Sélection de jurisprudence du Conseil d’État
Décembre 2021
Actes et décisions - Procédure administrative non-contentieuse
1 - Aide au programme de financement des entreprises - Établissement producteur récoltant de champagne - Refus de l’aide par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) - Régime de l'acte créateur de droits sous condition - Absence de retrait - Décision non soumise à l'obligation de motivation - Erreur de droit - Annulation et renvoi.
(9 décembre 2021, FranceAgriMer, n° 433968)
V. n° 100
2 - Agent public - Interdiction d'accès à un local - Mesure d'ordre intérieur - Erreur de droit - Mesure faisant grief - Annulation avec renvoi.
En principe est irrecevable le recours formé par un agent public contre une mesure d'ordre intérieur sauf si elle constitue ou révèle une discrimination ou une sanction. Ainsi en va-t-il de celle qui, tout en modifiant son affectation ou les tâches qu'il a à accomplir, ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut ou de l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni n'emporte perte de responsabilités ou de rémunération.
En l'espèce, l'interdiction faite par un supérieur hiérarchique à un agent ayant la qualité de responsable syndicale d'accéder à des locaux syndicaux et sa demande de lui remettre la clef du local syndical ainsi que celle du panneau d'affichage syndical porte atteinte à l'exercice de la liberté syndicale qui est au nombre des droits et libertés fondamentaux. Elle n'a donc pas la nature d'une mesure d'ordre intérieur mais celle d'une décision susceptible de recours.
C'est au prix d'une erreur de droit que la cour administrative d'appel, se fondant sur ce que l'intéressée était en congé au mois d'août, a jugé que cette dernière n'avait ainsi plus vocation à accéder à ces locaux et que la mesure ne lui faisait pas grief.
(10 décembre 2021, Mme H., n° 440458)
3 - Acte du président de la République chargeant une personne d'une mission de réflexion sur la colonisation et la guerre d'Algérie - Demande d'annulation de cette décision et du rapport remis - Irrecevabilité, acte insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir - Rejet.
Les requérants demandaient l'annulation, d'une part, de la mission de réflexion confiée par le président de la république à l'historien Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et la guerre d'Algérie, d'autre part, du rapport établi à l'issue cde cette mission.
Les requêtes sont jugées irrecevables faute que ces deux actes, en l'absence de tout caractère décisoire, puissent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
(14 décembre 2021, M. O. et association Générations Harkis, n° 442932 ; M. U., n° 448772)
4 - Ministre confiant à l'un de ses services l'exercice d'une mission à lui dévolue - Saisine de l'inspection générale de la justice par le garde des sceaux - Mission d'inspection sur une enquête menée par le parquet national financier - Recours pour excès de pouvoir - Irrecevabilité - Rejet.
Le recours formé par un syndicat contre une lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi l'inspection générale de la justice sur le fondement de l'article 2 du décret du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice, d'une mission d'inspection du parquet national financier concernant le déroulement d'une enquête préliminaire qu'il a engagée est irrecevable.
En effet, la mesure confiant à un service ministériel l'accomplissement d'une de ses missions statutaires ne saurait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
(15 décembre 2021, Syndicat de la magistrature, n° 442130)
(5) V. aussi, sur le même sujet, identique sur le point ci-dessus et précisant en outre que, si, en principe, un simple communiqué de presse n'est pas en lui-même susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, le communiqué litigieux, en ce qu'il rend publique l'appréciation selon laquelle trois magistrats nommément désignés sont susceptibles d'avoir commis des « manquements au devoir de diligence, de rigueur et de loyauté » et qu'ils sont, pour ce motif, visés par une enquête administrative, est de nature à produire des effets notables, notamment sur les conditions d'exercice de leurs fonctions par les intéressés qui seraient, à ce titre, recevables à en demander l'annulation : 15 décembre 2021, Association de défense des libertés constitutionnelles et Syndicat unité magistrats SNM FO, n° 44759
6 - Appel à candidatures en vue de la labellisation de structures tierces dans le cadre d'essais industriels - Appel lancé par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) - Candidature non retenue - Recours contre cette décision - Rejet car décision sans effet juridique - Erreur de droit - Annulation et renvoi.
Commet une erreur de droit l'arrêt qui juge qu'est dépourvue d'effet juridique et ne peut donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en raison de sa nature d'acte préparatoire, le courrier de l'AP-HP faisant savoir à la requérante que sa candidature, adressée dans le cadre d'un appel à candidatures en vue de la labellisation au titre des structures tierces à la convention unique dans le cadre des essais industriels, n'avait pas été retenue.
En effet, il résulte d'une note de l'AP-HP publiée sur son site internet en même temps que l'appel à candidatures, d'une part, que seules les structures labellisées seront habilitées à recevoir des contreparties négociées avec les promoteurs des recherches sur la personne humaine en application des dispositions précitées, pour les recherches impliquant l'AP-HP et, d'autre part, que cette labellisation est un préalable nécessaire à la conclusion d'une convention unique portant sur des recherches impliquant la personne humaine se déroulant à l'AP-HP.
Il s’agissait donc bien en l’espèce d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
(23 décembre 2021, Association Alliance pour la recherche en cancérologie (APREC), n° 449254)
7 - Agent détaché pour dix-huit mois dans les fonctions d'inspecteur des finances - Décret mettant fin à ces fonctions avant l'expiration du délai de détachement - Absence de motivation (cf. art. L. 211-2 du CRPA) - Illégalité - Annulation.
Doit être annulé pour illégalité résultant de son défaut de motivation au sens et pour l'application des dispositions des art. L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations du public avec l'administration (CRPA), le décret du président de la république mettant fin au détachement du requérant pour dix-huit mois dans les fonctions d'inspecteur des finances de 1ère classe. En effet, dès lors que le courrier lui notifiant cette décision ne comportait l'énoncé d'aucune considération de droit et de fait susceptible d'en constituer le fondement, ni les éléments portés à la connaissance de l'intéressé au cours de la procédure contradictoire précédant cette décision ni l'avis de la commission administrative paritaire n'ont pu tenir lieu de la motivation exigée par la loi.
Par cette solution protectrice des droits de l'intéressé, le Conseil d'État accroît l'importance de l'exigence de motivation et durcit la sanction de son non respect.
(17 décembre 2021, M. Louis-Philippe Carrier, n° 451384)
8 - Communication de documents – Refus – Organisme n’exerçant pas une mission de service public – Incompétence de la juridiction administrative – Irrecevabilité.
Le litige né du refus de communiquer un document, opposé par un organisme qui n’est pas chargé d’une mission de service public, ne relève pas de la compétence de l’ordre administratif de juridiction.
(24 décembre 2021, M. E., n° 444711)
9 - Communication de documents administratifs – Communication du registre de contention et d’isolement d’un centre hospitalier au titre d’une année donnée – Documents soumis aux règles du code des relations du public avec l’administration – Rejet.
Le registre de contention et d’hospitalisation tenu par les centres hospitaliers psychiatriques constitue un document administratif dont la communication sur demande d’un administré est obligatoire dès lors qu’elle ne procède pas de façon répétitive ou qu’elle n’a pas pour effet de perturber le service ou de lui imposer une charge excessive.
(29 décembre 2021, Centre hospitalier de Montperrin, n° 451946)
(10) V. aussi, même solution : 29 décembre 2021, Centre hospitalier Édouard Toulouse, n° 451943.
(11) V. en revanche, jugeant justifié le refus de communication de ce document dès lors que le jugement ordonnant sa communication avait estimé que la nécessité d'occulter les mentions des noms des patients et des soignants n'était pas établie, alors que le centre hospitalier avait produit des documents relatifs aux manifestations organisées par l'association requérante devant certains établissements et à sa dénonciation de « violations de droits de l'homme », « d'actes de maltraitance » et de « traitements inhumains et dégradants » : 29 décembre 2021, CHU de Saint-Etienne, n° 442960
12 - Recours en responsabilité dirigé contre une personne publique – Délai – Condition d’opposabilité – Décision explicite et décision implicite – Formation d’un recours gracieux – Régime du délai de recours contentieux – Application stricte des dispositions du code des relations du public avec l’administration (CRPA) – Annulation de l’ordonnance.
En annulant l’ordonnance rejetant comme tardive une requête en indemnisation du chef du préjudice subi par le demandeur par suite de la mise en fourrière de son véhicule, le Conseil d’État envoie un message très clair aux juges du fond : ceux-ci doivent appliquer les dispositions du CRPA aussi strictement que possible chaque fois qu’il y va de l’intérêt du justiciable.
Le juge du Palais-Royal donne deux séries de précisions en matière de délai du recours à fins indemnitaire introduit du chef de la responsabilité de la puissance publique.
En premier lieu, il résulte de dispositions combinées du CRPA (art. L. 110-1, L. 112-3 et L. 112-6) et du CJA (art. R. 421-1 et R. 421-5) que le délai pour présenter un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, soit dans la notification de la décision rejetant la réclamation indemnitaire préalablement adressée à l'administration si cette décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la réclamation l'ayant fait naître, si elle est implicite.
En second lieu, lorsque le demandeur forme, avant l'expiration de ce délai, un recours gracieux contre une décision ayant rejeté une demande indemnitaire en mentionnant les voies et délais dans lesquels pouvait être introduite une action indemnitaire et ayant, ainsi, fait courir le délai de recours contentieux, le délai de recours pour former une action indemnitaire, interrompu par le recours gracieux, ne recommence à courir qu'à compter, soit de la notification d'une nouvelle décision expresse de refus mentionnant les voies et délais d'un recours indemnitaire, soit, en cas de silence de l'administration, à compter de la naissance de la décision implicite qui en résulte, à la condition que l'accusé de réception du recours gracieux ait mentionné la date à laquelle cette décision implicite était susceptible de naître, ainsi que les voies et délais de recours qui lui seraient applicables.
Les requérants sont ainsi complètement protégés contre tout risque d’ignorance ou d’incertitude quant aux délais en cause.
(27 décembre 2021, M. D., n° 432032)
13 - Procédure administrative non contentieuse – Vice affectant le fonctionnement d’une commission de réforme de la fonction publique hospitalière – Influence sur le sens de l’avis rendu – Absence – Nécessité de la présence d’un spécialiste de la pathologie en cause – Absence suppléée par plusieurs certificats médicaux émanés d’un tel spécialiste – Absence de privation d’une garantie – Rejet.
La jurisprudence décide qu’un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
La requérante se plaignait que la commission de réforme de la fonction publique hospitalière compétente pour examiner son cas ne comportait pas la présence d’un médecin spécialiste en psychiatrie lors de la réunion au cours de laquelle cette commission a examiné sa situation et elle reprochait à la cour administrative d’appel d’avoir jugé que cette absence ne l’avait cependant pas privée d’une garantie dès lors que la commission disposait de plusieurs certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres ainsi que d'un rapport d'expertise récent établi par un psychiatre ayant examiné Mme D.
Le Conseil d’État, au bénéfice de l’appréciation souveraine des faits appartenant à la cour et en l’absence de toute dénaturation, approuve, à très juste titre selon nous, la solution retenue.
(27 décembre 2021, Mme D., n° 439296)
14 - Procédure administrative non contentieuse – Sanction pour infraction au code du travail (emploi d’un étranger non autorisé à travailler en France) - Griefs devant être communiqués au contrevenant et dans un délai raisonnable – Obligation inexistante dans les textes – Principe général du droit du respect des droits de la défense – Annulation dans la limite des conclusions.
L’art. L. 8251-1 du code de travail interdit l’emploi d’un travailleur étranger en France s’il n’y pas été autorisé. L’employeur contrevenant doit acquitter une « contribution spéciale ».
Une cour administrative d’appel juge que ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant : l’Office français de l’intégration et de l’immigration n'était donc pas tenu d'informer M. A. de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel les manquements avaient été établis.
L’arrêt est cassé au motif, évident, que cette communication s’imposait - en vertu du principe général du respect des droits de la défense - avec indications d’une précision suffisante des griefs reprochés, octroi d’un délai raisonnable pour permettre une éventuelle défense avant le prononcé de la sanction.
(30 décembre 2021, M. A., n° 437653)
15 - Audiovisuel – « Chronologie des médias » - Habilitation donnée au gouvernement pour fixer par décret une nouvelle « chronologie des médias » - Habilitation ne constituant pas une obligation – Rejet.
Le droit de l’Union a prévu une contribution financière de la part des fournisseurs de services de médias à la production d'oeuvres européennes, notamment par l'investissement direct dans des contenus et par la contribution à des fonds nationaux. L’art. 36 de la loi française du 3 décembre 2020 a, à cet effet, autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance de l’art. 38 des dispositions permettant de soumettre les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande par abonnement établis à l'étranger à la contribution financière au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d'expression originale française, mentionnée au 6° de l'article 33 et au 3° de l'article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Selon le I de l'article 28 de l'ordonnance du 21 décembre 2020 : « Les organisations professionnelles et les éditeurs de services mentionnés à l'article L. 234-1 du code du cinéma et de l'image animée concluent un nouvel accord professionnel sur les délais applicables aux différents modes d'exploitation des œuvres cinématographiques prévus aux articles L. 232-1 et L. 233-1 de ce code.
A défaut d'un nouvel accord rendu obligatoire dans un délai, fixé par décret, qui ne peut être supérieur à six mois à compter de la publication de la présente ordonnance, les délais au terme desquels une œuvre cinématographique peut être mise à la disposition du public par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande ou diffusé par un éditeur de services de télévision sont fixés par décret en Conseil d'État.
Ces délais s'appliquent jusqu'à l'entrée en vigueur d'un accord professionnel rendu obligatoire (...) ".
L’article 1er du décret du 26 janvier 2021 fixe la date d’expiration du délai prévu à l'article 28 de l'ordonnance précitée pour la conclusion d'un nouvel accord relatif aux délais applicables aux différents modes d'exploitation des œuvres cinématographiques au 31 mars 2021.
La société demanderesse sollicite l’annulation de l’art. 28 de l’ordonnance et de l’art. 1er du décret précité.
Des divers moyens soulevés, il faut retenir le rejet de l’un d’entre eux, particulièrement topique du régime des actes de l’administration.
Contrairement à ce que soutenait la requérante, le Conseil d’État juge que les dispositions de l'article 36 de la loi du 3 décembre 2020, éclairées par ses travaux préparatoires, que le législateur n’a entendu habiliter le Gouvernement qu’à prendre, par ordonnance, des dispositions ayant seulement pour but de susciter une nouvelle négociation d'un accord portant sur la « chronologie des médias ». Par suite, si les dispositions litigieuses de l'article 28 de l'ordonnance du 21 décembre 2020 permettent au Gouvernement de fixer par décret en Conseil d'État une nouvelle « chronologie des médias » à partir d'une date fixée par décret, sous réserve qu'aucun nouvel accord professionnel n'ait été rendu obligatoire à cette date, elles doivent être regardées comme ne comportant, en revanche, aucune obligation pour le Gouvernement de fixer par décret en Conseil d'État une nouvelle « chronologie des médias » si aucun nouvel accord professionnel n'est signé et rendu obligatoire à cette même date. Il s’agit d’une habilitation non d’une obligation de décision.
La nuance pourra paraître subtile aux utilisateurs concernés et le recours du juge à l’analyse des travaux préparatoires illustre bien le peu de clarté du mécanisme normatif ainsi agencé.
(27 décembre 2021, Société Canal Plus, n° 450083 ; Société Canal Plus, n° 450644, deux espèces)
16 - Normalisation – Normes ISO – Caractère obligatoire de celles-ci subordonné à leur gratuité – Contrôle et évaluation des matériaux et produits contenant de l’amiante – Certification des compétences des évaluateurs – Absence de gratuité de l’accès à la norme - Illégalité – Annulation.
