant du caractère d'adaptation mineure - Erreur de droit - Annulation.
Un permis est refusé car la hauteur maximale des constructions envisagées est de 9,20 mètres alors que le règlement du plan local d'urbanisme fixe un maximum de 9 mètres. Or il n'existe à cette règle de hauteur aucune dérogation possible « à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » (art. 123-1-9 c. urb.)
Pour confirmer le refus du permis et donc rejeter l'appel la cour administrative d'appel a jugé que la simple circonstance que le terrain soit en pente ne justifiait pas une adaptation mineure aux dispositions du PLU.
Le juge de cassation censure l'erreur de droit ainsi commise car la cour ne pouvait pas se borner à cette argumentation alors que la pétitionnaire faisait valoir, pour justifier ce dépassement de la hauteur maximale, que le terrain d'assiette du projet se caractérisait à la fois par sa déclivité et par la proximité immédiate du château de Laval, identifié par le PLU comme un élément remarquable du patrimoine paysager et architectural, et que les adaptations intégrées au projet visaient à tenir compte de la première, tout en harmonisant la construction projetée avec le second, s'agissant notamment des toitures. La cour, saisie d'une telle argumentation, déjà présentée en première instance, devait apprécier l'existence, ou non, en l'espèce, d'adaptations mineures au regard de ces deux paramètres (déclivité et existence d'un élément remarquable).
Faute d'avoir procédé à cette analyse son arrêt encourt la cassation.
(1er juillet 2021, Mme C., n° 439121)
240 - Obligation de réalisation de logements sociaux - Objectif triennal non respecté - Invocation de raisons objectives - Contrôle du juge - Absence de raison objective au non-respect du quota de logements sociaux - Annulation.
Les communes, particulièrement celles d'Île-de-France, se voient imposer la réalisation d'un certain nombre de logements sociaux par période triennale. Si à l'expiration d'une période triennale l'objectif fixé n'est pas atteint le préfet peut prononcer la carence de la commune. Il appartient alors à la commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux d'apprécier les conditions dans lesquelles peut être échelonné sur la période triennale suivante le rattrapage du retard en logements sociaux ; la commission peut aussi constater l'existence de raisons objectives n'ayant pas permis à la commune d'atteindre l'objectif fixé et proposer un aménagement de l'effort imposé.
Le préfet ayant constaté le non-respect du plan triennal, a fixé à 756 le nombre de logements sociaux non réalisés par la commune de Neuilly-sur-Seine. La commune a saisi, en vain, le tribunal administratif, avec un certain succès la cour administrative d'appel.
Le Conseil d’État est saisi par la ministre compétente et il lui donne raison en son pourvoi. Pour ce faire, et c'est là un apport important de la décision, il exerce un contrôle plein et entier sur le non-respect de l'objectif triennal fixé ainsi que sur l'éventuelle existence des raisons objectives justifiant ce retard.
La commune invoquait précisément comme raisons objectives à la non réalisation de la prévision triennale, d'une part, la rareté du foncier disponible et, d'autre part, le coût anormalement élevé de celui-ci. L'argument est rejeté par le juge de cassation, après annulation de l'arrêt d'appel, au motif qu'en réalité la commune ne s'est pas donnée les moyens d'atteindre l'objectif fixé. En particulier, elle n'a ni modifié ou révisé son plan local d'urbanisme, ni prévu des emplacements réservés à cet effet, ni imposé un certain pourcentage de réalisation de logements sociaux dans les programmes immobiliers qu'elle a autorisés. Au fond, elle n'a pas de véritable programme local de l'habitat.
Son appel est ainsi rejeté.
(2 juillet 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Commune de Neuilly-sur-Seine, n° 433733)
241 - Permis de construire - Contestation - Permis assorti d'une réserve technique de rétrocession à une métropole d'un terrain devant servir d'assiette à la création d'un chemin piétonnier - Recours fondé sur le non-respect du règlement du PLU concernant l'implantation des constructions - Rejet du recours en raison de la réserve technique - Absence d'examen de la légalité de la rétrocession contestée par le requérant - Jugement insuffisamment motivé - Annulation.
Un syndicat de copropriétaires conteste le permis de construire délivré par une métropole en vue de la construction d'un immeuble de vingt-quatre logements. Ce permis est assorti d'une réserve technique relative à la rétrocession à la métropole d'une partie de la parcelle, d'une superficie de 164 m², aux fins de la création d'un cheminement piétonnier ouvert à la circulation du public. Le requérant faisait valoir l'illégalité de cette rétrocession et qu'en conséquence n'était pas respectée la règle du PLU relative à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Le tribunal a rejeté l'argument au motif que cette règle n'était pas applicable en raison de l'effet obligatoire attaché aux prescriptions d'un permis de construire, ce qui est exact mais, ce jugeant, il n'avait pas examiné la question de la légalité de cette rétrocession. Or le moyen n'était pas inopérant au regard de l'objet du litige.
Le Conseil d’État annule donc cette omission de réponse à moyen.
(5 juillet 2021, Syndicat de la copropriété " Les Terrasses de l'Aqueduc ", n° 437849)
242 - Permis de construire une serre de production agricole - Refus pour absence de précision sur le raccordement de la construction projetée au réseau d'eau potable - Annulation en raison de la non-nécessité d'un tel raccordement - Erreur de droit au regard des dispositions du règlement du POS - Annulation de l'arrêt contraire.
Le maire de la commune requérante avait refusé le permis de construire une serre de production agricole car la demande ne comportait pas de précisions sur les modalités de raccordement de la construction projetée au réseau d'eau potable. Saisis par le pétitionnaire, les juges du fond ont annulé ce refus et enjoint le maire de délivrer l'autorisation de construire.
La commune se pourvoit et le Conseil d’État lui donne raison.
Il s'appuie pour cela sur les dispositions du règlement du POS qui exigent un raccordement au réseau public d'eau potable et qui ne fait pas figurer les serres de production agricole au rang des constructions dérogatoires.
En réalité, il aurait fallu contester la légalité de cette disposition du POS car il ne paraît guère raisonnable en ces temps d'écologisme triomphant d'exiger qu'une serre soit alimentée en eau potable.
(7 juillet 2021, Commune de Valergues, n° 433868)
243 - Permis de construire - Permis accordé sans respect des prescriptions de l'art. L. 422-6 c. urb. - Illégalité - Rejet.
L'art. L. 422-6 du code de l'urbanisme dispose que : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ".
En l'espèce, le plan local d'urbanisme approuvé par le conseil municipal d'Ajaccio le 21 mai 2013 avait été annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Bastia. Ce plan concernait en particulier la parcelle d'assiette d'un projet de construction faisant l'objet d'une demande de permis de construire. L'annulation du PLU a remis en vigueur le POS antérieur et la commune a engagé la procédure de révision de ce POS. Toutefois, cette dernière n'étant pas achevée le 26 mars 2017 le POS remis en vigueur est, de ce fait, devenu caduc. Le maire ne pouvait plus délivrer un permis de construire qu'en suivant la procédure prévue à l'art. L. 442-6 précité qui comporte le recueil de l'avis conforme du préfet.
Faute d'avoir opéré ainsi, le maire a entaché le permis litigieux d'illégalité et c'est donc sans erreur de droit que le tribunal administratif l'a annulé.
(7 juillet 2021, M. A. et Mme C., n° 435493)
244 - Référé de l’art. L. 554-1 CJA - Permis de construire - Zone littorale - Dispositions spéciales du droit de l’urbanisme - Prise en compte des dispositions suffisamment précises du schéma de cohérence territoriale - Demande de sursis à l’exécution d’un arrêt d’appel - Rejet.
Sur le fondement des dispositions de l’art. L. 554-1 CJA, un préfet obtient la suspension de l’exécution d’un permis de construire, ce jugement ayant été confirmé en appel, la commune de délivrance de ce permis se pourvoit en cassation contre cet arrêt et en demande également le sursis d’exécution. Cette demande est rejetée car le juge relève que, en zone littorale, du fait des règles particulières d’urbanisme qui y sont applicables (cf. art. L. 121-8 c. urb.), notamment celle imposant que l’extension de l’urbanisation ne puisse se réaliser qu’en continuité avec les agglomérations et villages existants, il incombe à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande de permis de construire de tenir compte, à la fois, de la conformité du projet à celles des dispositions du code de l’urbanisme qui lui sont applicables ainsi qu’à celles des dispositions suffisamment précises du schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui déterminent les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et qui définissent leur localisation, à la concomitante condition que ces dispositions soient compatibles avec les dispositions législatives précitées spécifiques au littoral.
Ainsi, l’ordonnance attaquée, dont le sursis à l’exécution était demandé, n’a pas commis d’erreur de droit en relevant que le projet de construction litigieux était, à la fois, contraire aux dispositions de l’art. L. 121-8 précité et, en tenant compte de ce qu’il résultait des dispositions du SCoT – jugées implicitement mais nécessairement précisés par la cour et conformes avec ledit art. L. 121-8 – que celui-ci ne retenait pas le lieu-dit où se situait le terrain d'assiette de ce projet parmi les agglomérations, villages et autres secteurs urbanisés.
La demande de sursis à l’exécution de cette ordonnance est donc rejetée.
(9 juillet 2021, Commune de Landéda, n° 445118)
245 - Avis de droit (art. L. 113-1 cja) - Champ d’application du sursis à statuer de l’art. L. 153-11 c. urb. - Cas des installations classées pour l’environnement - Régime de l’autorisation unique.
Le Conseil d’État était interrogé pour l’essentiel sur la question de savoir si le régime du sursis à statuer tel que fixé par les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme à propos de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme était applicable aux demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations autres que celles régies par le livre IV du code de l'urbanisme, notamment s’agissant d’une demande d'autorisation portant sur un projet soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.
La réponse donnée dans cet important avis de droit tient en trois propositions qui clarifient une situation très complexe née de l’imbrication de textes édictés par un législateur frappé d’impuissance intellectuelle à dominer la matière qu’il entend régir.
Il faut savoir gré au juge de dégager une thérapeutique permettant de soigner la schizophrénie du législateur.
1°/ En principe, le sursis à statuer ne peut être opposé, en cas d'élaboration d'un plan local d'urbanisme, qu'aux demandes d'autorisations relevant du livre IV du code de l'urbanisme, auxquelles renvoie expressément l'article L. 153-11 du même code. Il n'est donc pas possible d'opposer un sursis à statuer sur le fondement de ce texte à une demande d'autorisation environnementale, laquelle n'est pas régie par le livre IV du code de l'urbanisme.Cependant, lorsque l’exercice de l'activité qui est l’objet de cette autorisation suppose également la délivrance d'un permis de construire, l'autorité compétente pourra, sur le fondement dudit article, opposer un sursis à statuer sur la demande de permis de construire si le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
2°/ Si les autorisations environnementales uniques délivrées sur le fondement de l'ordonnance du 20 mars 2014 valaient permis de construire, ces autorisations étaient néanmoins soumises à une liste limitative de dispositions du code de l'urbanisme énumérées à l'article 4 de l'ordonnance, parmi lesquelles ne figuraient pas les dispositions permettant d'opposer un sursis à statuer. Dès lors, même si ces autorisations étaient tenues, en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, de respecter les règles du plan local d'urbanisme, il n'était pas possible, au stade de la demande d'autorisation environnementale unique, d'opposer un sursis à statuer en raison de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme.
3°/ Dans le cas des projets d’implantation d’éoliennes terrestres, objet du litige dont était saisie la cour interrogatrice, deux situations doivent être distinguées.
a/ Ceux de ces projets autorisés sur le fondement de l'ordonnance du 20 mars 2014 obéissent aux règles régissant les autorisations environnementales uniques énoncées au 2°/.
b/ Ceux autorisés depuis l'ordonnance du 26 janvier 2017 sont soumis à autorisation environnementale mais dispensés de permis de construire en vertu de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme tout en devant respecter les règles d'urbanisme qui leur sont applicables. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation environnementale, faute de disposition particulière en ce sens et dès lors que ces projets ne donnent pas lieu à une autorisation régie par le livre IV du code de l'urbanisme, ne peut opposer un sursis à statuer en raison de l'élaboration d'un document d'urbanisme.
D’où un risque d’incohérence que le juge tente de réduire en posant que l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune qui a arrêté un projet de plan local d'urbanisme, pourra assurer la cohérence entre le projet d'éoliennes et le document d'urbanisme en cours d'élaboration grâce à l'obligation, posée à l'article L. 515-47 du code de l'environnement, de recueillir l'avis favorable de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou du conseil municipal de la commune concernée, avant toute implantation d'éoliennes qui apparaîtrait incompatible avec le voisinage des zones habitées.
Une fois de plus l’incapacité du législateur à édifier des structurations juridiques harmonieuses, cohérentes et stables contraint le juge à refaire son travail.
(9 juillet 2021, Société les Pâtis Longs, n° 450859)
246 - Plan d’urbanisme - Annulation partielle par le juge - Remise en vigueur des dispositions du PLU ou du POS antérieur non contraires à l’autorité de chose jugée - Obligation d’élaborer de nouvelles dispositions en exécution et dans le respect de la chose jugée - Obligation de mettre en œuvre, selon les cas, la procédure de révision, de modification ou de modification simplifiée du PLU - Possibilité de se fonder sur certains actes de procédure accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge – Annulation.
Le plan d’urbanisme de la commune requérante en cassation ayant été partiellement annulé, se posait la question des conditions d’exécution de la chose jugée. Les premiers juges, confirmés en appel, avaient estimé irrégulier le classement de deux parcelles sur lesquelles une société exerçait une activité de stationnement collectif de bateaux car situées dans une zone ne permettant plus l’exercice de cette activité.
En premier lieu, le Conseil d’État juge, conformément aux dispositions de l’art. L. 153-7 du code de l’urbanisme, d’une part, que l’annulation partielle, au contentieux, d’un plan d’urbanisme, oblige la collectivité territoriale à élaborer, en exécution et dans les limites de la chose jugée, de nouvelles dispositions se substituant à celles qui ont été annulées et, d’autre part, que cette obligation subsiste alors même que l'annulation aurait eu pour effet de remettre en vigueur, en application des dispositions de l'art. L. 600-12 c. urb. ou de l’art. L. 174-6 dudit code, des dispositions d'un plan local d'urbanisme ou, pour une durée maximale de vingt-quatre mois, des dispositions d'un plan d'occupation des sols qui ne méconnaîtraient pas l'autorité de la chose jugée par ce même jugement d'annulation.
En second lieu, et contrairement à ce qu’avait jugé la cour administrative d’appel, le Conseil d’État adopte une solution très innovante en permettant à la collectivité, ainsi tenue - pour assurer la pleine exécution de la chose jugée - de mettre en œuvre, selon les cas, une procédure de révision, de modification ou de modification simplifiée du PLU, de se fonder sur certains actes accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge.
(16 juillet 2021, Commune de La Londe-les-Maures, n° 437562)
247 - Plan local d’urbanisme (PLU) – Procédure de modification simplifiée du plan – Conditions et limites – Autorisation d’un site multisports mécaniques – Autorisation incompatible avec la vocation d’une zone ou d’un secteur du PLU – Qualification inexacte des faits Annulation.
Dans une zone Ny de son PLU sur laquelle sont interdits les sports mécaniques, une commune décide de recourir à la procédure de modification simplifiée du plan afin d’y autoriser la création d’un site multisports mécaniques, notamment une piste de moto-cross et une piste de BMX.
Le requérant a obtenu en première instance l’annulation de la délibération litigieuse tandis que la cour administrative d’appel a annulé ce jugement motif pris de ce que la modification, par la délibération litigieuse, du règlement de la zone Ny pour autoriser les aménagements et installations liés à l'exercice des sports mécaniques, pouvait être regardée comme la rectification d'une erreur matérielle à laquelle il était loisible, pour la commune, de procéder en recourant à la procédure simplifiée.
Le juge de cassation, se fondant notamment sur les dispositions des art. L. 123-1 et suivants du code de l’urbanisme, casse l’arrêt, estimant que la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
En effet, il considère que si la procédure de modification simplifiée est justifiée quand elle vise à rectifier une erreur matérielle, afin de corriger une malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l'intitulé, la délimitation ou la règlementation d'une parcelle, d'un secteur ou d'une zone ou le choix d'un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du PLU, telles qu'elles ressortent des différents documents constitutifs de ce plan, et notamment du rapport de présentation, des orientations d'aménagement ou du projet d'aménagement et de développement durable, en revanche son utilisation est irrégulière car elle a « pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec la vocation d'une zone ou d'un secteur définis par le plan local d'urbanisme ».
C’était précisément le cas en l’espèce, d’où la cassation.
(21 juillet 2021, M. A., n° 434130)
248 - Permis de construire modificatif - Refus du maire - Saisine du préfet sur le fondement de l’art. L. 2131-6 du CGCT - Interprétation de cette saisine comme un recours hiérarchique - Rejet - Erreur de droit - Annulation.
La société requérante, dont une demande de permis modificatif a été refusée par un maire, a saisi le préfet d'un « recours hiérarchique pour annulation » de l'arrêté du maire, auquel le préfet a répondu par deux courriers successifs en lui indiquant, d’abord, les voies et délais d'un recours gracieux ou contentieux contre cet arrêté puis, que le délai d'un déféré préfectoral au tribunal administratif exercé en application de l'article L. 2131-6 du CGCT dans le cadre du contrôle de légalité était expiré depuis un mois environ.
Son recours, dirigé contre l’arrêté municipal rejetant la demande de permis modificatif ayant été rejeté en première instance et en appel, la SCI se pourvoit et le juge de cassation annule l’arrêt d’appel.
Le Conseil d’État rappelle qu’il résulte de la combinaison des art. L. 2131-2 et 3, L. 2131-6 et L 2131-8 du CGCT qu’une personne qui s'estime lésée par un acte d'une autorité communale relevant du contrôle de légalité du représentant de l'État dans le département peut saisir ce dernier en vue qu'il le défère au tribunal administratif. Cette saisine n'ayant pas pour effet de priver cette personne de la faculté d'exercer un recours direct contre cet acte, le refus du préfet de déférer celui-ci au tribunal administratif ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En revanche, si elle a été formée dans le délai du recours contentieux ouvert contre cet acte, la demande ainsi présentée au préfet a pour effet de proroger ce délai jusqu'à l'intervention de la décision explicite ou implicite par laquelle le préfet se prononce sur ladite demande.
En jugeant l’action dont la société l’a saisie, entachée de forclusion, la juridiction administrative a privé d’effet utile la saisine du préfet et s'est méprise sur la portée qu'il convenait de reconnaître au courrier du 29 juillet 2016 que lui a adressé la SCI requérante. En effet, il résulte de ses termes mêmes que cette dernière se présentait bien comme une demande de réformation du refus du maire de délivrer un permis modificatif à raison de l’illégalité de ce refus portant sur un acte soumis à l’obligation de transmission au préfet par application des dispositions du 6° de l’art L. 2131-2 du CGCT.
(22 juillet 2021, Société civile de construction vente Grenadines, n° 436105)
249 - Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles (PSMV) - Disposition de ce plan (art. 3) - Interdiction de la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver - Rejet de la demande d’autorisation de créer un ascenseur extérieur - Violation de l’art. L. 313-1 du code de l’urbanisme - Erreur de droit - Annulation partielle de l’arrêt d’appel.
Le syndicat demandeur poursuivait l’annulation de l’arrêté municipal refusant de lui délivrer le permis de construire un ascenseur à structure métallique dans la cour de cet immeuble. Débouté en première instance et en appel, le syndicat se pourvoit.
L’arrêt est partiellement annulé en cassation.
L’art. 3 du règlement du PSVM de Versailles interdit la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver et n’autorise, en conséquence, que la seule réalisation, sur ces immeubles, de travaux en vue de la restitution dans leur état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec leur état primitif. C’est sur cette disposition que se sont appuyés le maire pour refuser de délivrer un permis de construire cet ascenseur dans la cour de l’immeuble des requérants et les juges du fond pour rejeter le recours de ces derniers contre ce refus.
Le Conseil d’État relève qu’il résulte du III de l’art. L. 313-1 du code de l’urbanisme dans la version qui lui a été donnée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains « que si les plans de sauvegarde et de mise en valeur peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, ils ne peuvent désormais en interdire toute modification de façon générale et absolue. »
En jugeant que les dispositions litigieuses de l’art. 3 du règlement du PSVM ne méconnaissaient l’art. L. 313-1 c. urb., la cour a commis une erreur de droit.
(22 juillet 2021, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 9, place Hoche à Versailles, n° 438247)
V. aussi à propos d’un autre aspect de cette décision le n° 44
250 - Déclaration de travaux - Ouverture d’un portail permettant l’accès à une propriété - Opposition - Existence de deux voies d’accès - Dispositions d’un plan local d’urbanisme (PLU) réglementant les conditions d’accès à une propriété en cas de pluralité de voies d’accès - Légalité - Erreur de droit - Annulation de l’arrêt contraire.
Contrairement à ce qui a été jugé en appel, c’est sans illégalité qu’un maire fait opposition à une déclaration de travaux relative à la création d’un portail pour permettre l’accès à une propriété privée à partir d’une voie départementale alors qu’elle possède déjà un accès sur une voie communale dès lors que le règlement du PLU dispose en son art. UB 3.1 « lorsque le terrain est desservi par plusieurs voies, l'accès automobile sera situé sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque moindre pour la circulation des différents usagers de la voirie (…) le nombre d'accès automobile aux voies sera limité au minimum indispensable ».
L’arrêt d’appel est cassé pour erreur de droit.
(22 juillet 2021, Commune de Croissy-sur-Seine, n° 442334)
251 - Permis de construire – Irrégularité - Obligation s'imposant au juge saisi sur le fondement des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 c. urb. - Modification remettant en cause la conception générale de l'immeuble insuffisante à justifier l'annulation du permis de construire - Nécessité d'établir un changement dans la nature même de l'immeuble - Erreur de droit - Annulation.
Commet une erreur de droit le jugement qui, fondé sur les dispositions des art. L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, estime impossible la délivrance d'un permis modificatif car il serait nécessaire d'apporter au projet des modifications qui remettraient en cause sa conception générale alors qu'il ne devait rechercher que si la mesure de régularisation impliquerait d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Par cette interprétation très large de la possibilité de régularisation, qui n'est pas nouvelle, le Conseil d’État manifeste le souci, maintes fois exprimé par lui, d'un droit de l'urbanisme davantage correcteur que sanctionnateur, attaché autant que faire se peut à sauvegarder plutôt qu'à anéantir.
(29 juillet 2021, Société Erilia, n° 439704)
252 - Plan local d'urbanisme - Prescriptions du PLU emportant interdiction de construire sur la plupart des parcelles classées en zone U - Annulation pour illégalité - Obligation d'apprécier la cohérence entre cette interdiction et le parti d'urbanisme adopté par la collectivité - Absence - Annulation.
Doit être annulé l'arrêt qui, pour dire illégales les dispositions d'un PLU relatives aux zones U, se borne à relever qu'elles ont pour effet d'interdire la plupart des constructions nouvelles sur les terrains non construits et qu'un plan local d'urbanisme ne peut légalement fixer de règle générale ayant pour effet d'interdire la plupart des constructions nouvelles sur des terrains classés en zone U sans que cette inconstructibilité ne soit justifiée par un motif prévu par la loi. En effet, il résulte de la loi que le PLU doit traduire le parti d'urbanisme adopté par la collectivité et que le juge doit seulement contrôler la cohérence entre ce dernier et les dispositions du PLU les mettant en oeuvre. En l'espèce, le choix retenu résultait de la volonté des élus de « recentrer l'urbanisation ».
Faute d'avoir exercé ce contrôle de cohérence, la cour a commis une erreur de droit, d'où la cassation avec renvoi qui est prononcée.
(30 juillet 2021, Commune des Avenières Veyrins-Thuellin, n° 437709)
253 - Déclaration préalable de travaux - Création d'une déchetterie - Proximité d'un camping - Urgence à exécuter les travaux - Travaux n'apparaissant pas difficilement réversibles - Nuisances de caractère éventuel - Rejet.
Le juge de première instance avait rejeté la demande de référé suspension dirigée contre la non opposition d'un maire à une déclaration préalable de travaux en vue de la création d'une déchetterie par une communauté d'agglomération à proximité d’un terrain de camping, par le triple motif qu'existait un intérêt public commandant une réalisation rapide des travaux, que ceux-ci étaient assez circonscrits et non difficilement réversibles et qu'enfin les nuisances alléguées ne sont qu'éventuelles.
L'ordonnance est confirmée en cassation, entraînant, par suite, le rejet du pourvoi.
(ord. réf., 30 juillet 2021, M. A. et société Camping le Moulin, n° 448356)
254 - Permis de construire – Absence de raccordement au réseau d’eau ou de desserte autonome en eau autorisée – Présomption d’urgence (art. L. 600-3 c. urb.) retenue – Annulation du jugement et suspension du permis de construire ordonnée.
C’est par suite d’une dénaturation que le premier juge a estimé qu’une construction sans raccordement au réseau d’eau ou sans desserte autonome autorisée ne contrevenait pas aux dispositions de l’art. A4 du règlement du plan d’urbanisme communal. Comme par ailleurs aucun motif ne permet en l’espèce d’écarter la présomption d’urgence instituée à l’art. L. 600-3 du code de l’urbanisme, la suspension du permis de construire est, sans surprise, ordonnée.
(ord. réf. 3 août 2021, M. E., n° 448466)
255 - Refus de délivrer un permis de construire – Permis portant sur la reconstruction à l’identique du toit d’une bergerie – Refus fondé sur une incohérence dans le dossier du pétitionnaire – Invocation du second alinéa de l’art. L. 111-3 c. urb. – Refus – Erreur de droit – Annulation.
Un permis de construire portant notamment sur la reconstruction à l’identique du toit d’une bergerie est refusé motif pris d’une incohérence dans le dossier de demande de permis. La cour administrative d’appel juge que le pétitionnaire ne pouvait utilement se prévaloir devant elle des dispositions du second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que ni sa demande de permis de construire ni l'arrêté refusant d'y faire droit ne visait ces dispositions.
Le Conseil d’État rappelle que le dispositif imaginé par ce texte a pour objet de permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l'abandon mais dont demeure l'essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d'urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés.
Interprétant généreusement ce texte qui, en réalité, ne dit que ce vient d’être indiqué, le Conseil d’État juge que « le pétitionnaire peut, à l'appui de sa contestation devant le juge de l'excès de pouvoir du refus opposé à sa demande de permis de construire, faire valoir que son projet répond aux conditions fixées par le second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, y compris s'il n'en a pas invoqué le bénéfice dans sa demande présentée à l'autorité administrative ».
Par suite, la cour a commis une erreur de droit, son arrêt est cassé et cette cassation étant la seconde dans cette affaire, le Conseil d’État statue au fond, définitivement, comme juge d’appel.
Constatant que l’intéressé satisfait aux conditions du second alinéa de l’art. L. 111-3 c. urb., il fait injonction de lui délivrer sous trois mois le permis sollicité.
(4 août 2021, M. B., n° 433761)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Juin 2021
Juin 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse
1 - Réponses des ministres à des questions écrites des parlementaires – Publication non exhaustive de ces réponses – QPC – Réponses non susceptibles de recours contentieux – Réponses non publiées sur un site internet dédié – Irrecevabilité.
Les requérants contestaient tout d’abord la constitutionnalité de l’absence de publication intégrale des réponses ministérielles à des questions de parlementaires, seules une partie d’entre elles l’étant, en invoquant la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence.
Le premier de ces moyens n’est pas invocable au soutien d’une QPC et le second voit sa recevabilité subordonnée à ce que cette incompétence négative affecte un droit ou une liberté que la Constitution garantit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Ensuite, ils invoquaient les dispositions du CRPA qui rendent opposables les réponses publiées sur un site dédié. Le Conseil d’État rappelle d’abord que les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas, en règle générale, des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux ; il précise en outre que les réponses litigieuses ne figurant pas sur ce site dédié, les requêtes ne sont pas davantage recevables.
(2 juin 2021, A. et autres, n° 450329 ; M. J., n° 450631 ; M. F., n° 451114 ; M. G., n° 451157)
2 - Procédure administrative non contentieuse – Comité technique ministériel de l’éducation nationale – Absence de vote unanimement défavorable – Non nécessité d’une seconde délibération – Rejet.
La présente affaire portait, pour l’essentiel, sur l’illégalité – pour atteinte au principe d’égalité - qui aurait résulté de ce que le décret du 20 décembre 2019 a intégré l'apprentissage dans les missions des agents contractuels du niveau de la catégorie A des groupements d'établissements exerçant en formation continue des adultes.
Rejetant le recours au fond, le Conseil d’État est amené à apporter une importante précision de procédure non contentieuse.
En l’espèce, le comité technique ministériel de l'éducation nationale avait été consulté sur le projet de décret attaqué. Lors du vote, cinq membres du comité se sont abstenus de voter sur ce projet. Les requérants soutenaient qu’il aurait dû être fait application de la règle exigeant une deuxième délibération. Le moyen est rejeté car il fallait pour cela que le vote fût unanimement défavorable : tel n’est pas le cas en l’espèce du fait de l’existence d’abstentions.
(16 juin 2021, M. C., n° 439076)
3 - Principe d’impartialité de l’administration active – Champ d’application – Cas du pôle national des certificats d’économies d’énergie – Séparation des fonctions d’instruction des fonctions de sanction – Rejet.
Dans un litige portant sur les sanctions applicables en cas de manquements, par un fournisseur d’énergies, à ses obligations d’économies d’énergie et sur leur régime juridique, le juge se prononce sur l’application du principe d’impartialité en ce cas.
Le juge rappelle tout d’abord que le principe d'impartialité est un principe général du droit s'imposant à tous les organismes administratifs.
Ensuite, il indique que ce principe n'implique pas qu'il soit procédé à une séparation des fonctions d'instruction et de sanction au sein du pôle national des certificats d'économies d'énergie, qui est un service à compétence nationale placé sous l'autorité du ministre chargé de l'énergie, au nom duquel sont prononcées les décisions sanctionnant les infractions relatives aux CEE, sans d'ailleurs faire intervenir aucun organe à caractère collégial.
Par suite le grief développé sur ce point est rejeté.
(17 juin 2021, Société Butagaz, n° 434363)
4 - Arrêté portant restructuration de services – Arrêté renvoyant à une annexe qui n’existe pas – Absence de définition du périmètre de la restructuration – Illégalité – Annulation.
Doit être annulé l’arrêté interministériel du 28 juillet 2020 qui, pris pour l’application de l’art. 1er du décret du 23 décembre 2019, renvoie pour la définition du périmètre d’une restructuration de services, à une annexe qui n’existe pas rendant ainsi impossible la mise en œuvre de cette restructuration.
(23 juin 2021, Syndicat CGT du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) et syndicat Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services Force ouvrière (Feets-FO), n° 444964 et n° 447896)
5 - Recommandations du directeur général de la santé – Politique de vaccination contre le Covid-19 – Message du directeur adressé aux personnels de santé – Compétence – Rejet.
Le directeur général de la santé, d’une part, tient des dispositions de l’art. L. 3111-1 du code de la santé publique la compétence pour émettre les recommandations nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de vaccination contre le Covid-19 et, d’autre part, peut, pour prendre cette décision, se fonder sur un avis du collège de la Haute Autorité de santé qu’il a lui-même sollicité.
(ord. réf. 23 juin 2021, M. C., n° 453498)
6 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Refus de mettre en demeure ou de sanctionner – Obligation de motivation – Absence.
Rappel de ce que la décision du CSA refusant d’adresser une mise en demeure ou d’infliger une sanction, n’entre pas au nombre des décisions soumises à l’obligation de motivation soit en vertu de l’art. L. 211-2 du CRPA soit en vertu de la loi du 30 septembre 1986 ou de toute autre loi.
(28 juin 2021, Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC, n° 441572)
Audiovisuel, informatique et technologies numériques
7 - Données personnelles – Mise en ligne de nominations dans la fonction publique – Mention faisant apparaître la qualité d’handicapé de l’intéressé – Mention ne constituant pas une donnée relative à la santé de cette personne – Obligation de retirer cette information après expiration du délai de recours contre la décision de nomination – Annulation.
Une personne nommée fonctionnaire a demandé que soit retiré du site où figure l’acte de sa nomination, le visa du décret appliqué en l’espèce en ce qu’il permet de révéler sa condition d’handicapé, cela en violation de l’interdiction de divulguer des données personnelles. L’administration ayant refusé de supprimer certaines des mentions dont le retrait lui avait été demandé, le tribunal administratif a été saisi mais a rejeté la demande tandis que la cour administrative d’appel, pour confirmer ce rejet, a estimé n’être pas en présence de données personnelles.
Sur pourvoi, le Conseil d’État annule cet arrêt motif pris de ce que « la seule publication sur un site internet de données à caractère personnel suffit à (…) rendre applicables (les règles relatives à un traitement de données à caractère personnel par voie informatique) ».
Ensuite, eu égard aux exigences de publicité des nominations dans la fonction publique et à la préservation du droit au recours des tiers, la publication sur un site internet de telles données est-elle ipso facto irrégulière ? Le Conseil d’État répond négativement au prix d’une pirouette en relevant que la seule mention que l’intéressé avait été nommé au terme d’une procédure à laquelle s’appliquait un décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique n’avait pas pour effet de révéler publiquement une donnée relative à la santé de cette personne. On se demande qu’est-ce qu’il y a de plus à savoir alors que l’on sait déjà qu’il y a handicap et qu’ainsi tout est dit.
Enfin, opérant son habituel balancement entre intérêt public et intérêt privé, le juge estime toutefois que cette indication ne doit être maintenue que le temps nécessaire à la formation d’éventuels recours contentieux de tiers. Passé ce délai, la publication de cet élément doit cesser ; ce délai étant expiré à la date de la présente décision son maintien est illégal et il est ordonné à l’administration de mettre un terme sous trois mois à cette publication.
Et voilà comment une mention de données personnelles figurant sur le site d’un ministère, illégale depuis la mi-septembre 2015, aura été maintenue au moins jusqu’à la mi-juin 2021 sinon jusqu’à la mi-septembre 2021. Qui a parlé d’annulation platonique ? Ou alors faudra-t-il recourir à l’allocation d’une somme d’argent en réparation de la faute ?
(10 juin 2021, M. A.-C., n° 431875)
8 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Rejet fautif d’une candidature en vue de l'exploitation du service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne – Conditions de l’indemnisation – Caractère direct et certain du préjudice – Calcul sur la seule durée initiale de la convention – Indemnisation de la perte de recettes commerciales - Évaluation du montant de ces recettes – Annulation sur ce dernier point.
La requérante demandait réparation du préjudice causé par son éviction irrégulière d’un appel à candidatures organisé par le CSA en vue de l’attribution d'une autorisation d'usage d'une fréquence hertzienne pour la diffusion d'un service radiophonique par voie hertzienne terrestre en mode analogique.
Dans sa réponse le Conseil d’État utilise un schéma très semblable à celui adopté en cas d’éviction irrégulière d’une procédure de commande publique.
Il incombe au juge, d’abord, de déterminer si cette éviction a causé à la demanderesse un dommage en lien direct avec le caractère fautif de l’éviction.
En cas de réponse positive, le juge doit vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter l'appel à candidatures.
En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité.
Dans le cas contraire, il a droit en principe et au minimum au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. En outre, il convient de rechercher si ce candidat avait des chances sérieuses d'obtenir l'autorisation attribuée à un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant alors, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de son offre.
Cependant, en pareille hypothèse, l'indemnisation du manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'utilisation initiale de l'autorisation d'usage de la fréquence hertzienne et non sur les périodes ultérieures, les reconductions ne revêtant qu’un caractère éventuel sans que puisse faire échec à ce principe l’invocation par le candidat irrégulièrement évincé de ce qu'il aurait, au terme de la période d'autorisation sur laquelle porte l'éviction irrégulière, rempli les conditions pour bénéficier, en application de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 cité ci-dessus, d'une reconduction hors appel à candidatures.
Enfin, l'indemnité due au titre du manque à gagner à une entreprise irrégulièrement évincée d'un appel à candidatures qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales et doit, en conséquence, être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Ce dernier doit donc être inclus dans le calcul du manque à gagner du candidat évincé : son résultat d'exploitation doit donc, contrairement à ce qu’a jugé la cour administrative d’appel, être évalué avant déduction de l'impôt sur les sociétés.
(16 juin 2021, Société Media Bonheur, n° 422535)
9 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Refus de mettre en demeure ou de sanctionner – Obligation de motivation – Absence.
(28 juin 2021, Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC, n° 441572) V. n° 6
Biens
10 - Concession de logement – Sapeur-pompier – Délibération mettant fin à cette concession – Bien faisant partie du domaine privé – Détermination de la valeur vénale – Cession à un prix très inférieur à cette valeur – Légalité dans les circonstances de l’espèce - Rejet.
Le président du conseil d’administration d’un service départemental d’incendie et de secours (SDIS) met fin à une concession de logement dont bénéficiait un sapeur-pompier en exécution d’une délibération dudit conseil cédant l’ensemble des biens immobiliers du SDIS dans lequel se trouvaient des logements de sapeurs-pompiers.
Tout d’abord, il ne fait pas de doute que ces biens font partie, au moment de leur cession, du domaine privé du SDIS car, distincts de ceux affectés au service d’incendie et de secours, et servant exclusivement au logement d’agents, ils n’étaient pas affectés à un service public ainsi que l’a correctement jugé la cour.
Ensuite, ces biens devaient être vendus à leur valeur vénale sauf à démontrer qu’un prix plus bas est justifié en l’espèce et par l’intérêt général et par une contrepartie. Dans cette affaire, les biens sont cédés à une valeur inférieure de 30% à l’estimation de France Domaines. Le SDIS donne pour justification à ce prix bas, d’une part, qu’il n’a pas, eu égard au principe de spécialité qui le régit, vocation à gérer des logements, d’autre part, le fait qu’il a obtenu des organismes de logement social acquéreurs l'engagement que les sapeurs-pompiers professionnels pourront, s'ils le souhaitent, être maintenus dans les lieux. Le Conseil d’État approuve la cour d’avoir relevé l’existence d’un intérêt général ainsi que d’une contrepartie pour dire régulier le prix de cession retenu.
Le pourvoi en cassation du syndicat est déclaré irrecevable car, simple intervenant en appel et n’ayant pas eu, à défaut d’intervention, qualité pour former tierce-opposition, il n’y avait pas la qualité de partie.
Le pourvoi du demandeur est rejeté.
(21 juin 2021, M. B. et Syndicat Sud-solidaires des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et sociaux du service départemental d'incendie et de secours du Rhône, n° 434384)
11 - Occupation temporaire du domaine public routier – Implantation d’ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques – Compétence pour établir les redevances d’occupation – Erreur de droit – Annulation.
La cour administrative d’appel avait jugé que l’institution par la ville de Montpellier d’une redevance pour occupation temporaire du domaine public communal par un opérateur de télécommunications était irrégulière au regard des dispositions de l’art. L. 113-4 du code de la voirie routière et de celles des art. L. 46 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques. Par suite, cette commune ne pouvait légalement émettre les titres exécutoires en litige pour le recouvrement de cette redevance sur le fondement de cette délibération entachée d'illégalité.
Le Conseil d’État casse cet arrêt en relevant, d’une part, que les art. L. 45-9 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ont pour objet de réglementer respectivement le droit de passage et la permission de voirie nécessaires à l'implantation des ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques et aux travaux correspondants qui doivent être effectués conformément aux règlements de voirie, - notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière -, et de prévoir le principe du paiement d'une redevance due au titre de l'occupation permanente du domaine public routier par ces ouvrages, tandis que, d'autre part, les articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du même code, auxquels renvoie l'article L. 47, ne font référence qu'à ce même droit de passage et, à ce titre, ne mentionnent que les artères et les fourreaux, occupés ou non.
Ainsi donc, en l'absence de dispositions particulières applicables à l'occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, la cour, en statuant comme elle l'a fait, a méconnu le champ d'application des art. 45-9 et 47 précités du code des postes et communications électroniques ainsi que celui de l’art. L. 115-1 du code de la voirie routière et commis ainsi une erreur de droit.
Rappelons que le moyen tiré du champ d’application de la loi étant d’ordre public, il peut être relevé d’office par le juge.
Dès lors, l’arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
(25 juin 2021, Montpellier Méditerranée Métropole, n° 441933)
12 - Contravention de grande voirie – Amarrage non conforme et dégâts causés aux ouvrages d’un port – Cour administrative d’appel annulant d’office un jugement ayant omis de statuer sur l’action domaniale – Propriétaire du domaine absent de la procédure d’appel – Annulation irrégulière – Annulation.
Le propriétaire d’un bateau fait l’objet d’un procès-verbal de contravention de grande voirie ; à la suite de celui-ci, il est condamné par le tribunal administratif au paiement d'une amende de 800 euros en raison de la non-conformité du mode d'amarrage de son voilier avec les dispositions du règlement portuaire, de l'absence de déclaration des dégâts causés aux ouvrages du port et du défaut de gardiennage de son bateau. Il interjette appel : l’arrêt d’appel a, d’une part, annulé le jugement en tant qu’il avait omis de se prononcer sur l’action domaniale et, d’autre part, condamné l’appelant à relever la chaîne de mouillage et à retirer la chaîne et les cadenas reliant la poupe de son navire au ponton du port dans un délai d'un mois à compter de la notification l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Un pourvoi en cassation est formé et il est accueilli car le Conseil d’État que la cour, qui n’était saisie que du seul appel du requérant contre le jugement ayant prononcé à son encontre une amende au titre de l'action publique, et la ministre de la transition écologique s’étant abstenue d’interjeter appel, ne pouvait se prononcer, à l’égard d’un jugement devenu définitif avant qu’elle ne statue, que sur le point en litige qui avait motivé l’appel. Par-là elle a méconnu son office en estimant que les premiers juges, en ne se prononçant pas sur l’action domaniale n’avaient pas épuisé leur compétence.
(25 juin 2021, M. A., n° 442539)
Collectivités territoriales
13 - Ports maritimes – Décret prévoyant la présence dans des organes portuaires délibératifs de deux représentants, l’un du préfet, l’autre du directeur régional des finances publiques – Libre administration des collectivités territoriales – Absence d’atteinte – Rejet.
L’art. L. 5314-12 du code des transports fixe les catégories de personnes devant obligatoirement être représentées au sein du conseil portuaire d'un port maritime.
Les requérants contestaient, pour le port maritime de Mayotte, la légalité du décret du 28 avril 2020, en ce que son art. 2 prévoit la présence ou la représentation du préfet et du directeur régional des finances publiques, d’une part, au conseil portuaire et, d’autre part, à la commission financière du port de Mayotte. Ils estimaient qu’il était ainsi porté atteinte, par la présence de quatre représentants d’autorités déconcentrées de l’État, au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
L’argument est rejeté par le Conseil d’État lequel juge que ces dispositions législatives ne font « pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire, s'agissant d'un organisme consultatif dont les travaux ne lient pas l'autorité gestionnaire du port, puisse, outre la répartition des sièges entre les différentes catégories de membres désignées par le législateur, prévoir la participation d'autres personnes y compris des représentants de l'Etat. Eu égard au rôle et aux compétences du conseil portuaire, la seule participation de deux représentants de l'Etat au conseil portuaire du port maritime de Mayotte exploité par le département, même avec voix délibérative, ne porte pas par elle-même atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Il en va de même de leur présence, avec simple voix consultative, au sein de la commission financière constituée au sein du conseil portuaire afin de rendre un avis sur les objets économiques, financiers et techniques relevant de ce conseil. »
Cette solution, peu respectueuse de l’autonomie locale et de la compétence du législateur en ce qu’elle remet en cause l’équilibre arithmétique qu’il avait entendu établir, ne surprendra pas l’habitué de la jurisprudence du Conseil d’État, traditionnellement hostile à l’autonomie locale.
(11 juin 2021, Société Mayotte Channel Gateway et autres, n° 441499)
14 - Contrat comportant occupation d’une dépendance du domaine public de l’État français – Dépendance se trouvant sur le territoire d’un autre État – Contrat comportant indication de l’application du droit local – Impossibilité de déroger à la compétence d’ordre public du juge administratif français – Rejet.
Une société italienne avait conclu avec l’Académie de France à Rome (Villa Médicis) une convention portant concession du service de cafétéria et de restauration de cet établissement public administratif. Mécontente des prestations fournies et invoquant diverses irrégularités, l’Académie de France a, après mise en demeure infructueuse, résilié unilatéralement le contrat. Les juridictions italiennes, dont la Cour de cassation, s’étant déclarées incompétentes pour connaître du litige né de cette décision, la requérante s’est tournée, en vain, vers les juridictions administratives françaises qui ont rejeté la demande d’annulation de la résiliation, celle tendant à la reprise des relations contractuelles et mis à sa charge une indemnisation de 84 850 euros.
Le pourvoi est lui aussi rejeté en dépit de ce que la convention de concession comportait une clause stipulant expressément qu’elle était régie par la loi italienne et de ce que le bien immobilier est lui-même situé en Italie.
Tout d’abord, la Villa Médicis constitue une dépendance du domaine public immobilier de l’État français dès lors que, antérieurement au 1er juillet 2006 (date d’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques), elle était déjà affectée à un service public culturel et spécialement aménagée à cette fin.
Ensuite, les litiges en cette matière relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives.
Enfin, ne peut être opposée à cette compétence qui est d’ordre public et donc indérogeable la circonstance d’une clause contractuelle irrégulière en ce qu’elle est contraire à une compétence d’ordre public.
L’arrêt querellé est confirmé en tous ses chefs.
(25 juin 2021, Société Mezzi et Fonderia, n° 438023)
Contentieux administratif
15 - Universités – Enseignant laissé sans service statutaire – Ordre de reversement – Service prétendument non fait durant 51 mois – Dénaturation des pièces du dossier – Annulation avec renvoi.
Dénature les pièces du dossier qui lui est soumis la juridiction qui juge qu’une université n’était pas au courant de la situation administrative de l’intéressé avant 2011 alors que figure au dossier un courrier de ce dernier du 27 août 2007 indiquant à l’université qu’ayant cessé ses fonctions dans une autre entité de l’université il était en attente d’un service d’enseignement au sein de celle-ci.
(1er juin 2021, M. C., n° 429699)
16 - Étudiant – Fraude à un examen – Sanction disciplinaire – Exclusion d’une année – Sanction non disproportionnée – Rejet.
Un étudiant sanctionné disciplinairement pour fraude à un examen de master I ne peut soutenir qu’est entaché d’irrégularité un procès-verbal non daté ni signé par tous les surveillants de l’épreuve dès lors, d’une part, que le requérant a été surpris en possession d'un téléphone portable affichant le corrigé d'une épreuve de la même matière donnée à l'occasion d'une année précédente et, d’autre part, que le procès-verbal constatant la fraude a été annexé au procès-verbal de déroulement de l'épreuve, lequel est daté du jour de l'examen, et qu’il a été signé par le président, professeur responsable de la surveillance de l'épreuve, et par la surveillante qui a constaté les faits reprochés au requérant.
Il résulte de ces faits que le grief de fraude est établi.
Également, la circonstance que la surveillante de l'examen n'ait pas été entendue par la commission n'est pas de nature, alors même qu'il résulte de l'instruction que son témoignage écrit a pu être très largement discuté, à caractériser une atteinte aux droits de la défense.
Enfin, l’université n’a pas infligé une sanction disproportionnée au regard des faits de l’espèce en édictant la sanction de l’exclusion de l’université pour une année.
(1er juin 2021, M. D., n° 431716)
17 - Procédure contentieuse – Communication de pièces – Communication à une seule des trois parties – Arrêt entaché d’irrégularité – Annulation avec renvoi.
Est entaché d’irrégularité et annulé l’arrêt d’appel qui, relatif à trois parties, le requérant ayant demandé leur condamnation solidaire, a été rendu alors que les pièces de la procédure d’appel n’ont été communiquées qu’à la première d’entre elles.
(8 juin 2021, Centre hospitalier d'Avignon, Centre hospitalier du pays d'Apt et Groupement de coopération sanitaire Apt-Avignon, n° 434425)
18 - Demande de confirmation expresse du maintien des conclusions – Désistement d’office à l’expiration du délai fixé sans réponse à la demande de confirmation – Appel de l’ordonnance constatant le désistement d’office – Office du juge d’appel en ce cas – Annulation.
Lorsque le juge saisi éprouve un doute sur l’intérêt que présente une requête pour son auteur, il adresse à ce dernier une invitation à confirmer expressément, dans un certain délai, les conclusions dont il l’a saisi, faute de réponse à l’expiration de ce délai est prise une ordonnance constatant le désistement du demandeur de l’ensemble de ses conclusions (art. L. 612-5-1 CJA).
La présente décision confirme une solution bien établie s’agissant de l’office du juge d’appel saisi d’un recours contre l’ordonnance prenant acte du désistement. Celui-ci ne peut se borner à rejeter l’appel au motif que ne sauraient être discutés devant lui les motifs ayant conduit à la prise de l’ordonnance constatant le désistement. Au contraire, le Conseil d’État rappelle le vade-mecum s’imposant en ce cas au juge d’appel de l’ordonnance. « Il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. »
Faute d’avoir suivi ce « protocole », l’ordonnance attaquée est entachée d’erreur de droit et annulée avec renvoi à la cour.
(9 juin 2021, M. et Mme B., n° 435780)
(19) Voir aussi pour une solution identique : 9 juin 2021, Société New Bar Hôtel de Ville, n° 435782.
20 - Marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique – Recours d’un concurrent évincé – Demande de résiliation du contrat en première instance puis d’annulation du contrat en appel – Absence de caractère de demande nouvelle en appel – Irrecevabilité opposée à tort – Annulation.
Un marché confiant une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage et d'accompagnement juridique pour la construction et la gestion d'un crématorium est conclu entre une commune et une société de conseil juridique. Un avocat évincé demande en première instance la résiliation du contrat. Débouté, il saisit le juge d’appel d’une demande d’annulation de ce contrat. Son appel est rejeté car il s’agit là de conclusions nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Sur pourvoi de l’intéressé l’arrêt est cassé au terme d’une motivation dont il faut souligner la relative nouveauté et, d’une certaine façon, l’audace.
Le Conseil d’État relève que les conclusions de première instance en résiliation du contrat « devaient être regardées (…) comme contestant la validité du contrat », ce qui permettait au juge du contrat, au besoin même d’office, de prononcer l’annulation du contrat.
Pour parvenir à ce résultat, le juge de cassation rappelle l’une de ses formulations de principe en matière de recours des tiers contre un contrat administratif : « Saisi d'un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses par un tiers justifiant que la passation de ce contrat l'a lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, il appartient au juge du contrat, en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. » Ceci explique et justifie qu’une demande d’annulation du contrat en appel alors qu’était demandée en première instance sa résiliation, ne peut se voir opposer l’exception de demande nouvelle en appel dont on sait qu’elle conduit à l’irrecevabilité d’une telle demande.
(9 juin 2021, Me A., n° 438054 ; Conseil national des barreaux, n° 438047)
21 - Prise en charge d’un mineur au titre de l’aide sociale – Mineur devenu majeur en cours d’instance – Moyen devant être relevé d’office – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, saisi d’une requête émanée d’un mineur demandant sa prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, statue sans relever d’office que celui-ci est devenu majeur au cours de l’instance.
(16 juin 2021, M. A., n° 435374)
22 - Annulation par le juge administratif de dispositions du règlement d’assurance chômage annexé à un décret – Arrêté ministériel pris en application des dispositions annulées – Annulation par voie de conséquence.
Les requérants demandent, et obtiennent, l’annulation par voie de conséquence d’un arrêté ministériel du 27 novembre 2019 relatif aux secteurs d'activité et aux employeurs entrant dans le champ d'application du bonus-malus, pris pour l’application des articles 50-3 et 50-10 du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 qu’une décision du Conseil d’État (25 novembre 2020, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, n° 434920) a annulés avec effet à compter du 1er janvier 2021.
Application d’une jurisprudence classique.
(16 juin 2021, Union des entreprises de transport et de logistique (TLF), n° 438234)
23 - Recours administratif préalable obligatoire (RAPO) – Recours formé prématurément – Autorité administrative n’ayant pas encore statué sur la demande – Absence d’irrecevabilité de principe – Annulation du jugement et renvoi au tribunal administratif.
Lorsque la formation d’un recours administratif préalable obligatoire a lieu avant que l’autorité administrative ne se soit prononcée sur la demande dont elle avait été saisie par celui qui forme le RAPO il n’y a pas lieu pour le juge saisi d’opposer, par principe, l’irrecevabilité au recours contentieux introduit ensuite si à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif. Les conclusions développées devant lui contre la décision initiale doivent être considérées, formellement, comme tendant à l'annulation de la décision née de l'exercice du recours administratif préalable qui s'y est substituée.
Cette solution, comparable mutatis mutandis à celle permettant de tenir pour valide la saisine du juge alors que la décision attaquée, qui n’existait pas encore lors de cette saisine, existe bien le jour où il statue, est particulièrement bien venue.
(16 juin 2021, Mme B.-D., n° 440064)
24 - Plan local d’urbanisme – Classement de deux parcelles en zone agricole – Annulation par le tribunal administratif de leur classement– Appel ne portant que sur le classement de l’une des deux parcelles – Cour administrative d’appel statuant sur les deux parcelles – Ultra petita – Annulation dans cette mesure.
(16 juin 2021, Commune de La Clusaz, n° 442505) V. n° 146
25 - Désistement d’instance et désistement d’action – Caractère de principe du désistement d’instance – Caractère d’exception du désistement d’action – Annulation.
En raison des effets moindres d’un désistement d’instance que d’un désistement d’action, en principe un désistement n’est que d’instance. Il n’en va autrement que dans le cas où il est manifeste que le demandeur a entendu former un désistement d’action, ce qui lui ferme définitivement la porte pour toute action ultérieure de ce chef de demande.
En l’espèce, le juge avait donné acte à l’intéressé de son désistement d’instance et de son désistement d’action, se méprenant sur la portée des écritures dont il était saisi. Cette erreur de droit conduit à l’annulation de l’ordonnance sans renvoi, plus rien ne restant à juger.
(16 juin 2021, M. A., n° 450383)
26 - Recours en matière de pension – Recours introduit par l’héritier de la défunte – Défunte n’ayant pas, de son vivant, sollicité le bénéfice de certaines majorations – Absence de droit de l’héritier à engager de son propre chef une telle action – Rejet.
Le fils d’une pensionnée militaire d’invalidité décédée n’a pas qualité pour agir en réclamation de majorations de pension dès lors que, de son vivant, sa mère n’a pas sollicité ces majorations. Il ne saurait invoquer la circonstance que la créance pécuniaire de sa mère faisant partie du patrimoine de cette dernière elle lui est transmise par voie successorale car cette créance n’existait pas au décès faute d’une quelconque demande en ce sens de sa mère.
La transmission porte sur la créance déjà détenue à la date du décès non sur le droit à faire exister cette créance postérieurement au décès.
(16 juin 2021, M. C., n° 437685)
27 - Audience – Absence d’envoi de l’avis d’audience – Absence de la requérante ou de son conseil à l’audience – Annulation.
Doit être annulé le jugement rendu à la suite d’une audience qui n’a pas été précédée de l’envoi, sous une forme quelconque accoutumée, de l’avis d’audience, entraînant l’absence de la demanderesse et de son conseil lors de ladite audience.
(16 juin 2021, Mme B., n° 440995)
(28) V. aussi, dans le cas où la juridiction affirme, au prix d’une dénaturation des faits de l’espèce, que si le requérant n’avait pas été personnellement convoqué à l’audience son mandataire avait, lui, valablement reçu notification de la date de l’audience, alors que le requérant a été destinataire de plusieurs avis d’audience : 17 juin 2021, M. B., n° 432410.
29 - Rédaction des jugements – Obligation de viser les pièces et les mémoires produits y compris après l’audience – Omission de visa – Annulation.
Encourt annulation l’arrêt rendu en omettant de viser un mémoire produit après la clôture de l’instruction et avant que le juge ne rende sa décision.
(16 juin 2021, Société Rungis Stocks et autres, n° 441799)
30 - Qualité pour agir – Intérêt pour agir – Contestation du régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel – Absence de qualité/intérêt pour agir – Rejet.
Les requérants demandaient au juge – ce qui n’est pas banal – de déclarer inexistante une décision du 16 mars 2001 de la secrétaire d'État au budget, relative au régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel.
Le juge rejette ces requêtes au motif, d’abord, s’agissant des personnes physiques, que les qualités de citoyens français, de contribuables nationaux et de justiciables ne sont pas de nature à leur donner intérêt pour demander l'annulation ou l'abrogation de la décision litigieuse.
Il en va de même de la qualité d’avocat, dès lors que, dans l’un et l’autre cas, la décision querellée n'a aucun effet sur la situation et les droits des justiciables, ni sur les droits et les conditions d'exercice de la profession d'avocat.
Il rejette ensuite la requête de la personne morale motif pris de ce que l’objet social de celle-ci (« la recherche, la rédaction, la publication et la diffusion de travaux et d'analyses en matière économique, sociale, juridique, fiscale et comptable ») ne lui confère aucun intérêt lui donnant qualité pour agir.
(16 juin 2021, M. D. et M. C. et Institut de recherches économiques et fiscales, n° 445150 et n° 449149)
31 - Saisine du juge à fins indemnitaires – Absence de demande préalable en ce sens à la puissance publique – Formation postérieure d’une telle demande en vue de régularisation – Silence de l’administration valant décision implicite liant le contentieux pour tous les dommages découlant du même fait générateur même ceux non repris dans la demande préalable – Pouvoir des chefs de juridiction de réparer les erreurs matérielles contenues dans les jugements et arrêts – Annulation partielle.
Cette décision se signale à l’attention par la solution innovante qu’elle contient.
La jurisprudence était fixée depuis longtemps en ce sens que l’introduction, par un requérant, d’un contentieux indemnitaire à une date où il n'a présenté aucune demande en ce sens devant l'administration n’entraînait pas ipso facto l’irrecevabilité du recours si le requérant a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration ; il est classiquement jugé que le silence gardé par celle-ci, intervenu avant que le juge de première instance ne statue, fait naître une décision implicite de rejet qui lie le contentieux.
Ce qui est par contre plus nouveau c’est de considérer que la demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même. De plus, si dans la saisine prématurée du juge, comme en l’espèce, étaient invoqués cinq chefs de préjudice alors que la demande postérieure n’en comporte que trois, le contentieux est lié pour l’ensemble des dommages issus d’un même fait générateur.
Par ailleurs, le président d’une juridiction ou de la section du contentieux peut toujours, par ordonnance prise sur le fondement de l’art . R. 741-11 CJA, rectifier une erreur matérielle dépourvue de toute incidence sur le raisonnement adopté par la juridiction, par exemple le fait de prendre en compte, en tant que base annuelle, un montant calculé sur une base seulement mensuelle.
(21 juin 2021, Commune de Montigny-lès-Metz, n° 437744 et n° 437745 ; M. B., n° 437781)
32 - Incompétence territoriale du tribunal administratif – Obligation d’invoquer ce moyen avant la clôture de l’instruction – Invocation devant le juge de cassation – Inopérance – Rejet.
Dans un litige en suspension d’une sanction disciplinaire, le garde des sceaux soulève en cassation le moyen tiré de l’incompétence territoriale du juge qui a rendu l’ordonnance de première instance attaquée. Ce moyen ne peut être retenu à ce stade de la procédure en raison des dispositions de l’art. R. 312-2 CJA selon lesquelles : « Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation ».
On s’étonnera que le juge rejette le moyen en raison de son caractère inopérant alors qu’il eût été, nous semble-t-il, plus correct de le rejeter pour irrecevabilité.
(24 juin 2021, M. B., n° 448417)
33 - Arrêt avant dire droit – Arrêt définitif pris sur son fondement – Annulation intégrale de l’avant dire droit – Annulation subséquente de l’arrêt définitif.
L’annulation d’un arrêt rendu avant dire droit à fin de régularisation d’un permis de construire entraîne, par voie de conséquence, celle de l’arrêt au fond rendu sur la base de l’arrêt avant dire droit.
(25 juin 2021, MM. A. et société La Savane, n° 437823)
34 - Recours en révision – Fraude en matière de protection internationale des réfugiés – Régime procédural et contentieux – Annulation.
Rappel de ce qu’un recours en révision pour fraude ne peut être admis que si deux conditions sont réunies :
1°/ il convient en premier lieu d’établir que la protection internationale a été obtenue sur la foi de fausses déclarations ou de fausses pièces soumises dans l'intention d'induire la cour nationale du droit d’asile en erreur ;
2°/ en second lieu, il doit être établi que ces éléments frauduleux ont eu une influence directe et déterminante sur l'appréciation de la réalité du besoin de protection tel qu'il a été reconnu dans la décision octroyant la protection internationale à l'intéressé.
(25 juin 2021, M. C., n° 442617)
(35) V. aussi, du même jour et identique : 25 juin 2021, M. B., n° 442618.
36 - Action en justice des personnes morales – Qualité pour agir – Cas d’un syndicat professionnel – Demande d’annulation d’une décision individuelle – Irrecevabilité manifeste – Rejet.
Rappel d’un principe constant de procédure contentieuse.
Si une organisation syndicale est recevable à intervenir, le cas échéant, à l'appui d'une demande d'annulation d'une décision individuelle présentée devant le juge administratif par l'agent intéressé, elle n'a, en revanche, pas qualité pour solliciter une telle annulation. Les conclusions ainsi présentées sont entachées d'une irrecevabilité manifeste.
(29 juin 2021, Syndicat CGT des personnels civils du service de la modernisation et de la qualité de la direction générale de l'armement du ministère des armées, n° 445264) V. aussi le n° 116 pour l’analyse de la requête au fond
37 - Contravention de grande voirie – Amarrage non conforme et dégâts causés aux ouvrages d’un port – Cour administrative d’appel annulant d’office un jugement ayant omis de statuer sur l’action domaniale – Propriétaire du domaine absent de la procédure d’appel – Annulation irrégulière – Annulation.
(25 juin 2021, M. A., n° 442539) V. n° 12
38 - Syndicat professionnel intervenant en appel – Absence de qualité de partie à l’instance d’appel – Pourvoi en cassation irrecevable – Rejet.
Le pourvoi en cassation d’un syndicat professionnel est déclaré irrecevable car, simple intervenant en appel et n’ayant pas eu, à défaut d’intervention, qualité pour former tierce-opposition, il n’y avait pas la qualité de partie.
Le pourvoi du demandeur est rejeté.
(21 juin 2021, M. B. et Syndicat Sud-solidaires des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et sociaux du service départemental d'incendie et de secours du Rhône, n° 434384) V. aussi sur le fond de cette affaire le n° 10
Contrats
39 - Marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique – Recours d’un concurrent évincé – Demande de résiliation du contrat en première instance puis d’annulation en appel – Absence de caractère de demande nouvelle en appel – Irrecevabilité opposée à tort – Annulation.
(9 juin 2021, Me A., n° 438054 ; Conseil national des barreaux, n° 438047) V. n° 20
40 - Contrat administratif – Contrat conclu entre une commune et des entreprises pour le retrait et la destruction des véhicules abandonnés dans les parcs à fourrière de la commune – Absence de prix – Contrat ne pouvant être un marché public - Cocontractant rémunéré par le produit recueilli des pièces des véhicules – Contrat constituant une concession de service – Erreur de droit – Passation irrégulière – Annulation.
La ville de Paris a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la conclusion de deux conventions de retrait et de destruction des véhicules abandonnés en fourrière. Deux entreprises dont les offres ont été rejetées ont demandé au juge des référés l’annulation de cette procédure en tant, pour la première, qu’elle porte sur l’attribution n° 1 et, pour la seconde, sur les lots n° 1 et n° 2. Le juge saisi a fait droit à ces deux demandes.
La ville de Paris se pourvoit contre ces ordonnances.
Le Conseil d’État soulève d’office la question de la qualification juridique du contrat litigieux. Dès lors que celui-ci ne comporte pas de prix ni même de rémunération directe ni non plus un mécanisme de compensation en cas de pertes financières, ce contrat ne saurait constituer un marché public au regard des art. L. 2 et L. 1121-1 du code de la commande publique (CCP).
Par suite, il constitue un contrat de concession de service car les cocontractants se rémunèrent sur la récupération de ce qui peut l’être de ces véhicules.
Pour annuler la procédure de passation le juge des référés a méconnu le champ d’application de la loi car il s’est fondé sur des articles du CCP (art. L. 2124-1, L. 2131-1 et R. 2131-16) qui ne sont applicables qu’aux marchés publics.
Le droit de la concession étant donc applicable, s’imposait à la ville de Paris une critérisation (art. L. 3124-4, L. 3124-5 et R. 3124-4 du CCP) or celle-ci était inexistante en l’espèce. Un tel manquement ayant été susceptible de léser les requérantes la procédure est annulée sans invitation à la ville de la reprendre.
(9 juin 2021, Ville de Paris, n° 448948 et n° 448949)
41 - Contrat de concession de services pour l’exploitation d’un terminal maritime – Annulation de la procédure de passation par le juge des référés – Violation du secret des affaires – Pièces soumises au débat contradictoire – Absence d’erreur de droit – Rejet.
Deux candidats évincés d’une procédure d'attribution du contrat de concession de services pour l'exploitation du terminal " multivrac " du Grand port maritime du Havre demandent et obtiennent l’annulation, par le juge des référés, de la procédure de passation en litige.
La société attributaire se pourvoit contre l’ordonnance de référé. Son recours est rejeté.
Plusieurs moyens étaient soulevés au soutien du pourvoi ; ils sont tous rejetés mais l’un d’eux doit retenir l’attention.
La demanderesse au pourvoi soutenait, d’une part, que le juge s’était fondé à tort sur des pièces communiquées par l’une des candidates évincées en violation du secret des affaires et, d’autre part, que, dans le cadre d'une éventuelle nouvelle procédure de passation, à brève échéance, de la concession en litige, la divulgation d'informations confidentielles contenues dans le rapport d'analyse des offres était susceptible de porter atteinte à l'égalité entre les candidats.
Sur le premier chef d’argumentation, le juge répond un peu prestement que ce faisant, le juge des référés n’a commis aucune irrégularité procédurale ni, non plus, entaché son ordonnance d’erreur de droit dès lors que ces pièces ont été soumises au débat contradictoire entre les parties. Cela fait un peu court comme motivation.
Sur le second chef, il est répondu que cela regarderait, le cas échéant, la nouvelle procédure mais est sans incidence sur celle faisant l’objet du présent pourvoi. Reste que du fait de l’annulation prononcée en première instance et confirmée en cassation, une nouvelle procédure ne manquerait pas de faire difficulté sur ce point avec le risque d’un blocage si à l’annulation de la première s’ajoute l’impossibilité d’en organiser une seconde. Par contrecoup invoquer le sort de cette dernière à l’occasion de l’examen de la première procédure n’était pas si inopérant ou irrelevant que cela.
(9 juin 2021, Société Lorany Conseils, n° 449643)
42 - Contrat d’accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA – Manquements d’ERDF (devenu ENEDIS) à ses obligations contractuelles – Sanctions – Contrôle du juge sur les décisions de sanction prises par la Commission de régulation de l'énergie (CoRDIS) – Rejet et annulation partiels.
Une société de parc éolien était en litige avec ERDF/ENEDIS notamment sur le régime contractuel des indisponibilités d’accès au réseau et sur les responsabilités en découlant.
La société avait saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la CoRDIS pour méconnaissance par ce dernier de ses obligations contractuelles.
Le comité avait retenu l’existence de fautes contractuelles de la part d’ERDF/ENEDIS. Il avait pris en conséquence deux décisions, les 25 novembre 2015 et le 11 juin 2018.
Par la première, la CoRDIS, avait, d’une part, donné à ERDF/ENEDIS un délai de six mois à compter de la notification de sa décision, pour transmettre au parc éolien un nouveau contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité permettant d'assurer une totale transparence dans l'application des régimes de responsabilité en cas d'interruption du réseau et, d’autre part, ordonné de lui communiquer dans le même délai le nouveau projet de contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA, ce contrat ayant vocation à s'appliquer à l'ensemble des opérateurs.
Par la seconde décision, constatant qu’ERDF/ENEDIS n’avait pas pleinement satisfait à sa décision du 25 novembre 2015, la CoRDIS lui a infligé une sanction pécuniaire de trois millions d’euros.
ENEDIS saisit le Conseil d’État d’un recours contre cette pénalité.
Le juge, opérant une analyse très fine des données de fait et de droit de l’affaire, admet certaines parties du raisonnement de la CoRDIS (saisine régulière de celle-ci ; fixation des délais d’exécution de ses décisions ; date de comptabilisation des indisponibilités figurant dans le bilan à communiquer aux producteurs ; portée de l’obligation d’établir un nouveau contrat ; manquement à l’obligation de transparence s’agissant des clauses relatives aux durées maximales d'indisponibilité du réseau, à leur comptabilisation et à l'information des producteurs ; manquement d’ENEDIS à son obligation de transparence concernant le contenu et la fréquence du bilan des indisponibilités du réseau) et en rejette d’autres (rejet de la date d’entrée en vigueur des nouveaux contrats ; non-respect par ENEDIS du délai imparti par la CoRDIS par la décision du 25 novembre 2015 pour se conformer à celle-ci ; interprétation inexacte des clauses relatives à l'exécution des travaux de maintenance et de renouvellement ainsi que de celles relatives à la comptabilisation de l'ensemble des indisponibilités faisant l'objet d'une indemnisation par Enedis au titre de ses obligations de résultat, ni leur mention dans le bilan communiqué aux producteurs ; avoir aperçu un manquement d’ENEDIS dans le fait, qu’éventuellement, pourrait prendre fin unilatéralement son engagement d’une obligation de résultat en matière d’indisponibilité programmée ; pareillement concernant le régime de responsabilité spécifique aux parties ; manquement à l’obligation de transparence pour ce qui regarde le tableau traduisant la distinction entre les indisponibilités consécutives à une intervention de la société RTE, les indisponibilités liées aux interventions de la société Enedis pour renouvellement, renforcement ou extension d'ouvrage d'un poste source et, enfin, toutes les autres indisponibilités pour travaux) pour aboutir à ramener la sanction pécuniaire de trois millions à cinq cent mille euros.
(18 juin 2021, Société ENEDIS, n° 422616)
(43) V. aussi, très importante et voisine, en matière d’étendue du contrôle du juge administratif sur les sanctions infligées par la CoRDIS dans le cas particulier de la manipulation du marché de gros du gaz naturel, mais dont la longueur et la technicité ne permettent pas de la rapporter ici, la décision suivante : 18 juin 2021, Société Vitol, n° 425988.
44 - Compétence contentieuse en matière précontractuelle, contractuelle ou quasi-contractuelle – Lieu d’exécution du contrat – Dérogation aux règles de compétence territoriale par accord entre les parties – Accord devant figurer dans le contrat primitif ou un avenant – Dérogation antérieure à tout contrat ou avenant – Annulation.
Après que le premier alinéa de l’art. R. 312-11 du CJA a fixé les règles de détermination de la compétence territoriale du juge administratif en matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle, le second alinéa prévoit qu’il peut être dérogé à ces règles par accord des parties figurant dans le contrat primitif ou dans un avenant, pourvu, en ce second cas, qu’il ait été conclu avant la naissance du litige.
En l’espèce, le tribunal administratif, pour décliner sa compétence, s’était fondé sur les stipulations du projet de cahier des charges de la concession, reprises dans les avis de concession, qui prévoyaient que les contestations qui s'élèveraient entre les parties au sujet du contrat seraient portées devant le tribunal administratif de Paris.
Ce jugeant il commettait une évidente erreur de droit, seule pouvant produire effet une clause figurant dans un contrat ou un avenant existant et non celle incluse dans un simple projet de contrat ou d’avenant même reprise dans un avis de concession.
(18 juin 2021, Société Eiffage, n° 450283)
45 - Concession de service public – Référé précontractuel (art. L. 551-1 CJA) – Pouvoirs du juge du référé contractuel – Vérification du respect des seules règles de publicité et de mise en concurrence – Rejet.
Le litige portait sur les irrégularités qui auraient entaché la procédure de passation de la concession de service public de gestion, d'exploitation et de développement de l'aéroport d'Annecy-Meythet. Le juge des référés avait, au visa de l’art. L. 551-1 CJA, annulé cette procédure au stade de l'ouverture de la négociation.
Le Conseil d’État annule cette ordonnance pour dénaturation des faits et pièces du dossier et reprend donc l’analyse de tous les griefs formulés par la demanderesse de première instance : il rejette le référé.
Il est intéressant de relever que le juge rappelle les limites de l’office du juge du référé précontractuel de l’art. L. 551-1 CJA. Celui-ci n’a été institué que pour connaître d’éventuels manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Il s’ensuit qu’il ne peut examiner que les seuls moyens invoquant ces manquements. Toute autre moyen est irrecevable dans le cadre de cette procédure comme, par exemple, en l’espèce, le moyen tiré du non-respect du délai de transmission au conseil départemental des documents nécessaires à cet effet.
(18 juin 2021, Société Edeis, n° 450869 ; Société Vinci airports, n° 450871)
46 - Marché public de mise à disposition publique d’une flotte de vélos et de mobilier urbain d’informations ou de messages publicitaires – Partie de la rémunération de l’entrepreneur assurée par un intéressement en raison du niveau de qualité du service assuré – Silence du CCAP sur l’inclusion ou non de la TVA dans le montant de l’intéressement – Réponse positive – Rejet.
Ne commet pas d’erreur de droit la juridiction qui, dans le silence des dispositions contractuelles sur ce point, juge que la mention d’un prix sans autre précision, signifie qu’il est stipulé toutes taxes comprises, la TVA n’étant pas un accessoire du prix mais un élément de celui-ci.
Ce jugeant, elle n’a pas non plus commis d’erreur de droit en faisant application de cette règle en matière contractuelle, ni porté atteinte à la commune intention des parties ni au principe de cohérence des stipulations contractuelles entre elles.
(29 juin 2021, Société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information, n° 442506)
Covid-19
47 - Fermeture des restaurants pour cause d’épidémie – Demande de réouverture ou de prise en charge par l’État des marges bénéficiaires perdues durant le temps de fermeture ou des surcharges financières occasionnées par la transformation en livraisons de plats cuisinés – Griefs divers – Rejet.
Comme cela était très prévisible, le Conseil d’État rejette les 41 requêtes dont l’avaient saisi des restaurateurs qui, au soutien de demandes d’indemnisation d’activités interdites et/ou de prises en charges d’activités permises du fait de l’épidémie de Covid-19, invoquaient de nombreux griefs à l’encontre des divers textes (arrêté et décrets), les uns touchant à leur légalité externe et les autres à leur légalité interne.
En particulier ne sont pas retenus : le moyen d’atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle de prévisibilité et d'intelligibilité de la loi et aux principes de légalité des délits et des peines, de droit à la liberté et à la sûreté ainsi que de sécurité juridique, la variabilité extrême et l’incohérence ou la succession des textes (masques, déplacements) n’étant que le résultat de l’évolution de la pandémie et des connaissances scientifiques à son égard; pas davantage ne sont retenues les atteintes alléguées au droit de propriété, à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre, au droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le caractère disproportionné des dispositions attaquées au regard des risques sanitaires et de la disparité des situations locales.
En bref, les mesures prises devaient l’être et elles n’étaient point évitables ou disproportionnées.
(17 juin 2021, Société ASPEO, n° 440330 et 40 autres requêtes, jonction)
48 - Mariage en France avec un étranger – Épidémie de Covid-19 - Restrictions des déplacements – Mariage constituant un motif impérieux de déplacement en France - Obligation de délivrance d’un visa à cette fin – Injonctions au premier ministre et au ministre de l’intérieur.
Saisi à nouveau, cette fois par un référé liberté, par des particuliers et une association de ce sujet, le le juge des référés du Conseil d’État, qui, par une ordonnance du 9 avril 2021 (V. cette Chronique, avril 2021 n° 47 et n° 145), avait, sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, 1°/ suspendu la circulaire du Premier ministre du 22 février 2021 en tant qu'elle ne permettait pas l'instruction de demandes de visas en vue d'un mariage, 2°/ ordonné au Premier ministre de prendre des dispositions réglementaires strictement proportionnées aux risques sanitaires, et, 3°/, aux services consulaires d'enregistrer les demandes de visa, à cette fin, est conduit, après constat de difficultés persistantes pour les intéressés malgré la prise d’une circulaire le 19 mai 2021, à exercer avec une certaine fermeté son pouvoir d’injonction.
Il enjoint donc, d’abord au premier ministre, de modifier la circulaire du 19 mai 2021 afin d'y indiquer que le mariage en France constitue un motif impérieux permettant en principe la délivrance d'un visa, qui peut être selon les circonstances et si les conditions de délivrance en sont remplies, de long ou de court séjour.
Il enjoint ensuite au ministre de l’intérieur, d’une part, de modifier l'attestation de déplacement international afin que la possibilité de solliciter un visa de court ou de long séjour en vue d'un mariage y soit expressément mentionnée et, d’autre part, d'informer les postes diplomatiques et consulaires que la délivrance d'un visa de court ou de long séjour en vue d'un mariage ne peut être subordonnée à la délivrance d'une autorisation de sortie et de retour de l'État de résidence du demandeur.
(ord. réf. 17 juin 2021, Mme F. et autres et Association de soutien aux amoureux au ban public, n° 453113)
49 - Enseignement – Mesures sanitaires dans les écoles pour cause d’épidémie – Décret du 1er mai 2021 – Demande de suspension – Rejet.
Les requérants demandaient, d’une part, la suspension de l'exécution de l'article 36 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 dans sa rédaction issue du décret n° 2021-541 du 1er mai 2021 ainsi que celle du guide relatif au fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte Covid-19 pour l'année scolaire dans sa version de février 2021, et, d’autre part, qu’il soit fait injonction au premier ministre de prendre un nouveau décret modifiant l'article 36 du décret du 29 octobre 2020, dans un délai de 24 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, de diligenter une étude d'impact officielle, de prévoir : 1° des conditions de dérogation au port du masque pour les enfants, 2° les conséquences d'un refus du port du masque pour les enfants notamment à l'école primaire, 3° une date de fin de cette obligation généralisée, sous astreinte de 50 euros par jours de retard.
Sera-t-on surpris d’apprendre le rejet de cette requête ?
Tout d’abord le guide dont il s’agit, en tant qu’il décrit le protocole sanitaire, n’a pas le caractère d’une décision mais rassemble des règles de bonne conduite et fournit des recommandations, il, n’est donc pas entaché d’incompétence du fait de son auteur alors même qu’il est susceptible de produire notamment vis-à-vis des enfants scolarisés et des parents d'élèves des effets notables sur leurs droits ou leur situation. Ensuite, ce guide, en tant qu’il porte obligation du port du masque, ne donne pas aux médecins de l'éducation nationale ou à l'administration scolaire un pouvoir d'appréciation des certificats médicaux
Quant à l’art. 36 critiqué, compte tenu des indicatifs sanitaires connus et qu’il n’interprète pas erronément et au regard des mesures qu’il édicte il n’a ni inexactement apprécié la situation ni adopté des mesures qui ne seraient ni adaptées ni proportionnées aux données recueillies.
(ord. réf. 1er juin 2021, M. A. et autres, n° 452487)
Droit fiscal et droit financier public
50 - Contrôles fiscaux visant une société et ses associés – Caractère distinct des deux procédures – Conséquences et limites – Rejet.
Le Conseil d’État, statuant sur un arrêt rendu en matière de contrôle fiscal portant à la fois sur une société et sur ses associés souffle le chaud et le froid en jouant sur le caractère distinct et pourtant pas si autonomes des deux procédures en cause.
D’une part, parce que ces procédures sont distinctes, l’administration fiscale peut parfaitement demander aux associés, chacun en leur qualité de contribuables, la production de leur comptabilité personnelle (notamment des comptes courants d’associé) alors même qu’elle aurait pu le faire dans le cadre du contrôle de la société ou alors même qu’elle l’aurait fait ou encore alors même qu’elle serait déjà en sa possession…
D’autre part, parce que cette distinction a ses limites lorsqu’il y va des intérêts du fisc, l’administration peut parfaitement utiliser dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable, des informations obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société dont il est associé. Il suffit pour cela que soient respectées les exigences de forme requises distinctement pour l’une et l’autre entités contrôlées (société d’une part, associés d’autre part).
(4 juin 2021, M. et Mme B., n° 430897)
51 - Outre-Mer – Réduction d’impôt sur le revenu – Investissements productifs neufs – Investissement par une entreprise – Condition – Absence – Erreur de droit – Annulation et rejet.
L’art. 199 undecies B CGI a prévu, au bénéfice des contribuables domiciliés en France, la possibilité d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison d’investissements neufs productifs réalisés outre-mer. En l’espèce, une personne avait réalisé un tel investissement et l’avait mis, par contrat de location, à la disposition d’une entreprise. Infirmant, pour erreur de droit, la solution retenue en appel, le Conseil d’État juge que le bénéfice de la réduction, en ce cas, ne peut être accordé que s’il s’agit d’une opération de location à titre commercial, les revenus en résultant constituant des bénéfices industriels et commerciaux.
(4 juin 2021, Mme A., n° 434207)
52 - Impôt sur les sociétés – Opposition à contrôle fiscal – Infliction d’une amende de 100% des revenus distribués – Notion de revenus distribués – Absence en l’espèce – Rejet du pourvoi sur le premier point et cassation sur le second point.
Une société qui a des activités en France et en Grande-Bretagne mais dont le siège est dans ce dernier pays, est condamnée, à raison de son inertie, à répondre aux demandes de l’administration fiscale, à une amende égale à 100% des revenus distribués son attitude étant considérée comme une opposition à contrôle fiscal.
Une première question était de savoir si le comportement de fait de la société pouvait être considéré comme une opposition à contrôle fiscal ainsi que le soutenait le ministre. Au vu d’un certain nombre d’éléments la cour administrative d’appel a répondu positivement et, sous le bénéfice du pouvoir souverain des juges du fond, elle est approuvée par le Conseil d’État.
La seconde question portait sur l’annulation par la cour de l’amende de 100%, celle-ci estimant que les sommes non déclarées en France n'avaient pas été désinvesties et que la circonstance que le bénéfice reconstitué par l'administration fiscale au titre de l'exploitation française soit supérieur au bénéfice global déclaré par la société étrangère et imposé dans son Etat de résidence ne révélait pas, à elle seule, l'existence d'une distribution. Elle jugeait qu’il en allait d’autant plus ainsi qu’il est constant que le bénéfice global déclaré à l'étranger comprenait l'intégralité des produits de l'exploitation française et que cette société exerçait également une autre activité non imputable à cet établissement génératrice, par suite, de charges distinctes. Approuvant cette analyse, selon laquelle la société avait déclaré l'intégralité de ses revenus de source française à l'administration britannique et les bénéfices en découlant y avaient été imposés d’où il résultait qu'aucune distribution n'avait eu lieu, le juge de cassation rejette le pourvoi du ministre car le montant de l’amende est égal à la somme des revenus distribués, lesquels sont ici inexistants.
(4 juin 2021, Société Artelim, n° 437988 et Ministre de l’action et des comptes publics, n° 438028)
53 - Avis à tiers détenteur en vue du recouvrement de cotisations de taxe foncière – Avis notifiés postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire du commerce du contribuable – Loi du 26 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 26 juillet 2005 – Absence d’obligation de soumission de ces créances à la déclaration de créances – Rejet.
C’est à bon droit qu’un jugement décide que, antérieurement à la rédaction que la loi du 26 juillet 2005 a donné de ce texte, les créances de taxe foncière sur les propriétés bâties n’étaient pas soumises à l’obligation de déclaration de créances instituée par l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 repris à l'article L. 621-43 du code de commerce.
Par suite c’est à tort que le contribuable se prévaut de la non-notification au mandataire liquidateur des cinq avis à tiers détenteur émis en vue de recouvrer des cotisations de taxe foncière, pour demander décharge de leur paiement et mainlevée de ces avis.
(9 juin 2021, M. A., n° 429919)
54 - Activité de marchand de biens - TVA acquittée lors de l’acquisition d’un immeuble – Conditions de déduction de la TVA – Immeuble mis provisoirement en location – Déduction en cas de revente seulement et d’exercice d’une option (5° bis de l’art. 260 CGI) – Rejet.
Lorsqu'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, ce qui est souverainement jugé en l’espèce, la taxe sur la valeur ajoutée ayant éventuellement grevé le prix d'acquisition n'est pas déductible sauf exercice, au moment de la revente, de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du CGI.
Par suite, la taxe acquittée lors de l'acquisition du bien n'est pas déductible avant l’expiration de ce délai quinquennal, quand bien même l'immeuble donnerait lieu, dans l'attente de sa revente, à des opérations de location soumises à la TVA car il n’existe pas « de lien direct et immédiat entre l'achat de l'immeuble et l'activité intercalaire de location ».
(9 juin 2021, Société Le Cap, n° 429498)
55 - Acquisition de terrains à bâtir en vue de leur revente – Calcul dérogatoire de TVA – Conditions – Absence – Annulation avec renvoi.
Le juge rappelle, une nouvelle fois, qu’il se déduit de la combinaison, d’une part, des dispositions de l’art. 392 de la directive 2006/112/CE du 20 novembre 2006 relative au système commun de TVA, et d’autre part, de celles de l’art. 268 du CGI prises pour la transposition de la directive précitée, que les règles de calcul dérogatoires de TVA qu’elles instituent ne s’appliquent qu’aux cessions de terrains à bâtir en vue de leur revente et non à celles des cessions portant sur des terrains déjà bâtis au moment de leur acquisition.
(9 juin 2021, Société F. B. Immoblier, n° 432224)
56 - Outre-mer – Investissements productifs neufs (art. 199 undecies B du CGI) – Contribuables domiciliés en France – Réduction d’impôt sur le revenu – Acquisition d’une benne à ordures supplémentaire – Exigence du cahier des charges d’un marché public – Refus d’agrément - Erreur de droit du ministre – Confirmation du jugement de première instance et rejet.
L’acquisition, par une entreprise titulaire d’un marché public de collecte sélective des déchets ménagers et assimilés dont le cahier des charges prévoit l’obligation de disposer d’une benne à transport d’ordures supplémentaire pour le cas où le véhicule détenu tomberait en panne, réalise un « investissement productif neuf » au sens et pour l’application de l‘art. 199 undecies B du CGI.
Elle a donc droit au bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu que ce texte institue, nonobstant la circonstance que l’administration fiscale considère qu'un tel équipement, dont l'utilisation est aléatoire et non continue, ne saurait, par principe, être regardé comme un investissement productif affecté à l'activité de l'entreprise.
(10 juin 2021, Société Figuères Services, n° 443838)
57 - Impôt sur les sociétés – Impôt mis à la charge d’une société et de son unique associé – Dégrèvement des suppléments d’impôt accordé à la société – Absence d’effet sur les suppléments d’impôt mis à la charge de l’associé – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur la cour administrative d’appel qui juge que les dégrèvements accordés par l’administration fiscale à une société à raison des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle avait été assujettie valent également ipso facto dégrèvements de ces mêmes suppléments imposés à l’unique associé de cette société.
(17 juin 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 431769)
58 - Impôts sur les sociétés – Société d’édition et de distribution de logiciels professionnels – Imputation sur l’impôt dû en France des retenues à la source prélevées dans certains États – Conventions fiscales franco-brésilienne, franco-espagnole, franco-marocaine et franco-thaïlandaise – Distinction de deux sortes d’activités exercées par la contribuable – Une seule relevant du régime du crédit d’impôt – Rejet.
La société requérante se pourvoit en cassation d’un arrêt confirmatif ne retenant que partiellement l’octroi du bénéfice de crédits d’impôt payés à l’étranger en vertu de conventions fiscales internationales.
Cette société édite et distribue des logiciels professionnels. Sa filiale exerce deux activités de ce chef : elle concède à ses clients un droit d'utilisation des progiciels professionnels qu'elle conçoit et elle leur propose par ailleurs d'en assurer la maintenance.
La cour avait relevé que cette filiale ne concède à ses clients aucun autre droit de propriété intellectuelle attaché à sa qualité d'auteur des progiciels, ni ne leur transfère des connaissances techniques en dehors de la documentation portant sur l'utilisation des produits qu'elle fournit et de l'accompagnement qu'elle assure pour favoriser leur mise en oeuvre. La cour en avait déduit que les prestations de maintenance qu’assure cette société n’emportent pas transfert de procédés secrets ni d'un savoir-faire au sens et pour l’application des conventions fiscales franco-brésilienne, franco-espagnole et franco-thaïlandaises. Par ailleurs, ces prestations ne pouvaient pas être considérées au regard de la convention fiscale franco-marocaine comme ayant pour objet la fourniture d’études techniques ou économiques.
Enfin, ayant constaté être en présence de deux prestations distinctes de la part de la filiale, des prestations d'assistance technique fournies dans le cadre de l'activité de maintenance et la concession du droit d'usage opéré par les contrats de licence, faisant chacune l’objet de facturations séparées et, enfin, que l’une est obligatoire et l’autre facultative, la cour a, sans erreur de droit ni de qualification juridique, pu juger que les rémunérations perçues en contrepartie des prestations de maintenance et celle reçues en contrepartie des cessions de licences de logiciels devaient être distinguées pour l'application des stipulations conventionnelles, les premières étant exclues des dispositions conventionnelles en cause relative au crédit d’impôt, les secondes relevant de ce régime.
Le recours est rejeté ainsi que celui du ministre.
(18 juin 2021, Société Sopra Steria Group et ministre de l’action et des comptes publics, n° 433315)
(59) V. aussi, du même jour et relativement à la même société, la décision selon laquelle ne commet pas d’erreur de droit la cour qui, ayant souverainement constaté que les attestations dont se prévalait la requérante ne permettaient pas d'établir avec une précision suffisante que des retenues à la source avaient été appliquées au Maroc, a jugé que l'administration fiscale avait pu valablement exiger la production par la société d'une attestation des services fiscaux marocains certifiant de l'acquittement de ces retenues à la source, alors même que ni la convention fiscale franco-marocaine ni la loi n'imposent expressément de fournir un tel justificatif : 18 juin 2021, Société Sopra Steria Group, n° 433323.
(60) V. également, du même jour et avec même requérante, la seconde partie de la décision (points 8 et suiv.) jugeant que commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui refuse à une société le bénéfice d’un crédit d’impôt recherche en se fondant, notamment, sur la circonstance qu'elle avait répercuté intégralement aux donneurs d'ordre la charge financière liée à ces opérations de recherche. La cour devait seulement s’assurer que les cocontractants de la société Sopra Steria Group ne lui avaient pas confié la réalisation d'opérations de recherche dont le coût aurait constitué, pour ces entreprises, des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche, la cour, en s’abstenant d’opérer cette vérification, a commis une erreur de droit : 18 juin 2021, Société Sopra Steria Group, n° 433319.
61 - Bénéfices non commerciaux réalisés par une société de personnes – Placement en liquidation – Établissement des comptes définitifs du liquidateur – Détermination du bénéfice imposable – Rejet.
Il est jugé que, par parallélisme avec le régime fiscal applicable en cas de dissolution de sociétés (art. 1844-8 Code civil), une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité relevant des bénéfices non commerciaux qui est placée en liquidation ne doit déposer la déclaration prévue par l'article 202 du code général des impôts en cas de cessation d'exercice d'une profession non commerciale que lorsque les comptes définitifs du liquidateur ont été approuvés dans les conditions prévues par la loi.
Il suit de là que les associés d'une telle société ne sont pas fondés à se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices imposables entre leurs mains, de la méthode de calcul prescrite par les dispositions du 1 de l'article 202 du CGI avant l'approbation des comptes définitifs du liquidateur.
(25 juin 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 440982)
62 - Locaux professionnels – Établissement de leur valeur locative – Cas d’un EHPAD – Assujettissement aux dispositions de l’art. 1498 CGI – Rejet.
Ne commet pas d’erreur de droit le tribunal qui :
1°/ juge que l'administration n'est pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsque, estimant que des locaux dont la valeur locative avait été déterminée selon une autre méthode relèvent du champ de l'article 1498 de ce code, elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation de ceux-ci.
2°/ estime, que les biens taxables, locaux occupés par un EHPAD, maison de retraite, devaient être regardés, non comme des locaux d'habitation, mais comme des locaux professionnels au sens de l'article 1498 du CGI.
(25 juin 2021, Office public d’habitation Aube Immobilier, n° 441377)
Droit public économique
63 - Messagerie de presse – Plan de redressement de deux entreprises de messagerie dans le cadre d’un plan de cession – Contestation de la compétence de l’ARCEP pour affecter à un autre prestataire les sommes provenant d’une contribution exceptionnelle imposée aux éditeurs de presse – Absence d’incompétence de l’ARCEP – Rejet.
Cette affaire n’est que l’un des divers rebondissements contentieux de l’affaire Presstalis. Cette dernière ainsi que les Messageries lyonnaises de presse, titulaires du service national de messagerie de presse ont été mises en redressement judiciaire. Craignant pour l’avenir du service public de la distribution de la presse, corollaire indispensable de plusieurs libertés publiques, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) a créé, par une décision du 26 février 2018, une contribution exceptionnelle des éditeurs pour le financement des mesures de redressement du système collectif de distribution de la presse.
Par une décision du 19 juin 2020, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a modifié la décision de 2018 : c’est la décision attaquée dans le cadre de la présente affaire en tant que l’ARCEP n’avait pas compétence pour la prendre.
Le Conseil d’État rejette l’argument.
Si le juge admet les prémisses du raisonnement des requérantes, il ne les suit pas dans leur conclusion.
Tout d’abord, il est exact, comme soutenu dans le recours, que le législateur, s’il a conféré à l'ARCEP des missions de régulation de la distribution de la presse qui étaient précédemment assurées par le CSMP et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), il ne l'a pas dotée du pouvoir, mis en oeuvre par ces institutions dans la décision du 20 février 2018, de faire contribuer financièrement les éditeurs au redressement des messageries de presse. Il est donc bien certain que l'ARCEP n'est compétente ni pour instituer une telle contribution, ni pour en modifier l'économie.
Ensuite, par la décision contestée, l’ARCEP s'est simplement bornée à modifier la décision instituant la contribution exceptionnelle dans la seule mesure nécessaire à son maintien au profit de l'activité de distribution de presse assurée jusqu'alors par Presstalis et objet du plan de cession analysé dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Cette décision n’avait donc pour objet que de transférer à un repreneur éventuel de Presstalis, afin de donner une solidité financière plus grande à celui-ci dans l’intérêt des entreprises de presse, le produit de la contribution exceptionnelle instituée en 2018 sans en modifier ni le taux, ni la durée, ni un autre élément de son régime. Ce faisant, l’ARCEP n’a donc pas excédé ses compétences
(11 juin 2021, Société Coopérative des Editeurs Libres et Indépendants et autres, n° 442464 ; Société Marie Claire Album et autres, n° 442775 ; Société financière de loisirs, n° 446924)
64 - Structures agricoles – Demande d’exploitation de terres sans qualité de propriétaire – Exigences procédurales – Rejet.
Dans une décision frappée au coin du bon sens et du souci d’être pratique et efficient, le Conseil d’État juge que « S'il résulte (…) de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque la demande d'autorisation d'exploitation agricole émane d'une personne qui n'est pas propriétaire des parcelles en cause, cette personne doit en principe avoir informé elle-même le propriétaire de sa candidature, l'absence dans le dossier de demande de la pièce établissant qu'il a procédé à cette information n'est pas par elle-même de nature à entacher sa demande d'irrégularité, dès lors que le propriétaire a été effectivement informé de sa candidature, y compris, le cas échéant, par l'administration au cours de l'instruction du dossier, dans des conditions lui permettant de présenter, en temps utile, ses observations écrites. Lorsque la demande est soumise à la commission départementale d'orientation de l'agriculture, l'information du propriétaire doit lui permettre de présenter utilement ses observations préalablement à la réunion de cette commission. A défaut d'avoir été assurée par le demandeur lui-même, cette information peut résulter de la lettre recommandée que l'administration adresse au propriétaire pour l'informer de l'examen de cette candidature par la commission, conformément aux dispositions de l'article R. 331-5 du même code. »
(16 juin 2021, M. C. et autres, n° 437587)
Droit social et action sociale
65 - Allocation de logement sociale – Art. R. 532-8 code de la sécurité sociale – Examen de sa légalité et de sa constitutionnalité - Renvoi préjudiciel du juge judiciaire – Atteinte au principe d’égalité devant la loi – Illégalité.
Comme il l’avait déjà jugé à propos de ce même article s’agissant de l’allocation de rentrée scolaire, le Conseil d’État, saisi sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, le juge également illégal s’agissant de l’allocation de logement sociale en raison de ce que ses dispositions peuvent ainsi conduire à ce que des foyers disposant de ressources identiques et inférieures au plafond au moment où le droit est ouvert soient traités de façon différente, certains d'entre eux, soumis à l'évaluation forfaitaire de leurs revenus, se trouvant privés du bénéfice de l'allocation.
(4 juin 2021, M. A., n° 442240)
66 - Renvoi préjudiciel - Autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé – Motif économique invoqué – Niveau d’appréciation du motif – Cas d’un groupe – Possibilité pour un groupe d’être détenu par une personne physique – Défaut de réalité du motif économique invoqué – Rejet.
Un salarié protégé ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique conteste devant le juge judiciaire la réalité du motif retenu par l’administration. La cour de Chambéry renvoie au juge administratif la question préjudicielle de savoir si, comme le soutenait le demandeur, l'inspecteur du travail avait inexactement apprécié le motif économique de son licenciement, en se fondant sur la situation économique de l'ensemble des sociétés intervenant dans le même secteur d'activité que la société Papeterie du Léman dans le périmètre du seul groupe PVL Holdings, alors que la société Papeterie du Léman relève, en réalité, d'un groupe plus étendu, détenu par M. B. et comportant notamment plusieurs sociétés produisant également du papier à cigarette.
La société requérante demande au Conseil d’État de dire régulière la décision d’autorisation donnée par l’inspecteur du travail.
Répondant à la fois au renvoi préjudiciel par le juge judiciaire et au pourvoi, le Conseil d’État procède en deux temps.
En premier lieu, et cet aspect de la décision est important, se fondant notamment sur l’art. L. 233-3 du code de commerce, le juge de cassation décide qu’une personne physique doit, au même titre qu'une personne morale, être considérée comme en contrôlant une autre dès lors qu'elle remplit les conditions visées à cet article, y compris sous l'empire de la rédaction de cet article antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 3 décembre 2015 portant transposition de la directive du 22 octobre 2013 modifiant celle de 2004. Par suite, doivent être prises en compte pour l’appréciation de la situation économique d’une entreprise, toutes les entreprises placées sous le contrôle d'une même personne physique ou morale, quel que soit le lieu d'implantation de leur siège.
En deuxième lieu, alors que l’inspecteur du travail s’est fondé, pour donner son autorisation, sur la situation économique de la société Papeteries des Vosges (PDV) et sur celle de la société PDL, ces deux sociétés relevant d'un même secteur d'activité constitué par la production et la commercialisation de papier fin, notamment de papier à cigarette, et appartenant l'une et l'autre au groupe PVL Holdings, le salarié licencié fait valoir que la société PVL Holdings, dont la société PDL et la société PDV sont des filiales, est détenue par deux sociétés américaines appartenant à M. B., lequel détient en outre directement ou indirectement plusieurs autres sociétés dont les activités sont proches de celles de la société PDL, parmi lesquelles les sociétés du groupe Republic Technologies International (RTI), groupe quil comprend non seulement la société Republic Technologies France (RTF) dont le siège est à Perpignan, mais aussi la société Altesse en Autriche et la société Productos tecnologicos catalanes (PTC) en Espagne. Le salarié en déduit que le périmètre d'appréciation du motif économique de son licenciement est constitué par l'ensemble des entreprises relevant du même secteur d'activité que la société PDL et se trouvant sous le contrôle de M. B., qui peut être considéré comme exerçant le contrôle effectif sur ces sociétés au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, y compris celles du groupe Republic Technologies International. Le Conseil d’État relève que face à cette argumentation circonstanciée la société demanderesse au pourvoi s'est bornée à soutenir qu'un groupe ne pouvait être détenu par une personne physique, argument ne pouvant être retenu, et n'a pas produit d'élément concret relatif aux entreprises détenues par M. B. alors qu'elle était nécessairement en mesure de produire de telles informations.
D’où la conclusion du Conseil d’État, classique en matière de preuve (au moins depuis l’arrêt Barel, 1954) : le salarié est fondé à dire non établi le motif économique retenu pour autoriser son licenciement.
(14 juin 2021, Société Papeteries du Léman, n° 417940)
(67) V. aussi, confirmant l’annulation d’un licenciement reposant sur les seuls éléments relatifs à la situation économique d’une entité économique autonome au sein d’un groupe : 14 juin 2021, Société René Graf, n° 438431
68 - Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – Recours contre la décision l’homologuant ou le validant – Ordre d’examen des moyens par le juge – Cas d’un recours contre « une nouvelle décision suffisamment motivée » d’homologation ou de validation – Moyens alors invocables – Moyens tirés de vices propres – Substitution de motif - Rejet.
Cette importante décision conduit à revisiter complètement le contentieux administratif de l’homologation ou validation d’un PSE (art. L. 1235-10, 1235-11 et 1235-16 c. trav.). Elle précise le régime contentieux applicable, d’une part, à la contestation de la décision administrative homologuant ou validant un PSE, et, d’autre part, au recours dirigé contre « la nouvelle décision suffisamment motivée » prise pour la régularisation de la décision antérieure.
Sur le premier point et pour autant que l’entreprise faisant l’objet d’un PSE ne soit pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il convient pour le juge administratif saisi de tenir compte de ce que le législateur attache à l'annulation d'un PSE, des effets qui diffèrent selon le motif pour lequel cette annulation est prononcée.
D’où le canevas suivant à respecter par le juge saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un PSE.
1°/ Si cette requête soulève plusieurs moyens, il a l’obligation de commencer par se prononcer, s'il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, même lorsqu'un autre moyen est de nature à fonder l'annulation de la décision administrative, compte tenu des conséquences particulières qui, en application de l'article L. 1235-11 c. trav., sont susceptibles d'en découler pour les salariés.
2°/ Le juge administratif doit se prononcer ensuite sur les autres moyens éventuellement présentés à l'appui des conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, en réservant, à ce stade, celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative. En effet, l'article L. 1235-16 c. trav. prévoit désormais que l'annulation d'une telle décision administrative, pour un autre motif que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, est susceptible d'avoir des conséquences différentes selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen.
3°/ Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit se prononcer, lorsqu'il est soulevé, sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative.
Sur le second point, lorsque, après l'annulation par le juge administratif d'une première décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative prend « la nouvelle décision suffisamment motivée » (cf. art. L. 1235-16 c. trav.), cette nouvelle décision, qui intervient sans que l'administration procède à une nouvelle instruction de la demande, et au vu des circonstances de fait et de droit existant à la date d'édiction de la première décision, a pour seul objet de régulariser le vice d'insuffisance de motivation entachant cette précédente décision. En conséquence, les seuls moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge administratif à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette seconde décision sont ceux critiquant ses vices propres.
Substituant ici ce motif à celui, erroné, retenu par la cour administrative d’appel, le Conseil d’État rejette le pourvoi.
(14 juin 2021, M. A. et autres, n° 48459)
69 - Office public de l’habitat – Manquement à ses obligations – Contrôle de l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) – Procédure à suivre en cas de sanction – Respect des droits de la défense – Annulation.
En cas de manquements à ses obligations par un organisme de logement social, l’ANCOLS dispose du pouvoir d’ordonner la rectification des irrégularités ainsi que de proposer au ministre leur sanction.
La procédure de sanction est évidemment soumise au respect des droits de la défense et donc de tout ce que celui-ci implique : connaissance des reproches, sanctions encourues, délai raisonnable pour répondre, etc.
Il suit de là que l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer au ministre de prononcer une sanction contre un organisme qu'elle a contrôlé qu'après que l'organe délibérant de cet organisme a été mis en mesure de présenter ses observations sur le rapport de contrôle établi par l'agence, en ayant été informé de ceux des constats du rapport pour lesquels l'agence envisage de proposer une sanction.
Bien que les art. L. 342-9, R. 342-13 et R. 342-14 du code de la construction et de l’habitation ne le prévoient pas, il incombe à l’Agence, après qu’elle a été saisie du rapport de contrôle définitif, de ne proposer une sanction au ministre que si elle se fonde sur les seuls griefs retenus dans ce rapport par le Comité du contrôle et ses suites. Il suit de là qu’est satisfaite l’exigence de respect des droits de la défense dès lors que l’Agence communique préalablement à l’organisme contrôlé d'une part le rapport définitif de contrôle et, d'autre part, la décision prise au vu de ce rapport par le comité du contrôle et des suites de l'ANCOLS. En revanche, elle n’est pas tenue à peine de nullité de la procédure de sanction, de lui communiquer la délibération par laquelle elle propose aux ministres compétents de prononcer une sanction.
(16 juin 2021, Office public de l'habitat (OPH) Drôme aménagement habitat, n° 432682 et n° 436311, jonction)
(70) V. aussi, largement comparable : 16 juin 2021, Office public de l'habitat du Territoire de Belfort, n° 435315.
71 - Chômeur – Allocation d’aide au retour à l’emploi – Condition d’octroi – Actes répétés de recherche d’emploi – Absence – Refus d’ouvrir un droit à l’allocation – Erreur de droit – Annulation.
Retenant une solution très logique, le Conseil d’État juge que si l'existence d'actes positifs et répétés accomplis en vue de retrouver un emploi est une condition mise au maintien de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, elle ne saurait conditionner l'ouverture du droit à cette allocation. Il est évident que l’on ne saurait exiger pour l’ouverture d’un droit un comportement ou des attitudes qui ne sont requises que pour son maintien.
(16 juin 2021, Mme C., n° 437800)
72 - Régime d’assurance accidents du travail et maladies professionnelles des non-salariés agricoles – Affiliation à des régimes de sécurité sociale différents – Principe d’égalité – Portée – Exception d’illégalité rejetée.
Le Conseil d’État était saisi de la question préjudicielle renvoyée par le tribunal judiciaire de Caen portant sur la légalité de l'article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime en tant qu’il fixe à 30 % le taux d'incapacité permanente ouvrant droit au bénéfice d'une rente pour un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors que, selon l’art. R. 434-1 du code de la sécurité sociale (auquel il est renvoyé par l’art. L. 751-8 du code rural et de la pêche maritime), dans le cas d’un salarié agricole, une rente de même nature peut lui être accordée dès que le taux d’incapacité est d’au moins 10%.
Le demandeur voyait dans cette différence de traitement une atteinte injustifiée au principe d’égalité.
Le Conseil d’État commence par un rappel classique de son appréciation de la portée qu’il convient de donner au principe d’égalité, lequel « ne s'oppose pas à ce que des personnes affiliées à des régimes de sécurité sociale différents, lesquels forment chacun un ensemble dont les dispositions ne peuvent être envisagées isolément, soient soumises à des règles différentes en ce qui concerne la détermination du taux à partir duquel un assuré peut solliciter le bénéfice d'une rente en raison d'une incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. »
Le juge relève ensuite « qu'un salarié agricole et un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole ne contribuent pas selon les mêmes modalités au financement de la branche couvrant leur risque, la rente versée à un salarié en cas d'incapacité permanente partielle étant notamment financée par une cotisation patronale assise sur ses revenus et celle versée à un non-salarié par une cotisation forfaitaire. »
Il en conclut que ces deux catégories de travailleurs relèvent ainsi de régimes de sécurité sociale distincts, bien que gérés l'un et l'autre par la Mutualité sociale agricole et que la différence de traitement critiquée ne porte pas atteinte au principe d’égalité.
Aussi il est répondu au juge judiciaire que l’exception d’illégalité soulevée devant lui n’est pas fondée.
(16 juin 2021, M. B. c/ Mutualité sociale agricole des Côtes normandes, n° 442201).
Élections
73 - Élections municipales – Réclamation au préfet mettant en cause la régularité du vote par procuration de deux électeurs – Réclamation ayant le caractère d’une protestation de l’art. R. 119 c. électoral – Conséquences – Annulation du second tour des élections.
En premier lieu, doit être considérée comme une protestation au sens et pour l’application de l’art. R. 119 du code électoral la réclamation adressée par une électrice au préfet mettant en cause la régularité du vote par procuration de deux électeurs lors des opérations électorales du second tour des élections municipales, le28 juin 2020. En effet, cette réclamation contenait un grief précis alors même qu'elle ne comportait pas de conclusions expresses tendant à l'annulation des opérations électorales ou à la réformation des résultats et qu'elle ne mentionnait pas le nom de ces deux électeurs. C’est à tort que le premier juge l’a rejetée comme manifestement irrecevable.
En deuxième lieu, lors du second tour des élections municipales deux mandataires ont été autorisés à voter pour le compte de deux mandants sur la seule foi de la présentation des récépissés. Or les procurations correspondantes n'avaient pas été reçues en mairie le jour du scrutin. Dès lors, et alors même que la circonstance que les deux électeurs ayant donné procuration aient été admis à voter ne résulte pas d'une manoeuvre, ces deux votes doivent être regardés comme irréguliers.
En conséquence, en retranchant deux voix du nombre total de voix obtenues par chaque candidat il s’ensuit que trois candidats ont obtenu chacun 63 voix et que parmi eux l’un est le plus jeune, il ne peut donc pas, en vertu de la règle de séniorité, être proclamé élu et les deux sièges à pourvoir ne peuvent, avec certitude, être attribué à l’un quelconque des candidats, ce qui conduit à l’annulation du second tour des élections.
(1er juin 2021, Mme D., Élections municipales de Longueville, n° 443238)
74 - Élections municipales et communautaires – Invocation de diverses irrégularités – Absence de preuve certaine – Rejet.
Cette décision vient opportunément rappeler l’étendue de l’exigence de preuve en contentieux électoral : si celle-ci peut résulter d’un faisceau concordant d’éléments, elle ne saurait être déduite de plusieurs allégations, chacune non établie.
En l’espèce, étaient invoqués la mise à disposition gratuite de véhicules, des éléments de promotion publicitaire, la composition de la commission de contrôle des listes électorales, l’irrégularité de procurations ainsi que des votes par procuration, une seule irrégularité étant établie sur les 151 alléguées. Par suite, est rejetée la prétendue inéligibilité d’un candidat qui résulterait prétendument de ces éléments attestant d’irrégularités qu’aurait commises ce dernier.
(7 juin 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bouéni, n° 446694)
75 - Élections municipales et communautaires – Vote en période d’épidémie – Nombre élevé d’abstentions – Atteinte à la sincérité du scrutin – Rejet.
Une fois de plus le juge était saisi de l’atteinte à la sincérité du scrutin qui aurait été portée par le nombre élevé d’abstentions dans une commune du fait de l’organisation du scrutin en pleine période pandémique. Et une fois de plus ce grief est rejeté.
(7 juin 2021, M. M., Él. mun. et cnautaires de la commune de Conflans-Sainte-Honorine, n° 448929)
76 - Élections municipales et communautaires – Déclaration d’un agent communal sous pseudonyme – Annulation du scrutin en première instance – Griefs divers – Rejet et annulation du jugement du tribunal administratif annulant les opérations électorales.
L’affaire est peu banale qui a conduit les juges bordelais à annuler le scrutin s’étant déroulé le 15 mars 2020 dans une commune de Gironde. Il convient de laisser la parole au Conseil d’État lui-même : « Il résulte de l'instruction que M. E. B., agent de la commune de Saint-Ciers-sur Gironde et soutien déclaré de la liste conduite par M. D., a posté, sous le pseudonyme " Deadpool All-Air ", un commentaire sur sa page Facebook affirmant : " Et dire que ce matin j'ai forcé une personne pour aller voter et mettre un bulletin Pierre D., sinon c'était 50/50 mdrrrrrr. (…). la présence, dans le fil incomplet des commentaires figurant sur la page Facebook, de la phrase " Non pas du tout c'est vrai... ", émanant également de M. B., (…) ". Le juge d’appel estime qu’il n’y avait pas là matière suffisante pour annuler le scrutin car, d’une part, la première déclaration « n’est corroborée par aucun autre élément matériel permettant d'identifier la personne qui aurait subi les pressions, ni par des mentions portées au procès-verbal ou par des témoignages », et, d’autre part, la seconde déclaration ne peut être regardée comme une confirmation de ses déclarations antérieures. Le jugement est annulé de ce chef.
Toutefois, saisi par l’effet dévolutif de l’appel, le Conseil d’État devait se prononcer sur ceux des griefs de première instance que les juges du tribunal administratif n’avaient pas eu à examiner. Aucun d’eux n’est retenu : ni la circonstance que la tête de liste aurait refusé de siéger comme président ou comme assesseur dans l’un des deux bureaux de vote de la commune, ni celle selon laquelle il se serait tenu à l’extérieur à proximité des bureaux de vote et alors qu’il ne s’y est livré à aucune action de propagande électorale, ni l’importance de l’abstention liée à l’épidémie de Covid-19.
Enfin, ne peut être examiné un grief (nationalité étrangère d’un candidat non mentionnée sur les bulletins) formulée après expiration du délai de recours contentieux.
(9 juin 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Ciers-sur-Gironde, n° 448929)
77 - Élections municipales et communautaires – Actions de propagande électorale – Absence – Utilisation abusive d’un logo et d’une photo – Absence – Polémique électorale nouvelle abusive – Absence – Épidémie – Rejet.
Le juge d’appel, comme celui de première instance, rejette tous les griefs dont il est saisi : absence de caractère électoral d’une manifestation festive et informative ouverte à tous, organisée par une association créée par 7 des 29 colistiers d’une même liste ; absence, dans les circonstances de fait de l’espèce, de caractère abusif de l’usage du logo de la communauté de communes ainsi que d’une photo d’une maison des entrepreneurs de cette même communauté ; absence d’élément nouveau de polémique électorale contenu dans un tract diffusé le 13 mars.
Enfin, l’argument tiré de l’organisation du scrutin en temps de pandémie n’avait aucune chance de prospérer.
(9 juin 2021, Mme C. et M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Eloy-les-Mines, n° 445689)
78 - Élections municipales – Griefs divers – Inapplicabilité de l’art. L. 118-4 du code électoral aux élections municipales – Rejet.
Le requérant a obtenu en première instance, dans le cadre d’une requête collective, l’annulation de l’élection du maire et des adjoints de la commune mais point la déclaration de leur inéligibilité d’où son appel. Celui-ci est rejeté.
Ce rejet est fondé, et c’est ce qui fait l’importance de la décision, sur ce que les dispositions de l’art. L. 118-4 du code électoral combinées avec celles des art. L. 2122-4 et L. 2122-13 du CGCT, invoquées par le demandeur appelant pour fonder sa requête en déclaration d’inéligibilité, ne sont pas applicables à l’élection du maire et des adjoints à l’encontre de laquelle ne peuvent être invoquées des manœuvres frauduleuses susceptibles d’avoir altéré la sincérité de cette élection. On peut le regretter.
Par ailleurs on trouve aussi invoqués plusieurs griefs habituels (utilisation de fonctions associatives à des fins électorales, affichages irréguliers, élément nouveau de polémique électorale, dons prohibés et situation sanitaire) tous rejetés, en général pour insuffisance de preuve ou absence de gravité.
(9 juin 2021, M. B., Élections municipales de Saint-Pierre-du-Vauvray, n° 445754)
79 - Élections municipales et communautaires – Électeurs empêchés de voter – Acheminement tardif des procurations par la poste en raison de l’épidémie – Annulation du scrutin en première instance – Rejet de l’appel.
Est rejeté l’appel dirigé contre le jugement qui, au vu de l’empêchement d’électeurs de voter par suite de dysfonctionnements du service postal dans l’acheminement des procurations pourtant dressées en temps utile, a prononcé l’annulation des opérations électorales tenues les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de la désignation, d’une part, de conseillers municipaux et, d’autre part, de conseillers communautaires.
(9 juin 2021, M. C. et autres, n° 446606)
80 - Élections municipales et communautaires – Obligation de tenir un compte de campagne – Sanction du non-respect de cette obligation – Loi du 2 décembre 2019 (art. L. 118-3 c. électoral) – Loi punitive plus douce – Inéligibilité non prononcée – Annulation partielle.
Dans le souci de moraliser la vie publique et spécialement dans ses aspects politiques, a été prévu un plafonnement des dépenses électorales encadré par l’exigence pour tout candidat ayant obtenu au moins 1% des suffrages de tenir un compte de campagne et par le contrôle exercé sur ces comptes par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Le non-respect de cette obligation de dépôt est sanctionné par l’inéligibilité du candidat et l’annulation, le cas échéant, de son élection. Jusqu’à la loi du 2 décembre 2019, la sanction était automatique : dès le constat opéré l’inéligibilité devait être prononcée. Cette loi est venue assouplir la rigueur initiale : il incombe désormais au juge de l'élection de ne prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il doit, pour cela, apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.
En l’espèce, la loi nouvelle, entrée en vigueur le 30 juin 2020, est intervenue après les élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 mais avant que le juge ne statue, soit, ici, le 9 juin 2021. Il s’ensuit qu’étant une loi punitive plus douce elle est applicable aux faits non encore jugés à la date de son entrée en vigueur. Or la loi nouvelle a, comme déjà indiqué, substitué à une punition automatique une punition conditionnelle. Il convenait donc dans cette affaire de ne pas faire une application automatique de l’inéligibilité et de l’annulation de l’élection.
Il suit de là qu’en infligeant à l’intéressé la peine automatique de l’inéligibilité assortie de l’annulation de son élection, le premier juge a commis une erreur de droit qui doit être annulée ainsi que la proclamation de deux élus, au conseil municipal et au conseil communautaire.
(9 juin 2021, MM. Saint B. et J., n° 447336 et M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Apatou, n° 449019).
(81) V. aussi, très intéressante, la décision qui retient une solution inverse de la précédente lorsque le non-dépôt des comptes de campagne est accompagné de manquements caractérisés à des règles substantielles régissant le financement des campagnes électorales : 9 juin 2021, M. C., n° 449279.
(82) V. également, maintenant l’inéligibilité pour un an prononcée en première instance pour défaut de présentation des comptes de campagne et non certification par un expert-comptable : 11 juin 2021, M. D., n° 448285.
83 - Élections municipales – Égalité des voix – Application de la règle de séniorité – Annulation et confirmation partielles du jugement de première instance.
Constatant, sur déféré électoral du préfet, que deux candidats ont été proclamés élus sans avoir obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, le juge annule leur élection et relevant que pour l’attribution d’un siège deux candidats avaient obtenu un nombre égal des voix, le juge applique la règle (ou principe ?) de séniorité : le plus âgé, né en 1955, est élu contre son concurrent né en 1964.
En revanche, il annule le jugement en tant qu’il a annulé l’ensemble des opérations électorales.
(10 juin 2021, Préfet du Jura, Élections municipales de Crans, n° 442226)
(84) V. aussi, identique à la précédente sur le premier point, la décision : 10 juin 2021, Préfet du Jura, Élections municipales de Miéry, n° 442227.
85 - Élections municipales et communautaires – Inéligibilité d’un candidat – Griefs divers relatifs à la campagne électorale et aux dépenses électorales – Rejet.
Si l’on laisse de côté les griefs tenant, d’une part, à des reproches de propagande électorale et, d’autre part, à des dépenses électorales en partie irrégulières, qui sont habituels et rejetés faute d’avoir été réellement établis, l’aspect principal de cette décision tient à la façon dont le juge d’appel, confirmant sur ce point les premiers juges, rejette le grief d’inéligibilité.
Selon les protestataires, un candidat, M. H., qui a été élu conseiller municipal sur la liste conduite par M. M. lors du scrutin du 15 mars 2020, avait exercé les fonctions de directeur du cabinet de ce dernier, maire d'Alès, entre la première élection de ce dernier comme maire, en juin 1995, et 2013, devait être déclaré inéligible.
En 2013, lors de la création de la communauté d'agglomération "Alès Agglomération", établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, M. H. avait été nommé, en qualité d'agent contractuel, directeur général des services de la communauté d'agglomération ainsi que directeur général des services de la commune d'Alès à titre accessoire. A la suite de la fusion d'Alès Agglomération avec trois autres communautés de communes, en 2017, M. H. a conservé ses fonctions de directeur général des services de la communauté d'agglomération et continué d'exercer en outre, à temps très partiel, celles de directeur général des services de la commune d'Alès.
Il a démissionné de ses fonctions de directeur général des services d'Alès Agglomération à compter du 1er septembre 2019, jour de la nomination de son successeur.
Il a ensuite démissionné de ses fonctions de directeur général des services de la commune d'Alès le 29 février 2020. S'il a exercé, après le 1er septembre 2019, toujours en qualité d'agent contractuel, les fonctions de directeur du cabinet du président d'Alès Agglomération, il a mis fin à ces fonctions le 29 février 2020.
Les protestataires font valoir qu’en dépit de sa démission des fonctions de directeur général des services d'Alès Agglomération, il a en réalité continué à exercer, après le 1er septembre 2019, des fonctions équivalentes, participant à des réunions de l'assemblée délibérante de l'agglomération ainsi qu’à de nombreuses réunions administratives, réunions de chantier et événements officiels de promotion de l'action de la communauté d'agglomération.
Pour rejeter ces arguments, le Conseil d’État retient que M. H. n’ayant reçu aucune délégation de signature et son successeur, qui disposait, lui, de cette délégation, ayant effectivement exercé les fonctions devenues les siennes, il s’ensuit que M. H. n’entre dans aucune des inéligibilités prévues par le 8° de l'article L. 231 du code électoral.
Le rejet repose sur une démonstration qui peine à convaincre en s’arc-boutant sur la lettre d’un texte sans respecter son esprit : l’influence de l’intéressé aux yeux de ses concitoyens n’a sans doute connu aucun affaiblissement après sa démission en raison du contexte dans lequel elle est intervenue.
(10 juin 2021, M. Q., n° 448172 ; M. L., n° 448364, jonction)
86 - Élection d’adjoints au maire – Adjoints de quartier – Conditions de l’élection – Respect – Rejet du déféré préfectoral.
Confirmant le jugement du tribunal administratif et rejetant en conséquence le déféré du préfet, le Conseil d’État décide qu’en vertu des dispositions du CGCT : 1°/ les communes d'au moins 20 000 habitants peuvent disposer d'adjoints de quartier, dont la création et le nombre sont décidés librement par le conseil municipal dans le respect de plafonds qu'elles fixent. 2°/ les adjoints sont élus au scrutin de liste, la liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. 3°/ Si le maire et les adjoints doivent être élus lors de la première réunion du conseil municipal suivant le renouvellement général des conseils municipaux, aucune disposition n'impose que la création et l'élection d'adjoints de quartier interviennent au cours de cette séance, ni, si c'est le cas, que l'élection des adjoints et des adjoints de quartier ait lieu sur une liste unique contrairement à ce que soutenait le préfet.
(11 juin 2021, Préfet des Hauts-de-Seine, n° 448537)
87 - Élections municipales – Entrepreneur de services municipaux – Inéligibilité (art. L. 231, 6° du c. élect.) – Absence de cette qualité – Rejet.
Le protestataire demandait en appel l’annulation du jugement rejetant sa protestation fondée sur l’inéligibilité d’un candidat dont il estimait qu’il était un entrepreneur de services municipaux. Le rejet est confirmé en appel : l’intéressé, avait participé douze ans plus tôt, en qualité de maire de la commune, à la création d'une association dénommée « Groupement des employeurs agricoles (GEA) de Chalvignac », dont cette commune est membre, et il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci, qui n'est pas membre du bureau de l'association et qui n’est pas adhérent au GEA, ait joué dans les six mois précédents un rôle prédominant au sein de cette association, y compris par l'entremise de son épouse, adhérente de l'association, alors que cette affirmation n’est pas établie par ailleurs.
L’appelant n’est pas fondé à contester le jugement qu’il a frappé d’appel.
(14 juin 2021, M. C., Élections municipales de Chalvignac, n° 445374)
(88) V. aussi, jugeant que doit être considéré comme entrepreneur d’un service municipal et donc inéligible le président de l’association syndicale libre de Port-Grimaud II à laquelle - ainsi qu’à une SCI - a été concédé l'établissement et l'exploitation du port de plaisance Port-Grimaud II pour une durée de quarante-trois ans, dès lors qu’il représente l'association, dirige et anime le comité de gestion et fait exécuter les décisions prises par les assemblées générales ou le syndicat, jouant ainsi, au sein de l'association, un rôle prédominant. Il est à cet égard indifférent que l’association soit sans but lucratif et que son président y exerce ses fonctions à titre bénévole : 21 juin 2021, M. D., n° 445346.
89 - Élections municipales et communautaires – Taille des affiches – Liberté des organes de presse de soutenir un candidat ou une liste – Bénéfice d’une publicité gratuite – Critique d’une candidate au moyen du réseau Facebook – Effets de la crise sanitaire - Rejet.
La protestataire soulevait une batterie classique d’arguments qui n’a pas réussi à convaincre le juge soit que l’irrégularité invoquée n’ait point été établie soit qu’elle ait été mineure soit, enfin, qu’elle n’ait pas pu porter atteinte à la sincérité du scrutin.
(14 juin 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de Sury-aux-Bois, n° 445953)
90 - Élections municipales et communautaires – Procurations irrégulièrement établies – Rejet.
Le tribunal administratif, ayant constaté l’établissement irrégulier de 12 procurations sur 35 par un officier de police lui-même candidat aux élections dans la commune, a déduit hypothétiquement douze voix du total des voix obtenues par chaque candidat, ce qui a entrainé l’annulation de l’élection de quatre candidats. Dix de ces procurations ayant été utilisées au second tour des élections, il a été procédé à l’annulation de l’élection de trois candidats au second tour.
La protestation des candidats écartés est, sans surprise, rejetée en appel.
(14 juin 2021, M. V. et autres, Él. mun. et cnautaires de Laroquebrou, n° 446549)
91 - Élections municipales et communautaires – Élément nouveau de polémique électorale – Impossibilité d’y répliquer - Faible écart des voix – Confirmation de l’annulation des opérations électorales – Rejet.
La diffusion d’un tract les 26 et 27 juin, à la veille d’un scrutin fixé au 28 juin, critiquant la gestion de la crise sanitaire par le maire sortant a, dans les circonstances particulières de la pandémie, et alors, d’une part que sept voix seulement séparaient les candidats en présence et que la personne visée n’a pu disposer du temps minimum nécessaire pour y répondre, a été de nature à altérer la sincérité du scrutin ainsi que l’a jugé le tribunal administratif en prononçant à bon droit l’annulation de celui-ci
(15 juin 2021, M. C., n° 447177)
92 - Élections municipales – Annulation – Grief retenu ayant été formulé hors délai – Divers autres griefs allégués – Annulation et rejet pour le surplus.
Le tribunal administratif avait annulé les opérations électorales du 28 juin 2020 en retenant un grief contenu dans un mémoire enregistré à son greffe le 9 juillet soit après expiration du délai de cinq jours, ouvert pour saisir le juge électoral. Le jugement est annulé.
Les autres griefs, classiques et non établis ou sans gravité suffisante, y compris l’inévitable importance du taux d’abstention lié à une épidémie, sont rejetés.
(17 juin 2021, M. E., Élections municipales de Saint-Laurent-le-Minier, n° 445413)
93 - Élections municipales et communautaires – Inéligibilité d’un candidat – Directeur général adjoint d’un office public de l’habitat (OPH) – Rejet.
C’est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que le directeur général adjoint d’un OPH dont l’activité s’exerce sur l’ensemble du territoire d’une région est inéligible aux fonctions de conseiller municipal d’une commune non-membre de la communauté d’agglomération à laquelle est rattaché cet OPH.
(25 juin 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Guitera-les-Bains, n° 443667)
94 - Élections municipales et communautaires – Diffusion tardive de tracts – Éléments nouveaux de polémique électorale – Impossibilité de répondre en temps utile – Faible écart des voix - Rejet.
Cette décision confirme le jugement annulant des opérations électorales suite à la diffusion tardive de tracts contenant pour partie des éléments nouveaux de polémique électorale auxquels il ne pouvait être répondu en temps utile et compte tenu du faible écart des voix.
L’appel est donc rejeté.
(25 juin 2021, Mme A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Astier, n° 443667)
95 - Élections municipales et communautaires – Propagande électorale dans le délai de vacuité électorale – Absence - Rejet.
La protestation est rejetée en tant qu’elle invoque plusieurs actes, comportements ou événements censés constituer des actes de promotion de la municipalité sortante intervenus durant le semestre de vacuité légale en matière électorale, aucun d’eux, supposé existant, n’ayant de gravité suffisante ou caractérisée.
(25 juin 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de l’Haÿ-les-Roses, n° 447672)
96 - Élections municipales – Inéligibilité – Fonctions ne figurant pas au 8° de l’art. L. 231 c. élect. – Recours à la notion de responsabilités équivalentes – Rejet.
L’affaire, relative au grief d’inéligibilité, est intéressante car elle porte sur la question de savoir si et comment apprécier l’éventuelle existence d’une telle inéligibilité lorsque le poste occupé par l’intéressé ne figure pas dans l’énumération - que donne le 8° de l’art. L. 231 du code électoral - des fonctions emportant inéligibilité. La question, en elle-même, signifie d’ailleurs que la liste n’est pas limitative alors que s’agissant d’une restriction au droit d’être élu, elle aurait pu être entendue comme étant strictement exhaustive. Toutefois, la diversité des fonctions susceptibles d’être occupées est telle que ce n’eut point été une solution raisonnable. C’est pourquoi le juge en ce cas recourt à l’examen de l’exercice par leur titulaire, en l’espèce, de responsabilités équivalentes à celles exercées par les personnes mentionnées par le 8° précité.
Ici, l’élu était, selon la description du Conseil d’État, « chef de pôle, responsable de l'agence routière départementale de Cambrai qui assure l'intégralité des travaux d'entretien et d'exploitation des routes départementales de son périmètre. Titulaire du grade d'ingénieur principal, il était placé sous l'autorité directe du directeur de la voirie. En sa qualité de responsable, il planifiait les interventions des centres d'entretien routier, participait au plan pluriannuel d'investissement en matière de matériels d'exploitation, organisait l'achat ou la location des matériaux et était susceptible de superviser entre 50 et 80 agents. » Il s’en déduit aisément que ses fonctions doivent être regardées comme étant équivalentes à celles d'un chef de service au sens du 8° de l'article L. 231 du code électoral.
Il était donc inéligible ainsi que jugé en première instance.
(17 juin 2021, M. A. et autres, n° 445034)
Environnement
97 - Autorisation environnementale – Éoliennes – Juge ordonnant avant dire droit la régularisation d’une décision irrégulière (art. L. 181-18 c. environnt) – Conclusions possibles du demandeur – Non-lieu à statuer.
Rappel de ce que le pouvoir que reconnaît au juge, sursoyant à statuer à cet effet, l’art. L. 181-18 du code de l’environnement d’ordonner avant dire droit que soit prise dans un certain délai une décision modificative d’une autorisation environnementale entachée d’un vice régularisable peut être exercé pour la première fois en appel.
Rappel aussi, par ailleurs, que, en présence d’un tel sursis à statuer en vue de la prise d’une décision de régularisation, le demandeur, s’il peut contester le jugement ou l’arrêt ordonnant la régularisation soit en tant qu’il a rejeté comme non fondés les moyens dirigés contre l’autorisation environnementale soit en tant qu’il a ordonné cette régularisation, doit se voir opposer un non-lieu à statuer à compter de la délivrance de l’autorisation modificative.
La solution est la même, on le sait, en cas d’octroi d’un permis de construire ou d’aménager de régularisation.
(14 juin 2021, Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 4347160)
100 - Permis d’aménager une voie publique – Abattage d’arbres – Permis valant dérogation ou non à l’interdiction d’abattre des arbres – Permis supposant une dérogation préalable – Avis de droit.
Le Conseil d’État était sollicité pour donner son avis sur le point de savoir si, dans le cas du permis d’aménager une voie publique impliquant l’abattage d’arbres, ce permis vaut par lui-même dérogation à l’interdiction d’abattre des arbres, édictée à l’art. L. 350-3 du code de l’environnement, ou s’il suppose l’existence, préalable et distincte, d’une telle dérogation, notamment lorsque l’autorité compétente pour accorder la dérogation n’est pas celle qui délivre le permis d’aménager.
La réponse était attendue tout d’abord pour d’évidentes raisons pratiques car une telle situation se présente fréquemment. Ensuite, cette réponse a une incidence directe sur le statut juridique du permis d’aménager, en particulier sa place au sein de la hiérarchie des normes.
Le juge rappelle tout d’abord l’économie générale de l’art. L. 350-3 du code de l’environnement qui repose sur une interdiction de principe d’abattre des arbres assortie d’une possibilité de dérogation (pour un motif sanitaire, mécanique ou esthétique ou en vue d’un projet de construction) laquelle ne peut cependant être accordée qu’en présence de mesures compensatoires locales.
Ensuite, il déduit de la combinaison des dispositions applicables à la matière (outre l’art. précité, les art. L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 c. urb.) confrontées aux indications qui précèdent que l’octroi d’un permis d’aménager (comme aussi d’un permis de construire ou en cas de non-opposition à déclaration préalable) portant sur un projet de construction impliquant l'atteinte à ou l'abattage d'un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d'une voie de communication, le permis d’aménager vaut octroi de la dérogation prévue à l'article L. 350-3 précité sous condition qu’existent des mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.
Il incombe tant à l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation qu’au juge de l'excès de pouvoir éventuellement saisi, de s’assurer, d’une part, de la nécessité de l'abattage ou de l'atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction et, d’autre part, de l'existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes.
(21 juin 2021, Association La Nature en Ville et collectif Les Citoyens Affranchis, n° 446662)
Étrangers
101 - Référé suspension – Condition d’urgence – Étranger atteint de pathologies graves – Dénaturation des pièces du dossier – Annulation de l’ordonnance.
Dénature les pièces du dossier l’ordonnance de référé suspendant l’exécution d’un arrêté portant transfert d’un étranger vers un autre pays de l’Union (Portugal) au motif qu’il est atteint de pathologies graves constitutives d’une situation d’urgence alors que les pièces du dossier n’établissent ni que ce transfert risquerait d’aggraver son état de santé ni qu’il ne pourrait pas recevoir dans le pays de destination les soins nécessaires à son état.
(2 juin 2021, Ministre de l’intérieur, n° 446582)
102 - Réfugié – Personne s’étant rendu coupable d’infractions pénales – Condamnation – Appréciation de la menace représentée par lui pour la France – Qualification inexacte des faits – Annulation.
Un ressortissant afghan auquel a été reconnue la qualité de réfugié en 2010, a été condamné en 2013 à quatre ans d’emprisonnement pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un État partie à la convention de Schengen, en bande organisée, et pour participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, ainsi, à titre complémentaire, qu'à une interdiction du territoire français pour une durée de dix ans.
L’OFPRA a mis fin à son statut de réfugié en novembre 2018 par le motif que sa présence en France constituait une menace grave pour la société.
Sur recours de l’intéressé, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a annulé cette mesure et rétabli le demandeur dans son statut de réfugié.
Sur pourvoi de l’OFPRA, le Conseil d’État annule la décision de la CNDA.
Le juge de cassation commence par relever, d’une part, que « les infractions pénales commises par un réfugié ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision mettant fin au statut de réfugié », et d’autre part, que la décision de la CNDA était fondée sur ce que le requérant ne constituait pas une menace grave pour la société, dès lors qu'il avait apparemment eu un comportement exemplaire en détention, comme en attestait le fait qu'il avait bénéficié de dix-sept mois de remise de peine sur quarante-huit, qu'il n'existait pas d'éléments laissant supposer qu'il continuait d'entretenir des liens avec ses anciens complices, qu'il ne s'était pas fait défavorablement remarquer depuis sa libération en janvier 2015, qu'il vivait désormais avec son épouse, dont il avait eu un enfant, et qu'il avait démontré une stabilité professionnelle et affective et une volonté avérée d'intégration au sein de la société française.
Puis, il indique les éléments devant être pris en considération en une telle occurrence : examen de la gravité de la menace que constitue la présence de l'intéressé en France en tenant compte, parmi d'autres éléments, de la nature des infractions commises, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la société auxquels la réitération de ces infractions exposerait celle-ci et du risque d'une telle réitération. Le juge rappelle, dans une formule très nette, que : « La seule circonstance qu'un réfugié, condamné pour des faits qui, lorsqu'ils ont été commis, établissaient que sa présence constituait une menace grave pour la société, se soit abstenu, postérieurement à sa libération, de tout comportement répréhensible, n'implique pas, par elle-même, du moins avant l'expiration d'un certain délai, et en l'absence de tout autre élément positif significatif en ce sens, que cette menace ait disparue ».
Appliquant ces directives au cas de l’espèce, le juge de cassation conclut avec une particulière sévérité, donnant raison à l’OFPRA et annulant la décision de la CNDA, que « S'il a affirmé avoir cessé tout lien avec les membres de son réseau et n'a pas attiré l'attention des autorités depuis sa libération, ces circonstances, non plus que sa situation familiale, le fait qu'il exerce une activité professionnelle en tant qu'intérimaire et son apprentissage de la langue française, ne permettent de tenir pour acquis que sa présence en France ne constituait plus, à la date de la décision attaquée, une menace grave pour la société française ».
(10 juin 2021, M. A., n° 440383)
103 - Covid-19 - Instruction du premier ministre – Interruption de la délivrance de visas et des autorisations d’entrée sur le territoire français – Durée d’interruption portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale - Annulation.
L’instruction primo-ministérielle du 29 décembre 2020, par laquelle les autorités compétentes ont été invitées à opposer des refus d'entrée à toutes les personnes étrangères, sauf dérogations limitativement énumérées, alors que la procédure de délivrance des visas et d'entrée sur le territoire français des familles des ressortissants étrangers bénéficiaires du regroupement familial et de la réunification familiale était interrompue depuis plus de neuf mois, a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et à la vie familiale normale des intéressés.
Toutefois, cette instruction ayant été abrogée et remplacée par celle du 25 janvier 2021 qui autorise les ressortissants de pays tiers titulaires d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale à entrer sur le territoire français, ce motif permettant également l'instruction de leur demande de visa, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants sont rejetées car devenues sans objet.
(29 juin 2021, Cimade, service oecuménique d'entraide et autres, n° 447872 ; Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, n° 447890, jonction)
Fonction publique et agents publics
104 - Ancien élève de l’École polytechnique – Ingénieur des ponts et chaussées puis des ponts, eaux et forêts – Mise en disponibilité pour création d’entreprise -Radiation des cadres – Demande de remboursement des frais de scolarité – Prescription de l’art. 2224 C. civil – Annulation sur ce point du décret attaqué.
Il faut surtout retenir de cette décision l’application, par le juge, de la prescription instituée par l’article 2224 du Code civil, à l’obligation de remboursement des frais de scolarité pour ceux des élèves de l’École polytechnique n’accomplissant pas, à l’issue de leur scolarité, la durée minimale de services effectifs auprès de l’État.
(4 juin 2021, M. B., n° 436100)
105 - Agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) – Agent contractuel – Agent titulaire de contrats à durée déterminée – Nouveau contrat – Modification substantielle – Qualification inexacte des faits – Annulation sans renvoi.
Qualifie inexactement les faits le jugement qui estime qu’un nouveau contrat à durée déterminée offrant une baisse mensuelle de rémunération de 250 euros ne constitue pas une modification substantielle du contrat précédent. Par suite, c’est à tort qu’il a refusé de considérer la demanderesse comme involontairement privée d’emploi au sens et pour l’application des art. L. 5422-1 et L. 5424-1 du code du travail.
(9 juin 2021, Mme B., n° 425463)
106 - Fonctionnaire – Épuisement des droits à congé de maladie – Inaptitude à la reprise des fonctions antérieurement exercées – Reclassement ou mise en disponibilité d’office – Rejet.
Il résulte de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale (art. 57, 72, 82) et des décrets du 30 septembre 1985 (art. 1er) et du 30 juillet 1987 (art. 4), combinés, que le fonctionnaire qui, à l'issue de ses droits statutaires à congé de maladie, est reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement, l'autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d'office, sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement.
La mise en disponibilité d'office peut ensuite être prononcée soit en l'absence d'une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite.
La demande d’annulation de l’arrêt d’appel présentée par la commune est rejetée.
(9 juin 2021, Commune de Portet-sur-Garonne, n° 436935)
107 - Agent du centre de coopération policière et douanière de Tournai (Belgique) –Demande de versement d’une indemnité et de remboursement de frais de mission – Affectation permanente et sans limitation de durée – Absence de droit au remboursement de frais de transport ou au paiement d'indemnités de mission – Absence de droit à une indemnité de fidélisation en secteur difficile – Rejet.
La question objet de la présente décision et de plusieurs autres fournit un contentieux nourri (cf. cette Chronique, mai 2021, n° 123).
Un fonctionnaire de police en poste à la direction interrégionale de la police judiciaire de Lille, a été affecté, à sa demande, au centre de coopération policière et douanière de Tournai (Belgique), créé en vertu d'un accord de coopération transfrontalière en matière policière et douanière passé entre les gouvernements français et belge. Il y exerce, sous l'autorité de sa hiérarchie française, des missions de lutte contre l'immigration irrégulière et la délinquance transfrontalière. Il a sollicité, d’une part, le remboursement de ses frais de transport ou le paiement d'indemnités de mission et, d’autre part, le versement de l’indemnité de fidélisation en secteur difficile susceptible d’être attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale.
Un refus lui ayant été opposé, il a saisi, en vain, la juridiction administrative et se pourvoit en cassation. Son pourvoi est rejeté.
Le Conseil d’État juge que c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a estimé :
1°/ que son affectation à Tournai étant permanente et sans limitation de durée, les trajets quotidiens effectués par le demandeur entre ce lieu et celui de son domicile ne pouvaient pas être considérés comme des déplacements temporaires au sens et pour l’application du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État, sans que fasse obstacle à cette conséquence la circonstance que l'administration considérait que la résidence administrative de l'intéressé restait à Lille et qu'elle lui avait établi des ordres de mission mensuels pour exercer ses fonctions à Tournai.
2°/ qu’en raison de son affectation à Tournai, le requérant ne pouvait pas être regardé, pour l’application de l’art. 2 du décret du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale, comme exerçant ses attributions dans la circonscription de sécurité publique de Lille et cela en dépit de ce que la zone d'intervention du centre de coordination comporte, aux termes de l'accord intergouvernemental précité, les cinq départements de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, de la Meuse et de la Meurthe-et Moselle.
La solution est particulière rude sur ce dernier point.
(14 juin 2021, M. A., n° 439063)
(108) V. aussi, les solutions identiques retenues dans les décisions suivantes du 14 juin 2021 toujours à propos des mêmes lieux d’affectation : M. A., n° 439064 ; Mme A., n° 439065 ; M. B., n° 439066 ; M. A., n° 439067 ; M. A., n° 439068 ; M. B., n° 439069 ; M. A., n° 439070 ; Mme A., n° 439071 ; M. B., n° 439072 ; M. A., n° 439073.
109 - Comité ministériel unique d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail placé auprès des ministres chargés de la santé, de la jeunesse, de la vie associative, des solidarités, de la cohésion sociale, de la ville et des sports – Personnel des agences régionales de santé (ARS) – Personnel non représenté au sein du Comité précité – Agences ne constituant pas des services déconcentrés et disposant d’une représentation propre – Rejet.
Le syndicat requérant demandait au Conseil d’État de juger illégal l’arrêté interministériel du 8 mars 2019 fixant la liste des organisations syndicales habilitées à désigner des représentants au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel unique placé auprès des ministres chargés des affaires sociales, de la santé, de la jeunesse et des sports, pour n’avoir pas donné de représentation au sein de ce comité aux personnels des ARS.
En réalité ce comité unique est seulement compétent pour connaître des questions relevant de ses attributions concernant l'ensemble des services centraux et déconcentrés placés sous l'autorité exclusive ou conjointe de ces ministres et, le cas échéant, les questions communes aux établissements publics relevant de ces départements ministériels figurant sur une liste fixée par arrêté des ministres intéressés. Or les ARS ne sont pas des services déconcentrés, leurs personnels ne relèvent donc pas de ce comité unique et il existe une organisation particulière aux ARS sous la forme du comité national de concertation de ces agences dont les attributions, fixées par l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, sont identiques à celles d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
C’est pourquoi c’est sans illégalité que les voix obtenues aux élections aux comités de ces agences n'ont pas à être prises en compte pour la mise en oeuvre des dispositions combinées de l'article 42 du décret du 28 mai 1982, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, et de l'article 5 du décret du 29 mai 2018 créant un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel unique placé auprès des ministres chargés des affaires sociales, de la santé, de la jeunesse et des sports.
(14 juin 2021, Syndicat national des personnels des affaires sanitaires et sociales - Force ouvrière (SNPASS-FO), n° 431645)
110 - Fonction publique – Organisation et fonctionnement des services publics – Compétences respectives des comités techniques et des comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail – Possibilité pour les salariés de faire appel à un expert agréé en cas de « projet important » – Notion – Absence en l’espèce – Rejet.
Les syndicats requérants contestaient la légalité de la fusion du SIP (service des impôts des particuliers) de Dijon Sud et Amendes et du SIP de Dijon Nord en raison de l’irrégularité de la procédure suivie.
Alors qu’avait été demandée la désignation d’un expert agréé du fait que cette fusion constituait un « projet important » au sens des dispositions du 2° de l’art. 55 du décret du 28 mai 1982, l’administration avait procédé à cette opération le 17 décembre 2019 sans qu’une réponse à la demande d’expert ait été donnée puisque celle-ci, négative, ne le sera que le lendemain.
Le Conseil d’État tente de donner une définition de la notion de « projet important » ; c’est la suivante : « tout projet qui affecte de manière déterminante les conditions de santé, de sécurité ou de travail d'un nombre significatif d'agents, le critère du nombre de salariés ne déterminant toutefois pas, à lui seul, l'importance du projet. »
Ensuite, il en déduit que l’opération litigieuse ne constitue pas un tel projet : cette fusion n'a pas modifié la résidence administrative des agents relevant désormais du SIP de Dijon et Amendes, dont au demeurant le lieu de travail est maintenu dans le même immeuble que celui dans lequel étaient installés le SIP de Dijon Sud et Amendes et le SIP de Dijon Nord ; elle n'a pas entraîné, à la date de l'arrêté attaqué, de changement important dans les missions exercées par les agents et la sectorisation géographique des services et elle n’a affecté que la situation d'un agent, conformément à ses souhaits. Enfin, si les syndicats requérants font valoir que cinq emplois ont été supprimés au sein du nouveau SIP de Dijon et Amendes au titre des années 2020 et 2021, il n'est pas établi que ces suppressions étaient la conséquence du projet de fusion des SIP décidé par l'arrêté attaqué.
Le recours est rejeté.
(14 juin 2021, Syndicat Solidaires Finances Publiques et autres, n° 438874)
111 - Agent public contractuel – Contrat à durée déterminée – Non renouvellement ou proposition d’un contrat substantiellement différent – Justification par l’intérêt du service – Absence – Illégalité – Annulation.
Rappel de ce qu’un agent public recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses, si l'administration envisage de procéder à son renouvellement.
Cependant, l’une ou l’autre de ces deux hypothèses est entachée d’illégalité si elle n’est pas fondée sur l'intérêt du service.
Saisi d’une réclamation fondée sur un tel moyen qu’il estime fondé, il appartient au juge d’accorder une indemnité versée pour solde de tout compte en prenant en considération la nature et la gravité de l'illégalité, l'ancienneté de l'intéressé, sa rémunération antérieure, et les troubles dans ses conditions d'existence.
(17 juin 2021, M. A., n° 438528)
112 - Agent public contractuel – Demande de protection fonctionnelle – Acte interruptif de la prescription – Demande non justifiée – Rejet.
La requérante a demandé l’annulation du refus du maire de lui accorder la protection fonctionnelle et la réparation du préjudice causé par ce refus. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt confirmatif du rejet de sa requête.
Le Conseil d’État reçoit l’action de l’intéressée en tant que c’est à tort que la cour administrative d’appel a jugé que l’action qu’elle a engagée contre deux agents municipaux n’était pas de nature à avoir interrompu la prescription de la créance qu’elle prétendait avoir sur la commune car elle n’était pas relative à cette créance. C’était là une erreur de droit car cette action pénale portait bien sur le fait générateur, l'existence et le montant de la créance que la requérante estime détenir sur la commune au titre de la protection fonctionnelle qui lui est due du fait de la dénonciation calomnieuse dont elle a fait l'objet de la part de ces deux agents en mars 2005.
Cependant, au fond, le juge de cassation donne raison à la cour de son rejet de l’action introduite car, d’une part, sans dénaturer les faits, elle a constaté que la demanderesse ne justifiait pas avoir été exposée à des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages justifiant le bénéfice de la protection fonctionnelle lors de sa reprise d’activité en décembre 2013, et d’autre part, celle-ci n'a jamais sollicité la protection du service à cette époque.
(21 juin 2021, Mme A., n° 437641)
113 - Fonction publique territoriale – Aménagement et réduction du temps de travail – Mise en place d’un cycle annuel de travail – Obligations s’imposant et facultés reconnues aux collectivités territoriales – Rejet.
Le Conseil d’État déduit des dispositions des articles 1er respectivement du décret du 12 juillet 2001, pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, et du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, qu’une collectivité territoriale qui met en place un cycle de travail annuel à l'intérieur duquel sont définis les horaires de travail des agents de l'un de ses services a une obligation assez limitée.
Elle doit seulement respecter les durées maximales et minimales du temps de travail et de repos figurant aux articles 1er et 3 du décret du 25 août 2000 précité.
En revanche, et la solution peut surprendre, la collectivité n'est pas tenue de définir, de manière uniforme, à l'intérieur de ces limites, le temps de travail de l'ensemble des agents du service, ni même de ceux qui exercent les mêmes fonctions.
Elle peut donc, par suite, élaborer, dans le cadre des cycles de travail ainsi définis, des plannings individuels mensuels fixant les horaires des agents ou déterminer des bornes quotidiennes et hebdomadaires entre lesquelles les horaires de chaque agent sont susceptibles de varier.
Le recours est rejeté en tant qu’il présumait irrégulière cette manière de procéder, admise ici par le juge.
(21 juin 2021, Syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin-d'Hères et du CCAS et Mme A., n° 437768)
114 - Gendarme – Commandant d’un pôle judiciaire de la gendarmerie – Sanction assortie d’un sursis à exécution de douze mois – Délai de sursis expiré – Recours en annulation de la sanction – Non-lieu à statuer – Rejet.
Doit être rejeté comme étant devenu sans objet, le recours d’un fonctionnaire de gendarmerie dirigé contre une sanction de 20 jours d’arrêt avec dispense d’exécution assortie d’un sursis de douze mois, dès lors que durant ce délai le requérant n’a pas fait l’objet d’une sanction égale ou supérieure à celle encourue, laquelle n’a pas été exécutée et a été effacée de son dossier individuel.
(23 juin 2021, M. A., n° 447863)
115 - Agent hospitalier – Syndrome anxio-dépressif – Imputabilité au service – Qualification inexacte des faits – Annulation et renvoi.
Si, en principe, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, il en va différemment lorsqu’un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance conduit à détacher du service la survenance ou l'aggravation de la maladie.
En l’espèce, qualifie inexactement les faits la juridiction qui juge que le syndrome anxio-dépressif dont souffre la requérante est imputable au service du fait du lien direct existant entre le changement d'affectation imposé à l'intéressée en juillet 2013, en raison de la réorganisation du service dans lequel elle exerçait depuis 2002, et l'aggravation de son état de santé à la même époque, alors qu’il résulte du dossier soumis à la juridiction et notamment du rapport d'expertise médicale établi à la demande de la commission de réforme et de l'examen réalisé par le médecin du travail, que l'intéressée, qui faisait l'objet d'un suivi psychiatrique depuis 1998 et connaissait des périodes répétées de fortes angoisses et d'épuisement psycho-affectif, présentait, au moment où sa maladie s'est aggravée, les signes d'une très grande fragilité psychique, qui s'était manifestée à plusieurs reprises lors d'événements sans rapport avec les modalités selon lesquelles s'était opéré son changement d'affectation.
(28 juin 2021, Mme A., n° 440136)
116 - Indemnité de tâche de contrôle en usine – Ouvriers de l’État – Prime non versée en cas de congés maladie, maternité et accidents de travail – Différence par rapport aux fonctionnaires – Rejet.
N’est pas irrégulier le refus implicite né du silence gardé par la ministre des armées à la suite de la demande préalable du syndicat requérant, le 28 mars 2019, tendant à ce qu'elle rétablisse le versement de l'indemnité de tâche de contrôle en usine lors des périodes de congés de maladie des ouvriers de l'État et à ce qu'elle ajoute cette indemnité à la liste de celles figurant à l'article 7 du décret du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d'accidents de travail dont peuvent bénéficier certains personnels ouvriers de l'État mensualisés.
En effet, d’une part, le texte invoqué au soutien de cette demande (1° du I de l’art. 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés) n’est pas applicable aux ouvriers de l’État, et, d’autre part, le grief tenant à la différence de traitement tiré de ce que les fonctionnaires bénéficient de cette prime durant ces congés n’est pas contraire au principe d’égalité « s’agissant d'agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou même, comme en l'espèce, de statuts différents, leur rémunération ne peut être appréciée que globalement. » Au surplus, les fonctionnaires ne sont pas éligibles à cette prime et, enfin, parce que le versement de l'indemnité en litige est lié à l'exercice effectif des fonctions, la circonstance que le montant de cette indemnité n'est pas pris en compte pour le calcul de la rémunération maintenue durant le congé de maternité et le congé de maladie en cas de grossesse pathologique n'est pas de nature à constituer, par elle-même, une méconnaissance du principe d'égalité entre les femmes et les hommes.
(29 juin 2021, Syndicat CGT des personnels civils du service de la modernisation et de la qualité de la direction générale de l'armement du ministère des armées, n° 445264) V. aussi le n° 36 au sujet de la qualité pour agir du syndicat requérant
117 - Agents publics des chambres de commerce – Repreneur privé d’une activité exercée par une chambre de commerce – Régime indemnitaire – Rejet.
Les syndicats requérants demandaient l’annulation du décret n° 2019-867 du 21 août 2019 relatif aux modalités de traitement des agents publics refusant l'engagement proposé par le repreneur d'une activité exercée par leur chambre de commerce et d'industrie d'affectation.
Aucun des nombreux moyens développés au soutien de leurs requêtes n’est retenu par le Conseil d’État.
Le premier ministre était compétent pour prendre ce décret nonobstant la compétence de droit commun de la commission paritaire prévue à l’art. 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers car la loi du 22 mai 2019, en insérant un art. L. 712-11-1 dans le code de commerce a entendu déroger sur ce point à la loi de 1952.
Le Conseil d’État n’avait pas à être consulté avant la prise de ce décret qui n’est qu’un décret simple et en l’absence de dispositions prévoyant expressément cette consultation.
Le premier ministre pouvait, comme il l’a fait, fixer le mode de calcul de l'indemnité de rupture du contrat de ces agents conformément au régime d'indemnisation des licenciements pour refus de mutation géographique, la mutation géographique au sein d'une chambre ayant en commun avec le transfert au repreneur des activités d'une chambre de ne pas entraîner la suppression du poste de l'agent concerné et de donner à cet agent la possibilité de poursuivre son activité professionnelle.
Le principe général du droit relatif aux obligations de reclassement interne est inapplicable ici, le législateur (art. L. 712-11-1 du code préc.) ayant entendu y déroger.
Pas davantage ne peuvent être invoqués :
- ni le droit au respect des biens (art. 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH),
- ni le fait que l'indemnité de rupture étant calculée de manière proportionnelle à l'ancienneté ne saurait la faire regarder comme n'assurant pas l'indemnisation de la perte du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie par l'agent refusant son transfert au repreneur de tout ou partie de l'activité de la chambre de commerce et d'industrie qui l'emploie pour l'exercice de cette activité,
- ni le principe de sécurité juridique car en tout état de cause, en cas de reprise de l'activité par un tiers, l'agent ne peut continuer d'être employé par cette chambre et ne peut, en conséquence, bénéficier du dispositif prévu par le VI de l'article 40 de la loi du 22 mai 2019 et se voir proposer, par sa chambre, un contrat de travail de droit privé.
Par suite, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires n'est pas fondé à soutenir que l'entrée en vigueur immédiate du décret attaqué priverait les agents publics des chambres de commerce et d'industrie de la possibilité de bénéficier du dispositif prévu par le VI de l'article 40 de la loi du 22 mai 2019.
(29 juin 2021, Syndicat CFE-CGC réseaux consulaires, n° 435466 ; Syndicat national des chambres de commerce et de l'industrie - CFDT, n° 435483 ; Syndicat CGT du personnel des chambres de commerce et d'industrie de Paris et d'Ile-de-France, n° 435486, jonction)
Libertés fondamentales
118 - Référé liberté – Réunions électorales en plein air – Limitation à cinquante personnes pour cause de Covid-19 – Atteinte à plusieurs libertés fondamentales – Rejet.
Le juge du référé liberté du Conseil d’État était saisi d’une demande de suspension du 9° du III de l'article 3 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu'il limite à 50 personnes les réunions électorales organisées en plein air hors des établissements recevant du public ainsi que d’une demande d’injonction au premier ministre de modifier ce texte sous huit jours
Dans une ordonnance de rejet un peu embarrassée, il est répondu que certes cette limitation porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales surtout en période électorale mais elle doit être appréciée à la lumière des exigences sanitaires. La demande de suspension « aggraverait donc la contrainte sur la liberté d'organiser des manifestations par les partis politiques et ne serait donc aucunement de nature à préserver les libertés fondamentales objets de restrictions au regard de la crise sanitaire ».
La circonstance que d’autres rassemblements plus nombreux sont autorisés est justifiée par des considérations propres à chacun d’eux. Enfin, est rejeté l’argument, assez fort pourtant, selon lequel les petites formations politiques n’ont pas les moyens, à la différence des grandes, d’organiser des réunions dans des établissements recevant du public où cette limitation à 50 n’existe pas : selon le juge ce n’est pas le texte litigieux qui crée cette distorsion.
Réponse très discutable car s’agissant des deux termes de comparaison, le décret du 20 octobre 2020 constitue bien l’un de ces deux termes.
(11 juin 2021, Mme A. et association " La France insoumise ", n° 453236)
119 - Référé liberté – Pose de plots empêchant l’accès et la sortie de caravanes – Gens du voyage – Droit d’accès à la voie publique – Droit de propriété – Exigences de sécurité routière invoquée – Rejet.
Le maire de la commune avait fait poser trois plots en béton, disposés en quinconce sur un chemin communal, à l’entrée de la propriété de deux personnes, gens du voyage, dont les caravanes leur servant d’habitation ainsi qu’à leurs enfants, ne pouvaient ainsi ni sortir de la propriété ni y être introduites, leur tractage étant rendu ainsi impossible. Le maire invoquait les nécessités de la sécurité publique qui imposaient de lutter contre la circulation des camions sur ce chemin communal.
Le juge des référés du Conseil d’État, saisi d’un appel contre les ordonnances de première instance enjoignant le maire de retirer les plots, rejette cet appel, confirmant la solution du premier juge.
Le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété lequel a le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, par suite, la privation de tout accès à la voie publique est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté.
Les propriétaires concernés n’ont pas d’autre domicile familial que leurs caravanes soit qu’ils séjournent sur leur propriété soit qu’ils se déplacent, ce qu’ils font fréquemment, l’impossibilité d’accéder librement à leur propriété constitue une situation d’urgence.
Enfin, le juge ne retient pas le motif, allégué par le maire, de sécurité de la circulation sur une voie communale alors que la commune ne justifie pas qu'elle n'aurait pas pu recourir à un autre dispositif pour interdire la circulation des poids lourds les plus gros porteurs sur le chemin communal tout en préservant le passage des caravanes.