La ministre de la transition écologique ne pouvait pas exiger – pour la certification de la satisfaction, par certains corps ou organismes, aux critères de certification des compétences des personnes physiques opérateurs de repérages, d'évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante, et d'examen visuel après travaux dans les immeubles bâti – que ceux-ci soient soumis obligatoirement à une accréditation qui est faite sur la base d'une norme d'accréditation homologuée en vigueur, laquelle est, en l'espèce, la norme NF EN ISO/CEI 17024, car cette accréditation a pour effet de rendre obligatoire l'application de cette norme, alors qu'une norme, en vertu des dispositions de l’art. 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, ne peut être rendue d'application obligatoire si elle n'est pas gratuitement accessible.
Tel est le cas en l’espèce où cette cette norme n'est pas gratuitement accessible sur le site internet de l'Association française de normalisation.
(30 décembre 2021, Association « Les diagnostiqueurs indépendants », n° 436420)
17 - Demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des produits et prestations remboursables – Article L. 165-1 code de la sécurité sociale – Décision implicite de rejet puis décision explicite de rejet – Irrégularité procédurale – Absence – Illégalité par voie de conséquence – Absence – Rejet.
Doit être rejeté le recours dirigé contre une décision explicite, intervenue après une décision implicite, rejetant une demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des produits et prestations remboursables, conformément aux dispositions de l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. En effet, la décision explicite succédant à une décision implicite de même sens se substitue ipso facto à elle. Il suit de là que ne peuvent être invoquées contre cette décision explicite ni la circonstance qu’elle n’aurait pas été précédée d’un avis de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et de technologie de santé, ni qu’elle serait illégale par voie de conséquence de l’illégalité e la décision implicite.
(30 décembre 2021, Sociétés Giskit B.V et Goodlife Pharma, n° 446479)
Audiovisuel, informatique, fichiers et technologies numériques – Intelligence artificielle
18 - Élection présidentielle de 2022 - Demande d'injonction envers le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - Réglementation des sondages - Temps de parole des candidats déclarés - Exclusion des personnes n'ayant pas publiquement déclaré leur candidature - Rejet.
Une personne ayant fait connaître sa décision de se porter candidate à l'élection présidentielle du printemps 2022 saisit le juge du référé de l'art. L. 521-2 du CJA du refus que lui a opposé le CSA de modifier sa délibération du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision, afin d'y préciser les règles d'élaboration des sondages d'opinion susceptibles d'être pris en compte pour apprécier le caractère équitable des temps d'intervention des candidats au regard de leur représentativité. Dans l'attente du jugement au fond du rejet implicite de cette demande, il saisit le juge des référés du Conseil d’État afin qu'il enjoigne au CSA de prendre une délibération fixant provisoirement de telles règles et d'assurer provisoirement un temps minimal, de quinze minutes par semaine, d'expression de tous les candidats publiquement déclarés à la prochaine élection présidentielle dans les médias se trouvant sous son contrôle et ce à des heures de grande audience.
Le recours est rejeté pour défaut d'urgence, condition sine qua non de l'usage du référé liberté, alors que le scrutin dont s'agit aura lieu dans quatre mois.
Ce litige a donné lieu à une précédente décision du juge des référés statuant sur le fondement des dispositions de l'art. L. 521-3 CJA (25 novembre 2021, M. A., n° 458424; cf. cette Chronique, novembre 2021, n° 105)
(ord. réf. 9 décembre 2021, M. A., n° 459010)
(19) V. aussi, dans le même sens : ord. réf. 22 décembre 2021, M. B., n° 459602.
20 - Contrat d'itinérance conclu entre deux sociétés de téléphone - Décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de ne pas demander une modification de l'avenant du 19 février 2020 au contrat d'itinérance entre les sociétés Free Mobile et Orange prolongeant son exécution pendant deux ans - Condition d'exercice par l'ARCEP de son pouvoir de demander la modification d'une convention de partage de réseaux entre opérateurs - Exigence seulement de compatibilité entre accord d'itinérance et objectifs de la régulation - Rejet.
Les requérantes demandaient, au principal, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, rendue publique par un communiqué de presse publié le 23 octobre 2020, par laquelle l'ARCEP a renoncé à demander une modification de l'avenant du 19 février 2020 au contrat d'itinérance entre les sociétés Free Mobile et Orange prolongeant son exécution pendant deux ans et, d'autre part, qu'injonction soit faite à l'ARCEP de modifier, en application de l'article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques, le 9ème avenant au contrat d'itinérance passé entre les sociétés Free Mobile et Orange en précisant les conditions de son extinction définitive dans un délai maximum de trois mois à compter de la décision à intervenir.
Les requêtes sont rejetées. Délaissant les moyens de légalité externe nous n'évoquons ici que ceux de légalité interne.
Tout d'abord, le juge procède à trois constatations ou rappels :
1°/ l'effet utile d'un recours dirigé contre la décision de l'ARCEP de ne pas demander la modification d'une convention de partage des réseaux radioélectriques ouverts au public ne peut guère consister qu'en la prescription d'office par le juge (cf. art. L. 911-1 CJA), pour l'ARCEP, de procéder au réexamen de cette convention en vue de demander, le cas échéant, de telles modifications ;
2°/ L'appréciation de la légalité de cette décision doit être faite au jour de la décision du juge sur ce point ;
3°/ enfin, dans le cas où la convention n'est plus en vigueur à cette date, le litige dont est saisi le juge est devenu sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Ensuite, il est jugé que la faculté pour l'ARCEP de demander la modification d'une convention de partage de réseaux entre opérateurs est limitée à deux cas selon que l'ARCEP estime cette modification nécessaire soit à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques soit au respect des engagements souscrits au titre des autorisations d'utilisation de fréquences radioélectriques par les opérateurs parties à la convention.
Enfin, la seule circonstance que les conditions initiales ne seraient plus réunies, n'impose pas que l'ARCEP intervienne en application des dispositions de l'article L. 34-8-1-1 dudit code pour demander qu'il soit mis fin à l'accord d'itinérance, dès lors que les conditions de cet accord sont par ailleurs compatibles avec la réalisation des objectifs de la régulation.
(15 décembre 2021, Société Bouygues Télécom, n° 448067 ; Société française du radiotéléphone (SFR), n° 448101, jonction)
21 - Traitement de données à caractère personnel – Traitement dit « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (EASP) – QPC – Rejet – Légalité externe – Rejet – Finalités du traitement – Enregistrement des données – Données diverses – Durée de conservation – Accès et communication – Rejet.
Les requérants demandaient l’annulation pour excès de pouvoir le décret du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » (EASP).
En bref, ces dispositions, essentiellement les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, prévoient que peuvent être précédés d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées ou avec l'attribution des titres demandés, les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant certains emplois sensibles, relevant notamment du domaine de la sécurité, de la défense et des jeux, paris et courses, l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, la délivrance, le renouvellement ou le retrait de titres et d'autorisations de séjour, l'octroi ou le maintien de la protection internationale, ainsi que les décisions de recrutement et d'affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein de certaines entreprises de transport. Une telle enquête, portant sur le point de savoir si le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État, est menée préalablement à la délivrance d'une autorisation d'accès à certains établissements et installations sensibles dans le cadre des grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste désignés par décret. Il en va de même en cas d'enquête portant sur la conduite et le loyalisme du demandeur en matière de déclarations de nationalité, de décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, de toute demande de naturalisation ou de réintégration.
La QPC soulevée à l’encontre de ces dispositions ainsi que les autres moyens développés à l’encontre du décret attaqué sont rejetés.
Les griefs tenant à la légalité externe (incompétence du pouvoir réglementaire pour prendre ce texte, consultation irrégulière du Conseil d’État et défaut d’analyse d’impact) ne sont pas retenus.
Les moyens de légalité interne, plus substantiels, retiennent davantage l’attention du juge (et du commentateur) même s’ils sont finalement, à leur tour, rejetés.
Ainsi en va-t-il notamment des moyens relatifs à la finalité des traitements en cause, qu’il s’agisse de la détermination de ces finalités ou de leur légitimité ; des moyens relatifs aux données susceptibles d’être enregistrées tant pour ce qui regarde les personnes concernées du chef de ces données que pour ce qui concerne la collecte de données sensibles ; des moyens concernant le repérage et les données des activités menées au sein de personnes morales ou de groupements, sur mes réseaux sociaux ; ou encore de ceux relatifs aux données de santé, portant sur des antécédents judiciaires, concernant des « facteurs familiaux, sociaux et économiques », des « facteurs de fragilité », des « comportements et habitudes de vie », des « déplacements » ainsi que des « pratiques sportives ».
Dans tous les cas cités, il apparaît au juge que les éléments recherchés ou susceptibles de l’être sont légitimes, clairement délimités et entourés de garanties propres à assurer la sauvegarde des droits et libertés en cause.
Reste qu’il nous semble que ce n’est pas tant le régime juridique applicable à chacun de ces éléments (encore que…) qui constitue le plus gros danger mais la diversité et l’étendue des connaissances ainsi engrangées et cela alors même que chacune d’elles le serait dans des conditions irréprochables. Nul n’ignore les faiblesses humaines, l’existence d’intérêts malsains et multiples, les capacités de corruption, le degré de pénétration des systèmes les mieux protégés, et, pour finir, que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » (Montesquieu) parfois avec une parfaite bonne foi qui a nom ici, étant donné l’ampleur du savoir ainsi acquis, « dangereuse naïveté ».
(24 décembre 2021, Ligue des droits de l'homme et Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 447513 ; Confédération générale du travail et autres, n° 447973 ; Association La Quadrature du Net, n° 448059 ; Conseil national des barreaux, n° 449299 ; Collectivité de Corse et autres, n° 449461, jonction)
(22) V. aussi, assez semblable au précédent mutatis mutandis, avec mêmes requérants, s’agissant du décret du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Prévention des atteintes à la sécurité publique » (PASP) contre lequel le recours est rejeté : 24 décembre 2021, Ligue des droits de l'homme et Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 447515 ; Confédération générale du travail et autres, n° 444969 ; Association La Quadrature du Net, n° 448048 ; Conseil national des barreaux, n° 449300 ; Collectivité de Corse et autres, n° 449468, jonction.
(23) V. encore, le rejet des recours formés par les requérants précédents contre le décret n° 2020-1512 du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel dénommé « Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique » (GIPASP) : 24 décembre 2021, Ligue des droits de l'homme et Section française de l'Observatoire international des prisons, n° 447518 ; Confédération générale du travail et autres, n° 444971 ; Association La Quadrature du Net, n° 448051 ; Conseil national des barreaux, n° 449301 ; Collectivité de Corse et autres, n° 449469, jonction.
Au terme de l’analyse de ces trois séries de recours rejetés, force est de conclure que quand c’est trop, c’est trop quelles que puissent être la pureté des intentions et la légitimité du but poursuivi. Encore une fois, cette masse quantitative d’atteintes finit par colorer en très sombre la qualité de la démocratie.
(24) V. ni comparable ni voisin mais concernant des thématiques assez semblables et révélant des craintes de même nature : 30 décembre 2021, Quadrature du Net, Franciliens.Net et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs, n° 428028
25 - Service radiophonique – Obligation relative au respect de la part des recettes de publicité ou de parrainage par rapport au chiffre d’affaires d’une association éditrice d’un service radiophonique – Interprétation de la convention conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Clause contractuelle se référant aux dispositions de l’art. 80 de la loi du 30 septembre 1986 – Incidence sur le mode de calcul du pourcentage maximum autorisé pour la part de recettes – Rejet.
Saisi par le syndicat requérant, le Conseil d’État a, par une décision du 6 mai 2021, sursis à statuer sur celles de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a refusé de mettre en demeure l'association Radio Color, éditrice du service radiophonique Vosges-FM, de respecter son obligation relative à la part de ses ressources provenant de la publicité ou du parrainage. Un délai de deux mois a été imparti au CSA par cette même décision et à l'association Radio Color pour produire tous éléments relatifs au respect par cette dernière de la limite des 20% des ressources provenant de la publicité ou du parrainage, fixée à l’article 3-3 de la convention conclue le 22 novembre 2017 entre le CSA et l'association Radio-Color.
La présente décision concerne donc cet aspect seulement du litige.
Pour dire que c’est à bon droit que le CSA a estimé que l’association radiophonique en cause avait respecté son engagement contractuel, le Conseil d’État relève que la convention a fait choix de se référer à la règle posée à l’art. 80 de la loi du 30 septembre 1986.
Il s’ensuit que pour calculer le pourcentage maximum de 20% du chiffre d'affaires total pouvant provenir de la publicité ou du parrainage, doit être retenu le rapport entre, d'une part, l'ensemble des ressources tirées de la diffusion de messages publicitaires ou de parrainage à l'antenne du service Vosges-FM et, d'autre part, l'ensemble des produits d'exploitation que l'association Radio-Color tire de l'activité radiophonique de ce même service.
En revanche, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, l’art. 3-3 précité n'a entendu tenir compte, ni au numérateur, ni au dénominateur de cette fraction, des ressources de l'association provenant de « conseils en communication » ou de vente d'espaces publicitaires sur le site de la station Vosges FM, lesquelles ne revêtent pas, pour l'application des stipulations de la convention, le caractère de produits tirés de l'activité radiophonique du service Vosges-FM.
(27 décembre 2021, Syndicat des radios indépendantes (SIRTI), n° 435540)
26 - Audiovisuel – « Chronologie des médias » - Habilitation donnée au gouvernement pour fixer par décret une nouvelle « chronologie des médias » - Habilitation ne constituant pas une obligation – Rejet.
(27 décembre 2021, Société Canal Plus, n° 450083 ; Société Canal Plus, n° 450644)
V. n° 15
Biens
27 - Occupation du domaine public par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'énergie électrique - Redevances dues à une communauté urbaine - Plafonnement - Mode de calcul - Erreur de droit partielle et annulation sur ce point.
La société Enedis a obtenu en première instance et en appel l'annulation de titres exécutoires émis par une communauté urbaine au titre de la redevance d'occupation provisoire de son domaine public.
La communauté urbaine se pourvoit.
Tout d'abord, est censurée l'erreur de droit commise par la cour qui, pour dire irréguliers les titres exécutoires litigieux, s'est fondée sur ce que la communauté qui les avait émis n'était pas habilitée à mettre en œuvre le régime prévu à l'article L. 2333-84 du CGCT alors qu'à la date à laquelle des délibérations qui ont institué et fixé le montant de ces redevances à la charge des opérateurs de transport et de distribution d'électricité en contrepartie, respectivement, de l'occupation du domaine public routier par leurs ouvrages et de l'occupation provisoire de ce domaine par les chantiers de travaux qu'ils réalisent, la communauté urbaine exerçait, sur le territoire de ses communes membres, la compétence relative à la voirie lui avait été transférée en pleine propriété.
Ensuite, il résulte des dispositions de l'art. R. 2333-106 du CGCT que lorsqu'une partie du domaine public d'une commune est mise à la disposition d'un établissement public de coopération intercommunale, l'un comme l'autre fixent le montant des redevances dues à raison de l'occupation, par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'énergie électrique, des dépendances domaniales dont ils sont gestionnaires, dans les limites du plafond communal global prévu par l'article R. 2333-105 du même code, réparti au prorata de l'occupation par ces réseaux de leurs domaines publics respectifs.
Lorsque, comme en l'espèce, un établissement public de coopération intercommunale est devenu propriétaire de dépendances du domaine public par l'effet d'un transfert de compétences ces mêmes dispositions s'appliquent. De ce fait, en cas d'occupation par ces ouvrages à la fois du domaine public d'une communauté urbaine et de celui de ses communes membres, les tarifs de la redevance instituée par la communauté urbaine doivent être fixés dans la limite, pour chacune des communes, d'une fraction du plafond communal global, calculée au prorata de la longueur des réseaux installés sur ce domaine public par rapport à la longueur totale des réseaux installés sur le territoire de la commune concernée. Il en va de même pour les tarifs de la redevance due à raison de l'occupation provisoire de ce domaine public pour les besoins de chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de distribution d'électricité.