(7 juin 2021, Commune de Mougins, n° 452849)
Police
120 - Forfait de post-stationnement – Titre exécutoire substitué à l’avis de paiement – Inopérance du moyen dirigé contre l’avis de paiement – Erreur de droit – Annulation.
Le juge est encore une fois appelé à indiquer au magistrat désigné par le président de la commission du contentieux du stationnement payant qu’il commet une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l'absence d'obligation de payer la somme réclamée par l'administration était inopérant, au motif qu'il mettait en cause la légalité de l'avis de paiement auquel le titre exécutoire s'était substitué. Il résulte des dispositions combinées des art. L. 2333-87 et R. 2333-120-35 du CGCT que l'intéressé peut contester, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.
Démonstration confirmée de ce que les lois simplificatrices, surtout en matière contentieuse, compliquent.
(8 juin 2021, M. A., n° 436444)
(121) V. aussi, identique : 8 juin 2021, M. B., n° 437380.
122 - Schéma national de maintien de l’ordre – Document de portée générale à effets possiblement notables sur les individus – Condition des journalistes au sein des manifestations – QPC sur des dispositions du code de la sécurité intérieure – Recours à la technique de l’encerclement – Annulations diverses et rejet pour le surplus.
Une circulaire du ministre de l’intérieur du 16 septembre 2020 comporte en annexe le schéma national du maintien de l'ordre qui a pour objet de définir le cadre d'exercice du maintien de l'ordre, applicable à toutes les manifestations se déroulant sur le territoire national, permettant ainsi de fixer une doctrine commune pour l'ensemble des forces de l'ordre. Certaines dispositions de ce schéma sont, pour l’essentiel, critiquées par les différentes requêtes jointes.
Tout d’abord se posait une question de recevabilité dans la mesure où les recours étaient dirigés contre un document de portée générale émanant d’autorités publiques. Le juge estimant qu’il était susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des organisateurs de manifestations, des manifestants, des journalistes, des observateurs et de tiers, le recours pour excès de pouvoir dirigé contre celui-ci était recevable.
Ensuite le juge rappelle très clairement le cadre d’exercice des pouvoirs de police en présence d’une liberté reconnue. Ainsi, il est rappelé que si la matière des libertés publiques (ici de manifester, d’opinion et de communication) relève de la loi, d’une part, les autorités de police sont compétentes pour en régler l’usage concret en cas de risques d’atteintes à l’ordre public, et d’autre part, le ministre de l’intérieur tient de sa qualité de chef de service (reconnue par l’arrêt Jamart en 1936) la compétence pour prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous son autorité, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service.
Plusieurs dispositions de ce document étaient critiquées directement ou indirectement. Les unes sont rejetées et les autres admises.
Au chapitre des rejets autres que de procédure, il faut retenir celui de la critique faite au ministre de l’intérieur de n’avoir pas prévu le cas des observateurs alors qu’il n’était pas tenu à une obligation d’exhaustivité, celui aussi du moyen tiré de ce que la possibilité d'obtenir des forces de l'ordre, en temps réel, des informations supplémentaires relatives au déroulement d'une manifestation, plus précises ou complètes que celles directement rendues publiques, peut être réservée à certains journalistes seulement, décision qui n'affecte pas, par elle-même, les règles concernant la liberté d'expression et de communication. Semblablement l’instauration (au point 2 .2.2. du schéma) d’une accréditation des journalistes titulaires de la carte de journaliste professionnel, et alors même que la possession de cette carte n’est pas requise pour l’exercice de la profession de journaliste, n’introduit pas une différence illégale par rapport aux journalistes non détenteurs de cette carte. Enfin, la QPC dirigée contre divers articles du code de la sécurité intérieure servant de fondement au point 3.1.4 du schéma litigieux est rejetée car aucune de ces dispositions n’est applicable au litige.
En revanche, nombreuses sont les annulations prononcées :
Celle du point 2.2.1. du schéma qui permet aux journalistes de porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et que leur comportement est exempt de toute infraction ou provocation, mesure qui est jugée, d’une part, comme rédigée dans des termes au demeurant ambigus et imprécis, et d’autre part, comme ne relevant pas de la compétence du ministre de l'intérieur en sa qualité de chef de service, en tant qu’elle édicte des règles à l'égard des journalistes, non plus d'ailleurs qu'à l'égard de toute personne participant ou assistant à une manifestation.
Celle du point 2.2.2. selon laquelle est ouverte à certains journalistes la possibilité d'obtenir des forces de l'ordre, en temps réel, des informations supplémentaires relatives au déroulement d'une manifestation, plus précises ou complètes que celles directement rendues publiques, dans la mesure où l’utilisation de la notion de journalistes « accrédités auprès des autorités », sans préciser la portée, les conditions et les modalités d'une telle « accréditation » est susceptible, faute de précision, de permettre un choix discrétionnaire des journalistes accrédités parmi tous ceux titulaires de la carte de presse en faisant la demande, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et à la liberté de communication.
Celle du point 2.2.4 en ce qu’elle décide que « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d'associations » et qui enjoint aux journalistes et aux observateurs indépendants d'obtempérer aux injonctions des forces de l'ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser. En effet, selon le juge, les journalistes peuvent ainsi continuer d'exercer librement leur mission lors de la dispersion d'un attroupement sans être tenus de quitter les lieux, dès lors qu'ils se placent de telle sorte qu'ils ne puissent être confondus avec les manifestants et ne font pas obstacle à l'action des forces de l'ordre. Il en va de même pour les observateurs indépendants.
Celle du point 3.1.4. qui permet le recours à la technique de l’encerclement en tant qu’elle n’encadre pas précisément les cas dans lesquels elle peut être mise en œuvre, notamment pour en vérifier le caractère adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances.
(10 juin 2021, Syndicat national des journalistes et Ligue des droits de l'homme, n° 44849 ; Confédération générale du travail et le Syndicat national des journalistes CGT, n° 445063 ; Union syndicale Solidaires et autres, n° 445355 ; M. A., n° 445365, jonction)
123 - Libertés fondamentales – Possibilité d’instauration de boxes vitrés dans les salles d’audience des juridictions judiciaires – Illégalité – Rejet.
Le Conseil d’État, après décision du Tribunal des conflits estimant que cette question relève de la compétence des juridictions administratives, examine au fond une requête dirigée contre la possibilité, à l’égard de certains prévenus, d’installer dans les salles d’audience des juridictions judiciaires des boxes vitrés.
Aucun des moyens soulevés au soutien de leur illégalité et donc à l’annulation du refus du garde des sceaux d’abroger l'arrêté du 18 août 2016 en ce qu'il concerne l'installation de boxes sécurisés vitrés n’est retenu : le ministre de la justice avait bien compétence pour prendre une telle décision sur le fondement des art. L. 1332-1 et R. 1332-1 du code de la défense ; les dispositions combinées du 4è alinéa du III de l’article préliminaire du code de procédure pénale et de l’art. 318 de ce code ne font pas obstacle à la prise de mesures de contraintes justifiées tant par la sécurité des personnes présentes à l’audience que par les risques susceptibles d’être engendrés par la personne du prévenu ; les mesures en question n’ayant nullement pour effet d’instaurer une présomption de culpabilité et sont décidées sous le contrôle du juge judiciaire compétent ne contreviennent ni à l’art. 9 de la Déclaration de 1789 ni à l’art. 5 de la directive du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre de procédures pénales ; le placement en box sécurisé ne constitue pas un traitement inhumain ou dégradant qui contreviendrait à l’art. 3 de la Convention EDH ni non plus une atteinte au droit à un procès équitable comma aux droits de la défense tels que garantis à l’art. 6 de cette Convention ; pas davantage cette mesure n’apparaît entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
(21 juin 2021, Syndicat des avocats de France, n° 418694)
124 - Chasse – Chasse à la glu – Autorisation – Dérogation à l’interdiction posée par une directive – Condition de dérogation à son interdiction – Motivation insuffisante – Annulation.
Les associations requérantes avaient saisi le Conseil d’État de recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d’arrêtés de septembre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire, relatifs à l'emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles noirs destinés à servir d'appelants, respectivement, dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Var, pour la campagne 2018-2019. Le juge avait sursis à statuer sur ces requêtes jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions qu’il estimait devoir lui poser. La Cour de justice ayant rendu son arrêt le 17 mars 2021 (aff. C-900/19), le Conseil d’État statue au fond.
Tout l’enjeu juridique était de déterminer l’étendue et les conditions du pouvoir de dérogation nationale à l’interdiction d’utiliser des gluaux pour immobiliser les oiseaux dits appelants destinés à attirer les espèces à chasser. La CJUE dit pour droit, d’une part, que cette dérogation devait être motivée scientifiquement et pertinemment et, d’autre part, que la seule indication de l’inexistence d’une autre solution possible ne saurait constituer à elle seule la motivation exigée.
Le Conseil d’État en tire très logiquement cette conclusion qu’en l’état, le droit national, en se bornant à soutenir, sans plus, l’absence d’autres solutions techniques possibles et à invoquer une pratique traditionnelle, contrevient aux dispositions du § 1 de l’art. 8 combinées avec celles de l’art. 9, de la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive oiseaux, en ce qu’il ne motive pas réellement la dérogation qu’il institue en faveur de la pose de gluaux.
Les intéressés et le ministre n’ayant pas davantage, au reçu de l’arrêt de la CJUE, motivé la solution retenue, il s’ensuit que doivent être annulés les arrêtés attaqués.
(28 juin 2021, Associations One Voice et Ligue française pour la protection des oiseaux, n° 425519)
(125) V. aussi, identiques les espèces jointes : 28 juin 2021, Association One Voice, n° 434365, 434367, 434368, 434369 et 434374 ; Ligue française pour la protection des oiseaux, n° 435737, 435738, 435739, 435741 et 435742.
(126) V. également, identique mais en sens inverse en ce qu’est confirmé le refus ministériel d’autoriser la chasse avec emploi de gluaux : 28 juin 2021, Fédération nationale des chasseurs et Fédération régionale des chasseurs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, n° 443849.
127 - Réfugié – Permis de conduire étranger – Échange d’un permis syrien contre un permis français - Certificat d’authenticité non obtenu par la voie diplomatique – Refus – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, saisi par un syrien ayant obtenu en France le statut de réfugié et demandant l’échange de son permis de conduire syrien avec un permis français, estime sans valeur le certificat d’authenticité dudit permis au motif qu’il n’a pas été obtenu par la voie diplomatique. Il incombait à la juridiction de rechercher si les documents présentés offraient des garanties suffisantes d’authenticité.
La solution est parfaitement justifiée car il est assez illusoire, nous semble-t-il, d’attendre du régime syrien qu’il authentifie lui-même le permis de conduire d’un homme qui l’a fui au point d’être reconnu réfugié…
(28 juin 2021, M. B., n° 432847)
Professions réglementées
128 - Masseur-kinésithérapeute – Poursuites disciplinaires – Prise en compte d’un contrat de droit privé – Allégation de méconnaissance d’une obligation déontologique pour non-respect d’un contrat de droit privé – Rejet.
Le Conseil d’État approuve la juridiction disciplinaire de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’avoir, pour apprécier l’éventuel manquement d’un praticien à ses obligations déontologiques, retenu le non-respect par celui-ci d’une clause d’un contrat de droit privé, en l’espèce un contrat de collaboration le liant à un confrère.
Le juge de cassation indique cet examen possible si, à la date du manquement allégué, cette clause n’est ni résiliée, ni annulée par une décision de justice ni entachée d’une illégalité susceptible d’être relevée d’office.
(16 juin 2021, Mme D., n° 437366)
129 - Médecin – Décision sur l’aptitude d’un médecin à exercer – Décision de nature administrative et non juridictionnelle – Obligation de motivation non de discussion d’arguments – Rejet.
Dans une affaire de suspension temporaire d’exercice d’un médecin à raison du danger présenté pour ses patients par son éloignement de la médecine générale et dans l’attente qu’il ait reçu une formation, se posait la question de la qualification juridique de la décision du conseil national de l’ordre. En effet, le requérant se plaignait du non-respect de principes s’appliquant à une procédure juridictionnelle. Le Conseil d’État rappelle opportunément que la décision prise au terme de l’examen de l’aptitude d’un praticien à exercer ses fonctions n’a pas une nature disciplinaire et qu’elle constitue une décision administrative, donc sans caractère juridictionnel : si elle est soumise à l’obligation de motivation, elle n’a pas à répondre aux arguments du demandeur.
(23 juin 2021, M. E., n° 433605)
Question prioritaire de constitutionnalité
130 - Cour des comptes – Membre se trouvant dans une situation de conflit d’intérêt – Cas du procureur général près la Cour – Principe d’impartialité - Silence de la loi sur son obligation de déport – QPC – Rejet.
Le requérant demandait le renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC à propos de l’art. L. 120-12 du code des juridictions financières qui, en ne prévoyant pas pour le procureur général près la Cour des comptes, l’obligation de se déporter en se faisant substituer lorsqu’il est susceptible de se trouver en conflit d’intérêt, serait contraire au principe d’impartialité et à celui d'indépendance des juridictions garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Sans surprise, le Conseil d’État refuse le renvoi de cette QPC : le silence de la loi ne constitue bien évidemment pas une dispense pour le procureur général de respecter le principe d’impartialité, lequel s’impose, même sans texte, à lui.
(7 juin 2021, M. A., n° 447398)
131 - QPC imaginaire – Contestation de la constitutionnalité d’un décret non d’une loi – Invocation d’impossibilité de QPC – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
La loi du 13 juillet 1972 a institué, en son article 3, une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés dans ceux des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. Elle a aussi prévu que les établissements redevables de la taxe sur les surfaces commerciales bénéficieraient de la réduction de taux prévue par la loi à raison des surfaces qu'ils affectent à titre exclusif à une activité consistant à vendre des marchandises mentionnées dans une liste à laquelle elle renvoie.
La société requérante soutenait que les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, pris pour l’exécution de la loi précitée, en posant une condition selon laquelle seule la vente à titre exclusif de certaines marchandises peut permettre aux professions nécessitant des surfaces anormalement élevées de bénéficier d'une réduction de 30 % du taux de la taxe, créaient une différence de traitement injustifiée entre les contribuables qui se livraient exclusivement à la vente des marchandises éligibles et ceux qui vendaient à titre quasi exclusif ou à titre principal ces mêmes marchandises, violant ainsi le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.
L’ordonnance attaquée a rejeté ce moyen d’inconstitutionnalité au motif qu’il revenait à contester la constitutionnalité des dispositions du dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi de 13 juillet 1972 et que par suite, il ne pouvait être utilement soulevé que par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité. Ce jugeant, l’ordonnance querellée a commis, selon le Conseil d’État, une erreur de droit car le critère critiqué par la demanderesse figurait bien dans le décret attaqué non dans la loi.
Après cette cassation l’affaire est renvoyée au tribunal administratif.
(9 juin 2021, Société Lapeyre, n° 436285)
(132) V. aussi, sur les conditions et la portée de l’assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales : 16 juin 2021, Société Castorama France, n° 436240.
133 - Art. L. 1453-4 code du travail – Institution d’un « défenseur syndical » – Conditions de présentation et de désignation – Atteinte au principe d’égalité devant la loi – Question de caractère sérieux justifiant le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.
Présente un caractère sérieux qui justifie son renvoi au Conseil constitutionnel la QPC de savoir si l’art. 1453-4 du code du travail qui institue un « défenseur syndical » et en fixe les conditions de présentation et de désignation ne porte pas atteinte en particulier au principe d'égalité devant la loi.
(9 juin 2021, Confédération nationale des travailleurs solidarité ouvrière, n° 450861)
134 - Art. 35 et 39-1 du code de procédure pénale – Transmission, par les magistrats du parquet ou du parquet général, d’informations sur des procédures judiciaires en cours - Atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis pour insuffisance d’encadrement de la procédure de transmission - Question de caractère sérieux justifiant le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.
Présente un caractère sérieux qui justifie son renvoi au Conseil constitutionnel la QPC de savoir si les art. 35 et 39-1 du code de procédure pénale qui instituent à la charge des magistrats du parquet et du parquet général une obligation de transmission d'informations sur des procédures judiciaires en cours à l'attention du ministre de la justice, à leur initiative ou sur demande de ce dernier, ne portent pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
(9 juin 2021, Confédération nationale des travailleurs solidarité ouvrière, n° 450861)
Responsabilité
135 - ONIAM - Réparation du préjudice résultant d’une incapacité permanente de travail (art. L. 431-1 c. trav.) – Rente accident du travail - Réparation sur une base exclusivement forfaitaire (art. L. 431-4 c. trav.) – Postes de préjudices ainsi réparés – Imputation d’arrérages de la rente accident sur l’indemnisation du déficit fonctionnel – Impossibilité – Absence d’erreur de droit – Rejet.
Rappel de ce qu’en vertu des dispositions combinées des art. L. 431-1 et L. 431-4 du code du travail, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel. Il suit de là que l’ONIAM n’est pas fondé à demander que le montant de l'indemnité due au titre des préjudices liés aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle subis par la victime s'impute également sur la part des arrérages à échoir au titre de la rente d'accident du travail qui lui a été allouée.
(14 juin 2021, ONIAM, n° 436108)
136 - Saisine du juge à fins indemnitaires – Absence de demande préalable en ce sens à la puissance publique – Formation postérieure d’une telle demande en vue de régularisation – Silence de l’administration valant décision implicite liant le contentieux pour tous les dommages découlant du même fait générateur même ceux non repris dans la demande préalable – Pouvoir des chefs de juridiction de réparer les erreurs matérielles contenues dans les jugements et arrêts – Annulation partielle.
(21 juin 2021, Commune de Montigny-lès-Metz, n° 437744 et n° 437745 ; M. B., n° 437781) V. n° 31
137 - Responsabilité pour faute – Délivrance d’une autorisation de lotir – Risque connu de submersion marine – Fautes de la commune et de l’État – Indemnisation du refus subséquent de délivrer un permis de construire – Rejet.
Une autorisation de lotir est délivrée le 6 mars 2007 sur le territoire d’une commune riveraine de la mer. Le 2 février 2009 un couple acquiert le lot n° 10 du lotissement et dépose un permis de construire ; la tempête Xynthia étant survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, le permis est refusé le 20 décembre 2010 en raison du risque de submersion.
Les intéressés réclament, et obtiennent, réparation du préjudice découlant de l’autorisation de lotir qu’ils estiment fautive. La cour administrative d’appel accorde cette indemnisation en la mettant à la charge solidaire, d’une part, de l’État pour sous-évaluation du risque de submersion ayant faussé l’appréciation du maire et l’ayant dissuadé de classer ce secteur en zone inconstructible, d’autre part, de la commune, dûment informée depuis plusieurs années du risque très grave de submersion marine et de crue combinées existant dans la zone de l’estuaire du Lay.
État et commune se pourvoient en cassation, en vain, le Conseil d’État confirmant en tous points l’arrêt d’appel.
Tout d’abord, les indications fournies aux acquéreurs, qui ne sont pas des professionnels de l’immobilier, lors de la signature de l’acte notarié, n’étaient pas de nature à les éclairer sur la gravité du risque couru, aucune faute ne saurait leur être reprochée.
Ensuite, la cour a correctement motivé son arrêt en jugeant que des fautes avaient été commises par les deux personnes publiques et qu’elles étaient en lien direct de causalité avec le dommage subi par les intéressés.
(14 juin 2021, Commune de la Faute-sur-Mer, n° 433393 ; Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 433464)
Santé
138 - Produit de santé – Larmes artificielles – Fixation de leur prix par le comité économique des produits de santé – Termes de comparaison erronés – Comparaison devant être effectuée entre produits de même classe thérapeutique – Annulation.
La requérante est jugée fondée à soutenir qu’est irrégulière la décision du Comité économique des produits de santé se bornant à faire état du prix inférieur des spécialités à base de ciclosporine, mentionnées comme étant à même visée thérapeutique, que les larmes artificielles produites par la société Teofarma, alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, notamment pas de l'avis émis par la commission inscrivant les « Larmes artificielles Martinet » sur la liste des médicaments remboursables, que ces spécialités aient pu être envisagées comme un comparateur pertinent et alors que la société Teofarma s'était en revanche prévalue du prix plus élevé d'une spécialité à base, comme la sienne, de chlorure de sodium, qu'elle estimait relever de la même classe thérapeutique.
Injonction est faite au Comité de se prononcer à nouveau sur ce prix sous deux mois.
(16 juin 2021, Société Teofarma, n° 436561)
Service public
139 - Traitement des demandes de communication des décisions de justice – Note du garde des sceaux susceptible de produire des effets notables – Distinction et traitement de trois catégories de demandes de communication – Absence d’illégalité – Rejet.
La requérante recherchait l’annulation de la note du garde des sceaux du 19 décembre 2018, publiée au JO du 31 décembre 2018, relative à la communication de décisions judiciaires civiles et pénales aux tiers à l'instance, ainsi que de ses annexes.
Rejetant la fin de non-recevoir du ministre, le juge aperçoit dans cette note un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur certaines personnes.
La circulaire envisage trois hypothèses de communication des décisions de justice. Aucune d’elles ne mérite la critique du juge qui rejette ainsi le recours dont il était saisi.
S’agissant des décisions de justice communicables aux tiers, l’absence de référence de la note aux textes applicables est sans effet sur sa légalité tout comme l’absence de traitement différencié selon les demandeurs de communications. Enfin, cette note se borne à rappeler la règlementation existante sans y ajouter.
S’agissant de la procédure de communication des décisions de justice aux tiers, l’obligation imposée que soient identifiés tant le demandeur de la communication que la partie figurant dans la décision ne servent qu’à identifier le document afin de le trouver et ne porte point atteinte à la vie privée de la personne concernée, tout comme n’est pas irrégulière la recommandation, en certaines matières (diffamation, décisions prises en chambre du conseil), de ne pas effectuer une communication complète de la décision qui porterait atteinte à la vie privée.
S’agissant du traitement des demandes de masse, c’est sans illégalité que l’auteur de la note rappelle de s’abstenir de telles communication qui visent non à connaître des décisions mais la jurisprudence de la juridiction en certains domaines. En effet, elle ferait peser sur la juridiction une charge disproportionnée notamment du fait de l’anonymisation.
Le recours est rejeté.
(21 juin 2021, Société Forseti, n° 428321)
Travaux publics - Expropriation
140 - Création d’une liaison entre routes départementales – Expropriation – Propos publics du commissaire-enquêteur – Parti pris – Vice de procédure – Rejet.
C’est sans erreur de droit et usant de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’une cour d’appel juge que constitue un vice de procédure ayant privé le public d’une garantie, le fait que, dans la cadre d’une procédure d’expropriation, le commissaire enquêteur désigné pour donner son avis sur le projet litigieux s'était exprimé dans le principal journal local, au lendemain de l'ouverture de l'enquête publique, et avait répondu à la question de savoir si le projet lui paraissait viable qu'il ne voyait pas d'anomalie à l'utilité publique du prolongement et que, sauf à découvrir « une énormité », il pensait que le projet « irait à son terme ». A cet égard, est indifférente la circonstance que les conclusions du commissaire-enquêteur rendues au terme de l'enquête publique étaient complètes et motivées.
(28 juin 2021, Département des Alpes-Maritimes, n° 434150 ; Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 434327 ; Commune de Grasse, n° 434409)
Urbanisme - Aménagement du territoire
141 - Permis de construire – Demande de permis entaché de fraude – Acquisition d’un terrain mitoyen par voie successorale postérieurement à la délivrance du permis de construire – Date d’appréciation de l’intérêt à agir – Rejet.
Une personne devient propriétaire par voie successorale, le 1er août 2017, d’un terrain contigu à un autre sur lequel a déjà été délivré un permis de construire le 8 juin 2017. Elle entend contester ce permis pour divers motifs.
Se pose une première question : celle de la date à laquelle doit être apprécié l’intérêt à agir de cette nouvelle propriétaire. Le Conseil d’État approuve le tribunal administratif d’avoir estimé qu’existaient en l’espèce des circonstances particulières justifiant de se placer non à la date d'affichage de la demande de permis de construire mais à la date d'introduction de son recours.
Ensuite, le Conseil d’État approuve les juges du fond d’avoir relevé que le permis de construire portant sur un terrain enclavé accessible par un passage situé sur la propriété de la demanderesse, celle-ci dispose bien d’un intérêt à agir contre le permis à l’origine de l’octroi d’un droit de passage.
Enfin, confirmant le jugement annulant le permis de construire, le Conseil d’État estime entachée de fraude la demande de permis, celle-ci faisant état, dans le plan de masse, de l’existence d’un droit de passage permanent pour permettre l’accès à la voie publique alors que le compromis de vente n’accordait qu’un droit de passage temporaire expirant le 30 juin 2020.
(8 juin 2021, Mme A. et M. D., n° 437788)
142 - Plan local d’urbanisme – Emprise au sol des constructions urbaines – Dispositions dérogatoires en faveur des équipements d'intérêt collectif et des services publics – Construction d’une maison d’assistantes maternelles et d’un logement – Construction pouvant bénéficier de la dérogation – Erreur de droit – Annulation.
Alors que le règlement d’un PLU communal prévoit une dérogation aux règles générales d’emprise au sol des constructions dans les zones urbaines en faveur des équipements d’intérêt collectif et de services publics, commet une erreur de droit le jugement estimant que la construction d’une maison d’assistantes maternelles et d’un logement n’entre pas dans cette catégorie dérogatoire en raison de ce que la surface de plancher de l'ensemble de la construction destinée à l'habitation était majoritaire par rapport à celle destinée à l'accueil d'une crèche, alors que cette dernière circonstance est sans effet sur l’aspect intérêt collectif ou service public de cette construction.
(11 juin 2021, Commune de Neuilly-Plaisance, n° 432457)
143 - Condition d’autorisation d’urbanisation en zone littorale – Travaux et implantations dérogatoires – Antenne-relais de téléphonie mobile et ses accessoires – Soumission au principe d’urbanisation en continuité – Avis rendu en ce sens.
Le Conseil d’État répond ici à une demande d’avis de droit sur le point de savoir si, dans les communes littorales, les infrastructures de téléphonie mobile sont constitutives d'une extension de l'urbanisation soumise au principe de continuité posé par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige.
La réponse est positive car d’une part, il résulte des dispositions combinées des art. L. 121-8 et L. 121-10 du code de l’urbanisme que dans les communes littorales s’applique, sauf dérogations limitativement énumérées, le principe d’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants et, d’autre part, que les installations d’antennes de téléphonie mobile ne figurent pas au nombre des constructions susceptibles de bénéficier d’une telle dérogation.
(11 juin 2021, Mme D. et M. C., n° 449840)
144 - Règlement d’un PLU – Création d’un cône de vue ou d’un secteur à caractéristiques particulières – Conditions de légalité – Contrôle du juge – Erreur de droit – Annulation et renvoi.
S’il est loisible à une commune d’instituer dans le règlement de son PLU un cône de vue ou un secteur à caractéristiques particulières (cf. art. L. 151-19 et L 151-23 c. urb.), c’est sous une double limite.
En premier lieu, la délimitation et les prescriptions de ce cône ou de ce secteur ne peuvent avoir d’effet ou de portée que dans la limite de ce qui est couvert par le PLU.
En second lieu, lorsque cette institution est assortie de l’interdiction de toute construction, il incombe au juge saisi, en cas de contentieux, de rechercher si la création d’une zone non aedificandi était l’unique moyen juridique de parvenir au résultat recherché.
Faute de cette recherche, le juge commettrait une erreur de droit en se bornant à avaliser ce choix. C’est le cas en l’espèce.
(14 juin 2021, Société des Sables, n° 439453)
145 - Commandant de zone terre – Compétence pour autoriser une construction visée par l’art. L. 5112-2 du code de la défense – Impossibilité de confier cette compétence à l'établissement du service d'infrastructure de la défense – Annulation.
Si le commandant de zone terre tient des dispositions de l’art. L. 5112-2 du code de la défense la qualité pour représenter le ministre de la défense auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales pour les questions d'urbanisme, dans les limites de la zone terre, et pour donner son accord, au nom de ce ministre, à une construction, telle que celle en litige, soumise à l'autorisation de ce dernier, il ne peut confier l’exercice de cette compétence à l'établissement du service d'infrastructure de la défense, qui assure seulement l'instruction des dossiers sur les questions d'urbanisme intéressant le ministère de la défense et, le cas échéant, pour assurer, à la demande du commandant de zone, sa représentation auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales.
L’arrêt est annulé pour erreur de droit pour avoir jugé cette délégation régulière dans la présente affaire.
(16 juin 2021, Société Almo, n° 436143)
146 - Plan local d’urbanisme – Classement de deux parcelles en zone agricole – Annulation par le tribunal administratif de leur classement – Appel ne portant que sur le classement de l’une des deux parcelles – Cour administrative d’appel statuant sur les deux parcelles – Ultra petita – Annulation dans cette mesure.
Alors que le juge de première instance avait annulé le classement de deux parcelles, section A et section B, en zone agricole, la commune n’avait interjeté appel que sur la seule annulation du classement de la parcelle de la section A.
Par suite, en statuant sur le classement des sections A et B, la cour a statué ultra petita car au-delà des conclusions dont elle était saisie.
Son arrêt est annulé en tant qu’il porte sur le classement de la section B.
(16 juin 2021, Commune de La Clusaz, n° 442505)
147 - Permis de construire un supermarché – Projet nécessitant une étude d’impact (art. L. 122-2 c. env.) – Existence antérieure d’une étude environnementale sur la zone d’implantation de ce supermarché – Nécessité d’une étude par projet – Erreur de droit – Annulation sur ce point.
Le juge des référés du tribunal administratif, saisi d’une demande de suspension du permis de construire un supermarché pour absence d’étude d’impact, avait rejeté la requête de ce chef motif pris de ce que la zone Uy où devait être implanté le projet de construction avait déjà fait l’objet antérieurement d’une étude environnementale. Le juge de cassation annule pour erreur de droit cette ordonnance car il résulte de la logique de l’art. L. 122-2 du code de l’environnement que celui-ci requiert une étude d’impact par projet surtout lorsque, comme en l’espèce, l’aire de stationnement ouverte au public devait comporter 122 places au lieu de 50 maximum prévu à la rubrique 41 du tableau annexé audit article ; l’étude environnementale précédente ne saurait donc dans ces circonstances en tenir lieu.
Toutefois, statuant au fond après cette cassation, le Conseil d’État relève que le préfet de région ayant dispensé le projet en cause d'évaluation environnementale, dispense qui a été suivie de la délivrance d’un permis de construire modificatif, fait donc désormais défaut la condition d’application de l'article L. 122-2 du code de l'environnement.
La demande de suspension est à nouveau rejetée.
(ord. réf. 24 juin 2021, Sociétés Mottin et July, n° 442316)
148 - Référé suspension - Plan local d’urbanisme (PLU) – Permis de construire méconnaissant l’une de ses dispositions – Impossibilité pour le juge de l’urgence d’inviter à régulariser en application de l’art. L. 600-5 c. urb. – Erreur de droit – Annulation sur ce point.
Commet une erreur de droit le juge du référé suspension qui, constatant la méconnaissance par un permis de construire d’une disposition du PLU et estimant ce vice régularisable par application de l’art. L. 600-5 c. urb. car en sa qualité de juge de l’urgence il ne saurait user de pouvoirs que le code de l’urbanisme n’accorde qu’au juge du fond
(24 juin 2021, M. et Mme A., n° 450048)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Mai 2021
Mai 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse
1 - Communication de documents administratifs - Minutes civiles des jugements du TGI de Paris - Absence de caractère de document administratif - Communication impossible - Droit à la réutilisation de données publiques - Inapplicabilité aux décisions de l’autorité judiciaire - Rejet.
Le requérant contestait devant le Conseil d’Etat le rejet de sa requête tendant à l’annulation du refus implicite, par le ministre de la justice, d’accéder à sa demande de communication des minutes civiles des jugements prononcés en audience publique par le tribunal de grande instance de Paris en vue de la réutilisation des informations publiques contenues dans celles-ci.
Le Conseil d’Etat, se fondant sur ce que les documents, quelle que soit leur nature, qui se rattachent à l’exercice de la fonction juridictionnelle, et notamment les jugements des juridictions judiciaires, n'ont pas le caractère de documents administratifs communicables, rejette le pourvoi dont il est saisi, tant au regard des dispositions de l’art. L. 300-2 du CRPA qui organisent la communication de tout document administratif qu’à celui de l’art. L. 321-1 de ce code qui fixent le régime de la réutilisation des données publiques.
Le critère organique, qui prend en considération l’auteur de l’acte ou du document, prime sur toute autre considération en l’état de la séparation entre ce qui touche au fonctionnement de la justice judiciaire, lequel ne relève pas du juge administratif et fait rejeter la qualification des actes et documents qu’il produit comme documents administratifs communicables et l’organisation de ce service public dont on sait qu’il relève traditionnellement de la compétence de ce dernier juge (TC 27 novembre 1952, Officiers ministériels de Cayenne c/préfet de la Guyane).
A la question de savoir s’il s’agit d’actes administratifs non communicables ou d’actes n’étant pas de nature administrative, il convient de répondre par la première branche de l’alternative en raison de l’éminence du caractère de service public de la justice judiciaire.
(5 mai 2021, M. B., n° 434502)
(2) V. aussi, au sujet de l’invocation par ce même requérant d’un droit à la communication de ces mêmes documents tiré de leur nature d’archives publiques (art. L. 211-1 et s. du code du patrimoine), où il est jugé que de tels documents ont bien cette nature mais, d’une part, que la communication de ceux des jugements qui sont rendus publiquement s’effectue non sur le fondement des dispositions du code du patrimoine et spécialement sur celles de l’art. L. 213-3 de ce code mais sur celles de l’art. 11-3 de la loi du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile, la demande du requérant est donc de ce chef sans objet, et d’autre part, que la communication des jugements qui n’ont pas été rendus publiquement n’est pas possible sans qu’il soit porté atteinte notamment au secret relatif aux affaires portées devant les juridictions et à la protection de la vie privée des personnes physiques mentionnées dans les jugements ; ces derniers ne sauraient non plus relever du régime de la réutilisation des données publiques (cf. art. L. 321-1 CRPA) : 5 mai 2021, M. B., n° 434503.
3 - Conseil national des barreaux - Édiction d’une fiche - Guide pratique « lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » - Commentaire d’un dispositif de lutte - Absence de caractère d’acte administratif - Irrecevabilité - Rejet.
Est irrecevable le recours de la requérante demandant l’annulation pour excès de pouvoir d’énonciations contenues dans une « fiche » du Conseil national des barreaux se bornant à rappeler le droit applicable, à signaler des difficultés d'interprétation et à souhaiter des clarifications jurisprudentielles quant à la portée des nouvelles dispositions du 3° du I de l'article L. 561-3 introduites par l'ordonnance du 12 février 2020, car celles-ci sont en elles-mêmes dépourvues de toute portée et de tout effet.
Par suite, aucun des moyens énoncés n’est examiné.
(5 mai 2021, Mme B., n° 447504)
4 - Référé-suspension - Foire aux questions – Publication sur le site internet du ministère des finances – Demande de suspension – Acte déférable au juge – Rejet.
Le juge des référés admet implicitement mais nécessairement la recevabilité d’une requête en référé-suspension dirigée contre certaines énonciations d’une « foire aux questions » (FAQ) publiée sur le site internet du ministère de l’économie et des finances.
(ord. réf. 12 mai 2021, Mme A., n° 451130)
5 - Décret portant dissolution d’un parti politique – Demande gracieuse de retrait – Refus implicite – Forclusion encourue pour la formation d’un recours contentieux antérieurement à la demande gracieuse – Irrecevabilité – Rejet.
Est irrecevable le recours contentieux en annulation du rejet implicite d’un recours gracieux tendant au retrait d’un décret formé lui-même après l’expiration du délai de recours contentieux ouvert contre ce décret.
La règle est classique et d’une logique imparable car il n’entre pas dans l’objet d’un recours gracieux de faire revivre un délai contentieux déjà expiré à la date d’introduction de ce recours.
(27 mai 2021, Association Pupu Here Ai'Ia Nunaa Ia'Ora, n° 439927)
6 - Concours d'entrée dans les écoles de commerce (dits " BCE " et " ECRICOME) - Calendrier des épreuves de ces concours d'entrée dans les grandes écoles - Révélation par des communiqués de presse – Covid-19 – Recommandations de la ministre des universités – Absence d’incompétence – Rejet.
L’association requérante entendait contester des « décisions » ministérielles qu’elle estimait illégales et obtenir réparation du préjudice en résultant. Le rejet de la demande d’annulation entraîne celui de la demande indemnitaire.
Pour rejeter le recours dirigé contre la révélation de « décisions » ministérielles par la publication d’un calendrier des concours d’accès aux grandes écoles de commerce, le Conseil d’État indique qu’il n’y a pas en l’espèce de décisions mais seulement des recommandations émises à la suite d’une procédure de concertation avec les responsables des établissements concernés, ceux-ci demeurant, en toute hypothèse, décisionnaires. De telles recommandations ne sont pas entachées d’incompétence.
Par ailleurs, en fixant au 12 août 2020 la date limite d'organisation de ces épreuves, afin de permettre une rentrée dans les établissements en septembre, la ministre, compte tenu de la persistance de la circulation du virus et de l'incertitude, à la date de la recommandation litigieuse, sur l'évolution de la situation sanitaire, et par suite sur la possibilité d'organiser des épreuves orales après le 7 août 2020, n’a pas entachée sa « décision » d'erreur manifeste d'appréciation.
Enfin, lesdites recommandations n’avaient ni pour objet ni pour effet de modifier la nature du programme ou des épreuves écrites des concours d’entrée dans les écoles de commerce.
(27 mai 2021, Association pour la défense de la méritocratie en classes préparatoires aux grands écoles (ADMCP), n°440939)
Audiovisuel, informatique et technologies numériques
7 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) - Accomplissement de ses missions - Facultés reconnues par l’art. 19 de la loi du 30 septembre 1986 - Caractère non décisoire du recours ou non à ces facultés - Contrôle du juge – Contrôle normal ou restreint selon les cas si un opérateur a manqué à ses obligations légales ou conventionnelles - Rejet.
Le syndicat requérant avait demandé au CSA d’exercer ses pouvoirs d’enquête afin de vérifier le respect par une radio locale du plafond de 20 % de recettes assurées par la publicité et le parrainage qui lui est applicable, de mettre en demeure l'association éditrice de cesser de porter atteinte aux conditions d'exercice de la concurrence et de respecter les obligations de la convention qu'elle a conclue avec le CSA tant en matière de durée des informations et rubriques locales, qu’en matière de programmation musicale ainsi que de temps de diffusion des messages publicitaires.
Il saisit le juge du refus implicite né du silence gardé par le CSA sur ses demandes. Il est débouté.
L’affaire est intéressante pour les deux principaux points de droit qu’elle aborde et résout.
En premier lieu, les pouvoirs que l’art. 19 de la loi du 30 septembre 1986 reconnaît au CSA pour l’exercice de ses missions légales ne sont que des facultés dont il use librement, par suite leur mise en œuvre comme le refus d’y recourir ne constituent point des décisions faisant grief.
En second lieu, l’étendue du contrôle exercé par le juge administratif n’est pas la même selon qu’il s’agit de déterminer si l’opérateur a manqué à ses obligations, légales ou conventionnelles, conduisant le CSA à une mise en demeure, le contrôle contentieux étant alors normal c’est-à-dire plein et entier, ou selon qu’il s’agit de contrôler l’exercice par le CSA de ses pouvoirs en cas de manquement constaté, le contrôle étant alors restreint.
(6 mai 2021, Syndicat des radios indépendantes (SIRTI), n° 435540)
8 - Émission radiophonique satirique - Chanson affirmant « en des termes souvent obscènes et grossiers » l’homosexualité de Jésus Christ - Refus du CSA d’engager les actions que lui ouvrent les art. 3-1 et 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 - Légalité.
L’association requérante demandait l’annulation de la décision du CSA ayant refusé d'engager à l'encontre de la société Radio France les actions prévues aux articles 42-10, 48-1, 48-3, 48-9 et 48-10 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication du chef de l’émission « Par Jupiter ! » au cours de laquelle a été diffusée, « en réaction à la décision d'une autorité judiciaire brésilienne qui avait interdit un film présentant Jésus Christ comme une personne homosexuelle (…) une chanson dont le texte affirmait, en des termes souvent obscènes et grossiers, l'homosexualité de ce dernier. ».
Le Conseil d’Etat juge régulier le refus du CSA de faire application, comme il le lui était demandé, des art. 3-1 (refléter la diversité de la société française) et 43-11 (actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle, de la lutte contre les discriminations et des droits des femmes) de la loi de 1986 sur la liberté de communication.
Le juge retient pour cela le caractère satirique de l’émission au cours de laquelle ont été tenus ces propos « souvent obscènes et grossiers », « outranciers » (Conseil d’Etat dixit), le fait qu’ils « ne comportaient aucun encouragement à la discrimination envers un groupe de personnes déterminé à raison de leur religion », la circonstance que des excuses ont été présentées par leur auteur comme par la chaîne de radio, qu’ils n’excédaient pas les limites de la liberté d’expression et ne méconnaissaient pas, de la part de ladite chaîne, son obligation légale de concourir à la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations.
On peine à imaginer qu’une solution identique serait retenue si de tels propos visaient le chef de l’Etat ou quelque sous-ministre… pourtant ils n’ont pas plus, ni moins, de réalité que le personnage visé par la chanson.
Comme le dit F. Ponsard :
« Quand la règle est franchie, il n’est plus de limite
Et la première faute aux fautes nous invite. ». (in L’honneur et l’argent, 1853, Acte III sc. 5)
(6 mai 2021, Association Fondation service politique, n° 440091)
9 - Création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel – Système d’information sur les armes – Finalité du traitement conforme au droit de l’Union – Respect de la loi de 1978 – Dispositions claires et intelligibles – Conditions légales d’exploitation et d’information – Rejet.
Le requérant poursuivait l’annulation du décret n° 2020-487 du 28 avril 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « système d'information sur les armes », qui a pour finalités la gestion et le suivi des titres ou autorisations d'acquisition et de détention, de fabrication, commerce et intermédiation, de port et de transport d'armes, de munitions et de leurs éléments, ainsi que la dématérialisation des formalités administratives relatives aux armes pour les usagers.
Le décret insère dans le code de la sécurité intérieure des articles R. 312-84 à R. 312-90, qui définissent, outre les finalités de ce traitement, la nature et la durée de conservation des données enregistrées, les catégories de personnes y ayant accès ainsi que celles qui en sont destinataires, et précise les modalités d'exercice des droits des personnes concernées.
Tous les moyens soulevés par le requérant à l’appui de sa prétention sont rejetés.
Au plan formel, la publication de l’avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur ce décret postérieurement à la publication de ce dernier est sans incidence sur sa légalité.
Au fond, le décret créant le traitement litigieux répond à une finalité se rattachant à celles que régit la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 en ce qu’il vise, d’une part, par la collecte de données sensibles, issues d’enquêtes administratives, à s'assurer que la personne sollicitant l'autorisation de fabriquer, vendre, acquérir, détenir, porter ou transporter des armes à feu, n'a pas un comportement incompatible avec la délivrance d'une telle autorisation, et d’autre part, en ce que ces données sont conservées pendant une durée maximale d'un an en cas de déclaration ou de demande d'autorisation ou, en cas de litige, jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur ce dernier.
Si le décret autorise la conservation et le traitement des données relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, aux convictions religieuses, à l'appartenance syndicale, à la vie sexuelle ou à l'orientation sexuelle de tiers, cette possibilité, d’une part, n'est ouverte qu'en cas de nécessité absolue, pour les seules donnée strictement nécessaires, adéquates et non excessives, et aux seules fins assignées au traitement, dans le respect des conditions qui lui sont applicables, et, d'autre part, elle n’est admise que si ces données se rapportent à une procédure dans laquelle la personne faisant l'objet d'une enquête est mise en cause. Par suite, de ce chef, le décret ne méconnaît pas les exigences légales invoquées à son encontre par le requérant.
Enfin, les limitations apportées par le texte litigieux aux droits d'opposition, d'information, d'accès et de rectification s’inscrivent dans le cadre d'enquêtes, de recherches ou de procédures liées à la prévention ou à la poursuite d'infractions pénales ou à la protection de la sécurité publique, ce qui suffit à en permettre la justification.
(27 mai 2021, M. B., n° 441977)
10 - Radios-associatives – Covid-19 - Perte de recettes publicitaires et de certaines autres ressources financières – Exclusion du dispositif de soutien spécifique à la diffusion hertzienne et numérique des services de télévision à vocation locale et des radios (loi du 30 juillet 2020 et décret du 10 avril 2021) – Référé suspension - Défaut d’urgence – Rejet.
Les requérants demandaient la suspension du décret du 10 avril 2021 pris pour l’application de la loi du 30 juillet 2020 mettant en place un dispositif de soutien spécifique à la diffusion hertzienne et numérique des services de télévision à vocation locale et des radios dont les revenus, notamment publicitaires, ont été particulièrement affectés par la crise liée à la Covid-19 dans la mesure où ce dispositif n’est pas applicable aux radios associatives. Or celles-ci, dont les recettes publicitaires ne peuvent dépasser 20% de leur chiffre d’affaires, ont vu ces dernières réduites ainsi que les autres sources de revenus, d’où la demande de suspension.
Cette requête est rejetée au double motif que la privation du soutien exceptionnel ne représente que 2% des recettes annuelles et que le Conseil d’État statuera avant la fin de l’année 2021 sur la requête en annulation, ce qui prive d’urgence la demande de référé.
(28 mai 2021, Syndicat national des radios libres et Confédération nationale des radios associatives, n° 452774)
Biens
11 - Dons et legs - Don en « nue-propriété au Vatican » - Revendication par une association pontificale - Arrêté préfectoral refusant de délivrer un certificat de non-opposition - Qualité d’État du Saint-Siège - Disposition de la personnalité internationale - Compétence à cet égard du seul ministre de l’intérieur (art. 910 c. civ.) - Rejet.
Un ressortissant français a, par testament en forme authentique, institué « légataire universel en nue-propriété le Vatican avec obligation d'affecter ce legs prioritairement à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome ». Ce legs a été accepté par l'association française des œuvres pontificales missionnaires (AFOPM) à laquelle le préfet du Rhône a refusé le certificat de non opposition à délivrance d’un legs prévu par l’art. 910 du Code civil pour les legs faits, notamment au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités. L’AFOPM a contesté en vain ce refus devant le tribunal administratif puis devant la cour administrative d’appel et elle se pourvoit en Conseil d’Etat.
Celui-ci confirme la solution adoptée par les juges du fond.
En premier lieu, dès lors que le legs a été fait au profit du « Vatican » « avec obligation d'affecter ce legs prioritairement à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome », il devait être considéré comme effectué au bénéfice du Saint-Siège, propriétaire de cette basilique, lequel possède la qualité de sujet de droit international, et c’est à bon droit que le préfet a refusé de délivrer un certificat de non opposition à délivrance de legs à une association qui, quelle que soit l’étroitesse de ses liens avec le Saint-Siège, n’est pas la légataire mentionnée dans le testament.
En second lieu, le legs attribué au Saint-Siège, qui est un Etat au sens et pour l’application du dernier alinéa de l’art. 910 du Code civil, doit faire l’objet d’un certificat de non opposition de la part du ministre de l’intérieur en vertu des art. 6-1 à 6-7 du décret du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil.
(5 mai 2021, Association française des œuvres pontificales missionnaires, n° 440167)
12 - Décision d’exercice du droit de préemption urbaine – Doute sérieux sur sa légalité pour insuffisance de la motivation sur la nature du projet – Doute sur sa légalité à raison de l’absence de réalité, à la date de la décision, du projet justificatif de la préemption – Rejet.
Le juge des référés d’un tribunal administratif ordonne la suspension de l’exécution de la décision d’une commune d’exercer son droit de préemption urbain sur une parcelle privée en se fondant sur l’existence d’un doute sérieux affectant deux aspects du projet.
La commune se pourvoit.
Le Conseil d’État aperçoit une dénaturation des pièces du dossier dans le jugement contesté en ce que celui-ci a estimé cette décision insuffisamment motivée s'agissant de la nature du projet justifiant la décision d'exercer le droit de préemption.
Toutefois, il considère que c’est sans dénaturation des faits ni erreur de droit que ce jugement a émis un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse fondé sur le moyen tiré de l'absence de réalité, à la date de cette décision, du projet d'action ou d'opération d'aménagement l'ayant justifiée.
Dès lors que l’un au moins des motifs de l’ordonnance attaquée justifie la suspension ordonnée, le recours est rejeté.
(21 mai 2021, Commune de Nogent-le-Rotrou, n° 445049)
Collectivités territoriales
13 - Nouvelle-Calédonie - Référendum en vue de l’accession de ce territoire à l’indépendance - Demande de modification du décompte des voix - Demande assortie d’aucun effet juridique - Irrecevabilité.
Les requérants demandaient la modification des résultats du scrutin du 4 octobre 2020 sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie dans les bureaux de vote n°s 28, 29, 37, 43, 44 et 50 de la commune de Nouméa, n°s 27 et 29 de la commune de Lifou et n° 5 de la commune du Mont-Dore.
Alors que le résultat proclamé officiellement, a donné 53,26% des suffrages en faveur du « non » et 46,74% pour le « oui », l’admission de la protestation aurait pour effet de porter ces chiffres respectivement à 54,27% et 45,73% « sans inverser le résultat de la consultation.
Dans ces conditions, la protestation qui, sans tendre à l'inversion ou l'annulation du résultat de la consultation, recherche seulement la modification du décompte des voix, auquel ne s'attache, dans son détail, aucune conséquence juridique, n’est pas recevable ».
La solution n’est guère satisfaisante même si elle peut s’autoriser d’une décision de principe un peu ancienne (Section, 17 octobre 1986, Élections cantonales de Sevran, Rec. p. 233) : pourquoi les électeurs n’auraient-ils pas le droit d’exiger que les chiffres officiels des résultats d’élections soient conformes à la vérité et point erronés ?
(5 mai 2021, Mme F. et autres, n° 445305)
14 - Autorisation de plaider en lieu et place d’une collectivité territoriale négligente de ses intérêts (art. L. 2132-5 CGI) – Régimes juridique et contentieux – Requête de la commune normalement irrecevable mais régularisée – Qualité pour plaider au nom de la commune – Délibération préalable de la commune – Autorisation fondée – Rejet.
Des contribuables de Montauban ont été autorisés par le tribunal administratif à se constituer partie civile au nom de cette commune devant le tribunal correctionnel contre la maire de la commune, poursuivie pour détournements de fonds publics. La commune demande l’annulation de cette autorisation de plaider laquelle constitue de la part du juge non un acte juridictionnel mais un acte administratif.
La requête est rejetée au terme d’un examen de divers points de procédure relatifs à cette voie d’action contentieuse particulière qu’est l’autorisation de plaider.
Tout d’abord, les contribuables autorisés à plaider contestent la recevabilité du recours introduit par la commune devant le Conseil d’État. En effet, la maire de la commune étant en cause, elle ne pouvait donc pas le saisir ou y défendre au nom de la commune ; c’est pourquoi, conformément aux textes, le conseil municipal avait donné délégation à cet effet à Mme C. conseillère municipale. Or il était objecté que cette dernière était en situation de conflit d’intérêts (cf. art. 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique), ce que le Conseil d’État reconnaît mais celui-ci relève que postérieurement à l’introduction de la requête par Mme C. et avant la clôture de l’instruction, le nouveau maire de la commune a régularisé la requête qu’elle avait présentée au nom de la commune.
Ensuite, il est jugé que l’une des contribuables autorisées à agir au nom de la commune avait bien la qualité de contribuable qui lui était, en vain, contestée.
Également, la commune affirmait n’avoir pas préalablement délibéré sur la demande des contribuables afin qu’elle exerce l’action en justice pour la défense de ses intérêts alors que, par sa délibération du 23 novembre 2020, le conseil municipal a expressément refusé la constitution de partie civile de la commune dans l'instance pénale devant le tribunal correctionnel.
Enfin, deux autres points étaient discutés. En premier lieu, la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif était critiquée. Ce grief est rejeté. En présence des mémoires détaillés des contribuables demandant à être autorisés à plaider, le tribunal, compte tenu de l’audience correctionnelle prévue le 10 décembre 2020, a, le 30 novembre 2020, imparti à la commune un délai de huit jours pour que le conseil municipal délibère sur les observations qu’appellerait selon lui la demande d’autorisation de plaider. Constatant qu’à la date du 8 décembre le conseil municipal n’avait pas été convoqué, c’est sans irrégularité que le tribunal a, le jour même, autorisé les contribuables demandeurs à se constituer partie civile au nom de la commune dans l’instance ouverte devant le tribunal correctionnel. En second lieu, il ne faisait pas de doute que la demande d’autorisation de plaider était fondée en l’espèce, l’intéressée ayant été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir, du 3 septembre 2012 au 8 février 2014, fait rémunérer par la commune de Montauban un emploi fictif ainsi que l'achat d'articles, de publireportages, de journaux et la création et le fonctionnement d'un blog dédié à sa communication électorale, le préjudice matériel subi par la commune en raison de ces faits ayant été évalué à une somme globale de 80 000 euros.
(28 mai 2021, Commune de Montauban, n° 447403)
Contentieux administratif
15 - Partie non-mise en cause, non convoquée et non présente à l'audience - Pourvoi en cassation irrecevable - Requalification en tierce opposition - Renvoi de l'affaire au tribunal administratif.
Rappel de règles générales constantes de procédure contentieuse selon lesquelles :
1°/ la voie du recours en cassation est réservée aux personnes qui ont eu la qualité de partie dans l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée ; 2°/ une personne qui n'a été ni appelée ni représentée à l'instance peut former tierce-opposition devant la juridiction qui a rendu la décision si celle-ci préjudicie à ses droits.
Ce dernier cas se présentait en l'espèce où le préfet demandait au tribunal administratif d'annuler l'arrêté municipal accordant un permis de construire à M. B. en vue de la construction d'un bâtiment à usage d'habitation et où le tribunal avait annulé ledit permis sans communiquer la requête du préfet à M. B., sans le convoquer à l'audience publique et sans que, par voie de conséquence, M. B. ait produit un mémoire ou ait été présent à l'audience.
Ne pouvant pas être regardé comme ayant été régulièrement mis en cause par le tribunal, M. B. n'avait pas la qualité de partie dans l'instance devant ce tribunal et n'était dès lors pas recevable à se pourvoir en cassation contre le jugement rendu par celui-ci.
En revanche, en ce que ce jugement préjudicie gravement à ses droits, l'action de M. B. doit être requalifiée en tierce-opposition et elle est renvoyée devant le tribunal administratif.
(3 mai 2021, M. B., n° 444789)
16 - Appel incident - Absence de condition de délai - Nécessité d'un appel ne portant pas sur un litige distinct - A défaut, formulé hors du délai d'appel, appel irrecevable - Cassation de l'arrêt contraire à cette règle et règlement du litige au fond.
Rappel du principe bien certain que si un appel incident est recevable sans condition de délai c'est à la stricte condition qu'il ne soulève pas un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal. En effet, s'il soulève un litige distinct il ne constitue pas un appel incident mais un appel principal parallèle à l'autre appel principal et doit, en ce cas, être lui-même formé dans le délai d'appel.
Un tel moyen est d'ordre public et peut donc être soulevé d'office par le juge y compris, comme ici, en cassation.
Ainsi, en l'espèce, où l'appel principal portait sur des impositions au titre des années 2012 et 2013 et l'appel incident sur des impositions (cotisations de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale) relatives à l'année 2011, ce dernier soulevait un litige distinct ; c'est pourquoi, formé après expiration du délai d'appel, il était irrecevable.
(5 mai 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 433583)
17 - Éoliennes terrestres - Contentieux de l’installation - Compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel - Extension à l’ensemble des actes en relation avec l’autorisation d’installation d’éoliennes - Renvoi de l’affaire à la CAA.
Sur renvoi d’un tribunal administratif, le Conseil d’État juge que l’attribution en premier et dernier ressort à la cour administrative d’appel de la connaissance de l’ensemble du contentieux relatif à l’installation d’éoliennes ayant été instituée dans le souci d’accélérer le délai de traitement de ce contentieux, il s’ensuit que cette compétence doit être entendue comme leur permettant de connaître également « des autorisations d'occupation du domaine public au sens de l'article R. 2122-1 du code général de propriété des personnes publiques, de la modification d'une de ces autorisations ou du refus de les prendre ainsi que des actes permettant la conclusion de conventions autorisant l'occupation du domaine public dès lors que ces décisions sont relatives aux installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés. »
(5 mai 2021, SCEA Ferme de la Puce, n° 448036)
18 - Concessions hydroélectriques – Décret de regroupement et instauration d’une nouvelle date d’échéance - Décret valant nouvelle autorisation d’installations hydroélectriques (art. L. 311-5 c. énergie et art. L. 214-1 c. environnement) – Appréciation de l’intérêt donnant qualité à agir à une association à vocation nationale – Admission de principe du recours et supplément d’instruction ordonné en vue de communication de documents.
(18 mai 2021, Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG), n° 434438) V. n° 31
19 - Référé - Procédure engagée devant le juge judiciaire – Saisine du juge administratif des référés – Incompétence manifeste – Rejet.
Le juge administratif des référés est manifestement incompétent pour connaître d’une demande intervenant dans le cadre d'une procédure engagée auprès des juridictions de l'ordre judiciaire.
(ord. réf. 7 mai 2021, M. B., n° 449269)
20 - Référé-suspension – Travaux terrestres déjà engagés – Liaison électrique entre le rivage et des éoliennes devant être implantées en mer - Absence d’urgence – Rejet.
Les requérantes demandaient en référé la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la ministre de la transition écologique a rejeté leur demande d'abrogation de la décision du 6 avril 2012 désignant l'exploitant du parc éolien au large de Courseulles-sur-Mer et de la décision du 18 avril 2012 autorisant la société Éolien Maritime France à exploiter une installation de production d'électricité sur le domaine public maritime au large de Courseulles-sur-Mer. Pour justifier de l’urgence à statuer, elles invoquaient le fait qu’étaient déjà commencés les premiers travaux de génie civil, consistant en la construction d'une liaison souterraine de 24 kilomètres, afin de réaliser la partie terrestre du raccordement électrique entre Bernières-sur-Mer et le poste de transformation de Ranville.
Pour rejeter la demande pour défaut d’urgence, le juge relève que si ces travaux d’enfouissement de la liaison électrique peuvent permettre à terme le raccordement électrique du poste de transformation de Ranville et ensuite du parc éolien en mer au large de Courseulles-sur-Mer, ils sont toutefois indépendants du titulaire de l'autorisation d'exploiter l'installation de production électrique de ce parc. En eux-mêmes ces travaux ne caractérisent pas une situation d’urgence au regard des deux demandes formées par les requérantes devant le juge des référés.
(ord. réf. 7 mai 2021, Associations Libre Horizon et Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), n° 451686)
21 - Référé-suspension – Référé dirigé contre une décision qui a épuisé ses effets – Requête dépourvue de tout effet sur la situation du requérant – Irrecevabilité manifeste – Rejet.
Le demandeur, médecin, s’était vu infliger par le conseil national de l’ordre des médecins une suspension de trois mois d’exercer la médecine. Ce délai étant expiré il saisit le juge d’une demande de suspension. Celle-ci est évidemment irrecevable puisque ne saurait être suspendue une décision qui a cessé de produire tout effet et dont la suspension n’aurait aucune incidence sur le sort personnel du demandeur.
(ord. réf. 7 mai 2021, M. Moatassime, n° 451765)
22 - Décision administrative – Invocation à son soutien devant le juge d’un autre motif que celui initialement indiqué – Motif fondé sur la situation existant à la date de la décision – Argumentation valant demande de substitution de motif – Exigence d’une demande expresse de substitution de motif – Erreur de droit – Annulation et renvoi.
Commet une erreur de droit la juridiction qui, saisie par une commune d’un nouveau motif à sa décision fondant un refus d’octroi d’un permis de construire, substitué à celui initialement retenu pour justifier sa décision de refus, exige de cette dernière qu’elle formule en outre une demande expresse de substitution de motif alors que celle-ci découle implicitement mais nécessairement de la présentation du nouveau motif et de son examen contradictoire par la juridiction saisie.
(19 mai 2021, Commune de Rémire-Montjoly, n° 435109)
23 - Compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort – Fonctionnaire nommé par décret du président de la république – Cas d’un fonctionnaire nommé en qualité de membre d’un corps par un tel décret – Indifférence pour la qualité d’agent « nommé par décret du président de la république » au sens du code de justice administrative - Renvoi du litige au tribunal administratif.
Saisi d’un litige par une requérante membre du corps des inspecteurs généraux de l'administration du développement durable dans lequel elle avait été nommée par décret du président de la République et par application des dispositions de l’art. R. 311-1 CJA, un tribunal administratif renvoie sa connaissance au Conseil d’État. Celui-ci décline sa compétence : la circonstance qu’un fonctionnaire est nommé dans un corps par décret du président de la république ne lui confère la qualité d’agent « nommé par décret du président de la république » au sens et pour l’application des dispositions du CJA relatives à la compétence directe du Conseil d’État que si le corps auquel il appartient figure au rang de ceux pour lesquels une telle procédure de nomination est expressément requise par l’art. 13 de la Constitution et les art. 1er et 2 de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat.
L’emploi de la requérante ne relevant d’aucune de ces dispositions, sa demande est renvoyée au tribunal administratif primitivement saisi.
(20 mai 2021, Mme B., n° 445234)
24 - Exécution des décisions de justice – Refus implicite de prendre le décret d’application d’une loi (art. L. 146-5 code de l’action sociale et des familles) –Condamnation à exécution sous astreinte (24 février 2016) – Liquidation de l’astreinte (mars 2017 et octobre 2018) – Intervention en vain de la section du rapport et des études – Poursuite de l’astreinte dont le taux est majoré de 250%.
Voilà un cas d’école dont on pouvait penser qu’il n’en subsiste plus de nos jours : hélas c’était là une vision optimiste naïve. La lecture de ce qui suit se passe de commentaire, si ce n’est une interrogation : qui va payer ? Le lecteur, l’auteur de ces lignes et quelques autres ? Est-ce bien démocratique ?
« 3. La décision du Conseil d'Etat du 24 février 2016 (par laquelle celui-ci, après avoir annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé de prendre le décret d'application prévu au deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles et enjoint au Premier ministre de prendre ce décret, a prononcé une astreinte de cent euros par jour à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans les neuf mois suivant sa notification, avoir exécuté cette décision), a été notifiée au Premier ministre le 2 mars 2016. Par deux décisions du 31 mars 2017 et du 24 octobre 2018, le Conseil d'Etat a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par cette décision au titre des périodes comprises entre le 2 décembre 2016 et le 24 mars 2017 puis entre le 25 mars 2017 et le 15 octobre 2018. A la date du 6 mai 2021, le Premier ministre n'avait pas communiqué à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 24 février 2016. Le Premier ministre doit être, par suite, regardé comme n'ayant pas, à cette date, exécuté cette décision. Il y a lieu, dès lors, en dépit de la modification entrée en vigueur le 8 mars 2020 du deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles par le V de l'article 2 de la loi du 6 mars 2020 visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, de procéder au bénéfice de M. A..., de l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs et de la fondation MMA Solidarité, abritée par la Fondation de France, à la liquidation de l'astreinte pour la période du 16 octobre 2018 au 6 mai 2021, au taux de cent euros par jour, soit 93 400 euros, dont 3 000 euros pour M. A..., 22 600 euros pour l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs et 67 800 euros à la fondation MMA Solidarité, abritée par la Fondation de France, pour le financement d'équipements destinés à faciliter les loisirs et la pratique du sport par les personnes handicapées.
4. Il y a lieu de majorer le taux de l'astreinte fixé par la décision du 24 février 2016 à 250 euros par jour de retard à compter de la présente décision. »
(21 mai 2021, M. A. et Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, n° 383070)
25 - Référé provision – Caractère non sérieusement contestable de la créance – Exception de prescription de la créance – Force majeure – Absence – Rejet.
(17 mai 2021, Société Hydrétudes, n° 448319) V. n° 30
26 - Forme et contenu des jugements et arrêts – Cohérence entre motifs et dispositif – Cohérence interne du dispositif – Absences – Cassation.
Encourt irrémissiblement la cassation l’arrêt qui contient des contradictions, d’une part, entre ses motifs et son dispositif, d’autre part, à l’intérieur même de son dispositif, dont les articles 2 à 4 sont, par suite, annulés.
(26 mai 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 433878)
(27) V. aussi, ajoutant à la contradiction la dénaturation de pièces du dossier : 26 mai 2021, M. A.-B., n° 434065.
28 - Procédure d’avis de droit – Prorogation du délai de transfert d'un demandeur de protection internationale vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande – Régime contentieux du recours contre la décision de prolongation – Décision non susceptible ce recours.
Le Conseil d’État était saisi de la demande d’avis suivante : « La prorogation à dix-huit mois du délai de transfert d'un demandeur de protection internationale vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande, sur la base d'un constat de fuite de l'intéressé, doit-elle être regardée comme une décision susceptible de faire l'objet d'un recours autonome en annulation pour excès de pouvoir ou cette prorogation ne peut-elle être contestée qu'à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision ultérieure et dont elle conditionne la légalité ? »
Il répond d’abord directement à la question posée en indiquant que la prolongation du délai de transfert, qui résulte du seul constat de fuite du demandeur et qui ne donne lieu qu'à une information de l'Etat responsable de la demande d'asile par l'État membre qui ne peut procéder au transfert du fait de cette fuite, a pour effet de maintenir en vigueur la décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable et ne suppose pas l'adoption d'une nouvelle décision. Cette prolongation n'est ainsi qu'une des modalités d'exécution de la décision initiale de transfert et ne peut être regardée comme révélant une décision susceptible de recours.
Ensuite, dépassant nettement le cadre de la question posée et se voulant pédagogue dans une matière touffue et complexe, le Conseil d’État précise : « Au demeurant, dans le cadre d'un recours contre une décision de transfert, l'expiration du délai de transfert, qui a pour conséquence que l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale, prive d'objet le litige. Il appartient au juge saisi de le constater en prononçant un non-lieu à statuer. L'étranger peut en outre demander à l'administration de reconnaître la compétence de la France pour examiner sa demande d'asile et saisir le juge d'un éventuel refus fondé sur l'absence d'expiration du délai de transfert, le cas échéant dans le cadre d'une instance de référé. Il lui est également loisible de contester l'existence d'une cause de prolongation à l'appui d'un recours dirigé contre une mesure prise en vue de l'exécution du transfert, telle qu'une assignation à résidence, ou d'une mesure tirant les conséquences du constat de la fuite, telle que la limitation ou la suspension des conditions matérielles d'accueil. Dans ces différentes hypothèses, l'étranger peut ainsi se prévaloir de l'expiration du délai de transfert ».
(28 mai 2021, M. B., n° 450341)
29 - Autorisation de plaider en lieu et place d’une collectivité territoriale négligente de ses intérêts (art. L. 2132-5 CGI) – Régimes juridique et contentieux – Requête de la commune normalement irrecevable mais régularisée – Qualité pour plaider au nom de la commune – Délibération préalable de la commune – Autorisation fondée – Rejet.
(28 mai 2021, Commune de Montauban, n° 447403) V. n° 14
Contrats
30 - Référé provision – Caractère non sérieusement contestable de la créance – Exception de prescription de la créance – Force majeure – Absence – Rejet.
Suite à une expertise ayant imputé des dégâts consécutifs à une inondation à l’insuffisance d’ouvrages hydrauliques, le juge des référés a, en première instance, condamné l’entreprise maître d’œuvre, la société Hydrétudes, et son assureur à verser une certaine somme à titre de provision. Sur appel de ces derniers, la cour a annulé le jugement en tant qu’il portait condamnation de l’assureur et confirmé celui-ci en tant qu’il mettait la provision à la charge de l’entreprise.
Dans le cadre du pourvoi formé par cette dernière, deux moyens principaux été soulevés.
En premier lieu, était en cause une délicate question de prescription invoquée par l’entreprise maître d’œuvre auteur du pourvoi. Il était soutenu que la société victime de l’inondation, si elle a bien mis en cause la communauté de communes maître de l’ouvrage, n’a présenté aucune demande contre la société Hydrétudes. Or la cour a jugé que la citation en justice avait eu un effet interruptif de la prescription bénéficiant à la compagnie d’assurances subrogée dans les droits de la société victime y compris contre la société Hydrétudes alors que l’expertise n’avait été étendue à cette dernière qu’à la demande de la communauté de communes non à celle de la victime demanderesse. Elle a ainsi commis une erreur de droit en l’état de la combinaison des dispositions de l’art. 2224 (selon lesquelles : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».) et de l’art. 2241 du Code civil (selon lesquelles « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (…) ».). Cependant, l’arrêt n’est pas censuré de ce chef car la cour a retenu un second motif au soutien de l’absence de prescription de l’action, retenu par le Conseil d’État au visa du pouvoir souverain d’appréciation de la cour : la mission de l'expert comprenait la détermination des travaux de nature à faire cesser les désordres subis, la société Hydrétudes devait être regardée comme ayant eu une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage à la date à laquelle l'expert avait déposé son rapport en 2018.
En second lieu, la société Hydrétudes entendait se prévaloir de l’exception de force majeure que le Conseil d’État, comme l’avait fait la cour, rejette. Cette exception permet d’exonérer le maître d’œuvre de sa responsabilité, sans faute à prouver, envers les tiers. Pour justifier le rejet de cette exception, la cour avait à bon droit relevé que les travaux auxquels la société Hydrétudes avait participé avaient pour finalité d'éviter une inondation consécutive à une crue présentant les caractéristiques exceptionnelles décrites dans la note produite par cette société.
(17 mai 2021, Société Hydrétudes, n° 448319)
31 - Concessions hydroélectriques – Décret de regroupement et instauration d’une nouvelle date d’échéance - Décret valant nouvelle autorisation d’installations hydroélectriques (art. L. 311-5 c. énergie et art. L. 214-1 c. environnement) – Appréciation de l’intérêt donnant qualité à agir à une association à vocation nationale – Admission de principe du recours et supplément d’instruction ordonné en vue de la communication de documents.
Le recours dont était saisi le Conseil d’État, présenté par une association à vocation nationale, était dirigé contre un décret procédant, sur le fondement de l’art. L. 521-16-1 du code de l’énergie, au regroupement des concessions hydroélectriques de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) sur la Dordogne, d'une part, de la concession de l'aménagement de la haute Dordogne octroyée par le décret du 11 mars 1921, à l'exclusion des aménagements en amont du pont de Bort, du Chavanon et de la Rhue (à l'exception de la chute de Coindre) concédés à EDF par le décret du 6 janvier 1956 et, d'autre part, de la concession de Saint-Pierre-Marèges sur la Dordogne dans le département du Cantal octroyée par le décret du 2 mars 1988.
En conséquence de ce regroupement, le décret a repoussé les dates d’échéance initiale de ces différentes concessions.
Le recours de l’AFIEG tendant à ce que soit annulé le refus du ministre de la transition écologique et solidaire de retirer ce décret, soulevait deux questions juridiques très distinctes.
La première était de savoir si le décret portant regroupement de concessions hydroélectriques a pour effet seulement de modifier les dates d’échéance des concessions ainsi regroupées. La réponse est négative : il a également pour effet de valoir nouvelles autorisations des concessions qu’il regroupe. Cette solution est importante car si dans la première hypothèse il n’est pas possible de saisir le juge du recours pour excès de pouvoir cette possibilité est au contraire ouverte contre de nouvelles autorisations car elles modifient l’état du droit.
La seconde question était aussi délicate que de solution subjective : l’association requérante ayant vocation nationale a-t-elle intérêt et, partant, qualité pour contester un décret qui ne concerne que l’aménagement hydroélectrique de la rivière Dordogne ? Pour répondre positivement, le juge retient que le décret, « s'il concerne principalement les départements traversés par la Dordogne, prolonge également de manière substantielle la durée de l'une des deux concessions hydroélectriques qu'il regroupe. Il est ainsi de nature à affecter le libre jeu de la concurrence et soulève, dès lors, compte tenu des spécificités de ce secteur des concessions hydroélectriques, des questions qui par leur nature et leur objet excèdent les seules circonstances locales. Par suite, l'association requérante qui, aux termes de ses statuts, s'est notamment donnée pour objet la promotion du développement en France d'un marché concurrentiel dans les secteurs de l'électricité et du gaz naturel, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de ce décret. »
Toutefois, le juge ordonne un supplément d’instruction afin que lui soient communiqués par la ministre de la transition écologique certains documents pour l’éclairer sur la légalité de la nouvelle date commune d'échéance retenue par le décret attaqué car, en l’état, ne peut pas être résolue la question de savoir laquelle des formules de calcul doit être appliquée pour la détermination de la date d'échéance théorique de la concession de l'aménagement de la haute Dordogne octroyée par le décret du 11 mars 1921, à l'exclusion des aménagements en amont du pont de Bort, du Chavanon et de la Rhue (à l'exception de la chute de Coindre), dont la date d'échéance était fixée, avant prorogation, au 31 décembre 2012.
(18 mai 2021, Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG), n° 434438)
32 - Marché public industriel – Résiliation aux torts du titulaire – Indemnisation possible de ce dernier sous déduction des conséquences de ses propres fautes – Cassation avec renvoi.
La régie requérante a résilié, après mise en demeure adressée à son titulaire de respecter ses obligations contractuelles, le marché public industriel de renouvellement et de maintenance d’une partie des escaliers mécaniques du métro de Marseille.
La cour administrative d’appel ayant jugé que le titulaire du marché avait droit à la réparation intégrale du préjudice causé par cette résiliation qu’elle estimait irrégulière, la régie se pourvoit.
Le Conseil d’État pose en principe qu’alors même que les fautes commises par le titulaire du contrat ne seraient pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation unilatérale de celui-ci, elles sont de nature à entraîner une limitation de l’indemnisation du préjudice subi.
(18 mai 2021, Régie des transports métropolitains (RTM), n° 442530)
33 - Marché sur procédure adaptée - Attribution d’un lot d’un accord-cadre à bons de commande – Décision sur référé précontractuel ordonnant la reprise de la procédure au stade de l’examen des offres – Confirmation – Rejet.
Sur requête en référé-précontractuel de l’une des deux sociétés candidates, évincée, tendant à l’annulation de la procédure de passation du lot n° 4 « Déneigement voirie et parkings de Doucy », d’un accord-cadre à bons de commande relatif à des prestations de déneigement et sablage des voiries et parking, transport de neige, mise à disposition et location de machines, mise à disposition de chauffeur, composé de 9 lots correspondant aux différents lieux d'exécution de ces prestations, le juge de première instance a annulé cette procédure au stade de l'examen des offres et enjoint à la commune, si elle entendait poursuivre l'attribution du marché, de reprendre la procédure à ce stade.
La commune demande l’annulation de cette ordonnance ; elle est déboutée, le Conseil d’État confirmant en tous ses points contestés ladite ordonnance.
Tout d’abord c’est sans erreur de droit et de qualification juridique des faits que le premier juge a considéré comme un manquement au principe de transparence des procédures le fait, pour la commune, de n'avoir pas porté à la connaissance des candidats la façon dont elle entendait décomposer, au stade de l'analyse des offres, les trois sous-critères du critère technique prévus dans le règlement de la procédure. En effet, la grille d'analyse utilisée par la commune conduisait à ce que les sous-critères " méthodologie ", " continuité du service " et " moyens humains " comptent respectivement pour 6/11, 3/11 et 2/11 dans la note technique, et établissait ce faisant une pondération entre ces derniers, de nature, si elle avait été connue des candidats, à influencer la présentation de leurs offres.
Ensuite, eu égard à l'importance de la pondération établie entre les sous-critères, ceux-ci devaient être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Par suite, le moyen tiré de ce que le juge du référé précontractuel aurait commis une erreur de droit en omettant de rechercher si les sous-critères en litige avaient exercé une influence sur la présentation de l'offre des différents candidats doit être écarté.
Également, c’est sans erreur sur la qualification des faits que le premier juge a estimé que le manquement au principe de transparence des procédures était susceptible d'avoir lésé la société SNBTP dès lors que la société SNBTP avait obtenu la meilleure note au regard du critère du prix et que l'écart de points entre les deux candidats était relativement faible au niveau de leur note globale.
Enfin, c’est sans erreur de droit et sans insuffisance de motivation que le premier juge n’a pas recherché d'office si des considérations d'intérêt public faisaient obstacle à la reprise de la procédure au stade des offres car il a jugé s’il lui était possible de ne pas suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat s’il avait estimé, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives résultant de telles mesures de suspension pourraient l'emporter sur leurs avantages, ces dispositions, contrairement à ce que soutenait la commune, ne sont pas applicables quand le juge saisi considère que les manquements relevés doivent avoir pour conséquence l'annulation de la procédure.
Le pourvoi est, logiquement, rejeté.
(18 mai 2021, Commune de La Léchère, n° 448618)
Covid-19
34 - Heures du couvre-feu - Adaptation aux caractéristiques de chaque territoire - Inefficacité du système uniforme actuel - Situation sanitaire grave - Rejet.
Le juge du référé liberté rejette, selon la procédure ce l’art. L. 522-3 du CJA, la demande du requérant qui, estimant inefficace l’actuel système de fixation nationale et uniforme des heures du couvre-feu, plaidait pour une solution d’horaires différenciés selon les caractéristiques géographiques et sanitaires propres à chaque territoire. Il estime, sans trop s’expliquer ni démontrer, que la gravité de la situation sanitaire, la circulation de variants, la tension des disponibilités hospitalières, etc. justifient la solution retenue qui ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégales à diverses libertés fondamentales.
(5 mai 2021, M. B., n° 452158)
35 - Entrée en France de ressortissants de pays extérieurs à l’UE - Mesures restrictives en raison de l’épidémie de Covid-19 - Cas des amoureux non mariés, pacsés ou concubinaires - Sollicitation d’un visa ordonné par le juge des référés - Situation sanitaire justifiant les restrictions - Rejet.
N’étant ni marié, ni pacsé, ni en état concubinaire avec elle, un ressortissant français demande au juge des référés d’ordonner à l’administration la délivrance d’un visa à son amie afin qu’elle le rejoigne en France.
La demande est rejetée car en l’état de la situation sanitaire en France, les restrictions à l’entrée sur le territoire national sont nécessaires, adaptées et proportionnées et ne portent pas une atteinte excessive à la vie privée.
Le juge est ainsi demeuré insensible à l’invite de Jean de La Fontaine : « Amour, amour, quand tu nous tiens/On peut bien dire : adieu prudence » (Le lion amoureux, Fables, Livre IV, 1).
(7 mai 2021, M. B., n° 452052)
36 - Référé-liberté – Décrets pris en exécution de la loi du 15 février 2021 et prorogés – QPC – Demande de saisine de la Cour EDH – Contestation du port du masque à l’école et des restrictions aux activités sportives des enfants – Atteinte alléguée à plusieurs libertés fondamentales – Rejet.
Les requérants ont essayé de « ratisser large » dans l’utilisation des moyens contentieux pour obtenir du juge qu’il saisisse le Conseil constitutionnel d’une QPC, qu’il demande à la Cour EDH de donner son avis sur la nécessité, la proportionnalité et l'adaptabilité des mesures exceptionnelles prises par la France pour assurer la protection de la santé, d’annuler les décrets prorogés pris en application de la loi n° 2021-160 du 15 février 2021, enfin d’enjoindre au gouvernement de prendre des mesures appropriées et proportionnées pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Sans grande surprise, ces diverses demandes sont rejetées par des considérations habituelles aux affaires relatives aux mesures prises pour lutter contre la pandémie.
La QPC ne sera pas renvoyée car les mesures prises sont conformes à l’analyse faite et aux exigences posées par le Conseil constitutionnel lorsqu’il s’est prononcé sur la constitutionnalité des dispositions de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire (déc. 2020-808 DC du 13 novembre 2020).