Les délibérations litigieuses méconnaissent cette règle du plafonnement et sont illégales dans cette mesure.
La société demanderesse est donc seulement fondée à demander l'annulation des titres litigieux en tant qu'ils ont mis à sa charge des sommes excédant le montant déterminé par application de cette règle.
(10 décembre 2021, Communauté urbaine Creusot-Montceau, n° 445108)
28 - Copropriété des immeubles bâtis – Transfert d’un lot ou partie de lot – Établissement par le syndic d’un état daté des sommes dues ou à recevoir – Fixation d’un plafond des frais et honoraires dus – Légalité – Rejet.
Le b) de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que les honoraires et frais perçus par le syndic en contrepartie de l'établissement de l'état daté lors du transfert e propriété d’un lot ou d’une partie de lot, imputables au seul copropriétaire concerné, ne peuvent excéder un montant fixé par décret. Le décret du 17 mars 1967, pris pour l’application de la loi précitée, impose au syndic, avant tout transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot, d'adresser au notaire chargé de recevoir l'acte, un état daté indiquant, pour chaque lot considéré, les sommes restant dues au syndicat par le copropriétaire cédant, celles dont le syndicat pourrait être débiteur vis-à-vis de lui et celles qui incomberont au nouveau copropriétaire.
L'article 1er du décret du 21 février 2020, dont l'annulation pour excès de pouvoir est demandée, fixe à 380 euros TTC ce montant maximum.
Les différents moyens soulevés sont rejetés et d’abord la demande de transmission d’une QPC car le plafonnement du montant des honoraires et frais, compte tenu de l’intérêt général qui y est attaché, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, ne méconnaît pas le principe de l'égalité devant les charges publiques et n’affecte pas la liberté d’entreprendre.
Ensuite, les dispositions litigieuses ne portent pas atteinte à la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur qui vise à créer un véritable marché intérieur des services en interdisant ou en encadrant les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre circulation des services entre les États membres, étant en outre observé que l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970 soumettant l'exercice de l'activité de syndic à la détention d'une carte professionnelle, cette activité relève des matières couvertes par l'article 5 du titre II de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Ainsi, la Chambre FNAIM du Grand Paris ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 16 de la directive du 12 décembre 2006 à l'appui de son recours dès lors que, en vertu du § 6 de l'article 17 de la directive du 12 décembre 2006, l'article 16 de cette directive ne s'applique pas « aux matières couvertes par le titre II de la directive (du 7 septembre 2005) ainsi qu'aux exigences en vigueur dans l'État membre où le service est fourni, qui réservent une activité à une profession particulière ».
Le tarif litigieux de 380 euros ne saurait être regardé comme une restriction contraire à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services garanties respectivement par les articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Enfin, le décret attaqué, au regard de l’objectif poursuivi, ne contrevient pas à l’art. 10-I de la loi de 1965 sur la copropriété des immeubles bâtis en l’absence d’atteintes disproportionnées tant à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie qu’à l’objectif de protection des consommateurs ou au principe d’égalité devant les charges publiques.
La solution retenue est d’autant plus justifiée que les moyens informatiques contemporains, notamment les logiciels ad hoc, permettent avec une très grande facilité et rapidité, à peu de frais, l’établissement de tels états.
(29 décembre 2021, Chambre FNAIM du Grand Paris, n° 441005)
29 - Traitement en vue du développement d’un algorithme - Réalisation d'évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative - Élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels – Absence d’irrégularité – Rejet.
Les requérants poursuivaient l’annulation du décret du 27 mars 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust ». Celui-ci autorise le garde des sceaux, à mettre en œuvre, pour une durée de deux ans, un traitement ayant pour finalité : « le développement d'un algorithme devant servir à :
1° La réalisation d'évaluations rétrospectives et prospectives des politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative ;
2° L'élaboration d'un référentiel indicatif d'indemnisation des préjudices corporels ;
3° L'information des parties et l'aide à l'évaluation du montant de l'indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges ;
4° L'information ou la documentation des juges appelés à statuer sur des demandes d'indemnisation des préjudices corporels. ».
Les données permettant la confection de cet algorithme sont extraites des décisions de justice rendues en appel entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019 par les juridictions administratives et les formations civiles des juridictions judiciaires dans les seuls contentieux portant sur l'indemnisation des préjudices corporels.
Dans la mesure où ces données feront l’objet d’une pseudonymisation, le droit d'information et le droit d'opposition des personnes dont les données sont collectées ne s'appliqueront pas.
Le recours invoquait de nombreux moyens qui sont tous rejetés avec, parfois, une légèreté ou une désinvolture traduisant un grand optimisme de la part du juge sur les vertus attendues de cet instrument. Par exemple, lorsque celui-ci justifie certaines entorses au motif que ce n’est qu’une expérimentation devant durer seulement deux ans, oubliant qu’au terme de cette période ce sont bien des conclusions définitives qui seront tirées : si au stade présent il ne s’agit que de recueillir des éléments forcément rétrospectifs, c’est pour en tirer, selon les propres termes de l’art. 1er de ce décret, « des évaluations prospectives », donc pour orienter de manière décisive l’action des gouvernants en direction des citoyens.
Le juge ne trouve rien à redire aux finalités assignées au traitement devant permettre la construction de l’algorithme : elles sont déterminées et explicites, ne portent pas atteinte aux principes de l'individualisation et de la réparation intégrale des préjudices, elles ne sont pas inutiles en dépit de l'existence d'autres outils ayant la même finalité et elles ne sont pas davantage biaisés faute pour le traitement de prendre en compte les indemnités amiables ainsi que l'évolution du droit car il ne s’agit que d’une expérimentation d’une durée de deux ans.
Semblablement, ne souffrent pas davantage la critique les données collectées : elles respectent les principes de minimisation et d'exactitude des données y compris celles relatives à la santé des personnes concernées ; les restrictions apportées aux droits des personnes dont les données sont traitées, notamment s’agissant de leur consentement au recueil de ces données, de leurs droits d’information, d’opposition, d’accès, de rectification et de limitation ne sont pas excessives dès lors que s’y attache un intérêt public et que leurs résultats sont rendus publiquement disponibles ; enfin, compte tenu de la restriction des personnes destinataires de ces données et des obligations pesant sur les responsables en matière de respect des règles de sécurité des données, il n’y a pas lieu non plus, de ces chefs, d’apercevoir une quelconque irrégularité.
On regrettera que la première vraie décision du Conseil d’État sur cette matière innovante n’ait pas donné lieu à une rédaction davantage doctrinale.
(30 décembre 2021, Société B. Avocat Victimes et Préjudices et M. B., n° 440376 ; M. M. et autres, n° 440976 ; Mme A. et autres, n° 442327 ; Association La Quadrature du Net, n° 442361 ; Association APF France handicap et autres, n° 442935)
Contrats
30 - Modèle d'accord-cadre entre EDF et les fournisseurs et acheteurs d'énergie électrique (art. L. 336-5 code de l'énergie) - Crise sanitaire - Définition de la force majeure par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) - Baisse de la consommation et du prix de gros de l'énergie électrique - Refus d'EDF de mettre en oeuvre la clause de force majeure figurant à l'art. 13 du modèle d'accord-cadre – Annulation.
Par suite des effets délétères du confinement imposé durant la première vague de l'épidémie de Covid-19, au printemps 2020, la consommation d'électricité a fortement chuté ainsi que le prix de gros de celle-ci qui est descendu bien en dessous du montant de 42 euros par MWh H.T. fixé par l'arrêté du 17 mars 2011.
Plusieurs fournisseurs d'électricité, considérant la situation ainsi créée comme constitutive d'un « événement de force majeure » au sens de l'art. 10 du modèle d'accord-cadre annexé à l'arrêté du 12 mars 2019 (qui dispose : « La force majeure désigne un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables (...) »), ont demandé l'application de l'art. 13 des accords-cadres conclus par chacun d'eux.
Selon cet article : en premier lieu, « L'exécution de l'accord-cadre pourra être suspendue, dans les cas de défaillance et suivant les modalités indiquées ci-après : (...) - en cas de survenance d'un événement de force majeure, défini à l'article 10 de l'accord-cadre (3) » ; en second lieu, dans cette hypothèse, « la suspension prend effet dès la survenance de l'événement de force majeure et entraîne de plein droit l'interruption de la cession annuelle d'électricité et de garanties de capacité ».
Par sa délibération du 26 mars 2020 portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d'électricité et de gaz naturel, la CRE, dans la partie intitulée « Evolution du cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) » :
1°/ a constaté le désaccord entre les fournisseurs alternatifs d'électricité et la société EDF;
2°/ a donné son interprétation des dispositions précitées de l'article 10 en estimant que la « force majeure ne trouverait à s'appliquer que si l'acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l'exécution de l'obligation de paiement de l'ARENH » ;
3°/ a conclu qu' « en conséquence, la CRE ne transmettra pas à Réseau de transport d'électricité (RTE) une évolution des volumes d'ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d'activation de la clause de force majeure ».
La société requérante, qui a conclu un accord-cadre sur l'ARENH avec la société EDF et à qui cette dernière a refusé la mise en œuvre de la clause de force majeure par une décision du 23 mars 2020, demande, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération précitée du 26 mars 2020 pour méconnaissance des articles 10 et 13 de cet accord et, d'autre part, qu'il soit enjoint à la CRE de reprendre une délibération dans un délai de deux semaines sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Le Conseil d'État, confirmant une tendance jurisprudentielle désormais bien établie, juge tout d'abord que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l'exercice des missions dont elles sont investies peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir de la part de tout requérant justifiant d'un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent. On aura observé que la ligne de partage avec un recours de plein contentieux est ici très ténue.
Il suit donc de là la recevabilité du recours introduit par la société demanderesse contrairement à la fin de non-recevoir opposée par la CRE.
Ensuite, au fond, le Conseil d'État reproche à la CRE d'avoir donné de la force majeure une définition fondée sur l'impossibilité totale pour l'acheteur d'exécuter l'obligation de paiement de l'ARENH alors que les stipulations de l'article 10 de l'accord-cadre subordonnaient uniquement le bénéfice de cette clause à la condition qu'un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rende impossible l'exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables. Allant ainsi au-delà de l'exigence contractuelle, la CRE a commis une erreur de droit qui entraîne l'annulation de la partie litigieuse de sa délibération querellée.
La question demeure de savoir si la censure ainsi prononcée s'attache au fait que la CRE n'a pas retenu la définition contractuelle sur la base de laquelle ont été fondées les obligations respectives des contractants ou au fait que la définition qu'elle a retenue s'éloigne de celle, assez constante, retenue en droit positif et dans la jurisprudence, tant civile qu'administrative
(10 décembre 2021, Société Hydroption, n° 439944)
31 - Délégation de service public (DGSP) - Entreprise candidate sur un des lots - Envoi de deux courriers - Commune ayant retenu le seul second courrier - Rejet de la candidature pour incomplétude du dossier - Erreur de droit - Annulation sans renvoi (art. L. 821-2 CJA).
Dans le cadre d'une procédure d'attribution de lots d'une délégation de service public, la requérante a adressé deux courriers, le premier le 11 mai 2021, par lequel elle présentait sa candidature, le second le 16 mai, qui comportait une copie de sa licence d'exploitation IV. Appliquant l'art. R. 2151-6 du code de la commande publique (selon lequel « Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres. »), la commission de délégation de service public a déclaré cette candidature incomplète en ne retenant que le second envoi reçu.
L'ordonnance attaquée est annulée car, pour rejeter le référé dont il était saisi, son auteur, d'une part, a estimé que la requérante n'était pas fondée à soutenir que la commune ne pouvait rejeter sa candidature comme incomplète sans consulter la copie de sauvegarde qu'elle avait également déposé et, d'autre part, a omis de répondre aux autres moyens de la requête.
Le Conseil d'État annule l'ordonnance car les dispositions réglementaires invoquées au soutien du rejet de la candidature litigieuse ne sont pas applicables à une DGSP et, surtout, l'autorité concédante ne pouvait se dispenser de constater que la seconde transmission ne comportait qu'un document et ne pouvait être raisonnablement regardée comme se substituant au dossier de candidature transmis antérieurement. C'est donc à tort qu'elle a rejeté pour incomplétude la candidature de la requérante.
Il est enjoint à la commune de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures en tenant compte de la candidature que la société TDS lui a transmise le 11 mai 2021.
(20 décembre 2021, Société TDS, n° 454801)
Droit du contentieux administratif
32 - Classement de parcelles - Demande de révision et de décharge de taxe foncière sur les propriétés non bâties - Refus ayant des effets autres que fiscaux - Acte détachable du mécanisme d'imposition - Contestation relevant du contentieux de l'excès de pouvoir - Rejet partiel et annulation.
(6 décembre 2021, M. B., n° 438209)
V. n° 70
33 - Salarié protégé - Licenciement - Refus d'autorisation - Irrecevabilité du recours contre cette décision - Décision purement confirmative - Erreur de droit et de qualification juridique des faits - Annulation et renvoi.
(8 décembre 2021, Société Café de Flore, n° 433754)
V. n° 110
34 - Compétence de premier ressort des cours administratives d'appel - Décision de la Commission nationale d'aménagement commercial sur la caducité d'une autorisation d'exploitation commerciale - Décision prise dans le cadre de l'art. L. 752-17 du code de commerce - Compétence de premier ressort des cours administrative d'appel - Renvoi à une cour.
Le Conseil d'État juge que pour l'application de l'art. R. 311-3 du CJA relatif à la compétence de premier ressort des cours administratives d'appel, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial se prononçant sur la caducité d'une autorisation d'exploitation commerciale doit être considérée comme prise en application de l'article L. 752-17 du code de commerce et donc comme relevant en premier ressort, non du Conseil d'État mais des cours administratives d'appel. D'où le renvoi ici ordonné à la cour de Bordeaux.
(8 décembre 2021, Société Nobladis, n° 438150)
(35) V. aussi, rappelant que si en application de l'article L. 752-20 du code de commerce, les décisions que la Commission nationale d'urbanisme commercial prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables : 13 décembre 2021, Société Juin Saint Hubert et autres, n° 437794.
36 - Commission nationale du débat public - Absence de caractère réglementaire des décisions prises sur le fondement L. 121-9 du code de l'environnement - Compétence de premier ressort pour connaître de ce contentieux relevant du tribunal administratif - Renvoi à cette juridiction.
La requérante demandait l'annulation de la décision du 2 septembre 2020 par laquelle la Commission nationale du débat public a décidé d'organiser une concertation préalable sur le projet d'aménagement à deux fois trois voies de l'autoroute A 46 Sud et du nœud de Manissieux. Elle a saisi à cet effet le Conseil d'État.
L'article L. 121-9 du code de l'environnement qui confie à la Commission nationale du débat public le soin de déterminer les modalités de participation du public au processus de décision concernant des projets, plans ou programmes en fonction de leur incidence territoriale ne confère pas aux décisions prises à ce titre un caractère réglementaire, d'où il suit que les recours dirigés contre de telles décisions doivent être portés d'abord devant un tribunal administratif, non devant le Conseil d'État statuant en premier et dernier ressort. Renvoi de l'affaire est donc ordonné en l'espèce vers un tribunal administratif.
(8 décembre 2021, Fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement (FRACTURE), n° 446947)
37 - Référé suspension - Preuve de l'urgence à statuer - Absence - Différence de traitement entre les fonctions exercées et celles espérées - Rejet.
Un praticien hospitalier demande en référé la suspension de l'exécution du décret du Président de la République du 6 septembre 2021 en tant que ce décret ne l'a pas nommé professeur des universités - praticien hospitalier.