L’avis de la CEDH ne sera pas sollicité car il résulte de ce qui précède et de ce qui suit que les mesures contestées n’apportent aucune atteinte grave et manifeste aux droits et libertés reconnus par la convention EDH, qui nécessiterait l’interprétation ou l’application, par la cour, des droits et libertés conventionnellement reconnus.
Enfin, au regard de la situation sanitaire actuelle, de son évolution dans le passé et de ses perspectives d’avenir ne sont ni disproportionnées ni inadaptées les mesures que contestent les requérants : l’obligation du port du masque à l’école dès l’âge de six ans, les restrictions apportées aux activités sportives des enfants, l'atteinte aux libertés d'association, de réunion et d'information, et au droit de se présenter à des élections et de faire campagne ainsi qu’à la liberté d'aller et venir et au droit à une vie familiale normale, l’atteinte au droit à la protection de la santé, à la formation et au travail.
(ord. réf. 17 mai 2021, MM. B. et C., n° 451696)
37 - Obligation de port du masque à partir de six ans – Référé liberté - Demande d’enquête ou d’expertise sur l’utilité de la mesure sur le territoire du Vaucluse – Défaut d’urgence – Rejet.
Doit être rejetée pour non-justification d’une urgence à statuer, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la demande en référé liberté d’une expertise ou d’une enquête aux fins de déterminer si le port du masque obligatoire pour les enfants scolarisés à partir de 6 ans est justifié sur le territoire du Vaucluse.
(ord. réf. 19 mai 2021, Association « Collectif parents d’élèves du Vaucluse » et autres, n° 452345)
(38) V. aussi, confirmant le jugement du tribunal administratif rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 2 mai 2021 par lequel le préfet de la Sarthe a imposé, jusqu'au 9 juin 2021 inclus, le port du masque à toute personne de onze ans et plus dans l'ensemble des lieux publics de la zone agglomérée des communes du département et, à titre subsidiaire, d'ordonner au préfet de la Sarthe de modifier cet arrêté en dispensant les communes rurales du département, en particulier celle de Solesmes, de l'obligation du port du masque : ord. réf. 17 mai 2021, M. Jean-Dominique Bunel, n° 452359.
39 - Obligation du port du masque pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 – Violation de la loi interdisant la dissimulation du visage – Facilitation de la commission d’attentats – Rejet.
La requête de la requérante est rejetée d’abord en ce qu’elle soutient que le décret imposant le port du masque violerait la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public alors que, précisément, conforme à des prescriptions légales à fin sanitaire, ce port obligatoire est légal ; ensuite, la facilitation d’attentats que permettrait le port du masque qui, de ce fait, contreviendrait à des exigences constitutionnelles, suppose une démonstration ici inexistante.
(20 mai 2021, Mme A., n° 442191)
40 - Vaccin contre le Covid-19 – Vaccin AstraZeneca (désormais Vaxzevria) – Avis du collège de la Haute autorité de santé (HAS) – Demande de suspension de l’exécution de l’avis – Irrecevabilité manifeste insusceptible d’être couverte en cours d’instance, un avis ne pouvant pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir – Rejet.
Le requérant demandait que soit suspendue l’exécution d’un avis de la HAS recommandant d'utiliser les vaccins à ARNm (ARN messager) pour l'administration de la deuxième dose chez les personnes de moins de 55 ans ayant reçu une première dose du vaccin AstraZeneca. Il tombe sous le sens qu’un tel avis ne pouvant pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, il ne saurait non plus faire l’objet d’un référé suspension. Cette irrecevabilité est insurmontable faute de pouvoir être régularisée. Le rejet s’imposait d’évidence.
(ord. réf. 26 mai 2021, M. B., n° 452529)
41 - Personnes vaccinées contre le Covid-19 – Maintien du couvre-feu pour ces personnes – Difficulté d’exercice d’un contrôle individualisé – Fragilité de la situation – Caractère indispensable du confinement – Rejet.
Le juge des référés rejette une requête en référé suspension de l'article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu'il institue un confinement et un couvre-feu pour les personnes vaccinées.
Pour justifier cette mesure, le juge considère que cette demande supposerait une vérification individuelle très difficile à organiser ; de plus, si une certaine amélioration de l’état sanitaire se produit, cette amélioration est très fragile. Enfin, à défaut d’autres mesures susceptibles d’avoir un effet significatif, le confinement, dont la durée est d’ailleurs appelée à se restreindre prochainement, reste l’arme la plus efficace pour combattre l’épidémie.
L’argumentation convaincra surtout ceux qui ont envie d’y croire.
(ord. réf. 6 mai 2021, M. Djian et autres, n° 451455)
(42) V. aussi la réponse comparable et le rejet semblable opposés à une requête tendant à la suspension de l'exécution de l'article 2 du décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en tant qu'il s'applique aux personnes ayant déjà contracté le Covid-19 et développé des anticorps toujours actifs contre cette maladie à la date d'édiction du décret querellé, celles-ci n'entrant pas dans la liste des exceptions permettant de déroger à « l'obligation de rester chez soi » : ord. réf. 6 mai 2021, M. Christophe Preap et autres, n° 451940.
(43) V. également, rejetant la demande de suspension de l'exécution des dispositions de l'article 37 du décret n° 2020 1310 du 29 octobre 2020 en tant qu'elles excluent le commerce de vente au détail d'articles de sport de la liste des activités essentielles et la demande d’injonction au premier ministre de prendre les mesures appropriées afin que les commerces vendant au détail des articles de sport puissent accueillir du public dans le respect des protocoles sanitaires en vigueur : ord. réf. 12 mai 2021, Union des entreprises de la filière du sport, des loisirs, du cycle et de la mobilité active (« Union Sport et Cycle »), n° 452194.
44 - Établissements fermés par mesure administrative anti-Covid – Loyers et charges locatives afférentes aux locaux professionnels ou commerciaux – Mesures de protection pour certains d’entre eux seulement (art. 14, loi du 14 novembre 2020) – Atteinte au principe d’égalité – Formation d’une QPC – Rejet.
(28 mai 2021, Société Buger King France et autres, n° 450256) V. n° 151
Droit fiscal et droit financier public
45 - Nouvelle-Calédonie - Contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières - Imposition de caractère analogue à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières - Régime fiscal du plafonnement applicable à cette contribution - Rejet.
La convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, approuvée par la loi du 26 juillet 1983, a instauré un plafonnement des impositions sur les dividendes fixé, au a) du §2 de son article 9, à 5% du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu'une société de personnes).
Le litige portait sur le point de savoir si la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières, instituée par la loi du pays du 31 décembre 2014 et non visée par cette convention fiscale, était soumise à la règle de plafonnement susindiquée comme le soutenaient les sociétés contribuables.
Le Conseil d'Etat, confirmant la solution retenue en première instance et en appel, juge applicable ce plafonnement en se fondant, par substitution de motif, sur ce que, d'une part, cette contribution a un caractère analogue à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières laquelle bénéficie du plafonnement, et d'autre part, aucune disposition de la loi du pays créant cette contribution, qui n'a pas entendu déroger à la convention fiscale, ne l'exclut du champ d'application du mécanisme de plafonnement fixé par les dispositions précitées de la convention fiscale de 1983.
(5 mai 2021, Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, n° 433915, n° 433916, n° 433917, n° 422217 et n° 422221, jonction)
46 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères - Nature - Redevance spéciale pour l'élimination de certains déchets (art. L. 2333-78 CGCT) - Détermination du calcul du montant net du coût du service rendu - Appréciation de l’existence du caractère disproportionné du montant de la taxe - Absence en l’espèce - Rejet.
Rappel de ce que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires de la commune mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales.
Le montant net de ces dépenses est constitué de l’ensemble des dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être raisonnablement estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.
La juridicité de la fixation du produit attendu de cette taxe et donc du taux de la taxe, est subordonnée à ce qu’elles ne soient pas manifestement disproportionnées par rapport au montant des dépenses de ce service, honnêtement estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux.
En l'absence d’institution de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, il est obligatoire d’instaurer une redevance spéciale pour l’élimination et le traitement des déchets non ménagers (art. L. 2333-78 CGCT) que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières (art. L. 2224-14 CGCT).
Cependant, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) n'a pas pour objet de financer l'élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale n'aurait pas été instituée. Il s’ensuit donc que pour déterminer le caractère éventuellement disproportionné du produit de la TEOM et donc de son taux, le juge de l'impôt saisi de ce litige doit seulement rechercher si le produit de la taxe, tel qu'estimé à la date de l'adoption de la délibération, n'est pas manifestement disproportionné par rapport au coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, tel qu'il pouvait être estimé à cette même date, non couvert par les recettes non fiscales affectées à ces opérations, c'est-à-dire n'incluant pas le produit de la redevance spéciale lorsque celle-ci a été instituée.
En l’espèce, il est jugé que n’est pas manifestement disproportionné le produit attendu de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, pour l'année 2014, alors qu’il excède de 14,6% le montant des charges qu'elle a vocation à couvrir.
La solution retenue peut ne pas emporter la conviction.
(5 mai 2021, Société hôtelière de la Porte de Sèvres, n° 438897)
47 - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Irrégularité de la détermination du local type pour fixer la valeur locative d’un bien immobilier - Réduction d’impôt accordée - Absence d’examen d’un terme de comparaison alternatif - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, constatant qu’a été déterminé dans des conditions irrégulières le local type pour l’établissement de la taxe foncière due au titre du bien litigieux compte tenu de sa catégorie d’appartenance, octroie la réduction de taxe sollicitée sans rechercher s'il existait un autre terme de comparaison pertinent, alors que l'administration proposait comme alternatives deux autres locaux-type, ni, au cas où cette méthode se serait révélée inapplicable, procédé lui-même à l'appréciation directe de la valeur locative en cause.
(5 mai 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 439497)
48 - Mesures fiscales nationales dissuadant les non-résidents d’investir dans un autre État-membre de l’Union – Taxation différenciée des dividendes selon leur perception par une société résidente en France ou non – Cas des sociétés d’assurance-vie et de leurs provisions techniques imposées par la législation – Violation des art. 63 (1) et 65 (1 a) du TFUE combinés – Annulation avec renvoi
Cette importante décision illustre une nouvelle fois le combat d’arrière-garde mené par l’administration de Bercy contre une application loyale des dispositions fiscales ou à incidence fiscale contenues dans le droit de l’Union (traités et actes dérivés).
L'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdit toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sous réserve, précise l’art. 65, des dispositions fiscales nationales qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis. Interprétant ce texte, la CJUE comprend au rang des mesures ainsi interdites celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre (2 juin 2016, Pensioenfonds Metaal en Techniek, aff. C-252/14).
Cette règle s’applique naturellement au cas d’un traitement fiscal désavantageux, par un État membre, des dividendes versés à des sociétés résidentes d'un autre État membre, par rapport au traitement réservé aux dividendes versés à des sociétés résidentes, puisqu’il a un tel effet dissuasif prohibé. Par suite, il n’est compatible avec la liberté de circulation des capitaux qu'à condition de s'appliquer à des situations purement nationales et transfrontalières qui ne sont pas objectivement comparables ou d'être justifié par une raison impérieuse d'intérêt général (CJUE 8 novembre 2012, Commission/Finlande, aff. C-342/10, et 13 novembre 2019, College Pension Plan of British Columbia c/ Finanzamt München Abteilung III, aff. C-641/17).
Ajoutons qu’il s’agissait ici d’une société d’assurance-vie donc tenue (art. R. 331-1 et suivants du code des assurances, transposant le chapitre 2 de la directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie), de constituer, au titre de ses engagements réglementés, des provisions techniques représentatives de ses engagements vis-à-vis des assurés. Or ces engagements réglementés doivent, à toute époque, être représentés par des actifs équivalents. Il en résulte que, pour autant que la perception de dividendes provenant d'actifs admis en représentation des engagements réglementés a pour effet d'accroître, à concurrence de tout ou partie de leur montant, les engagements de l'assureur vis-à-vis de l'assuré, et par suite le montant des provisions techniques, la charge fiscale supportée par l'entreprise d'assurance établie en France à raison de la perception de ces dividendes se trouve réduite, voire annulée, du fait de l'admission en déduction, en application des règles de détermination du bénéfice soumis à l'impôt sur les bénéfices, du supplément de provision correspondant. Précisément, la requérante faisait valoir que tel n’est pas le cas pour une société française d’assurance percevant des dividendes de sociétés étrangères ou des sociétés étrangères en France percevant des dividendes de sociétés françaises, une telle société étant imposée, par la voie de la retenue à la source, sur le montant brut de ces dividendes sans possibilité de déduction des provisions techniques.
En l’espèce, la cour administrative d’appel s’était bornée, dans son arrêt confirmatif, à juger que la société requérante n'établissait pas, en faisant valoir qu'elle aurait pu déduire des provisions techniques d'un montant quasi-identique aux dividendes en cause si elle avait été établie en France, que les retenues à la source opérées sur les dividendes de source française qu'elle avait perçus au cours des années en litige avaient été prélevées en méconnaissance de la liberté de circulation des capitaux. Il incombait à la cour de rechercher si, ainsi que le soutenait cette société, ces dividendes provenaient d'actifs admis en représentation de ses engagements réglementés et avaient pour effet, en exécution des engagements souscrits à l'égard de ses assurés, titulaires de contrats d'assurance-vie en unités de compte, d'accroître à due concurrence ces engagements, ce qui justifiait leur déductibilité des dividendes perçus et imposables.
La cassation, avec renvoi, est prononcée pour erreur de droit.
Relevons que cette décision met un point final à un contentieux né d’impositions (retenues à la source) de 2007 et 2008…
(11 mai 2021, Société UBS Asset Management Life Ltd, n° 438135)
49 - Impôts locaux divers – Demande de dégrèvement – Vacances de locations pour cause de climat d’insécurité du quartier – Motif indépendant de la volonté du propriétaire (art. 1389 CGI) – Démonstration des effets de ce climat non rapportée pour chaque appartement ou emplacement – Absence d’explication sur le sort différent de chaque bien en matière de location – Absence de circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire – Rejet.
Le contribuable requérant avait demandé, en vain en première instance, le bénéfice de dégrèvements au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères en raison des difficultés de location de ses 51 appartements et 34 places de stationnement du fait de l’insécurité régnant dans le quartier où est situé l’immeuble les abritant.
Son appel est rejeté par adoption des motifs des premiers juges : faute de démontrer les efforts faits par lui pour permettre les locations et de donner les motifs propres à chaque bien pour justifier l’absence de location de certains et faute d’explications sur la circonstance que si certains n’étaient pas loués d’autres, dans le même temps et au même endroit, l’étaient, il ne peut être soutenu que les vacances des biens en cause sont indépendantes de la volonté de leur propriétaire.
(11 mai 2021, M. B., n° 440044)
(50) V. aussi, identique et concernant le même ensemble immobilier : 11 mai 2021, SCI ACI, n° 440045.
51 - Crédit d’impôt – Remboursement – Somme assortie d’intérêts moratoires seulement en cas de dégrèvement contentieux – Absence d’application en ce cas de l’art. 1231-6 du Code civil – Rejet.
Le litige était relatif à une demande remboursement d’un crédit d’impôt recherche et soulevait deux questions.
La première était celle de savoir si une telle demande, présentée sur le fondement des dispositions de l’art. 199 ter B du CGI, peut être qualifiée de réclamation au sens et pour l’application de l’art. L. 190 du livre des procédures fiscales (LPF). La réponse est positive.
La seconde question portait sur le point de savoir si et quand le remboursement par l’administration fiscale d’une telle réclamation ouvre droit à ce qu’il soit assorti du versement d’intérêts moratoires. Le juge pratique une distinction délicate entre deux situations.
Si le remboursement est accordé suite à l’acceptation par l’administration d’une telle réclamation, il ne donne pas lieu au versement, au profit du contribuable, d’intérêts moratoires puisqu’il ne tend qu’à l’exécution d’un droit reconnu par une disposition légale ou réglementaire.
Si le remboursement a lieu après rejet, explicite ou implicite (cf. R. 198-10 LPF), par l’administration de la demande en ce sens, ce remboursement postérieur, parce qu’il a le caractère d’un dégrèvement contentieux, ouvre droit au paiement d’intérêts moratoires courant à compter du jour de la demande de remboursement du crédit d’impôt recherche. En effet, en ce cas, le dégrèvement a la même nature juridique que celui prononcé par un tribunal conformément à ce que dispose le premier alinéa de l’art. L. 208 LPF. En revanche, ne jouent pas alors les dispositions de l’art. 1231-6 du Code civil relatives aux dommages-intérêts.
(11 mai 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 441603)
(52) V. aussi, identique : 11 mai 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 442936.
53 - Immeuble à usage commercial donné en location – Travaux réalisés par le locataire en cours de bail – Travaux considérés comme un supplément de loyer imposable en fin de bail – Conditions d’évaluation du coût de réalisation des travaux – Erreur de droit – Annulation partielle avec renvoi dans cette limite.
Avant de statuer sur le fond du litige le juge de cassation rappelle que ne peut se pourvoir en cassation sur le fond du litige le requérant qui ne conteste pas l’irrecevabilité qui lui a été opposée dans l’instance frappée de cassation.
L’administration fiscale, constatant que le locataire d’un immeuble à fins commerciales y avait réalisé des travaux, a considéré que ceux-ci constituaient un supplément de loyer et devaient faire l’objet d’un supplément d’impôt en fin de bail. Pour estimer l’assiette de ce supplément le juge avait retenu le coût de réalisation de ces travaux.
Si le juge de cassation confirme le principe d’un supplément d’impôt pour ce motif, en revanche, il censure la décision déférée en ce qu’elle n’a pas retenu, pour l’assiette du supplément d’impôt, le surcroît de valeur vénale à la fin du bail qu’ont éventuellement apporté ces travaux.
(19 mai 2021, SCI Saint-Léonard et Sarl Hathor, n° 429332)
54 - Impôt sur les sociétés - Détermination du bénéfice net – Impositions supplémentaires et majorations – Abus de droit – Charge de la preuve incombant à l’administration – Exercice – Rejet.
Rappel de ce que l’administration fiscale, pour établir l’existence d’un abus de droit, qui a consisté en l’espèce en la fixation de la date de clôture du premier exercice d’une société, est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
(19 mai 2021, Société Comsa venant aux droits de la société MC2D Investissement, n° 429476)
55 - Société civile professionnelle (SCP) d’avocats – Cession de parts sociales (art. 238 quindecies CGI) – Exonération de plus-values de cession – Attribution de parts ultérieures en industrie – Remise en cause de l’exonération – Erreur de droit – Annulation.
Un couple membre d’une SCP d’avocats cède à ses associés leurs parts dans la SCP puis reçoit quelque temps après des parts en industrie de cette SCP leur ouvrant droit au partage des bénéfices que cette dernière est amenée à réaliser. L’administration a cru pouvoir remettre en cause l’exonération des plus-values de cession au motif que les intéressés auraient cédé leurs parts à un cessionnaire dans lequel ils auraient détenu pendant la période de trois années suivant la cession, directement ou indirectement, des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux.
Les juges du fond ont confirmé la position de l’administration.
Sur pourvoi, le Conseil d’État relève l’erreur de droit.
En effet, d’une part, les parts ont été cédées aux associés de la SCP non à cette dernière, les personnalités juridiques de chacun des associés et de la SCP étant distinctes et, d’autre part, la remise de parts en industrie l’a été par la seule SCP.
Les conditions posées au IV de l’art. 238 quindecies du CGI pour la remise en cause de l’exonération de plus-values n’étaient donc pas réunies en l’espèce.
(19 mai 2021, M. et Mme B., n° 430265)
(56) V. aussi, du même jour et avec mêmes parties : 19 mai 2021, M. et Mme B., n° 430265.
57 - Crédit impôt recherche – Dépenses de recherche déductibles – Rémunérations et leurs accessoires, charges sociales constituant des cotisations sociales obligatoires (art. 49 septies I, ann. III au CGI) – Notion – Versements exclus de cette catégorie – Dépenses de veille technologique – Éligibilité au crédit d’impôt recherche – Rejet pour l’essentiel.
Le litige portait sur le régime fiscal du crédit impôt recherche, lequel ne cesse de fournir un abondant contentieux.
Pour l’essentiel, il s’agissait de déterminer, pour l’application de l’art. 49 septies I de l’annexe III au CGI, quelles sont les charges sociales afférentes aux rémunérations et accessoires versées au personnel affecté aux tâches de recherche, en particulier les « cotisations sociales obligatoires », constituant ainsi des dépenses de recherche.
Le juge s’essaie, avec un degré louable de précision, à une définition de cette catégorie juridico-fiscale que le législateur emploie sans plus outre la définir. Il convient d’entendre par là deux sortes de prélèvements.
En premier lieu, constituent de telles cotisations : « (…) les versements de la part des employeurs aux régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que les versements destinés à financer les garanties collectives complémentaires instituées par des dispositions législatives ou réglementaires ou les garanties instituées par voie de conventions ou d'accords collectifs ainsi que par les projets d'accord ou les décisions unilatérales mentionnés à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, et qui ont pour objet d'ouvrir des droits à des prestations et avantages servis par ces régimes ou au titre de ces garanties ».
En second lieu, entrent également dans cette catégorie : (…) des prélèvements qui, tout en n'entrant pas en compte pour la détermination du calcul des prestations servies par un régime obligatoire de sécurité sociale, conditionnent l'ouverture du droit à ces prestations et constituent, par leurs caractéristiques, un élément de solidarité interne au régime ».
Ainsi, n’en font partie, en l’espèce, ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel, ni les versements au profit du Fonds national d'aide au logement (FNAL), ni la contribution destinée au financement de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), cette dernière ne constituant pas davantage un accessoire de la rémunération.
En revanche, en font partie, contrairement à ce qui a été jugé par la cour, la contribution exceptionnelle et temporaire (CET), non génératrice de droits, afin de compenser la diminution des cotisations engendrée par la suppression progressive des systèmes de cotisations forfaitaires et garanties et permettre ainsi le financement des droits inscrits au titre de ces systèmes, tout comme les dépenses de veille technologique lorsque celle-ci est liée à la réalisation d’opérations de recherche car elles sont éligibles au crédit impôt recherche.
C’est seulement sur ces deux cas que la cassation est prononcée en raison de l’erreur de droit qu’ils contiennent.
(19 mai 2021, Société Publicis groupe, n° 432370)
58 - Impôt sur le revenu de contribuables domiciliés en France – Réduction pour location nue de biens à titre d’habitation principale dans les départements d’outre-mer (art. 199 undecies A du CGI) – Conditions d’élection au bénéfice de ce régime de faveur fiscale – Rejet.
Rappel et précision sur un point souvent perdu de vue par les investisseurs désireux de profiter d’une exonération fiscale.
La réduction d’impôt sur le revenu liée à la location nue d’un appartement ultra-marin est subordonnée à la réunion concomitante de deux conditions, à défaut de l’une d’elles la réduction n’est pas accordée ou peut être remise en cause.
D’une part, cette réduction s’applique au prix de revient de l'acquisition ou de la construction d'un immeuble neuf situé dans les départements, territoires ou collectivités d’outre-mer que le propriétaire prend l'engagement de louer nu dans les six mois de l'achèvement ou de l'acquisition si elle est postérieure, pendant cinq ans au moins à des personnes, autres que son conjoint ou un membre de son foyer fiscal, qui en font leur habitation principale.
D’autre part, et c’est sur ce point que, bien souvent, les intéressés négligent, que portent les redressements d’impôt pour remise en cause de l’exonération, le propriétaire qui entend bénéficier de ce régime fiscal doit souscrire préalablement l'engagement de louer nu le bien dans les six mois de son achèvement, ou de son acquisition si elle est postérieure, pendant cinq ans au moins à des personnes qui en font leur habitation principale. L’absence de souscription de cet engagement entraîne ipso facto la perte du droit à déduction fiscale.
(19 mai 2021, M. A., n° 432556)
59 - Abus de droit – Absence – Acquisition concomitante de titres d’une société et de son fonds de commerce en état d’exploitation – Cession à une société liée – Erreur de qualification juridique des faits – Cassation sans renvoi en l’absence de reste à juger.
Qualifie erronément les faits de l’espèce au plan juridique l’arrêt, comme le jugement, qui aperçoit un abus de droit au sens de l’art. L. 64 du LPF dans la circonstance qu’une société de transports routiers acquiert les parts d’une filiale en franchise d’impôts ainsi que le fonds de commerce qu’elle possède et qui est alors parfaitement exploitable puis le cède à une société opérationnelle liée poursuivant une stratégie de croissance externe.
Pour parvenir à ce résultat le juge de cassation se livre à une étude impressionnante des travaux préparatoires des textes législatifs qui, depuis 1920, traduisent la volonté constante du législateur de supprimer ou de limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, car il a toujours eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française.
(19 mai 2021, Société Douaisienne de transports, n° 433201)
60 - Taxe d’aménagement – Détermination de l’assiette de la taxe – Travaux de construction et/ou de reconstruction – Surface des constructions nouvellement créées – Rejet.
Rappel, confirmatif du jugement attaqué, de ce que par suite de l’obtention d’un permis de construire, l’assiette de la taxe d’aménagement due de ce fait est constituée, en cas de démolition totale et de reconstruction, par la superficie totale des constructions nouvellement créées.
(20 mai 2021, Société civile de construction vente Villa Carlotta, n° 440162)
61 - Taxe annuelle sur les surfaces de stationnement – Locaux impropres à leur destination du fait de travaux ayant affecté le gros-œuvre – Absence de dispense du paiement de la taxe – Rejet.
La solution semble passablement injuste et limite entachée de loufoquerie.
La requérante estimait qu’elle n’avait pas à payer la taxe, prélevée annuellement, sur les surfaces de stationnement, situées dans son immeuble, car en raison d’importants travaux ayant affecté le gros-œuvre de cet immeuble, cet espace était devenu impropre à sa destination et donc inutilisable. L’administration fiscale soutenait le contraire ; le juge lui donne raison en ces termes : « dès lors qu'il n'est pas contesté que les locaux n'avaient pas été complètement démolis et subsistaient à l'état brut de béton au 1er janvier de l'année d'imposition et qu'ils avaient vocation à demeurer à usage de bureaux à l'issue des travaux », la taxe était due durant toute la période d’indisponibilité et alors, en outre, que cet immeuble a été soumis, durant cette même période, à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
La chose est forte : il faut payer une taxe sur des places de stationnement qui n’existent plus et, malgré la constatation par le juge de l’existence d’une dalle de béton servant d’assiette à ladite taxe, est encore due la taxe sur les surfaces non bâties… Feydeau, dans sa douce folie théâtrale est plus drôle.
(26 mai 2021, Société des Tours du Pont de Sèvres, n° 436308)
62 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Assiette – Biens en faisant partie – Plateforme démontable – Extension de la surface de l’immeuble – Assujettissement à la taxe – Rejet.
C’est sans erreur dans la qualification juridique des faits qu’un tribunal administratif juge que doit être assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties, la plateforme, certes démontable mais non destinée à l’être, qui, se présentant comme un espace supplémentaire de stockage, doit être considérée comme faisant corps avec le bâtiment au sens et pour l’application des dispositions de l’art. 1945 du CGI et de l’art. 324 B de son annexe III qui déterminent la consistance des propriétés bâties que, par ailleurs, les art. 1380 et 1381 de ce code assujettissent à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
(27 mai 2021, Société civile immobilière Vent d'Autan, n° 427933)
(63) V. aussi, sur les problèmes d’assujettissement des bâtiments agricoles à la taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi qu’aux méthodes d’évaluation de leur valeur locative : 27 mai 2021, SCA Marché de Phalempin, n° 436742.
64 - Taxe foncière sur les propriétés non bâties – Majoration de la valeur locative pour le calcul de cette taxe – Champ et conditions d’application – Cas des terrains enclavés – Absence d’exonération – Rejet.
Il résulte des dispositions de l’art. 1393 du CGI que sont soumis à la majoration de la valeur locative pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties prévue, sur délibération du conseil municipal, par le B du II de l'article 1396 du CGI, les terrains situés dans les zones définies comme urbanisées ou à urbaniser par le document d'urbanisme applicable et équipées de voies publiques et de réseaux d'eau et d'électricité suffisants pour desservir les constructions devant y être implantées, à l'exception des terrains insusceptibles de recevoir une construction.
C’est sans erreur de droit et sans inexacte qualification des faits que le juge d’un tribunal administratif déclare que compte tenu du droit de passage sur les fonds voisins que prévoit l'article 682 du code civil pour garantir un accès à la voie publique, la seule circonstance qu'un terrain soit enclavé n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de la majoration.
Il n’en irait différemment qu’au cas où, pour des raisons de fait ou de droit, il serait impossible de mettre fin à l’état d’enclavement.
(28 mai 2021, M. A., n° 440265)
65 - Exonération de TVA – Activité municipale de fourniture de repas dans les cantines scolaires exercée en régie directe – Crédit de TVA – Régime de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 – Conditions d’application du régime – Conditions remplies – Rejet.
La commune requérante avait demandé en vain aux juges du fond un remboursement de crédit de TVA né, selon elle, de son activité de fourniture, en régie directe, de repas dans ses cantines scolaires.
La question était délicate et importante à la fois.
En effet, n’étant pas assujettie à la TVA pour ses propres activités et produits, elle ne peut pas répercuter aux familles, dans le prix des repas qu’elle fournit, le montant de la TVA qu’elle a elle-même acquittée pour assurer cette prestation. Il y a là une réelle injustice.
Recourant au double critère jurisprudentiel que retient la CJUE pour définir les organismes non assujettis à la TVA (29 octobre 2015, Saudaçor - Sociedade Gestora de Recursos e Equipamentos da Saúde dos Açores SA, aff. C-174/14), le Conseil d’État rejette la requête dont la commune l’a saisi.
D’une part, positivement, la CJUE exige que l’activité en cause soit exercée en qualité d’autorité publique, tel est le cas de l’enseignement et donc des prestations qui, telles les cantines scolaires, lui sont étroitement liées.
D’autre part, négativement, il ne faut pas que ce non-assujettissement puisse, par son importance, créer de distorsions de concurrence (16 septembre 2008, Commissioners of Her Majesty's Revenue et Customs contre Isle of Wight Council et autres, aff. C - 288/07). Tel est bien le cas des cantines scolaires pour lesquelles un opérateur économique quelconque ne peut y exercer une activité rentable qu’en percevant des subventions des collectivités intéressées. Cette condition est également remplie en l’espèce.
Ce rejet est très injuste car il se comprend mal que la même activité exercée dans le cadre de l‘enseignement privé et à des conditions de fait et de droit absolument semblables donnerait lieu à un crédit de TVA remboursable.
(28 mai 2021, Commune de Sarlat-la-Canéda, n° 441739)
(66) V. aussi, dans le même sens, à propos d’une piscine municipale : 28 mai 2021, Commune de Castelnaudary, n° 442378.
67 - Répression des abus de droit – Apport de parts de société – Sursis d’imposition des plus-values de cession – Opération en vue de la création, du développement ou de la restructuration d’entreprises – Annulation partielle de l’arrêt d’appel et renvoi.
L’administration fiscale avait retenu l’existence d’un abus de droit dans une opération de cession de titres à une société suivie immédiatement d’une revente desdits titres par cette société, estimant qu’une telle revente ne pouvait pas être regardée comme constituant un réinvestissement à caractère économique.
Le Conseil d’État approuve la cour administrative d’appel d’avoir jugé que le nantissement, dans des conditions les rendant indisponibles à tout autre usage, de sommes placées sur un compte à terme en vue de garantir des emprunts bancaires souscrits pour la réalisation d'investissements dans une activité économique devait être regardé comme un réinvestissement à caractère économique. En revanche, c’est à tort qu’elle a estimé qu'il en allait de même du nantissement de sommes en vue de couvrir une garantie de passif, consentie au profit de la société cessionnaire des parts qui lui avaient été apportées. En effet, en ce dernier cas le nantissement avait pour seul objet de couvrir une éventuelle obligation future de restitution d'une partie du prix de cession, il ne pouvait donc pas être regardé comme constituant un réinvestissement pour l’application des art. L. 150-0 A et L. 150-0 B du CGI.
(28 mai 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 442711)
68 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Immobilisations industrielles – Rectification pour défaut ou inexactitude dans la déclaration des propriétés bâties – Recours à l’émission d’un rôle particulier (art. 1508 CGI) – Conditions – Absence de réunion des conditions – Annulation du jugement contraire sans renvoi.
Lorsque l’administration fiscale entend procéder à des rectifications en raison d’insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties et en dehors du cas où est mise en œuvre une révision générale des valeurs locatives, elle ne peut recourir à l’émission d’un rôle particulier pour effectuer ces rectifications sur le fondement des dispositions de l’art. 1508 du CGI que lorsque ce défaut ou cette insuffisance portent sur des constructions nouvelles, sur des changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties.
En l’espèce, la contribuable contestait 48 des 52 immobilisations retenues pour justifier les rehaussements d’imposition mises à sa charge à la suite de l’émission d’un rôle particulier. Elle estimait qu’elles ne constituaient pas des changements de consistance au sens et pour l’application combinée des dispositions des articles 1406, 1499, 1502, 1508 et 1517 du CGI.
Avant d’examiner les faits, le juge pose, et c’est une certaine nouveauté, que par « changements de consistance », il convient d’entendre, y compris s’agissant d’établissements industriels, « la transformation apportée à la composition d'un local préexistant afin d'en modifier le volume ou la surface de manière substantielle, notamment par l'addition de constructions, la démolition totale ou partielle de la construction ou sa restructuration par division ou réunion de locaux préexistants ».
Or la société requérante faisait valoir que les immobilisations litigieuses correspondaient à des changements de caractéristiques physiques et n'entraient pas dans le champ de l'obligation déclarative prévue par l'article 1406 du CGI.
Le juge constate que ces immobilisations étaient relatives à l'installation de volets roulants, de « rails protection mur coupe », de disjoncteurs et de transformateurs électriques, de dispositifs de détection dans les cuves de rétention et d'adduction d'eau, de quais hydrauliques, d'un quai de déchargement des agents de blanchiment et d'un extracteur de vapeurs, à la mise en conformité « COMAH » des installations, au bouchage d'un regard du système d'eaux pluviales, à la clôture du site, à la réfection des parkings, des sols et des revêtements et à la mise en peinture de divers locaux. Constatant qu’il ne s’agissait pas de changements de consistance, le Conseil d’État juge que l’administration ne pouvait recourir à la procédure d’émission d’un rôle particulier pour opérer les rectifications qu’elle a décidées et ordonne le remboursement des 32 690 euros de cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la société requérante avait été, à tort, assujettie.
(28 mai 2021, Société Vitherm France, n° 443642)
69 - Taxe sur la valeur ajoutée – Taux applicable aux baptêmes de l’air en parachute biplace – Parachute ayant la nature d’un aéronef – Transport ne constituant pas l’acheminement d’un passager – Rejet.
La société requérante demandait le remboursement d’une partie des droits de TVA acquittés au titre de son activité de prestations de saut en parachute en tandem dans le cadre de baptêmes de l’air. La TVA qu’elle a versée était au taux de 20% alors qu’elle prétend ses activités professionnelles éligibles au taux de 10%.
Ce dernier taux est prévu par le b quater de l’art. 279 du CGI pour « les transports de voyageurs », ce que la requérante prétend effectuer.
Pour rejeter cette prétention, les juges du fond, confirmés en l’espèce par le Conseil d’État, ont, au contraire considéré, d’une part, que la prestation de transport en aéronef jusqu’au point du parachutage puis ce parachutage lui-même en tandem constituait une opération indivisible ne pouvant pas être scindée en plusieurs prestations ni non plus entre une prestation principale et une prestation accessoire, et d’autre part, qu’il ne pouvait s’agir d’un transport aérien, lequel « consiste à acheminer par aéronef d'un point d'origine à un point de destination des passagers, des marchandises ou du courrier » (art. L. 6400-1 code des transports). C’est donc sans erreur de droit que les activités en cause ont été soumises à un taux de TVA de 20% et non de 10%.
(28 mai 2021, Sarl Centre de parachutisme Paris-Nevers, n° 445016)
(70) V. aussi, avec solution identique : 28 mai 2021, Entreprise Angel Parachutisme, n° 445020.
71 - Taxe sur les surfaces commerciales – Établissement faisant l’objet d’un changement d’exploitant en cours d’année – Détermination du chiffre d’affaires par mètre carré – Calcul du dépassement du seuil pour l’assujettissement à la taxe sur l’année entière nonobstant le changement d’exploitant.
La taxe sur les surfaces commerciales due au titre d'une année est assise sur la surface de vente de l'établissement existant au 1er janvier de cette année, dès lors que le chiffre d'affaires réalisé l'année précédente par cet établissement excède un certain seuil et son taux est déterminé en fonction du chiffre d'affaires par mètre carré réalisé par cet établissement au cours de l'année précédente.
La question posée au Conseil d’État était de savoir si en cas de changement d’exploitant en cours d’année le chiffre d’affaires à retenir était seulement celui réalisé par la personne qui était l’exploitant au 1er janvier, date du fait générateur de l’impôt, ou l’entier chiffre d’affaires réalisés au cours de l’année par les deux exploitants successifs.
Dès lors que le changement d’exploitant résulte d'une opération de fusion-absorption entraînant la dissolution sans liquidation de l'ancien exploitant, le chiffre d'affaires à retenir pour apprécier si le seuil d'assujettissement est dépassé et pour déterminer le taux de la taxe est celui qui a été réalisé par cet établissement durant l'année précédente, sans distinguer selon qu'il est imputable à l'ancien ou au nouvel exploitant.
(Avis de droit, 28 mai 2021, Sas But international, n° 450683)
Droit public économique
72 - Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) - Versements européens en faveur des zones défavorisées – Zones soumises à des contraintes naturelles et zones soumises à des contraintes spécifiques – Délimitation des zones – Décret du 27 mars 2019 – Rejet.
Les requérants demandaient notamment l’annulation du décret n° 2019-243 du 27 mars 2019 relatif à la révision des critères de délimitation des zones agricoles défavorisées autres que les zones de montagne ainsi que l’adresse par le juge de plusieurs injonctions à des organismes publics afin de production de documents, notamment cartographiques.
En vue de rationaliser et d’améliorer les distributions de subventions par le FEADER, le règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le FEADER a prévu l’obligation pour les États d’établir un ou plusieurs programmes de développement rural en particulier pour délimiter les zones agricoles défavorisées autres que les zones de montagne, c’est-à-dire, d’une part, des zones soumises à des contraintes naturelles (ZSCN) et, d’autre part, des zones soumises à des contraintes spécifiques (ZSCS). Dans ces zones, les exploitants agricoles peuvent bénéficier de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) au vu de la satisfaction des critères fixés par le règlement de 2013. La France a présenté à la Commission européenne une demande de modification du cadre national antérieurement établi en détaillant dans des annexes la méthode et les données utilisées afin de délimiter les zones dans lesquelles les exploitants agricoles peuvent bénéficier de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), conformément aux critères fixés par le règlement du 17 décembre 2013 ; la Commission a, par sa décision d’exécution du 27 février 2019, approuvé la modification de ce cadre national.
Les requérants contestent la légalité du décret et l’absence d’un certain nombre de documents. Tous leurs moyens sont rejetés.
Tout d’abord, contrairement à ce qu’ils allèguent, la détermination des ZSCN et des ZSCS n’était pas soumises à une obligation d’évaluation environnementale ni, non plus, à une enquête publique au sens de l’art. L. 123-2 du code de l’environnement.
Ensuite, les nombreux griefs de légalité interne sont également rejetés. Le juge classe ces moyens en deux groupes.
D’un côté sont examinés ceux qui sont communs aux zones soumises à des contraintes naturelles et aux zones soumises à des contraintes spécifiques. A cet égard, il est jugé que les données biophysiques retenues pour délimiter les zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques étaient suffisamment complètes pour s'assurer du respect des critères pédologiques fixés par le règlement du 17 décembre 2013, tout comme sont réguliers le niveau de qualité des référentiels régionaux pédologiques contenant les données utilisées même s’ils varient nécessairement d'une région à l'autre ainsi que l'échelle cartographique des données retenue ou encore l’utilisation du registre parcellaire graphique à l'échelle 1/5000ème. Enfin, le recours à des unités locales différentes pour, d'une part, l'exercice d'affinement applicable à la délimitation des zones soumises à contraintes naturelles et, d'autre part, la méthode hors critères combinés et l'exercice d'affinement applicables à la délimitation des zones soumises à contraintes spécifiques, ne méconnaît pas les dispositions du règlement du 17 décembre 2013 et le principe d'égalité.
De l’autre côté, sont examinés, plus cursivement, les moyens propres aux zones soumises à des contraintes spécifiques : les États membres ne sont pas tenus de déterminer les critères de délimitation de ces zones en fonction de la préservation du potentiel touristique ; le recours, en 2019, au critère « haies » sur la base des données du recensement agricole de 2010, qui font l’objet d’une actualisation décennale, est une méthodologie objective et fiable ; il n’est pas établi, enfin, que l’exercice d'affinement pour délimiter les zones soumises à des contraintes spécifiques selon la méthode " hors critères combinés " soit contraire au règlement de 2013.
(27 mai 2021, Association " Pour que vive la Piège " et autres, n° 434951)
Droit social et action sociale
73 - Prestations en matière d’invalidité – Statuts d’une caisse de retraite fixant les conditions du bénéfice de prestations invalidité – Exception d’illégalité - Renvoi préjudiciel de l’autorité judiciaire – Légalité – Exception infondée.
Statuant sur renvoi préjudiciel de l’autorité judiciaire, le Conseil d’État devait se prononcer sur la légalité de l’art. 7 des statuts du régime d'assurance invalidité-décès de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (Carpimko) au regard des dispositions de l’art. 1er du premier protocole additionnel à la convention EDH en ce qu’il prive de droits à une prestation d'invalidité les personnes qui présenteraient un arriéré, même faible, de cotisations.
Pour dire infondée l’exception d’illégalité soulevée par la requérante devant la juridiction judiciaire, le juge rappelle que si une pension, ici d’invalidité, constitue un bien au sens de la convention précitée, c’est sous réserve que l’éventuel bénéficiaire satisfasse aux conditions posées par le texte qui l’institue pour la percevoir. Dès lors qu’est exigé par ce texte, comme au cas de l’espèce, le versement intégral des cotisations pour pouvoir prétendre à l’octroi d’une pension d’invalidité, le non respect de cette condition justifie qu’elle ne soit pas versée.
Par suite, l’art. 7 en litige ne contrevient pas au principe de juridicité.
Le juge rappelle que, statuant sur renvoi préjudiciel, il est strictement limité dans sa réponse par les termes de la ou des question(s) posée(s) par l’autorité judiciaire et que sont, par suite, irrecevables celles des conclusions qui excèdent le cadre de la question posée.
(11 mai 2021, Mme A., n° 447963)
74 - Droit aux prestations familiales – Prestation d'accueil du jeune enfant - Complément du libre choix du mode de garde - Notion d’allocataire – Titulaire de cette qualité en cas de garde alternée de l’enfant – Illégalité – Annulation.
L’art. R. 513-1 du code de la sécurité sociale, dans son premier alinéa, attribue à un seul des deux parents séparés, à la fois, la qualité d’allocataire bénéficiant de la prestation d’accueil de jeune enfant et celle de bénéficiaire du complément de libre choix du mode de garde.
Le requérant demandait l’annulation du refus implicite du premier ministre d’abroger cette disposition en tant qu’en cas de résidence alternée effective et équivalente d'un enfant chez chacun de ses parents séparés, elle fait obstacle à ce que celui des parents qui n'a pas la qualité d'allocataire bénéficie du complément de libre choix du mode de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant.
Estimant illégale cette solution et jugeant ces dispositions divisibles, le juge enjoint au premier ministre de les modifier sous six mois.
(19 mai 2021, M. B., n° 435429)
75 - Salarié protégé – Autorisation de licenciement refusée par l’inspecteur du travail puis par le ministre – Annulation par les juges administratifs du premier degré et d’appel – Rejet.
Une entreprise sollicite l’autorisation administrative de licencier un salarié protégé pour agissements fautifs lors d’une grève ayant affecté son fonctionnement. L’inspecteur du travail puis, sur recours hiérarchique, le ministre compétent ont refusé cette autorisation la faute n’étant pas considérée comme ayant revêtu une gravité suffisante.
Sur recours de cette entreprise, le tribunal administratif puis le juge d’appel ont annulé le refus d’autorisation de licencier.
L’intéressé se pourvoit en cassation ; son pourvoi est rejeté.
En particulier, au visa du pouvoir souverain des juges du fond non argué de dénaturation, le Conseil d’État relève que la cour a constaté qu’il ressortait du dossier à elle soumis :
- d’une part, « que M. B. a, à plusieurs reprises entre le 16 et le 19 juin 2014, bloqué physiquement l'accès à une cabine de commande de délovage de câble, empêchant ainsi non seulement des salariés de la société (requérante), mais aussi (ceux d’une autre société, partenaire de cette dernière), de travailler. Le 19 juin 2014, il a aussi bloqué, à partir de 14 heures, l'accès à un navire, en occupant l'échelle de coupée, empêchant ainsi les salariés (d’une) société de travailler » ;
- d’autre part, « que le blocage illicite de l'établissement (…) résulte principalement du fait de M. B., présent, de manière récurrente, lors de chaque constatation d'huissier, et qui a porté des atteintes à la liberté du travail, commettant à cette occasion plusieurs voies de fait à l'encontre de membres du personnel de la société qui tentaient de s'acquitter de leurs missions » ;
- enfin, elle a souligné le rôle prépondérant, constant et particulièrement actif de M. B. dans ces actions dont a résulté une entrave à la liberté du travail d'autres salariés.
Par suite, en jugeant que ces faits, qui ne sont pas en eux-mêmes contestés en cassation, étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. B. et ne pouvaient être regardés comme se rattachant à l'exécution normale de ses mandats représentatifs, alors même que le blocage n'avait pas affecté le site de production des câbles lui-même, la cour administrative d'appel, qui n'avait pas à rechercher si ces blocages avaient porté une atteinte grave aux intérêts de la société, n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.
(27 mai 2021, M. B., n° 433078)
76 - Aide personnalisée au logement – Récupération d’un indu de cette aide – Rejet de la demande de remise gracieuse de cet indu – Office du juge saisi – Annulation et renvoi au tribunal administratif.
Nouveau rappel d’une solution clairement établie.
Lorsque le juge administratif statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse d'un indu d'une prestation ou d'une allocation versée au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, il le fait en qualité de juge du plein contentieux et non, comme jugé à tort par le tribunal administratif, comme juge de l’excès de pouvoir, il lui incombe, eu égard à la finalité de son intervention, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est susceptible d'être accordée, en se prononçant lui-même sur la demande au regard des dispositions applicables et des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision.
Les premiers juges, en se croyant investis de la qualité et des prérogatives de juges de l’excès de pouvoir, ont méconnu en l’espèce leur office.
(27 mai 2021, M. A., n° 439526)
Élections
77 - Élections municipales et communautaires - Tracts anonymes - Tracts dont le contenu excède gravement les limites de la polémique électorale et sans possibilité de réplique utile - Écart réduit des voix - Annulation des élections confirmée.
C'est à bon droit que les premiers juges ont annulé les opérations électorales dans une commune où avaient été distribués au cours de la campagne électorale deux tracts anonymes dont le premier portait atteinte à l'honorabilité d'un candidat tête de liste et le second, rappelant par sa présentation ceux utilisés pour la campagne de la liste dont il était le chef de file, lui attribuait des termes d'un caractère odieux à l'égard des personnes atteintes d'un handicap mental. Ces affirmations, sans possibilité réelle de réplique utile, jointes à un faible écart des voix, suffisaient à entraîner l'annulation des opérations électorales.
(3 mai 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune d'Ambleteuse, n° 442727)
78 - Élections municipales et communautaires - Campagne de promotion publicitaire - Absence - Erreur sur le mode de scrutin applicable - Absence de risque d'erreur - Manoeuvres de nature à altérer le scrutin (enveloppes retournées) - Absence - Effets de la crise sanitaire sur les abstentions et donc sur le résultat du scrutin - Absence - Rejet.
Le Conseil d'Etat, juge d'appel, rejette tous les griefs développés au soutien de la protestation tendant à l'annulation du scrutin dans la commune.
Des rappels informatifs ne constituent pas des actes de promotion publicitaire de l'action de l'équipe municipale sortante, l'évocation d'un second tour alors qu'il n'y a que deux listes en présence n'a pas pu induire en erreur les électeurs, la circonstance que nombre d'enveloppes contenant du matériel électoral aient été retournées en mairie avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » n'est pas constitutive d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, enfin, ne saurait être invoqué le fait d'élections organisées en période de pandémie avec un fort taux d'abstentions comme étant de nature à altérer la sincérité du scrutin.
(3 mai 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Vaucresson, n° 442727)
(79) V. aussi, toujours sur l’effet de la crise sanitaire sur le nombre des abstentions : M. E. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Chilly-Mazarin, n° 448288.
80 - Élections municipales et communautaires - Diffusion en cours de scrutin d'allégations d'illégalité d'une liste devant conduire à l'annulation du scrutin le soir même du premier tour - Instauration d'une incertitude de nature à altérer la sincérité du scrutin - Annulation du scrutin confirmée.
La circonstance de la diffusion pendant le déroulement du scrutin et en particulier dans la version numérique d'un journal local à 10h50, d'informations présentant l'annulation du scrutin le soir même pour cause d'illégalité dans la présentation de l'une des listes a créé un climat d'incertitude qui a altéré la sincérité du scrutin. C'est à bon droit que le tribunal administratif a prononcé de ce chef l'annulation des opérations électorales.
(3 mai 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Maroeuil, n° 442727)
81 - Élections municipales et communautaires - Absence d'actes de propagande électorale ou de dons prohibés - Griefs formulés hors délai - Rejet.
Est confirmé en appel le rejet prononcé en première instance d'une protestation apercevant dans l'annonce de la distribution de masques acquis par la commune et leur distribution directe aux habitants de la commune, y compris par le maire, des actes de propagande électorale, des dons prohibés ou des pressions exercées sur les contribuables.
Par ailleurs, sont déclarés irrecevables les griefs soulevés devant le juge après l'expiration du délai de cinq jours imparti par les textes.
(4 mai 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Lapugnoy, n° 442727)
82 - Élections municipales et communautaires - Don d'une personne morale - Financement par les seuls candidats - Absence d'altération du scrutin - Rejet.
Le protestataire interjetait appel d'un jugement rejetant sa demande d'annulation d'élections pour cause de dons prohibés. Son appel est rejeté.
Le Conseil d'Etat relève l'acquittement par une association, portant le même nom que la liste de candidats dirigée par le maire sortant, de diverses dépenses de propagande électorale pour cette liste portant sur l'édition de trois tracts et de deux affiches ; or les fonds avaient été fournis exclusivement par les candidats de cette liste.
Par suite, ce don d'une personne morale n'a pu constituer, dans les circonstances de l'espèce, à le supposer irrégulier, un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin.
(4 mai 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune d'Arnoult-en-Yvelines, n° 442727)
83 - Élections municipales et communautaires - Griefs multiples (Affichage irrégulier ou tardif ou dégradé, invocation maladroite d’une qualité, tracts reliquataires demeurés sur la voie publique, distribution de kits pris en charge par une liste, contenu du bulletin municipal et, suppression d’une tribune de l’opposition, réalisation de clips sur l’hippodrome municipal, etc.) - Absence de manœuvres ou d'altérations du scrutin - Rejet.
Cette affaire fournit un bon exemple des griefs contentieux susceptibles d’être tirés - ici sans succès - de multiples petits incidents survenant au cours d’une campagne électorale locale.
(5 mai 2021, M. K., Él. mun. et cnautaires de la commune de Maisons-Laffitte, n° 449668)
84 - Nouvelle-Calédonie - Référendum en vue de l’accession de ce territoire à l’indépendance - Demande de modification du décompte des voix - Demande assortie d’aucun effet juridique - Irrecevabilité.
(5 mai 2021, Mme F. et autres, n° 445305) V. n° 13
85 - Élections municipales et communautaires – Campagne de promotion publicitaire -Absence – Élément de polémique électorale normal et sans nouveauté – Avantage accordé à une liste – Irrégularité – Écart des voix appréciable – Absence d’altération de la sincérité du scrutin - Rejet.
Étaient contestées, d’une part, la régularité des opérations électorales et, d’autre part, en conséquence, la proclamation de l’inéligibilité de trois élus. Comme en première instance, la protestation est rejetée en appel.
Ne sauraient constituer des éléments de promotion publicitaire ni la publication d’un bulletin municipal plus étoffé que d’ordinaire mais se limitant à l’actualité municipale, ni la cérémonie des vœux, traditionnelle, ni l’allocution du maire prononcée à cette occasion.
La diffusion d’une brochure le soir du vendredi au samedi précédent le scrutin et son relais sur « Facebook » n’ont pas excédé les limites de la polémique électorale ni ajouté à cet égard d’éléments nouveaux.
Si l’utilisation, pour la brochure de présentation d’une liste, de clichés photographiques issus du bulletin municipal de l'automne 2019, sur lequel aucun nom d'auteur n'apparaît et qui doivent donc être regardés comme provenant de la photothèque municipale, a incontestablement constitué un avantage pour cette liste et si, en théorie, cela a pu exercer une influence sur l'issue du scrutin, elle ne constitue pas, dans les circonstances de l’espèce, une irrégularité eu égard à l’écart des voix et à la circonstance que la liste arrivée en tête a obtenu 55 voix de plus que la majorité absolue, soit 583 voix sur 1005 suffrages exprimés.
Enfin, en l’absence dans ce qui précède, de manœuvres frauduleuses imputables aux trois élus intéressés il n’y a pas lieu de les déclarer inéligibles.
La protestation est rejetée en son entier.
(11 mai 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Argeliers, n° 445863)
86 - Élections municipales – Refus d’enregistrement d’une liste – Existence d’un recours spécial – Possibilité d’invoquer l’irrégularité de ce refus devant le juge de l’élection – Report de la date du second tour d’élections municipales – Absence de validation législative des résultats du second tour – Rejet.
Cette décision, outre la critique, récurrente, du vice qui aurait entaché l’organisation d’élections en pleine pandémie, critique évidemment rejetée, se signale à l’attention par deux aspects importants de contentieux électoral.
Tout d’abord, le préfet peut refuser d’enregistrer une candidature ou une liste de candidats, notamment pour dépôt tardif en préfecture ou en sous-préfecture et ce refus peut faire l’objet d’un recours spécial organisé par l’art. L. 265 du code électoral. Toutefois, la circonstance que ce recours ait été exercé et rejeté ne fait pas obstacle à ce qu'un grief tiré de l'irrégularité de ce refus soit soulevé devant le juge de l’élection à l'occasion d'une protestation dirigée contre les opérations électorales. La solution serait la même en cas de non-exercice de ce recours spécial.
Ensuite, la loi du 23 mars 2020 ayant décidé, après le premier tour de scrutin pour les élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020, que les résultats de ce premier tour restaient acquis, il n’en résulte nullement que la loi a entendu valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l'attribution de sièges : ainsi la loi ne fait pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l'élection.
(17 mai 2021, M. C., Élections municipales de Pont-Audemer, n° 448329)
87 - Élections municipales et communautaires – Utilisation de l’emblème national sur des documents de propagande électorale – Association des trois couleurs constitutives de cet emblème – Faible écart des voix – Annulation du scrutin.
Dans une petite commune où l’écart des voix est très faible, le scrutin qui s’y est déroulé doit être annulé du fait de l’utilisation, prohibée par l’art. R. 27 du code électoral, de l’emblème national et de l’association des trois couleurs de celui-ci sur du matériel de propagande électorale.
(19 mai 2021, Mme V. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune d’Oppède, n° 442678)
88 - Élections municipales et communautaires – Actes de propagande électorale – Élément nouveau de polémique électorale – Absence – Rejet.
Est rejetée la protestation qui, pour l’essentiel, se fonde sur l’existence d’actes de propagande électorale qui n’ont pas cette portée (tenue de la traditionnelle cérémonie des vœux et diffusion, à sa date normale et sans excès de ton, du bulletin municipal, allégation non établie de diffusion de vidéos réalisées dans des locaux communaux) ou la diffusion d’un élément nouveau de polémique électorale auquel il était en réalité aisé de répliquer en temps utile, ce qui a d’ailleurs, effectivement eu lieu.
(19 mai 2021, Mme D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Liancourt, n° 442678)
(89) V. aussi, semblable sur certains aspects (cérémonie des vœux, page Facebook, etc.) : 25 mai 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fay-de-Bretagne, n° 444766.
(90) V. également, annulant le jugement prononçant l’annulation d’un scrutin municipal pour cause d’apparition d’un élément nouveau de polémique électorale car l’intéressé a disposé d’un délai suffisant pour répondre et l’a effectivement fait, notamment par rédaction et distribution de tracts. : 27 mai 2021, M. Z., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sauve, n° 445776.
91 - Élections municipales – Protestation fondée sur des griefs divers – Inéligibilité de certains candidats – Déroulement et financement de la campagne – Opérations électorales – Rejet.
Tous les griefs avancés au soutien de la protestation sont écartés, notamment celui de l’inéligibilité du gérant d’une société ayant acheté à plusieurs reprises du matériel pour un montant total cumulé inférieur à deux mille euros sur une année, ainsi que celles de deux dirigeants d’associations qui n’ont pas la nature de services de la commune ; pareillement ni les critiques visant le déroulement de la campagne électorale (portrait du maire en écharpe sur un coin de tract) ou le financement de celle-ci (moyens non étayés ou tardivement présentés) ni celles relatives au déroulement du vote (nombre de procurations, etc.) ne révèlent de manœuvres destinées à altérer la sincérité du scrutin.
Un aspect de procédure contentieuse est intéressant et doit être signalé : il est jugé ici que le moyen invoqué en première instance, dirigé contre le soutien financier public irrégulier dont les membres d’une liste auraient bénéficié consistant en un prêt à titre gracieux d’une salle municipale et en la mise à disposition gratuite du matériel de projection et de sonorisation de la mairie pour animer leurs réunions publiques, et le moyen invoqué pour la première fois en cause d’appel, consistant à dire irréguliers des prêts consentis à cette même liste par des personnes morales de droit privé participent du même grief. En effet, l’un et l’autre moyens tendent à voir sanctionnées les dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral qui sont relatives au financement de la campagne électorale et prohibent le financement de la campagne par des personnes morales autres que des partis ou des groupements politiques, par des dons, avantages, ou prêts, sans qu’il y ait lieu, de ce point de vue, de distinguer selon que ces critiques sont relatives, pour les premières, à des avantages allégués de personnes morales publiques, qui sont l'objet de la première phrase du 2ème alinéa de l'article L. 52-8 et pour les secondes, à des prêts allégués de personnes morales privées, qui sont visés à la seconde phrase des mêmes dispositions. Le grief présenté pour la première fois en appel et après l’expiration du délai de recours contentieux n’était donc pas tardif.
(25 mai 2021, Mme P., Élections municipales de Villerville, n° 445470)
(92) V. aussi, sur une allégation inexacte d’être un entrepreneur de service municipal : 25 mai 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fay-de-Bretagne, n° 444766.
93 - Élections municipales et communautaires – Déféré préfectoral en rectification des résultats d’une élection – Règles de procédure électorale – Rejet.
Le maire d’une commune n’est pas ipso facto partie à l’instance contestant les résultats des élections qui s’y sont tenues, il n’a donc pas à être convoqué à l’audience.
C’est sans erreur de droit que saisi d’un déféré du préfet en ce sens, le tribunal administratif a rectifié les résultats proclamés à l’issue du premier tour : la majorité absolue étant non de 195 voix mais de 191, il convenait de proclamer élus non seulement les quatorze candidats qui l’ont été mais encore une quinzième candidate qui a obtenu un nombre de voix exactement égal au chiffre de la majorité absolue.
Enfin, le requérant ne saurait contester le jugement du tribunal administratif qui a rejeté sa protestation contre l’élection de quatorze conseillers car ce jugement est définitif et cette demande est irrecevable pour cause de forclusion.
(26 mai 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Tilloy-lez-Cambrai, n° 441432)
94 - Élections municipales et communautaires – Protestation fondée sur des griefs divers – Allégations non établies - Rejet.
Doit être rejetée la protestation qui invoque, sans les établir et alors qu’aucune observation n’est portée en ce sens au procès-verbal, des irrégularités dans le dépouillement du scrutin et qui évoque, sans l’étayer plus outre, l’existence d’une campagne de diffamation dirigée contre l’un des candidats.
(26 mai 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Montréal, n° 445470)
95 - Élections municipales et communautaires – Élément nouveau et important de polémique électorale – Présentation tardive – Faible écart des voix – Annulation du scrutin confirmée en appel.
Le Conseil d’État, juge d’appel, confirme l’annulation des élections dans une commune où l’argument de l’existence d’un grave endettement communal est soulevé pour la première fois dans la nuit du vendredi au samedi précédent le scrutin au moyen de tracts insérés dans les boîtes aux lettres des habitants et alors, au surplus, que l’écart des voix entre les listes n’est que de 33 sur 1141 suffrages exprimés, donc inférieur à 2,9%.
(26 mai 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de la commune de La Sentinelle, n° 446066)
96 - Élections municipales et communautaires – Émargements irréguliers ou erronés par interversion des cases utilisées – Faible écart des voix – Confirmation de l’annulation du second tour – Rejet.
Le Conseil d’État était saisi d’un appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Mayotte ayant annulé le second tour des élections municipales dans une commune.
Était en cause, pour l’essentiel, l’irrégularité d’un certain nombre de signatures. En particulier, certaines d’entre elles n’étaient pas les mêmes au second tour que celles censées émanées des mêmes personnes au premier tour et la circonstance que leurs auteurs les aient reconnues pour leurs devant le tribunal est sans effet sur leur irrégularité. De plus, des personnes disant ne pas savoir signer ont apposé une croix ou un rond en face de leur nom alors que, en ce cas, le code électoral permet seulement à l’intéressé(e) de désigner une personne de confiance pour émarger à sa place. L’écart des voix n’étant que de onze, l’annulation prononcée en première instance est confirmée en appel.
(26 mai 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Kani-Kéli, n° 446404)
97 - Élections municipales et communautaires – Protestation du préfet contre la proclamation d’un élu suite à la constatation de l’inéligibilité d’un autre élu – Application de l’art. L. 273-10 du code électoral – Annulation et proclamation d’un élu.
Rappel de la règle, découlant des dispositions impératives de l’art. L. 273-10 du code électoral, selon laquelle lorsque le juge a annulé pour cause d'inéligibilité l'élection d'un conseiller communautaire, il a l’obligation de proclamer élu le candidat de même sexe élu conseiller municipal suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu.
En proclamant élue une candidate d’un autre sexe, le tribunal a fait une inexacte application de cette disposition légale.
(26 mai 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Anzin, n° 448713)
98 - Élections municipales et communautaires – Publicité commerciale interdite – Affichage irrégulier – Absence d’altération de la sincérité du scrutin en dépit d’un faible écart des voix – Annulation du jugement frappé d’appel.
Le juge d’appel annule le jugement déféré qui avait annulé le premier et unique tour du scrutin municipal. Il estime, d’une part, que le recours via le réseau social Facebook, à une publicité commerciale interdite, qu’elle ait été volontaire ou non, n’a pas altéré la sincérité du scrutin en raison de son contenu non polémique et de son faible impact. Il considère, d’autre part, que l’installation d’une affiche, dans des conditions irrégulières, sur la devanture d’un magasin n’a pas, non plus, pu avoir cet effet même si l’écart des voix séparant les deux listes en présence était très faible.
En vertu de l’effet dévolutif de l’appel, le Conseil d’État se prononce sur les griefs non examinés en première instance (absence de caractère mensonger d’un message sur Facebook, tract non diffamatoire, niveau d’abstention sans effet sur la sincérité du scrutin…) et les rejette.
(28 mai 2021, Mme F., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Alixan, n° 445567)
99 - Élections municipales et communautaires – Inéligibilité d’une candidate – Chef de service au sein d’une direction du département – Inéligibilité manifeste – Égalité de voix - Annulation du jugement et annulation de l’ensemble des opérations électorales.
La circonstance que la candidate placée en dixième position sur la liste du maire sortant était inéligible en raison de sa qualité de chef du service de l'action territoriale au sein de la direction de l'agro-écologie du conseil départemental de la Haute-Garonne, ne devrait entraîner que l’annulation de la seule élection de cette dernière et son remplacement par le suivant de liste.
Toutefois, en raison de la notoriété de cette candidate, de son implication dans la campagne, de l’égalité de voix entre les listes en présence et, enfin, de ce que l’attention du maire et du préfet avait dûment était appelée sur cette inéligibilité, qui était manifeste, conduisent ici le Conseil d’État à décider, contrairement à ce qu’avaient jugé les premiers juges, l’annulation de l’ensemble des opérations électorales.
(28 mai 2021, Mme A. et M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune du Fousseret, n° 446967)
100 - Élections municipales et communautaires – Publicité commerciale interdite – Taux élevé des abstentions – Rejet.
Sont rejetées deux protestations distinctes tendant à l’annulation du scrutin au double motif d’une publicité commerciale – mais jugée comme n’ayant pas pu altérer la sincérité du scrutin dans les circonstances de fait de l’espèce – et d’un taux élevé d’abstention du fait d’élections s’étant déroulées en période épidémique.
(31 mai 2021, M. D. et M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sault, n° 441849 et n° 442570, deux espèces jointes)
101 - Élections municipales et communautaires – Défaut d’indication sur le bulletin de l’une des listes de la nationalité d’un candidat ressortissant de l’Union européenne – Bulletin nul – Nombre élevé de voix sans représentation – Confirmation de l’annulation du scrutin – Rejet.
Lorsqu’une liste de candidats aux élections communautaires et municipales comporte un ou plusieurs ressortissants de l’UE, leur(s) nom(s) doi(ven)t être suivi(s) de l’indication de sa(leur) nationalité à peine de nullité du suffrage.
Par suite d’une omission d’une telle mention, les bulletins d’une liste ont été annulés laissant ainsi sans représentation près de 44% des suffrages exprimés et donc sans portée utile. Cette conséquence, en l’absence de toute manœuvre, affecte la sincérité du scrutin. C’est donc à bon droit que le tribunal administratif a annulé les opérations électorales qui se sont tenues le 15 mars 2020 dans cette commune.
(31 mai 2021, M. N.-BW.AN., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Arbonne, n° 455557)
Environnement
102 - Réserve naturelle nationale de Chastreix-Sancy - Absence de mention de la possibilité de pratiquer l'alpinisme et l'escalade parmi les activités sportives réglementées sur le territoire de la réserve - Refus implicite d'abroger l'art. 12 du décret du 13 juillet 2007 - Annulation assortie d'une injonction d'exécution sous six mois.
L'interdiction générale et absolue de l'alpinisme dans la réserve naturelle de Chastreix-Sancy, alors que le préfet dispose d'un pouvoir de réglementation des activités sportives autorisées dans cette réserve et d’encadrement de la pratique de l'alpinisme pour éviter qu'elle ne porte atteinte aux milieux protégés par la réserve, n'est pas nécessaire pour atteindre les objectifs de protection poursuivis.
Il résulte de l'instruction que les sites où l'alpinisme hivernal est susceptible d'être pratiqué représentent, dans la réserve naturelle, à la différence de ceux dans lesquels l'escalade peut être pratiquée, des surfaces importantes, de sorte qu'ils sont moins susceptibles de faire l'objet d'une forte concentration de pratiquants, ne présentent pas les mêmes caractéristiques physiques et n'abritent pas les mêmes espèces de faune et de flore. Il résulte également, notamment d'un avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel Auvergne-Rhône-Alpes du 21 septembre 2017, que lorsque le couvert neigeux est supérieur à 15 cm, la pratique de l'alpinisme n'a pas d'impact significatif sur la flore située sous le couvert neigeux et la faune présentes dans la réserve. Cette circonstance a d'ailleurs conduit aussi bien le conservatoire botanique naturel du Massif Central que le syndicat mixte du parc naturel régional des volcans d'Auvergne, gestionnaire de la réserve, ainsi que le délégué régional de l'Office français de la biodiversité, dans leurs avis rendus en mars 2018, à estimer que la pratique de l'alpinisme n'est pas susceptible de porter atteinte à la réserve à condition qu’elle soit restreinte à la période hivernale et à la partie nord de la réserve, que l'enneigement soit suffisant et que les cascades de glace en soient exclues.
Le refus implicite du premier ministre d'abroger l'art. 12 du décret du 13 juillet 2007 en tant qu'il n'autorise pas, sous conditions, l'alpinisme hivernal dans la réserve naturelle nationale de Chastreix-Sancy est annulé et injonction lui est adressée de prendre sous six mois un décret modificatif à cet effet.
(5 mai 2021, Fédération française de montagne-escalade Auvergne-Rhône-Alpes, n° 433553)
103 - Unité de méthanisation de déchets non dangereux – Permis de construire – Portée de l’art. L. 600-3 c. urb. – Audience de référé – Clôture de l’instruction – Communication de mémoires postérieurs – Réouverture automatique de l’instruction – Absence – Annulation.
Dans cette affaire, relative à une demande de suspension de l’exécution d’un arrêté préfectoral autorisant l’exploitation d’une unité de méthanisation, d’une unité de déconditionnement de biodéchets et l'épandage de digestats issus du procédé de méthanisation, le juge est amené à apporter deux précisions de procédure, la première étant assez nouvelle, la seconde plus classique.
Il est tout d’abord affirmé que les dispositions de l’art. L. 600-3 du code de l'urbanisme selon lesquelles : « Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.
La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite », n’établissent pas une présomption irréfragable. Ainsi, en l’espèce, c’est sans erreur de droit que le premier juge a considéré que l’odeur dégagée par l’unité de méthanisation à construire n’étant pas plus désagréable que celle actuellement dégagée par la porcherie existante, il n’y avait pas d’urgence à statuer dans le cadre d’un référé suspension.
Ensuite, assez classiquement, il est rappelé qu’en principe, en référé, l’instruction est close à l’audience sauf si le juge des référés décide d’en différer la clôture en avisant les parties. Si des mémoires sont produits postérieurement à la clôture et sont communiqués par le juge aux parties, cette communication constitue ipso facto une réouverture de l’instruction : le juge ne peut en ce cas se dispenser de convoquer et d’entendre les parties avant de rendre son ordonnance.
(26 mai 2021, M. B. et autres, n° 436902 et n° 436904)
104 - Éoliennes terrestres - Contentieux de l’installation - Compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel - Extension à l’ensemble des actes en relation avec l’autorisation d’installation d’éoliennes - Renvoi de l’affaire à la CAA.
(5 mai 2021, SCEA Ferme de la Puce, n° 448036) V. n° 17
105 - Moulins à eau – Éléments du patrimoine hydraulique – Préservation (L. 214-18-1 c. environnement) – Dispense de soumission à l’obligation de continuité écologique des cours d’eau (art. L. 214-17, I, 2° c. env.) – Usinier fondé en titre antérieurement à la publication de la loi du 24 février 2017 – Obligation de mise en conformité ne pouvant être imposée – Erreur de droit – Cassation sans renvoi.
L’art. L. 214-17 du code de l’environnement institue une obligation de continuité écologique des cours d’eau ; le 2° du I décide que sera établie « Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant ». Toutefois, dans le souci de maintenir le patrimoine hydraulique de la France, notamment constitué de moulins à eau, la loi du 24 février 2017 a inséré dans le code de l’environnement un art. L. 214-18-1 dont le Conseil d’État considère, au vu des travaux préparatoires de cette loi, qu’il exonère de l’obligation susrappelée l'ensemble des moulins à eau bénéficiant d'un droit de prise d'eau fondé en titre ou d'une autorisation d'exploitation à la date de publication de la loi.
La société requérante, propriétaire d’une centrale hydroélectrique sur le cours d'eau l'Andelle, installation initialement autorisée par une ordonnance royale du 30 janvier 1839, a demandé la remise en service de la centrale. Le préfet a subordonné cette remise en service à la délivrance de l'autorisation d'exploiter et au constat par le service de police de l'eau, notamment, de la mise en conformité des installations à la continuité écologique (circulation piscicole des espèces migratrices et transit sédimentaire). Estimant cette exigence injustifiée, la société a saisi en vain, les juges administratifs du premier et du second degré puis, après cassation d’un premier arrêt d’appel et renvoi à la même cour, elle saisit à nouveau le Conseil d’État d’un second pourvoi dirigé contre le rejet d’une partie de ses conclusions.
Constatant que l’autorisation délivrée par l’ordonnance royale du 30 janvier 1839 était toujours en vigueur à la date de publication de la loi de 2017 et qu’ainsi la société était un usinier fondé en titre, le Conseil d’État juge que c’est à tort que la cour administrative d’appel a estimé que la dispense prévue à l’art. L. 214-18-1 précité n'était pas applicable aux exploitants de moulins hydrauliques antérieurement soumis à une obligation de mise en conformité en application de l'article L. 232-6 du code rural, devenu l'article L. 432-6 du code de l'environnement, désormais remplacé par les dispositions de l'article L. 214-7 du même code, qui n'auraient pas respecté le délai de cinq ans qui leur avait été octroyé par ces dispositions pour mettre en oeuvre cette obligation. En effet, le bénéfice de l’art. L. 214-18-1 n’est pas subordonné au respect de cette condition.
La cassation intervenant pour la seconde fois dans ce litige, le juge statue au fond pour décider non opposables, dans le cas de l’espèce, les dispositions du 2° du I de l’art. L. 214-17 du code de l’environnement.
(31 mai 2021, Sarl MDC HYDRO, n° 400043)
106 - Installations classées pour la protection de l’environnement – Édification d’un ensemble de stockage, de logistique et de bureaux de 110 522 m2 - Obligation de prescriptions s’imposant à l’autorité de police administrative pour la protection de l’environnement – Obligation pour le juge de justifier son opinion sur l’existence d’atteintes à l’environnement et l’insuffisance des prescriptions imposées à cet effet par l’autorité administrative – Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la juridiction qui juge qu’un projet porte aux intérêts protégés par l’art. L. 511-1 du code l’environnement (santé, nature, agriculture, paysage, etc.) des atteintes telles qu’aucune prescription additionnelle ne permettrait d’éviter, sans indiquer la teneur de ces atteintes ni en quoi les prescriptions prévues par l’autorisation administrative, éventuellement complétées de prescriptions supplémentaires, seraient insuffisantes pour les prévenir.
Ceci traduit parfaitement le caractère de plein contentieux des pouvoirs du juge des installations classées pour la protection de l’environnement.
(31 mai 2021, SAS Castorama, n° 434542 ; Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 434603)
(107) V. aussi la solution identique retenue, sur le territoire de la même commune, concernant l’autorisation d’exploiter une installation de stockage de matières, produits ou substances combustibles d'une capacité maximale de 1 677 600 m3 : 31 mai 2021, Société Logiprest, n° 434576 ; Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 434604, jonction)
État-civil et nationalité
108 - Décret rapportant un précédent décret octroyant la nationalité française - Reconnaissance frauduleuse de paternité annulée par le juge judiciaire - Absence de vie commune avec le prétendu père - Invocation non démontrée des effets de l'annulation en droit camerounais - Rejet.
C'est sans illégalité que le premier ministre, constatant que Mme D. n'avait obtenu un titre de séjour puis la nationalité française que par suite de l'affirmation mensongère d'un tiers prétendant être le père de son enfant et l'ayant reconnu comme tel, a abrogé le décret lui conférant la nationalité française. Le juge judiciaire a annulé cette reconnaissance du fait de son caractère frauduleux.
Cette décision, compte tenu des circonstances de fait, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle, du fait de sa démarche de naturalisation, elle aurait perdu la nationalité camerounaise n'étant pas établie, elle ne saurait invoquer l'état d'apatridie - interdit par la Convention de Genève de 1951 de la part d'un acte étatique - dans lequel elle se trouverait désormais.
(3 mai 3021, Mme D., n° 442212)
(109) V. aussi, dans le cas du rejet d'un recours dirigé contre le décret rapportant pour fraude du fait de déclarations mensongères (notamment pour s'être déclaré sans enfants alors qu'il en a six...), le décret réintégrant un ressortissant béninois dans la nationalité française : 3 mai 2021, M. B., 442966.
(110) V. encore, jugeant que ne fait pas une inexacte application de la loi la décision du premier ministre refusant à une ressortissante centrafricaine l'octroi de la nationalité française par mariage avec un ressortissant français du fait de sa condamnation pour violences par ascendant sur un mineur : 3 mai 2021, Mme C., n° 443941.
111 - Opposition à un décret autorisant un changement de nom - Nom patronymique de la mère - Risque de confusion exclu - Rejet.
Est rejetée l'opposition à un décret autorisant une personne portant un nom à consonance étrangère à changer de nom pour prendre celui de sa mère, fondée sur le risque de confusion allégué par l'opposant, qui n'a d'ailleurs pas le même nom, et qui n'est pas établi.
(3 mai 2021, M. Hervé D., n° 443146)
112 - Relèvement d’un nom – Nom en voie d’extinction – Nom devant avoir été porté par une personne de nationalité française – Annulation.
Commet une erreur de droit l’arrêt qui estime que le relèvement d'un nom menacé d'extinction peut être accordé sans qu'il soit établi que l'ascendant dont le nom est recherché a possédé la nationalité française, la procédure de relèvement de nom n’étant instituée qu’à seule fin de préserver le patrimoine onomastique français.
(28 mai 2021, M. U., n° 441856)
113 - Opposition à l’acquisition de la nationalité française par mariage – Indignité - Étranger condamné pour diverses infractions – Infractions en lien avec une entreprise terroriste – Non-lieu prononcé par le juge judiciaire du chef de cette dernière – Violation de la règle de droit – Annulation.
Le Premier ministre s'est opposé à l’acquisition, par un ressortissant marocain, de la nationalité française par son mariage avec une française en raison de ce qu’il a été reconnu coupable d'avoir commis en 1995 de façon réitérée des faits de falsification de documents d'identité, permis de séjour et permis de conduire et d'avoir pénétré irrégulièrement sur le territoire français en 1988, faits pour lesquels il a été condamné à 18 mois d'emprisonnement et à une interdiction du territoire de trois ans. Il a estimé que ces faits avaient été commis en relation avec une entreprise terroriste, certains des documents falsifiés ayant été utilisés par des personnes poursuivies de ce chef, et qu’ils étaient d'une gravité telle qu'ils le rendaient indigne d'acquérir la nationalité française.
Toutefois, pour annuler ce refus, le Conseil d’État relève que le requérant a fait l’objet de la part du juge judiciaire (TGI et cour d’appel) d’une décision de non-lieu pour le chef d'association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer un acte de terrorisme car il ne connaissait pas les utilisateurs des documents falsifiés. Par ailleurs, la demande de l’intéressé d'être relaxé de la circonstance aggravante que les faits qui lui étaient reprochés auraient été commis en relation avec une entreprise à caractère terroriste a été rejetée non du fait de l'existence d'une telle circonstance, mais au motif que si ces faits présentaient un lien de connexité avec des actes de terrorisme, cette connexité, prévue par les dispositions de l'article 706-6 du code de procédure pénale, n'était ni une infraction nouvelle, ni une circonstance aggravante, mais le fondement d'une règle de procédure justifiant en particulier la compétence de la juridiction saisie pour juger des infractions de droit commun connexes avec les actes de terrorisme.
Ainsi, le Premier ministre, n'apporte en réalité aucun autre élément au soutien de sa décision et il a fait une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil en estimant que ces faits, anciens, rendaient l'intéressé indigne d'acquérir la nationalité française à la suite de son mariage.
(28 mai 2021, M. A., n° 438058)
Étrangers
114 - Demandeur d'asile - Demande rejetée par l'OFPRA - Décision régulièrement envoyée mais prétendument non reçue par son destinataire - Effet sur le délai de recours contentieux - Absence - Forclusion - Rejet.
Sa demande d'asile ayant été rejetée par l'OFPRA, un ressortissant forme un recours contre cette décision du 17 décembre 2018 devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), son recours est déclaré irrecevable pour cause de forclusion car formé le 10 mai 2019. Le requérant soutient n'avoir découvert, indirectement, la décision litigieuse qu'en avril 2019 en raison des problèmes de distribution du courrier imputables à l'association gestionnaire de la distribution du courrier du centre d'hébergement où il était domicilié, ainsi qu'en atteste une responsable de cette association. Toutefois, ce motif n'est pas retenu dans la mesure où la notification qui lui a été faite, le 17 décembre 2018, à l'adresse qu'il avait indiquée a été retournée à l'OFPRA avec la mention " présenté / avisé " le 4 janvier 2019 et la case " pli avisé et non réclamé " cochée.
(3 mai 2021, M. B., n° 436227)
115 - Carte de séjour mention « vie privée et familiale » - Remise volontaire aux autorités françaises - Renonciation au droit de résidence en France - Référé liberté en vue de la restitution du titre - Absence d'urgence au sens de l'art. L. 521-2 CJA - Confirmation de l'ordonnance de rejet.
Ne commet pas d'erreur d'appréciation le juge du référé de l'art. L. 521-2 CJA qui, saisi par une ressortissante ivoirienne d'une demande d'injonction à adresser à l'autorité administrative de lui restituer son titre de séjour alors qu'elle avait spontanément remis elle-même ce titre, déclarant par là renoncer au droit de résidence en France, considère que n'est pas remplie en l'espèce la condition d'urgence particulière à l'art. L. 521-2 du CJA.
(4 mai 2021, Mme B., n° 451915)
116 - Réfugié – Principe de l’unité de la famille – Principe général du droit applicable aux réfugiés – Inapplication au bénéficiaire de la seule protection subsidiaire – Autorité de la chose jugée en sens contraire ne pouvant prévaloir sur le champ d’application de la loi – Cassation pour erreur de droit et sans renvoi.
Dans cette importante décision, où était en cause le principe de l’unité de la famille, principe général du droit des réfugiés, le Conseil d’État apporte deux précisions d’importance.
Tout d’abord, il est affirmé que si le principe de l'unité de la famille est au nombre des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, tels qu'ils résultent notamment de la convention de Genève du 28 juillet 1951 (art. 1er A 2°, issu du protocole de New-York du 31 janvier 1967), le droit des réfugiés résultant de cette convention n'est pas applicable aux personnes relevant du régime de la protection subsidiaire, défini tant par le § 1 de chacun des art. 16 et 19 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 (concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection), que par les dispositions de droit interne qui en assurent la transposition.
Ensuite, en dépit de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une première décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), celle-ci entache d’erreur de droit une seconde décision fondée sur ce motif dès lors que la solution précédemment adoptée méconnaissait le champ d’application de la loi.
La cassation est prononcée avec renvoi à la CNDA.
(28 mai 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n° 433970)
117 - Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – Délai de convocation à l’audience devant la Cour – Délai de trente jours (art. R. 532-32 CESEDA) – Délai franc.
Par une solution purement prétorienne, le Conseil d’État décide qu’a le caractère d’un délai franc, le délai de trente jours fixé par l’art. R. 532-32 (ex-art. R. 733-19) du CESEDA séparant la date de l’envoi de l’avis d’audience aux parties devant la CNDA du jour où leur affaire sera appelée à l’audience.
(28 mai 2021, M. et Mme A., n° 438847)
118 - Demande d’asile – Demande présentée dans un autre État de l’Union européenne – Acceptation par cet État de la prise en charge de l’intéressé – Exclusion par principe du grief de traitement inhumain ou dégradant sauf preuve d’une défaillance systémique – Preuve non rapportée – Rejet.
Le Conseil d’État pose en principe, très logiquement et pour la première fois avec une telle netteté, à propos d’un demandeur afghan de protection internationale en Suède que : « eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations ».
(28 mai 2021, M. A., n° 447956)
Fonction publique et agents publics
119 - Abandon de poste - Radiation des cadres - Information suffisante donnée à l’agent sur les effets d’une non reprise - Annulation de la radiation - Erreur de droit - Cassation et renvoi.
Lorsqu’un agent public encourt sa radiation des cadres pour cause d’abandon de poste, il incombe à l’autorité administrative compétente d’indiquer à l’intéressé que s’il ne défère pas à cette obligation, il s'expose à une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Cette information constitue une garantie pour l’agent concerné. Faute de celle-ci, la radiation serait irrégulière.
Dans la présente affaire la cour administrative d’appel avait jugé irrégulière la procédure de radiation des cadres consécutive à un abandon de poste, au motif d’une information incomplète de l’agent. Si cette appréciation des pièces du dossier relève du pouvoir souverain des juges du fond et si elle n’est pas entachée de dénaturation, le juge de cassation relève toutefois que pour y parvenir la cour a jugé que le centre hospitalier ne pouvait utilement se prévaloir, pour soutenir que Mme B. n'avait pas été privée d'une garantie, de ce que l'intéressée n'avait pas retiré le pli contenant la mise en demeure, envoyé à son domicile par courrier recommandé avec accusé de réception, après qu'un avis de passage avait été déposé à son domicile.
Dès lors que l'absence de réception de ce courrier n’était le fait que de sa destinataire, la cour devait en tenir compte pour apprécier si et dans quelle mesure le vice entachant les termes de la mise en demeure avait privé l'intéressée d'une garantie ; en omettant cette analyse la cour a commis une erreur de droit conduisant à la cassation de son arrêt.
(6 mai 2021, Centre hospitalier Sud Francilien, n° 428957)
120 - Titularisation d’agents dans certains corps de catégorie A de la fonction publique – Garantie d’une rémunération minimale à quotité de travail inchangée – Plancher de 70% - Hypothèse d’un agent à temps partiel, avant comme après la titularisation – Annulation.
Le décret du 23 décembre 2006 (art. 7, I et 12, II) relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'État, a prévu qu’en cas de titularisation dans certains corps de catégorie A de la fonction publique l’agent, à quotité de travail inchangée, ne pourrait pas toucher dans son corps de titularisation une rémunération inférieure à 70% de celle qu’il percevait antérieurement.
En l’espèce, la requérante travaillait à temps partiel avant sa titularisation et continue à exercer à temps partiel après cette titularisation. Cette circonstance, selon le Conseil d’État et contrairement à ce que soutenait le ministre de l’agriculture et à ce qu’ont jugé le tribunal administratif et la cour administrative d’appel, est sans effet sur le seuil de 70% qui s’applique à des quotités inchangées, ce qui est le cas en l’espèce. La solution est tout à fait logique.
Injonction est faite au ministre de fixer le traitement de la requérante à l'indice le plus proche de celui lui permettant d'obtenir un traitement mensuel brut égal à 70 % de sa rémunération mensuelle antérieure intégrant le solde de la prime de service et de résultats versé en juillet.
(18 mai 2021, Mme B., n° 447953)
121 - Enseignants – Notion de fonctions « accomplies dans des conditions d'exercice difficiles ou sur des fonctions particulières » - Fonctions prises en compte pour un accès à la classe exceptionnelle – Fonctions non définies par la loi – Renvoi à un décret – Incompétence – Annulation.
La loi du 5 juillet 2010 (art. 39) a prévu que les textes portant statuts particuliers de certains corps de fonctionnaires, dont ceux des enseignants, peuvent « subordonner l'avancement de grade à l'exercice préalable d'autres fonctions impliquant notamment des conditions d'exercice difficiles ou comportant des missions particulières ». Le décret du 4 juillet 1972, dans la version que lui a donnée l’art. 59 du décret du 5 mai 2017, dispose au I de son art. 13 sexies que « Peuvent être promus au grade de professeur agrégé de classe exceptionnelle, au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, les professeurs agrégés qui, à la date d'établissement dudit tableau, ont atteint au moins le 2e échelon de la hors-classe, et justifient de huit années de fonctions accomplies dans des conditions d'exercice difficiles ou sur des fonctions particulières au sein d'un corps enseignant, d'éducation ou de psychologue relevant du ministère de l'éducation nationale.
La liste de ces fonctions est fixée par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique. (...) ». Un arrêté en ce sens a été pris par le ministre chargé de l’éducation le 10 mai 2017 modifié par un arrêté du 8 avril 2019.
Le recours tendait précisément à l’annulation du 3° de l'article 1er et de l'article 2 de l'arrêté du 8 avril 2019 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministre de l'action et des comptes publics modifiant l'arrêté du 10 mai 2017, fixant la liste des conditions d'exercice et des fonctions particulières des personnels des corps enseignants d'éducation et de psychologue au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prises en compte pour un avancement à la classe exceptionnelle.
Le motif du recours, retenu par le juge, reposait sur le fait que c’est illégalement que les dispositions du décret de 2017, dans sa version 2019, ont renvoyé purement et simplement à un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique le soin d'établir la liste de ces fonctions, sans définir au préalable, avec une précision suffisante, les modalités suivant lesquelles cette condition doit être appréciée.
La disposition litigieuse, entachée d’incompétence, est annulée.
(19 mai 2021, Syndicat national des agents publics de l'éducation nationale (SNAPEN), n° 430342)
122 - Instruction de la secrétaire générale des ministères économiques et financiers – Instruction relative au recrutement et à l’emploi d’agents contractuels dans ces ministères – Fixation de la rémunération des agents contractuels recrutés pour vacance temporaire d’emploi - Rejet de la demande d’abrogation d’une des dispositions de l’instruction – Disposition illégale – Annulation.
Le Conseil d’État juge que doit être annulé, conformément à la demande du requérant, le point 2.6 de l’instruction de la secrétaire générale des ministères économiques et financiers relative au recrutement et à l’emploi d’agents contractuels dans ces ministères, en ce qu’elle décide que la rémunération des agents contractuels recrutés par les ministères économiques et financiers pour vacance temporaire d'emploi est en principe uniquement déterminée en fonction de la catégorie d'emploi occupée par l'agent alors que le décret du 17 janvier 1986, pour l’application duquel cette instruction a été prise, impose, en ce cas, de prendre en compte, outre les fonctions occupées, « la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience ».
(27 mai 2021, M. D., n° 431998)
123 - Agent du centre de coopération policière et douanière de Tournai (Belgique) – Demande de versement d’une indemnité et de remboursement de frais de mission – Affectation permanente et sans limitation de durée – Absence de droit au remboursement de ses frais de transport ou au paiement d'indemnités de mission – Absence de droit à une indemnité de fidélisation en secteur difficile – Rejet.
Un fonctionnaire de police en poste à la direction interrégionale de la police judiciaire de Lille, a été affecté, à sa demande, au centre de coopération policière et douanière de Tournai (Belgique), créé en vertu d'un accord de coopération transfrontalière en matière policière et douanière passé entre les gouvernements français et belge. Il y exerce, sous l'autorité de sa hiérarchie française, des missions de lutte contre l'immigration irrégulière et la délinquance transfrontalière. Il a sollicité, d’une part, le remboursement de ses frais de transport ou le paiement d'indemnités de mission et, d’autre part, le versement de l’indemnité de fidélisation en secteur difficile susceptible d’être attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale.
Un refus lui ayant été opposé, il a saisi, en vain, la juridiction administrative et se pourvoit en cassation. Son pourvoi est rejeté.
Le Conseil d’État juge que c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a estimé : 1°/ que son affectation à Tournai étant permanente et sans limitation de durée, les trajets quotidiens effectués par le demandeur entre ce lieu et celui de son domicile ne pouvaient pas être considérés comme des déplacements temporaires au sens et pour l’application du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État sans que fasse obstacle à cette conséquence la circonstance que l'administration considérait que la résidence administrative de l'intéressé restait à Lille et qu'elle lui avait établi des ordres de mission mensuels pour exercer ses fonctions à Tournai.
2°/ qu’en raison de son affectation à Tournai, le requérant ne pouvait pas être regardé, pour l’application de l’art. 2 du décret du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale, comme exerçant ses attributions dans la circonscription de sécurité publique de Lille et cela en dépit de ce que la zone d'intervention du centre de coordination comporte, aux termes de l'accord intergouvernemental précité, les cinq départements de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, de la Meuse et de la Meurthe-et Moselle.
La solution est particulière rude sur ce dernier point.
(27 mai 2021, M. B., n° 439075)
(124) V., identique, s’agissant d’un agent affecté au poste de contrôle conjoint des frontières franco-britanniques à Coquelles et à Douvres : 27 mai 2021, M. A., n° 440017.
Hiérarchie des normes
125 - Loi d’habilitation à prendre des ordonnances de l’art. 38 – Champ d’application de l’habilitation – Ordonnance du 22 avril 2020 prise sur le fondement de la loi d’habilitation du 23 mars 2020 – Régime de consultation des instances représentatives du personnel – Dispositions de l’ordonnance excédant le champ de l’habilitation – Annulation.
Les organisations requérantes soutenaient que la loi d'habilitation du 23 mars 2020 dite d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, n’autorisait pas le gouvernement, sur la base de cette habilitation, à réduire, comme il l’a fait par l’art. 9 de l’ordonnance attaquée, les délais d'information et de consultation des comités sociaux et économiques, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités.
Le Conseil d’État confirme cette analyse en se fondant, outre les termes de la loi d’habilitation, sur l'exposé des motifs du projet de loi devenu la loi du 23 mars 2020 et les travaux parlementaires en ayant précédé l'adoption. Il considère que ceux-ci permettaient de prendre des mesures ayant pour objet, pour celles figurant au b) du 1° du I de l'article 9 de cette loi et relatives aux modalités d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, d'organiser la consultation des instances représentatives du personnel par voie dématérialisée, et, pour celles figurant au b) du 2° du I du même article et relatives à l'adaptation, l'interruption, la suspension et le report du terme de certains délais, d'instaurer un moratoire sur les délais qu'elles mentionnent et ainsi en reporter le terme.
En revanche, aucune de ces dispositions n'habilitait le Gouvernement à réduire les délais d'information et de consultation des comités sociaux et économiques, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités.
Il s’ensuit que les dispositions des I et II de l'article 9 de l'ordonnance du 22 avril 2020 méconnaissent le champ de l'habilitation donnée au Gouvernement par les dispositions figurant au onzième alinéa du b) du 1° du I de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 ou au b) du 2° du I du même article, il en va de même de celles figurant aux III, IV et V qui en sont indivisibles. Comme l’ordonnance litigieuse a cessé d’être en vigueur rien ne s’oppose à la portée rétroactive de l’annulation ainsi prononcée étant sauve au demeurant la faculté d’actions indemnitaires éventuelles du chef de préjudices causés par l’organisation de procédures irrégulières.
(19 mai 2021, Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), n° 441031 ; Union syndicale Solidaires et le Syndicat des avocats de France, n° 441218 et n° 441221, jonction)
126 - Décret d’application d’une loi – Obligation s’imposant à l’autorité détentrice du pouvoir réglementaire – Refus de prendre dans un délai raisonnable les mesures d’exécution de la loi – Office du juge de l’excès de pouvoir constatant ce refus – Annulation assortie d’injonction.
Rappel avec une certaine solennité, d’une part, de l’obligation, pour le gouvernement, de prendre les mesures d’exécution des lois et, d’autre part, de l’étendue de l’office du juge constatant le manquement d’exécution :
« 2. (…) L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus du pouvoir réglementaire de prendre les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'une autorité administrative d'édicter les mesures nécessaires à l'application d'une disposition législative, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d'un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision ».
(27 mai 2021, Association Compassion in World Farming France (CWIF France), n° 441660)
Libertés fondamentales
127 - Référé liberté - Liberté d'association - Dissolution d'une association - QPC - Rejet - Respect du contradictoire au stade de la décision administrative - Racisme et xénophobie - Style et idéologie paramilitaires - Absence de disproportion - Rejet.
En procédant par le décret attaqué, du 3 mars 2021, à la dissolution de l'association requérante, le président de la république a pris, d'une part, une décision qui ne justifie aucune QPC à l'encontre des dispositions législatives servant de fondement à la mesure prise et, d'autre part une décision régulière car fondée sur des faits non inexactement qualifiés, sur le constat de comportements, écrits, style et idéologie racistes, xénophobe, avec attitudes, objectifs et enseignements de nature paramilitaire tombant sous le coup des dispositions des 2° et 6° de l'art. L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et d'ailleurs déjà sanctionnés par le juge pénal.
La suspension sollicitée est refusée par un juge des référés statuant en formation collégiale, le fait est notable.
(ord. réf. format. collég., 3 mai 2021, Association Génération identitaire, M. B. et Mme C., n° 451743)
128 - Liberté d'aller et de venir – Covid-19 - Déplacements au départ de Mayotte - Compétence transférée au préfet - Nature juridique inchangée du contrôle du motif impérieux - Recours à une procédure dématérialisée - Respect du secret médical - Rejet.
Les demandeurs, qui ne contestent pas la nécessité de disposer d'un motif impérieux justifiant le déplacement au départ de Mayotte, sollicitent la suspension de l'exécution des dispositions complétant l'article 57-2 du décret du 16 octobre 2020, issues du décret du 17 février 2021, ainsi libellées :
" III. - Dans les collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, le représentant de l'État est habilité, lorsque les circonstances locales le justifient, à exiger que la déclaration sur l'honneur et le document mentionnés au II lui soient adressés au moins 6 jours avant le déplacement contre récépissé.
La personne présente, avant l'embarquement, le récépissé mentionné à l'alinéa précédent. A défaut, l'embarquement est refusé et la personne est reconduite à l'extérieur des espaces concernés. Il en va de même lorsque le représentant de l'Etat a informé la personne concernée et l'entreprise de transport, au plus tard 48 heures avant le déplacement, que la déclaration et le document adressés ne permettent pas de retenir l'une des exceptions mentionnées au premier alinéa du I.
Les délais mentionnés au présent III ne sont pas applicables en cas d'urgence justifiée par l'intéressé auprès du représentant de l'État ".
Ils soutiennent que le transfert au représentant de l'État du contrôle de l'existence d'un motif impérieux de déplacement ne présente aucun intérêt en termes de santé publique, que la compétence ainsi transférée aux services préfectoraux change la nature juridique du contrôle de l'existence d'un motif impérieux de déplacement et qu'enfin est irrégulière l'exigence de ces services du recours uniquement à une procédure dématérialisée que rien n'autorise.
Ces griefs sont rejetés, le premier car ce transfert permet, au contraire, au préfet d'organiser un contrôle plus efficace, le deuxième parce que rien n'est changé à la nature du contrôle, en particulier s'agissant du respect du secret médical et le troisième parce qu'il est sans incidence sur des conclusions qui ne tendent qu'à la suspension de cette disposition.
(4 mai 2021, M. B. et association "Le Collectif des citoyens de Mayotte", n° 451779)
129 - Liberté de culte – Covid-19 - Ramadan (célébration de la « nuit du destin ») - Ouverture des mosquées dans la nuit du 8 au 9 mai 2021 - Refus justifié par l’état sanitaire - Rejet.
Les requérantes demandaient au juge du référé liberté d’enjoindre à l'Etat de faire droit à la demande formulée dans le courrier du recteur de la Grande mosquée de Paris au ministre de l'intérieur en autorisant l'ouverture des mosquées en France du samedi 8 mai 2021 à 21 heures, au dimanche 9 mai 2021 à 2 heures, avec des consignes sanitaires strictes prévues par une circulaire interne.
La demande est rejetée car bien qu’elle constitue une liberté fondamentale, la liberté de culte doit composer avec le souci de protection de la santé. A cet égard, l’état de la situation épidémiologique justifie l’interdiction de sortir entre 19 heures et 6 heures d’autant qu’a été autorisée l’ouverture des mosquées dès la première prière du matin et qu’il est possible de suivre un service religieux par voie dématérialisée.
L’atteinte ainsi portée à la liberté en cause ne revêt pas un caractère excessif.
(6 mai 2021, Associations Société des Habous et Lieux Saints de l'Islam et Fédération de la Grande Mosquée de Paris, n° 452144)
130 - Étranger – Demande d’admission au bénéfice d’un accueil provisoire d’urgence – Obligations incombant au département – Contrôle du juge – Rejet.
Le requérant avait sollicité en vain du juge des référés de première instance qu’il enjoigne au département de la Gironde de l'admettre au bénéfice de l'accueil provisoire d'urgence dans une structure agréée au titre de la protection de l'enfance, adaptée à son âge et à la prévention des risques de propagation de la Covid-19 et de prendre en charge ses besoins alimentaires, sanitaires ainsi que médicaux, et ce dans un délai de douze heures à compter de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ait définitivement statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil.
Il interjette appel de l’ordonnance de rejet.
Après avoir rappelé les exigences de procédure et de fond applicables, l’auteur de l’ordonnance d’appel indique qu’au cas où le département refuse de saisir l'autorité judiciaire au motif que l'intéressé n'aurait pas la qualité de mineur isolé, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend normalement irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département. Toutefois, le juge du référé liberté peut enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire s’il lui apparaît que l'appréciation portée par le département sur l'absence de qualité de mineur isolé de l'intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité.
Appliquant en l’espèce ce double contrôle (appréciation d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation et risque immédiat pour l’intéressé) à un ressortissant bangladais, il juge comme devant être manifestement rejeté l’appel dont il a été saisi.
(4 mai 2021, M. A., n° 451735)
(131) V. les solutions identiques retenues dans le cas de ressortissants maliens (4 mai 2021, M. B., n° 451736 ; 4 mai 2021, M. A., n° 451737).
132 - Droit de visite et d’accès, par des parlementaires, à des étrangers en zone d’attente (art. L. 343-5 CESEDA) – Étrangers en zone de transit – Régime différent applicable – Absence de droit d’accès privilégié des parlementaires – Rejet.
Des passagers de nationalité algérienne en provenance du Royaume-Uni, se trouvant en transit à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, n'ont pu, avant la fermeture des frontières de l'Algérie, embarquer sur les derniers vols de rapatriement organisés par les autorités de ce pays et affrétés par Air Algérie. Des solutions ont pu être trouvées pour 28 d’entre eux, un seul restant maintenu dans la zone de transit internationale de l'aéroport de Roissy.
Un député ayant manifesté sa volonté d'organiser une visite auprès des ressortissants alors toujours présents, en compagnie de plusieurs journalistes, il lui a été indiqué oralement une réponse négative faute d'avoir régulièrement formulé une demande d'accès à une zone de sûreté à accès réglementé.
Il demande au juge des référés du Conseil d’État d’annuler l’ordonnance de première instance qui a rejeté sa demande tendant à ce qu’il soit fait injonction à l’autorité administrative de lui permettre, dans un délai de quarante-huit heures, de « visiter tout lieu en zone sous douane ou internationale dans lequel des ressortissants algériens sont implicitement maintenus ».
Pour rejeter son appel, le juge indique que le droit d’accès privilégié des parlementaires n’est reconnu que dans les zones d’attente et leurs extensions éventuelles (cf. art. L. 343-5 CESEDA) et dans les lieux privatifs de liberté. En l’espèce, le ressortissant algérien seul restant d’un groupe dont les autres membres ont trouvé des solutions leur permettant de sortir, se trouve dans une zone de transit internationale, laquelle est soumise à un régime juridique différent de celui des zones d’attente et il n’y existe pas un droit d’accès privilégié au bénéfice des parlementaires tant sur le fondement de la législation interne que sur celui de stipulations de conventions internationales. Son appel est rejeté.
Pour faire reste de raison sans y être obligé par les conclusions de la requête, le juge des référés, fidèle à sa fonction de pacification, ajoute que la personne en question a refusé toutes les autres solutions qui lui ont été proposées ne voulant qu’un retour direct vers l’Algérie et que ses conditions de vie, sa santé et ses possibilités de communication avec l’extérieur ne constituent pas une situation d’urgence.
Par ailleurs, si des ressortissants indiens sont actuellement maintenus dans une extension de la zone d’attente de l’aéroport de Roissy créée au sein de la zone de transit internationale, le député requérant ne s’est pas vu refuser l’accès à cette zone d’attente étendue ; au reste celle-ci a été visitée par le juge des libertés et de la détention, l’agence régionale de santé, le président du tribunal judiciaire et le bâtonnier.
(ord. réf. 11 mai 2021, M. A., n° 452068)
133 - Étranger – Russe originaire de Tchétchénie - Réfugié politique en Pologne – Refus d’octroi de cette qualité en France – Retrait de sa qualité par la Pologne – Recevabilité de la demande de réexamen du refus opposé par la France - Décision de refus – Recours encore pendant devant la CNDA – Menace grave pour la France - Arrêté préfectoral d’OQTF désignant la Pologne comme État de destination – Avis négatif de la CNDA concernant l’expulsion en raison des risques encourus en Russie – Arrêtés ministériels d’expulsion en urgence absolue et fixation de la Russie comme pays de destination – Rejet du référé liberté.
L’incipit de cette notule éclaire suffisamment le lecteur sur les données de l’affaire ; celle-ci est rapportée ici afin d’illustrer les limites et les difficultés du référé liberté. En définitive le juge de ce référé est saisi ici d’une requête formée par des étrangers contre une mesure d’éloignement vers la Russie entièrement exécutée au moment où il rend son ordonnance. Que peut-il faire ? A peu près rien et c’est bien normal car il n’est qu’un juge de l’urgence : qu’ordonner, en ce cas, qui soit exécutable à bref délai ? Quelle que pourrait être – le cas échéant – la gravité de l’atteinte voire l’évidence de son illégalité, portée à la situation des requérants, le juge ne peut, avec effets concrets sous 48 heures, ni ordonner à la Russie quelque chose car il n’a pas compétence sur ce territoire, ni même enjoindre l’État français de saisir les autorités russes dans un certain sens, ceci relevant des relations internationales de la France.
C’est seulement par un recours au fond qu’aurait pu soit être contestée la légalité de la succession des mesures prises soit être mise en cause la responsabilité de la France à raison des dommages consécutifs à la prise d’une décision illégale.
(ord. réf. 17 mai 2021, M. C. et Mme D., n° 451754)
134 - Liberté d’aller et de venir – Mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance – Ancienneté des faits reprochés (deux ans) sans incidence sur la légalité de la mesure – Faits non sérieusement contestés ou démentis par des justifications du requérant – Absence de caractère manifestement illégal de l’atteinte portée à la liberté d’aller et de venir du requérant – Rejet.
Le requérant contestait les motifs de sa soumission, par arrêté du ministre de l’intérieur, pris sur le fondement des articles L. 228-1 et s. du code de la sécurité intérieure, à une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance impliquant en particulier l’interdiction de sortir des limites de la commune ainsi que l’obligation de présentation quotidienne ou de déclaration d'adresse, en tentant d’en démontrer ou démentir la réalité et/ou la gravité. Il demandait au juge d’appel l’annulation du jugement ayant rejeté sa requête.
Comme les premiers juges, le Conseil d’État estime que l’intéressé a droit au bénéfice de l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle ; en revanche, il considère que le motif retenu en première instance pour rejeter la demande pour défaut d’urgence du fait de la situation sanitaire ne peut être admis, cette situation ayant fortement évolué. Cependant, au fond, il juge que la double circonstance, d’une part, que les faits reprochés remontent à la mi-2019 et d’autre part qu’il a déjà été fait usage d’un premier renouvellement de la mesure de contrôle, ne prive pas de pertinence les motifs sur lesquels s’est fondé le ministre de l’intérieur pour prendre la décision contestée.
Par ailleurs, le juge se dit non convaincu par les prétendues critiques du demandeur à l’égard desdits motifs et relève plusieurs faits récents qui corroborent les craintes du ministre de l’intérieur.
L’appel est rejeté, ces motifs suffisant à justifier le dispositif de l’ordonnance attaquée.
(ord. réf. 21 mai 2021, M. Reda B., n° 452330)
Police
135 - Référé liberté - Édifice menaçant ruine - Démolition complète - Compétence exclusive du juge judiciaire - Suspension pour trois mois de l’arrêté de péril - Appel de l’ordonnance - Communication d’une nouvelle étude - Démolition nécessaire du seul mur mitoyen - Annulation de l’ordonnance du premier juge.
Le juge du référé liberté avait été saisi en première instance d’une demande de suspension de l’exécution de mesures d’urgence ordonnées par un arrêté municipal de péril. Estimant que l’ensemble de ces mesures constituait en réalité une démolition de l’édifice, le premier juge s’est fondé sur ce que, en ce cas, le second alinéa de l’art. L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation exige l’autorisation préalable du juge judiciaire et il a suspendu, à cet effet, pour trois mois l’exécution de l’arrêté litigieux.
En appel, le juge des référés du Conseil d’Etat avait avisé les parties que sa décision était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce que la démolition prescrite par l'arrêté en litige devait, compte tenu de son ampleur, être regardée comme une démolition complète au sens du second alinéa de l'article L. 511-19 du code de la construction et de l'habitation, laquelle ne peut être ordonnée, sur le fondement de cette disposition, qu'après autorisation du juge judiciaire. Cependant, à la faveur d’une clôture retardée de l’instruction, la commune défenderesse appelante a produit une étude attestant que, dans un premier temps, seule la démolition d’un mur mitoyen s’avérait nécessaire. Par suite, la suspension ordonnée en première instance ne se justifiait plus.
(7 mai 2021, Commune de Marseille, n° 457848)
136 - Stationnement abusif de véhicules sur un parking de transport international routier plateforme douanière – Ordonnance de référé enjoignant au préfet, sous quinzaine, de procéder à l’enlèvement des véhicules occupant abusivement – Stationnement sur une dépendance du domaine public routier – Compétence exclusive du juge judiciaire – Annulation de l’ordonnance pour incompétence du juge administratif saisi.
Saisi par un syndicat de copropriétaires d’une action tendant à faire évacuer des véhicules stationnant abusivement sur un parking de transport international routier, le juge administratif enjoint au préfet de faire procéder sous quinze jours à l’enlèvement de ces véhicules.
Saisi par le ministre de l’intérieur qui soutenait irrégulière l’ordonnance en ce qu’elle fait injonction à un préfet d’exercer son pouvoir de substitution à celui du maire alors qu’un tel pouvoir n’existe pas dans les départements d’Alsace et de Moselle, le Conseil d’État, au visa de dispositions du code de la route (art. L. 325-1, L. 325-3, L. 325-11 et L. 417-1), annule ce jugement pour incompétence du juge administratif, l’enlèvement de véhicules irrégulièrement stationnés sur une dépendance du domaine public met en œuvre des pouvoirs de police judiciaire dont le contentieux relève exclusivement du juge judiciaire.
(11 mai 2021, Ministre de l’Intérieur, n° 447948)
137 - Police du permis de conduire – Suspension du permis pour excès de vitesse – Excès constaté par un jugement définitif du juge pénal – Autorité de ce jugement sur le juge administratif – Caractère absolu – Moyen d’ordre public pouvant être soulevé pour la première fois en cassation – Annulation.
Un tribunal administratif avait annulé l’arrêté préfectoral suspendant le permis de conduire d’un automobiliste motif pris de ce que l’excès de vitesse invoqué n’était pas établi.
Le ministre de l’intérieur, auteur du pourvoi, produit pour la première fois devant le juge de cassation un jugement pénal condamnant l’automobiliste pour les mêmes faits d’excès de vitesse. L’autorité qui s’attache aux constatations de fait du juge pénal étant absolue, le moyen tiré de celles-ci est d’ordre public et peut être invoqué pour la première fois en cassation.
Le jugement querellé est annulé.
(27 mai 2021, Ministre de l’Intérieur, n° 436815)
138 - Stationnement des véhicules – Forfait de post-stationnement – Cession du véhicule – Cas de mise à la charge du vendeur du paiement de ce forfait – Rejet d’une QPC.
Le VII de l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales dispose : « (...) Lorsque, à la suite de la cession d'un véhicule, le système enregistrant les informations mentionnées à l'article L. 330-1 du code de la route (« Il est procédé, dans les services de l'Etat et sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, à l'enregistrement de toutes informations concernant les pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules ou affectant la disponibilité de ceux-ci ») mentionne un acquéreur qui n'est pas le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, l'acquéreur est substitué au titulaire dudit certificat dans la mise en oeuvre des dispositions prévues aux II et IV du présent article ".
Ainsi, si, normalement, le débiteur du forfait de post-stationnement et de sa majoration éventuelle est la personne titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule à la date d'émission de l'avis de paiement de ce forfait, toutefois en cas de cession du véhicule, son acquéreur est le débiteur du forfait de post-stationnement dès lors que le vendeur a cédé son véhicule avant l'émission de l'avis de paiement et a procédé à la déclaration prévue par l'article R. 322-4 du code de la route avant cette date ou, en tout état de cause, dans le délai de quinze jours prévu à cet article.
C’est donc à tort que le requérant soutient que ces dispositions sont inconstitutionnelles en ce qu’elles porteraient atteinte au droit du propriétaire d'un véhicule de le céder ou méconnaîtraient la liberté contractuelle du vendeur et de l'acquéreur garantie par l'article 4 de la Déclaration de 1789, car ces dispositions n’ont pour objet que de fixer l'identité du débiteur du forfait de post-stationnement en cas de cession d'un véhicule.
Le paiement du forfait de post-stationnement ne peut donc être mis à la charge du vendeur du véhicule que dans deux hypothèses :
- lorsque l'avis de paiement est émis dans un délai de quinze jours suivant la vente du véhicule, qui est celui dont dispose le vendeur pour accomplir son obligation de déclaration, et qu'aucune déclaration de vente n'est effectuée par lui dans ce délai ;
- lorsque l'avis de paiement est émis après ce délai de quinze jours et que le vendeur n'a, à la date d'émission de cet avis, toujours pas déclaré la vente de son véhicule.
De la sorte, le vendeur n’est débiteur des avis de paiement émis pour le stationnement du véhicule qu'il a vendu que s’il a négligé d'en signaler la vente. Le législateur, contrairement à ce qui est soutenu au pourvoi, n'a ainsi pas porté une atteinte excessive à son droit de propriété, tel que garanti par la Déclaration de 1789.
(28 mai 2021, M. A., n° 447267)
(139) V. aussi, du même jour et avec même solution, les 34 autres décisions n° 447269, n° 447270, n° 447272, n° 447274, n° 447275, n° 447276, n° 447277, n° 447278, n° 447281, n° 447283, n° 447284, n° 447285, n° 447287, n° 447288, n° 447289, n° 447290, n° 447291, n° 447297, n° 447299, n° 447300, n° 447301, n° 447302, n° 447304, n° 447305, n° 447306, n° 447311, n° 447312, n° 447313, n° 447314, n° 447315, n° 447316, n° 447317, n° 447318, n° 447325.
Professions réglementées
140 - Masseurs-kinésithérapeutes - Obligation au secret - Pièces produites dans une instance disciplinaire - Nécessité du débat contradictoire - Appréciation du caractère probant - Cassation sans renvoi et rejet au fond.
Le requérant, masseur-kinésithérapeute, a porté plainte devant l’instance ordinale, en raison des soins délivrés à son ex-compagne par l’un de ses confrères en méconnaissance de ses obligations déontologiques. Au cours de la procédure il a produit des pièces dont il est estimé qu’elles sont couvertes par le secret professionnel.
Sa plainte a été rejetée en première instance et en appel au motif que même si le confrère poursuivi a admis avoir eu effectivement recours, pour sa patiente, à la technique controversée, cette information ayant été portée à la connaissance de l’instance ordinale disciplinaire en violation du secret médical, elle faisait obstacle à ce que le juge disciplinaire se prononce sur le point de savoir s’il avait été, ou non, fait usage de cette technique.
Le Conseil d’Etat casse la décision déférée en posant en principe que : « la circonstance que des pièces produites au cours d'une instance disciplinaire le seraient en méconnaissance d'une obligation de secret qui pèse sur la partie qui les produit ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que le juge disciplinaire fonde sa décision sur les pièces en question ou les éléments qu'elles révèlent. Il incombe seulement au juge, après avoir soumis ces pièces au débat contradictoire, de tenir compte de leur origine et des conditions dans lesquelles elles ont été produites pour en apprécier, au terme de la discussion contradictoire devant lui, le caractère probant. »
La solution, si elle peut surprendre en ce qu’elle pourrait paraître faire bon marché du secret professionnel, doit cependant être approuvée pour son réalisme et son adéquation raisonnable au droit pour tout justiciable d’apporter la preuve de ses affirmations surtout dans un milieu professionnel où la part prise par le secret pourrait rendre impossible toute action ou très illusoire son résultat pratique.
Le recours est toutefois rejeté au fond, le juge de cassation estimant que n’est pas rapportée la preuve des allégations du demandeur.
(6 mai 2021, M. B., n° 4290759)
141 - Pharmaciens - Ressortissante française ayant obtenu un diplôme de pharmacien en Équateur - Diplôme reconnu par équivalence en Espagne - Demande d’autorisation d’exercer en France - Diplôme non délivré dans l’UE ou l’Espace européen - Différences des conditions par rapport à la France - Mesures compensatoires imposées par le ministre de la santé - Légalité - Rejet.
C’est sans illégalité que saisi d’une autorisation d’exercer la pharmacie en France par une ressortissante française ayant obtenu son diplôme en Équateur et son équivalence en Espagne, le ministre de la santé subordonne cette autorisation, à son choix, à l’une des deux mesures compensatoires suivantes : soit subir une épreuve d'aptitude portant sur la totalité du cursus de formation de la pharmacie clinique en France, soit effectuer un stage d'adaptation de vingt-quatre mois de fonctions hospitalières rémunérées dans le cadre d'un statut d'associé au sein d'un service agréé pour la formation des internes en pharmacie.
C’est en vain que l’intéressée se prévaut de dispositions du droit de l’Union européenne alors que son diplôme n’a été délivré ni dans l’Union ni dans l’Espace économique européen.
Par ailleurs, l’équivalence espagnole ne fait pas obstacle à ces mesures compensatoires au regard des différences substantielles concernant les qualifications requises pour l'accès à la profession de pharmacien et pour son exercice en France.
(6 mai 2021, Mme A., n° 432620)
142 - Médecins – Poursuites disciplinaires engagées par une agence régionale de santé – Omission de réponse à moyen – Annulation.
Est entachée d’insuffisance de motivation pour omission de réponse à l’un des deux moyens soulevés devant lui, la décision de relaxe d’un médecin prononcée par le conseil national de l’ordre des médecins qui ne statue pas sur le grief tiré d’un manquement du médecin poursuivi aux dispositions de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique en s'abstenant de se rendre au chevet du patient avant de décider de l'opération au milieu de la nuit, en dépit des appels des infirmières, alors que les rectorragies avaient repris aux environs de 20 heures et s'étaient aggravées à partir de 22 heures 30 jusqu'au transfert du patient au bloc opératoire à 3 heures du matin.
(7 mai 2021, Ministre des solidarités et de la santé, n° 437980)
143 - Médecin psychiatre – Signalements à l’autorité judiciaire – Présomption de faits de violences sexuelles sur enfant par ascendant – Manquement aux obligations déontologiques – Absence – Méconnaissance du champ d’application de la loi – Cassation avec renvoi.
Une médecin psychiatre adresse plusieurs signalements au procureur de la république sur des faits présumés de violences sexuelles commis au préjudice d'un enfant mineur et susceptibles d'être attribués à son père. Ce dernier porte plainte contre le médecin devant la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins. Sa plainte, rejetée en première instance, est accueillie par le conseil national de l’ordre des médecins qui inflige la sanction de trois mois d’interdiction d’exercer la médecine à la praticienne, pour avoir, par son signalement à l’autorité judiciaire, manqué à ses obligations déontologiques.
Celle-ci se pourvoit en Conseil d’État qui casse la décision ordinale nationale.
Le conseil national s‘était fondé, pour infliger la sanction, sur les dispositions de l’art. R. 4127-76 du code de la santé publique, selon lesquelles : « Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience ».
Ce jugeant, le conseil national s’est mépris sur le champ d’application de la loi puisque, dans le cas de l’espèce, la praticienne est intervenue sur le fondement des dispositions de l’art. R. 4127-44 du code précité qui est relatif à l’alerte donnée sur la situation d'un patient mineur susceptible d'être victime de sévices ou privations et qui a pour objet de transmettre à ces autorités tous les éléments utiles qu'il a pu relever ou déceler dans la prise en charge de ce patient, notamment des constatations médicales, des propos ou le comportement de l'enfant et, le cas échéant, le discours de ses représentants légaux ou de la personne accompagnant l'enfant soumis à son examen médical. Les attestations et autres certificats ou signalements fournis dans ce cadre ne ressortissent pas de l’art. R. 4127-74 dont a fait application le conseil de l’ordre, d’autant que selon ce dernier texte les documents en question ne peuvent reposer que sur des constatations médicales et sont susceptibles d’être remis au patient ou à ses représentants légaux.
L’affaire est renvoyée au conseil national.
(19 mai 2021, Mme D., n° 431346)
(144) V. aussi : 19 mai 2021, Mme C., n° 431352.
145 - Chirurgien-dentiste – Sanction disciplinaire – Procès-verbaux de conciliation concernant d’autres dossiers – Utilisation dans un dossier postérieur – Décision disciplinaire en partie fondée sur ces pièces – Annulation – Rejet.
C’est sans erreur de droit que le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes annule la sanction disciplinaire infligée à un confrère par le conseil départemental requérant en se fondant sur que ce dernier s’était appuyé, pour décider de la sanction, sur trois procès-verbaux de conciliation afférents à d'autres faits et concernant d'autres patientes.
(27 mai 2021, Conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes, n° 431548)
146 - Chirurgien-dentiste – Recours à des procédés de publicité – Non-conformité de la prohibition générale de publicité (art. R. 4127-215 c. santé pub.) au regard du droit de l’Union – Prohibition de l’exercice de la profession dentaire « comme un commerce » - Manquements – Sanction – Confirmation et réformation partielles de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes.
Un chirurgien-dentiste et le cabinet auquel il appartient se pourvoient en cassation contre une décision de la chambre disciplinaire de l’ordre des chirurgiens-dentistes leur infligeant la sanction de l'interdiction d'exercer la profession pendant un mois et dix jours.
Le Conseil d’État relève en premier lieu que la chambre disciplinaire a commis une erreur de droit en jugeant que le 3° de l’art. R. 4127-215 du code de la santé publique, qui dispose que sont interdits aux chirurgiens-dentistes « Tous procédés directs ou indirects de publicité », n’était pas contraire au droit de l’Union alors qu’il résulte de l‘art. 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dans l’interprétation qu’en donne la CJUE (4 mai 2017, Luc Vanderborght, aff. C-339/15), que sont incompatibles avec ce droit les dispositions réglementaires qui interdisent de manière générale et absolue toute publicité et toute communication commerciale par voie électronique, telles que celles qui figurent au 3° de l'article R. 4127-215 précité.
Le Conseil d’État relève ensuite que les intéressés ont commis divers manquements (mentions, parfois inexactes figurant sur un site internet ; contenu d’un reportage radiophonique ; contenu d’un courrier adressé aux adhérents d’une mutuelle, etc.) à l’interdiction de pratiquer leur profession « comme un commerce » (même art., 1er alinéa), justifiant l’infliction d’une sanction d’interdiction d’exercice pendant un mois.
(27 mai 2021, M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko, n° 420178)
Question prioritaire de constitutionnalité
147 - Contribution à l’audiovisuel public - Cas des professionnels - Obligation déclarative de détention d’appareils - Sanction uniforme, non modulable et indéfiniment cumulable - Atteinte aux principes de proportionnalité et d’individualisation des peines - Absence - Atteinte au droit de propriété et au principe d’égalité - Absence - Refus de renvoi de la QPC.
La société requérante contestait la constitutionnalité des dispositions du 2. de l’art. 1840 W ter du CGI qui punit d’une amende de 150 euros par appareil l’omission ou l’inexactitude des déclarations que doivent souscrire les détenteurs d’appareils récepteurs de télévision ou de tout autre dispositif assimilé. Elle invoquait au soutien de sa QPC la violation de quatre droits ou principes constitutionnels : tous ses griefs sont rejetés.
Tout d’abord, cette amende, selon le juge, ne porterait atteinte ni au principe de proportionnalité ni au principe d’individualisation des peines car, par son caractère dissuasif, elle poursuit un but de lutte contre la fraude fiscale lequel est un objectif de valeur constitutionnelle et, par son montant, elle n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’avantage procuré par la fraude.
Ensuite, pas davantage ce mécanisme ne porterait atteinte au droit de propriété et au principe d’égalité en dépit du caractère indéfiniment cumulable des amendes encourues et de la différence des sanctions infligées aux particuliers, pour lesquels le montant de 150 euros ne constitue qu’un plafond et les professionnels pour lesquels ce montant est infrangible.
(7 mai 2021, Société Batouche Investissements, n° 449641)
148 - Prélèvement de solidarité affecté au budget général de l’État (art. 235 ter du CGI) – Loi de financement de la sécurité sociale du 22 décembre 2018 pour 2019 - Application aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2018 – Atteintes alléguées à la non-rétroactivité de la loi, au principe d’égalité devant la loi et à ceux de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi – Absence – Refus du renvoi d’une QPC.
Une nouvelle fois est mise en lumière la nocivité du principe selon lequel, en France, le fait générateur de l’impôt est la date du 31 décembre de l’année d’imposition. Les contribuables sont ainsi dans l’ignorance des conséquences fiscales attachées aux actes et aux faits dont ils sont les auteurs et les destinataires, se produisant entre le 1er janvier et le jour du vote de la loi de finances de l’année ou de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), généralement dans la dernière semaine de décembre compte tenu du calendrier constitutionnel. Dire, comme le fait le juge, qu’il n’y a pas là d’atteinte au principe de non rétroactivité de la loi est une affirmation peu convaincante et persister depuis des années à le répéter, décision après décision, constitue une obstination déraisonnable.
En l’espèce, l’art. 26 de la loi LFSS du 22 décembre 2018 pour 2019, qui substitue à plusieurs prélèvements sociaux antérieurs un prélèvement de solidarité (cf. cf. art. 235 ter du CGI) entièrement affecté désormais au budget général de l’Etat, décide au A de son IX que ce prélèvement s’applique aux faits générateurs d'imposition intervenant à compter du 1er janvier 2019 et, au C de son XIV, qu’il s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018 pour ce qui concerne les prélèvements assis sur les revenus mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.
Les auteurs de la QPC soutiennent tout d’abord que le C du XIV de cet art. 26, en modifiant les règles d'affectation du produit de prélèvements sociaux dont le fait générateur est déjà intervenu à la date de leur entrée en vigueur, aurait pour effet de porter atteinte à une situation légalement acquise et de remettre en cause les effets pouvant légitimement en être attendus par les contribuables, tenant à la faculté pour ces derniers de se prévaloir, en vue d'obtenir la décharge des prélèvements auxquels ils ont été assujettis, du principe d'unicité de législation sociale garanti par l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Cet argument est rejeté au motif que « (…) les règles d'affectation du produit d'une imposition de toute nature, qui traduisent les choix opérés par le législateur pour le financement de l'action publique, que celui-ci a la faculté de modifier à tout moment, ne sauraient être regardées, pour le redevable légal de cette imposition, comme présentant le caractère d'une situation légalement acquise à la date de son fait générateur », ce qui se conçoit fort bien, et le juge d’ajouter, ce qui se conçoit nettement moins bien, « Par suite, en se bornant à affecter au budget général de l'Etat le produit de prélèvements fiscaux recouvrés à compter du 1er janvier 2019, alors même que leur fait générateur serait antérieur à cette date, les dispositions du C du XIV de l'article 26 (…), dénuées de toute portée rétroactive, ne portent atteinte à aucune situation légalement acquise. Par ailleurs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la faculté de se prévaloir des règles d'affectation du produit d'une imposition en vue d'en obtenir la décharge constituerait un effet de la législation dont le maintien pourrait être légitimement attendu. Ces dispositions ne sont, par suite, pas susceptibles de porter atteinte à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la Déclaration du 26 août 1789. » On peine à voir en quoi le second passage cité est la conséquence nécessaire et liée du passage précédent. Flotte ici un parfum de paralogisme.
Les autres moyens soulevés au soutien de la QPC sont rejetés à leur tour : les nouvelles dispositions, si elles instituent une différence de traitement entre les résidents fiscaux français affiliés au régime obligatoire de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France réalisant une plus-value de cession de valeur mobilière au titre d'une année antérieure à 2018, selon que le recouvrement des prélèvements sociaux dus à raison de cette plus-value intervient avant ou après le 1er janvier 2019, seuls les premiers étant susceptibles de se prévaloir de l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 au soutien de leur contestation de ces prélèvements, ne portent pas cependant atteinte au principe d’égalité devant la loi fiscale car cette différence de traitement « résulte de la seule faculté dont dispose à tout moment le législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier les textes antérieurs ». Certes, mais qu’est-ce que cela change au regard de l’argumentation dont le juge était saisi ?
Enfin, il n’est pas davantage porté atteinte aux principes de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi.
Le renvoi de la QPC est refusé.
(11 mai 2021, M. et Mme B., n° 450972)
149 - Enseignement supérieur – Organisation à titre expérimental de certains enseignements et formations en matière de santé – Inégalité de traitement entre établissements publics et établissements privés d’enseignement supérieur – Refus de transmission d’une QPC.
La fédération requérante, à l’appui de sa demande d’annulation du décret n° 2020-553 du 11 mai 2020 relatif à l'expérimentation des modalités permettant le renforcement des échanges entre les formations de santé, la mise en place d'enseignements communs et l'accès à la formation par la recherche, pris pour l’application de l'article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019, a soulevé la question de la conformité de cette disposition aux droits et libertés garantis par la Constitution.
La demande de renvoi au Conseil constitutionnel est rejetée d’abord s’agissant de deux griefs : en premier lieu, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence en ce que l’article contesté ne définirait pas avec une précision suffisante l'objet et les conditions de l'expérimentation qu'il institue et en prévoyant que la durée de l'expérimentation est de six ans et, en second lieu, du fait de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, l’un et l’autre griefs ne pouvant pas être invoqués au soutien d’une QPC.
Ensuite, contrairement à ce qui est soutenu, l’article litigieux n’a ni pour objet ni pour effet de conférer davantage de prérogatives aux universités qu'aux établissements privés d'enseignement supérieur dans la mise en oeuvre de l'expérimentation et, par suite, ne saurait non plus être utilement invoquée l’atteinte à la liberté de l'enseignement, à l'égal accès à la formation professionnelle, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle en ce qu'il désavantagerait les établissements privés d'enseignement supérieur par rapport aux universités.
(18 mai 2021, Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP), n° 441760)
150 - Acte réglementaire – Défaut de caractère législatif – Rejet de la demande de renvoi d’une QPC.
Ne peut faire l’objet d’un renvoi en tant que QPC le recours dirigé contre le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire car, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, ce texte ne revêt pas le caractère de « dispositions législatives » au sens et pour l’application de l’art. 61-1 de la Constitution.
(20 mai 2021, Mme A., n° 446079)
151 - Établissements fermés par mesure administrative anti-Covid – Loyers et charges locatives afférentes aux locaux professionnels ou commerciaux – Mesures de protection pour certains d’entre eux seulement (art. 14, loi du 14 novembre 2020) – Atteinte au principe d’égalité – Formation d’une QPC – Rejet.
Les requérantes se plaignaient que les mesures protectrices arrêtées par le législateur (art. 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020) en faveur d’entreprises frappées de fermeture par mesure de police administrative sanitaire du fait de l’urgence épidémique, concernant le paiement de leurs loyers et charges locatives, n’étaient applicables qu’à certaines d’entre elles seulement. Voyant dans cette différence de traitement une atteinte au principe constitutionnel d’égalité, elles soulèvent une QPC.
Celle-ci est rejetée car, d’une part, en réservant ce dispositif aux entreprises les plus vulnérables financièrement et disposant d’un moindre pouvoir de négociation avec les bailleurs, le législateur a retenu des critères objectifs et pertinents au regard des objectifs de la loi et, d’autre part, les entreprises requérantes sont éligibles à d’autres dispositifs d’aide qui ne reposent pas sur la taille des entreprises.
(28 mai 2021, Société Buger King France et autres, n° 450256)
Responsabilité
152 - Vaccination obligatoire contre l’hépatite B - Agent d’écoles maternelles - Lien de causalité direct entre vaccination et atteintes dommageables aux reins - Préjudices réparables - Conditions - Recours subrogatoire de la sécurité sociale - Conditions et limites de son exercice - Rejet pour l’essentiel.
Une agente municipale des écoles maternelles de Paris, à laquelle son statut fait obligation d’être vaccinée contre l’hépatite B soutient que cette vaccination lui a causé des préjudices dont elle a demandé réparation. Le Conseil d’Etat est saisi de deux pourvois principaux et d’un pourvoi incident. D’une part, la CPAM de Paris demande l’annulation de l’arrêt d’appel en tant, notamment, qu’il ne l’a pas mise, contrairement à l’exigence légale, en état d’exercer son action subrogatoire et qu’il comporte un certain nombre d’irrégularités. D’autre part, la victime conteste le montant global de la réparation qui lui a été alloué, certains chefs de préjudices n’auraient pas été indemnisés. A titre incident la Ville de Paris, conteste l’existence d’un lien de causalité avec le dommage invoqué par la demanderesse.
C’est ce pourvoi qui est examiné en premier car sa solution commande tout le reste de l’affaire. Pour le rejeter, le juge de cassation relève que la cour administrative d’appel, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, a jugé que le lien de causalité litigieux n’était pas exclu par les données acquises de la science ainsi qu’il résulte du rapport d’expertise d’autant que l'intéressée, antérieurement en bonne santé, ne présentait pas d'antécédents la prédisposant à une affection rénale et que la maladie était apparue dans un bref délai après la troisième injection vaccinale. Une fois le pourvoi incident rejeté, il est passé à l’examen des deux pourvois principaux.
Celui de la victime ne soulevait guère de difficulté : il était reproché à la cour l’absence ou l’insuffisance de réparation de trois chefs de préjudice mais l’un d’eux n’avait pas été invoqué devant elle, le deuxième n’était pas justifié dans son existence et, pour le troisième, le montant retenu semble, au juge de cassation, être exempt de dénaturation des pièces du dossier. Le rejet de ces conclusions est prononcé.
Plus délicate était la difficulté soulevée par la CPAM et c’est ce point qui constitue l’apport principal de l’arrêt.
La caisse, appelée en cause par le tribunal administratif, a demandé que ses droits soient « réservés », mais n’a pas présenté de conclusions. Le tribunal administratif ayant rejeté la demande de Mme A., cette dernière a interjeté appel. La cour administrative d'appel a appelé en cause la CPAM mais celle-ci n'a pas présenté de conclusions. Par son pourvoi, la CPAM demande l'annulation de cet arrêt au motif qu'il ne l'a pas mise à même d'obtenir le remboursement par la Ville de Paris des dépenses de soins et de transport exposées pour Mme A.
Sur ce point, le Conseil d’Etat relève que la circonstance qu’en l’espèce la caisse, pourtant régulièrement appelée en cause en première instance, n'a pas présenté de conclusions devant le tribunal administratif, est sans incidence sur l'obligation qui incombait à la cour administrative d'appel, saisie d'un appel contre ce jugement, de la mettre en cause. Elle fait en revanche obstacle à ce que la caisse présente devant la cour administrative d'appel des conclusions tendant au remboursement de sommes exposées par elle antérieurement au jugement de première instance. Or en l’espèce, la cour, si elle a régulièrement invité la caisse à présenter ses conclusions en qualité de partie appelée à l'instance introduite par l'appel de Mme A., a omis de la convoquer à l'audience au cours de laquelle elle a examiné cet appel et ne lui a, en outre, communiqué certaines pièces du dossier, dont le rapport d'expertise, que postérieurement à l'audience.
L’arrêt est certes sur ce point évidemment entaché d’irrégularité mais il n’en demeure pas moins qu’en première instance, alors qu’elle avait été régulièrement appelée en cause, la caisse n’a pas présenté de conclusions subrogatoires. Elle ne pouvait donc prétendre en appel qu’au seul remboursement des prestations nouvelles servies par elle postérieurement au jugement de première instance. Il suit de là que l’irrégularité de l’arrêt d’appel ne lui ouvre droit qu’à solliciter dans cette seule limite son annulation.
(6 mai 2021, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, n° 421744 ; Mme A., n° 425597, jonction)
153 - Responsabilité hospitalière - Perte de chance fautive - Calcul du taux de perte de chance - Erreurs de droit - Cassation.
Au cours d’un accouchement difficile, une manœuvre pour faciliter l’expulsion de l’enfant a provoqué une paralysie du plexus brachial. L’indemnisation qu’ils avaient obtenue en première instance ayant été fortement réduite en appel, les intéressés se pourvoient en cassation.
Se posait le désormais classique débat sur l’indemnisation de la perte de chance dont le Conseil d’Etat rappelle, dans sa formulation habituelle, la méthodologie de calcul : « Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. »
En l’espèce, la cour a estimé que la manœuvre effectuée, après diagnostic d’une dystocie des épaules, ayant été particulièrement contre-indiquée, cet acte fautif était en lien causal direct non avec le préjudice subi mais avec la perte de chance d’éviter la survenue de celui-ci.
Elle a entrepris d’évaluer le taux indemnisable de cette perte de chance. Tout d’abord, a été retenu un taux de 50% de la perte de chance de ne pas subir la paralysie du plexus brachial, dont ont été déduits, d’une part, 20% en raison de la rapidité d’intervention de l’équipe obstétricale, d’autre part 15 % en raison des poids excessifs de la mère et de l’enfant en dépit des consignes données à cet égard durant la grossesse. Le taux de perte de chance a donc été fixé à 15%. C’est sur ces deux déductions que porte la cassation.
Le Conseil d’Etat estime, à juste raison, qu’une double erreur de droit a été commise : d’abord, la bonne exécution des manœuvres obstétricales après le geste erroné commis par la sage-femme était seulement de nature à ne pas aggraver la perte de chance d'une naissance sans dommage et donc à ne pas accroître ce taux ; elle ne pouvait avoir pour résultat une diminution du taux de perte de chance comme l’a jugé erronément la cour ; ensuite, la fixation initiale par la cour à 50% du taux de cette perte tenait déjà nécessairement compte, du fait des surpoids de la mère et de l’enfant, de la probabilité d’un accouchement dystocique en l'absence de toute faute de l'établissement, elle ne pouvait donc tenir compte une seconde fois de cet élément.
La cassation et le renvoi à la cour sont opérés dans cette mesure.
(6 mai 2021, M. E. et Mme B., n° 428154)
154 - Vaccination contre le virus H1N1 – Indemnisation du préjudice subi du fait de l’impossibilité d’exercer son métier à l’avenir – Calcul de l’indemnité déduction faite du revenu de solidarité active versé à l’intéressé – Rejet.
On retiendra surtout de cette décision que, prolongeant une tendance jurisprudentielle trentenaire, elle estime que c’est sans erreur de droit qu’une cour administrative d’appel détermine l’indemnisation à laquelle a droit un plombier atteint de paralysie faciale du fait d’une vaccination contre le virus H1N1, en déduisant le montant du RSA versé désormais à la victime.
(27 mai 2021, M. A., n° 431557)
155 - Responsabilité hospitalière à raison d’un dispositif ou produit médical défectueux – Indemnisation de la victime - Action en remboursement de l’assureur contre le fournisseur – Action récursoire et non subrogatoire – Prescription décennale (art. 1386-16 c. civ.) – Rejet.
A la suite d’un accident médical intervenu dans un centre hospitalier du fait de l’utilisation d’un dispositif médical défectueux, l’assureur du centre, après avoir indemnisé la victime, a entendu se retourner contre la société ayant livré ce dispositif à son assuré, le centre hospitalier, dans les droits duquel il s’estimait subrogé.
Son action est rejetée en première instance et en appel pour forclusion, l’art. 1386-16 du Code civil instituant une prescription décennale de la responsabilité du producteur non fautif d’un produit défectueux à partir de sa mise en circulation.
Tout d’abord, la société productrice du produit qui s’est révélé défectueux l’avait mis en circulation en 2004 du fait de sa livraison au centre hospitalier et l’action introduite par la demanderesse l’a été en 2016, soit après expiration du délai décennal.
Ensuite, le centre hospitalier, s’il a bien eu la qualité d’utilisateur du produit pour l’avoir mis en œuvre n’en est pas pour autant producteur au sens de l’art. L. 1386-7 du Code civil. L’assureur a donc indemnisé la victime à raison de la responsabilité encourue à son égard par son assuré, le centre hospitalier, du fait des conséquences dommageables de la défaillance d’un produit utilisé par ce dernier.
Enfin, par suite, l’action de l’assureur contre le producteur ne reposait pas sur le lien de subrogation existant entre l’assureur et le centre hospitalier mais sur le droit d’action propre et directe de l’assureur contre le producteur, il constituait donc une action récursoire comme celle dont aurait disposé le centre hospitalier envers le producteur ou fournisseur.
L’expiration du délai décennal était donc bien opposable à la demanderesse, ainsi que jugé par la cour.
(27 mai 2021, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 433822)
156 - Dommage corporel – Nécessité de l’assistance d’une tierce personne – Détermination du taux horaire – Indifférence de la circonstance d’une aide apportée par un membre de la famille – Annulation.
Le juge rappelle à nouveau que, pour fixer le taux horaire du coût de l’assistance d’une tierce personne pour pourvoir aux besoins d’un enfant accidentellement handicapé par la faute d’un établissement hospitalier il convient de se fonder soit sur le montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit sur les tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.
En revanche, la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime ne saurait être retenue pour effectuer cette détermination à la baisse.
(27 mai 2021, Mme F. et autres, n° 433863)
157 - Immatriculation d’un véhicule – Demande électronique effectuée sur le site de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – Action en responsabilité du fait du préjudice causé par le dysfonctionnement du site – Action rejetée comme mal dirigée – Annulation du jugement et renvoi.
Une banale affaire de dysfonctionnement d’une plate-forme internet conduit le Conseil d’État à adopter une solution très innovante, particulièrement intelligente et bienvenue, susceptible de connaître bien d’autres applications que celle du cas de l’espèce.
Le requérant, désireux – et obligé - de faire immatriculer un véhicule qu’il venait d’acquérir, a choisi de le faire sur le site internet du ministère de l’intérieur ; il lui a alors été demandé de se connecter sur la plate-forme de l’ANTS où sa demande a été dument enregistrée avant l’expiration du délai légal, le 15 janvier. Alors que cette immatriculation doit intervenir au plus tard dans le mois de l’achat du véhicule, l’intéressé a constaté que le 19 avril, le site de l’ANTS indiquait qu’aucune demande à son nom n’était en cours. Las d’attendre, il s’est adressé à un intermédiaire et a obtenu son certificat d’immatriculation le 7 mai. Il a entendu être réparé du préjudice ainsi causé, soit près de cinq mille euros. Le tribunal administratif a rejeté son recours comme étant mal dirigé : alors qu’il avait été porté contre l’ANTS, établissement public distinct de l’État, il aurait dû l’être contre l’État pris en la personne du ministre de l’intérieur. Devant un imbroglio d’autant plus injuste que les procédures sur internet, avec renvoi de l’État à un établissement public, sont opaques, le Conseil d’État adopte une solution radicale d’ailleurs généreusement extrapolée des textes. Celui-ci énonce : « 5. (…) lorsqu'un usager demande à l'Etat la délivrance d'un titre sécurisé pour lequel l'Agence nationale des titres sécurisés exerce ses missions et qu'il doit, en conséquence, s'enregistrer sur la plate-forme de cet établissement public, les dysfonctionnements ou retards qui peuvent survenir à l'occasion des différentes étapes au cours desquelles, successivement, les données sont transmises par l'agence aux services de l'Etat, ceux-ci instruisent la demande et, si le titre est octroyé, l'agence assure son édition et son acheminement, tout en ayant en charge, tout au long du processus, un soutien à l'usager, peuvent avoir différentes causes, qui sont susceptibles d'engager, selon le cas, la responsabilité de l'agence ou celle de l'Etat mais dont l'usager n'est pas en mesure d'identifier l'auteur.
6. Par suite, lorsqu'un usager adresse une réclamation préalable à l'Agence nationale des titres sécurisés afin d'obtenir la réparation de préjudices qu'il estime avoir subis en raison de dysfonctionnements ou de retards lors de la délivrance, par cette agence, d'un titre sécurisé, cette réclamation doit être regardée comme adressée à la fois à l'agence et à l'Etat. Conformément aux dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, cette réclamation doit être transmise par l'agence à l'autorité compétente de l'Etat, laquelle, en l'absence de réponse expresse de sa part, est réputée, en vertu de l'article L. 231-4 du même code, l'avoir implicitement rejetée à l'expiration du délai de deux mois suivant sa réception par l'agence. »
Cette solution est d’autant plus bienvenue qu’elle rappelle que toutes les procédures électroniques n’ont un caractère démocratique que si elles présentent non seulement des avantages pour les administrations publiques mais encore, et surtout, pour les administrés alors que l’on a parfois le sentiment que n’est recherché que le seul confort des administrations.
(27 mai 2021, M. A., n° 439199)
158 - Tempête Xynthia (27-28 février 2010) – Action subrogatoire d’un assureur – Action dirigée contre la commune, l’État et une association syndicale autorisée – Partage des responsabilités – Exception de force majeure – Rejets et annulation pour l’essentiel.
La société Assurances du Crédit Mutuel IARD a demandé la condamnation solidaire ou subsidiaire l'un à défaut de l'autre, de la commune de la Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay (ASVL) à lui payer diverses sommes (indemnités compensant les dommages matériels directs, indemnisations de biens en valeur à neuf et valeur d'usage et honoraires d’expertise) qu’elle a versées à ses assurés victimes de l'inondation consécutive à la tempête Xynthia. Le tribunal administratif, puis la cour administrative d’appel, ont accordé ce qui leur était demandé.
Le Conseil d’État est saisi de trois pourvois principaux émanant chacun de l’une des trois personnes publiques condamnées en 1ère instance puis en appel ainsi que d’un pourvoi incident de la société d’assurances ACM IARD.
Sauf ce dernier, les autres pourvois sont rejetés au terme d’une analyse portant sur de nombreuses questions juridiques.
En premier lieu, il est jugé, en réponse à un argument de la commune, que l’assureur subrogé dans les droits de l’assuré est fondé à se prévaloir de la subrogation légale instituée par le code des assurances (art. L. 121-12) même lorsque l'état de catastrophe naturelle a été déclaré et alors même qu'il se serait réassuré contre ce risque. C’est l’un des apports principaux de la décision.
En deuxième lieu, répondant à la ministre de l’écologie représentant l’État, le juge de cassation apporte quatre précisions importantes. 1°/ La cour n’a pas inexactement qualifié les faits en jugeant fautive la sous-estimation par les services de l’État, dans le cadre du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) pour la commune de la Faute-sur-Mer, de l’aléa de référence par rapport au reste du littoral vendéen. 2°/ Elle n’a pas commis d’erreur de droit en estimant cette faute en lien causal direct avec les préjudices invoqués, d’autant qu’étaient insuffisantes pour les prévenir tant la délimitation des zones inconstructibles que la définition des prescriptions particulières à appliquer dans certaines autres zones. 3°/ La cour n’a pas, non plus, inexactement qualifié les faits en jugeant qu’en sa qualité d’autorité de tutelle de l’association syndicale l’État avait commis une faute lourde en n’exerçant pas sur ses ouvrages, notamment la digue Est, ses pouvoirs de tutelle dans un délai raisonnable, en ne lui adressant pas une mise en demeure ou en ne prenant pas une mesure d’exécution d’office des travaux qui s’imposaient. 4°/ Malgré la gravité des agissements et négligences du maire qui ont conduit à sa condamnation pénale, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que ces faits ne constituaient point une faute personnelle détachable du service dans la mesure où ils ne manifestaient pas une intention de nuire et ne visaient point à satisfaire des intérêts personnels.
En troisième lieu, sur le pourvoi de l’ASVL, le Conseil d’État donne acte d’une contradiction entre les motifs de l’arrêt et son dispositif concernant les pourcentages de parts respectives de responsabilité puis rejette les quatre autres moyens qu’elle invoquait : 1°/ la tempête Xynthia, ainsi que l’a jugé la cour, ne constituait pas un cas de force majeure n’étant ni imprévisible ni irrésistible. 2°/ en dépit de la circonstance que l’ASVL n’était pas propriétaire de la digue Est, ses statuts, d’une part, disposaient que « L'association a pour but l'entretien des ouvrages et l'exécution des travaux en cours ou à entreprendre pour prévenir des graves dangers qu'une rupture du littoral (...) et l'invasion de la mer qui en serait la conséquence feraient courir aux terrains (...) situés (...) sur la rive gauche du Lay entre la côté et le canal du Luçon inclusion faite de la digue Est de la Faute-sur-Mer. (...) En outre, l'association pourra exécuter à l'intérieur de son périmètre tous travaux d'intérêt général de défense contre les inondations » et, d’autre part, lui en confiaient « l'entretien, le terrassement, le renforcement et l'exhaussement des digues de la rive droite du Lay Maritime situées sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer assimilées à des ouvrages de défense contre la mer ». 3°/ Malgré un arrêté préfectoral de 2005 qui avait classé la digue Est comme ouvrage intéressant la défense contre la mer et enjoint son propriétaire de réaliser, dans un délai d'un an, une étude de risque et de diagnostic des ouvrages, il est constant que l’ASVL, comme l’a jugé la cour, n'ayant initié aucune démarche pour suggérer aux acteurs locaux la réalisation des travaux nécessaires, ni suffisamment attiré leur attention sur son incapacité à les réaliser, cette abstention constitue un comportement fautif et en lien direct et certain avec les préjudices invoqués par la société ACM IARD. 4°/ La cour n’a ni dénaturé les faits ni commis d’erreur de droit en relevant, pour rejeter l’action en garantie de l’association contre son assureur, que l'ASVL ne pouvait ignorer, à la date de souscription de la garantie, la possibilité de voir sa responsabilité engagée au titre des conséquences humaines et matérielles provoquées par la tempête Xynthia, nonobstant le fait qu'elle n'avait pas été mise en cause dans les procédures pénales diligentées à la suite de la tempête.
En dernier lieu, sur pourvoi incident de l’assureur, le Conseil d’État sanctionne trois erreurs de droit de la cour : d’abord pour avoir appliqué une décote globale sur la valeur des biens sans prendre en considération l'état particulier des biens de chaque assuré, ensuite pour avoir refusé d’indemniser les honoraires d’expertise sans indiquer si cette dernière avait été utile au juge pour déterminer le préjudice indemnisable, enfin pour avoir refusé d’indemniser les frais supportés par l’assureur ne découlant pas de la stricte application des contrats qu'elle avait souscrits avec ses assurés, alors qu'elle se prévalait, en sus du préjudice des assurés dans les droits desquels elle était subrogée, de préjudices propres relatifs notamment aux indemnisations de biens engagées au-delà de ses obligations contractuelles, sans rechercher si ces préjudices propres avaient avec les fautes commises un lien direct et certain.
(31 mai 2021, Association syndicale autorisée de la Vallée du Lay (ASVL), n° 434733 ; Commune de la Faute-sur-Mer, n° 434739 ; Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 434751, jonction)
Santé
159 - Professions de santé – Diplômes obtenus hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen – Décret du 7 août 2020 portant application de dispositions de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 – Fixation des conditions d’exercice en France de certaines professions de santé – Disposition législative déclarée inconstitutionnelle sur QPC – Annulation du décret litigieux.
Les requérants poursuivaient l’annulation du décret du 7 août 2020 portant application du IV et du V de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 et relatif à l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par les titulaires de diplômes obtenus hors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen en tant qu'il réserve l'accès aux professions médicales et pharmaceutiques aux seuls praticiens à diplôme étranger ayant exercé des fonctions de professionnel de santé au sein d'établissements de santé, c'est-à-dire celles qui, au cinquième alinéa de son article 1er, prévoient que le dossier de demande d'autorisation d'exercice ne peut être déposé que par des personnes ayant exercé des fonctions de professionnel de santé dans un établissement de santé public, privé d'intérêt collectif ou privé.
Le Conseil d’État relève :
- d’une part, que ces dispositions, qui figurent à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, ont été prises sur le fondement de la loi du 21 décembre 2006, dont le B du IV de l’art. 83 prévoit un dispositif spécifique d'accès à la profession de médecin fondé notamment sur l’exigence que le pétitionnaire ait exercé des fonctions rémunérées, en tant que professionnel de santé, dans un établissement de santé – et seulement dans un tel établissement - mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, pendant au moins deux ans en équivalent temps plein depuis le 1er janvier 2015 ;
- d’autre part, que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnels les mots « de santé » employés par l’art. L. 6111-1 précité (cf. 19 mars 2021, Association SOS praticiens à diplôme hors Union européenne de France et autres, n° 2020-890 QPC) car il a considéré que portait atteinte au principe d'égalité devant la loi, la distinction entre établissement de santé et établissement social ou médico-social entre lesquels il n’existe pas une différence de situation pertinente au regard de l'objet de la loi, compte-tenu de la diversité des professions de santé dont l'exercice est requis pour bénéficier du dispositif légal.
(12 mai 2021, Association SOS Praticiens à diplôme hors Union européenne de France et autres, n° 445041)
160 - Autorisation d’installation d’un scanographe dans un hôpital – Autorisation donnée par l’agence régionale de santé (ARS) - Besoins identifiés par le schéma régional d'organisation des soins non couverts par les autorisations existantes - Schéma régional de l'offre de soins – Possibilité de contestation de sa légalité par voie d’exception – Erreur de droit du rejet des moyens pour inopérance – Annulation et renvoi.
Une société d’imagerie médicale conteste la décision par laquelle une ARS a autorisé l’installation d’un scanographe sur le site d’un hôpital alors qu’un refus lui a été opposé pour l’installation d’un tel dispositif sur son propre site.
Au soutien de sa requête, la société demanderesse invoquait par voie d’exception l’illégalité de la partie du schéma d’offre de soins comportant les objectifs de cette offre, spécialement les objectifs quantifiés. En particulier la requérante soutenait par voie d’exception l'illégalité du schéma régional d'organisation des soins pour les années 2012 à 2016 au motif que les décisions relatives à l'autorisation d'installation des équipements matériels lourds n'étaient pas prises pour l'application de ce schéma. La cour avait écarté les moyens tirés de cette illégalité au motif de leur inopérance.
Le juge de cassation annule cet arrêt car le législateur a entendu que les autorisations d'activités de soins et d'équipements matériels lourds soient, à la fois, compatibles avec les objectifs fixés par le schéma régional d'organisation des soins et prises pour l'application des objectifs de l'offre de soins arrêtés par le schéma régional de l'offre de soins, notamment de ses objectifs quantifiés, d’où la possibilité de contester ce dernier par voie d'exception (cf. art. L. 1434-3-1 du code de la santé publique, repris à l'article L. 1434-5 dudit code).
(19 mai 2021, SAS Imagerie de Clairval, n° 433523)
161 - Médicaments traitant une maladie orpheline en milieu hospitalier – Application d’un régime exceptionnel et urgent d’autorisation de mise sur le marché – Conditions de prise en charge par l’assurance maladie – Spécialité agréée à l’usage des collectivités publiques – Prix de référence – Remboursement de « remises » consenties par la requérante - Rejet.
La société requérante exploite la spécialité Qarziba, utilisée en milieu hospitalier dans le traitement du cancer des cellules nerveuses, chez des enfants âgés de douze mois et plus. Celui-ci étant une maladie grave et rare, Qarziba a obtenu la désignation de médicament orphelin en application d’un règlement européen du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins, puis une autorisation de mise sur le marché centralisée délivrée sous circonstances exceptionnelles le 8 mai 2017 par la Commission européenne. A partir de février 2017, la spécialité Qarziba a bénéficié, au titre d'autorisations temporaires d'utilisation nominatives, de la prise en charge par l'assurance maladie, puis, du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2019, faute de remplir les conditions pour pouvoir être inscrite sur la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation (cf. art. L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale), d'un financement dérogatoire par délégation de crédits aux établissements de santé, elle a été inscrite sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques (cf. art. L. 5123-2 du code de la santé publique). A la suite de cette inscription, le Comité économique des produits de santé a, le 23 mai 2019, en application du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale, d'une part, fixé le « prix de référence » de la spécialité Qarziba à 3461,902 euros par unité commune de dispensation et, d'autre part, mis à la charge d'Eusa Pharma des « remises » de 1 346 305 euros et 1 594 854 euros sur les ventes des années 2017 et 2018 prises en charge par l'assurance maladie au titre de l'autorisation temporaire d'utilisation de la spécialité. La société Eusa Pharma demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 mai 2019 et invoque trois moyens à l’appui de son recours, tous rejetés par le juge : l’inapplicabilité à l'espèce du IV de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale, la méconnaissance de la directive du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie et le prix de référence fixé.
Sur le premier point, il est jugé que le IV de l'article L.162-16-5-1 du code de la sécurité sociale était applicable à la requérante dès lors qu’elle remplissait ainsi l'ensemble de ses conditions d’application et cela sans que la circonstance qu'elle ait bénéficié d'un financement dérogatoire ait une incidence à cet égard. Par ailleurs, l’application de ce texte ne saurait être entachée d’atteinte au principe de sécurité juridique et au principe de confiance légitime du droit de l'Union et au droit des laboratoires à la protection de leurs biens, protégé par la convention EDH du fait qu’il permet au Comité économique des produits de santé d'imposer des reversements, sous forme de « remises », à un laboratoire dont la spécialité a bénéficié avant son inscription sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques de sa prise en charge par l'assurance maladie en vertu d'une autorisation temporaire d'utilisation. En effet, il est loisible au laboratoire d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament sans s'être préalablement engagé dans la procédure d'autorisation temporaire d'utilisation, laquelle est uniquement prévue à titre exceptionnel : de la sorte, les laboratoires qui s'engagent ainsi dans la procédure exceptionnelle en connaissent, dès cet instant, les contraintes.
Sur le deuxième point, le grief consiste à soutenir qu’il aurait été porté atteinte en l’espèce à l’exigence posée par la directive du 21 décembre 1988 que la « décision comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables ». Le Conseil d’État répond que « la seule circonstance que le critère du « coût net » du traitement regardé comme comparable implique de prendre en considération les « remises » reversées à l'assurance maladie par un laboratoire tiers, sur lesquelles le I de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale impose au Comité économique des produits de santé de respecter le secret des affaires, n'est pas, à elle seule, et en tout état de cause, de nature à le priver de son caractère « objectif et vérifiable » au sens de cette directive. La décision attaquée ne méconnaît donc pas les articles 1er et 2 de cette directive faute de comporter un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables.
Sur le troisième point, qui contestait la fixation du prix de référence de la spécialité Qarziba, le Conseil d’État rejette le moyen en relevant que le Comité économique des produits de santé a, pour fixer ce prix, notamment, d'une part, pris en considération le coût net d'un comparateur économique, la spécialité Bavencio et, d'autre part, opéré une décote de 10 % pour la fraction de population concernée par la seconde indication thérapeutique du médicament ; ce faisant, il n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
(19 mai 2021, Société Eusa Pharma (France), n° 436534)
162 - Instruction technique du ministre de l’agriculture – Préconisations concernant la dangerosité de la consommation de certains produits crus ou insuffisamment cuits pour les jeunes enfants – Compétence du ministre – Irrecevabilité de conclusions tirées d’orientations pour l’organisation du travail gouvernemental – Risques graves encourus – Absence d’erreur manifeste d’appréciation – Rejet.
Dans une instruction technique du 22 août 2019, le ministre de l’agriculture a informé les exploitants de restaurants collectifs sur les risques sanitaires associés à la consommation de lait cru, de fromages à base de lait et de steaks hachés insuffisamment cuits par les enfants de moins de cinq ans, et de préconiser un traitement thermique préalable du lait cru, une cuisson à coeur des steaks hachés et une interdiction de servir des fromages au lait cru à ce public, le non-respect de ces prescriptions constituant une non-conformité majeure.
Le syndicat requérant demande l’annulation du refus du premier ministre de faire droit à sa demande d’abrogation de cette instruction. Son recours est rejeté.
Au plan formel, le ministre avait compétence pour prendre l’instruction litigieuse et cela quelle que fût la dénomination ou la forme retenue pour ce texte.
Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir à l’encontre de cette instruction d’une circulaire primo-ministérielle qui, parce qu’elle se borne à fixer des orientations pour l'organisation du travail gouvernemental, n’est pas invocable.