La demande est rejetée faute d'urgence, le juge des référés ayant relevé que le demandeur a, depuis, retrouvé un emploi, et que la différence entre le traitement qu'il percevrait en tant que professeur des universités et celui qu'il perçoit du fait de ses fonctions actuelles de gynécologue-obstétricien dans un centre hospitalier ne crée pas une situation d'urgence.
(8 décembre 2021, M. A., n° 458307)
38 - Jugement rendu sans référence à l'art. R. 222-13 du CJA - Dispense de conclusions du rapporteur public - Absence d'indications sur la minute du jugement de la qualité du « président-rapporteur », de l'existence d'un délibéré, des noms des autres magistrats ayant statué - Jugement irrégulier - Cassation avec renvoi.
Encourt la cassation pour avoir été rendu dans des conditions manifestement irrégulières le jugement qui indique, dans l'en-tête de sa minute, qu'il a été rendu par la deuxième chambre du tribunal au rapport de M. A. en qualité de « président-rapporteur » et, dans ses visas, que le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions par le président de la « formation de jugement » alors que cette minute ne mentionne pas les dispositions de l'article R. 222-13 et la circonstance que M. A. aurait statué en qualité de magistrat désigné pour leur application, qu'elle n'indique pas davantage, après le dispositif, si elle a été délibérée ou non après l'audience publique et quels sont, le cas échéant, les noms des deux autres magistrats ayant statué. En cet état, ce jugement est impuissant à faire par lui-même la preuve de sa régularité.
(9 décembre 2021, Société Auchan Hypermarché, n° 442883)
(39) V. aussi, décidément... : 9 décembre 2021, Société Ceetrus France, n° 442888.
40 - Réduction de la quantité maximale de plastique autorisée dans les gobelets à usage unique - Interdiction de fabrication et de commercialisation - Impossibilité de trouver à bref délai une solution alternative - Arrêt complet de l'activité de certaines entreprises - Urgence - Rejet.
Les requérantes demandait la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 septembre 2021 relatif à la teneur maximale en plastique autorisée dans les gobelets en plastique à usage unique en tant, d'une part, qu'il s'applique à des gobelets vendus préremplis de boisson et dans lesquels l'utilisation du plastique à plus de 15 pour cent est nécessaire pour contenir et conserver les boissons jusqu'à leur consommation et d'autre part, qu'il prévoit une interdiction, au 1er janvier 2022, de la mise à disposition de gobelets vendus préremplis de boissons et dans lesquels l'utilisation du plastique à plus de 15 pour cent est nécessaire pour contenir et conserver les boissons jusqu'à leur consommation.
Pour rejeter la requête pour défaut d'urgence, le juge des référés relève que contrairement aux affirmations des demanderesses celles-ci n'ont pas disposé du bref délai de six mois pour s'adapter à la nouvelle réglementation puisque le principe de cette interdiction a été fixé par une directive du 5 juin 2019 que met en oeuvre le décret du 24 décembre 2019. L'arrêté litigieux a été soumis à la Commission le 26 avril 2021 : les parties, affirmant avoir besoin de six à huit mois pour opérer leur reconversion, ont bien disposé d'un tel délai entre fin avril 2021 et le 1er janvier 2022. Par ailleurs, la préférence alléguée des consommateurs pour une présentation en gobelets plutôt qu'en bouteilles ou autres conditionnements n'établit pas la preuve d'une absence d'attitude de ces derniers lorsque n'existera plus la possibilité du choix d'un autre contenant.
(ord. réf. 9 décembre 2021, Société Solinest et Coopérative Arla Foods, n° 458970)
41 - Procédure d'appel - Moyen présenté pour la première fois en cause d'appel - Moyen non communiqué au défendeur - Irrégularité - Annulation.
Est irrégulier et doit être cassé l'arrêt d'une cour administrative d'appel qui, pour annuler une décision d'un président de conseil départemental, retient un moyen présenté par le syndicat requérant et non communiqué au département défendeur.
(14 décembre 2021, Département de la Guadeloupe, n° 434601)
42 - Droit au logement opposable - Liquidation d'une astreinte - Refus pour cause de satisfaction de l'État à ses obligations - Méconnaissance du dispositif d'un jugement - Erreur de droit - Annulation.
Encourt cassation l'ordonnance d'un président de section du tribunal administratif de Paris refusant de liquider une astreinte prononcée par ce tribunal motif pris de ce que le demandeur n'aurait pas donné suite en juillet 2015 à une proposition de logement qui lui avait été adressée et que l'État devait en conséquence être regardé comme ayant, à cette date, rempli ses obligations. Or cette ordonnance méconnaît les termes mêmes du dispositif du jugement du 24 avril 2018 qui reconnaît, à cette date, l'existence d'une obligation de relogement incombant à l'État.
(14 décembre 2021, M. B., n° 434607)
(43) V. aussi, relevant une dénaturation des pièces du dossier par le jugement qui rejette des conclusions indemnitaires au motif que l'intéressée n'établissait pas que le logement dans lequel elle a résidé à compter de son expulsion, le 1er septembre 2014, jusqu'à son relogement par l'État le 1er juillet 2018, n'était pas adapté à ses capacités financières et à ses besoins, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le loyer mensuel du logement de celle-ci s'élevait à 1 300 euros et ses ressources mensuelles à 2 355 euros et que celle-ci devait également s'acquitter des frais de scolarisation de son fils handicapé dans un établissement spécialisé à hauteur de 12 000 euros par an : 15 décembre 21021, Mme C., n° 445630.
44 - Recours pour excès de pouvoir - Recours dirigé contre une décision du CSA - Second recours ayant même - Objet - Donné acte d'un désistement sur le premier recours faute de dépôt d'un mémoire dans les trois mois de l'enregistrement de la requête introductive d'instance - Introduction du second recours pour excès de pouvoir avant le donné acte du désistement - Irrecevabilité.
Par un premier recours pour excès de pouvoir, formé le 22 septembre 2020, le syndicat requérant a demandé l'annulation de la décision du CSA du 22 juillet 2020 nommant la présidente de France Télévisions. Il devait produire dans les trois mois le mémoire complémentaire annoncé. En l'absence de dépôt dudit mémoire dans le délai prévu il a été donné acte au syndicat demandeur, le 15 février 2021, de son désistement.
Entretemps, le 14 janvier 2021, le syndicat avait saisi le juge d'un second recours pour excès de pouvoir ayant même objet et tendant à la même fin que le premier recours. Ce second recours était irrecevable pour cause de forclusion, la formation du premier recours n'ayant pas conservé ou prorogé le délai imparti.
(14 décembre 2021, Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel-CFE-CGC, n° 448673)
(45) V. aussi, annulant une ordonnance donnant acte d'un désistement pour non production dans les trois du mémoire complémentaire annoncé en raison de ce que la demande d'aide juridictionnelle a interrompu le délai de trois : 14 décembre 2021, M. B., n° 452677.
46 - Recours excès de pouvoir - Autorité des jugements d'annulation rendus pour excès de pouvoir - Autorité absolue - Effet erga omnes - Erreur de droit - Annulation.
Rappel d'une solution constante, universelle et bien connue qu'a oubliée ici une cour administrative d'appel : un jugement prononçant l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif est revêtu de l'autorité absolue de chose jugée même à l'égard de ceux qui n'étaient ni parties, ni représentés dans l'instance qui a donné lieu à cette annulation.
(15 décembre 2021, Mme F., n° 436897)
47 - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités - Compétence du juge administratif pour connaître d'un acte à portée générale susceptible d'affecter l'organisation du service public - Compétence du juge judiciaire pour connaître de dispositions relatives à l'organisation interne d'entités comportant pour partie des salariés soumis au régime des conventions collectives - Renvoi préjudiciel au Tribunal des conflits.
La requérante demandait l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de la société nationale SNCF a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du b) du § 2 des « dispositions diverses » de l'instruction RH00677 du 16 mars 2017 portant dispositions complémentaires à l'accord d'entreprise sur l'organisation du temps de travail du 14 juin 2016. Le Conseil d'État renvoie au Tribunal des conflits le soin de juger ce qu'il estime constituer une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse.
En effet, d'une part, les dispositions litigieuses sont susceptibles de relever de la compétence du juge administratif car elles résultent d'un acte unilatéral de portée générale, pouvant affecter l'organisation du service public, dans la mesure où, fixant des règles de décompte des repos des agents absents, elles peuvent avoir une incidence sur l'accomplissement des missions de service public et sur la continuité du service. D'autre part, cependant, elles sont également susceptibles de relever de la compétence du juge judiciaire puisque désormais elles s'appliquent à l'ensemble des salariés du groupe ferroviaire, une partie d'entre eux relevant d'un statut particulier,
l'autre partie étant constituée de salariés placés sous le régime des conventions collectives et donc assujettis au code du travail, les dispositions litigieuses pouvant en ce second cas être regardées comme portant pour l'essentiel sur l'organisation interne des entités du groupe public ferroviaire et comme ayant pour objet la détermination des conditions de travail et les garanties sociales de ses salariés.
(15 décembre 2021, Fédération des syndicats des travailleurs du rail - SUD Rail, n° 441711)
48 - Syndicat et union de syndicats - Intérêt à agir - Action en réparation du préjudice causé par une faute commise par l'administration - Atteinte aux intérêts collectif défendus par un syndicat ou une union de syndicats - Absence de préjudice moral propre - Circonstance indifférente à l'exercice d'une action contentieuse - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Un syndicat ou une union de syndicats est recevable à agir en réparation du préjudice causé par une faute de l'administration affectant l'un des intérêts collectifs que la loi lui donne pour objet de défendre, sans avoir à établir, en outre, l'existence d'un préjudice moral qui lui serait propre.
(15 décembre 2021, Confédération générale du travail (CGT), n° 443511)
49 - Recours en rectification d'erreur matérielle - Refus d'admission d'un pourvoi en cassation - Information en ce sens devant être donnée à l'avocat - Absence de pièce du dossier attestant de l'accomplissement de cette formalité - Recours admis - Rejet au fond.
Le pourvoi était dirigé contre une ordonnance de référé rejetant la demande de la requérante. Le juge des référés du Conseil d'État a refusé, sur le fondement du 3° de l'art. R. 822-5 CJA, d'admettre le pourvoi et si l'un des visas de cette ordonnance de rejet mentionne que l'avocat de la société requérante a été informé de ce que la décision du Conseil d'État était susceptible d'être prise en application de l'article R. 822-5 de ce code, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette formalité ait été accomplie.
Comme cette omission n'est pas insusceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision et n'est pas imputable à la demanderesse au pourvoi, le recours en rectification d'erreur matérielle est admis en son principe.
Au fond, le pourvoi est rejeté.
(23 novembre 2021, Société le Parc Bourbon, n° 454171)
50 - Renvoi préjudiciel à l'autorité judiciaire - Sursis à statuer du juge administratif - Obligation de ne statuer qu'après expiration du délai de pourvoi en cassation - Non-respect de cette exigence - Cassation avec renvoi.
Dans un litige en opposition à contrainte délivrée par une caisse d'allocations familiales en vue du recouvrement d'un indu correspondant aux primes exceptionnelles de fin d'année versées en 2013 et 2014, se posait une question de nationalité du demandeur, laquelle relève de la compétence du juge judiciaire.
Si le tribunal administratif avait saisi le juge judiciaire d'une question préjudicielle et sursis à statuer jusqu'à réception de sa réponse, il avait statué avant que ne soit expiré le délai du pourvoi en cassation contre cette dernière. C'est pourquoi le Conseil d'État est à la cassation du jugement querellé devant lui.
(23 décembre 2021, M. D., n° 447138)
51 - Urgence et recours administratif préalable obligatoire (RAPO) - Faculté pour le juge des référés de statuer nonobstant l'absence de réponse au RAPO - Intervention d'une décision, implicite ou explicite, sur RAPO durant l'instance de cassation - Pourvoi devenant sans objet.
Un rappel et une innovation (prévisible) caractérisent la présente décision intervenant dans une matière (recours d'un militaire) où le contentieux ne peut être lié qu'après formation d'un RAPO.
Tout d'abord, il est toujours possible de saisir le juge des référés urgents, si la situation le justifie, même lorsque les recours contentieux, en raison de la matière sur laquelle ils portent, doivent être précédés d'un RAPO. Il suffit que le demandeur rapporte la preuve au juge des référés de l'existence d'un tel recours.
Ensuite, lorsque la décision, implicite ou explicite, prise à la suite du RAPO intervient durant le cours de l'instance en cassation contre l'ordonnance de référé, celle-ci se substituant à la décision initiale sur laquelle s'est prononcée le juge des référés, les conclusions formées au soutien du pourvoi deviennent sans objet
(17 décembre 2021, M. H., n° 453344)
52 - Décision implicite de rejet - Formation d'un référé tendant à sa suspension - Pourvoi en cassation contre l'ordonnance de suspension - Intervention d'une décision expresse en exécution de l'ordonnance - Circonstance ne rendant pas sans objet le pourvoi.
L'intérêt de cette affaire, qui débouche sur l'annulation d'une ordonnance de référé suspension parce que non justifiée par l'urgence, vient de ce qu'est retenue la persistance d'un intérêt au pourvoi en cassation en dépit de l'exécution de l'ordonnance frappée ce pourvoi.
Un gendarme mobile a contesté la légalité du changement de subdivision territoriale dont il a été l'objet, confirmé par le rejet implicite du recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires et obtenu la suspension de cette mesure en raison de l'urgence. Le ministre a formé un pourvoi contre cette ordonnance.
L'administration ayant ensuite pris une décision explicite de rejet dudit recours, cette circonstance n'a pas eu pour effet de rendre sans objet le pourvoi du ministre.
(17 décembre 2021, Ministre de l'intérieur, n° 453927)
53 - Exclusion temporaire d'un lycéen - Référé suspension porté directement au Conseil d'État - Incompétence de ce dernier pour en connaître en premier et dernier ressort - Rejet pour irrecevabilité manifeste.
Rappel de ce que le juge des référés du Conseil d'État ne peut connaître directement que de demandes dont le principal ressortit lui-même à la compétence directe du Conseil d'État. Par suite est irrecevable la requête saisissant directement le Conseil d'État d'une demande de suspension de la décision d'un proviseur de lycée prononçant l'exclusion temporaire d'un élève de cet établissement, un tel litige relevant de la procédure de droit commun.
(15 décembre 2021, M. A., n° 459220)
54 - Urbanisme commercial - Décision de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) - Moyen relevé d'office - Moyen n'étant pas d'ordre public - Irrégularité - Annulation.
Entache son arrêt d'irrégularité et d'erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge qu'est illégale une décision de la CNAC car celle-ci n'avait pas été en mesure de porter une appréciation globale sur l'ensemble de l'opération en cause alors que l'auteur du recours n'avait pas soulevé un tel moyen et que celui-ci, qui n'est pas d'ordre public, ne pouvait être relevé d'office par la cour.
(21 décembre 2021, Société PHB Distribution, n° 435223)
55 - Recours pour excès de pouvoir - Moyen relevant d'une autre cause juridique que celle sur laquelle repose la requête introduite dans le délai de recours - Moyen soulevé hors délai - Irrecevabilité - Rejet.
Réitération d'un pont-aux-ânes du droit du contentieux administratif (cf. Section, 20 février 1953, Société Intercopie, Rec. Lebon p. 88 ; et, surtout, Assemblée, 15 juillet 1954, Société des aciéries et forges de Saint-François, Rec. Leb. p. 482).
L'invocation, après expiration du délai de recours contentieux contre une décision administrative, de moyen(s) reposant sur une autre cause juridique que celle invoquée dans le délai de recours entache d'irrecevabilité sur ce point le recours.
(21 décembre 2021, Mme E., n° 442023)
56 - Minute d’une décision de justice – Signature du président – Absence – Annulation.