Sur le fond, il est constant que les produits visés par l’instruction ministérielle sont de nature à avoir des conséquences graves sur la santé, voire sur la vie, des jeunes enfants. De plus, les avantages d’une consommation directe de ces aliments ne compensent pas les risques qu’ils peuvent produire.
Le ministre n’a donc pas, en prenant l’instruction technique contestée, commis une erreur manifeste d’appréciation.
(27 mai 2021, Confédération paysanne, n° 435507)
163 - Médicament – Recommandation temporaire d’utilisation – Conditions de cessation de la recommandation – Obligation d’information préalable – Étendue d’application – Rejet.
La société requérante avait obtenu du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le 17 mars 2014, pour une durée de trois ans, une autorisation temporaire d’utilisation du baclofène, produit qu’elle commercialise. Cette autorisation a d’abord été renouvelée chaque fois pour un an, du 17 mars 2017 au 17 mars 2018, puis du 17 mars 2018 au 17 mars 2019, ensuite pour six mois jusqu’au 17 septembre 2019 et, enfin, pour un an, jusqu’au 17 septembre 2020. Par, un communiqué de presse du 25 mai 2020, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a annoncé qu'il serait mis fin à la recommandation temporaire d'utilisation des spécialités à base de baclofène en raison de la commercialisation des spécialités Baclocur, à compter du 15 juin 2020.
La requérante demandait l’annulation d’une décision qu'elle estimait révélée par ce communiqué de presse ainsi que du rejet de son recours gracieux contre cette communication.
Le Conseil d’État juge que cette communication contient bien une décision : celle de mettre un terme anticipé à l’autorisation temporaire d’utilisation du baclofène en faisant cesser ses effets au 15 juin 2020 au lieu du 17 septembre 2020.
Lorsque, parmi les spécialités ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) il n’en existe pas permettant de satisfaire à telle indication thérapeutique, il est possible à l’ANSM, de délivrer à une autre spécialité pouvant remplir cet office, une recommandation temporaire d’utilisation en dehors des spécifications pour lesquelles elle a obtenu une AMM. Cette solution temporaire cesse au moment où est délivrée une AMM à une autre spécialité correspondant à ces spécifications. En ce cas, il est mis fin à la recommandation temporaire selon une procédure prévoyant notamment une information préalable.
Toutefois, cette dernière exigence ne joue pas lorsque la spécialité temporairement recommandée est elle-même autorisée sur le marché pour la(les) même(s) indication(s) thérapeutique(s).
(28 mai 2021, Société Zentiva France, n° 441145)
Service public
164 - Distribution de l’eau et assainissement – Service public à caractère industriel et commercial (SPIC) – Litige entre un tel service et des usagers – Litige relevant de la compétence exclusive du juge judiciaire – Annulation sans renvoi.
Rappel d’un grand classique, illustratif de la méthode des « blocs de compétence » : les litiges entre un SPIC (ici le service de distribution de l’eau potable) et ses usagers relèvent de la compétence du juge judiciaire. Partant, c’est au prix d’une erreur de droit que le juge du référé de l’art. L. 521-3 CJA a décliné sa compétence motif pris de ce que les canalisations à l'origine des dommages en litige n'étaient pas la propriété d'Eau de Paris et qu'elles n'étaient pas affectées à l'utilité publique.
(ord. réf. 14 mai 2021, M. U. et autres, n° 446675)
165 - Choix du lieu d’implantation d’une nouvelle cour administrative d’appel – Création de la CAA de Toulouse – Annonce faite sur un site internet – Absence de liens douteux entre l’organisme d’étude d’implantation et la ville de Toulouse – Absence d’erreur manifeste d’appréciation – Rejet.
Aucun des griefs développés par les requérants à l’encontre de la décision, annoncée sur le site internet du Conseil d’État, d’implanter une cour administrative d’appel à Toulouse plutôt qu’à Montpellier n’est retenu : la mise en cause de la compétence du garde des sceaux ne peut être utilement développée dans l’attente de la prise du décret nécessaire à la finalisation du processus de décision, cette dernière ne peut être considérée comme ayant été prise en raison des intérêts liant la gardienne des sceaux à la ville de Toulouse ni des liens du bureau d’études missionné pour préconiser une ville d’implantation, enfin, ce choix ne révèle pas une erreur manifeste d’appréciation.
(19 mai 2021, Commune de Montpellier et Ordre des avocats au barreau de Montpellier, n° 439677)
166 - Organisation du baccalauréat, session 2021 – Cas des élèves inscrits librement au Centre national d’enseignement à distance (CNED) - Principes d’égalité et de sécurité juridique – Respect de l’anonymat des copies – Accès à l’enseignement supérieur – Dates du baccalauréat dans les centres situés dans l’hémisphère sud – Rejet.
Le contentieux né des modifications apportées au régime du baccalauréat pour la session 2021 ne cesse de voir croître son volume. Un exemple est fourni par la présente ordonnance de référé.
Plusieurs dizaines de requérants demandaient, d’une part, la suspension, en référé, de l'exécution du décret n° 2021-209 du 25 février 2021 relatif à l'organisation de l'examen du baccalauréat général et technologique de la session 2021 pour l'année scolaire 2020-2021 et du décret n° 2021-210 du 25 février 2021 relatif à l'organisation de l'examen du baccalauréat général et technologique de la session 2022 pour l'année scolaire 2020-2021, en tant qu'ils excluent de leur champ d'application les candidats au baccalauréat inscrits librement au Centre national d'enseignement à distance (CNED) et, d’autre part, la prise d’un décret rétablissant l'égalité de traitement, au regard des modalités d'organisation des épreuves du baccalauréat, entre les élèves inscrits librement au CNED et ceux qui y sont inscrits sur le fondement du dernier alinéa de l'article R. 426-2 du code de l'éducation ou sont scolarisés dans les établissements publics et privés sous contrat, par la prise en compte de leurs notes annuelles, 1° au titre de l'évaluation des matières faisant l'objet des épreuves communes et 2° pour les épreuves de spécialité à la fin des années de première et de terminale.
Le recours est, sans grande surprise, rejeté, aucun doute sérieux n’effleurant l’esprit du juge quant à une possible illégalité des décisions contestées, d’où l’absence d’examen de la condition d’urgence.
Il n’y a pas eu, en l’espèce, violation du principe d’égalité car en vertu d’un principe constant l'autorité investie du pouvoir réglementaire peut régler de façon différente des situations différentes ou déroger à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
En l’espèce tel est bien le cas puisque, à la différence des autres catégories d’élèves inscrits au CNED, les candidats au baccalauréat qui y sont inscrits en scolarité libre ne sont ni tenus de suivre l'ensemble des enseignements prescrits par les programmes pédagogiques définis par le ministère de l'éducation nationale, ni soumis à une quelconque obligation d'assiduité, tandis que la scolarité qu'ils choisissent de suivre ne donne pas lieu au calcul de moyennes trimestrielles ni à la délivrance d'un livret scolaire en vue du baccalauréat. Enfin, ces élèves ne font pas l'objet d'une décision d'orientation à l'issue de chaque année scolaire.
Par ailleurs, le maintien des évaluations ponctuelles n’est pas susceptible, contrairement à ce qui est soutenu, de mettre en danger la santé des élèves inscrits librement au CNED : les aménagements dans les modalités d'organisation des épreuves du baccalauréat annoncées le 5 mai 2021 pour les élèves des établissements d'enseignement privés hors contrat s'appliqueront également aux élèves inscrits au CNED en scolarité complète libre, les notes éventuellement obtenues au titre des évaluations ponctuelles sanctionnant chacun des enseignements faisant l'objet d'évaluations communes écrites seront prises en compte, ils ne devront donc subir que les seules épreuves ponctuelles au titre des enseignements de spécialités en classe de première et de terminale. Enfin, le ministère, compte tenu notamment du nombre limité d'élèves concernés, évalué à moins de 2 000 en classe de terminale, a fait le choix d’organiser les épreuves en présentiel dans des conditions offrant les garanties de sécurité sanitaire requises, y compris dans les centres d'examen situés à l'étranger.
Les dates des épreuves du baccalauréat pour ces candidats ne pourront pas interférer négativement avec celles des concours d’accès à certains établissements d’enseignement supérieur, dont les IEP, ces dernières se seront déjà déroulées à la date des épreuves du baccalauréat.
Pour les candidats devant se rendre dans un centre d’examen situé dans l’hémisphère sud (fixées en novembre 2021) ou en Turquie, des dispositions particulières ont été prises, notamment en matière sanitaire.
Enfin, ne sont pas retenus le grief tiré d’une possible atteinte à l’anonymat des copies et celui de l’atteinte au principe de sécurité juridique, aucun engagement n’ayant été pris par le ministre selon lequel les élèves inscrits au CNED en scolarité libre bénéficieraient des mêmes modalités d’organisation du baccalauréat que les autres candidats inscrits auprès du CNED.
(ord. réf. 26 mai 2021, Mme Bourquin et autres, n° 451867)
(167) V. aussi la décision de non-lieu rendue sur une demande tendant à la suspension de l'exécution du décret n° 2021-209 du 25 février 2021, de l'arrêté du 25 février 2021 relatif aux modalités d'organisation de l'examen du baccalauréat général et technologique pour la session 2021 pour l'année scolaire 2020-2021 et de la note de service du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 23 février 2021 relative au « Calendrier 2021 des baccalauréats dans le contexte de l'épidémie de la Covid-19 » : ord. réf. 19 mai 2021, M. et Mme B., n° 450499.
Sport
168 - Ligue régionale de taekwondo – Retrait d’agrément par la fédération nationale de cette discipline – Mise en œuvre d’une prérogative de puissance publique – Absence de caractère réglementaire de la mesure – Incompétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort – Renvoi de l’affaire au tribunal administratif dans le ressort duquel à son siège la ligue requérante.
L'acte par lequel la Fédération française de taekwondo et disciplines associées a retiré à la Ligue Centre Val de Loire de taekwondo l’agrément lui permettant d’exercer une partie de ses missions et de la délégation de service public dont est investie la Fédération, s'il met en oeuvre une prérogative de puissance publique dans la mesure où il a pour effet de la priver du bénéfice de la délégation accordée à cette fédération, et relève par suite de la compétence de la juridiction administrative, ne revêt pas de caractère règlementaire, dès lors que l'agrément retiré n'avait pas par lui-même pour objet la délégation du pouvoir d'édicter les règles techniques, disciplinaires, d'organisation et d'administration qui s'imposent aux licenciés et aux associations et sociétés sportives dans la discipline en cause. Par suite, le contentieux soulevé par ce retrait d’agrément ne relève pas de la compétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort mais de celle du tribunal administratif d’Orléans dans le ressort duquel la requérante a son siège.
(28 mai 2021, Ligue Centre Val de Loire de taekwondo, n° 437870)
Travaux publics - Expropriation
169 - Réalisation d'une ZAC à vocation de logements - Expropriation - Contrôle de l'utilité publique de l'expropriation - Existence en l'espèce - Confirmation du rejet prononcé en première instance et confirmé en appel.
Rappel tout d'abord d'une ligne jurisprudentielle constante depuis 1971 en matière d'appréciation par le juge saisi de la juridicité d'une déclaration d'utilité publique en vue d'une expropriation.
Le juge doit 1°/ contrôler successivement que l'expropriation répond à une finalité d'intérêt général et que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine ; 2°/ vérifier que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
L'application au cas de l'espèce de ces règles d'appréciation conduit à constater que les atteintes portées notamment au droit de propriété ne sont pas excessives au regard de l'intérêt qui s'attache à la réalisation du projet.
En effet, la ZAC litigieuse doit, par la construction de soixante-dix-huit logements individuels et collectifs, permettre de maîtriser l'urbanisation de cette zone en évitant l'étalement urbain, en assurant la transition entre l'urbanisation dense du centre-bourg et celle, plus diffuse, de la périphérie caractérisée par un habitat individuel, elle diversifie l'offre de logements de la commune de Villefranche-sur-Saône, en particulier celle de logements intermédiaires, à destination notamment des familles, elle améliore la fréquentation des équipements publics de la commune, spécialement celle des écoles.
En regard de ces aspects positifs, l'opération projetée emporte, outre l'acquisition de quelques terrains agricoles, l'expropriation de parcelles non bâties ainsi que, pour permettre la création d'une voie verte assurant l'accès aux nouveaux logements, d'une partie du jardin d'agrément attenant à la maison d'habitation de la requérante première dénommée. Le bilan coûts-avantages est positif.
(5 mai 2021, Mme O. et autres, n° 429243)
Urbanisme - Aménagement du territoire
170 - Permis de construire – Appel d’un jugement rendu par le tribunal administratif – Permis délivré dans une commune relevant du régime de la taxe annuelle sur les logements vacants - Appel ne pouvant pas être porté devant le Conseil d’État mais devant l’être devant la cour administrative d’appel à laquelle est renvoyée l’examen du litige.
L’appel dirigé contre le jugement d’un tribunal administratif relatif à la contestation d’un permis de construire délivré dans une commune soumise au régime institué par l’art. 232 du CGI dans certaines communes en matière de taxe annuelle sur les logements vacants, ne relève pas de la compétence directe du Conseil d’État mais de la cour administrative d’appel à laquelle le présent litige est renvoyé.
(20 mai 2021, M. et Mme B., n° 447150)
171 - Permis de construire – Permis illégal – Régularisation – Attribution des dépens – Art. L. 761-1 CJA – Régime.
Il est ici jugé, non sans originalité, « que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ».
(28 mai 2021, M. et Mme I. et autres, n° 437429)
172 - Permis de construire – Projet portant atteinte à la sécurité publique – Proximité avec une canalisation de transport de propylène enfouie – Zone de sismicité modérée et de ruissellements modérés – Incohérences prétendues dans le plan de masse quant aux zones de danger – Accessibilité aux engins de lutte contre l’incendie – Pouvoir souverain des juges du fond – Rejet.
Cette décision vaut surtout par l’affirmation nette du juge de cassation du pouvoir souverain des juges du fond, sous réserve de dénaturation, laquelle ne semble pas avoir été invoquée en l’espèce, relativement aux différents moyens rejetés par ces derniers.
En effet, sont abandonnés à ce pouvoir souverain aussi bien l’appréciation de l’atteinte à la sécurité publique résultant de la construction de vingt logements à proximité d’une canalisation de transport de propylène enfouie, que celle de la sismicité moyenne du site ainsi que du risque présenté par des ruissellements modérés possibles comme, encore, celle des incohérences prétendues du plan de masse en termes de zones de dangers ou, enfin, celle de la largeur suffisante de la voie d’accès pour permettre l‘intervention des véhicules de lutte contre l’incendie.
(27 mai 2021, M. et Mme H. et autres, n° 436391)
173 - Permis de construire – Détermination de la hauteur maximale de chaque façade d’un immeuble – Règlement du plan local d’urbanisme (PLU) fixant cette hauteur à neuf mètres – Jugement ayant retenu une hauteur moyenne – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, pour apprécier la hauteur maximale pouvant être édifiée, et alors que le règlement du PLU dispose que cette hauteur ne peut excéder 9 mètres, - cette dernière étant ainsi calculée « Le niveau de référence définit le point bas pour le calcul de la hauteur. Il correspond au sol existant avant tous travaux d'exhaussement ou d'affouillement nécessaires à la réalisation du projet, pris au point médian de la façade. (...) La hauteur plafond est la différence d'altimétrie entre le niveau de référence, défini précédemment, et le point le plus élevé de la construction (...). » -, prend en compte, pour déterminer si la règle de hauteur des constructions fixée par le règlement du PLU avait été respectée, non la hauteur de chaque façade calculée conformément à la règle énoncée au point précédent, mais la différence entre le point médian de l'ensemble des façades de la construction et son point le plus élevé.
(28 mai 2021, M. et Mme E., n° 443721)
Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Avril 2021
Avril 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse
1 - Établissement d'enseignement hors contrat - Contrôle administratif - Mise en demeure adressée à l'établissement et saisine du Parquet - Mise en demeure des parents d'élèves d'en retirer leurs enfants - Légalité des mises en demeure non subordonnée aux appréciations du juge pénal - Opinion contraire des juges du fond constitutive d'une erreur de droit - Cassation avec renvoi.
A la suite d'un contrôle académique, la direction d'une école privée hors contrat est mise en demeure, suite aux carences qui y sont constatées, de conformer ses enseignements à l'objet de l'instruction obligatoire et elle est informée qu'un nouveau contrôle aura lieu l'année suivante. A la suite de ce dernier, est constaté le refus de la direction de l'école de se soumettre à la mise en demeure précédente, le procureur de la république est saisi en application des dispositions de l'art. L. 442-2 du code de l'éducation, les parents sont mis en demeure de retirer leurs enfants de cette école et de les inscrire dans un autre établissement.
L'association gestionnaire et M. C. ont demandé l'annulation de ces décisions et, sur rejet de leur demande par le tribunal administratif, ils ont saisi la cour administrative d'appel qui a annulé les décisions litigieuses en se fondant sur ce que le juge pénal avait renvoyé des fins de la poursuite l'association gestionnaire et le directeur au motif que l'infraction réprimée par l'article 227-17-1 du code pénal n'était pas caractérisée.
L'arrêt est cassé en raison de l'erreur de droit sur lequel il repose.
Le Conseil d'État rappelle sa jurisprudence constante (Assemblée, 8 janvier 1971, Ministre de l'intérieur contre Dame Desamis, Recueil Lebon p. 19 ; Assemblée, 12 octobre 2018, Sarl Super Coiffeur, Recueil Lebon p. 373) selon laquelle l'autorité de chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif. En revanche, les motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ne revêtent pas cette même autorité.
Par suite, il incombe à l'autorité administrative de décider si les faits constatés par elle, d'une part, sont réellement établis et, d'autre part, s'ils justifient, à proportion de leur gravité, une sanction administrative.
Dès lors, en l'espèce, la cour ne pouvait, sans erreur de droit, se fonder sur le seul renvoi des poursuites pour annuler la décision administrative litigieuse ; elle devait opérer les vérifications et constatations sus-rappelées.
Il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse, qui ne se présentait pas dans cette affaire, où la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; en ce cas, en effet, l'autorité de la chose jugée s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.
(2 avril 2021, Association "Les enfants de demain" et M. C., n° 434919)
(2) V. aussi, sur un sujet très voisin, la décision rejetant le recours dirigé contre le décret n° 2019-823 du 2 août 2019 relatif au contrôle de l'instruction dispensée dans la famille ou dans les établissements d'enseignement privés hors contrat et aux sanctions pour manquements aux obligations relatives au contrôle de l'inscription ou de l'assiduité dans les établissements d'enseignement privés : 2 avril 2021, Association "Les enfants A.", n° 435002.
(3) V. également, concernant le refus rectoral de désigner une personne comme directeur dans cette école privée hors contrat au motif d'absence de disponibilité suffisante de sa part du fait des fonctions déjà exercées : 16 avril 2021, Association "Les enfants de demain " et Association " L'âge doré ", n° 438490.
4 - Convocation d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) - Consultation sur la reprise du travail sur un site suite aux mesures anti-Covid - Départ des représentants de l'administration en cours de séance - Projet non mis au vote - Opinion des représentants du personnel inconnue - Absence de refus de se prononcer - Consultation non effective - Annulation.
Ne peut être tenu pour consulté un CHSCT, convoqué pour se prononcer sur un projet de reprise du travail sur un site suite à des mesures anti-Covid, alors que les représentants de l'administration ont quitté la réunion à un moment où le projet n'avait pas encore été soumis au vote et que les représentants du personnel n'avaient pas encore exprimé d'opinion sur le projet ni refusé de se prononcer sur lui.
La décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) relative aux modalités de reprise du travail sur les différents sites de l'INPI est annulée car dans les conditions où elle est intervenue elle a privé les agents concernés d'une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et elle est entachée d'illégalité.
(12 avril 2021, Syndicat des personnels des administrations centrales économiques et financières franciliennes (SPACEFF-CFDT), n° 445468)
5 - Communication de documents administrtatifs - Personne de droit privé chargée d'une mission de service public - Fédération sportive - Caractère communicable des seuls documents ayant un lien suffisamment direct avec la mission de service public - Fédération ayant aussi des activités privées - Obligation d'établir le lien avec la mission - Absence - Cassation avec renvoi.
Un justiciable, après saisine positive de la CADA, a demandé au président de la fédération française de karaté et disciplines associées (FFKDA) de lui communiquer les relevés bancaires retraçant les opérations des cartes bleues dont disposait le président de la fédération du 1er septembre 2010 au 20 juin 2016, les justificatifs comptables de ces opérations, les demandes de remboursement de frais du président de la fédération pour cette période, les rapports établis par la commission financière de la fédération sur les procédures internes de contrôle pour cette période, les relevés bancaires retraçant les opérations réalisées au moyen de cartes bleues dont disposait 1'ancien directeur technique national du 1er septembre 2010 au 25 janvier 2014, les justificatifs comptables de ces opérations et les délibérations des assemblées générales de la fédération faisant état des emprunts relatifs à la réalisation d'une salle polyvalente au centre national d'entraînement. Le tribunal administratif a ordonné la communication de ces documents dans les deux mois de la notification de son jugement.
La fédération se pourvoit.
Le Conseil d’État tire de la mission de service public attribuée à la FFKDA le caractère de documents administratifs des pièces en cause. Toutefois, il relève que la fédération déclare exercer aussi des activités privées, les documents litigieux voient donc leur communicabilité restreinte aux seuls documents ayant un lien suffisamment direct avec la mission de service public confiée à la fédération.
Le jugement est annulé en tant qu'il n'a pas procédé à la ventilation entre les documents dont la communication était demandée ; le dossier lui est donc renvoyé dans cette mesure.
(13 avril 2021, Fédération française de karaté et disciplines associées, n° 435595 et n° 440320)
(6) V. aussi, très semblables : 13 avril 2021, Fédération française de karaté et disciplines associées, n° 435597 et n° 440319 ; du même jour : Fédération française de karaté et disciplines associées, n° 435598 et n° 440318.
7 - Motivation en vertu de textes spéciaux - Fixation du prix des médicaments à usage humain - Décision restreignant la prise en charge d'un médicament par l'assurance maladie - Obligation de motiver - Rejet.
Il résulte des dispositions du § 2 de l'art. 6 de la directive du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie telles que transposées en droit interne français par l'art. R. 163-14 du code de la sécurité sociale que doit être motivée toute décision de ne pas inscrire un médicament sur la liste des produits couverts par le système d'assurance-maladie.
En l'espèce, il avait été décidé non pas de refuser d'inscrire des médicaments sur la liste des spécialités remboursables mais de subordonner désormais la prise en charge de ces médicaments à une prescription initiale par un médecin pneumologue. Toutefois, le Conseil d’État considère qu'est régulière la décision restreignant la prise en charge d'un médicament par l'assurance maladie en assortissant son inscription sur les listes des spécialités agréées de conditions tenant à la qualification des prescripteurs, fondée sur le motif selon lequel existe un risque de mésusage lié à l'administration, sous forme de triple association fixe, des trois composantes des médicaments en cause, l'existence de ce risque se référant à des avis rendus par la commission de la transparence se fondant sur plusieurs études scientifiques faisant apparaître un tel risque.
Le recours est rejeté.
(21 avril 2021, Société Laboratoire GlaxoSmithKline France, n° 442194 et n° 446597)
Audiovisuel, communication, informatique et technologies numériques
8 - Fréquences radioélectriques - Redevances d'utilisation de ces fréquences - Redevances dues par les titulaires d'autorisations de ces fréquences délivrées par l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) - Mise aux enchères de l'attribution du déploiement de la technologie "5G" - Consultation publique en vue de l'attribution d'une bande de fréquence - Procédure - Autorisation administrative - Condition de fixation du montant de la redevance - Rejet.
Des divers arguments développés au soutien de la demande d'annulation du décret du 31 décembre 2019 modifiant le décret du 24 octobre 2007 modifié relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'ARCEP, aucun n'est retenu par le Conseil d’État.
La consultation publique organisée sur les projets de décret et d'arrêtés litigieux relatifs aux conditions d'attribution des autorisations d'utilisation de la bande de fréquence 3,4 - 3,8 GHz pour le réseau "5G", n'a pas été organisée dans des conditions irrégulières même si la teneur des textes d'application de la loi du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles n'a été connue que quelques jours avant la clôture de cette consultation.
L'instauration d'un régime d'autorisation administrative l'a été par la loi précitée de 2019 et il en a été fait application dans ce cadre.
Enfin, il n'y a pas d'irrégularité, étant donné que la redevance créée pour le droit de déployer le réseau "5G" se compose d'une part fixe (dont les montants sont déterminés par le résultat de la phase d'attribution des blocs de fréquences de la bande 3,4 - 3,8 GHz et par celui de la phase d'enchères) et d'une part variable fixée en fonction du chiffre d'affaires du titulaire de l'autorisation d'utilisation des fréquences, à ce que, pour la fixation des éléments composant la redevance, le premier ministrte n'ait tenu compte ni des conséquences des refus d'autorisation opposés sur le fondement de la loi du 1er août 2019 aux bénéficiaires d'autorisations d'utilisation de fréquences, ni des conséquences des refus opposés à l'installation d'équipements, lesquelles n'étaient au demeurant pas connues à la date de publication du décret.
Il n'a donc pas été porté atteinte au principe d'égalité.
(8 avril 2021, Association Pour Rassembler, Informer et Agir contre les Risques liés aux Technologies ÉlectroMagnétiques (PRIARTEM) et Association Agir pour l'environnement, n° 438762 ; Société française du radiotéléphone (SFR), n° 443282)
(9) V. aussi, sur la question des modalités de l'autorisation préalable de l'exploitation des équipements de réseaux radioélectriques prévue à l'article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, l'annulation du décret du 6 décembre 2019 et de l'arrêté du même jour pris pour l'application de l'article législatif précité car " S'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle, elle ne peut agir que dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle. Eu égard à la teneur des dispositions législatives dont le décret et l'arrêté attaqué ont pour objet de fixer les modalités d'application, le Premier ministre ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions citées ci-dessus, comme l'objectif poursuivi par le législateur, rendre applicable le régime d'autorisation aux seuls matériels installés postérieurement à l'entrée en vigueur de ces actes, ni prévoir que les refus d'autorisation opposés aux demandes ne s'appliqueraient qu'à compter d'une certaine date, ni édicter tout autre disposition transitoire permettant aux opérateurs de s'adapter à leurs nouvelles obligations " : 8 avril 2021, Bouygues Télécom, n° 442120 ; Société française du radiotéléphone (SFR), n° 443279.
10 - Décret du 20 février 2020 autorisant un traitement automatisé de données à caractère personnel - "Application mobile de prise de notes" ou Gendnote - Traitement créé en vue de la détection et de la prévention des infractions pénales, d'enquêtes, de poursuites, etc. - Finalité du traitement et conditions d'accès à celui-ci - Nature des données, conservation, sécurisation et opposition à celles-ci - Cas des mineurs enregistrés dans le traitement - Recueil et conservation des données " en vue de leur exploitation ultérieure dans d'autres traitements de données " - Rejet sauf de ce dernier point.
Les organisations requérantes demandaient l'annulation du décret du 20 février 2020 qui a autorisé le ministre de l'intérieur à créer un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " Application mobile de prise de notes " (GendNotes).
S'agissant des finalités de cette application, celles-ci sont, d'une part, de faciliter le recueil et la conservation, en vue de leur exploitation dans d'autres traitements de données, notamment par le biais d'un système de pré-renseignement, des informations collectées par les militaires de la gendarmerie nationale à l'occasion d'actions de prévention, d'investigations ou d'interventions nécessaires à l'exercice des missions de police judiciaire et administrative et, d'autre part, de faciliter la transmission de comptes rendus aux autorités judiciaires.
S'agissant des données recueillies dans cette application, peuvent être enregistrés, "dans la stricte mesure où elles sont nécessaires, adéquates et proportionnées aux finalités (ci-dessus)", tous les éléments relatifs aux personnes, aux lieux ou aux objets qui sont recueillis dans le cadre des interventions des militaires de la gendarmerie nationale ou de l'exécution de leur service ; tous les éléments de procédure qui sont transmis aux magistrats lors de gardes à vue ou lors du traitement de certaines infractions relatives à la police de la route.
Une limite est imposée : les données à caractère personnel relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l'appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle ne peuvent pas être collectées en principe sauf en cas de nécessité absolue pour les seules fins et dans le strict respect des conditions définies dans le décret attaqué, dans les limites des nécessités de la mission au titre de laquelle elles sont collectées.
Tous les moyens tant de légalité externe que de légalité interne sont rejetés sauf l'un d'entre eux relatif aux finalités du traitement, le Conseil d’État considérant que la formule selon laquelle le traitement litigieux est destiné à faciliter le recueil et la conservation, " en vue de leur exploitation ultérieure dans d'autres traitements de données ", est illégale car le décret ne comporte aucune indication quant à la nature et à l'objet des traitements concernés ni quant aux conditions d'exploitation, dans ces autres traitements, des données collectées par le traitement " Application mobile de prise de notes " (GendNotes). Il ne satisfait pas à l'exigence d'une finalité " déterminée, explicite et légitime ". Les autres finalités sont jugées satisfaire les prescriptions de la loi de 1978.
Les données susceptibles d'être enregistrées sont nécessaires, adéquates et proportionnées car elles doivent nécessairement être en rapport direct avec le motif de leur enregistrement et en dépit de la liberté de formulation laissée aux militaires de la gendarmerie nationale pour saisir ces données dans les zones de commentaires libres.
L'accès au traitement est strictement limité aux données qui seules intéressent l'autorité qui demandent l'accès.
La durée de conservation des données n'excède pas celle nécessaire au regard de la finalité du traitement.
Il n'est pas porté une atteinte déraisonnable au droit d'opposition.
Aucune disposition de convention internationale ne fait obstacle à ce que soient recueillies des données relatives aux mineurs dès lors que c'est dans le respect des exigences relatives à la collecte des données personnelles.
La sécurisation des données collectées ne présente pas d'insuffisance.
(13 avril 2021, Assoc. "Ligue des droits de l'homme", n° 439360 ; Association Homosexualités et socialismes et autre, n° 440978 ; Assoc. Mousse et autres, n° 441151 ; Assoc. Aides et a., n° 442307 ; Assoc. "La Quadrature du Net", n° 442363 ; Assoc. " La Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme ", n° 443239, jonction)
11 - Presse écrite - Distribution - Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) - Missions et pouvoirs - Suspension de résiliations de contrats - Légalité - Rejet.
Des journaux ont décidé de résilier les contrats de distribution les liant à la société Presstalis, société agréée de distribution de presse, ces résiliations étant soumises à une obligation de préavis de six mois. L'ARCEP a estimé que de possibles nouvelles résiliations de contrats faisaient peser un risque de pertes tel qu'il pouvait conduire à une déclaration de cessation de paiement de la société Presstalis au premier trimestre 2020 et, par suite, à sa liquidation judiciaire. L'ARCEP a, en conséquence décidé de suspendre pour une durée de six mois à compter de la publication de sa décision, les résiliations de contrats de distribution par les deux sociétés requérantes intervenues antérieurement à la suspension décidée par l'ARCEP.
Les requérantes demandent, en vain, l'annulation de cette mesure qu'elles critiquent tant par des moyens de légalité externe (consultation publique défectueuse et défaut de motivation) que par des moyens de légalité interne, seuls rappelés ici.
Le Conseil d’État estime, d'une part, qu'il n'a pas été porté atteinte au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, cette rétroactivité résultant directement de l'art. 22 de la loi du 2 avril 1947, sans doute aurait-il fallu soulever une QPC à l'encontre de cette disposition, et, d'autre part, que compte tenu de la gravité et de l'imminence de la menace sur la continuité de la distribution de la presse d'information politique et générale, l'ARCEP n'a pas, par sa mesure de suspension, inexactement appliqué les dispositions de cet article.
La solution repose certes sur un souci d'équilibre et de fonctionnement correct de la distribution d'une partie de la presse mais à quel prix : Le saccage de la liberté contractuelle, le maintien d'un modèle idéologique octogénaire de la distribution de la presse, un "sauvetage" mis à la charge de ceux qui n'en veulent pas, etc.
(21 avril 2021, Sociétés Marie Claire Album et Revue du Vin de France, n° 438346)
12 - Métadonnées ou données de connexion - Régime de leur conservation - Contestation - Saisine de la CJUE et réponse - Primauté de la Constitution - Exigence d'une protection équivalente des droits et intérêts dans les deux droits européen et français - Protection des intérêts fondamentaux de l'État - Existence d'une menace devant être vérifiée périodiquement - Illégalité de la conservation généralisée des données surtout celles sensibles - Conditions de compatibilité entre le droit français et les exigences européennes - Injonction au premier ministre de modifier en ce sens les dispositions réglementaires actuelles.
Cette décision se caractérise par sa prodigieuse longueur, sa technicité, l'importance des questions qui y sont abordées et les perspectives qu'elle ouvre.
En ce qu'elle réaffirme, sans nuances, le primat de la Constitution sur toute autre règle notamment externe, à commencer par le droit de l'Union européenne, cette décision paraît revenir un peu sur l'arrêt Sarran, Levacher et autres (Assemblée, 30 octobre 1998, Recueil Lebon p. 369 ; RFDA 1998, p. 1081, concl. C. Maugüé) qui n'évoquait la primauté constitutionnelle qu'au seul cas de l'ordre interne, faisant ainsi implicitement mais nécessairement la réserve de l'ordre international.
Elle fait aussi écho, avec une moindre puissance argumentative et une bien moindre ampleur théorique, à la position sur ce point du BundesVerfassungsGericht allemand.
Le point de départ de l'affaire est constitué par la demande d'entités, très branchées sur le Net, adressée au Conseil d’État, d'annuler les décrets pris sur la base de la loi qui impose la conservation des données de connexion pendant un an pour les besoins des enquêtes pénales et ceux du service du renseignement ; ces décrets organisent à la fois le mécanisme et le régime de conservation ainsi que le traitement de ces données.
Comme la cour constitutionnelle de Belgique l'avait fait le 19 juillet précédent, le Conseil d'État avait posé, par une décision du 26 juillet 2018, quatre questions préjudicielles à la CJUE.
Celle-ci a répondu par trois décisions du 6 octobre 2020 (Quadrature du Net a. c/ Premier ministre, aff. C-511/18 ; French Data Network et a. c/ premier ministre, aff C-512/18 ; Ordre des barreaux francophones et germanophone c/ conseil des ministres de Belgique, aff. C-520/18). La Cour pose le principe de l’interdiction de la conservation généralisée et indifférenciée de ces données en toute matière sauf en cas de menace grave pour la sécurité nationale ou pour lutter contre la criminalité grave.
Elle examine ensuite le régime applicable dans chacun de ces deux seuls cas dérogatoires.
1°/ S'agissant de la sécurité nationale, la Cour exige la réunion de deux conditions : la réservation de l'accès à ces données au seul service du renseignement, lui-même soumis d'abord au contrôle d'une autorité - qui doit être indépendante - avant qu'il n'accède aux données et ensuite au juge après qu'il y a accédé.
2°/ S'agissant de la criminalité grave s'impose une conservation très ciblée soit sur certaines personnes soit en certains lieux, avec la possibilité, conformément aux dispositions de la convention de Budapest, du 23 novembre 2001, sur la cybercriminalité, entrée en vigueur le 1er juillet 2004, de solliciter dans le cours d'une enquête pénale menée envers une personne déterminée, un gel des données la concernant mais pour une durée brève.
La résolution du litige dont il était saisi imposait donc au Conseil d’État d'examiner la juridicité du dispositif français par rapport au cadre tracé par la CJUE.
A ce stade le juge énonce deux propositions très importantes.
En premier lieu, il rejette la demande du gouvernement français de se reconnaître (à l'instar de ce que fait le juge constitutionnel allemand) un droit de contrôle ultra vires sur les organes de l'Union, spécialement la Cour de Luxembourg, c'est-à-dire le contrôle que ces organes, en décidant comme ils l'ont fait, sont bien restés dans les limites fixées par les traités européens.
En second lieu, comme indiqué plus haut, le Conseil d'État déduit de l'art. 88-1 de la Constitution que ce texte " (...) tout en consacrant l'existence d'un ordre juridique de l'Union européenne intégré à l'ordre juridique interne, (...) confirme la place de la Constitution au sommet de ce dernier ".
Il faut avoir une excellente faculté imaginative pour tirer cette déduction dudit article, lequel se borne à énoncer que : " La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007."
Le fondement de l'exercice en commun de ces compétences est constitué exclusivement de deux traités puisque, d'évidence, la Constitution est dans l'impuissance de le faire n'étant le texte que d'un seul de ces États. Par ailleurs, ce que dit ce texte est identique à ce que disaient, avant lui, les traités : on ne saurait faire plus redondant.
Appliquant ensuite sa jurisprudence Société Arcelor Atlantique et Lorraine (8 février 2017), le juge s'interroge sur le point de savoir si les conditions et limites mises à la conservation des données de connexion par la jurisprudence européenne assurent aux exigences constitutionnelles françaises une protection ou une garantie équivalente à celle fournie par la Constitution. Il est fait application du droit de l'Union soit s'il y a équivalence entre les protections offertes dans les deux droits ou, s'il n'y a pas équivalence entre elles, si l'exigence constitutionnelle française n'est pas mise à mal par la règle européenne.
En l'espèce, il est jugé qu'il n'y a pas équivalence et le juge recherche donc si, de ce fait, ne sont pas mis à mal les intérêts étatiques fondamentaux.
Il opère une ventilation : l'absence de conservation généralisée de ces données est seule de nature à protéger l'intérêt supérieur de l'État en matière d'ordre public et de sécurité, en revanche cette conservation généralisée n'est point utile s'agissant des infractions pénales.
Pour ces dernières, le Conseil d’État ne retient pas la distinction - au demeurant non juridiquement contraignante - proposée par la CJUE car il n'estime pas techniquement possible le recours à la conservation ciblée en amont des données de connexion ; seule peuvent donner lieu à "conservation rapide" celles des données qui, stockées pour les besoins de la protection des intérêts publics fondamentaux, révèlent l'existence d'infractions pénales graves. A cet égard, le juge retient, prolongeant ainsi l'analyse de la CJUE, l'application du principe de proportionnalité entre importance des moyens d'investigation mis en oeuvre (dont la conservation des données) et gravité de l'infraction recherchée ou trouvée.
Enfin, dans l'un et l'autre cas, se posait la délicate question de l'exploitation des données pour laquelle la CJUE impose le recours au contrôle préalable d'une autorité - pas nécessairement publique d'ailleurs - indépendante. Or le Conseil d’État estime que tel n'est pas le cas en France où la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ne rend qu'un avis non obligatoire. C'est pourquoi il fait injonction au premier ministre de prendre, sous six mois, les mesures réglementaires propres à satisfaire l'exigence conventionnelle rappelée par la CJUE.
On mesure par ce qui précède l'importance de cette décision au triple point de vue, du droit du Net, de celui de la hiérarchie des normes et de l'imbrication sans cesse plus étroite et donc plus problématique du droit national et du droit de l'Union ainsi qu'au plan de la protection des libertés fondamentales dont la fragilité est accrue par le recours aux nouvelles technologies.
(Assemblée, 21 avril 2021, Association French Data Network et autres, n° 393099 ; Association La Quadrature du Net et autres et Association Igwan.net, n°s 394922 397844 et 397851)
13 - Implantation d'un relais de téléphonie mobile - Déclaration préalable de travaux - Refus - Annulation de l'ordonnance de référé confirmative du refus - Référé suspension - Annulation de l'ordonnance et du refus.
(ord. réf. 8 avril 2021, SAS Free Mobile, n° 439357) V. n° 183
Biens
14 - Propriété intellectuelle - Droits d'auteur et droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle - Communication au public de certains phonogrammes à des fins de commerce - Cas des discothèques - Institution d'une rémunération équitable par la commission prévue à l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 - Invocation d'irrégularités diverses - Rejet.
La commission paritaire compétente à cet effet a fixé, conformément aux dispositions de l'art. 214-3 et s. du code de la propriété intellectuelle, les conditions d'une rémunération équitable des artistes-interprètes et des producteurs de phogrammes par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce. Les sociétés demanderesses, dont les requêtes sont jointes, demandent l'annulation de plusieurs décisions de cette commission paritaire prises dans le cadre que l'on vient de rappeler. Aucun de leurs arguments n'est retenu et leur requête est rejetée.
Tout d'abord, elles ne sauraient soutenir ni que le décret d'application de la loi précitée et les arrêtés ministériels fixant la composition de la commission et les décisions attaquées de cette dernière sont des actes inexistants, ni que leur publication au journal officiel a constitué une voie de fait. Faute d'inexistence, le délai de recours contentieux est celui de droit commun non celui, illimité propre aux actes inexistants, par suite, de ce chef, la requête est entachée de forclusion.
Ainsi, le moyen, qui fonde une demande d'abrogation de ces dispositions, tiré de l'irrégularité de la désignation des membres de la commission, ne peut être utilement invoqué.
Ensuite, en fixant les modalités selon lesquelles les usagers de phonogrammes publiés à des fins de commerce s'acquittent de leur obligation de fournir aux sociétés de perception et de répartition des droits les éléments documentaires indispensables à la collecte et à la répartition des droits, la commission paritaire n'a pas excédé la compétence qu'elle tient des art. 23 et 24 de la loi de 1985 précitée.
Également, il ne saurait être soutenu que les décisions de la commission paritaire seraient constitutives d'une prise illégale d'intérêt ou traduirait la commission du délit de favoritisme en autorisant la Société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE) ou toute société de perception et de répartition des droits mandatée par elle à collecter des droits et recueillir les éléments documentaires indispensables à la collecte et à la répartition des droits, sans procédure de publicité préalable ni mise en concurrence et alors que des représentants de la SPRE siègent en son sein, dès lors que l'ensemble de ces éléments résultent directement des dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle.
Encore, était contesté le caractère forfaitaire du barème prévu pour les établissements exerçant une activité de café et de restaurant qui diffusent une musique de sonorisation constituant une composante accessoire à leur activité commerciale. Ce moyen est rejeté, le juge faisant observer que ce barème est distinct de celui, assis sur les recettes d'exploitation, prévu à l'article 2 de la décision du 5 janvier 2010 pour les bars et restaurants à ambiance musicale pour lesquels la diffusion de musique constitue une composante essentielle de l'activité commerciale, le barème attaqué tient donc compte de la spécificité des cafés et restaurants pour lesquels la diffusion de phonogrammes n'est qu'une composante accessoire, voire dans certains cas marginale, de leur activité.
Enfin, ne saurait non plus être contestée comme insuffisamment précise et irréaliste la détermination de l'assiette de la rémunération due par les discothèques et établissements similaires, qui comprend l'ensemble des recettes provenant des entrées et de la vente de produits de consommation ou de restauration, dès lors que leur caractéristique commune est " l'exploitation d'une piste de danse " selon les termes de l'article L. 314-1 du code de tourisme. Il leur est donc loisible d'établir qu'ils n'ont pas de piste de danse ou quelle est la part réelle de diffusion de la musique dans leur activité.
(13 avril 2021, Société "Bus Café", n° 438610 ; Société "Pantoum", n° 439302 ; Société "Chez Raspoutine", n° 440632, trois espèces, jonction)
15 - Occupant sans titre - Expulsion ordonnée en référé - Refus de mettre fin à la mesure d'expulsion - Date incertaine de l'ordonnance de référé - Annulation - Rejet par voie de conséquence de la seconde demande.
L'EPCI (établissement public de coopération intercommunale) Montpellier Méditerranée Métropole a demandé et obtenu en référé une ordonnance impartissant la société requérante de quitter les lieux indument occupés par elle. Celle-ci a saisi, en vain, le juge des référés d'une demande de mettre fin à la mesure d'expulsion qu'il avait ordonnée.
Sur pourvoi, le Conseil d’État annule la première ordonnance car celle-ci comporte deux dates, 22 et 26 octobre, cette contradiction ne permettant pas de savoir à quelle date elle a été rendue. Il constate ensuite qu'il n'y a donc plus lieu de statuer sur la demande d'annulation de la seconde ordonnance.
Renvoi est opéré devant le premier juge.
(ord. réf. 22 avril 2021, SAS L'Essentiel, n° 446417 et n° 446935)
16 - Exercice du droit de préemption par une société privée délégataire de ce droit - Délégation accordée par la métropole de Lille - Suspension de la décision d'exercer le droit de préemption - Pourvoi en cassation de la métropole de Lille - Irrecevabilité.
(7 avril 2021, Métropole européenne de Lille, n° 435770) V. n° 11
Collectivités territoriales
17 - Principe de libre administration des collectivités locales - Disposition des ressources nécessaires à l'exercice de cette liberté - Mise du revenu de solidarité active (RSA) à la charge des budgets départementaux - Application du principe d'égalité - Fixation de l'allocation par l'État - Absence d'entrave à la libre administration des collectivités territoriales - Rejet.
Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, proclamé à l'art. 72 de la Constitution, entraîne la disposition à leur profit de ressources propres à assurer l'exercice effectif de cette liberté. Des règles complexes ont prévu une compensation des charges nouvelles qui leur sont imposées par l'État. La loi fixe les conditions de cette liberté et le règlement les modalités de sa mise en oeuvre.
C'est dans ces conditions qu'a été imposée la prise en charge par les départements du coût du revenu de solidarité active (RSA). Le département requérant soulève une QPC à l'encontre de l'art. L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles que met en oeuvre l'art. R. 132-1 de ce code, en particulier il reproche à ce mécanisme de ne pas exclure le bénéfice du RSA en fonction de l'importance du patrimoine des personnes y prétendant. Faisant peser une charge importante sur les budgets départementaux, le versement du RSA porterait atteinte au principe de libre administration au point de l'entraver.
Sans surprise, la question n'est pas renvoyée au C.C. et les autres moyens sont rejetés, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ayant une identique lecture très restrictive des principes en cause, qui restent en réalité lettre morte, on y reviendra plus loin.
La loi fixant les conditions d'exercice de la libre administration et donc, aussi, les ressources des collectivités locales, le législateur est resté dans les limites de ses attributions et n'a pas porté d'entrave à la libre administration en instituant un régime national uniforme du RSA et donc des conditions suffisamment précises de son calcul.
Par ailleurs, l'article L. 132-1 litigieux ne prévoyant à ce titre la prise en compte de la valeur en capital des biens non productifs de revenu qu'en vue d'apprécier les ressources qu'ils sont supposés procurer, le département requérant ne saurait soutenir que le premier alinéa de l'article R. 132-1, qui en fait application, méconnaîtrait le caractère subsidiaire du revenu de solidarité active.
Enfin, le forfait imposé par le pouvoir réglementaire (art. R. 132-1 préc.) au département que les ressources tirées d'un capital non productif de revenu soient évaluées sur une base forfaitaire de 3 %, ne faisant que mettre en oeuvre le principe posé par la loi, ce forfait n'a pas dénaturé le principe de libre administrtation des collectivités territoriales.
En réalité, prise dans toute son ampleur la question de la libre administration et de ses moyens dépasse largement la question précise ici posée.
Tout d'abord, tout le raisonnement repose sur la primauté absolue de l'État sur les collectivités, ce qui est un peu rapide comme justification : si l'État résulte d'une convention sociale, tel n'est pas le cas des collectivités ; c'est pourquoi la disparition de l'État n'entraînerait pas celle des collectivités alors que l'inverse n'est pas vrai : sans collectivités territoriales, il n'y a pas d'État.
Ensuite, en cas d'aide ou allocation ou autre, il convient de distinguer : soit est posé un principe national d'égalité dans le traitement des bénéficiaires et sa charge doit alors incomber intégralement à l'État qui est seul à définir les conditions d'octroi et de calcul, soit est posé un principe de départementalisation et c'est alors seulement à ce niveau que doit s'apprécier l'égalité entre les bénéficiaires sans intervention de l'État pour sur la définition des conditions et des règles de calcul.
Enfin, une saine définition de la libre administration en matière financière devrait être purement quantitative : par exemple, cette liberté devrait s'exercer dans la limite d'une proportion déterminée des ressources dont dispose la collectivité, par exemple, 40%, 60%, etc. dudit montant.
On est bien évidemment loin du compte et c'est pourquoi il n'est pas sain ni sérieux, dans ces conditions, de parler de décentralisation, de libre administration ou encore d'un niveau suffisant de libre disposition de leurs ressources par ces dernières.
(14 avril 2021, Département de la Manche, n° 440381)
Contentieux administratif
18 - Référé suspension - Opération de concentration - Saisine de la Commission européenne par l'Autorité de la concurrence - Acte non détachable de l'examen de la concentration - Incompétence du juge des référés pour en ordonner la suspension - Rejet.
Le juge du référé suspension est incompétent pour connaître de la demande de suspension de la décision par laquelle l'autorité de la concurrence a saisi la Commission européenne, sur le fondement de l'article 22, § 5, du règlement du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, d'examiner l'opération d'acquisition de la société Grail par la société Illumina. En effet, la décision de l'Autorité de la concurrence n'est pas détachable de la procédure par laquelle la Commission, sous le contrôle de la CJUE, procède à cet examen.
(ord. réf., form. collégiale, 1er avril 2021, Société Illumina, n° 450878 ; Société Grail, n° 450881)
19 - Responsabilité hospitalière - Enfant né lourdement handicapé - Évaluation du préjudice au titre de l'assistance d'une tierce - Fixation à 12 h par jour du besoin de cette assistance - Dénaturation des faits - Cassation avec renvoi.
Dénature les faits de l'espèce, la cour administrative d'appel qui fixe à une durée journalière de douze heures, heures nocturnes exclues, le besoin d'assistance d'une tierce personne pour un enfant lourdement handicapé alors qu'il résulte tant des constatations de l'expert judiciaire que de celles du médecin conseil du centre hospitalier que l'état de l'enfant, atteint d'un déficit fonctionnel supérieur à 95 %, nécessite en permanence une aide humaine pour la satisfaction de ses besoins vitaux.
(2 avril 2021, M. et Mme C., n° 427283)
20 - Procédure administrative contentieuse - Covid-19 - Adaptation de règles de procédure applicables aux juridictions administratives - Ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 - Délai d'habilitation expiré - Absence de QPC - Étendue du contrôle du juge sur l'ordonnance - Rejet.
Les organisations requérantes demandaient l'annulation des articles 1 à 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif et sollicitaient que soit posée au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité.
Cette ordonnance a prévu, dans un contexte d'épidémie et d'urgence sanitaire, l'adaptation de diverses règles applicables à la procédure devant les juridictions administratives afin d'obvier aux malheurs du temps.
Relevant, d'une part, que le délai d'habilitation fixé par la loi du 14 novembre 2020 est expiré au jour où il statue et que sont invoquées des atteintes aux droits et libertés que garantit la Constitution, et, d'autre part, qu'en principe la matière de la procédure administrative relève de la compétence du pouvoir réglementaire, le Conseil d’État estime, pour apprécier si sont réunies les conditions exigées pour la transmission au C.C. de la QPC dont il est saisi, devoir distinguer au sein de l'ordonnance celles qui, parmi les dispositions contestées ou même au sein d'elles, sont de nature législative et celles qui sont de nature réglementaire.
Le renvoi de l'art. 1er (qui, pour l'essentiel, aligne la durée des mesures provisoires qu'il institue sur la durée de la crise sanitaire) est refusé car n'est pas invoqué contre ses dispositions un moyen tiré de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.
S'agissant de l'art. 2, sur l'emploi massif et généralisé de moyens de télécommunication audiovisuelle voire même téléphoniques, le juge ventile entre les dispositions législatives et celles réglementaires que contient cet article.
Il décide qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au C.C. les dispositions de nature législative car elles ne sont ni nouvelles ni de caractère sérieux car elles opèrent une conciliation satisfaisante entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice et le respect du droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable.
Il juge ensuite que les dispositions de nature réglementaire de cet article 2, à raison de leur nature, ne sauraient faire l'objet d'un renvoi au C.C. sous forme de QPC.
Enfin, concernant l'art. 3, dont les dispositions sont de nature législative en ce qu'elles touchent aux règles relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, celles-ci, en permettant au juge des référés de statuer sans audience, dès lors qu'elles ne dérogent pas au principe du contradictoire et qu'elles ne s'appliquent qu'aux seules mesures de caractère provisoire, ne portent pas atteinte aux principes garantis par l'art. 16 de la Déclaration de 1789 invoqué par les requérants.
Le recours est rejeté.
Cette décision, logique en soi, prend quelque liberté avec les solutions, très singulières, contenues dans les deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur QPC les 28 mai et 3 juillet 2020. Selon celles-ci, l'inconstitutionnalité de la disposition d'une ordonnance de l'art. 38 portant sur une matière législative, à raison de ce qu'elle porterait atteinte à un droit ou à une liberté que la Constitution garantit, ne peut faire l'objet que d'une QPC. En réalité, le C.C. entendait par là devenir seul juge de l'ordonnance dans ce cas de figure. C'était oublier qu'il faut pour cela une double condition : que soit posée une QPC et que le juge saisi accepte de la renvoyer. Comme on le voit dans la présente décision, c'est loin d'être un long fleuve tranquille surtout quand la barque et son pilote (incarnés ici par le Conseil d’État) sont des plus rétifs...
(2 avril 2021, Syndicat des avocats de France (SAF) et autres, n° 447060 ; Conseil national des barreaux (CNB) et autre, n° 447065)
21 - Exercice du droit de préemption par une société privée délégataire de ce droit - Délégation accordée par la métropole de Lille - Suspension de la décision d'exercer le droit de préemption - Pourvoi en cassation de la métropole de Lille - Irrecevabilité.
La métropole de Lille, détentrice du droit de préemption urbain, en avait délégué l'exercice à une société de droit privé. Celle-ci l'ayant exercé, une association en a obtenu la suspension par voie de référé. La métropole se pourvoi en cassation contre l'ordonnance de suspension.
Son pourvoi est, évidemment, rejeté car c'est un principe constant du contentieux administratif que l'intérêt à la cassation s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle frappée de pourvoi. En l'espèce, seule avait été suspendue la décision de la société délégataire du droit de préemption, la métropole n'avait ainsi pas d'intérêt à se pourvoir et cela alors même qu'appelée dans l'instance de référé la elle avait conclu au rejet de la demande de suspension.
(7 avril 2021, Métropole européenne de Lille, n° 435770)
22 - Jugement - Contradiction entre les motifs d'un jugement et son dispositif - Annulation.
Rappel d'un principe procédural absolu et constant : la contradiction entre les motifs d'une décision de justice et son dispositif, entraîne toujours son annulation.
(14 avril 2021, Société ICF Habitat La Sablière, n° 436338)
23 - Décret et arrêté fixant les conditions et les modalités de l'admission en deuxième et troisième années du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique - Recours formé par la Fédération française des psychomotriciens - Défaut d'intérêt - Rejet.
La fédération requérante entendait contester d'une part, le décret du 4 novembre 2019 et d'autre part, l'arrêté interministériel du 4 novembre 2019 relatifs à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique. Ces textes précisent les nouvelles modalités d'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, l'accès à ces filières pouvant se faire par différents parcours de formation antérieurs en particulier s'agissant de l'admission en deuxième et troisième années du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique ainsi que les modalités de répartition du nombre de places pour chaque formation de santé ; l'arrêté précise notamment les conditions d'établissement par les universités des parcours de formation ainsi que les conditions et modalités d'admission dans les formations médicales.
Les décisions attaquées n'ayant ni pour objet ni pour effet de régir le déroulement ou le contenu des formations dispensées dans les établissements préparant aux professions d'auxiliaire médical mentionnées au livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, la Fédération française des psychomotriciens qui se donne pour objet statutaire de défendre les intérêts collectifs, moraux et matériels des syndicats regroupant des psychomotriciens, des associations ou groupements d'intérêt spécifique se consacrant à la défense ou à la promotion de la profession et des personnes physiques exerçant cette profession, ne justifie ainsi pas d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation pour excès de pouvoir.
(16 avril 2021, Fédération française des psychomotriciens, n° 437321 et n° 437322)
24 - Revenu de solidarité active (RSA) - Récupération d'un indu - Annulation de la décision de récupération - Effets contentieux - Annulation avec renvoi au tribunal.
Le juge fixe dans cette affaire, avec un maximum de précision, le modus operandi en cas d'annulation contentieuse d'une décision de récupération d'un indu de RSA.
Lorsque le juge administratif annule la décision qui ordonne la récupération totale ou partielle d'un indu de RSA ou d'aide exceptionnelle de fin d'année, l'administration peut, sauf prescription, reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée une nouvelle décision.
Dans le cas où tout ou partie de l'indu d'allocation de RSA ou d'aide exceptionnelle de fin d'année a été recouvré avant que le caractère suspensif du recours n'y fasse obstacle, il appartient au juge, s'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rembourser la somme déjà recouvrée ou s'il décide de prescrire cette mesure d'office, de déterminer le délai dans lequel l'administration, en exécution de sa décision, doit procéder à ce remboursement, sauf pour elle à régulariser sa décision de récupération si celle-ci n'a été annulée que pour un vice de légalité externe.
(21 avril 2021, Mme C., n° 437179)
25 - Référé liberté - Régime du baccalauréat, session 2021 - Établissements privés hors contrat - Enseignements de spécialité - Défaut d'urgence - Rejet.
Au soutien de sa demande de suspension du décret du 25 février 2021 portant organisation de la session 2021 de l'examen du baccalauréat général et technologique en tant que ses articles 2 et 3 n'incluent pas dans leur champ d'application les élèves des établissements d'enseignement privés hors contrat, l'association requérante forme un référé liberté.
Celui-ci est rejeté faute d'urgence, au sens et pour l'application de l'art. L. 521-2 CJA.
Le juge relève, comme constaté d'ailleurs au cours de l'audience de référé, que des mesures ont été prises pour favoriser la préparation de ces candidats au baccalauréat tels que l'aménagement du calendrier des épreuves, l'organisation d'évaluations ponctuelles des enseignements de spécialité à compter du 10 mai 2021 pour en faciliter l'étalement dans le temps, l'aménagement du contenu de ces enseignements, etc.
Faute d'urgence, la demande de référé ne peut prospérer sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre condition exigée pour son admission au fond.
(ord. réf. 22 avril 2021, Association Lycée Edgar Morin, n° 450334)
(26) V. aussi, largement comparable : ord. réf. 22 avril 2021, Société Cours Progress, n° 450423.
(27) V. également, rejetant une requête tendant à la suspension (L. 521-1 CJA) d'exécution du décret précité en ce qu'il substitue aux épreuves écrites de spécialité et d'évaluations communes la prise en compte des notes obtenues par les élèves des établissements publics et privés sous contrat depuis le mois de septembre 2020 dans le cadre du contrôle continu : ord. réf. 22 avril 2021, Syndicat Action et Démocratie, n° 450874.
28 - Cour nationale du droit d'asile (CNDA) - Supplément d'instruction ordonné après une audience - Échange d'observations entre les parties - Absence de nouvelle audience - Irrégularité - Cassation avec renvoi à la CNDA.
Entache d'irrégularité la procédure suivie devant elle la formation de jugement de la CNDA qui, après avoir ordonné à la suite d'une audience un supplément d'instruction sur les éléments duquel les parties ont échangé des mémoires, rend son arrêt sans nouvelle audience.
(23 avril 2021, M. A., n° 439141)
(29) V. aussi, identique : 23 avril 2021, M. A., n° 439628.
30 - Contrôle du juge de cassation - Décision jugée comme étant à objet purement pécuniaire - Contrôle de cette qualification - Annulation avec renvoi.
Rappel, tout d'abord, que l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.
Vérification, ensuite, que la décision litigieuse n'avait qu'un caractère pécuniaire, ce qui conduit le juge de cassation à exercer un contrôle sur cette qualification.
(27 avril 2021, M. B. c/ CCI de la Corse, n° 438907)
31 - Exigence d'une décision préalable pour saisir le juge administratif (art. R. 421-1 CJA) - Délai de deux mois à compter de cette décision pour saisir la juridiction compétente - Travaux publics - Cas des recours formés contre des décisions prises par une personne privée - Régime - Distinction.
Le Conseil d’État était saisi de deux questions dans le cadre de la procédure de l'art. L. 13-1 CJA :
1) l'art. R. 421-1 CJA est-il applicable aux décisions d'une personne morale n'entrant pas dans le champ de l'article L. 231-4 CRPA ?
2) En cas de réponse négative à la question précédente, " Faut-il considérer qu'un délai commence néanmoins à courir au plus tard à compter de la date d'enregistrement de la requête, au-delà duquel le requérant n'aurait pas la possibilité de régulariser sa requête au regard de l'article R. 411-1 CJA ou bien de présenter des conclusions nouvelles car reposant sur une cause juridique distincte de celle qu'il a invoquée dans la requête ? "
Le Conseil d’État répond ceci à ces très judicieuses et importantes questions en bâtissant une construction jurisprudentielle inédite.
L'art. R. 421-1 CJA (exigence d'une décision préalable et délai de recours contentieux de deux mois) est applicable depuis le 1er janvier 2017 aux créances en matière de travaux publics. Dans le silence des textes sur ce point, cet article s'applique aux décisions de caractère administratif prises par une personne privée. En cas de silence de cette dernière sur une demande à elle adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R. 421-1 CJA.
Dans le cas où les conclusions relatives à une créance née de travaux publics sont dirigées contre une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif, l'auteur du recours ne peut se voir opposer aucun délai au-delà duquel il ne pourrait, devant la juridiction de première instance, régulariser sa requête au regard de l'article R. 411-1 précité ou formuler des conclusions présentant le caractère d'une demande nouvelle car reposant sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa requête.
(Avis, 27 avril 2021, Communauté de communes du Centre Corse, n° 448467)
32 - Référé liberté - Recours tendant à ce que le juge des référés enjoigne le dépôt d'une proposition de loi - Recours contestant une décision du Conseil constitutionnel - Irrecevabilité - Rejet.
Sera-t-on étonné de lire que la demande de l'intéressée, formée dans le cadre d'un litige à caractère fiscal, contestant la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018 (n° 2017-689 QPC, M. Gabriel S., inscription au registre du commerce et des sociétés des loueurs en meublé professionnels) et tendant à ce qu'il soit fait injonction au premier ministre de proposer au parlement de modifier la législation en vigueur ait été jugée comme ne relevant manifestement pas de l'office du juge des référés ?
(ord. réf. 19 avril 2021, Mme B., n° 451619)
33 - Référé liberté - Compétence d'appel du Conseil d’État (R. 521-2 CJA) - Inexécution d'une ordonnance de référé rendue en première instance (art. L. 911-4 CJA) - Compétence pour connaître de l'appel dirigé contre cette inexécution - Compétence du Conseil d’État.
Rappel de ce que l'appel formé contre la décision du juge des référés du tribunal administratif, ou de la formation collégiale du tribunal à laquelle a été renvoyée l'affaire, qui s'est prononcée sur une demande tendant à l'exécution d'une ordonnance qui avait été prise par le juge des référés du tribunal administratif sur le fondement de l'art. L. 521-2 du CJA doit être porté devant le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou le conseiller d'État qu'il délègue à cet effet, sauf renvoi à une formation collégiale dans les conditions de droit commun.
(ord. réf. 26 avril 2021, M. A., n° 450605)
34 - Compétence en référé du Conseil d’État en premier et dernier ressort - Litige au fond devant relever à la fois de la compétence du juge administratif et, au sein de celle-ci, de la compétence directe du Conseil d’État - Absence - Irrecevabilité manifeste - Rejet.
Est manifestement irrecevable et doit être rejetée l'action en référé liberté portée directement devant le Conseil d’État alors que, dirigée contre une décision implicite du président de la chambre départementale et régionale des huissiers de justice de Paris rejetant la demande du requérant tendant à ce que soit désigné un huissier de justice aux fins de notification de diverses mises en demeure : le fond du litige ne relève ni de la compétence de premier ressort du Conseil d’État ni même de la compétence de l'ordre administratif de juridiction.
(ord. réf. 26 avril 2021, M. D., n° 451639)
35 - Recours en révision d'une décision du Conseil d’État - Refus du président de l'ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation de désigner un avocat aux fins de former un tel recours - Absence d'atteinte au droit à un procès équitable - Rejet.
Désireuse de former un recours en révision ou un recours en rectification d'erreur matérielle contre une décision du Consel d'État, la demanderesse, qui n'a trouvé aucun avocat aux conseils pour défendre son dossier, conteste le refus opposé par le président de l'ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation à sa demande de lui désigner un avocat.
Il est une nouvelle fois jugé qu'alors même que la recevabilité de la requête est subordonnée à sa présentation par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la circonstance que l'ordre refuse de désigner l'un de ses membres ne constitue pas, par elle-même, une méconnaissance du principe constitutionnel du droit pour les personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
Pour réitérée qu'elle soit, la solution peut n'être pas approuvée sauf abus manifeste du droit d'ester en justice ou existence de quelque autre irrecevabilité manifeste.
(ord. réf. 28 avril 2021, Mme A., n° 451870)
Contrats
36 - Référé précontractuel - Règles de publicité et de mise en concurrence - Recours du concurrent évincé ou d'un tiers - Vice n'empêchant pas la continuation de l'exécution du contrat - Vice ne pouvant être relevé d'office - Rejet.
La société requérante avait demandé, en vain en première instance et en appel, qu'il soit mis fin à l'exécution de la convention de concession du service public de la distribution d'énergie électrique conclue le 2 mars 1993 par le syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère avec Electricité de France (EDF).
Son pourvoi est rejeté, l'arrêt d'appel étant " sauvé" au prix d'une lourde substitution de motifs.
Le Conseil d’État, réitérant en la précisant davantage, une jurisprudence plutôt récente décide que :
" (...) si la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence peut, le cas échéant, être utilement invoquée à l'appui d'un référé précontractuel d'un concurrent évincé ou du recours d'un tiers contestant devant le juge du contrat la validité d'un contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, cette méconnaissance n'est en revanche pas susceptible, en l'absence de circonstances particulières, d'entacher un contrat d'un vice d'une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d'office. Par suite, la société IDSE, qui n'invoquait aucune circonstance particulière impliquant que le juge du contrat mette fin à l'exécution du contrat, ne pouvait utilement soutenir que la convention litigieuse avait été irrégulièrement attribuée à EDF sans mise en concurrence".
Faute de se prévaloir de circonstances particulières et d'en établir l'existence, la société requérante ne saurait reprocher à la juridiction d'appel d'avoir rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat litigieux.
(12 avril 2021, Société Île de Sein Energies (IDSE), n° 436663)
37 - Marché public de travaux - Mise en jeu de la responsabilité du constructeur - Possibilité pour ce dernier d'appeler en garantie le maître de l'ouvrage - Absence de réserve au décompte général et définitif sans effet sur l'exercice du droit à la garantie - Exception au cas de fraude ou de dol - Rejet.
Dans cette importante décision où, dans le cadre d'un référé provision, était en jeu la réparation du préjudice subi par Électricité de Strasbourg, dans le cours de l'exécution d'un marché public de travaux, cette dernière recherchant la responsabilité de la société chargée de pomper l'eau envahissant le chantier, était en cause le mécanisme de garantie entre maître d'oeuvre ou exécutants et maître de l'ouvrage.
Le juge rappelle, d’abord, une jurisprudence établie selon laquelle les constructeurs ne doivent pas garantie au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci est condamné à garantir des tiers après réception de l'ouvrage (Section, 6 avril 2007, CHG de Boulogne-sur-Mer, n° 264490 et n° 264491). Ensuite, et à l'inverse, appliquant une jurisprudence récente (6 février 2019, Société Fives Solios c/ Communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique et sociétés Vinci Environnement et Ingerop, n° 414064), il est jugé que la circonstance qu'au terme des travaux le décompte général du marché ne comporte aucune réserve, chiffrée ou non, ne fait pas obstacle, lorsque le décompte est devenu définitif, à ce qu'un constructeur, actionné en responsabilité par un tiers victime d'un dommage du fait des travaux du marché, appelle en garantie le maître de l'ouvrage.
Il n'y a que deux exceptions à cette faculté : l'existence d'une clause contractuelle contraire ou la commission par le constructeur d'une fraude ou d'un dol ayant conduit à la réception des travaux telle qu'elle l'a été.
(27 avril 2021, Eurométropole de Strasbourg et Société SMACL Assurances, n° 436820)
38 - Marché public de travaux - Mise en demeure au cocontractant de poursuivre l'exécution de ses obligations contractuelles - Poursuite et achèvement des travaux confiés à un autre entrepreneur - Maintien des liens contractuels entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur défaillant - Marché de substitution - Droit pour le cocontractant défaillant d'être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution - Annulation et renvoi partiels.
Cette affaire et sa solution confirment pleinement l'orientation jurisprudentielle récente (cf. 18 décembre 2020, Société Treuils et Grues Labor, n° 433386 ; voir cette Chronique, déc. 2020 n° 88).
Lorsqu’après plusieurs mises en demeure infructueuses d'avoir à poursuivre les travaux prévus au marché, le maître de l'ouvrage décide de passer un marché de substitution pour que l'achèvement des travaux soit accompli par un autre entrepreneur, d'une part, le lien contractuel originaire avec le cocontractant n'est pas rompu, d'autre part, ce dernier doit être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution car il en a la charge financière. Lorsque le maître de l'ouvrage a fait le choix d'inclure dans les prestations contenues dans le marché de substitution la reprise des malfaçons (alors que, en ce cas, un marché de substitution ne s'impose pas), le cocontractant défaillant possède un droit de suivi sur l'ensemble des prestations dues au titre de ce marché de substitution.
(27 avril 2021, Société Constructions Bâtiments Immobiliers (CBI), n° 437148)
39 - Marchés publics de signalisation routière - Pratiques anti-concurrentielles - Préjudice subi par le cocontractant public - Détermination de son montant - Rejet.
Un département, qui avait conclu un marché de signalisation routière, catégorie dans laquelle l'Autorité de la concurrence avait relevé des ententes constitutives de pratiques anti-concurrentielles, a recherché la responsabilité de la société cocontractante requérante.
Celle-ci a contesté cette décision, en vain devant les juges du fond et se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État, rejette le pourvoi car il estime que c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que, pour évaluer le préjudice subi, la cour a retenu la méthode préconisée par l'expert consistant à comparer les taux de marge de la requérante pendant la durée de l'entente et après la fin de celle-ci pour en déduire le surcoût supporté par le département de la Loire-Atlantique sur les marchés litigieux.
(27 avril 2021, Société Lacroix City Saint-Herblain, n° 440348)
40 - Accord-cadre multi-attributaires - Lot n° 1 "prestations de diagnostics et préconisations structures pour la ville de Paris et l'établissement public Paris musées" - Annulation pour violation de l'égalité entre candidats et non respect des obligations de publicité et de mise en concurrence - Nécessité d’établir que la demanderesse en avait été lésée - Annulation - Constat d'une telle lésion de ses intérêts - Annulation de la procédure contractuelle relative au lot n° 1.
Une procédure de passation du lot n° 1 de deux accords-cadres pour des prestations de diagnostics et préconisations structures au profit de la ville de Paris et de l'établissement public Paris musées avait été annulée, à la demande d'un concurrent évincé, par le juge du référé précontractuel qui avait estimé que la ville avait violé l'égalité entre les candidats et pas respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le Conseil d’État, saisi par la ville défenderesse et statuant ici comme juge d'appel, annule cette ordonnance au motif que le juge du référé précontractuel n'a pas recherché si les manquements ainsi relevés étaient susceptibles d'avoir lésé la société alors même que la ville n'avait pas fait valoir de moyen en défense sur ce point devant lui.
Saisi par l'effet dévolutif de l'appel, le Conseil d’État annule la procédure de passation du contrat litigieux en relevant :
- que la ville de Paris a soumis aux candidats une étude de cas portant sur un bâtiment municipal qui constituait un sous-critère pondéré à hauteur de 15 % de la note globale. Or une société candidate à l'attribution du lot en litige, avait déjà réalisé cette étude en qualité d'attributaire d'un précédent marché de la ville de Paris et a obtenu la meilleure note, de 9,5 sur 10, pour ce sous-critère, le candidat classé en deuxième position sur ce sous-critère n'ayant obtenu que la note de 8 sur 10. La société requérante en première instance est, par suite, fondée à soutenir que le sous-critère ainsi choisi par la ville de Paris a avantagé l'autre société et ainsi rompu l'égalité de traitement entre les candidats. Ce manquement est susceptible d'avoir lésé la société requérante en première instance, qui n'a obtenu qu'une note de 6,5 sur 10 sur ce sous-critère, et dont la note globale n'était inférieure que de 0,06 point sur 10 à celle du dernier attributaire ;
- qu'il résulte, d'une part, des dispositions de l'art. L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation que le législateur a entendu prohiber toute participation à des activités de conception, d'exécution ou d'expertise d'ouvrage des personnes physiques ou morales agréées au titre du contrôle technique d'un ouvrage sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le marché en litige ne s'analyse pas, en lui-même, comme un marché de construction faisant appel à l'intervention d'un contrôleur technique, et, d'autre part, des dispositions de l'art. R. 131-31 de ce code qu'est interdite la participation des personnes agréées au titre du contrôle technique à un groupement d'entreprises se livrant à des activités de conception, d'exécution ou d'expertise d'ouvrage, alors même que la répartition des missions entre les membres du groupement prévoirait qu'elle ne réalisent pas elles-mêmes des missions relevant du champ de l'incompatibilité prévue par l'article L. 111-25 du même code. Or ces fonctions sont bien celles prévues au cahier des charges des clauses techniques particulières du lot n° 1 : l'attribution du lot n° 1 à une société tombant sous le coup des prohibitions susrappelées est donc irrégulière. Il suit de là que le comportement de la ville, en méconnaissant ses obligations de mise en concurrence et de publicité, est de nature à avoir lésé la société requérante en première instance.
La procédure de passation de l'accord-cadre multi-attributaires litigieux est sans surprise, annulée.
(27 avril 2021, Ville de Paris, n° 447221)
Covid-19
41 - Confinement et couvre-feu - Obligation de rester chez soi - Dispenses - Personnes vaccinées ne figurant pas au rang des personnes exceptées de l'obligation - Mesure proportionnée ne portant pas une atteinte manifestement illégale aux droits et libertés - Rejet.
Le requérant faisait valoir que les personnes vaccinées contre le Covid-19 devraient figurer au rang de celles dispensés de l'obligation de respecter le confinement et le couvre-feu imposés au reste de la population.
Pour rejeter cette requête le juge rappelle que les personnes vaccinées peuvent continuer à transmettre le virus, que des incertitudes subsistent en l'état s'agissant de la réaction des variants du Covid-19 au vaccin et qu'une petite partie seulement de la population la plus à risque est actuellement vaccinée.
(2 avril 2021, M. Benhebri, n° 450956)
42 - Procédure administrative contentieuse - Covid-19 - Adaptation de règles de procédure applicables aux juridictions administratives - Ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 - Délai d'habilitation expiré - Absence de QPC - Étendue du contrôle du juge sur l'ordonnance - Rejet.
(2 avril 2021, Syndicat des avocats de France (SAF) et autres, n° 447060 ; Conseil national des barreaux (CNB) et autre, n° 447065) V. n° 20
43 - Interdiction d'entrer ou de sortir de Mayotte - Atteinte à plusieurs libertés fondamentales - Allégations en termes généraux - Absence d'invocation d'atteintes propres aux requérants - Absence d'établissement de l'urgence spécifique à l'art. L. 521-2 CJA - Rejet.
Rappel archi-classique que les chances de succès en matière de référé-liberté supposent réunies et démontrées l'existence de circonstances et atteintes propres aux requérants ainsi que celle de l'urgence particulière à l'art L. 521-2 liée au bref délai qui le caractérise.
Rejet, ici, d'affirmations par trop générales et ne démontrant pas l'existence d'une urgence particulière.
(2 avril 2021, Mme A. et M. C., n° 451158)
(44) V. aussi, à propos de l'obligation faite aux ressortissants de l'Union européenne frontaliers de la France de produire, à leur entrée en France, le résultat d'un examen biologique de dépistage virologique réalisé moins de soixante-douze heures avant son départ ne concluant pas à une contamination par le Covid-19, recours comportant d'autres chefs de demandes et rejeté car l'intéressé n'a pas de projet immédiat de venue en France ce qui le prive d’urgence : ord. réf. 26 avril 2021, M. B., n° 451662.
(45) Voir, très semblable au précédent, à propos d’un ressortissant français résidant en Suisse : ord. réf. 28 avril 2021, M. B., n° 451645.
46 - Restaurants et débits de boissons intégrés dans des centres commerciaux de superficie commerciale égale ou supérieure à vingt mille mètres carrés - Interdiction de pratiquer la vente à emporter - Commerces disposant d'un accès depuis une voie extérieure - Mise en demeure - Retrait - Absence d'interdiction.
La société requérante se plaignait de l'interdiction qui lui a été faite, assortie d'une mise en demeure, de fermer son établissement situé dans une surface commerciale de vingt mille mètres au moins alors qu'il était possible d'y accéder directement par une voie extérieure non close ni couverte, ouverte à la circulation publique.
Le Conseil d’État estime qu'il n'y a pas lieu en ce cas d'interdire l'exercice de l'activité de vente à emporter et que telle est d'ailleurs l'interprétation du préfet auteur de la mise en demeure qu’il a d’ailleurs, depuis, retirée. L'urgence faisant ainsi défaut, le recours en référé suspension est rejeté.
(7 avril 2021, Société Taking, n° 450888)
47 - Liberté du mariage - Épidémie de Covid-19 - Circulaire ne prévoyant pas de dérogation pour les étrangers devant se rendre en France pour y célébrer leur mariage avec un Français - Interdiction de l'enregistrement et de l'instruction de visas en vue de se marier en France avec un Français - Mesures disproportionnées - Suspension ordonnée.
(ord. réf. 9 avril 2021, Mme J. et autres, Association de soutien aux amoureux du ban public, n° 450884) V. n° 145
(48) V. aussi, très comparable, à propos de la circulaire du 22 février 2021 en tant qu'elle ne prévoit pas de dérogations aux restrictions de déplacement vers la France pour les ressortissants étrangers justifiant d'une relation amoureuse avec un citoyen français qui ne sont ni mariés, ni pacsés, ni concubins : ord. réf. 14 avril 2021, Mme E. et autres, n° 451140.
(49) V. également, pour les couples amoureux distants (sic) : ord. réf. 23 avril 2021, M. A., n° 451386.
50 - Organisation de festivals en 2021 - Nombre limité de participants - Décision ministérielle révélée par un communiqué de presse - Rejet.
Sans surprise est rejetée la requête tendant à ce que soit suspendue la décision de la ministre de la culture, révélée par un communiqué de presse, interdisant les festivals rassemblant plus de 5000 personnes et imposant une configuration assise.
Cette mesure est jugée justifiée au regard de l'évolution actuelle de la situation sanitaire et de l'état des moyens de lutter contre celle-ci.
(ord. réf. 14 avril 2021, Association Territoire de musiques, Association Hellfest productions et société Musilac, n° 451244)
51 - Référé suspension et référé liberté - Organisation des examens dans l'enseignement supérieur - Modalités spécifiques pour cause de crise sanitaire prises jusqu'au 2 mai 2021 inclus - Difficultés objectives - Solution régulière - Impossibilité de se prévaloir de certains principes - Rejet.
Les deux recours étaient dirigés contre le décret du 2 avril 2021, d'une part, en ce qu'il ne prévoit pas l'extension à tous les examens organisés pour la délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur, dans la limite d'un effectif n'excédant pas 20% de la capacité d'accueil de l'établissement, la faculté ouverte aux examens organisés pour la délivrance des diplômes sanctionnant les formations de santé de se tenir en présentiel avant le 2 mai 2021 et, d'autre part, de suspendre l'exécution de celles de ses dispositions imposant que jusqu'au 2 mai 2021 inclus, les épreuves des examens organisés par les établissements d'enseignement supérieur, autres que celles permettant d'accéder à des diplômes sanctionnant une formation en matière de santé, se déroulent à distance.
Ils sont rejetés pour plusieurs motifs avancés par le juge : si l'organisation d'examens en présentiel a été possible au premier semestre, la situation sanitaire a évolué depuis dans un mauvais sens ; la seule circonstance que les dispositions attaquées imposent, pour un temps limité et au motif de la situation sanitaire, que les examens se déroulent à distance ne saurait porter, en elle-même, une atteinte grave et manifestement illégale aux droits et libertés invoquées par les requérants ; le droit à l'éducation et la liberté d'enseignement n'imposent nullement, d'une part, que le contrôle de l'enseignement ne puisse être organisé à distance et, d'autre part, ni les dérogations prévues pour les examens dans certaines formations de santé, justifiées par les caractéristiques des épreuves et les conditions de travail particulières de ses étudiants, ni la circonstance que les conditions d'examen peuvent être différentes selon que les épreuves ont ou n'ont pas lieu pendant le contrôle continu durant les formations, ni le fait enfin que les universités qui fixeront la date des examens au-delà du 2 mai, ne seront pas tenues de les organiser à distance, ne sont de nature à caractériser une atteinte au principe d'égalité entre les étudiants, dès lors que ces derniers se trouvent dans une situation différente.
Gageons que cette rhétorique argumentative n'aura pas convaincu...
(ord. réf., 19 avril 2021, MM. L. Aubry et A. Ferrandon, n° 451369 et n° 451396)
52 - Référé liberté - Demande de suspension du décret du 27 novembre 2020 (art. 3 et 4) et du décret du 14 décembre 2020 - Restrictions apportées à de nombreuses libertés fondamentales - Durée indéterminée et caractère inutile de ces restrictions - Rejet.
La requête en cause ne pouvait qu'être rejetée étant donné les termes très généraux de sa formulation consistant à soutenir que les décisions contestées portent atteinte à de nombreuses libertés fondamentales, peuvent être reconduites, n'ont pas été édictées en considération des circonstances propres à chaque région, sont inutiles et que l'action du gouvernement doit être encadrée. Au reste, il s'agit de textes datant déjà de plusieurs mois au moment de la saisine du juge. Il est difficile, dans ces conditions, d'y voir une atteinte grave et immédiate ainsi qu'une urgence.
(ord. réf. 20 avril 2021, M. B., n° 451479)
(53) V., dans le même sens que ci-dessus : ord. réf. 28 avril 2021, Mme A., n° 450050.
(54) Voir aussi, à propos de la limitation à dix kilomètres de la liberté de déplacement, le rejet d'un recours en ce qu'il est fait état de difficultés générales que les dispositions que l'association conteste sont susceptibles de causer, sans cependant établir de lien avec l'objet social de cette dernière : ord. réf. 16 avril 2021, Association Ni Voyous Ni Soumis, n° 451537 ou encore, le rejet du recours contestant l'obligation d'une attestation dérogatoire pour s'affranchir de la règle des dix kilomètres, recours devenu sans objet au jour où le juge a statué : ord. réf. 23 avril 2021, M. B., n° 451389 ; également, joignant à la contestation de la limitation kilométrique celle de l’obligation d'une attestation dérogatoire pour accéder aux transports publics au-delà de cette distance : ord. réf. 28 avril 2021, Mme A., n° 451511.
(55) Voir encore, à propos de l'obligation de port du masque à partir de l'âge de onze ans dans le département des Alpes-Maritimes, le rejet, une nouvelle foi, de la requête en annulation et en suspension : ord. réf. 26 avril 2021, Mme A., n° 451818.
56 - Galeries d'art - Fermeture - Atteinte à plusieurs libertés fondamentales - Situation sanitaire - Interdiction proportionnée - Rejet.
La requérante demandait au premier ministre de suspendre l'exécution ou de modifier la teneur du IV de l'article 37 ainsi que du I de l'article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tel que modifié par le décret n° 2021-296 du 19 mars 2021, en ce que ces dispositions ne prévoient pas, d'une part, que les galeries d'art figurent, au même titre que les salles de vente, parmi les établissements autorisés à accueillir du public et, d'autre part, que leur activité relève de celles permettant l'accueil du public, au même titre que les librairies et les disquaires.
Le juge indique que cette fermeture porte une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales et qu'elle ne peut être regardée comme une mesure nécessaire et adaptée, et, ce faisant, proportionnée à l'objectif de préservation de la santé publique qu'elle poursuit qu'en présence d'un contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d'autres affections. Il constate qu'il en est bien ainsi au moment où il statue et qu'ainsi la fermeture est justifiée.
Le recours est rejeté.
(ord. réf. 14 avril 2021, Association Comité professionnel des galeries d'art, n° 451085)
57 - Covid-19 - Personnels des administrations - Attribution d'une prime exceptionnelle - Conditions différentes entre agents contractuels et ceux fonctionnaires statutaires ou en CDI - Demande de renvoi préjudiciel à la CJUE - Rejet.
(12 avril 2021, Fédération CFDT Santé-Sociaux, n° 441396 et n° 441517, jonction) V. n° 135
58 - Commerce de détail - Produits de toilette et d'hygiène - Soins esthétiques - Absence d'ouverture des magasins spécialisés - Rejet.
Le recours en référé formé par plusieurs enseignes distributrices de produits de toilette et d'hygiène ainsi que de services de soins esthétiques contre les dispositions du 2° de l'article 1er du décret n° 2021-293 du 19 mars 2021 modifiant le IV de l'article 37 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en tant qu'elle n'autorise pas leur ouverture au public est rejeté.
Le juge retient la nécessité de lutter contre une épidémie toujours offensive, en limitant les interactions sociales, les déplacements hors domicile et l'accès à des produits qui ne sont toujours de première nécessité.
En revanche semble plus discutable le raisonnement suivi en réponse à l'argument tiré du risque d'une captation durable de la clientèle des entités requérantes par les magasins d'alimentation générale, les supérettes et les établissements de grande surface que mentionne le IV bis de l'article 37 du décret, ainsi que par les pharmacies et les coiffeurs.
(ord. réf. 19 avril 2021, SAS Yves Rocher France et autres, n° 451136)
(59) V. aussi, dans le même sens, pour les services de soins de beauté, le rejet de la requête pour défaut d'atteinte, en l'espèce, à une liberté fondamentale : ord. réf. 26 avril 2021, Sociétés Guinot et Mary Cohr, n° 451473.
60 - Fontaines à eau - Interdiction pour cause d'épidémie de Covid-19 - Fiches conseils métiers du ministère du travail - Recommandation - Cas des machines à café et des distributeurs de boissons non interdits - Guides de bonnes pratiques des organisations professionnelles - Rejet.
L'association requérante, qui regroupe les industriels distributeurs de fontaines à eau conteste la juridicité, d'une part, des dix-neuf fiches conseils établies par le ministère du travail en tant qu'elles préconisent l'interdiction, la suppression ou la suspension des fontaines à eau, d'autre part, la décision de publier sur le site du ministère trois guides de recommandations établis par les branches professionnelles, en tant qu'ils interdisent ou déconseillent d'utiliser des fontaines à eau.
Le recours est rejeté après que le juge de l'excès de pouvoir a estimé, implicitement mais nécessairement, que ces divers actes sont déférables devant lui.
Le Conseil d’État rappelle la double obligation de l'employeur découlant de dispositions du code du travail : assurer la sécurité et la santé de ses employés et leur fournir de l'eau potable et fraîche pour la boisson. Partant de là et pour concilier ces deux exigences légales, l'interdiction des fontaines à eau et la préconisation de leur substituer des bouteilles à eau individuelles n'est pas irrégulière au regard des précautions qu'impose la lutte contre la pandémie de Covid-19, tout comme n'est pas irrégulière la publication sur le site du ministère des guides professionnels de bonnes pratiques sur ce sujet.
Par ailleurs, le juge estime qu'il n'est pas porté atteinte au principe d'égalité du fait que, dans le même temps où sont interdites ces fontaines ne le sont pas les machines à café et les distributeurs de boissons car, à la différence de la distribution d'eau, obligatoire en vertu de la loi, ces machines et distributeurs ne le sont pas. La solution pourrait ne pas apparaître convaincante sur ce dernier point : en termes de risques épidémiques les deux situations ne sont guère différentes et, dans les deux cas, s'impose l'obligation de sécurité et de protection de la santé ; un inspecteur du travail pourrait, pour ce motif, faire interdiction d'utiliser ces appareils ou adresser avertissement ou mise en garde. Sans doute aussi une action en responsabilité serait possible du chef de contamination par ces moyens. Toutefois, ceci relève à titre principal du droit privé et du juge judicaire et ne pourrait concerner les juridictions administratives que par le truchement de l'intervention de l'inspection du travail. Enfin, il tombe sous le sens que même si l'on peut reprocher l'absence de mesures s'agissant des risques découlant de la présence et de l'usage de distributeurs et autres appareils, cela ne rend pas pour autant irrégulières les mesures, justifiées, relatives aux fontaines à eau.
(21 avril 2021, Association française de l'industrie des fontaines à eau, n° 440451)
61 - Interdiction d'accès au territoire français - Ressortissants algériens titulaires d'un certificat de résidence en qualité de médecins exerçant en France ainsi que leurs conjoints et enfants - Délivrance du "passeport Talents" à d'autres médecins étrangers - Urgence à statuer et doute sérieux - Suspension ordonnée de la circulaire primo-ministérielle du 22 février 2021.
Le juge des référés était saisi d'un référé suspension de la circulaire du premier ministre, du 22 février 2021, relative aux mesures frontalières mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, ne prévoyant pas de dérogation à l'interdiction d'entrée sur le territoire français pour les conjoints et enfants à charge des ressortissants algériens titulaires d'un certificat de résidence en leur qualité de médecins exerçant en France, alors que cette entrée est possible à d'autres médecins étrangers auxquels peut être accordé un "passeport Talents" dont ne peuvent bénéficier les ressortissants algériens.
Estimant être en présence d'une situation d'urgence, le juge considère que cette situation paradoxale où des Algériens, en principe privilégiés par rapport à d'autres étrangers hors UE, se voient refuser un accès accordé à ces derniers, fait peser un doute sérieux sur la légalité de la circulaire litigieuse.
Sa supension est ordonnée en tant qu'elle institue une discrimination illégale et il est ordonné à son auteur de prendre les mesures réglementaires strictement proportionnées aux risques sanitaires liés à l'entrée en France des conjoints et enfants des ressortissants algériens admis à entrer en France pour exercer une activité médicale en lien avec la lutte contre l'épidémie de Covid-19.
(ord. réf. 22 avril 2021, Mme J. et autres, n° 451249)
Droit fiscal et droit financier public
62 - Impôt sur les sociétés - Plus-value de cession immobilière - Plus-value réalisée par une "corporation" au sens du droit de l'État du Delaware - "Corporation" constituant prétendument une société de personnes - Affirmation controuvée par les dispositions du code des "corporations" de cet État et par les statuts de la société requérante - Assimilation à la société par actions simplifiée connue en droit français - Dénaturation des faits - Cassation sans renvoi.
Tout en s'acquittant du paiement de la plus-value immobilière qu'elle a réalisée, une société de droit américain (État du Delaware) émet une réserve en faisant valoir qu'elle est une société de personnes et ne satisfait à aucun des critères énoncés au 1 de l'article 206 du CGI qui sert de base à son imposition. Elle soutient, étant une société de personnes, qu'elle doit être soumise au régime prévu au II de l'article 244 bis A du CGI régissant les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu. Ce raisonnement, retenu par la cour d'appel, est contesté par le ministre demandeur au pourvoi.
Le Conseil d’État lui donne raison en constatant que, contrairement à ce que soutient la société, ni le code des "corporations" du Delaware ni les statuts de celle-ci, ne confirment son affirmation selon laquelle ses associés étaient tenus personnellement responsables des dettes sociales, même en l'absence de toute faute de gestion de leur part, ce qui aurait caractérisé une société de personnes. En jugeant qu'il en est bien ainsi la cour a dénaturé les faits de l'espèce qui lui étaient soumis.
Ensuite, le juge considère que cette société est assimilable au modèle français de la société par actions simplifiée et qu'elle doit être traitée comme telle quant au régime fiscal de ses plus-values immobilières, conformément à ce que soutient le ministre.
(2 avril 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 427880)
63 - Impositions sur les bénéfices agricoles - Distinction entre contribution sociale sur les revenus du patrimoine et contribution sociale sur les revenus d'activité et de remplacement - Cumul des deux contributions impossible - Assujettissement de tous les bénéfices agricoles à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement - Erreur de droit - Cassation et règlement de l'affaire au fond.
Un viticulteur, retraité à partir de 2009, a déclaré au titre des deux années 2009 et 2010 des bénéfices agricoles réalisés avant son départ en retraite mais fiscalement étalés dans le temps. L'administration fiscale a estimé que ces bénéfices devaient être soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (en vertu du f) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale). Puis, en 2012 et 2013, il a cédé un stock d'eau-de-vie dont les bénéfices agricoles en résultant ont été assujettis comme indiqué plus haut assortis de pénalités. Si le tribunal administratif a rejeté le recours de ce viticulteur tendant à la décharge de ces contributions et des pénalités correspondantes, la cour administrative a annulé ce jugement et prononcé la décharge des contributions et pénalités. Le ministre se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État dans cette décision assez innovante apporte deux précisions très importantes.
En premier lieu, il n'est pas possible de cumuler, dans le cas de bénéfices agricoles, la contribution sociale sur les revenus du patrimoine et la contribution sociale sur les revenus d'activité et de remplacement. Ce n'est qu'à défaut d'assujettissement sur les revenus d'activité et de remplacement que ces bénéfices sont soumis à la contribution sur les revenus du patrimoine.
En second lieu, dans l'espèce, l'intéressé, avait réalisé, en 2009 et 2010 des bénéfices agricoles au titre d'activités menées en qualité de salarié des professions agricoles et, en 2012 et 2013, des bénéfices en qualité de non salarié puisqu'il était retraité, sans qu'entre en ligne de compte la circonstance que les stocks d'eau-de-vie vendus ces deux dernières années avaient été constitués durant la période où il était encore salarié.
Il suit donc de là, d'une part, que les bénéfices réalisés en 2009 et 2010 devaient acquitter la contribution sur les revenus d'activités et de remplacement et, d'autre part, que ceux réalisés en 2012 et 2013, où il n'était plus salarié, ne pouvaient pas être assujettis à cette dernière contribution mais devait l'être à la contribution sur les revenus du patrimoine.
L'arrêt d'appel est cassé sans renvoi, le juge de cassation ayant décidé de régler lui-même l'affaire au fond (art. L. 821-2 cja)
Cette "construction" fiscale soumettant à des régimes de contribution nettement différenciés de résultats agricoles tous obtenus en période d'activité, simplement selon que leur réalisation a lieu durant une telle période ou durant la retraite ne semble pas reposer sur une base rationnelle ou pratique bien convaincante.
(2 avril 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 428084)
64 - Participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue - Participation des employeurs à l'effort de construction - Société de droit britannique ayant son siège au Royaume-Uni et des installations en France - Participations dues du seul fait d'emploi de salariés dans ces installations - Caractère inopérant de l'absence d'autonomie de ces installations - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Une compagnie aérienne à bas prix prétendait ne pas devoir acquitter les cotisations qui lui étaient demandées au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et à celui de la participation des employeurs à l'effort de construction, motif pris de ce que sont siège social se trouvait au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et qu'elle ne disposait en France que de trois bases d'exploitation dépourvues d'autonomie dans la gestion des ressources humaines. Si les premiers juges n'avaient pas été convaincus par cette argumentation, la cour administrative d'appel l'a été mais, sur pourvoi du ministre, son arrêt est cassé pour erreur de droit. Le Conseil d’État considère comme inopérante l'absence d'autonomie retenue par la cour alors qu'il lui incombait seulement de rechercher si ces bases d'exploitation permettaient à cette compagnie d'exercer son activité en France.
On avait pourtant cru comprendre que le paiement des participations litigieuses était lié au volume de personnels gérés et que cette considération importait seule : le Conseil d’État croit devoir lui substituer l'examen de l'utilité fonctionnelle de ces installations pour les activités françaises de cette compagnie sans égard aucun pour ce qui fonde pourtant l'assujettissement à ces participations : l'emploi de personnels et non les moyens mis à leur disposition.
(2 avril 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 428684)
65 - Cession de parts sociales - Parts démembrées entre un nu-propriétaire et un usufruitier - Régime d'imposition des plus values de cession - Incidence de dispositions contractuelles particulières - Cassation et règlement du litige au fond.
En principe, en cas de démembrement de la propriété des parts sociales entre un usufruitier et un propriétaire, la plus-value dégagée lors de la cession de ces parts au même moment par l'usufruitier et par le nu-propriétaire, l'imposition est répartie entre eux selon la valeur respective de chacun de ces droits.
Cependant, les intéressés peuvent avoir convenu de dispositions contractuelles particulières applicables au jour de la cession et ayant une incidence directe sur le régime d'imposition concernant la charge de celle-ci.
En premier lieu, lorsque les parties ont convenu entre elles que le droit d'usufruit serait, à la suite de la cession, reporté sur le prix issu de celle-ci, la plus-value est alors intégralement imposée entre les mains de l'usufruitier.
En second lieu et à l'inverse, lorsque les parties ont convenu entre elles que le prix de cession sera nécessairement remployé dans l'acquisition d'autres titres dont les revenus reviennent à l'usufruitier, la plus-value réalisée n'est imposable qu'au nom du nu-propriétaire.
Le Conseil d’État, après cassation de l'arrêt d'appel pour erreur de droit, règle l'affaire au fond, réitérant la solution qu'avaient retenu les premiers juges.
(2 avril 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 429187)
66 - Fusion-absorption entre deux sociétés - Sollicitation d'un agrément en vue du transfert du déficit de la société absorbée à la société absorbante - Refus en raison de changements significatifs durant la période d'origine du déficit - Absence de tels changements - Erreur de droit - Cassation et règlement de l'affaire au fond.
Le II de l'art. 209 du CGI, dans sa version alors applicable, disposait qu' " en cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée (...) sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues (...) au troisième alinéa du I (...)". Ce texte subordonne l'octroi de l'agrément, notamment, à l'absence de changement significatif, en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d’activité durant la période pendant lequel s'est réalisé le déficit.
En l'espèce, la société Agri 37, entreprise de négoce de produits agricoles et d'agrofournitures, a procédé à une fusion-absorption avec la société Echivard, devenue la société Alliance Négoce. La demande d'agrément afin que lui soit transféré le déficit inscrit dans les écritures comptables de la société absorbée ayant été refusé au motif que l'activité de la société absorbée avait subi des changements significatifs pendant la période au cours de laquelle le déficit en cause avait été constaté, la société Alliance Négoce a saisi, en vain, les juges de première instance et d'appel d’un recours en annulation du refus qui lui a été opposé.
Le Conseil d’État, au terme d'une analyse fouillée et serrée des faits, accueille le pourvoi car il considère que si la société absorbée " avait perdu l'intégralité de son effectif de 10 salariés au profit du recours à du personnel extérieur à l'établissement et que son actif brut corporel avait été réduit de 65 % après la cession d'installations techniques, matériel et outillages industriels et de matériel de transport, traduisant notamment la suppression totale de sa flotte de camions du fait de l'externalisation de l'activité de transport ", celle-ci n'en avait pas moins continué à assurer son activité "soit par du personnel mis à sa disposition par d'autres sociétés du groupe auquel appartient la société absorbante soit par ces sociétés elles-mêmes. (Par ailleurs) la diminution de son actif brut corporel a résulté d'une externalisation auprès d'une société du groupe spécialisée dans le transport. (Enfin) la société Agri 37 a également, au cours de la même période, poursuivi l'exploitation de son unique établissement, loué un entrepôt de stockage destiné à son activité de vente de produits d'agrofournitures, utilisé, au soutien de son activité de collecte et de vente de produits agricoles, un silo céréalier détenu par une société du groupe, et maintenu un chiffre d'affaires de près de 14 millions d'euros".
Il s'en déduit qu'au sens et pour l'application des dispositions fiscales précitées (cf. le b) du II de l'article 209 du CGI) les juges du fond ont commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la baisse de l'actif brut corporel de la société Agri 37 et la circonstance qu'elle n'employait plus aucun salarié étaient constitutives d'un changement significatif de son activité, "alors que cette suppression de ses emplois directs et de ses moyens d'exploitation, pendant la période au titre de laquelle a été constaté le déficit dont le transfert a été demandé, était destinée à assurer, par une réorganisation de son activité et une externalisation, le maintien du volume de son chiffre d'affaires".
Cette cassation s'opère sans renvoi le juge ayant décidé de régler l'affaire au fond.
(2 avril 2021, SAS Alliance Négoce, n° 429319)
67 - Taxe sur les surfaces commerciales - Exonération pour une activité de commerce de détail antérieure au 1er janvier 1960 et continuée depuis - Intervention d'une démolition suivie d'une reconstruction - Interruption du caractère continu de l'activité depuis 1960 - Assujettissement - Doctrine administrative ininvocable contre une imposition primitive - Moyen d'ordre public - Rejet.
La loi du 13 juillet 1972 (art. 3) a créé une taxe sur les surfaces commerciales qui a pour assiette la surface de vente des magasins de commerce de détail, ouverts à partir du 1er janvier 1960 et quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés. La FNAC s'est trouvée assujettie à cette taxe pour un point de vente situé à Belfort.
Deux questions très intéressantes étaient posées au juge.
En premier lieu, en l'espèce, l'exploitation des commerces de détail avait débuté avant le 1er janvier 1960 puis l'espace concerné avait fait l'objet en 1994 d'une démolition et d'une reconstruction occupée par des commerces de détail. Devait-on considérer que le temps des travaux n'avait que suspendu l’exploitation et que les commerces installés à nouveau ont "continué" ceux existants avant le 1er janvier 1960, bénéficiant ainsi de l'exemption de taxe ? Ou bien devait-on regarder ces travaux comme ayant mis un terme aux commerces antérieurement existants et les commerces ayant succédé comme nouveaux et donc comme postérieurs au 1er janvier 1960, donc non bénéficiaires de l'exemption de taxe ? Le juge opte pour cette seconde solution.
En second lieu, la requérante invoquait la doctrine administrative (art. L. 80 B LPF) du 22 octobre 2008 date à laquelle un courrier de la caisse nationale du régime social des indépendants lui indiquant que son établissement commercial à Belfort était exonéré de taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. En effet, l'invocation des prises de position formelles de l'administration n'est possible qu'en cas de rehaussement d'imposition non en cas d'imposition primitive.
(2 avril 2021, Société relais FNAC, n° 429709)
(68) V. aussi, constatant l'absence d'exercice continu d'une activité commerciale débutée avant le 1er janvier 1960 : 22 avril 2021, Société Anro, n° 432588.
(69) V. également, dans le même sens : 22 avril 2021, Société Sodigema, n° 432737.
70 - Procédure fiscale - Distinction entre contestation de l'obligation de payer et contestation de l'exigibilité de l'impôt - Invocation de la prescription de l'action en recouvrement - Action en contestation de l'exigibilité - Date et délai d'invocation de la prescription de l'action - Omission de contester la prescription dans la demande préalable - Invocation possible devant le juge sous condition - Cassation de la solution contraire retenue en appel - Cassation avec renvoi.
Le redevable qui invoque la prescription de l'action en recouvrement dont il fait l'objet conteste en réalité l'exigibilité de l'impôt non-l’obligation de le payer. Il doit donc soulever cette prescription à l'appui de la réclamation préalable adressée à l'administration fiscale dans un délai de deux mois à partir de la notification du premier acte de poursuite permettant de s'en prévaloir (cf. art. R. 281-3-1 LPF). En principe, s'il ne l'a pas invoquée dans la réclamation mais, par suite du rejet de sa réclamation, en a saisi le juge et conteste devant celui-ci ladite prescription (cf art. R.281-5 LPF), sa demande est recevable à condition que son examen ne conduise pas à l'appréciation d'autres pièces ou circonstances de fait autres que ceux figurant dans la réclamation à l'administration fiscale.
En l'espèce, le redevable, postérieurement à une première mise en demeure de payer qui a été irrégulièrement notifiée, a été rendu destinataire de deux avis à tiers détenteurs qu'il a contestés sans, toutefois, invoquer, comme il l'aurait pu, la prescription de l'action en recouvrement. Il suit de là qu'a commis une erreur de droit la cour administrative d'appel en jugeant l'intéressé fondé à invoquer cette prescription à l'encontre du commandement de payer litigieux ultérieur, alors que ce moyen était irrecevable dès lors qu'il n'aurait pu être soulevé qu'à l'appui de la contestation du premier acte de poursuite que constituaient les avis à tiers détenteur.
Il faut regretter les subtilités vénéneuses de ces procédures fiscales qu’aggrave l’absence d'obligation faite à l'administration fiscale d'indiquer avec précision, à chaque étape de la procédure et pour chacune des variétés de celle-ci, les voies, délais et moyens de contestation.
(2 avril 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 433989)
71 - Taxe professionnelle - Prise en charge par une société des intérêts d'emprunts contractés par ses clients en vue de l'achat du matériel agricole vendu par elle - Qualification juridique comme remise commerciale - Déduction du chiffre d'affaires en vue de la détermination de la valeur ajoutée soumise à la taxe professionnelle - Avantage tarifaire en vue de faciliter les ventes - Déductibilité de la valeur ajoutée - Erreur de droit de l'arrêt contraire - Cassation sans renvoi, l'affaire étant réglée au fond.
La requérante, qui commercialise du matériel agricole, prend en charge une partie des intérêts des emprunts contractés par ses clients en vue de l'acquisition des matériels qu'elle leur vend, ceci afin de faciliter cette acquisition.
Elle a déduit le montant des intérêts pris en charge, qu'elle analyse comme une remise commerciale, de son chiffre d'affaires pour la détermination de la valeur ajoutée soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle pour 2009 et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour 2010 et 2011.
L'administration fiscale a procédé à des rehaussements de taxes. Les recours formés en première instance puis en appel par la société ont été rejetés.
En particulier, la cour avait rejeté les demandes de la société d'abord parce que la prise en charge des intérêts étant sans effet sur le prix de vente elle ne pouvait pas constituer une remise commerciale et ensuite car la société avait comptabilisé la dépense correspondante comme une charge financière.
La société s'est pourvue et le Conseil d’État lui donne raison. Il relève tout d'abord que les art. 1647 B sexies et 1586 sexies du CGI fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base respectivement à la cotisation minimale de taxe professionnelle et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Par suite, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces deux catégories, il convient de se reporter aux normes comptables dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.
Ce faisant le juge décide que "les réductions sur ventes et les rabais, remises et ristournes, interprétés à la lumière des comptes 609 et 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général, s'entendent des avantages tarifaires consentis par les entreprises en vue de faciliter les ventes".
Appliquant cette définition à l'espèce, il est très logiquement jugé que "la dépense correspondant à la prise en charge, par la société Claas France, des intérêts des prêts consentis aux acheteurs des matériels agricoles qu'elle commercialise, doit être déduite de la valeur ajoutée pour l'application des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du CGI".
Il faut saluer une solution marquée au coin du bon sens et de la justice.
(2 avril 2021, Société Claas France, n° 430364)
72 - Impôt sur les sociétés - Rehaussement - Société de distribution de crédits à la consommation - Provisions pour impayé - Probabilité de non-recouvrement de créances - Refus d'admettre cette probabilité - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Une société dont l'activité consiste à distribuer des crédits à la consommation constitue des provisions pour impayé sur une période de 90 jours ; l'administration a remis en cause la déductibilité de ces provisions car la société, selon elle, se bornait systématiquement, à provisionner dès un impayé sur 90 jours sans prendre en compte la capacité réelle de ses clients à rembourser leur dette.
La cour administrative d'appel ayant remis à sa charge le montant des impositions dont l'avait dispensé le tribunal administratif, la société se pourvoit.
Le Conseil d’État annule l'arrêt qui avait jugé non déductibles les provisions constituées pour impayé au motif que la société n'indiquait pas clairement ni n'établissait que les provisions auraient été constituées après avoir tenu compte de la situation individuelle de son client ou après avoir vainement mis en oeuvre des actions de recouvrement ; ni le non-paiement des créances à leur échéance, ni l'échec des campagnes d'appel, ni l'impossibilité de compenser cet impayé par un prélèvement sur les comptes bancaires de ses clients n'établissaient que les créances en litige présentaient, à la clôture des exercices en litige, un risque probable de non recouvrement et, par suite, ne pouvaient justifier la constitution d'une provision.
Il considère au contraire, s'agissant d'une société exerçant une activité de distribution de crédit à la consommation, que le constat de retards de paiement des créances, nonobstant les diligences entreprises par l'établissement en vue de leur recouvrement, caractérise la probabilité du non-recouvrement de ces créances à la clôture de l'exercice, d'où la cassation prononcée.
(22 avril 2021, Société Cofidis, n° 433028)
73 - Cotisation foncière des entreprises (CFE) - Cas des bien exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties - Exclusion de ces biens de l'assiette de la CFE - Annulation partielle.
Rappel de ce que les biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu 11° de l'article 1382 du CGI sont exclus des bases de la cotisation foncière des entreprises.
(16 avril 2021, SAS Pâtisserie Pasquier Cerqueux, n° 419908)
(74) V. aussi : 16 avril 2021, SAS Décoration Protection des Métaux, n° 432786.
(75) V. également : 16 avril 2021, Société anonyme GKN Driveline, n° 437670.
76 - Impôt sur le revenu et contributions sociales - Convention fiscale franco-suisse - Invocation d'une interprétation administrative - Détermination du pays de résidence - Erreur de droit à appliquer l'art. 31 de la convention au lieu de l'art. 4 - Annulation.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui, pour refuser à des personnes la qualité de résidents suisses, se fonde sur le 2 de l'art. 31 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, lequel ne concerne que le cas où est recherchée l'obtention d'"avantages" au lieu de retenir l'art. 4 (6, b/), seul à considérer s'agissant seulement de déterminer le lieu de résidence.
En l'espèce, alors que les requérants avaient produit des attestations de l'administration cantonale des impôts et du département fédéral des finances de la Confédération suisse indiquant qu'ils étaient assujettis aux impôts fédéraux, cantonaux, et communaux d'après la dépense depuis le 1er octobre 2004 et pouvaient ainsi être considérés comme résidents suisses au sens de l'article 4 de la convention franco-suisse, la cour avait estimé, d'une part, ces documents insuffisants au regard des dispositions du 2 de l'art. 31 de cette convention et, d'autre part, qu'en conséquence les requérants ne pouvaient pas se prévaloir, sur le fondement de l'art. L. 80A du LPF, de la doctrine administrative. Or l'art. 31 n'est applicable qu'en cas de demande d'avantages tirés de la législation suisse, tel n'est pas le cas de la détermination de la qualité de résident qui est un fait non un avantage.
(19 avril 2021, M. et Mme A., n° 431982)
(77) V. aussi, identique : 19 avril 2021, M. et Mme B., n° 439606.
78 - Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - Cession de terrain à bâtir - Régime dérogatoire de TVA - Exclusion des cessions de terrains déjà bâtis - Erreur de droit à juger le contraire - Annulation.
Rappel, à nouveau, que le régime dérogatoire de TVA applicable à la cession de terrains à bâtir, tel qu'il résulte des art. 257 et 266 du CGI, transposant l'art. 392 de la directive européenne du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, ne s'applique qu'aux terrains nus et non à ceux comportant au moment de leur acquisition des éléments bâtis même s'ils sont voués à la démolition ou ayant fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment. Par a contrario il se déduit de là qu'il en va autrement si le vendeur, avant la cession, a démoli tout édifice se trouvant sur son terrain.
(19 avril 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 440135)
79 - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Site comprenant du matériel, des bâtiments et équipements dans un état très vétuste - Caractéristique insuffisante pour exonérer de l'assujettissement à la taxe foncière - Nécessité d'une disparition de tout moyen rendant le bien propre à une activité - Cassation.
Un tribunal administratif avait jugé qu'en raison de sa perte d'utilité, de son absence d'exploitation et de sa grande vétusté rendant impossible son exploitation sans de très importants travaux préalables, la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle était assujetti l'ensemble ne devait plus être calculée selon les modalités fixées à l'art. 1499 CGI mais selon celles prévues à l'art. 1498 de ce code.
Le jugement est cassé sur pourvoi du ministre des finances au motif qu'il appartenait au tribunal de " rechercher si la cessation d'activité de (l'entreprise contribuable) était assortie de la disparition de tout moyen technique industriel, rendant ainsi l'immeuble disponible pour une autre activité ".
La solution est sévère dans sa rigidité.
(19 avril 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 440955)
80 - Impôt sur les sociétés - Moins-value à court terme - Condition d'application - Limite de la déductibilité - Champ d'application de la loi - Méconnaissance - Cassation avec renvoi.
Une société avait déduit du bénéfice imposable la moins-value résultant de la cession de titres qu'elle détenait jusqu'alors dans une autre société.
L'administration fiscale a réintégré ce résultat dans le résultat imposable et rehaussé en conséquence le montant des droits dus.
Sa requête en décharge de cette imposition supplémentaire ayant été rejetée en première instance et en appel, la société contribuable se pourvoit, avec succès.
En effet, il résulte des termes mêmes du 2 bis de l'article 39 quaterdecies du CGI, issu du I de l'article 18 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 que la réintégration de la moins-value litigieuse n'était possible que dans le cas où les titres cédés auraient fait l'objet d'une émission nouvelle dans le cadre de l'apport. C'était là l'un des deux moyens soulevés par la demanderesse et il est ainsi retenu. S'il n'avait pas été soulevé par elle il l'eût été d'office car la méconnaissance du champ d'application de la loi est un moyen d'ordre public.
(20 avril 2021, Société Catana Group, n° 429467)
81 - Qualité de commissionnaire - Contribution due par les entreprises exploitant en France des spécialités pharmaceutiques - Remboursement de cette contribution par sa commettante à la commissionnaire - Réintégration de ces sommes dans le résultat imposable - QPC - Absence de prise en compte des facultés contributives, résultant du principe d'égalité devant les charges publiques - Charge de l'obligation fiscale - Rejet -
La requérante, commissionnaire en acquisition de produits pharmaceutiques, a acquitté le montant de la contribution due par les entreprises exploitant en France des spécialités pharmaceutiques puis a déduit de son résultat imposable les sommes versées par sa commettante en remboursement de cette contribution. L'administration ayant réintégré ces sommes dans son résultat imposable, elle a saisi, en vain les juges de première instance et d'appel.
Elle se pourvoit en cassation, soulève une QPC et reprend les autres arguments déjà invoqués. Elle soutient que les dispositions de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoient l'assujettissement des entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie à une contribution assise sur le chiffre d'affaires hors taxe qu'elles réalisent en France, méconnaissent l'exigence de prise en compte des facultés contributives résultant du principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'en ne distinguant pas selon que les exploitants visés par ces dispositions disposent ou non du chiffre d'affaires ainsi réalisé, elles ont pour effet d'assujettir des entreprises agissant en tant que commissionnaire à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont elles ne disposent pas.
Pour rejeter le moyen, le Conseil d’État rappelle que le principe invoqué par la requérante a pour conséquence que l'imposition doit être acquittée par celui qui dispose du revenu ou de la ressource qui justifie l'imposition. Or l'art. L. 132-1 du code de commerce définit le commissionnaire comme celui qui agit en son propre nom pour le compte d'un commettant. Lorsqu'une société assure en France l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités en qualité de commissionnaire il s’ensuit qu’elle réalise elle-même le chiffre d'affaires retiré de la vente des biens du commettant, dont les résultats sont enregistrés dans sa comptabilité.
La circonstance, comme soutenu ici par la requérante, que pèse sur le commissionnaire l'obligation contractuelle de reverser au commettant le produit de ses ventes, conduit à ce que le commissionnaire ne puisse être regardé comme n'ayant pas la disposition des ressources qu'il retire de son exploitation et qui constituent son chiffre d'affaires. La demande de renvoi de la QPC est donc rejetée.
Par ailleurs, il était soutenu que les indemnités versées à un contribuable pour réparer une diminution de ses valeurs d'actif, une dépense exposée ou une perte subie, dès lors que leur versement a été effectué en vertu d'une obligation de réparation incombant à la partie versante, ne constituent des recettes imposables que si la perte ou charge qu'elles compensent est elle-même déductible pour la détermination du bénéfice imposable. Tel n'est pas le cas en l'espèce, juge le Conseil d’État, le versement de la contribution en litige ne saurait être considéré comme ou assimilé à un préjudice ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel ; tout comme elle a bon droit considéré que les sommes versées en remboursement de la cotisation versée ne constituaient pas davantage l'exécution d'une obligation indemnitaire mais la conséquence d'un accord conventionnel sur la rémunération de l'intéressée. De ce fait est inopérant le moyen tiré de l'égalité devant les charges publiques.
(20 avril 2021, Société Baxter SAS, n° 430561 et n° 430562)
(82) V. aussi, sur le rapport entre facultés contributives et principe d'égalité devant les charges publiques : 20 avril 2021, SAS M6 Publicité, n° 448984.
83 - Acquisition ou cession par une société à un prix manifestement majoré ou minoré - Écart de prix sans contrepartie - Libéralité consistant en une distribution de bénéfices - Avantage occulte (art. 111 CGI) - Preuve de la distribution occulte - Évaluation des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé - Rejet.
Le litige portait sur l'existence d'une distribution occulte de bénéfices et sur l'évaluation de l'écart entre les prix pratiqués et ceux qui auraient dus l'être s'agissant d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé.
Le principe est simple et repose sur la réunion de deux conditions.
En premier lieu, doit exister une acquisition par une société à un prix délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré.
En second lieu, cet écart de prix ne comporte pas de contrepartie.
Lorsque ces deux conditions sont remplies, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c de l'article 111 du CGI.
Enfin, la circonstance que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, ne modifie pas sa nature de libéralité dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. S'agissant de la preuve d'une telle distribution occulte, le principe est, là aussi, clair : celle-ci doit être regardée comme établie lorsqu'il existe, d'une part, un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
Cependant, les choses se compliquent un peu lorsque l'acquisition ou la cession met en cause une société non admise à la négociation sur un marché. En ce cas, c'est un peu du bricolage pour parvenir à " un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ". L'on peut retenir des transactions intervenues dans des conditions sensiblement équivalentes déjà réalisées sur des titres de la même société ou par des sociétés similaires ; également peuvent être combinées diverses méthodes alternatives.
En l'espèce, les juges d'appel ont, à bon droit, estimé, 1° que l'écart de prix était manifeste entre une estimation, de l'aveu même de la cédante, à 99,85 euros la valeur unitaire du titre et sa cession au prix unitaire de 108,50 euros soit une différence de 8,66%, 2° que l'intention libérale était établie et 3° qu'en avait été ainsi retiré un avantage occulte.
(20 avril 2021, M. C., n° 437991)
84 - Taxe professionnelle - Cotisation minimale de taxe - Revente à des sociétés de financement d'éléments de bureautique loués à ses clients - Qualification comme charge financière - Portée de dispositions du plan comptable général - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
La société requérante, selon la formule des "contrats mandatés", loue du matériel de bureautique à ses clients et transfère la propriété du matériel à des sociétés de financement ainsi que le contrat de location et maintenance ; en contrepartie la société encaisse la totalité des loyers et reverse à la société de financement la part de ces loyers correspondant à la seule mise à disposition du matériel au client final.
L’administration fiscale a considéré que les deux parties étaient liées par des contrats de "locations-financement " et estimé qu'en application du plan comptable en vigueur l'année de l'imposition, les loyers perçus constituaient une charge finacière et non, comme le soutenait la requérante, " des consommations de biens ou de services en provenance de tiers ". Elle a donc, pour déterminer l'assujettissement de la société requérante à la taxe professionnelle et en calculer son montant, rattaché, pour l'application de l'art. 1647 E du CGI, les loyers versés par les clients aux catégories fixées aux art. 1647 B sexies du CGI. Pour ce faire, approuvée par la cour administrative d'appel, elle a retenu les normes comptables applicables aux comptes consolidés alors qu'elle devait se reporter aux dispositions du plan comptable général applicables aux comptes sociaux individuels, et notamment celles de l'article 394-1 en vertu desquelles les opérations traitées, pour le compte de tiers, au nom de l'entité sont inscrites selon leur nature dans les charges et les produits de l'entité.
Ce faisant, elle a commis une erreur de droit dans le choix des éléments comptables devant être pris en compte pour le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle.
L'affaire est renvoyée à la cour.
(20 avril, Société Ricoh France, n° 431224)
85 - Acquisition de titres d'une société - Intention de revendre ces titres à un tiers dans le cadre d'une convention de portage - Moyen présenté au soutien de l'affirmation du défaut d'intention libérale - Moyen non inopérant - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui écarte pour inopérance le moyen contestant l'octroi d'une libéralité à leur profit consistant en l'invocation, par les contribuables, de l'existence d'une convention de portage au bénéfice d'un tiers et se fonde sur la seule circonstance que M. B. était le dirigeant de la société dont les titres avaient fait l'objet de la cession litigieuse, laquelle n'était ni de nature à établir l'existence d'une relation d'intérêts avec la société cédante, ni à démontrer l'intention de cette société d'octroyer et celle de M. B. de recevoir une libéralité.
(20 avril 2021, M. et Mme B., n° 434255)
86 - Taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision - Principe d'égalité devant les charges publiques - Exigence de tenir compte des facultés contributives - Question de caractère sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel.
(20 avril 2021, SAS M6 Publicité, n° 448984) V. n° 157
Droit public économique
87 - Organismes financiers prestataires de services sur actifs numériques - Obligation d'enregistrement auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) - Sanction - Communiqué commun de l'AMF et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation - QPC - Rejet.
La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dispose que les prestataires de services sur actifs numériques doivent, avant d'exercer leur activité, s'enregistrer auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui, à cette fin, recueille l'avis conforme de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Elle décide (dans le X de son art. 86) que les opérateurs qui exerçaient de telles activités avant son entrée en vigueur disposent d'un délai de douze mois à compter de la publication des textes d'application pour s'enregistrer auprès de l'Autorité des marchés financiers.
Par un communiqué commun du 23 novembre 2020, l'AMF et l'ACPR ont rappelé aux opérateurs concernés que " la période transitoire pour exercer une activité sur actifs numériques sans enregistrement prend fin le 18 décembre 2020 ", et indiqué que " les prestataires non enregistrés à cette date devront cesser leur activité en France dans l'attente de leur enregistrement. Les autorités veilleront au respect de la réglementation et prendront les mesures qui s'imposent en cas d'infraction. L'AMF pourra notamment publier une liste noire des prestataires non enregistrés accompagnée d'une mise en garde du public, et, le cas échéant, demander en justice le blocage de l'accès aux sites internet des prestataires non enregistrés ". Le communiqué précise par ailleurs que " concernant les prestataires ayant déposé leur dossier de demande d'enregistrement en temps opportun et dont la procédure d'enregistrement serait très avancée, les autorités pourront tenir compte de leur situation au cas par cas. En tout état de cause, ces prestataires devront suspendre toute activité promotionnelle et ne pas accepter de nouveaux clients avant d'être enregistrés ".
Les sociétés requérantes ont saisi le Conseil d’État d'une demande d'annulation de ce communiqué pour illégalité et soulevé une QPC dirigée contre l'art. 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, dans la version qui lui a été donnée par l'ordonnance du 15 avril 2020.
Les recours sont rejetés.
Au soutien de leurs identiques questions prioritaires de constitutionnalité les requérantes faisaient valoir que les dispositions de cet art. 8 méconnaissent les articles 1er et 6 de la Déclaration de 1789 et l'article 34 de la Constitution, en tant qu'elles ne concernent pas les délais prescrits directement par la loi, comme la période transitoire prévue par le X de l'article 86 de la loi du 22 mai 2019 précitée pour l'enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques déjà en activité. L'argument est rejeté en tant que par là ne sont suspendus que les délais de nature réglementaire non ceux de nature législative, ils ne relèvent donc pas d'une QPC.
Par ailleurs, le juge voit dans le communiqué contesté des orientations générales qu'il entre pleinement dans les attributions de l'AMF et de l'ACPR d'édicter en vertu des larges pouvoirs dont elles sont dotées par le législateur. L'incompétence alléguée est ainsi rejetée tout comme l'interprétation des douze mois de suspension comme s'appliquant au délai de dépôt du dossier et non à celui dans lequel les entités concernées doivent être enregistrées alors que c'est l'inverse...
(2 avril 2021, Société Blockchain Process Security, n° 448415 ; Société Digital Broker, n° 448416 ; Société Kamix, n° 448418, jonction)
88 - Fixation de seuils d'interdiction des paiements en espèces - Conformité de la loi française au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Décret attaqué se bornant à reproduire la prohibition légale - Objectif légitime de lutte contre le blanchiment d'argent - Absence de discrimination en fonction du pays de résidence fiscale - Rejet.
Les organisations requérantes demandaient l'annulation du refus implicite du premier ministre, d'une part, de faire droit à leur demande tendant à l'abrogation de divers décrets fixant des seuils d'interdiction pour les paiements en espèces et, d'autre part, à titre subsidiaire, de rehausser ces seuils. Elles proposaient que ces seuils soient portés à quinze mille euros.
Pour rejeter ces requêtes, le juge retient qu'en réalité ce ne sont pas les décrets attaqués qui ont institué cette interdiction mais l'art. L. 112-6 du code monétaire dont les requérantes ne prétendent pas qu'il méconnaît la libre circulation des moyens de paiement ou le principe de non-discrimination énoncés et garantis par le TFUE (art. 63 et 18). Ensuite, il relève l’objectif légitime poursuivi par cette prohibition à savoir la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. L'argument est très discutable puisque, pour l'essentiel, il est un moyen de lutter contre la fraude fiscale qui n'est ni un blanchiment ni une entreprise terroriste, signant ainsi un superbe détournement.
Enfin, contrairement à ce qui est allégué, le mécanisme en cause n'impose pas de règles plus contraignantes aux paiements effectués par des débiteurs n'ayant pas leur domicile fiscal sur le territoire de la République française que par ceux qui ont leur domicile fiscal en France.
(15 avril 2021, Fédération de l'horlogerie et autres, n° 429624)
89 - Bouteilles de vin - Étiquetage - Notion d'exploitation viticole - Non reprise par l'entité nouvelle des bâtiments et équipements des anciennes exploitations - Circonstance indifférente au droit de perpétuer les noms antérieurs des vins produits - Annulation.
La société requérante demande l'annulation de la décision du directeur régional de la concurrence lui enjoignant de mettre l'étiquetage de ses bouteilles de vin en conformité avec le code de la consommation. Si le tribunal administratif a annulé cette décision, la cour a, après annulation du jugement, rejeté la demande de la requérante.
Sur pourvoi de cette dernière, le Conseil d’État annule l'arrêt. Il reproche à la cour d'avoir commis une erreur de droit pour avoir jugé, confirmant la décision du directeur régional de la concurrence, que la demanderesse ne pouvait pas continuer à utiliser les noms antérieurs des vins car celle-ci avait repris à bail l'ancienne exploitation et qu'ainsi il n'y avait pas eu transfert de bâtiments d'équipements des exploitations précédentes. Ceci ne constituant pas une "reprise d'exploitation" au sens et pour l'application de l'art. 8 du décret du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques oenologiques. Cassant cet arrêt, le Conseil d’État juge : " pour que soit caractérisée une réunion d'exploitations, permettant à la nouvelle entité de continuer à utiliser les noms des anciennes exploitations, dès lors que ces noms étaient utilisés antérieurement pour la commercialisation de tout ou partie de la production de chacune de ces anciennes exploitations, d'une part, ces anciennes exploitations doivent encore remplir, à la date de la réunion, les conditions posées à l'article 6 (du décret du 4 mai 2012 : parcelles viticoles, bâtiments et équipements,cuverie particulière ou identifiée, etc.), d'autre part, la nouvelle entité doit elle-même remplir ces conditions, reprendre l'ensemble de l'activité viticole des anciennes exploitations et de leurs parcelles demeurant affectées à cette activité, et continuer à assurer une vinification séparée du raisin par nom d'exploitation, ce qu'elle peut cependant faire, aux termes mêmes de l'article 8 (du décrret précité), soit dans les bâtiments de chacune des exploitations regroupées, soit dans les bâtiments de l'une d'elles, soit dans les bâtiments de la nouvelle exploitation. Il en découle qu'une telle réunion d'exploitations n'exige pas nécessairement la reprise, par l'entité nouvelle, des bâtiments et équipements des anciennes exploitations ".
(16 avril 2021, Société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Reillanne, n° 434131)
Droit social et action sociale
90 - Contrat de travail à durée déterminée (CDD) - Non-renouvellement - Condition de qualification comme perte involontaire d'emploi - Cas de l'agente invoquant un motif légitime de refus de renouvellement - Droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi - Refus - Erreur de droit - Cassation sans renvoi.
Une agente hospitalière titulaire d'un CDD indique à son employeur son intention de ne pas solliciter le renouvellement de son contrat parvenu à son terme et lui demande l'octroi de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, ce qui est refusé au motif que, par son refus de solliciter un renouvellement, elle ne peut pas être considérée comme "involontairement privée d'emploi". Son recours contre ce refus ayant été rejeté par le tribunal administratif, elle se pourvoit en Conseil d’État.
Relevant que le décret n° 2020-741 du 16 juin 2020 fait exception au caractère volontaire de la privation d'emploi lorsque le motif du refus de renouvellement du contrat de travail est "légitime", le juge de cassation considère comme tel, en l'espèce, le refus tiré de la la nécessité pour l'intéressée d'assurer seule, en raison de la séparation récente d'avec son conjoint, la garde de ses deux jeunes enfants, dont un n'était pas scolarisé, et de son emménagement dans un nouveau domicile distant d'une vingtaine de kilomètres de son lieu de travail. En refusant d'apercevoir ce caractère légitime du refus les premiers juges ont inexactement qualifié les faits.
La solution retenue par le Conseil d’État doit être totalement approuvée.
(2 avril 2021, Mme B., n° 428312)
91 - Détenus - Rémunération versée à des détenus - Assujettissement des salaires ainsi perçus à la CSG et à la CRDS - Annulation de l'ordonnance ayant jugé le contraire.
Commet une erreur de droit le juge des référés qui calcule le montant de la rémunération nette due à un détenu exerçant la fonction de peintre sans en retirer le montant de la contribution sociale généralisée et celui de la contribution au remboursement de la dette sociale auquel il est soumis comme tout salarié.
(2 avril 2021, M. A., n° 441753)
92 - Cotisations perçues par une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - Question préjudicielle sur renvoi de l'autorité judiciaire - Régime de la prescription pendant la période contradictoire - Conditions d'interruption du cours de la prescription - Illégalité - Conditions de suspension du cours de la prescription - Illégalité.
Dans le cadre d'un litige opposant le Commissariat requérant à une URSSAF à propos du régime de la période contradictoire préalable à l'envoi de toute mise en demeure ou avertissement, le tribunal judiciaire saisi du litige a adressé une question préjudicielle au juge administratif portant sur les dispositions du IV de l'art. R. 243-59 du code de la sécurité sociale permettant, à l'administration, en matière de travail dissimulé, de suspendre indéfiniment la prescription de l'obligation de régler des cotisations sociales et en ce que le délai de suspension de la prescription qu'il prévoit s'achève par une mise en demeure qui est une cause d'interruption de la prescription.
Le Conseil d’État affirme la double illégalité des dispositions litigieuses.
D'une part, les dispositions de l'art. R. 243-59 de ce code sont illégales en ce qu'elles ont pour effet que le cours du délai de prescription, suspendu pendant la période contradictoire (cf. art. L. 244-3, al. 2 du code de la séc. soc.), ne peut reprendre à l'issue de cette période, l'acte qui clôt la période contradictoire ayant pour effet d'interrompre ce délai.
D'autre part, les dispositions de l'art. R. 243-59 sont encore illégales du fait que si elles " enserrent dans un délai de trente jours la réponse de la personne poursuivie à la lettre d'observations qui lui est communiquée à l'issue du contrôle et dont la réception ouvre la période contradictoire, elles ne soumettent à aucun délai l'envoi de la mise en demeure ou de l'avertissement. Il en résulte que les dispositions de l'alinéa contesté ont pour effet de permettre aux organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales de prolonger, sans limitation de durée, la suspension de la prescription des cotisations et contributions sociales attachée au déroulement de la période contradictoire, aussi longtemps qu'une mise en demeure ou un avertissement n'est pas adressé à la personne contrôlée".
Il appartient au juge judiciaire de résoudre le litige sur cette base.
(2 avril 2021, Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, n° 44731)
93 - Organisations syndicales représentatives dans une convention collective (édition phonographique) - Détermination du poids de chaque organisation - Centralisation des procès-verbaux d'élections - Obligation du ministre en présence d'erreurs - Contentieux des élections professionnelles des entreprises privées - Incidence sur le juge de l'excès de pouvoir - Rejets du recours et annulation de l'arrêt.
La requérante contestait la juridicité de l'arrêté du 21 juillet 2017 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans la convention collective nationale relative à l'édition phonographique. Si elle rejette au fond la requête, la décision est surtout importante sur deux points.
En premier lieu, l'arrêt d'appel est annulé pour avoir jugé - au prix d'une erreur de droit - que la fédération requérante ne pouvait utilement faire valoir, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans le champ de la convention nationale de l'édition phonographique, que la ministre du travail n'aurait pas dû prendre en compte, pour l'élaboration de cet arrêté, les suffrages émis lors des élections professionnelles organisées au sein de la société Harmonia Mundi, dès lors que la mention figurant sur le procès-verbal transmis par cette entreprise quant à sa branche professionnelle de rattachement était erronée, au motif que le contentieux des élections professionnelles relève de la seule compétence du juge judiciaire.
En second lieu, est indiqué avec précision les importantes exigences que doit respecter le ministre du travail lorsqu'il apprécie l'audience des organisations syndicales par branche professionnelle. Cette dernière est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats par collationnement des procès-verbaux de ces élections, lesquels sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail. Il incombe donc au ministre chargé du travail d'assurer cette centralisation et, le cas échéant, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience, d'une part, d'écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent et, d'autre part, de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l'exhaustivité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience.
(16 avril 2021, Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT, n° 425524)
(94) V. aussi, jugeant, comme en appel, qu'en présence de procès-verbaux d'opérations électorales mentionnant des identifiants de convention collective qui n'existent pas, la ministre du travail ne pouvait légalement y substituer un autre numéro d'identifiant de convention collective sans recueillir au préalable l'accord exprès de l'entreprise concernée : 16 avril 2021, Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de télévision (SNTPCT), n° 434611.
95 - Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) - Homologation du document unilatéral fixant le contenu du PSE - Recours du comité d'entreprise à un expert - Pleine et complète information du comité - Réunions nécessaires du comité - Annulation.
Cette décision est importante, d'abord en ce qu'elle reconnaît la nécessité absolue d'information complète du comité d'entreprise, dans certaines entreprises, lorsqu'il a décidé de faire appel à un expert dans le cadre d'un projet de licenciement, ensuite en ce qu'il précise de façon détaillée la portée de cette exigence. On lit ci-après combien est étendu la charge dévolue de ce chef à l'administration du travail.
Lorsque le comité d'entreprise a décidé de recourir à l'assistance d'un expert en application des dispositions de l'art. L. 1233-34 du code du travail, l'administration doit s'assurer que l'expert a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses deux avis en toute connaissance de cause.
En particulier, même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaires, une seule réunion du comité d'entreprise est en principe prévue par l'article L. 1233-58 c. trav., " le recours à un expert, destiné à éclairer le comité d'entreprise, justifie qu'il soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d'effet le recours à l'expertise. Il appartient alors à l'administration de s'assurer que les deux avis du comité d'entreprise ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l'expert ou, à défaut de remise du rapport de l'expert, à une date à laquelle, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l'employeur, l'expert a disposé d'un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause ".
(16 avril 2021, Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG) et le comité d'entreprise de la société Bois Debout, n° 426287)
96 - Salarié membre du conseil d'administration d'une caisse de sécurité sociale - Licenciement - Application du régime des salariés protégés jusqu'à l'expiration du sixième mois après la cessation des fonctions - Rejet.
C'est sans erreur de droit que le juge d'appel estime que la salariée exerçant le mandat de membre du conseil ou d'administrateur bénéficie, en cas de licenciement, de la protection spéciale, identique à celle d'un salarié protégé, jusqu'au terme du sixième mois suivant la cessation e ses fonctions d'administrateur et qu'en l'espèce ce délai étant expiré l'intéressée ne disposait plus du régime spécial de protection.
(16 avril 2021, Mme B., n° 430565)
97 - Salarié - Licenciement pour inaptitude physique - Obligation s'imposant à l'employeur en vue du reclassement de l'intéressé - Appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur - Recueil des préconisations du médecin de travail - Annulation.
Commet une erreur de droit la juridiction qui, appréciant le sérieux de l'association requérante dans sa recherche d'un emploi de reclassement d'une salariée déclarée inapte physiquement à l'exercice de l'emploi qu'elle occupe, refuse de tenir compte dans l'appréciation de cette recherche de la mise en oeuvre par l'employeur des préconisations du médecin du travail à cet effet.
(16 avril 2021, Association pour l'accompagnement et le maintien à domicile, n° 433905)
98 - Organisations d'employeurs - Détermination de leur représentativité - Organisation n'intervenant que partiellement dans le secteur couvert par une convention collective donnée - Contrôle du juge de cassation - Rejet.
Le litige portait sur la représentativité en qualité d'organisation professionnelle d'employeurs dans la convention collective des entreprises du paysage. Réglant ce dossier le Conseil d’État, apporte d'importantes précisions.
En premier lieu, la circonstance qu'une organisation prétendant à la reconnaissance de sa représentativité n'exerce pas toute son activité dans le secteur couvert par la convention collective en cause est indifférente.
En deuxième lieu, le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits en matière de satisfaction, par une organisation, des critères de représentativité fixés au I de l'article L. 2151-1 du code du travail.
Enfin, ce dernier contrôle porte distinctement sur chacun des critères de représentativité qui y sont énumérés.
En l'espèce, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits, ce qui conduit au rejet du pourvoi.
(16 avril 2021, Union nationale des entreprises du paysage (UNEP), n° 434192)
99 - Licenciement - Autorisation de licenciement donnée puis retirée et enfin reprise à l'identique par l'inspecteur du travail - Recours hiérarchique au ministre - Obligation de confirmer ou, en cas d'annulation, de se prononcer lui-même sur la demande de licenciement - Erreur de droit à exiger que le ministre se prononce aussi sur la première décision d'autorisation donnée par l'inspecteur du travail - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui, saisie d'un recours contre la décision du ministre du travail statuant sur un recours hiérarchique dirigé contre la décision d'un inspecteur du travail autorisant un licenciement après qu'il a retiré une précédente autorisation de ce même licenciement, lui impose, après avoir estimé illégale cette autorisation, d'examiner ensuite la légalité de l'autorisation précédente. En effet, il appartenait seulement au ministre de décider lui-même directement sur le licenciement.
(16 avril 2021, APF France Handicap, n° 438869)
Élections
Comme dans la Chronique précédente, le contentieux électoral né des élections municipales et des élections communautaires de mars et de juin 2020, est encore très fourni et, par delà certaines constantes, s'observe une relative diversité des griefs ainsi que, parfois, des différences notables entre les solutions retenues par les tribunaux administratifs et celles adoptées par le Conseil d’État statuant comme juge d'appel.
100 - Élections municipales - Distribution d'un tract diffamatoire après clôture de la campagne électorale - Attroupement au sujet de ce tract à proximité de l'unique bureau de vote de la commune - Faible écart des voix - Pression sur les électeurs - Confirmation de l'annulation des opérations électorales (du premier et, par voie de conséquence, du second tour de scrutin).
Le Conseil d'État confirme l'annulation prononcée par les premiers juges du premier tour de scrutin et, par voie de conséquence, du second tour, d'élections municipales en raison : 1°/ de la diffusion d'un tract diffamatoire contre le maire sortant et plusieurs de ses colistiers alors que la campagne électorale était close ; 2°/ de la lecture de ce tract dans l'unique bureau de vote de la commune ; 3°/ de l'organisation d'une discussion à proximité du bureau de vote ayant pour objet le contenu du tract ; 4°/ Enfin, et peut-être surtout, du faible écart de voix séparant les listes en présence.
(2 avril 2021, M. A., Élections municipales de Béchy, n° 445626)
101 - Élections municipales et communautaires - Éligibilité - Électeur inscrit sur une liste électorale - Incompétence du juge de l'élection pour apprécier la légalité d'une telle inscription - Détention de la qualité de contribuable communal - Rejet.
Rappel de ce que le juge de l'élection n'a pas compétence pour apprécier si un électeur inscrit sur la liste électorale d'une commune satisfait bien aux conditions légales requises pour y figurer. Il lui appartient seulement de juger si des manoeuvres ont caractérisé l'établissement de la liste, altérant ainsi la sincérité du scrutin.
En l'espèce, d'une part, positivement, le candidat dont l'éligibilité était contestée figurait bien sur la liste électorale et avait bien la qualité de contribuable local ainsi qu'attesté par le service fiscal et, d'autre part, négativement, cette inscription ne procédait d'aucune manoeuvre.
La protestation est évidemment rejetée.
(2 avril 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Vauchelles, n° 445668)
(102) V., confirmant cette solution : 16 avril 2021, M. K. et autres, Élections municipales de Planay, n° 445696 ou encore, s'agissant de radiations et/ou d'inscriptions de Français ou d'étrangers sur la liste électorale : 16 avril 2021, M. AC. et autres, Élections municipales du Rayol-Canadel-sur-Mer, n° 445492
103 - Élections municipales - Procurations - Conditions de légalité - Irrégularités diverses - Annulation des procurations litigieuses - Égalité de voix entre les listes - Mise à l'écart de la règle de séniorité moyenne de la liste - Confirmation de l'annulation totale de l'élection en première instance - Rejet.
Le litige portait essentiellement sur le caractère discuté de plusieurs procurations dont l'annulation et leur retranchement hypothétique du nombre des voix obtenues par les listes en présence avait abouti à une égalité entre elles et à un jugement d'annulation.
Le Conseil d'État confirme entièrement le jugement qu'il s'agisse de l'annulation des procurations irrégulières ou des conséquences à en tirer sur le scrutin du fait de l'arithmétique résultant de cette annulation.
La narration par le juge des irrégularités en cause est assez savoureuse : " Il résulte de l'instruction et des énonciations du jugement du tribunal administratif, suffisamment motivé sur ce point, que parmi les six volets de procuration adressés à la mairie sans signature lisible, deux sont dépourvus de toute signature, la procuration de Mme K. est revêtue d'un paraphe qui n'est pas identifiable et celles de Mme D. B., de Mme O. et de M. L. sont signées d'une croix, sans qu'aucune d'entre elles ne comporte de mention par laquelle l'autorité devant laquelle elles ont été dressées attesterait de l'impossibilité de signer des mandants, ce à quoi ne peuvent, en tout état de cause, se substituer les certificats médicaux produits devant le juge de l'élection. Par ailleurs, la procuration de Mme M. ne comporte pas le cachet ni la qualité de l'autorité qui l'a délivrée, celles de M. J. et de M. N. ne mentionnent pas l'identité ni la qualité de cette autorité et celle de M. A. I. ne comporte pas la signature de cette autorité. La circonstance que les mentions manquantes pourraient se déduire de celles qui figurent, pour d'autres mandats, dans le registre des procurations, ne suffit en tout état de cause pas à permettre d'identifier avec certitude l'autorité ayant délivré ces procurations ".
L'annulation n'était guère imprévisible...
Comme, par suite de ces annulations, les deux listes se trouvaient hypothétiquement à égalité, on pouvait se demander si ne devait pas être appliqué en l'espèce la règle de séniorité moyenne de la liste posée à l'art. L. 262 du code électoral, selon laquelle : " (...) Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur (...).
En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée".
C'est donc volontairement, eu égard aux circonstances de l'espèce, que le juge a refusé de faire application de ces dispositions.
(2 avril 2021, M. H., Élections municipales d'Uturoa, île de Raiatea, n° 445989)
104 - Élections municipales dans les communes de 1000 habitants et plus - Scrutin de liste - Bulletins nuls - Notion - Bulletins comportant des ou une erreur(s) matérielle(s) - Absence de manoeuvre - Bulletins valides - Conséquences sur le résultat du scrutin - Rejet.
Des bulletins de vote d'une liste comportaient une inversion de l'ordre de présentation des candidats par rapport à la liste officielle déposée ; ils ont été déclarés nuls mais le tribunal adminustratif les a réintégrés comme valides et a, en conséquence, annulé l'élection de certains candidats de l'autre liste qui avaient été proclamés élus et, par suite, il a déclaré élus certains candidats non proclamés.
Saisi d'un appel contre ce jugement le Conseil d’État le confirme en tout point, rappelant avec beaucoup d'intelligence politique que dès lors qu'une irrégularité entachant des bulletins imprimés, d'une part, n'a pas résulté d'une manoeuvre et d'autre part, n'a pu tromper les électeurs sur la liste pour laquelle ils étaient appelés à se proncer, ne leur retire pas leur validité.
En l'espèce, la réintégration des bulletins litigieux se traduit par l'annulation de l'élection de quatre personnes d'une liste et l'élection de quatre autres de l'autre liste.
(7 avril 2021, M. F., n° 445436)
105 - Élections municipales et communautaires - Actes de propagande après clôture de la campagne électorale - Imputations diffamatoires à laquelle il n'a pu être répondu en temps utile - Importance de l'écart de voix - Éligibilité d'un candidat - Annulation et rejet.
Le tribunal administratif avait annulé les opérations électorales dans une commune au motif que des actes de propagande mettant gravement en cause la probité d'une candidate tête de liste étaient intervenus après la clôture du scrutin et sans qu'il puisse y être répondu dans un délai raisonnable. Le Conseil d’État annule le jugement en raison du grand écart de voix séparant les listes, l'une ayant obtenu 53,26% et l'autre 46,74% des voix. On peut ne pas être d'accord avec cette solution alors que le nombre total de suffrages exprimés était de 873 et l'écart de 6,52% soit d'un peu moins de 60 électeurs.
Ensuite, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, il examine un grief non examiné en première instance par suite de l'annulation prononcée, celui tiré de l'inéligibilité d'un candidat. Ce grief est rejeté car bien qu'exerçant les fonctions de directeur-adjoint et de chef de cabinet du président du conseil départemental de la Moselle, le candidat concerné ne disposait pas d'une délégation de signature, celle dont il avait été titulaire lui ayant été retirée plus de six mois avant la date de l'élection dans le respect des dispositions du 8° de l'art. L. 231 du code électoral.
(7 avril 2021, M. N. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Lorry-lès-Metz, n° 446448)
(106) V. aussi, voisine, la décision qui rejette divers griefs en matière de propagande électorale (un affichage sauvage injurieux effectué après clôture de la campagne électorale mais qui n'a duré que quelques heures; distribution tardive de tracts ne comportant ni éléments nouveaux de polémique électorale, ni imputations injurieuses ou diffamatoires; message appelant à voter pour une liste diffusé sur le site Facebook la veille du scrutin; appel à voter pour une liste lancé par le président d'une association syndicale de propriétaire avant le début de la campagne, etc., pour refuser d'annuler le résultat du scrutin : 8 avril 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune d'Amélie-les-Bains-Palalda, n° 446413.
107 - Élections municipales - Propagande électorale durant la campagne électorale - Éléments nouveaux de polémique électorale - Absence de caractère injurieux ou diffamatoire ou de dépassement des limites de la polémique - Rejet.
Rejet de l'appel dirigé contre un jugement refusant d'annuler des opérations électorales après avoir constaté, d'une part que la diffusion critiquée de tracts avait eu lieu pendant la période normale de déroulement de la campagne, et d'autre part, qu'il avait pu être répondu en temps utile à un tract diffusé trois jours avant le scrutin et ne comportant aucun caractère injurieux ou diffamatoire.
(12 avril 2021, M. D., Élections municipales de Néris-les-Bains, n° 445042)
108 - Élections municipales et communautaires - Diffusion d'un tract comportant les logos d'associations - Risque de confusion chez les électeurs - Faible écart des voix - Annulation confirmée - Rejet.
Compte-tenu de la circonstance qu'un tract de la liste conduite par la maire sortante a été diffusé auprès des électeurs avec mention de 36 logos d'associations pouvant donner à accroire qu'elles soutenaient cette liste et du faible écart des voix, c'est à bon droit que les opérations électorales ont été annulées par le tribunal administratif.
(12 avril 2021, Mme E. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Notre-Dame-de-Bondeville, n° 445515)
109 - Élections municipales - Entrepreneuse de services municipaux - Candidate inéligible - Circonstance de nature à altérer le scrutin - Annulation du scrutin ainsi que du jugement contraire.
Le protestataire demandait l'annulation du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation du premier tour de scrutin. Débouté, il saisit le Conseil d’État par voie d'appel et soulève pour la première fois le moyen tiré de l'inéligibilité d'une candidate élue, Mme J., en raison de sa qualité d'entrepreneuse des services municipaux.
S'agissant d'un moyen d'ordre public, il pouvait être soulevé pour la première fois en cause d'appel.
Examinant les faits, le juge relève que la commune confie à une société, d'une part, tous les ans, pour un montant de plus de 10 000 euros, le fauchage des bas-côtés de la voirie dont la commune a conservé l'entretien et, d'autre part, de manière régulière, des travaux divers comportant notamment le curage des fossés ou la remise en état de chemins vicinaux, ces travaux s'étant, au demeurant, poursuivis selon les mêmes modalités après l'élection.
Il constate ensuite que cette société est une Sarl dont les parts sociales sont détenues par M. et Mme J. et dont Mme J. est la gérante depuis le 31 décembre 2018.
Il en déduit très logiquement que compte-tenu, à la fois, du rôle prépondérant joué par Mme J. au sein de la Sarl ainsi que du caractère régulier des travaux et de leur importance pour la commune, il s'est établi des liens d'intérêt suffisants entre la commune et Mme J. pour faire regarder cette dernière comme un entrepreneur de services municipaux au sens de l'article L. 231-6 du code électoral.
En outre, l'existence d'un très faible écart des voix entre les listes conduit à annuler les opérations électorales et donc à annuler également le jugement déféré en ce qui a refusé cette annulation.
(12 avril 2021, M. H., Élections muninicipales de Lamothe-Landerron, n° 445529)
110 - Élections municipales et communautaires - Rectification des résultats par les premiers juges - Bulletins nuls (art. L. 66 et R. 66-2 c. élect.) - Bulletins ne comportant pas le nom d'une candidate - Bulletins déclarés nuls et devant être réintégrés - Erreur sur le nombre de bulletins réintégrés - Annulation partielle du jugement et rejet du surplus.
Des bulletins d'une liste ne comportaient pas le nom d'une candidate dument enregistrée et qui devait figurer dans la colonne des candidats au conseil communautaire. Confirmant les premiers juges, le Conseil d’État rejette la demande de déclarer nuls ces bulletins car, en l'absence de manoeuvre, ces bulletins comportaient une désignation suffisante de la liste. C'est à bon droit qu'ils ont été réintégrés.
Toutefois, le tribunal s'est trompé car il a réintégré 147 bulletins au lieu de 137. Il convient donc de rectifier les résultats tels qu'arrêtés par lui, d'où les opérations effectuées par le juge d'appel tant pour la première distrbution des sièges que pour l'application de la règle de la proportionnelle à la plus forte moyenne pour les sièges encore non attribués.
(12 avril 2021, M. K., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fursac, n° 445572)
111 - Élections municipales et communautaires - Absence de mention des procurations sur la liste des émargements - Moyen opérant même en l'absence de fraude ou de manoeuvre - Omission en nombre supérieur à celui de l'écart des voix - Annulation du scrutin et de l'ordonnance contraire.
Doit être annulée l'ordonnance qui déclare inopérant le moyen tiré de l'absence de mention des procurations sur la liste d’émargement en l'absence de fraude ou de manoeuvre.
Par ailleurs, le nombre de mentions omises étant de 28, le dernier candidat élu ayant recueilli 240 voix et les autres candidats non élus ayant obtenu entre 239 et 214 voix, soit entre 1 et 26 voix par rapport à ce dernier, il s'ensuit que le second tour de scrutin, seul concerné, doit être annulé.
(14 avril 2021, Mme AA., Él. mun. et cnautaires de la commune de Soubès, n° 442859)
112 - Élections municipales - Utilisation de l'emblème national - Diffusion d'un tract comportant une photo de tous les candidats d'une liste surmontée de deux drapeaux français ornant la façade de la mairie - Faible écart des voix - Annulation du scrutin et du jugement attaqué.
Doit être annulé le jugement qui rejette la protestation dirigée contre l'irrégularité qui a consisté pour une liste, en violation des dispositions de l'art. R. 27 du code électoral, à apposer sur l'un de ses tracts une photo de l'ensemble de ses candidats surmontés des deux drapeaux tricolores se trouvant en façade de la mairie, alors qu'un faible écart des voix séparait le dernier élu du premier non élu.
(14 avril 2021, M. O., Élections municipales de Boissy-le-Repos, n° 446633)
113 - Élections municipales et communautaires - Réalisation et présentation d'une vidéo exposant un projet d'ensemble immobilier - Absence de caractère d'acte de promotion d'activités de la commune - Autres griefs - Rejet - Annulation du jugement d'annulation.
Des élections ont été annulées dans une commune au motif de la réalisation et de la diffusion sur Youtube d'une vidéo d'une durée de deux minutes et dix secondes exposant un projet de construction d'un ensemble immobilier comprenant des logements et des commerces, destiné à remplacer un entrepôt à l'abandon sur le territoire de la commune. Le tribunal y avait vu à la fois une campagne de promotion publicitaire des actions de la municipalité et un don prohibés respectivement par les art. L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral. Le Conseil d’État annule ce jugement en relevant que la réalisation de ce document a été faite par des promoteurs immobiliers du projet sur commande non de la commune mais de la communauté urbaine à laquelle elle appartient, qu'elle ne comportait ni texte ni commentaire ni référence à une liste déterminée ou aux thèmes de la campagne de celle-ci, qu'elle ne constituait ni un acte de promotion prohibé ni un don.
Les autres griefs sont également rejetés : la vidéo diffusée lors de la présentation des voeux, récapitulant les moments marquants de l'année, n'était pas un acte de promotion tout comme l'inauguration de la médiathèque le 29 février 2020 alors que la réception des travaux était intervenue huit jours plus tôt ou encore la remise de médailles à un club sportif local.
Pas davantage ne constituaient des éléments de polémique électorale nouveaux la diffusion par le maire sortant, le13 mars 2020, d'un communiqué comportant sa photographie ceint de son écharpe tricolore, exposant les mesures prises par la commune pour faire face à la crise sanitaire, notamment la fermeture des établissements d'enseignement et des clubs sportifs, et précisant les mesures sanitaires prises en vue d'assurer le bon déroulement du scrutin, toutes annonces, qui faisaient suite à celles du président de la République intervenues la veille, ou encore la diffusion, le même jour, d'un tract d'ailleurs en réponse à un précédent distribué la veille. Enfin, aucun des griefs contestant le déroulement des opérations de vote n'est non plus retenu.
(16 avril 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Magnanville, n° 445398)
114 - Élections municipales et communautaires - Élément nouveau de polémique électorale - Accusations graves portées dans un tract contre un candidat - Impossibilité d'y répondre en temps utile - Faible écart des voix - Confirmation du jugement annulant les élections.
Le vendredi 26 juin 2020 en fin de journée, M. D. a diffusé un tract, imprimé à 500 exemplaires, accusant M. C. d'avoir dérobé la nourriture et les boissons qui restaient du repas de Noël des aînés de décembre 2017, d'avoir utilisé ces denrées dans son restaurant le lendemain, et de n'avoir présenté ni excuses, ni regrets lorsqu'il a été invité à s'exprimer sur ces faits au cours d'une réunion du conseil municipal.
En dépit de ce que M. D. fait valoir que les allégations contenues dans ce tract étaient déjà de notoriété publique, il n'a pas fait l'objet, contrairement à ses dires, d'une diffusion limitée et ces accusations constituent un élément nouveau dans la campagne électorale.
Ainsi, la gravité de ces imputations, jointe à l'impossibilité d'y répondre utilement et au faible écart des voix a constitué en l'espèce une manoeuvre susceptible d'avoir altéré les résultats du scrutin et justifiant l'annulation prononcée en première instance.
(16 avril 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Waldighoffen, n° 446485)
115 - Élections municipales - Bulletins déclarés à tort nuls - Absence de doute sur l'identité de la candidate - Rejet.
Le tribunal administratif ayant annulé, par suite d'une rectification du décompte des voix, l'élection de l'un des quinze conseillers municipaux élus à l'issue du premier tour de scrutin, il est fait appel au Conseil d’État pour annuler ce jugement.
Lors du dépouillement des votes, tous les bulletins attribuant des voix à Mme G. F. ont été considérés comme nuls, au seul motif que cette candidate se présentait, sur ces bulletins, sous le nom de F., son nom de femme mariée, alors qu'elle avait déclaré sa candidature en préfecture sous le nom de G. D., son nom de naissance. Le tribunal avait réintégré ces bulletins dans le décompte et rectifié en conséquence les résultats, Mme F. étant déclarée élue au lieu de M. B.
Le juge d'appel confirme ce jugement compte tenu de la petite taille de la commune, de ce que Mme F. avait déjà été élue, sous ce nom, conseillère municipale et que n'est relevée aucune manoeuvre de nature à induire les électeurs en erreur sur l'identité de la personne pour laquelle ils votaient.
(20 avril 2021, Mme H., Élections municipales de Boistrudan n° 442534)
116 - Élections municipales et communautaires - Candidat inéligible - Preuve de l'éligibilité - Absence - Annulation de l'élection du maire n'entraînant pas celle de ses adjoints - Rejet.
La protestataire demande l'annulation du jugement qui l'a déclarée inéligible et a, en conséquence, réformé les résultats du scrutin alors qu'elle avait été élue maire de la commune.
Lorsque, comme c'était le cas en l'espèce, une personne n'est ni électrice dans la commune ni inscrite au rôle des contributions directes de cette commune, elle n'y est pas éligible sauf à démontrer qu'elle remplissait à la date du 1er janvier de l'année de l'élection les conditions pour être inscrite sur le rôle des impôts. Le tribunal avait jugé cette preuve non rapportée et le Conseil d’État confirme cette solution. Des différents éléments fournis par l'intéressée, les uns sont sans date certaine, les autres sont postérieurs au 1er janvier, d'autres ne sont que des attestations établies sur la seule déclaration de la requérante.
Son inéligibilité, si elle entraîne la perte de ses mandats de conseiller municipal et de conseiller communautaire, n'entraîne pas, par voie de conséquence, l'annulation de l'élection des adjoints. Ici, aucun élément ne permet de dire cette élection irrégulière.
(22 avril 2021, Mme G., Él. mun. et cnautaires de la commune de Marvejols, n° 445591)
117 - Élections municipales - Rejet du déféré préfectoral - Protestation fondée sur divers arguments - Rejet.
Au premier tour d'une élection municipale sept candidats ont obtenu plus de 50% des voix et de 25% des suffrages exprimés. Par suite d'une omission six seulement sont proclamés élus, la septième sera élue au second tour.
Saisi d'un déféré préfectoral tendant à ce que la septième candidate soit proclamée élue dès le premier tour et de la protestation d'un candidat, le tribunal administratif les rejette tous les deux.
S'agissant de la protestation, il est jugé par le Conseil d’État qu'elle doit être rejetée car l'article de presse locale critiqué n'est pas une publication commerciale au sens de l'art. L. 52-1 du code électoral et le tract incriminé, qui n'excédait pas les limites de la polémique électorale et auquel il a pu être utilement répondu, n'a pas été de nature à altérer le scrutin.
(22 avril 2021, M. A, Élections municipales de Vézannes, n° 445595)
118 - Élections municipales et communautaires - Provenance de documents graphiques figurant sur un tract - Dons prohibés - Absence - Écart des voix important - Rejet.
Est rejetée la protestation tendant à l'annulation d'opérations électorales, d'abord, par le motif d'utilisation sur un tract électoral d'éléments graphiques appartenant à la commune, ensuite pour dons prohibés.