Est entachée de nullité la décision de justice dont la minute ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement qui l’a rendue.
(21 décembre 2021, M. A., n° 451230)
57 - Demande de révision de pension – Délai dans lequel a eu lieu la présentation à l’administration de cette demande – Question non relative à la recevabilité de la requête mais à son bien-fondé - Impossibilité de rejet pour irrecevabilité manifeste – Erreur de droit – Annulation.
Commet une erreur de droit la juridiction qui, pour dire qu’une requête en révision de pension est manifestement irrecevable car présentée après expiration du délai de recours, se fonde sur le fait qu’elle a été formée plus d’un an après la notification de la décision initiale de concession de la pension. En effet, s’agissant des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, la question de savoir si une demande de révision de pension a été présentée à l'administration dans le délai imparti par les dispositions de l'article 40 du décret du 5 octobre 2004 est relative non à la recevabilité de la requête soumise à la juridiction administrative – comme cela a été jugé erronément par les premiers juges - mais à son bien-fondé. Ainsi ne pouvait lui être opposée l’irrecevabilité manifeste sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du CJA.
(29 décembre 2021, M. Gillet, n° 450589)
58 - Circulaire du garde des sceaux relative à la lutte contre la fraude fiscale – Contribuable déchargé des impositions et pénalités litigieuses par arrêt définitif – Absence d’intérêt lui donnant qualité pour agir – Non-transmission de la QPC – Rejet.
(27 décembre 2021, M. D., n° 457564)
V. n° 88
59 - Inaptitude d’un fonctionnaire – Appréciation portée sur cette inaptitude par l’autorité administrative – Étendue du contrôle du juge – Contrôle normal – Rejet.
Le maire d’une commune admet à la retraite l’un des agents municipaux pour invalidité en raison d’une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions. Sur recours de ce dernier, la décision du maire est annulée par un jugement confirmé en appel et contre lequel se pourvoit la commune.
L’intérêt de cette décision vient de ce que le juge de cassation, pour rejeter le pourvoi par confirmation de l’arrêt d’appel, exerce non plus un contrôle réduit à l’erreur manifeste d’appréciation mais un contrôle normal sur les décisions relatives à l’inaptitude à l’exercice de ses fonctions par un agent public prétendue définitive par l’autorité administrative.
Ici, il est relevé que, en dépit des avis contraires de la commission de réforme des fonctionnaires des collectivités territoriales, du comité médical départemental et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, le médecin désigné en exécution du jugement du tribunal administratif a conclu dans son rapport d'expertise du 16 novembre 2016 qu'il résultait des pièces médicales du dossier que l'état de santé de l’intéressé, tel qu'il devait être constaté au 18 janvier 2016, était exempt de pathologie et ne le rendait pas inapte à l'exercice de ses fonctions ou de tout autre poste de travail. Parmi les pièces médicales examinées par cet expert et fondant sa conclusion, qui n'avaient pas été communiquées à la commune avant l'adoption de l'arrêté municipal contesté, figurent notamment les rapports et certificats établis, à l'époque de la séance de la commission de réforme, par le médecin traitant de l’agent, le 22 septembre 2014, ainsi que par deux médecins spécialistes, le 20 octobre 2014 et le 28 octobre 2014. C’est donc sans erreur de droit que la cour a jugé, sur le fondement des constatations non contredites résultant de ces rapport, pièces et renseignements, par un arrêt qui est suffisamment motivé, que le maire de Saint-Lubin-des-Joncherets avait commis une erreur d'appréciation en estimant que cet agent présentait, au 18 janvier 2016, une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions.
(29 décembre 2021, Commune de Saint-Lubin-des-Joncherets, n° 437489)
60 - Aide juridictionnelle – Rétribution de l’avocat prêtant son concours au bénéficiaire de l’aide – Détermination hors taxe de la part contributive de l’État – Rejet.
Une avocate qui a prêté son concours à deux demandeuses auxquelles a été reconnue la qualité de réfugiées par la Cour nationale du droit d’asile, conteste la somme qui lui a été allouée par cette juridiction car elle l’estime inférieure à la part contributive de l'État après paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Son action est rejetée.
Il résulte des art. 27 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, des art. 16 et 21 du règlement-type annexé au décret du 10 octobre 1996 portant règlement type relatif aux règles de gestion financière et comptable des fonds versés par l'État aux caisses des règlements pécuniaires des avocats pour les missions d'aide juridictionnelle et pour l'aide à l'intervention de l'avocat ainsi que de l’art. 256 A du CGI que si le montant de la rétribution due à l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, qui est versée pour le compte de l'État par la caisse des règlements pécuniaires des avocats, prend en compte la situation fiscale de l'avocat au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (dispense de TVA lorsque le chiffre d’affaires réalisés l’année civile précédente n’excède pas 42 900 euros), le montant de l'unité de valeur de référence pour la détermination de la part contributive de l'État au financement des missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée.
Par suite, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en ce qu'elles prévoient que la somme que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, doivent s'entendre comme faisant référence au montant de la part contributive de l'État tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée.
(29 décembre 2021, Maître R., n° 441597)
61 - Cessation d’activité d’un avocat – Cessation connue du greffe d’une cour administrative d’appel – Défaut d’information d’une des parties – Annulation de l’arrêt rendu dans ces conditions.
Doit être annulé l’arrêt d’une cour d’appel qui après que le greffe de la cour a connu la cessation d’activité de l’avocat choisi par la commune requérante, omet de l’en informer la mettant ainsi dans l’impossibilité de bénéficier de l’assistance d’un avocat.
(29 décembre 2021, Commune de Raizeux, n° 442930)
62 - Demande d’annulation partielle d’un acte – Dispositions indivisibles – Irrecevabilité des conclusions en annulation partielle – Rejet.
Rappel d’une solution classique et d’évidence : les conclusions à fin d’annulation partielle d’un acte dont les dispositions sont indivisibles sont irrecevables car leur admission conduirait immanquablement le juge à statuer ultra petita.
(29 décembre 2021, M. A., n° 453677)
63 - Ordonnance rejetant des conclusions à fin de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle frappée d’appel – Rejet prononcé sans instruction contradictoire ni audience – Obligation de viser l’art. R. 222-1 du CJA – Absence – Cassation avec renvoi.
Encourt la cassation l’ordonnance rejetant des conclusions à fin de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle frappée d’appel, sans instruction contradictoire, ni audience en omettant de viser l’art. R. 222-1 du CJA ainsi que l’impose l’art. R. 742-2 de ce code.
(30 décembre 2021, Société Textilot, n° 433155)
64 - Conclusions en intervention – Conclusions possibles seulement aux côtés du demandeur ou à ceux du défendeur – Absence de production par le défendeur – Intervention irrecevable – Rejet.
Dans un litige opposant les requérantes à la ministre de l’écologie, cette dernière, malgré une mise en demeure, n’a pas produit de conclusions. La Fédération nationale des chasseurs a prétendu intervenir dans l’instance.
La règle constante du droit du contentieux administratif, à la différence de la solution retenue en procédure civile, interdit à l’intervenant de prendre une position propre ; il doit se rallier soit aux conclusions du demandeur soit à celles du défendeur. En l’espèce, la fédération demanderesse en intervention entendait se ranger aux côtés de la ministre mais celle-ci n’ayant pas produit à l’instance, son intervention n’est pas recevable.
(30 décembre 2021, Ligue pour la protection des oiseaux et l'association humanité et biodiversité, n° 434244)
65 - Forfait post-stationnement – Ordonnance déchargeant une automobiliste de l’obligation d’acquitter la majoration du forfait post-stationnement – Produit de la majoration affecté à l’État – Commune sans intérêt pour contester l’ordonnance – Irrecevabilité – Rejet.
Une commune n’a pas d’intérêt pour agir en annulation d’une ordonnance déchargeant une automobiliste de l’obligation d’acquitter la majoration du forfait post-stationnement puisque ce produit est affecté à l’État. Partant, sa demande, irrecevable, ne peut qu’être rejetée.
(30 décembre 2021, Commune de Nancy, n° 438038)
66 - Production d’un nouveau mémoire en cours d‘instance – Mémoire n’exposant pas de moyens nouveaux – Omission de le viser sans conséquence – Exception si les pièces accompagnant un tel mémoire apportent des précisions sur les biens objet de la demande – Irrégularité à défaut – Annulation.
Si en principe l’omission de viser un mémoire qui ne contient pas de moyens nouveaux par rapport au précédent mémoire n’est pas sanctionnée, il en va différemment lorsque, comme au cas de l’espèce où, dans le cadre d’un litige en matière de taxe foncière, ce nouveau mémoire était accompagné de plusieurs pièces dont certaines apportaient des précisions sur le détail des locaux concernés par la demande de dégrèvement. Or, la demande a été rejetée au motif qu'elle n'était assortie d'aucune précision permettant de connaître le détail des locaux concernés.
L’absence de visa de ce mémoire constitue une irrégularité entrainant son annulation.
(30 décembre 2021, M. B., n° 440580)
67 - Litige se déroulant en Polynésie française – Compétence d’appel de la cour administrative de Paris – Impossibilité de déplacement pour cause de crise sanitaire – Refus de la demande de report d’audience – Rejet.
Dans un litige en contestation d’un permis de travaux immobiliers pour la construction d'un immeuble de 15 logements délivré en Polynésie française, porté devant la cour administrative d’appel de Paris, le conseil des requérants a fait part à la cour de l'impossibilité, pour lui comme pour ses clients, d'assister à l'audience en l’absence de vols commerciaux entre la Polynésie française et la métropole du fait de la crise sanitaire. Il a, en conséquence, demandé les 12 et 19 mai 2020, que l'audience soit reportée. Il a renouvelé cette demande le 24 mai 2020 après avoir pris connaissance des conclusions du rapporteur public dans le sens d’un rejet de la requête de ses clients.
Cette demande ayant été rejetée, l'affaire a été examinée lors de l'audience du 26 mai 2020, à laquelle ni les requérants, ni les défendeurs n'étaient présents ou représentés. Ils se pourvoient en cassation.
Le pourvoi est rejeté.
Le Conseil d’État estime que c’est sans irrégularité que la cour a refusé de reporter l’audience.
D’abord, les requérants ne se trouvaient pas dans l'incapacité de se faire représenter utilement par un autre conseil en métropole. Ensuite, aucun élément nouveau auquel ils n'auraient pu répondre n'est intervenu postérieurement à la production des mémoires en défense en décembre 2019. Également, ils ont sollicité et obtenu, avant la lecture de l'arrêt de la cour, le texte des conclusions du rapporteur public leur permettant de produire utilement une note en délibéré. Enfin, il est constant qu'ils se sont bornés à solliciter un report de l'audience et non sa tenue par un moyen de télécommunication audiovisuelle ou sonore, dans les conditions prévues à l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
Ainsi, les intéressés ne justifiant pas de motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire qui imposaient que l'examen de ce litige soit reporté à une audience ultérieure, ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de reporter l'audience du 26 mai 2020, la cour administrative d'appel de Paris aurait entaché son arrêt d'irrégularité.
(30 décembre 2021, M. M. et autres, n° 443886)
Droit fiscal et droit financier public
68 - Sociétés de personnes (art. 8 du CGI) - Perception de rémunérations et avantages occultes (c de l'art. 111 du CGI) - Associés résidant à l'étranger - Obligation de pratiquer la retenue à la source - Obligation s'imposant à l'organisme payeur non à celui ayant procuré l'avantage occulte - Annulation partielle.
Une Sarl a cédé des biens immobiliers à un prix minoré sans justification, ce qui constitue un acte anormal de gestion procurant à son bénéficiaire un avantage occulte dans les termes du c de l'art. 111 du CGI.
Etant une société de personnes la Sarl relevait du régime de l'art. 8 du CGI, il s'ensuit, par application de l'art. 119 bis du CGI, qu'elle était tenue d'opérer une retenue à la source du montant correspondant à cet avantage occulte consenti au profit des associés de la société bénéficiaire résidant à l'étranger.
Toutefois - et c'est ce qui motive la cassation partielle prononcée - la cour administrative d'appel devait soulever d'office le moyen tiré de ce que seule la société « payeur » était soumise à l'exigence de retenue à la source non celle ayant procuré ledit avantage.
En effet, la détermination de l'identité du redevable de l'impôt constitue un moyen d'ordre public.
(6 décembre 2021, Société Profin Développement et Gestion, n° 429308)
69 - Libre circulation des capitaux - Imposition d'un contribuable étranger à raison de ses revenus de source française - Traitement fiscal devant être équivalent à celui auquel est soumis un contribuable résident de France - Rejet.
On retiendra essentiellement de cette importante décision l'obligation faite à l'administration fiscale d'assurer un traitement équivalent entre contribuables français et contribuables étrangers percevant des revenus de source française, ce qui semble marquer le terme d'une évolution commencée depuis plus de trente ans tant par le juge civil que par le juge administratif.
En bref, un établissement public coréen, le National Pension Service (NPS), qui est une caisse de retraite en charge du régime général d'assurance vieillesse coréen, contestait son assujettissement au taux de 15% appliqué à la retenue à la source sur les dividendes des sociétés françaises qu'il avait perçus car il y voyait un traitement défavorable par rapport à celui d'organismes français de retraite.
Tout en rejetant au fond une argumentation qu'il estime erronée, le juge rappelle fermement le droit des contribuables non-résidents à un traitement fiscal équivalent à celui auquel, à raison des mêmes revenus, sont soumis les résidents fiscaux français placés dans une situation comparable.
Il s'ensuit que dans le cas où le contribuable non-résident aurait été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale comme au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement.
(6 décembre 2021, National Pension Service, n° 433301)
70 - Classement de parcelles - Demande de révision et de décharge de taxe foncière sur les propriétés non bâties - Refus ayant des effets autres que fiscaux - Acte détachable du mécanisme d'imposition - Contestation relevant du contentieux de l'excès de pouvoir - Rejet partiel et annulation.
Le litige soulevait une question originale : de quel contentieux relève la demande d'annulation de la décision d'un directeur des services fiscaux en tant qu'elle a des incidences non fiscales ?
Le demandeur se plaignait de ce qu'en refusant - pour la détermination de la taxe foncière sur les propriétés non bâties - de réviser le classement de parcelles lui appartenant, la décision du directeur des services fiscaux lui causait préjudice au regard de ses droits à retraite et de l'octroi possible d'aides européennes.
Le Conseil d'État juge qu'en raison d'effets notables non fiscaux, cette décision de refus est détachable de la procédure d'imposition et peut donc être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. En revanche, le juge de l'impôt, juge de plein contentieux, demeure compétent pour connaître des litiges relatifs à la procédure d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
(6 décembre 2021, M. B., n° 438209)
71 - Office de greffe de tribunal de commerce - Suppression d'une juridiction par modification des ressorts de tribunaux - Allocation d'une indemnité - Régime d'imposition - Rejet.
L'office de greffe dont elle était titulaire ayant été supprimé par suite de la modification des ressorts territoriaux de tribunaux de commerce, l'intéressée a reçu une indemnité à propos de laquelle s'est élevé un contentieux.
La requérante contestait à la fois son assujettissement au régime des plus-values professionnelles et le refus de l'admettre au bénéfice d'une exonération. Elle est déboutée.
Tout d'abord, l'indemnité versée en cas de suppression d'un office de greffier de tribunal de commerce étant destinée à compenser la perte d'un élément d'actif, cette somme relève du régime d'imposition des plus-values professionnelles.
Ensuite, cette somme ne pouvait bénéficier, contrairement aux prétentions de la demanderesse, de l'exonération instituée à l'article 238 quindecies du CGI en cas de transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité, puisqu'en l'espèce il ne s'agissait point d'une « transmission » mais d'une suppression et cela alors même que cette indemnité serait versée par les greffiers des tribunaux de commerce ayant repris les activités de l'office supprimé (cf. art. R.743-172 du code de commerce).
(6 décembre 2021, Mme A., n° 438617)
72 - Mise en demeure de payer la taxe d'aménagement et une redevance d'archéologie préventive - Demande d'annulation des titres exécutoires - Prescription des titres - Rejet.
C'est sans erreur de droit qu'un tribunal administratif juge que le délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise est interrompu, notamment, à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception émis sur le fondement de l'article L. 331-24 du code de l'urbanisme en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement a été présenté à l'adresse du contribuable.
Par suite, c'est à bon droit qu'elle a jugé que le délai de reprise de l'administration institué par l'art. L. 331-21 c. urb. était prescrit en l'espèce.
(6 décembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 438975)
(73) V. aussi, à propos de ces mêmes taxe et redevance pour omission de réponse à moyen : 6 décembre 2021, Société Barca Investissements, n° 439700.
(74) V. encore, annulant un jugement où a été jugé régulier le refus par l'administration de communiquer à l'intéressé, sur sa demande et préalablement à l'émission des titres de perception litigieux, le procès-verbal de constat d'infraction pour construction sans permis, motif pris de ce que cette pièce était couverte par le secret de l'enquête et de l'instruction en vertu des dispositions de l'art. 11 du code de procédure pénale (CPP). Cette solution est entachée d'erreur de droit, les dispositions des art. L. 331-6, L. 33120 et L. 331-22 du code de l'urbanisme entrant dans les exceptions énoncées à l'alinéa 2 de l'art. 11 du CPP : 10 décembre 2021, M. J., n° 431472.
75 - Société mère - Groupe fiscalement intégré - Intégration de charges financières (art. 223 B, 7è alinéa CGI) - Régime en cas d'acquisition d'une société devant être intégrée au groupe - Acquisition par une(des) personne(s) contrôlant la société cessionnaire (art. L. 233-3 c. com) - Concert d'actionnaires - Charge de la preuve - Annulation partielle.
Clarifiant une matière complexe, le Conseil d'État décide qu' « Il résulte des dispositions du septième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts que l'administration est fondée à réintégrer dans les résultats de la société mère d'un groupe fiscalement intégré une fraction des charges financières du groupe, lorsqu'une société est acquise en vue d'être intégrée par une société du groupe auprès d'une ou de plusieurs personnes qui contrôlent la société cessionnaire. Ces dispositions sont applicables, compte tenu de ce que l'existence d'un tel contrôle s'apprécie par référence aux critères définies par l'article L 233-3 du code de commerce, non seulement dans l'hypothèse d'une identité entre le ou les actionnaires de la société cédée et le ou les actionnaires exerçant le contrôle de la société cessionnaire mais également dans le cas où l'actionnaire qui contrôlait la société cédée exerce, de concert avec d'autres actionnaires, le contrôle de la société cessionnaire. Il appartient à l'administration d'établir l'existence d'une action de concert puis de vérifier si tout ou partie des personnes agissant de concert déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. »
(6 décembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 439650)
76 - Aérodrome - Assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties - Choix entre méthode d'appréciation directe et méthode comptable - Méconnaissance de l'office du juge - Annulation avec renvoi.
De cette décision - qui se prononce sur les conditions d'assujettissement de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques à la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur son mode de détermination -, on retiendra qu'est annulé pour manquement à son office le jugement du tribunal administratif qui établit les valeurs locatives d'après la méthode comptable au motif que les éléments produits en réponse au supplément d'instruction ne le mettaient pas à même de procéder valablement à la détermination de la valeur locative de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques selon la méthode d'appréciation directe alors même qu'il avait relevé, par des motifs que ne contestait d'ailleurs aucune des parties, que seule la méthode d'appréciation directe était applicable pour apprécier la valeur locative de l'aéroport.
(9 décembre 2021, Société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (SEARD), n° 438692)
77 - Exploitation d'un parc aquatique par une commune en régie directe - Assujettissement à la TVA - Conditions - Absence d'exercice sous un régime juridique propre aux organismes de droit public - Cas dérogatoire des services à caractère sportif rendus par des personnes morales de droit public - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
La commune requérante exploite en régie directe un complexe aquatique et s'est acquittée à ce titre, spontanément, des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle demande le remboursement pour deux années.
Elle saisit le juge de cassation après avoir obtenu gain de cause en première instance et avoir été déboutée en appel.
Le Conseil d'État relève en premier lieu que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les circonstances, invoquées par la commune, que le complexe aquatique litigieux est exploité en régie, qu'elle y affecte des agents municipaux et qu'elle pratique des tarifs modérés et modulés en fonction du public, de telle sorte que son exploitation est déficitaire, ne sont pas de nature à faire regarder l'activité en cause, en l'absence, notamment, d'obligation légale de l'accomplir, comme exercée dans le cadre du régime juridique propre aux organismes de droit public. Cette dernière condition est posée par les art. 13 et 132 (point 1) de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA tels que les interprète la Cour de Luxembourg (cf. 29 octobre 2015, Saudaçor, aff. C-174/14).
Cependant le Conseil d'État relève également, d'office semble-t-il, que, par l'art. 256 B du CGI la France a fait usage de la possibilité, ouverte par le paragraphe 2 de l'article 13 de la directive précitée, de regarder comme des activités effectuées en tant qu'autorité publique les services à caractère sportif rendus par les personnes morales de droit public. Or la CJUE a dit pour droit sur ce point précis (cf. 21 février 2013, Mesto Zamberk, aff. C-18/12) que l'accès à un parc aquatique proposant à la fois l'exercice d'activités sportives, mais également d'autres types d'activités de détente ou de repos, peut constituer une prestation de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport, pour autant que l'élément prédominant est la possibilité d'y exercer des activités sportives. Cette appréciation d'ensemble résulte notamment des caractéristiques objectives du parc : différents types d'infrastructures proposés, leur aménagement, leur nombre et leur importance par rapport à la globalité du parc. S'agissant, en particulier, des espaces aquatiques, doivent être pris en considération le fait que ceux-ci se prêtent à une pratique de la natation de nature sportive, sont divisés en lignes d'eau, sont équipés de plots et sont d'une profondeur et d'une dimension adéquates, ou s'ils sont, au contraire, aménagés de sorte qu'ils se prêtent essentiellement à un usage ludique.
De ce chef, le Conseil d'État reproche à la cour de n'avoir pas recherché si, en l'espèce, l'exploitation de ce complexe constitue l'activité d'un service sportif au sens de l'article 256 B précité, interprété à la lumière des dispositions de l'article 132, paragraphe 1, sous m) de la directive précitée, et de s'être bornée à relever que la commune requérante n'exerçant pas l'activité d'exploitation de son complexe aquatique dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public, cette activité n'entre par conséquent pas dans le champ des dispositions de l'article 256 B du CGI.
(9 décembre 2021, Commune de Nyons, n° 439617)
79 - Procédure fiscale non contentieuse - Proposition de rectification des déclarations fiscales - Exigences de motivation et de précision (art. L. 57 et R. 57-1 LPF) - Non-respect - Rejet.
On saluera la fermeté dont fait preuve ici le Palais-Royal s'agissant des exigences s'imposant à l'auteur d'un projet de rectification des déclarations du contribuable. D'une part, il résulte des art. L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'il incombe à l'administration d'indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, d'autre part, l'administration satisfait cette obligation si elle se réfère aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un autre contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
En l'espèce, rejetant le pourvoi du ministre, le Conseil d'État approuve la cour administrative d'appel d'avoir elle aussi rejeté ces prétentions par les motifs que la proposition de rectification litigieuse ne précisait pas elle-même les modalités de détermination des bases rectifiées, ni la nature des charges dont la déduction des bénéfices de la Sarl avait été remise en cause et ne renvoyait pas expressément à la proposition de rectification adressée à la société contenant ces informations, n'était pas suffisamment motivée, alors même qu'elle faisait référence, sans autre précision, à des rehaussements du bénéfice imposable de la Sarl et qu'elle avait été notifiée le même jour que la proposition de rectification adressée à cette société, dont le contribuable était le mandataire.
(9 décembre 2021, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 440607)
80 - Administration fiscale - Responsabilité pour faute du chef d'une évolution de la jurisprudence du Conseil d'État - Conséquences en matière de réparation - Admission de principe et rejet en l'espèce.
(10 décembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 437412)
V. n° 222
81 - Crédit d'impôt recherche - Rejet de certaines dépenses engagées - Détermination de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche par rapport à la moyenne des deux années précédentes - Exercices prescrits - Rectification du montant des dépenses éligibles - Erreur de droit - Annulation sur ce seul point.
La société requérante a fait l'objet d'une rectification de l'assiette de son droit à crédit impôt recherche du fait de son activité de bureau d'études et d'améliorations techniques dans le domaine de la construction automobile. Elle a contesté les rehaussements d'impôt consécutifs.
Devant le juge de cassation, outre le point de savoir si la proposition de rectification et la réponse du service aux observations du contribuables étaient suffisamment motivées, ce qui ne faisait pas vraiment difficulté, se posait la question, plus délicate, de la détermination au titre de l'année 2007, pour l'application du b. de l'art. 244 quater B du CGI, de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche, égale à 40 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours de l'année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature des deux années précédentes. C'est l'apport principal de cette importante décision.
La cour administrative d'appel avait jugé que la circonstance d'une rectification du montant des dépenses éligibles au titre de l'année 2007 n'imposait pas l’obligation pour l'administration de corriger dans la même mesure le montant des dépenses éligibles au titre des années 2005 et 2006 pour la détermination de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2007. Le Conseil d'État aperçoit dans cette analyse une erreur de droit. Selon lui, pour déterminer le montant de la part en accroissement du crédit d'impôt recherche, égale à 40 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours de l'année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature des deux années précédentes, il convient de retenir le montant des dépenses des années antérieures tel qu'il aurait dû normalement être calculé par l'entreprise. Il suit de là que l'administration qui rectifie le montant des dépenses éligibles doit corriger la moyenne des dépenses exposées les deux années précédentes dans la même mesure, et cela alors même que ces années seraient prescrites et que l'erreur sur le montant de ces dépenses serait imputable à l'entreprise.
La cassation et le renvoi sont prononcés dans cette mesure.
(10 décembre 2021, Société Bertrandt France, n° 438902)
82 - Livraison de terrains à bâtir par une personne physique - Assujettissement à la TVA - Condition - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge que l'activité de livraison de terrains à bâtir par une personne physique n'est pas assujettie à la TVA en l'absence de mise en œuvre de moyens commerciaux du type de ceux qui sont utilisés par les professionnels de la vente immobilière, et quels qu'aient été les travaux de viabilisation réalisés. En effet, accueillant le pourvoi du ministre le Conseil d'État estime, au contraire, que cette activité, menée par une personne physique, est assujettie à la TVA « lorsqu'elle procède, non de la simple gestion d'un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu'elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique ».
(14 décembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 441861)
83 - Taxe sur la valeur ajoutée en Polynésie française - Contrat de collaboration entre deux praticiens libéraux - Mise à disposition d'un local, d'équipements et de matériel - Rétrocession d'une partie des honoraires - Absence d'exonération de TVA - Rejet.
Le Conseil d'État est saisi du pourvoi formé par un chirurgien-dentiste contre le rejet par les juridictions du fond de sa demande de remboursement de TVA.
L'art. 340-1 du code des impôts de Polynésie française exonère de TVA les locations de locaux équipés à usage professionnel.
Or le requérant a conclu avec une consoeur un « contrat de collaboration » aux termes duquel, notamment, tout en étant autorisé à développer sa propre patientèle, cette dernière accepte de soigner les patients qui lui sont présentés par le requérant. Une telle clause n'entre pas dans les prévisions du texte précité, alors même que ce contrat prévoit l'utilisation des locaux et du matériel du cabinet.
Le pourvoi est rejeté.
(13 décembre 2021, M. O., n° 431151)
84 - Impôt sur les sociétés - Avoir fiscal à raison de dividendes versés par des sociétés ayant leur siège dans d'autres États membres de l'Union européenne - Preuve de la nature de dividendes des produits distribués - Obligation pour le redevable de produire le taux d'imposition effectivement appliqué dans les autres États membres - Réserve du caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres États membres - Rejet et accueil partiels du pourvoi.
Le litige portait sur une demande, de la part de la banque requérante, de restitution partielle de l'impôt sur les sociétés acquittée par sa société mère, à raison de dividendes qui lui avaient été versés par des sociétés ayant leur siège dans d'autres États membres de l'Union européenne. Ce litige a nécessité un renvoi préjudiciel à la CJUE. Le Conseil d'État se prononce au reçu des réponses aux questions posées.
En premier lieu, s'agissant des sommes versées par diverses sociétés, c'est sans erreur de droit que l'arrêt frappé de pourvoi a jugé que faute d'établir que les produits distribués ont la nature de dividendes alloués en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société, la requérante ne pouvait se prévaloir du bénéfice de l'avoir fiscal.
En second lieu, s'agissant des sommes versées par une autre société, le Conseil d'État annule l'arrêt auquel il reproche d'avoir jugé que les éléments apportés par la société requérante ne permettaient pas d'établir le montant de l'impôt effectivement acquitté par cette société, alors qu'il lui incombait de rechercher si la société requérante pouvait être regardée comme apportant les premiers éléments de vraisemblance quant au caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve de l'impôt effectivement payé par la société qui a versé les sommes litigieuses et, le cas échéant, d'examiner les éléments en sens contraire avancés par l'administration fiscale. Ce faisant, elle a méconnu les règles de dévolution de la charge de preuve mentionnée et commis une erreur de droit.
(21 décembre 2021, Société HSBC Bank PLC Paris Branch, n° 432725)
85 - Outre-mer - Demande de permis de construire, à titre de logements sociaux, portant sur des bâtiments collectifs ou sur des ensembles de logements individuels – Demande devant être considérée comme portant sur un ensemble immobilier – Applicabilité de l’art. 199 undecies C du CGI – Réduction d’impôt subordonnée à un agrément fiscal – Seuil de deux millions d’euros non atteint – Rejet.
Cette décision réitère la solution adoptée dans une affaire jugée en novembre 2021 concernant le même requérant (V. cette Chronique, novembre 2021, n° 62)
(21 décembre 2021, M. C., n° 449458)
86 - Pluralité d’occupants de locaux – Locaux ayant fait l’objet d’une visite domiciliaire de l’administration fiscale – Emport de pièces et documents par celle-ci – Obligation de restitution aux différents occupants – Présence jusque-là inconnue de l’administration de la présence d’un autre occupant – Sort des impositions de ce contribuable – Rejet.
Si, dans l'hypothèse d'une pluralité d'occupants de locaux ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire, l'administration a l’obligation de restituer à chacun de ces occupants les pièces et documents lui appartenant qu'elle a saisis dans le cadre de cette visite, cette obligation ne s’étend qu'à l'égard des occupants dont elle connaissait l'existence à la date de la visite. Alors même que l'exploitation de documents saisis révèle ultérieurement qu'un contribuable occupait des locaux sans que l'administration en eût connaissance, cette circonstance ne saurait entraîner la décharge des impositions contestées par ce contribuable au seul motif que ces documents ne lui auraient pas été restitués dans les délais prescrits par le V de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.
Solution très latitudinaire en faveur de l’administration alors que n’est ni alléguée ni établie l’existence d’une dissimulation volontaire de cette présence qui aurait justifié une solution peu respectueuse des droits et libertés.
(24 décembre 2021, M. M., n° 438338 ; Société Intérim B. SP ZOO, n° 438344)
87 - Actes de médecine ou de chirurgie esthétique – Exonération de TVA en cas d’intérêt thérapeutique – Assujettissement à la TVA en l’absence de finalité thérapeutique – Commentaires administratifs litigieux conformes au CGI et compatibles avec le droit de l’Union – Rejet.