Sur le premier point, il n'est pas établi que les documents graphiques appartenaient à la commune. Sur le second point l'utilisation, dans un tract, d'images de lieux rénovés n'est pas de nature, à supposer qu'elle ait été discutable, à avoir altéré les résultats du scrutin notamment en raison du grand écart entre les nombres de suffrages respectivement recueillis par les listes en présence.
(22 avril 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Plabennec, n° 445591)
119 - Élections municipales et communautaires - Publicité commerciale - Absence - Dons prohibés - Absence - Eléments non établis - Rejet.
C'est en vain que le requérant poursuit l'annulation du jugement qui a rejeté sa protestation : le grief de promotion publicitaire d'une liste est rejeté car il ne s'agit que d'un document de propagande électorale, la gratuité et la liberté d'accès et de photographier le hall dit "atrium", de l'hôtel de ville, ne permettent pas de soutenir que l'insertion de photos de ce lieu a constitué un avantage pour une liste ni que d'autres listes se sont vues refuser l'accès à cet atrium, enfin il n'est pas établi qu'une liste a bénéficié de la mise à sa disposition d'une salle municipale.
(22 avril 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Genas, n° 445591)
120 - Élections municipales - Don de masques - Publication informative sur Facebook - Absence d'éléments nouveaux de polémique électorale et de manque de temps pour y répondre - Dysfonctionnements dans la distribution des bulletins de vote - Absence d'effet en l'état d'une nouvelle distribution - Rejet.
Aucun des griefs dirigés contre les opérations électorales tenues dans cette commune n'est retenu par le juge.
La distribution d'un nombre important de masques et le message accompagnant celle-ci n'ont pas constitué une opération de propagande, ce dernier était purement informatif et sans lien avec la campagne électorale.
L'information sur la réunion entre quelques personnes sur les modalités de réouverture d'équipements sportifs compatibles avec la situation sanitaire n'était point irrégulière et pas porté atteinte à la sincérité du scrutin.
Si des critiques ont été émises par une liste à l'encontre d'une autre, elles sont demeurées dans les limites de la polémique électorales dont elle ne constituait d'ailleurs pas un élément nouveau.
Enfin, les dysfonctionnements qui ont affecté l'envoi de bulletins sous enveloppe par la commission électorale ont été réparés en temps et en nombre utiles.
(22 avril 2021, M. A, Élections municipales de Villennes-sur-Seine, n° 445595)
121 - Élections municipales et communautaires - Élections tenues en période de crise sanitaire grave - Hausse du taux d'abstentions - Taux d'abstentions pas plus élevé que dans d'autres communes et par rapport à des élections antérieures de même nature dans cette commune - Rejet.
Est rejetée une protestation fondée, pour l'essentiel, sur un taux élevé d'abstentions du fait de l'épidémie qui aurait affecté la sincérité du scrutin d'autant que cette situation aurait dissuadé nombre de personnes âgées de se déplacer le jour de scrutin.
(22 avril 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Poissy, n° 445591)
(122) V., très voisin et avec même rejet : 30 avril 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune des Mées, n° 445588.
123 - Élections municipales - Éligibilité des conseillers municipaux - Inscription sur les listes électorales - Qualité de contribuable municipal - Inscription au rôle de l'une des contributions locales ou preuve qu'il devrait en être ainsi - Preuve non rapportée - Inéligibilité confirmée - Confirmation de l'annulation de l'élection - Rejet.
Le litige portait sur la question de savoir si un candidat à une élection municipale avait été déclaré, à tort ou à raison, inéligible. Les premiers juges avaient relevé son absence d'inscription sur les listes électorales, son absence du rôle de l'une des contributions locales et l'impossibilité pour lui d'établir qu'il devait être inscrit au rôle de l'une de ces contributions faute d'en rapporter la preuve.
La décision, qui confirme le jugement, recense tous les faits et moyens se voulant des preuves, apportés par le protestataire à l'appui de la revendication de la qualité de contribuable communal : aucun d'eux ne parvient à convaincre le juge d'appel.
Plus pittoresquement, est rejeté l'argument du protestataire selon lequel puisque désormais les listes de candidats doivent faire alterner un candidat de chaque sexe, il ne serait pas possible de ne contester que l'élection d'un seul candidat, un peu comme s'il existait des couples indivisibles de candidats... mais le législateur a seulement voulu alterner les sexes non les conjuguer automatiquement...
(22 avril 2021, M. E., Élections municipales de Lisses, n° 446026)
124 - Élections municipales - Second tour - Tract diffamatoire - Absence de réplique possible même en disposant de temps suffisant - Très faible écart de voix - Altération de la sincérité du scutin - Confirmation de l'annulation du second tour.
Est confirmé le jugement annulant le second tour de scrutin des élections municipales dans une commune de 349 électeurs au motif que la distribution d'un tract diffamatoire envers une tête de liste auquel il était impossible de répliquer en soi, même en disposant du temps nécessaire, a constitué une manoeuvre qui, jointe à l'écart d'une voix entre le dernier candidat élu et les deux premiers non élus, a altéré la sincérité du scrutin.
(22 avril 2021, Mme C., Élections municipales d'Eringhem, n° 446608)
125 - Élections municipales - Tracts distribués dans les boîtes à lettres sous enveloppes avec mention "Élections municipales" - Distribution l'avant-veille du scrutin - Absence d'éléments nouveaux de polémique électorale - Écart des voix important - Rejet.
Est rejetée la demande d'annulation d'élections municipales fondée sur ce que, l'avant-veille du scrutin, auraient été distribués des tracts contenus dans des enveloppes de papier kraft portant la mention "Élections municipales" car, d'une part, il n'y avait pas de risque de confusion entre ces enveloppes et le matériel électoral officiel, et d'autre part, les tracts ne comportaient pas d'élément(s) nouveau(x) de polémique électorale ; enfin, un important écart de voix séparait le dernier élu du premier non élu.
(23 avril 2021, M. E., Élections municipales de Saint-Cricq, n° 445549)
Environnement
126 - Projets, plans et programmes relevant de l'évaluation environnementale - Rubrique 44 a) du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement - Rubrique 44 d) de l'annexe à ce même article - Annulation pour l'essentiel.
Concernant les griefs dirigés contre la rubrique 44 a) du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, le juge rejette l'argument selon lequel le régime des projets de " pistes permanentes de courses d'essai et de loisirs pour véhicules motorisés" ne satisfont pas aux objectifs de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement car ils font l'objet d'une évaluation environnementale au cas par cas. Pas davantage le régime des projets relatifs à l'ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés ne contrevient aux dispositions des art. L. 362-3 du code de l'environnement et R. 421-9 du code de l'urbanisme.
Concernant, en revanche, les griefs dirigés contre la rubrique 44 d) de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, ils sont accueilis par le juge. D'une part, est annulé le 6° de l'article 1er du décret du 4 juin 2018 qui introduit au d) de la rubrique 44 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement les mots " susceptibles d'accueillir plus de 1 000 personnes " car eu égard notamment à leur localisation, ces projets peuvent avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine, et, d'autre part, est annulé le décret attaqué en tant qu'il exclut certains projets de toute évaluation environnementale sur le seul critère de leur dimension, sans comporter de dispositions permettant de soumettre à une évaluation environnementale des projets qui, en raison d'autres caractéristiques telles que leur localisation, sont susceptibles d'avoir une incidence notable sur l'environnement ou la santé humaine.
(14 avril 2021, Association France Nature Environnement (FNE), n° 425424)
127 - Projet d'aménagement ou de construction - Projet affectant la conservation d'espèces animales ou végétales protégées ainsi que leurs habitats - Autorisation dérogatoire - Motifs - Absence - Rejet.
Une association écologiste demandait l'annulation d'un arrêté préfectoral autorisant à perturber et détruire des spécimens d'espèces animales protégées ainsi que leurs habitats de reproduction dans le cadre de la réalisation de la centrale hydro-électrique d'Ambres-Fonteneau sur le territoire des communes d'Ambres et de Lavaur. Ce recours, rejeté en première instance, a été accueilli en appel.
Sur pourvoi de la ministre chargée de l'écologie, le Conseil d'État confirme l'arrêt d'appel.
Le juge rappelle la ligne jurisprudentielle d'interprétation des art. L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement qu'il a fixée. Elle tient en trois propositions.
1. En principe, un projet d'aménagement ou de construction susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut pas être autorisé.
2. Par dérogation, une telle autorisation peut être donnée si le projet répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économique et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
3. Lorsque cette condition est réalisée, l'autorisation de réaliser ce projet ne peut cependant être donnée, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
En l'espèce, la cour, dans son arrêt, a d'abord constaté que la production annuelle de la centrale hydro-électrique projetée était évaluée à 12 millions de kilowattheures, soit la consommation électrique d'environ 5 000 habitants, permettant d'éviter le rejet annuel dans l'atmosphère de l'ordre de 8 300 tonnes de gaz carbonique, 38 tonnes de dioxyde de souffre, 19 tonnes de dioxyde d'azote et de 1,2 tonnes de poussières. Elle a ensuite considéré qu'il n'était pas établi que ce projet de centrale hydroélectrique serait de nature à modifier sensiblement en faveur des énergies renouvelables l'équilibre entre les différentes sources d'énergie pour la région Occitanie et pour le territoire national et que le projet ne pouvait être regardé comme contribuant à la réalisation des engagements de l'État dans le développement des énergies renouvelables.
Le juge de cassation, relevant qu'il n'avait pas été établi devant la cour que le projet litigieux, quoique de petite taille, s'inscrivait dans un plan plus large de développement de l'énergie renouvelable et notamment de l'hydroélectricité à laquelle il apporterait une contribution utile bien que modeste, juge que c'est sans erreur de qualification des faits que la cour a considéré que le projet en cause ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur (cf. art. L. 411-2 préc.).
(15 avril 2021, Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 432158)
128 - Chasse - Missions de service public dévolues aux fédérations départementales de chasseurs - Distinction entre petit et grand gibier - Consultations préalables à l'élaboration d'un plan de chasse - Inexécution d'une injonction du Conseil d'État - Exception d'inconventionnalité - Renvoi à la Cour EDH.
La fédération requérante demandait l'annulation du décret du 23 décembre 2019 relatif aux missions de service public des fédérations départementales de chasseurs concernant les associations communales de chasse agréées et les plans de chasse individuels.
Après avoir rejeté les critiques dirigées contre la création de réserves de chasse en ce qu'elle ne distinguerait pas entre petit gibier et grand gibier, ainsi que celles relatives aux consultations préalables à l'élaboration d'un plan de chasse, le juge aborde la question principale, celle de la procédure de retrait de fonds des associations communales de chasse agréées.
Tout d'abord, à ce sujet, il est constaté que le Conseil d’État avait enjoint au premier ministre, dans un arrêt de Section du 5 octobre 2018 (voir cette Chronique, octobre 2018 n° 56), de modifier sous neuf mois les dispositions de l'article R. 422-53 du code de l'environnement, relatif aux modalités de retrait de terrains d'une association communale de chasse agréée, car elles étaient contraires à l'article L. 422-18 du même code en tant qu'elles excluaient toute possibilité pour des propriétaires de terrains ou pour les détenteurs de droit de chasse de se regrouper après la constitution d'une association communale de chasse agréée afin d'exiger le retrait du fonds constitué par leur regroupement du territoire de cette association. La circonstance qu'ait été pris, après expiration du délai imparti, le décret du 29 décembre 2019 qui ne modifie pas l'art. R. 422-53 litigieux doit être regardé comme un refus de le modifier et donc d'exécuter l'injonction, d'où l'annulation du décret du 29 décembre 2019 en tant qu'il ne comporte pas les modifications ordonnées.
Ensuite, saisi de l'exception d'inconventionnalité soulevée contre les dispositions de l'art. L. 422-18, le Conseil d’État - et c'est là l'aspect le plus important et le plus spectaculaire de cette décision - décide, pour la première fois, d'adresser une demande d'avis consultatif à la Cour EDH car il s'agit d'une question de principe susceptible d'intéresser plusieurs États européens en ce qu'ils ont, en la matière, une législation comparable à celle de la France.
Il renvoie donc la question de savoir selon quels critères doit être appréciée une différence de traitement établie par la loi (ici l'art. L. 422-18 précité en ce qu'il réserve aux seules associations de propriétaires ayant une existence reconnue à la date de création d'une association communale de chasse agréée le droit de s'en retirer, à condition de réunir des terrains représentant une certaine superficie, celles créées postérieurement se voyant refuser ce droit), au regard des interdictions posées par l'article 14 de la convention EDH lorsque cet article est invoqué en combinaison avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention protégeant le droit de propriété, afin d'apprécier en particulier si le motif d'intérêt général visant à une meilleure organisation de la chasse peut justifier de réserver la possibilité de retrait d'une association communale de chasse agréée, s'agissant des propriétaires ou détenteurs de droit de chasse qui atteignent le seuil de superficie exigée en se regroupant dans une association, aux seules associations existant à la date de création de cette association communale de chasse agréée.
(15 avril 2021, Fédération Forestiers privés de France (Fransylva), n° 439036)
129 - Autorisation d'exploitation électrique de la force du vent et de l'installation d'éoliennes - Intervention de l'autorité environnementale - Avis rendu par une autorité sans autonomie effective - Irrégularité - Irrégularité couverte par la qualité de l'avis - Erreur de droit - Annulation et renvoi à la cour.
Une cour administrative d'appel constate que la procédure suivie par un préfet pour accorder des permis pour la construction de cinq éoliennes, cinq sous-stations de transformation et un poste de livraison était irrégulière car le préfet était à la fois l'auteur de l'avis rendu en qualité d'autorité environnementale et l'autorité compétente qui a délivré les permis et autorisation attaqués. Toutefois, la cour a estimé ne pas devoir annuler la procédure car elle a relevé que l'avis résultait d'une analyse précise, critique et indépendante du dossier et qu'il mettait en évidence aussi bien les lacunes que les qualités du dossier.
Le Conseil d’État, confirmant sa jurisprudence antérieure et bien établie, annule l'arrêt pour erreur de droit au visa de la directive, actualisée en 1997, du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, telle qu'interprétée par la CJUE (20 octobre 2010, Department of the Environment for Northern Ireland c/ Seaport (NI) LTD et autres, aff. C-474/10) ; cette directive, on le sait, impose une séparation effective entre les deux fonctions et donc l'autonomie réelle de l'autorité chargée de la consultation en matière environnementale par rapport à celle comppétente pour autoriser le projet.
C'est le triomphe de la théorie de l'apparence, chère à la Cour EDH.
(28 avril 2021, Société civile immobilière S...-Villegongis et autres, n° 437581)
130 - Carrières - Autorisation d'exploitation - Protection des espèces - Conditions dérogatoires - Annulation contentieuse - Dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter - Mise en demeure - Légalité - Rejet.
Le préfet du Doubs a autorisé la société requérante à exploiter une carrière après lui avoir accordé une autorisation de dérogation au régime de protection des espèces (art. L. 411-2 du code de l'environnement). Le tribunal administratif a annulé l'arrêté portant dérogation pour insuffisance de sa motivation. Un second arrêté préfectoral portant dérogation est, à son tour, annulé en raison de ce que la dérogation accordée n'était pas justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur (cf. art. L. 411-2 préc.).
Le préfet a alors mis la société en demeure de régulariser sa situation administrative, soit en cessant son activité, soit en déposant une nouvelle demande d'autorisation environnementale pour tenir compte de l'annulation de la dérogation au régime de protection des espèces et suspendu le fonctionnement de la carrière jusqu'à ce qu'il ait statué sur la régularisation demandée.
Par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif a suspendu l'exécution de cet arrêté en tant qu'il porte sur la partie sud du site de la Craie correspondant à la "phase 1" du projet d'exploitation de la carrière.
La ministre de la transition écologique et solidaire se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
Ce pourvoi étant rejeté et l'ordonnance étant annulée pour un vice de forme (omission de viser un mémoire en défense du préfet), le Conseil d’État est saisi du litige tel qu'il se présentait devant le juge des référés du premier degré. Pour emporter la conviction de ce dernier, la société avait fait valoir que la zone pour laquelle elle demandait la suspension de l'arrêté préfectoral, située en partie sud du site, sur 4,5 hectares, destinée à la première phase d'exploitation, ne nécessitait pas une nouvelle dérogation dès lors que cette zone ne comportait plus d'espèces protégées puisqu'elle avait été défrichée et décapée jusqu'au toit du gisement sur le fondement d'une autorisation de défrichement devenue définitive et de la dérogation alors en vigueur.
Le juge des référés du Conseil d’État rejette cette argumentation qu'avait retenue le premier juge car il estime que cette affirmatiuon, pour autant qu'elle soit établie, ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans l'attente que l'autorisation environnementale soit, le cas échéant, complétée, mette en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-7 du code de l'environnement en édictant des mesures conservatoires, afin de tenir compte notamment des atteintes portées aux espèces protégées sur le fondement de la dérogation illégale, et en suspendant le fonctionnement de l'installation en cause.
C'est pourquoi l'arrêté querellé n'est entaché ni d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation, ce qui entraîne le rejet du recours.
(ord. réf. 28 avril 2021, Ministre de la transition écologique et solidaire, Société Maillard, n° 440734)
État-civil et nationalité
131 - Demande de naturalisation - Refus - Prise en considérations de liens existants entre le demandeur à la naturalisation et des tiers y compris son conjoint - Épouse d'un ministre condamné par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) - Motif justifié - Rejet.
Rejetant le pourvoi dont il était saisi le Conseil d’État approuve une cour administrative d'appel d’avoir :
- d'une part, estimé justifié le refus du ministre de l'intérieur d'accorder la naturalisation française à l'épouse d'un ancien ministre rwandais qui a été condamné à une peine de trente ans d'emprisonnement par le TPI pour le Rwanda pour incitation publique directe à la commission d'un génocide,
- et d'autre part, jugé que cette prise en considération des liens de la demanderesse ne contrevenait pas aux dispositions de l'art. 12 de la Convention EDH car elle n'empêche pas son mariage et ne lui impose pas de divorcer.
(8 avril 2021, Mme C., n° 436264)
Fonction publique et agents publics
132 - Fusion de corps de fonctionnaires d'État - Ingénieurs des travaux publics et inspecteurs des affaires maritimes - Maintien provisoire d'un régime indemnitaire propre à l'un des corps fusionnés - Légalité en cas de durée raisonnable - Absence en l'espèce - Abrogation sous trois mois ordonnée.
Un décret du 20 mai 2014 a créé un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'État. Cette disposition a été rendue applicable par arrêté du 18 décelmbre 2015 au corps des inspecteurs des affaires maritimes, en revanche aucune disposition n'est venue fixer la date d'échéance de l'application du RIFSEEP au corps des ingénieurs des travaux publics de l'État.
Le décret du 18 avril 2018 a organisé l'intégration des membres du corps des inspecteurs des affaires maritimes, selon la nature des fonctions qu'ils exerçaient, dans le corps des ingénieurs des travaux publics de l'État. Ces deux corps fusionnés demeuraient néanmoins soumis à des régimes indemnitaires différents en violation du principe d'unicité du corps et donc de traitement égal de ses membres.
Le Conseil d’État rappelle qu'une telle différence, alors même qu'elle ne tient pas à la particularité des fonctions, responsabilités ou sujétions mais a pour objet de faciliter la création du corps, peut être admise comme légale si elle revêt un caractère transitoire, donc provisoire, entre l'ancienne et la nouvelle situation statutaire et si sa durée est raisonnable.
En l'espèce, il juge qu'à la date de sa décision les motifs avancés par le ministre pour différer encore l'alignement complet du régime indemnitaire à l'intérieur de ce nouveau corps, ne justifient point cette inertie et ordonne d'opérer sous trois mois l'abrogation de la disposition litigieuse.
(2 avril 2021, Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l'État et des collectivités territoriales - Force Ouvrière (SNITPECT-FO), n° 433017)
133 - Enseignement agricole public - Campagne de mobilité - Vacances d'emplois au terme de la campagne - Obligation de publicité des emplois vacants - Absence - Illégalité - Annulation de la décision de dispense de publicité des emplois vacants.
La loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État contient en son art. 61 ce qui est proprement un principe général du droit de la fonction publique selon lequel l'autorité compétente doit faire connaître - sauf cas particuliers, tels les emplois réservés - "dès qu'elles ont lieu, les vacances de tous emplois ", ceci afin de garantir l'égal accès au droit à mutation. Lorsque s'achève un mouvement général des emplois certains d'entre eux restent vacants. La règle susrappelée exige qu'en ce cas, il ne peut être pourvu à ces emplois reliquataires qu'après publication de leur vacance car ceux-mêmes qui ont participé au mouvement général sont, à l'issue de son déroulement, dans l'ignorance d'emplois éventuellement encore vacants.
Il suit de là que la décision de proposer à certains agents ou à des stagiaires, sans publicité préalable, des emplois vacants post-mouvement est illégale.
(2 avril 2021, Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU), n° 440657)
134 - Militaires - Procédure disciplinaire - Sanction - Pouvoir de substitution du ministre de la Défense - Contestation - Rejet.
Un militaire fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour comportement inadéquat et il est sanctionné par quinze jours d'arrêt. Il saisit l'autorité militaire de premier niveau qui maintient la sanction tout comme, sur recours hiérarchique devant le chef d'état-major de l'armée de terre, ce dernier. Puis il saisit la ministre des armées qui réduit, sur sa demande, à dix jours la durée de la sanction.
Contestant tant la régularité de la procédure suivie que la peine infligée, il saisit le Conseil d’État.
Dès lors que la sanction primitivement infligée n'a fait l'objet d'aucun commencement d'exécution au moment où est intervenue la décision ministérielle, celle-ci s'est purement simplement substituée à la précédente. Le requérant ne saurait en principe se prévaloir d'irrégularités ayant entaché la procédure antérieure. Toutefois, il lui est possible d'invoquer à l'encontre de cette dernière décision tout moyen tiré de la méconnaissance de règles de procédure applicables aux décisions antérieures qui, ne constituant pas uniquement des vices propres à ces décisions, sont susceptibles d'affecter la légalité de la décision du ministre.
C'est donc dans ce cadre que le juge examine les conclusions dirigées contre la décision ministérielle. Aucune n'est retenue : la Convention EDH n'est pas invocable à l'encontre d'une procédure non juridictionnelle, le grief de partialité du fait de l'absence d'audition de l'intéressé ne peut qu'être écarté, enfin, si l'autorité de premier niveau n'a pas entendu l'intéressé avant d'arrêter sa décision de le sanctionner, celui-ci étant alors en arrêt maladie, ce dernier a pu lui adresser par écrit l'ensemble de ses observations ainsi que plusieurs annexes, dont de nombreux témoignages. Par suite, comme le soutient le ministre, l’irrégularité, certaine, de la procédure suivie, n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et n'a pas, non plus, eu d'influence sur le sens de la décision attaquée.
Enfin, il est jugé que la sanction infligée n'est pas disproportionnée au regard des circonstances de l'affaire.
(12 avril 2021, M. B., n° 435774 et n° 441958)
135 - Covid-19 - Personnels des administrations - Attribution d'une prime exceptionnelle - Conditions différentes entre agents contractuels et ceux fonctionnaires statutaires ou en CDI - Demande de renvoi préjudiciel à la CJUE - Rejet.
La loi de finances rectificatives pour 2020 a prévu la création d'une prime exceptionnelle, exonérée d'impôts, au titre de l'année 2020 " I. (...) à ceux (des agents publics) particulièrement mobilisés pendant l'état d'urgence sanitaire déclaré (...) pour faire face à l'épidémie de covid-19 afin de tenir compte d'un surcroît de travail significatif durant cette période (...) II. - Les bénéficiaires, les conditions d'attribution et de versement de la prime exceptionnelle mentionnée au présent article ainsi que son montant sont déterminés dans des conditions fixées par décret, en fonction des contraintes supportées par les agents à raison du contexte d'état d'urgence sanitaire déclaré en application du chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique ".
En application de ce texte, le décret du 14 mai 2020 modifié est intervenu. C'est le texte attaqué, en vain, par l'organisation requérante car, contrairement à ce qu'elle soutient, son libellé est clair et sans ambiguïté ainsi que la fixation du plafond de la prime exceptionnelle ; pas davantage il n'est porté atteinte au principe d'égalité au regard des différences objectives en cause et de l'objectif poursuivi, qu'il s'agisse de la différence de prise en compte : du surcroît d'activité, de la situation des agents des unités de soins de longue durée et des établissements et services accueillant des personnes âgées rattachés à un établissement public de santé, de celle des agents du secteur social et médico-social ou encore de celle des agents des établissements ou services prenant en charge des mineurs et des majeurs de moins de vingt-et-un ans.
Visiblement le Conseil d’État n'a voulu ni compliquer la tâche du Gouvernement ni contribuer à aggraver la dépense publique.
(12 avril 2021, Fédération CFDT Santé-Sociaux, n° 441396 et n° 441517, jonction)
136 - Sapeurs-pompiers professionnels - Représentation à la fois au sein du Conseil supérieur de la fonction publique et de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours - Caractère distinct des organisations syndicales désignant leurs représentants à l'un ou à l'autre organisme - Légalité - Rejet.
Contrairement à ce que soutenait la demanderesse, il n'y a pas d'illégalité à ce que les organisations syndicales appelées à désigner des représentants des sapeurs-pompiers professionnels au sein de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours ne soient pas celles qui siègent au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, alors même que la première est susceptible d'examiner les mêmes textes que la seconde, mais les organisations syndicales qui sont arrivées en tête, en nombre de sièges, aux élections des comités techniques des services d'incendie et de secours.
(16 avril 2021, Fédération Interco-CFDT, n° 439226)
137 - Accord du 12 octobre 2020 sur l'amélioration des carrières dans l'enseignement supérieur et la recherche - Comité de suivi créé par cet accord - Demande de participation d'organisations syndicales non-signataires de l'accord - Organisations syndicales représentatives - Notion de "négociations" (art. 8bis et 8ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) - Atteinte à une liberté fondamentale - Rejet.
Des syndicats signent avec la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le 12 octobre 2020, un accord relatif à l'amélioration des rémunérations et des carrières dans ce domaine. Cet accord prévoit l'instauration d'un comité de suivi. Les syndicats signataires de l'accord demandent que soient invitées aux travaux et réunions de ce comité les organisations syndicales qui, représentatives au plan national dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, ne sont pas signataires dudit accord. Le refus du ministre d'accéder à cette demande est annulé par le juge du référé de l'art. L. 521-2 CJA.
La ministre défenderesse interjette appel de cette ordonnance, en vain, le Conseil d’État confirmant en tout point l'ordonnance attaquée.
Le Conseil d’État opère une distinction parmi les activités du comité de suivi à la lumière de la définition donnée par l'art. 8bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, de la notion de négociation comme de son champ d'application.
Si le comité de suivi se bornait à débattre de l'avancement des mesures prévues par l'accord ainsi que des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de l'accord, ou à proposer des aménagements des mesures prévues par l'accord, il ne saurait y avoir là une négociation au sens des art. 8bis et 8ter précités, y compris si les mesures débattues au sein du comité devaient porter sur un des thèmes mentionnés au I ou au II de l'article 8bis de la loi du 13 juillet 1983 et à son article 8ter, il n'y aurait donc pas lieu d'inviter à y participer certains syndicats représentatifs des fonctionnaires concernés non signataires de l'accord créant ce comité de suivi.
En revanche, dès lors que ces réunions du comité de suivi constituent une négociation ouverte au plan national et portant sur les thèmes mentionnés aux I ou au II de l'article 8bis de la loi du 13 juillet 1983 cité ci-dessus et, désormais, à son article 8ter, la participation d'un syndicat représentatif des fonctionnaires concernés ne saurait être exclue, même si lesdites réunions s'inscrivent dans la suite d'un accord négocié avec l'ensemble des syndicats représentatifs et qu'elle a pour seul but de déterminer, dans le cadre fixé par celui-ci, certains éléments qu'il n'a pas précisés.
La conclusion s'impose alors d'elle-même : " Un tel échange ne peut donc, sauf à porter une atteinte manifestement illégale à l'exercice du droit syndical, être organisé au sein d'un comité de suivi institué par cet accord qu'à la condition que, en plus des syndicats membres de ce comité, tout syndicat représentatif des fonctionnaires concernés soit également appelé à y participer ".
L'injonction initialement prononcée est confirmée.
(ord. réf. 16 avril 2021, Ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, n° 451141)
138 - Pension de retraite - Personne ayant élevé au moins trois enfants - Conditions de majoration selon la qualité de l'intéressé - Conjoint ou concubin - Différence de traitement justifiée en partie - Rejet.
Un agent public admis à faire valoir ses droits à la retraite s'était vu refuser la majoration pour avoir élevé trois enfants qu'il avait sollicitée. Il a contesté en vain ce refus en première instance et se pourvoit contre le jugement de rejet.
Après avoir rappelé que la décision d'octroi initial d'une pension n'est pas au nombre des décisions visées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration qui doivent obligatoirement être motivées, le juge aborde le fond du litige.
Selon les dispositions du II de l'article 24 du décret du 26 décembre 2003, les enfants du concubin du titulaire d'une pension peuvent être regardés comme recueillis au foyer de ce dernier alors même que leurs parents exercent sur eux l'autorité parentale mais il appartient au titulaire de cette pension d'apporter la preuve qu'il a assumé la charge effective et permanente de ces enfants pendant une période d'au moins neuf ans.
Le demandeur soutenait que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi car elles imposent à celui qui sollicite la majoration pour avoir élevé trois enfants d'avoir assumé pendant une durée d'au moins neuf ans la charge effective et permanente des enfants de son concubin par la production de tout document administratif établissant que les enfants regardés comme recueillis au foyer ont été retenus pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu, alors que cette obligation n'est pas imposée au titulaire d'une pension sollicitant la même majoration pour avoir élevé, pendant la même durée, les enfants de son conjoint.
Examinant cette différence de traitement, le juge est conduit à deux indications.
Tout d'abord, constatant que, à la différence du concubinage où " (...) Les concubins ne sont légalement tenus à aucune solidarité financière à l'égard des tiers ni à aucune obligation réciproque " (art. 515-8 c. civ.), le régime du mariage a pour objet non seulement d'organiser les obligations personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais également d'assurer la protection de la famille y compris en cas de dissolution du mariage. Le décret attaqué, en imposant au titulaire d'une pension de justifier " avoir assumé la charge effective et permanente " des enfants de son concubin pour avoir droit à la majoration en cause, alors qu'une telle obligation ne pèse pas sur le pensionné ayant élevé les enfants de son conjoint, introduit une différence de traitement justifiée au regard des dépenses exposées dans la vie commune par les conjoints, qui bénéficient notamment aux enfants du foyer.
Ensuite, et en revanche, n'est pas jugée en rapport avec l'objet de la norme, l'exigence posée par le décret attaqué que la preuve exigée du concubin ne peut être apportée que par la production de tout document administratif établissant que les enfants du concubin ont été retenus pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Par suite, sur ce point, la différence de traitement n'est pas en rapport avec l'objet de la norme, d'où son illégalité pour atteinte au principe d'égalité.
Au fond, le recours est cependant rejeté faute qu'ait été rapportée la preuve d'avoir assumé la charge effective et permanente du fils de sa concubine pendant au moins neuf ans.
(20 avril 2021, M. A., n° 440342)
139 - Pension d'invalidité - Existence de plusieurs chefs d'infirmités - Application inexacte de l'art. 14 du code des pensions militaires d'invalidité - Addition des infirmités sans tenir compte des poucentages réels - Annulation sans renvoi, affaire réglée au fond.
Une cour régionale des pensions avait fixé à 40% le taux global d'invalidité du requérant par addition d'un chef d'infirmité à 20% et de deux autres chefs d'invalité, chacun à 10%. Sa décision, contestée par le présent pourvoi, est annulée.
Selon le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en son art. 14, en cas de pluralité d'infirmités dont aucune n'entraîne d'invalidité absolue : 1°/ le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et, pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante ;
2°/ quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité.
Par application de cette double règle, les taux à retenir ne sont pas de 20% + 10% + 10%, soit 40% comme l'a fait la cour, mais de 20% + (10%+5%) + 10% + 10%, soit 46,5% devant être arrondis à 50%.
(27 avril 2021, M. A., n° 434450)
140 - Fonctionnaires de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) - Statut - Exercice du droit de grève et du droit syndical - Adhésion à une association - Information par l'agent de sa situation personnelle et de ses changements - Rejet.
Le requérant demandait l'annulation de la plupart des dispositions du décret du 3 avril 2015 fixant le statut des fonctionnaires de la direction générale de la sécurité extérieure.
Au soutien de sa requête il développait plusieurs griefs, tous rejetés par le juge, à commencer par les moyens de légalité externe.
Concernant les moyens tirés de la légalité interne, sont critiquées, en vain :
- l'interdiction de l'exercice du droit de grève, laquelle est justifiée par les missions qui sont celles de cette administration car elles ne peuvent souffrir aucune interruption de leur continuité ;
- l'interdiction de l'exercice du droit syndical car est admise en même temps la possibilité de créer des groupements professionnels et d'y adhérer à la condition qu'ils soient constitués sous la forme d'associations professionnelles nationales dont la mission est de défendre leurs intérêts professionnels, ce qui, selon le juge, constitue une bonne conciliation entre la liberté syndicale, liberté constitutionnelle, et le respect de l'exigence constitutionnelle de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, d'autant que rien n'empêche un agent de la DGSE, dans sa vie privée, d'adhérer à une association quelconque ;
- l'obligation d'aviser l'administration de toute modification de la vie personnelle d'un agent de la DGSE est légitimée par la nature des fonctions exercées qui entraîne une vulnérabilité particulière pour la réalisation de leurs missions.
(27 avril 2021, M. B., n° 440254)
Hiérarchie des normes
141 - Procédure administrative contentieuse - Covid-19 - Adaptation de règles de procédure applicables aux juridictions administratives - Ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 - Délai d'habilitation expiré - Absence de QPC - Étendue du contrôle du juge sur l'ordonnance - Rejet.
(2 avril 2021, Syndicat des avocats de France (SAF) et autres, n° 447060 ; Conseil national des barreaux (CNB) et autre, n° 447065) V. n° 20
142 - Métadonnées ou données de connexion - Régime de leur conservation - Contestation - Saisine de la CJUE et réponse - Primauté de la Constitution - Exigence d'une protection équivalente des droits et intérêts dans les deux droits européen et français - Protection des intérêts fondamentaux de l'État - Existence d'une menace vérifiée périodiquement - Illégalité de la conservation généralisée des données surtout celles sensibles - Conditions de compatibilité entre le droit français et les exigences européennes - Injonction au premier ministre de modifier en ce sens les dispositions réglementaires actuelles.
(Assemblée, 21 avril 2021, Association French Data Network et autres, n° 393099 ; Association La Quadrature du Net et autres et Association Igwan.net, n°s 394922 397844 et 397851) V. n° 12
Libertés fondamentales
143 - Extradition d'un trafiquant de drogue vers les États-Unis - Décret du premier ministre - Peine de réclusion criminelle à perpétuité non encourue - Extradition subséquente vers les Philippines impossible sans l'accord de la France - Rejet.
Un trafiquant de drogue faisant l'objet d'un mandat d'arrêt émis par un juge des États-Unis conteste la légalité du décret d'extradition vers ce pays pris par le premier ministre. Les deux arguments principaux développés au soutien de son recours sont rejetés.
D'une part, il ne saurait faire l'objet d'un traitement inhumain du fait de sa possible condamnation à une peine de prison à perpétuité car l'exécutif américain a pris l'engagement de ne le poursuivre que pour trois chefs d'inculpation dont aucun n'est assorti d'une peine de prison à perpétuité.
D'autre part, il ne risque pas d'être renvoyé aux autorités philippines soit lors de son arrivée aux États-Unis soit une fois purgée la peine à laquelle ces derniers l'auront condamné car cette possibilité est exclue, sauf cas particuliers, par la convention franco-américaine du 23 avril 1996.
(8 avril 2021, M. A., n° 441998)
144 - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) - Étranger résidant habituellement en France depuis au moins depuis l'âge de treize ans - Périodes d'incarcération en France - Remise en cause de la continuité de résidence - Absence.
Répondant à une demande d'avis de droit, le Conseil d’État rend une importante décision pas forcément attendue dans sa substance.
L'art. L. 511-4 du CESEDA dispose en son 2° que ne peut faire l'objet d'une OQTF "L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
Il était demandé au Conseil d’État si les périodes d'incarcération peuvent être assimilées à des périodes de résidence habituelle en France alors que la personne incarcérée ne peut plus être regardée comme résidant en France de son propre gré.
Celui-ci répond que si ces périodes ne peuvent pas être prises en compte dans le calcul de la durée de la résidence puisque l'étranger n'a pas fait ce choix, néanmoins elles " ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans ".
La solution est inverse en matière d'expulsion où les années d'incarcération sont décomptées de la durée totale de résidence (6 mai 1988, X., Recueil Lebon p. 783) tout comme les années passées sous un régime de semi-liberté (28 février 2020, X., n° 426076) ; une solution comparable est retenue en matière de carte d'autorisation de séjour temporaire (26 juillet 2007, X., n° 298717).
La différence des solutions semble devoir être expliquée par l'existence de dispositions spécifiques susrappelées.
(Avis, 8 avril 2021, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n° 446427)
145 - Liberté du mariage - Épidémie de Covid-19 - Circulaire ne prévoyant pas de dérogation pour les étrangers devant se rendre en France pour y célébrer leur mariage avec un Français - Interdiction de l'enregistrement et de l'instruction de visas en vue de se marier en France avec un Français - Mesures disproportionnées - Suspension ordonnée.
Les requérants demandaient au juge des référés la suspension de la circulaire du premier ministre du 22 février 2021 interdisant l'enregistrement et l'instruction des demandes de visa en vue de se marier en France avec un Français et n'autorisant pas l'entrée sur le territoire français des titulaires d'un tel visa.
Le juge des référés du Conseil d’État accueille cette demande dans une longue décision qui montre toute la richesse d'analyse des faits susceptible d'être contenue dans une ordonnance de référé.
Il estime qu'en dépit de la situation sanitaire il y a urgence à statuer s'agissant de requérants dont les bans sont déjà publiés et le certificat de non-opposition délivré, et, pour certains, dont les dates de mariage sont déjà fixées et aussi compte-tenu de la durée de séparation des couples, à quoi s'ajoute la raréfaction des délivrances de visas à cet effet.
Pour dire sérieux le doute sur la légalité de la circulaire, le juge relève que la prétendue possibilité de dérogations à l'interdiction d'entrée en France est presque inexistante au regard de la pratique suivie depuis le début de l'épidémie. Il relève aussi, en réponse à un argument du ministre de l'intérieur, qu'aucun texte ni aucun principe ne limite la possibilité pour un étranger d'entrer en France pour épouser un Français aux seuls couples juridiquement empêchés de célébrer leur mariage dans l'État d'origine de cet étranger.
Au reste, s'il n'existe aucun droit général et absolu d'accès et de séjour au territoire français pour s'y marier avec un Français, s'impose toutefois à l'administration l'obligation de concilier la protection de la santé publique avec le respect des libertés, au rang desquelles figure la liberté de mariage, dont bénéficie toute personne se trouvant en situation régulière sur ce territoire.
La circulaire litigieuse est suspendue mais le juge rappelle que celle-ci n'emporte point droit pour les intéressés à la délivrance systématique dun visa.
(ord. réf. 9 avril 2021, Mme J. et autres, Association de soutien aux amoureux du ban public, n° 450884)
146 - Droit d'asile - Obligation d'un test PCR négatif pour entrer en France - Refus de se soumettre au test - Absence de motif médical au refus - Connaissance de la portée du refus - Mise en situation de fuite - Refus justifié d'enregistrer une demande d'asile - Rejet.
Le demandeur d'asile qui, sans motif valable, refuse de se soumettre à un test PCR en vue de son transfert en France et alors qu'il connaît les conséquences d'un refus, doit être considéré comme étant en état de fuite au sens de l'article 29 du règlement européen du 26 juin 2013. Par suite, c'est à bon droit que le préfet de police de Paris a refusé d'enregistrer sa demande d'asile.
(ord. réf. 10 avril 2021, M. A., n° 450928)
(147) V. aussi, la solution inverse retenue dans un cas semblable mais où l'étranger a été informé de ses obligations dans une langue qu'il ne comprend pas : 10 avril 2021, M. A., n° 450931.
148 - Extradition - Ressortissant kossovar condamné pour viol sur mineur - Conventionnalité du décret d'extradition - Absence de condamnation par défaut - Respect du contradictoire - Rejet.
Le recours d'un ressortissant kossovar dirigé contre le décret procédant à son extradition vers le Kossovo est rejeté car la décision d'extrader est, en la forme, conforme à la convention d'extradition liant les deux pays, parce que sa condamnation pour viol sur mineur, aggravée en appel, n'a pas eu lieu au terme d'une procédure par défaut et, enfin, parce que la procédure suivie a bien été contradictoire.
(21 avril 2021, M. B., n° 439930)
149 - Police aux frontières - Réintroduction temporaire du contrôle aux fontières intérieures de la France aux points de passage autorisés de Menton et de Montgenèvre (art. L. 213-2 et L. 213-3 du CESEDA) - Conditions dans lesquelles sont retenus aux deux postes de police les étrangers auxquels a été refusé l'entrée sur le territoire français - Demande de suppression de ces postes et affirmation de l'inconventionnalité des dispositions précitées du CESEDA - Rejet.
Dans une très longue ordonnance, particulièrement documentée et fouillée, le juge des référés se prononce sur les critiques adressées par les requérantes et les intervenantes sur le principe même de l'installation à Montgenèvre et à Menton de deux postes de police où sont retenus les étrangers non admis sur le territoire français et sur les conditions dans lesquelles ils y sont retenus.
Le juge rejette les deux recours après avoir exposé, d'une part, le cadre juridique dans lequel se situe l'installation de ces postes, dits "points de passage autorisés", créés après qu'en 2015 la France a rétabli le contrôle aux frontières intérieures par dérogation aux dispositions dites Schengen et, d'autre part, les exigences imposées aux autorités de police pour la protection de la dignité des personnes retenues dans ces postes. Le juge insiste lourdement sur la nécessité de préserver la dignité des personnes, de séparer les sexes et les mineurs, d'assurer un gîte et une alimentation convenables, etc.
On perçoit bien qu'en dépit de la situation sanitaire, le juge administratif n'ira pas plus loin dans l'acceptation du maintien des conditions actuelles même s'il relève d'ailleurs qu'elles résultent d'une certaine amélioration par rapport à l'état antérieur.
(ord. réf. 23 avril 2021, Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) et association Médecins du monde, n° 450879 et n° 450987)
150 - Métadonnées ou données de connexion - Régime de leur conservation - Contestation - Saisine de la CJUE et réponse - Primauté de la Constitution - Exigence d'une protection équivalente des droits et intérêts dans les deux droits européen et français - Protection des intérêts fondamentaux de l'État - Existence d'une menace vérifiée périodiquement - Illégalité de la conservation généralisée des données surtout celles sensibles - Conditions de compatibilité entre le droit français et les exigences européennes - Injonction au premier ministre de modifier en ce sens les dispositions réglementaires actuelles.
(Assemblée, 21 avril 2021, Association French Data Network et autres, n° 393099 ; Association La Quadrature du Net et autres et Association Igwan.net, n°s 394922 397844 et 397851) V. n° 12
Police
151 - Référé suspension - Police sanitaire - Exportation de végétaux traités vers la Chine - Traitement par la cyperméthrine - Urgence à statuer - Absence de moyens de nature à faire naître un doute sérieux - Rejet.
Les requérants demandaient au juge des référés la suspension des effets de la prise de position de la direction générale de l'alimentation, révélée par le courrier de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Bourgogne-Franche-Comté du 3 février 2021, par laquelle la direction générale de l'alimentation (DGAL) indique que le traitement des grumes victimes du scolythe, en conteneur avec un insecticide à base de cyperméthrine n'est pas un traitement autorisé par le ministre de l'agriculture pour l'exportation à destination de la Chine.
Si le juge admet qu'il y a bien urgence à statuer en raison de l'atteinte sérieuse portée aux intérêts économiques défendus par les requérants, en revanche, il n'aperçoit pas dans la requête de moyens de nature à créer un doute sérieux sur la juridicité de la décision contestée.
En effet, la direction du service ministériel auteur de l'interdiction avait pour seul objet de prescrire aux services compétents de ne pas accorder de certificats de garantie aux grumes d'épicéas victimes du scolyte et traitées à la cyperméthrine en vue de leur exportation vers la Chine, dès lors que l'administration française estime ne pas être en mesure de garantir, en application de la Convention internationale pour la protection des végétaux, que ces produits sont conformes à la réglementation phytosanitaire chinoise.
Ensuite, la mesure critiquée ne peut pas s'analyser comme retirant l'autorisation de mise sur le marché d'un produit utilisant la cyperméthrine.
Par ailleurs des incertitudes demeurent sur le point de savoir si l'exportation vers la Chine des grumes traités est interdite ou si elle y est jugée sans effets.
De tout cela ne ressort pas un moyen créant un doute sérieux sur la légalité de la mesure dont la suspension d'exécution était demandée.
(ord. réf. 19 avril 2021, Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB) et autres, n° 450989)
152 - Permis de conduire - Suspension comme peine complémentaire (art. L. 224-7 code de la route) - Obligation d'une procédure contradictoire sauf urgence - Absence de contradictoire et urgence inopérante car invoquée pour la première fois en cassation - Annulation sans renvoi, plus rien ne restant à juger.
La décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-7 du code de la route, qui est une mesure de police et doit être motivée en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, est soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable. Il n'en va autrement qu'en cas d'urgence démontrée.
Or, ici, le préfet, en première instance, n'avait nullement invoqué une urgence, ayant même affirmé que la procédure contradictoire avait été suivie. L'invocation de l'urgence pour la première fois en cassation, par le ministre de l'intérieur constitue un moyen nouveau irrecevable.
La suspension est annulée.
(20 avril 2021, Mme B., n° 438114)
Professions réglementées
153 - Masseurs-kinésithérapeutes - Inscription au tableau de l'ordre - Pouvoirs du conseil national de l'ordre - Pouvoir de réformation d'une autorisation d'inscription au tableau - Condition d'exercice de ce pouvoir : existence d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une inexactitude matérielle - Rejet.
Combinant les art. L. 4321-14, L. 4321-17-1, L. 4112-4 du code de la santé publique, le Conseil d’État en déduit que lorsqu'un conseil régional ou interrégional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes prend, sur recours contre une décision d'un conseil départemental de l'ordre, une décision autorisant l'inscription d'un praticien au tableau de l'ordre, le Conseil national de l'ordre, auquel cette décision doit être notifiée, peut, dans un délai de trente jours suivant cette notification, se saisir de cette décision pour statuer sur le bien-fondé de la demande d'inscription au tableau de l'ordre.
Il peut en outre, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 4112-4, s'il ne s'est pas saisi ou n'a pas été saisi d'un recours hiérarchique dans le délai de trente jours, retirer une décision d'autorisation dans les trois mois qui suivent l'expiration du délai de trente jours, si cette décision repose sur une inexactitude matérielle ou est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En l'espèce, il est jugé qu'au regard du dossier la formation restrteinte du conseil national de l'ordre, saisie par ce dernier, n'a pas commis d'irrégularité en prononçant l'annulation de la décision d'un conseil régional de l'ordre autorisant l'inscription du requérant au tableau de l'ordre.
(2 avril 2021, M. B., n° 438163)
154 - Médecins - Sanction disciplinaire - Interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois - Conséquences difficilement réparables - Existence d'un moyen sérieux - Sursis à l'exécution d'une ordonnance ordinale.
Saisi d'un recours à fin de sursis à l'exécution d'une ordonnance ordinale, le Conseil d’État accorde ce sursis après constatation de l'existence des deux conditions à l'octroi d'un tel sursis : les conséquences difficilement réparables qu'entraînerait l'exécution immédiate de l'interdiction d'exercer la médecine pour une durée de trois mois et l'existence d'un moyen sérieux tiré de ce que, par l'ordonnance attaquée, qui rejette la requête d'appel sans l'examiner au motif qu'elle n'était pas accompagnée du nombre de copies requis par l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, il a été porté une atteinte excessive au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la convention EDH.
(30 avril 2021, Mme C., n° 449595)
(155) V., pour des cas identiques : 30 avril 2021, M. A., n° 449735 ; 30 avril 2021, M. F., n° 449832 ; 30 avril 2021, M. D., n° 450382.
(156) V., pour l'octroi d'un sursis à exécution d'un jugement dans des circonstances de fait et de droit différentes : 30 avril 2021, Mme A., n° 450476.
Question prioritaire de constitutionnalité
157 - Taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision - Principe d'égalité devant les charges publiques - Exigence de tenir compte des facultés contributives - Question de caractère sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel.
L'article 302 bis KD du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, dispose :
" 1. Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision.
2. La taxe est assise sur les sommes, hors commission d'agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies pour l'émission et la diffusion de leurs messages publicitaires à partir du territoire français.
Elle est due par les personnes qui assurent la régie de ces messages publicitaires. (...) ".
La requérante soulève une question prioritaire de constitutionnalité à l'encontre des dispositions de cet article tirée de ce qu'elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques, en ce qu'elles auraient pour effet d'assujettir les régisseurs de messages publicitaires à une imposition dont l'assiette inclurait des sommes dont ils n'ont pas la disposition.
Le Conseil d’État, rappelle d'abord que " L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs ".
Il en déduit au cas de l'espèce que la question soulevée par la requérante présente un caractère sérieux.
(20 avril 2021, SAS M6 Publicité, n° 448984)
158 - Magistrats - Absence de publicité de l'audience et de la décision portant interdiction temporaire d'exercice des fonctions - Principe de publicité des audiences - Conseil constitutionnel s'étant déjà prononcé sur cette disposition mais évolution de sa jurisprudence constitutant une circonstance de droit nouvelle - Renvoi de la QPC revêtant un caractère sérieux.
Saisi de la question de la constitutionnalité des dispositions de l'art. 50 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature en tant qu'elles prévoient que l'audience et la décision portant interdiction temporaire d'exercice des fonctions de magistrat ne peuvent être rendues publiques, le Conseil d’État relève que si le C.C. s'est déjà prononcé sur cette disposition (cf. décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010), l'évolution postérieure de sa jurisprudence, en particulier dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, constitue une circonstance de droit nouvelle rendant sérieuse la question de savoir si ce texte ne porte pas atteinte au principe de publicité des audiences civiles et administratives découlant des art. 6 et 16 de la Déclaration de 1789.
Le renvoi au C.C. de cette question est ordonné.
(28 avril 2021, M. A., n° 449438)
Responsabilité
159 - Responsabilité hospitalière - Enfant né lourdement handicapé - Évaluation du préjudice au titre de l'assistance d'une tierce - Fixation à 12 h par jour du besoin de cette assistance - Dénaturation des faits - Cassation avec renvoi.
(2 avril 2021, M. et Mme C., n° 427283) V. n° 19
160 - Responsabilité hospitalière - Contrat d'assurance conclu par un établissement hospitalier pour couverture de certains risques (art. L. 1142-2 code santé publ.) - Date de connaissance du dommage - Conditions de détermination - Connaissance de l'existence du dommage et de ce qu'il résulte d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'établissement - Seconde condition non remplie - Cassation partielle.
L'article L. 1142-2 du code de la santé publique prévoit l'obligation pour les établissements de santé de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d'être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d'atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l'ensemble de cette activité.
L'article L. 251-2 du code des assurances décide que tout contrat d'assurance conclu en application des dispositions précitées " (...) garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.
Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.
(...) Le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable était connu de l'assuré à la date de la souscription (...) ".
En l'espèce, par suite du décès de leur époux et père dans le centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe le 22 janvier 2013, son épouse et ses filles ont actionné en responsabilité ledit centre devant le juge administratif, après que le centre a refusé de donner suite à l'avis favorable partiel de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Guadeloupe-Martinique. Le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe à leur verser différentes sommes en réparation de leurs préjudices, a rejeté l'appel en garantie du centre hospitalier à l'encontre de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), qui était l'assureur de l'établissement de santé jusqu'au 30 septembre 2013, et refusé d'admettre l'intervention de la société AM Trust international underwriters, assureur du centre hospitalier universitaire à compter du 1er octobre 2013. La cour administrative d'appel a modifié le montant des sommes allouées par le tribunal aux victimes, condamné la SHAM à garantir le centre hospitalier de ces condamnations et rejeté l'appel de la société AM Trust international underwriters.
Par suite de l'appel en garantie de la SHAM par le CHU, le débat juridique en cassation s'est porté sur l'interprétation de la phrase du sixième alinéa de l'art. précité du code des assurances selon laquelle : " Le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable était connu de l'assuré à la date de la souscription".
La cour administrative d'appel a constaté, tout d'abord, que le décès s'étant produit le 22 janvier 2013 et le contrat d'assurances conclu entre le CHU et la société AM Trust international underwriters ayant démarré le 1er octobre 2013, le CHU avait incontestablement connaissance de l'existence du fait dommageable à une date antérieure à la date de souscription.
La cour a, ensuite, retenu que le compte-rendu d'hospitalisation révélait que le CHU avait connaissance avant cette date du 1er octobre 2013 de manquements commis dans la prise en charge de la victime. Elle a donc décidé de recevoir l'action en garantie du CHU contre la SHAM, son assureur jusqu'au 30 septembre 2013.
Le Conseil d’État casse cet arrêt pour dénaturation des pièces du dossier. Il procède en deux temps. En premier lieu, il donne une interprétation très étroite de la disposition précitée car, selon lui, il en découle qu' "un fait dommageable subi par un patient doit être regardé comme connu de l'établissement de santé à une certaine date si, à cette date, sont connus de ce dernier non seulement l'existence du dommage subi par le patient mais aussi celle d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'établissement à raison ce dommage". En second lieu, il estime que ce compte-rendu fait état d'un décès causé par choc septique, dont les conséquences dommageables étaient susceptibles d'être prises en charge au titre de la solidarité nationale. En revanche, il ne comporte aucune indication sur de possibles manquements, pas plus d'ailleurs qu'aucune autre pièce du dossier. Le CHU ne peut donc pas être considéré comme ayant eu connaissance avant le 1er octobre 2013 de manquements dans la prise en charge de l'intéressé ou de tout autre fait de nature à engager la responsabilité de l'établissement.
C'est donc au seul CHU qu'incombe la charge de la réparation.
(2 avril 2021, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 430491)
161 - Annulation d'un permis de construire pour illégalité du POS - Condamnation du maître d'oeuvre par le juge judiciaire pour manquement au devoir de conseil - Action en responsabilité contre la commune du fait de l'illégalité du POS - Nature de cette action - Action subrogatoire et non récursoire - Conséquences - Cassation de l'arrêt d'appel n'y voyant qu'une action récursoire.
Sur le retour d'un grand et irritant classique : la distinction entre action récursoire et action subrogatoire, tel pourrait être l'intitulé d'une note sous cette décision...
Un permis de construire plusieurs dizaines de logements est annulé en raison de l'illégalité du classement par le POS des parcelles leur servant d'assiette.
Le maître d'oeuvre, requérant ici, ayant été condamné par le juge judiciaire à indemniser la société titulaire du permis de construire, pour manquement à son devoir de conseil, celui-ci saisit le juge administratif pour rechercher la responsabilité de la commune en raison de l'illégalité de son POS. Son action a été rejetée tant en première instance qu'en appel.
Le maître d'oeuvre se pourvoit.
Le Conseil d’État lui donne raison en rappelant sa position, bien établie désormais (cf. concl. G. Guillaume sur Section, 13 octobre 1972, Caisse régionale de réassurances mutuelles de l'Est, AJDA 1973 p. 153 ; concl. A. Courrèges sur 31 décembre 2008, Société foncière Ariane, RFDA 2009 p. 311 et s., dont les propres termes du considérant de principe sont repris ici) : " Lorsque l'auteur d'un dommage, condamné, comme en l'espèce, par le juge judiciaire à en indemniser la victime, saisit la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la collectivité publique co-auteur de ce dommage, sa demande, quel que soit le fondement de sa responsabilité retenu par le juge judiciaire, n'a pas le caractère d'une action récursoire par laquelle il ferait valoir des droits propres à l'encontre de cette collectivité mais celui d'une action subrogatoire fondée sur les droits de la victime à l'égard de cette collectivité ".
La différence est très importante par rapport à l'action récursoire puisque le subrogé peut se prévaloir des fautes que la collectivité publique aurait commises à son encontre ou à l'égard de la victime et qui ont concouru à la réalisation du dommage, sans toutefois avoir plus de droits que cette victime. Par ailleurs, la propre faute du subrogé lui est opposable (sur tous ces points, v. J.-C. Ricci et F. Lombard, Droit administratif des obligations, Sirey Université, 2018, § 1009-1010).
Or en l'espèce, la cour avait rejeté l'action du maître d'oeuvre. Selon elle, le préjudice qu'il soutenait avoir subi du fait de la faute de la commune dans le classement du terrain d'assiette par le POS et de celle résultant de la délivrance du permis en cause, qui ont conduit à ce qu'il soit condamné à indemniser la société titulaire du permis de construire, n'avait pu résulter que des stipulations du contrat qu'il avait conclu avec cette société par lequel lui a été confiée une mission complète de maîtrise d'oeuvre et de ses conditions d'exécution. En conséquence, sa condamnation ne pouvait découler directement des illégalités susceptibles d'avoir été commises par la commune.
Ce jugeant, la cour niait totalement le caractère subrogatoire de l'action du demandeur, c'est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation intégrale de son arrêt.
(7 avril 2021, M. B., n° 432993)
162 - Perquisition dans le cadre d'une opération de police judiciaire - Dommages causés à un meuble - Compétence des juridictions de l'ordre judiciaire - Incompétence de l'ordre administratif - Annulation.
Prenant acte de ce qu'a décidé le Tribunal des conflits (8 février 2021, Garde des sceaux c/ M. B, n° 4205) sur renvoi du Conseil d’État pour difficulté sérieuse (16 octobre 2020, n° 435324), ce dernier annule le jugement qui avait déclaré l'ordre administratif de juridiction compétent pour connaître du litige en réparation de dommages causés sur un meuble lors d'une perquisition alors que, celle-ci constituant une opération de police judiciaire, la compétence pour connaître de ce litige relevait de l'ordre judiciaire de juridiction.
(23 avril 2021, M. B., n° 435324)
Santé
163 - Pensionnés résidant à l'étranger - Prise en charge de leurs frais de santé en cas de séjour temporaire - Instruction du 1er juillet 2019 - Durée minimum d'assurance - Absence d'inconstitutionnalité - Refus de renvoi d'une QPC - Annulation de l'instruction pour incompétence de son auteur avec modulation des effets de cette annulation dans le temps.
L'article L. 160-3, al. 1 du code de la sécurité sociale, lors de leurs séjours temporaires en France, ouvre aux titulaires, quelle que soit leur nationalité, d'une pension ou rente mentionnée aux 1° à 4° de cet article, notamment d'une pension ou rente de vieillesse ou d'une pension de réversion servie par un régime de base de sécurité sociale français, lorsqu'ils résident à l'étranger et n'exercent pas d'activité professionnelle, le bénéfice de la prise en charge de leurs frais de santé telle que prévue à l'article L. 160-1 de ce code.
L'article 52 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, entré en vigueur le 1er juillet 2019, a complété cet article notamment en déclarant ces dispositions applicables " (...) b) Aux personnes mentionnées aux 1° et 3°, non mentionnées au a et dont la pension rémunère une durée d'assurance supérieure ou égale à quinze années au titre d'un régime français; (...)".
L'instruction du 1er juillet 2019, dont l'annulation était l'objet du présent recours, contient un paragraphe VI selon lequel : " La gestion des droits maladie des pensionnés, visés au point c du I de la présente instruction [c'est-à-dire ceux résidant dans un État hors espace européen n'ayant pas conclu de convention bilatérale de sécurité sociale avec la France rendant cette dernière exclusivement compétente pour la prise en charge de leurs frais de santé] et affiliés avant le 1er juillet 2019 pour la prise en charge de leurs frais de santé lors de leurs séjours temporaires en France auprès de la caisse d'assurance maladie compétente, doit être revue comme suit :
- l'affiliation à l'assurance maladie sera maintenue dès que les intéressés bénéficient d'une pension rémunérant une durée d'assurance de plus de dix ans en France ;
- une période transitoire de trois ans à compter du 1er juillet 2019, pendant laquelle leur affiliation restera effective en tout état de cause, sera ouverte pour ceux d'entre eux dont la pension rémunère une durée d'assurance comprise entre cinq et moins de dix ans en France ".
Le Conseil d’État est convaincu par le demandeur que les dispositions de cette instruction sont entachées d'incompétence car en permettant la prise en charge, au-delà du 1er juillet 2019, des soins dispensés au cours de séjours temporaires à des pensionnés résidant à l'étranger affiliés pour cette prise en charge avant cette date, sans être couverts par un règlement européen ou une convention internationale de sécurité sociale prévoyant la compétence exclusive de la France et ne justifiant pas de quinze années minimales de cotisation à l'assurance vieillesse, cette instruction ajoute aux dispositions transitoires prévues par le législateur au b) de l'art. 160-3 du code précité.
En revanche, le Conseil d’État avait, préalablement, rejeté la requête en QPC dirigé contre le b) de cet article, estimant tout d'abord qu'il opère une conciliation raisonnable entre les exigences constitutionnelles, d'une part, de bon emploi des deniers publics et, d'autre part, du droit à la protection de la santé. Ensuite il juge ces dispositions non contraires au principe d'égalité, ni de portée rétroactive ni entachées d'incompétence négative.
L'annulation prononcée prend effet au jour de la décision, les situations antérieurement acquises devenant définitives sous réserve de recours déjà introduits et encore pendants.
(2 avril 2021, M. A., n° 437698)
(164) V. aussi, très semblable : 2 avril 2021, M. A., n° 437698.
165 - Produits de santé - Pouvoirs du Comité économique des produits de santé - Fixation du tarif de responsabilité et du prix de vente au public d'implants orthopédiques - Décision de baisser le prix desdits implants - Éléments pris en considération à cet effet - Légalité - Rejet.
La société requérante contestait la légalité de la décision par laquelle le Comité économique des produits de santé a baissé les tarifs de responsabilité et les prix des cotyles à double mobilité de la gamme " Quattro cim ", " Quattro Hap " et " Integra de reprise "; elle invoquait des moyens de légalité externe que l'on n'examinera pas ici et des moyens de légalité interne.
Ces derniers critiquaient les deux motifs retenus par le Comité pour prendre la décision litigieuse. Se fondant sur les dispositions du II de l'art. L. 165-2 du code de la sécurité sociale, le Comité a pris en considération l'ancienneté de l'inscription de ce dispositif médical sur la liste des produits et prestations remboursables et le niveau élevé des montants remboursés par l'assurance maladie obligatoire pour les implants orthopédiques, dont les cotyles à double mobilité, et du prix des comparateurs.
S'agissant de l'ancienneté d'inscription, le juge rejette l'argument tiré de ce que les produits en cause ont été d'abord inscrits sous description générique puis sous nom de marque, le texte précité ne distinguant pas entre ces deux modalités. C'est donc sans erreur de droit que le Comité a retenu l'ensemble de la période de vente de ces prothèses orthopédiques quelle qu'ait été la dénomination, générique ou de marque, sous laquelle elles ont été commercialisées.
S'agissant du coût de remboursement de ces produits pour la sécurité sociale, le juge considère que le Comité pouvait légalement le prendre en considération comme l'un des motifs de sa décision dès lors qu'il est établi que le montant des remboursements s'est élevé, en 2018, à 17,6 millions d'euros pour les cotyles en cause et à 97 millions d'euros pour l'ensemble des cotyles.
La circonstance que ces montants sont aujourd'hui en baisse est sans effet ici.
(7 avril 2021, Société Groupe Lépine, n° 432733)
(166) V. aussi, dans le cas d'un rejet par le Comité économique des produits de santé d'une demande de hausse du prix de certaines spécialités, l'annulation partielle assortie d'une injonction : 7 avril 2021, Société Téofarma, n° 433162.
167 - Décret et arrêté fixant les conditions et les modalités de l'admission en deuxième et troisième années du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique - Recours formé par la Fédération française des psychomotriciens - Défaut d'intérêt - Rejet.
(16 avril 2021, Fédération française des psychomotriciens, n° 437321 et n° 437322) V. n° 23
Service public
168 - Principe d'égalité devant le service public - Égalité devant les diplômes - Épreuves du baccalauréat - Refus opposé aux candidats issus d'écoles privés hors contrat de subir une épreuve - Doute sérieux et urgence - Suspension ordonnée.
Le juge des référés du Conseil d’État ordonne la suspension de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le premier ministre sur la demande de l'association requérante tendant à la prise en compte des évaluations de l'enseignement optionnel " Langues et cultures de l'Antiquité " pour les élèves de l'enseignement privé hors contrat lors de la session 2021 du baccalauréat.
Le juge relève tout d'abord que l'on ne se trouve point dans l'une des hypothèses où il peut être dérogé à l'application du principe d'égalité dans la mesure où, au regard du contenu et de la nature de l'épreuve en cause, il n'existe pas de différence objective entre les candidats issus de l'enseignement public ou privé sous contrat et ceux issus de l'enseignement hors contrat. Il existe donc un doute sérieux sur la légalité de la décision implicite litigieuse.
Comme par ailleurs les épreuves du baccalauréat sont proches, l'urgence est établie.
(ord. réf. 14 avril 2021, Association Civitas, n° 450307)
(169) V. aussi, la solution de rejet retenue sur le recours collectif d'une vingtaine d'établissements et de plusieurs dizaines de personnes physiques à propos d'autres critiques de l'organisation du baccalauréat par les établissements d'enseignement privé hors contrat : ord. réf. 22 avril 2021, Association "Créer son école" et autres et Mme Carole Allali et autres, n° 450751.
Sport
170 - Sanction pour dopage - Sanction infligée par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) - Application du principe d'impartialité des juridictions - Sanction après annulation contentieuse de la sanction précédemment infligée - Rejet.
Un sportif spécialiste de jet ski fait l'objet de sanctions par l'AFLD et conteste tant la régularité de la procédure d'infliction que le bien fondé de la sanction.
L'arrêt, qui est de rejet, apporte des précisions sur deux points importants.
En premier lieu, était invoqué le principe d'impartialité des juridictions. Le juge estime que ce principe, qui s'applique à l'AFLD en sa qualité d'autorité publique indépendante dotée d'un pouvoir de sanction, et qui implique que soient séparées les fonctions de poursuite et celles de jugement, n'est pas opposable à l'autorité qui, au sein de l'AFLD, assure les fonctions de poursuite sans pouvoir décider d'une éventuelle sanction.
En second lieu, le demandeur excipait de ce que le Conseil d’État, par une décision du 28 février 2019, ayant annulé la première sanction infligée par le collège de l'AFLD cela faisait obstacle à qu'une nouvelle sanction puisse éventuellement être prononcée à son encontre. Le Conseil d’État rejette l'argument d'abord à titre de principe : une nouvelle sanction pouvait être prononcée mais dans le respect de la chose jugée par le Conseil d’État. Il rejette également l'argument en raison des faits de l'espèce. L'annulation était fondée sur ce que l'Agence n'était pas compétente pour sanctionner l'intéressé, puisque ce dernier, licencié de la fédération française motonautique, relevait du pouvoir disciplinaire exclusif de cette fédération. Or, après l'arrêt précité du 28 février 2019, est entrée en vigueur le 1er mars 2019, l'ordonnance du 19 décembre 2018 qui a transféré la compétence disciplinaire de la fédération dont le sportif est licencié, vers l'AFLD et sa commission des sanctions. Cette dernière pouvait donc, comme elle l'a fait par sa décision du 24 juin 2020, sanctionner compétemment l'intéressé.
(21 avril 2021, M. B., n° 443043)
171 - Demande d'autorisation d'usage d'un médicament - Pratique du tir à l'arc - Refus d'autorisation - Substance de nature à améliorer la performance des tireurs à l'arc - Rejet.
Le demandeur contestait le refus de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) de lui accorder l'autorisation d'utiliser du Corgard 80 mg à des fins thérapeutiques après que son comité d'experts a émis un avis défavorable sur cette demande. Le Conseil d’État rejette le recours en raison de ce que le motif avancé par l'AFLD reposait sur ce que l'utilisation de bétabloqueurs dans la discipline du tir à l'arc était strictement interdite " car (elle) peut améliorer la performance " et de ce que le requérant, tout en contestant cette motivation en raison de sa généralité, n'avait pas apporté au comité d'experts d'élément contraire autre que les pièces qu'il a versées à la procédure, notamment relatives à l'évolution de son classement en compétition Inter-Pôles France Relève, qui ne confirment pas le bien-fondé de son argumentation.
(ord. réf. 28 avril 2021, M. A., n° 451838)
Urbanisme
172 - Existence d'un schéma de cohérence territoriale approuvé - Date d'entrée en vigueur du plan d'urbanisme - Détermination de la date de son caractère exécutoire - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Lorsque le territoire d'une commune est couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, la délibération approuvant son plan local d'urbanisme entre en vigueur dès lors qu'elle a été publiée et transmise au représentant de l'État dans le département par application des dispositions combinées des art. L. 123-12 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales. Il en résulte que cette délibération est exécutoire à compter de la date la plus tardive entre la date de publication et la date de transmission au représentant de l'État.
Vainement, une cour administrative d'appel, pour juger que le PLU n'était pas encore entré en vigueur au moment de la décision litigieuse, s'appuie sur la double obligation réglementaire (art. R. 123-24 et R. 123-25 c. urb.) que cette délibération ait fait l'objet d'un affichage pendant un mois et que cet affichage ait été mentionné de manière apparente dans un journal diffusé dans le département, car cette obligation est sans incidence sur la détermination de la date d'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme.
Ce jugeant elle commet une erreur de droit conduisant à la cassation.
(2 avril 2021, M. E. et Mme E., n° 427736)
173 - Permis de construire - Demande de permis par plusieurs personnes - Notification expresse de rejet à une seule de ces personnes - Notification dans le délai d'instruction - Absence de naissance d'un permis tacite pour toutes les personnes concernées sauf existence éventuelle d'un motif propre au seul destinataire du refus exprès - Rejet.
Le Conseil d’État adopte dans cette affaire une solution qui quoique prévisible est assez inédite.
Lorsqu'une demande de permis de construire est faite par plusieurs personnes et qu'une notification expresse de rejet de cette demande n'est faite qu'à une seule d'entre elles, dans le délai légal d'instruction du permis, ce rejet empêche la formation d'un permis de construire tacite pour toutes les autres personnes concernées.
Il n'en irait autrement que dans l'hypothèse où le refus serait fondé sur un motif propre à celui des pétitionnaires auquel il a été expressément adressé.
(2 avril 2021, Société Serpe, n° 427931)
174 - Plan d'urbanisme - Unité paysagère avec un espace remarquable - Qualification de l'ensemble - Inadéquation entre une disposition du plan local d'urbanisme (PLU) et une orientation du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) - Cassation sans renvoi (seconde cassation).
Le litige portait sur le reproche fait au PLU de la ville de Sète de créer un emplacement réservé pour la réalisation d'une voie publique et de ne pas classer certaines parcelles en espaces boisés classés.
La décision est intéressante par ce qu'elle confirme à nouveau et par une certaine innovation.
Tout d'abord, est rappelé le principe directeur du contrôle contentieux en matière d'urbanisme tiré de ce que l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
Ensuite, le juge était appelé à décider que lorsque qu'un site (ici un bois) formant une unité paysagère est en continuité avec un espace remarquable, l'ensemble ainsi formé a, tout entier, la qualité d'espace remarquable. Il décide qu'en l'espèce, contrairement à ce qui avait été jugé en appel, il n'y a pas d'unité paysagère et, par suite, pas de classement possible de l'entière zone concernée en site ou paysage remarquable. Opérant cette analyse il s'en déduit que le juge de cassation exerce un contrôle de la qualification juridique des faits s'agissant de déterminer si une parcelle forme une unité paysagère avec un espace remarquable permettant ainsi la qualification de l'ensemble comme site ou paysage remarquable.
C'est à ce titre qu'il casse l'arrêt d'appel pour dénaturation des faits et des pièces du dossier.
(7 avril 2021, Commune de Sète, n° 428233)
(175) V. aussi, dans ce dossier : 7 avril 2021, Commune de Sète, n° 433923.
176 - Permis de construire - Conditions d'octroi - Existence d'une voie d'accès - Existence partielle d'une servitude de passage - Caractère de voie ouverte à la circulation publique - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui considère comme une voie ouverte à la circulation publique une voie conduisant à une parcelle faisant l'objet d'un permis de construire car dans sa partie exempte de toute servitude de passage, elle n'était pas physiquement fermée et ne comportait pas de signalétique en interdisant l'accès aux tiers. En effet, il résulte des pièces mêmes du dossier soumis à la cour que les requérants, propriétaires du terrain d'assiette de cette partie du chemin, faisaient valoir qu'il n'était emprunté que par les riverains des maisons déjà existantes et qu'ils avaient fait connaître, y compris à la mairie de la commune, leur opposition à tout autre passage par ce chemin.
L'annulation aurait pu être fondée, davantage que sur l'erreur de droit, sur la dénaturation des pièces du dossier.
(7 avril 2021, M. C. et Mme U., n° 432708)
177 - Permis de construire - Surélévation d'un immeuble irrégulièrement implanté - Définition des règles de prospect par rapport aux baies de façade - Surélévation n'aggravant pas la non-conformité - Régularité sous condition - Rejet.
Voilà une solution empreinte d'un réalisme sain.
Était demandée l'annulation du jugement ayant rejeté la demande d'annulation d'un permis de construire en vue de la surélévation de deux niveaux d'un bâtiment de trois étages sur un niveau de sous-sol à usage de commerce et d'habitation. L'auteur du recours était une personne habitant un immeuble situé en vis-à-vis de la façade sur cour du projet.
Tout d'abord, il était constant que l'immeuble avait été édifié en méconnaissance des règles d'implantation fixées au PLU de la Ville de Paris.
Ensuite, ce plan ne définit les règles de prospect applicables à cet immeuble que par la présence et la nature des baies que comporte la façade ou la partie de façade à édifier ; elles sont donc indépendantes de la hauteur des constructions. Enfin, cette surélévation, dans ces conditions, ni ne porte atteinte aux règles de prospect ni n'aggrave la non-conformité actuelle du bâtiment.
Le pourvoi est rejeté
(7 avril 2021, Mme D., n° 433609)
178 - Permis de construire - Invitation par le juge à obtenir un permis de régularisation - Effets de l'obtention de ce second permis - Sort des conclusions dirigées contre le jugement invitant à obtenir un permis de régularisation - Sort des autres conclusions dirigées contre ce jugement - Erreur de droit - Annulation.
Rappel opportun de ce que si, à compter de la délivrance du permis modificatif en vue de régulariser le vice relevé, dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire droit, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sont privées d'objet, il n'en va pas de même du surplus des conclusions dirigées contre ce premier jugement, qui conservent leur objet, même après la délivrance du permis de régularisation.
Ainsi en va-t-il, comme ici, du moyen selon lequel le permis initial n'était pas régularisable ou de celui contestant à titre propre la légalité du permis modificatif.
(14 avril 2021, M. et Mme D., n° 438890)
179 - Permis de construire - Implantation d'éoliennes - Exigences découlant de l'art. R. 111-21 c. urb. - Recherche d'une atteinte éventuelle au paysage - Appréciations à porter - Rejet.
L'art. R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au présent litige, dispose : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Le permis peut donc être refusé s'il est porté atteinte aux paysages naturels avoisinants.
Le juge indique alors, positivement, à quelles recherches doit se livrer l'autorité chargée de délivrer le permis et, négativement, ce qu'elle ne peut pas faire. Positivement, elle doit, d'abord, apprécier la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et, ensuite, évaluer l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Négativement, elle ne peut pas, à ce stade se livrer à une balance d'intérêts autres que ceux visés à l'art. R. 111-21 précité.
(15 avril 2021, Association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres, n° 430497)
(180) V., sur le même projet d'implantations d'éoliennes : 15 avril 2021, Association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres, n° 430498.
(181) V. aussi, sur ce projet, jugeant que le juge de cassation réserve à l'appréciation souveraine des faits par le juge du fond la question de savoir s'il n'existait pas, en l'espèce, une autre solution satisfaisante que celle retenue : 15 avril 2021, Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres, n° 430500.
182 - Permis de construire - Délivrance d'un certificat d'urbanisme indiquant un possible sursis à statuer sur une demande ultérieure de permis de construire - Sursis opposé - Conditions de légalité d'un tel sursis - Élaboration suffisamment avancée d'un nouveau PLU - Nécessité que les orientations ou règles du PLU soient légales - Contestation par le pétitionnaire des règles applicables à une zone - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
La société Lidl, demanderesse, s'est vue opposer un sursis à exécution à sa demande de permis de construire, qu'elle a contesté en vain en première instance et en appel.
Elle se pourvoit et le Conseil d’État lui donne raison.
Un tel sursis peut être opposé si trois conditions sont cumulativement réunies :
1°/ l'état d'avancement des travaux d'élaboration du nouveau plan local d'urbanisme doit être tel qu'il permette de préciser la portée exacte des modifications projetées ; 2°/ le sursis ne peut être opposé que sur le fondement d'orientations ou de règles contenues régulièrement dans le futur plan local d'urbanisme ;
3°/ la construction, l'installation ou l'opération envisagée doit être de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
En l'espèce, la demanderesse soutenait que le sursis à statuer qui lui avait été opposé était irrégulier car fondé sur des règles illégales en ce qui concerne la zone US 5 dans laquelle est située la parcelle servant d'assiette au permis sollicité.
La cour a donc commis une erreur de droit en jugeant que la société Lidl ne pouvait pas invoquer contre le sursis qui lui était opposé l'illégalité susrappelée.
(21 avril 2021, Société Lidl, n° 437599)
183 - Implantation d'un relais de téléphonie mobile - Déclaration préalable de travaux - Refus - Annulation de l'ordonnance de référé confirmative du refus - Référé suspension - Annulation de l'ordonnance et du refus.
Le maire d'une commune refuse de délivrer à une société de téléphonie mobile l'autorisation de déclaration préalable de travaux nécessaire pour la construction d'un relais de téléphonie mobile.
Le juge des référés, saisi par la société, a rejeté son recours au motif que l'éventualité d'une solution alternative privait d'urgence sa demande de référé.
Sur pourvoi de cette dernière, le Conseil d’État annule l'ordonnance car elle est fondée sur l'éventualité d'une solution alternative que la société requérante n'entendait pas retenir, cette dernière demandant que soit suspendue l'exécution de la décision s'opposant à la déclaration de travaux qu'elle avait déposée pour réaliser le projet qu'elle avait arrêté et entendait poursuivre.
Statuant sur le fond, le juge décide que l'intérêt public attaché à la couverture nationale des réseaux de téléphonie mobile justifie que soit annulé le refus du maire et cela d'autant plus que ne pouvait prospérer un autre motif de ce refus, à savoir que le projet de relais méconnaitraît les engagements pris par la commune au titre de la charte du parc régional du Gâtinais alors que cette construction n'était pas contraire aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols applicables à la zone NC d'implantation du projet.
(ord. réf. 8 avril 2021, SAS Free Mobile, n° 439357)
184 - Vice(s) affectant une autorisation d'urbanisme - Régularisation possible - Office du juge - Cas de dispense du sursis à statuer - Portée de la régularisation - Annulation et renvoi dans la limite de cette annulation.
Rappels :
1°/ de ce que si le juge doit en principe surseoir à statuer sur une demande d'annulation en raison de vice(s) dont est entachée une autorisation d'urbanisme lorsqu'il l'estime régularisable, un tel sursis n'a pas lieu lorsqu'il a fait choix d'appliquer l'art. L. 600-5 du code de l'urbanisme et si le bénéficiaire de l'autorisation contestée a fait savoir ne pas vouloir bénéficier de la possibilité de régularisation.
2°/ de ce qu'une régularisation est possible même si elle implique de revoir l'économie générale du projet, si cela est rendu possible en l'état du droit positif au jour où le juge statue, sous réserve que ne soit pas apporté à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
(28 avril 2021, M. E., n° 441402)