Le syndicat requérant poursuivait l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du paragraphe n° 45 des commentaires administratifs publiés le 17 juin 2020 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts, relatifs à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour les actes de chirurgie esthétique.
Sans surprise, le recours est rejeté.
Si les actes de médecine et de chirurgie présentant pour le patient un intérêt thérapeutique sont exonérés de TVA par application, d’une part, du 1° du 4 de l’art. 261 du CGI, d’autre part, des directives du 17 mai 177 (c) du 1° du A de l’art. 13) et du 28 novembre 2006 (c) du § 1 de l’art. 132) telles qu’interprétées par la Cour de Luxembourg, en revanche, il est logique, comme le soulignent les commentaires querellés par le recours, que lorsque ces actes n’ont pas une telle finalité thérapeutique ils soient assujettis à la TVA.
(27 décembre 2021, Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE), n° 453928)
88 - Circulaire du garde des sceaux relative à la lutte contre la fraude fiscale – Contribuable déchargé des impositions et pénalités litigieuses par arrêt définitif – Absence d’intérêt lui donnant qualité pour agir – Non-transmission de la QPC – Rejet.
Le contribuable qui a obtenu du juge administratif, par un arrêt d’appel confirmé par le Conseil d’État, la décharge totale des impositions et pénalités mises à sa charge, n’a plus d’intérêt lui donnant qualité pour agir en contestation de la légalité d’une circulaire du garde des sceaux applicable à sa situation fiscale non plus que pour introduire une QPC dirigée contre l’atteinte que portent les art. 1729 et 1741 du CGI, commentés par cette circulaire, à des droits ou libertés garantis par la Constitution.
(27 décembre 2021, M. D., n° 457564)
89 - Pacte civil de solidarité (pacs) – Partenaires d’un pacs – Solidarité en matière d’impôt - Représentation mutuelle dans les instances relatives aux dettes fiscales – Rejet.
Il résulte des dispositions combinées de l’art. 6 du CGI et de l’art. R. 411-5 du CJA que les partenaires d'un pacs ont toujours la qualité de codébiteurs solidaires de l'impôt sur le revenu.
Il suit de là que, dans les instances relatives à leur dette fiscale, ils sont réputés se représenter mutuellement.
C’est donc sans erreur de droit qu’en l’espèce une cour administrative d’appel a jugé que les dispositions de l'article R. 411-5 du CJA relatives aux requêtes collectives n'étaient pas applicables à leur requête devant le tribunal administratif. Celui-ci a donc régulièrement communiqué le mémoire en défense de l'administration fiscale et l'avis d'audience à un seul des deux membres du pacs sans l'aviser préalablement qu'il était considéré comme représentant unique.
(28 décembre 2021, MM. D. et A., n° 447510)
90 - Bail à construction – Prix consistant en une remise gratuite d’immeubles en fin de bail – Valeur des immeubles constituant un revenu foncier – Confusion des qualités de bailleur et de preneur en cours de bail – Situation constituant une résiliation anticipée du bail – Nature de revenu foncier de la remise gratuite des biens – Rejet.
Des dispositions combinées des articles 33 bis et 33 ter du CGI il résulte que dans le cas où le prix d'un bail à construction consiste, en tout ou en partie, dans la remise gratuite d'immeubles en fin de bail, la valeur de ces derniers, calculée d'après leur prix de revient, constitue un revenu foncier perçu par le bailleur à la fin du bail.
Dans le cas où, du fait de plusieurs actes concomitants cédant au même acquéreur, avant le terme du bail, les biens et droits respectifs du bailleur et du preneur, la réunion des qualités de bailleur et de preneur en la même personne, a les mêmes effets au regard de la loi fiscale que la résiliation anticipée du bail impliquant la remise des constructions au bailleur et par suite l'application à son égard des dispositions des articles 33 bis et 33 ter du code général des impôts. Cette conséquence n’est en rien affectée par le fait qu’au regard des règles du droit civil cette confusion constitue une cause d'extinction des obligations issues du bail.
La solution, qui pourrait surprendre, est logique.
(29 décembre 2021, M. L., n° 438856)
91 - Taxe sur les salaires – Exonération en faveur des établissements d’enseignement supérieur – Qualité d’établissement d’enseignement supérieur – Absence à défaut d’agrément des formations qui y sont dispensées – Rejet.
C’est sans erreur de droit qu’une cour administrative d’appel juge que l’association requérante ne saurait se prévaloir du bénéfice de l’exonération de la taxe sur les salaires instituée par le 1. de l’art. 231 du CGI en faveur des établissements d’enseignement supérieur dès lors que l’organisme qu’elle gère n’en est pas un car, dispensant des enseignements de kinésithérapie et d’odontologie, il n’a pas sollicité l’agrément de ses formations prévu à l’art. L. 731-6-1 du code de l’éducation.
(29 décembre 2021, Association Centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI), n° 438997)
(92) V. aussi, à propos du même organisme, s’agissant du refus de lui accorder la décharge de la cotisation foncière des entreprises : 29 décembre 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 439408, n°439411 et n° 439413.
93 - Impôt sur les sociétés – Déduction des charges financières d’un prêt intragroupe – Appréciation de la pertinence du taux d’intérêt consenti à l’entreprise emprunteuse – Comparaison avec les taux pratiqués par les organismes financiers dans des conditions analogues – Prise en compte de la prise de risque – Erreurs de droit – Cassation avec renvoi.
La société requérante, qui appartient à un groupe mondial spécialisé dans la fabrication d'outillage, a demandé en vain, à l’administration et au juge, la restitution partielle d’impositions primitives et de contributions sociales en raison de ce qu’elle estimait déductibles certaines charges financières, notamment les frais et charges financiers résultant d’un emprunt intragroupe souscrit par elle auprès de sa société mère pour un taux de 6%. Le débat contentieux s’est fixé, à titre principal, sur le montant de ce taux d’intérêt. Toute la question étant de savoir s’il est manifestement exagéré au regard de ce que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.
Le Conseil d’État juge que ce taux s'entend du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Le profil de risque doit en principe, pour l'application de ces dispositions, être apprécié au regard de la situation économique et financière consolidée de l'entreprise emprunteuse et de ses filiales.
Le Conseil d’État a en outre précisé que l'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.
L’arrêt de la cour est cassé du chef de non-respect de ce schéma d’analyse et d’appréciation.
(29 décembre 2021, Société Apex Tool Group, n° 441357)
94 - Contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement – Activité non salariée exercée occasionnellement – Assujettissement à cette contribution – Rejet sur ce point.
A l’occasion d’un litige relatif au statut fiscal de la somme provenant de l’exercice d’un arbitrage dans l’un des dossiers concernant Bernard Tapie, se posait la question de savoir si cette somme devait être assujettie aux contributions sociales alors d’une part qu’elle procédait d’une activité non salariée et d’autre part qu’elle constituait un revenu accessoire.
Au visa de dispositions du code de la sécurité sociale (art. L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-3) et du CGI (I de l’art. 1600-0 F), le Conseil d’État juge que les revenus tirés d'une activité non salariée sont assujettis à la contribution sociale sur les revenus d'activité dès lors que cette activité est exercée à titre professionnel, et cela sans considérer si elle est exercée à titre accessoire ou non.
(30 décembre 2021, M. et Mme E., n° 437774)
95 - Contribuable déclaré, par jugement d’un TGI, solidairement responsable du paiement d’un impôt fraudé – Jugement constituant un « événement » au sens de l’art. R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) – Action en justice déclarée à tort irrecevable – Annulation.
Par jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 15 janvier 2018, l’intéressé, sur le fondement de l'article L. 267 du LPF, avait été déclaré solidairement responsable du paiement d’un impôt fraudé (TVA) qui avait été réclamé à une société Capindus.
Il avait présenté une réclamation préalable au directeur des services fiscaux qui l’avait rejetée le 15 mars 2019 et il avait saisi le juge administratif.
La cour administrative d’appel a jugé irrecevable la réclamation préalable présentée à l’administration fiscale par le requérant et donc rejeté son appel car il n'avait pas encore été personnellement mis en demeure par l'administration fiscale d'acquitter les impositions en cause à la date à laquelle a été rejetée sa réclamation.
Or le jugement du 15 janvier 2018, assorti d’ailleurs de l’exécution provisoire et qui lui avait été signifié, l’avait déclaré solidairement responsable du paiement des droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Capindus. Déclaré solidaire en paiement de l’impôt fraudé, le requérant était dès cet instant devenu débiteur solidaire de l'impôt, situation qui constitue un « événement » au sens et pour l’application de la première phrase du c) du premier alinéa de l’art. R. 196-1 du LPF qui déclare recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle : « De la réalisation de l’événement qui motive la réclamation ». En l’espèce c’est bien le jugement du TGI qui constitue l’événement.
Le rejet pour irrecevabilité est annulé pour erreur de droit.
(30 décembre 2021, M. C., n° 442804)
96 - Imposition des revenus fonciers – Location du droit de chasse – Simples participations à des parties amicales de chasse – Absence d’assujettissement à l’impôt sur le revenu – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
Le Conseil d’État aperçoit une erreur de droit dans l’arrêt qui juge fondé l’assujettissement de la requérante à l’imposition sur les revenus fonciers à raison de la mise à disposition de son droit de chasse.
En effet, le juge considère que « Ne peut constituer une location du droit de chasse, au sens des dispositions de l'article 29 du (CGI…), l'autorisation donnée par le propriétaire à des tiers de chasser sur son territoire à l'occasion de parties de chasse qu'il organise lui-même. » Tel était bien le cas en l’espèce où les contributions de chasseurs pour participation, au cours des années 2014 et 2015, à « huit parties amicales de chasse » selon les propres termes de l’arrêt d’appel, s’étaient élevées à 27 105,00 euros.
(24 décembre 2021, Mme C., n° 446266)
Droit public de l'économie
97 - Encadrement des loyers - Absence d'intervention de l'arrêté préfectoral mettant en oeuvre la loi établissant le dispositif expérimental d'encadrement des loyers - Défaut d'urgence - Absence d'atteinte aux droits des propriétaires - Rejet.
Une requête en référé a pour objet d'obtenir la suspension du décret du 2 septembre 2021 fixant le périmètre du territoire de la métropole Bordeaux Métropole sur lequel est mis en place le dispositif d'encadrement des loyers prévu à l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
Cette requête est rejetée, d'une part, pour défaut d'urgence car elle est dirigée contre un décret qui se borne à délimiter un périmètre d'application d'une disposition législative sans fixer lui-même le loyer de référence, lequel résultera d'un arrêté préfectoral qui n'a pas encore été pris, et d'autre part du fait que l'exécution dudit décret ne saurait, par elle-même, affecter directement et immédiatement les intérêts des propriétaires.
(ord. réf. 1er décembre 2021, Association UNPI 33, n° 458158)
(98) V., identique au précédent : ord. réf. 1er décembre 2021, Association UNPI 34, n° 458160.
(99) V. aussi, relatif aux mêmes textes, le rejet de recours - après prise de l'arrêté préfectoral manquant dans les deux espèces précédentes - pour absence de fourniture au juge d'éléments précis permettant d'apprécier l'ampleur des atteintes alléguées aux droits des propriétaires : 1er décembre 2021, Association UNPI 69, n° 458159 ; 1er décembre 2021, Chambre des Propriétaires du Grand Paris, n° 458778.
100 - Aide au programme de financement des entreprises - Établissement producteur récoltant de champagne - Refus de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) - Régime de l'acte créateur de droits sous condition - Absence de retrait - Décision non soumise à l'obligation de motivation - Erreur de droit - Annulation et renvoi.
L'établissement public FranceAgriMer a accordé à une société producteur récoltant de champagne, le 25 août 2014, une aide financière dans le cadre du programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018. Cette décision précisait divers éléments : déroulement de la procédure d'instruction de la demande ; conditions de délivrance d'un accusé de réception, sans engagement financier, valant autorisation de commencer les travaux ; ensuite, décision d'octroi de l'aide, précisant les dépenses éligibles, le montant de l'aide et les obligations du bénéficiaire ; enfin, sur demande de paiement présentée par ce dernier, assortie des éléments permettant de vérification de la réalisation des actions prévues conformément aux conditions posées, et après contrôle de cette réalisation par FranceAgriMer, prise d'une décision de versement de l'aide.
Cet acte de FranceAgriMer avait incontestablement la nature d'une décision créatrice de droits et cela alors même que ces droits étaient subordonnés au respect de diverses conditions et à la présentation, dans un délai de deux mois après la date limite de réalisation des travaux, d'une demande de paiement assortie des justificatifs permettant de vérifier ce respect.
Prenant motif de ce que la date de commencement des travaux fixée par cette décision n'avait pas été respectée, FranceAgriMer a, le 9 octobre 2015, refusé de verser l'aide.
Le Conseil d'État, contrairement à la cour administrative d'appel, analyse ce refus non comme un retrait de la décision d'accorder une aide mais comme tirant les conséquences du constat que n'avait pas été respectée au moins l'une des conditions mises au versement de l'aide. Par suite, et en dépit du caractère créateur de droits de la décision initiale, la décision de refus du 25 août 2015 n'était pas soumise à la procédure contradictoire prévue et régie par l'art. 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
L'arrêt querellé est annulé pour être entaché de deux erreurs de droit en l'absence de caractère de retrait de la décision litigieuse et en l'absence de la procédure contradictoire nécessaire en ce cas.
(9 décembre 2021, FranceAgriMer, n° 433968)
101 - Question préjudicielle - Extension d'accords de l'interprofession des vins du Val de Loire - Faussement éventuel du jeu de la concurrence - Absence.
Par cette décision, le Conseil d'État statuait sur un renvoi préjudiciel du juge judiciaire d'une exception d'illégalité sur le point de savoir si les accords interprofessionnels conclus par l'interprofession des vins du Val de Loire, au regard de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne faussent le jeu de la concurrence entre viticulteurs et négociants vinificateurs pour les mêmes prestations de vente au détail.
Il est jugé qu'il résulte des stipulations de l'accord interprofessionnel de l'interprofession des vins du Val de Loire-InterLoire pour la période du 1er août 2014 au 31 juillet 2017 que durant l’application de celui-ci une cotisation volontaire obligatoire était due en totalité par le producteur en cas de vente directe aux consommateurs, ainsi qu'en cas de vente du producteur à des négociants situés en dehors de l'aire de production du ressort de l'association InterLoire et qu'en cas de vente du producteur à un négociant situé dans cette aire de production, la cotisation volontaire obligatoire était due par moitié par le producteur et par moitié par le négociant jusqu'au 31 décembre 2015 puis, à partir du 1er janvier 2016, en totalité par le négociant.
De là il résulte que le fait générateur de la cotisation volontaire obligatoire est, quel que soit le mode de distribution des vins, la première sortie des vins de la propriété et que les cotisations sont assises sur les volumes effectivement sortis de l'entrepôt suspensif de droits d'accises, de sorte que tous les vins d'appellation d'origine produits dans l'aire de production ou à partir de l'aire de production du ressort de l'association InterLoire sont soumis à cette cotisation.
Par ailleurs il n'est pas contesté que le producteur et le négociant vinificateur qui supportent la cotisation volontaire obligatoire, au demeurant de montants minimes, sont en droit de la répercuter sur leur prix de vente aux consommateurs ou aux autres négociants.
Le Conseil d’État en conclut, répondant directement à la question préjudicielle, que les accords et l'avenant contestés ne sauraient donc être considérés comme appliquant, à l'égard des viticulteurs et des négociants vinificateurs, des conditions inégales à des prestations équivalentes.
Les accords et l'avenant en cause ne méconnaissent donc pas l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
(9 décembre 2021, Interprofession des vins du Val de Loire (InterLoire), n° 447422)
102 - Covid-19 – Fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par l’épidémie – Limitation du plafond de la subvention – Aide accordée par société et non par établissement – Rejet.
Est rejetée la demande de la requérante tendant à l’annulation du décret n° 2020-1328 du 2 novembre 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation en tant qu’il limite l’octroi de l’aide de dix mille euros qu’il institue aux seules sociétés et non à chacun de leurs établissements. En effet, ni l’art. 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées ni aucun principe supérieur n’imposait au pouvoir réglementaire de procéder autrement dès lors que l’aide instituée n’est destinée qu’à des personnes physiques ou morales de droit privé touchées économiquement par l’épidémie non à des entités, tels les établissements, qui ne sont pas des personnes morales.
Le rejet est opéré au terme d’un raisonnement qui peut laisser dubitatif, satisfaisant davantage une logique d’économie de deniers publics qu’une logique de solidarité face à une situation exceptionnelle.
(21 décembre 2021, Société Cresmar, n° 451081)
103 - Redevances aéroportuaires – Homologation de leur tarif par l’Autorité de régulation des transports (ART) – Appréciation par l’ART de l’évolution « mesurée » des tarifs et de la « juste rémunération des capitaux investis » - Inexistence d’un plafond, même implicite, d’évolution tarifaire – Hausse de tarifs non accompagnée d’une hausse du niveau des services proposés aux usagers – Rejet.
La requérante contestait la décision de l'Autorité de régulation des transports du 22 décembre 2020 refusant l'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et de Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er avril 2021. Elle invoquait au soutien de sa prétention trois moyens principaux, tous rejetés.
En premier lieu, la requérante s’est méprise sur les critères que l’ART doit retenir en vue de prendre sa décision relative à l’homologation. Celle-ci doit veiller à la fois à une évolution modérée des tarifs afin de protéger les usagers contre des hausses excessives et à ce que l’exploitant reçoive une juste rémunération des capitaux investis.
Ensuite, la circonstance que l’ART ait refusé des hausses de 8,2%, de 9% et de 4,9% et qu’elle ait accepté des hausses de 3% et de 3,1% ne prouve pas l’existence d’un plafond d’évolution tarifaire limité à 3%.
Enfin, les hausses tarifaires proposées par l’exploitant n’étaient pas accompagnées d’une hausse du niveau de service proposé ou rendu aux usagers.
(28 décembre 2021, Société Aéroports de Lyon, n° 450025)
104 - Obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat – Répression des pratiques commerciales déloyales envers les consommateurs – Interdiction de la publicité poursuivant en droit interne un but de pluralisme des médias non de protection des consommateurs – Absence d’entrave à l’accès au marché français – Rejet.
La requérante demandait l’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande, reçue le 23 avril 2019, tendant à l'abrogation des deux derniers alinéas de l'article 8 du décret du 27 mars 1992 pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.
Elle soutenait d’abord la méconnaissance par ces dispositions de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. Ce moyen est rejeté car, relève le Conseil d’État, la finalité poursuivie par l'interdiction de publicité que prévoient les dispositions du décret du 27 mars 1992 dont l'abrogation était demandée par la société Lidl était, dès l'origine, non de protéger le consommateur mais de contribuer à la sauvegarde du pluralisme des médias et, en particulier, à l'équilibre économique et à l'indépendance de la radio et de la presse écrite, en leur réservant une part des recettes tirées de la publicité pour certaines opérations de promotion commerciale dans la grande distribution, ainsi que l'établit notamment la circonstance que cette interdiction ne couvre qu'une partie du territoire national et ne concerne que certains modes de publicité. Cette finalité n’a pas, depuis lors, changé. Il s’ensuit qu’est inopérant le moyen tiré de la contrariété du décret à la directive alors que l’un et l’autre n’ont pas le même objet.
Ensuite, la société requérante faisait valoir qu’en limitant la possibilité pour les annonceurs établis dans un autre État membre de l’Union que la France de bénéficier de prestations de diffusion de publicité télévisée, le décret attaqué était de nature à constituer une entrave à leur accès au marché français. Le moyen est rejeté car, d’une part, le but poursuivi, - à savoir la préservation du pluralisme des médias -, est au nombre des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier des restrictions à la libre prestation de services et d’autre part, les dispositions litigieuses étant applicables à l'ensemble des éditeurs de services, sans distinction, notamment, de leur nationalité, le refus d'abrogation du décret attaqué ne méconnaît pas le principe de non-discrimination.
(29 décembre 2021, Société Lidl, n° 433808)
105 - Autorité de régulation – Commission de régulation de l’énergie (CRE) – Réglementation des relations contractuelles entre gestionnaires et utilisateurs du réseau – Approbation des contrats conclus en conséquence – Exercice d’un pouvoir réglementaire conféré par la loi – Rejet.
La requérante demandait l’annulation pour incompétence de délibérations de la Commission de régulation de l'énergie portant, d’une part, pour celle du 24 octobre 2019, orientations sur le modèle de contrat Gestionnaire de Réseau de Distribution - Fournisseurs commun à tous les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité et, d’autre part, pour celle du 25 juin 2020, approbation du modèle de contrat d'accès aux réseaux publics de distribution d'Enedis pour les points de connexion en contrat unique.
En préalable de l’examen des différents moyens soulevés, et c’est là l’intérêt principal de cette décision, le Conseil d’État précise deux points très importants et très étroitement liés entre eux.
Il juge tout d’abord qu’il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 134-1 du code de l'énergie, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dont elles sont issues, « que le législateur a entendu confier à la Commission de régulation de l'énergie le soin de définir les règles relatives à l'organisation des relations contractuelles entre gestionnaires et utilisateurs du réseau afin de garantir le droit d'accès de ces derniers aux réseaux de transport et de distribution. »
Il juge ensuite que les dispositions du 6° de l'article L. 134-3 et celles de l'article L. 111-92-1 du même code, issues de la loi du 30 décembre 2017, « lui donnent, en outre, compétence pour approuver les modèles de contrats d'accès aux réseaux de distribution d'électricité conclus entre chacun des gestionnaires de réseaux publics de distribution et les fournisseurs. »
Il en déduit qu’en définissant un ensemble de règles, notamment en ce qui concerne la garantie financière à la charge du fournisseur, sous la forme d'un modèle de contrat relatif à l'accès au réseau public de distribution pour les points de connexion en contrat unique, la CRE a exercé la compétence réglementaire dont elle dispose en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 134-1 du code de l'énergie.
(29 décembre 2021, Société Joul, n° 437594 et n° 443328)
106 - Droit public de l’agriculture – Contrôle des structures des exploitations agricoles – Autorisation préfectorale d’exploitation de terres agricoles – Contestation – Appréciation de l’intérêt à agir contre cette autorisation – Annulation.
Est entaché d’erreur de droit l’arrêt qui, pour dire que les requérants ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'autorisation préfectorale délivrée en mars 2015 à une société civile d'exploitation agricole (SCEA) d’exploiter de nouvelles terres agricoles, a retenu d’une part que les requérants n'avaient pas déposé de candidature concurrente, d’autre part qu'ils n'avaient pas contesté l'autorisation délivrée à une autre candidate personne physique en février 2015, et, enfin, qu'ils ne pouvaient utilement se prévaloir, en raison du principe de l'indépendance de la législation du contrôle des structures des exploitations agricoles et de celle des baux ruraux, de ce que la validation de leur congé était toujours pendante devant le tribunal paritaire des baux ruraux.
En effet, le preneur en place justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir contre l'autorisation donnée à un autre exploitant d'exploiter les parcelles qu'il loue, même s'il ne s'est pas porté candidat pour obtenir l'autorisation d'exploiter ces terres en application des dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.
Pour l'application de cette règle, le preneur auquel il a été donné congé mais dont la contestation du congé est pendante devant le juge compétent doit être regardé comme ayant le même intérêt pour agir contre une autorisation d'exploiter donnée à un nouvel exploitant.
(29 décembre 2021, M. L. et GAEC de la Frête, n° 438492)
107 - Régime des appellations contrôlées en matière viti-vinicoles – Appellation Chablis - Délimitations de l’aire de production de l’appellation et de l’aire de proximité immédiate de l’appellation – Prépondérance des facteurs naturels dans le premier cas, des facteurs humains dans le second - Annulation et rejet partiels.
Le requérant demandait l’annulation la décision implicite de rejet née du silence gardé par le premier ministre sur sa demande du 29 novembre 2019 d'abrogation du décret du 2 décembre 2011 homologuant le cahier des charges de l'AOC Chablis, à tout le moins en tant que ce cahier des charges ne mentionne pas la commune d'Étaule au nombre des communes composant l'aire de proximité immédiate de l'appellation.
Il est jugé, en premier lieu, que l'aire de proximité immédiate du vin de Chablis dans laquelle peuvent avoir lieu les opérations de vinification, d'élaboration et d'élevage des vins, est composée de 482 communes réparties sur quatre départements, dont certaines se situent à plus de 200 kilomètres de l'aire géographique de production, et a été délimitée en fonction d'usages de vinification existant dans l'aire de production de l'appellation dite de repli, c'est-à-dire l'appellation la plus générale à laquelle les vins de l'AOC Chablis peuvent prétendre, en l'espèce celle de l'AOC Coteaux bourguignons. Le choix d'une telle aire de proximité immédiate n'est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facteurs naturels et humains propres à l'AOC Chablis. Le décret attaqué, qui résulte de ce choix, est donc entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit en tant qu'il prévoit une aire de proximité immédiate comprenant 482 communes.
Il est jugé, en second lieu, - dès lors qu’il n’est démontré ni que des usages de vinification de longue date étaient établis dans la commune d'Étaule, ni que le requérant pratiquait de longue date la vinification des raisins récoltés -, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que des facteurs humains suffisants justifieraient l'inclusion de la commune d'Étaule à titre pérenne dans l'aire de proximité immédiate. Par ailleurs, si le requérant soutient que la délimitation de l'aire de proximité immédiate n'est pas en rapport avec les facteurs naturels de l'appellation, sans d'ailleurs le démontrer, son argumentation est inopérante dès lors que, sauf cas particuliers, lorsque sont en cause les opérations de vinification, d'élaboration et d'élevage, les facteurs humains sont prépondérants pour déterminer l'aire de proximité immédiate, les facteurs naturels étant quant à eux prépondérants pour la délimitation de l'aire de production.
Dès lors, le moyen tiré de ce que les auteurs du décret attaqué auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en n'incluant pas la commune d'Étaule dans l'aire de proximité immédiate de l'AOC Chablis doit être écarté.
(29 décembre 2021, M. F., n° 439869)
108 - Logement social – Contrôle des organismes de logement social par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) – Régime des sanctions – Procédure contradictoire – Communication de rapports - Portée – Rejet.
Le code de la construction et de l’habitation confie à l’ANCOLS un pouvoir de proposition de sanction en cas de manquements aux dispositions législatives et réglementaires applicables, d'irrégularité dans l'emploi des fonds de la participation à l'effort de construction ou des subventions, prêts ou avantages consentis par l'État ou par ses établissements publics et par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, de faute grave de gestion, de carence dans la réalisation de l'objet social ou de non-respect des conditions d'agrément constatés. C’est dans ce cadre que, sur proposition de l’ANCOLS, le ministre chargé du logement a prononcé la sanction de la révocation à l’encontre du directeur général de l'office public de l'habitat (OPH) de Saint-Claude. Un contentieux s’en est suivi portant principalement sur la régularité de la procédure de sanction suivie en l’espèce.
Pour résoudre cette question, le Conseil d’État rappelle qu’il résulte tant des textes que du principe des droits de la défense que l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer au ministre chargé du logement et, le cas échéant, au ministre chargé des collectivités territoriales, de prononcer une sanction contre un organisme qu'elle a contrôlé ou contre l'un de ses dirigeants ou membres de son conseil d'administration, de son conseil de surveillance ou de son directoire qu'après que, s'agissant d'une sanction visant un organisme, le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de cet organisme, ou, s'agissant d'une sanction visant une personne physique, cette personne elle-même, après avoir été informée des griefs formulés à son encontre, ait été mis(e) en mesure de présenter utilement ses observations avant que le conseil d'administration de l'agence ne délibère sur la sanction proposée au ministre compétent.
Le premier alinéa de l'article L. 342-9 du code de la construction et de l'habitation prévoit à cet effet que : « Le rapport provisoire est communiqué à la personne concernée, au président ou au dirigeant de l'organisme concerné, qui est mis en mesure de présenter ses observations dans le délai d'un mois ». Toutefois, l'agence n'étant pas tenue, au titre de cette communication du rapport provisoire, d'indiquer à l'organisme contrôlé, ou à la personne physique mise en cause, ceux des constats pour lesquels elle envisage, le cas échéant, de proposer aux ministres compétents de prononcer une sanction, il lui incombe dans un tel cas, pour assurer le respect des exigences textuelles et du principe ci-dessus rappelé, d'assurer spécifiquement l'information de l'organisme ou de la personne mise en cause sur ce point.
Sur la forme que peut revêtir cette information, le Conseil d’État fait montre de souplesse : cette dernière peut notamment résulter de la transmission à l'organisme contrôlé ou à la personne mise en cause, dans des conditions lui permettant d'y répondre utilement, de la décision par laquelle le comité du contrôle et des suites de l'ANCOLS, mentionné à l'article R. 342-6 du code de la construction et de l'habitation, après avoir été saisi du rapport définitif de contrôle, indique au conseil d'administration de l'agence ceux des griefs figurant dans ce rapport pour lesquels il lui demande de proposer aux ministres compétents de prononcer une sanction.
Une telle transmission n'est toutefois de nature à assurer le respect des droits de la défense qu'à la condition que la proposition de sanction transmise par l'agence aux ministres compétents ne se fonde pas sur d'autres griefs que ceux retenus par le comité du contrôle et des suites.
En outre, en sus des exigences sus-rappelées liées aux droits de la défense, l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer une sanction aux ministres compétents à l'égard d'un organisme contrôlé qu'après que le conseil de surveillance, le conseil d'administration ou l'organe délibérant de cet organisme a été mis en mesure de présenter, en disposant à cette fin d'un délai de quatre mois, ses observations sur le rapport définitif de contrôle.
En revanche, aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'ANCOLS, en sus des exigences liées aux droits de la défense, de notifier ce même rapport définitif à une personne physique, dirigeant ou membre d'un conseil d'administration, d'un conseil de surveillance ou d'un directoire d'organisme contrôlé, à l'encontre duquel elle envisage de proposer une sanction, ni de mettre cette personne en mesure de présenter des observations sur le rapport définitif avant de proposer une sanction aux ministres compétents.
C’est donc à tort que le requérant, en l’espèce, soutenait qu'il aurait dû se voir communiquer le rapport définitif.
(29 décembre 2021, M. C., n° 443269)
Droit social et action sociale
109 - Salarié protégé - Licenciement pour inaptitude physique - Refus d'autoriser le licenciement - Annulation par la ministre du travail - Non-respect des obligations s'imposant à elle - Annulation avec renvoi.
Il incombe au ministre saisi d'un recours hiérarchique contre le refus de l'inspection du travail d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé et décidant d'annuler ce refus, d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que ce motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail, est illégal.
Par suite, commet une erreur de droit l'arrêt d'appel confirmatif qui juge que la ministre du travail n'était pas tenue de mentionner les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas devoir retenir chacun des motifs sur lesquels s'était fondée l'inspectrice du travail pour rejeter la demande d'autorisation de licenciement de M. B. et par suite annuler sa décision alors que ce refus était fondé sur ce que la réalité de l'inaptitude physique de M. B. à son poste de travail n'était pas démontrée, que l'employeur n'avait pas apporté la preuve de l'impossibilité du reclassement de l'intéressé et qu'il existait un lien entre les mandats exercés par le salarié protégé et la demande d'autorisation de licenciement, et en développant son argumentation au soutien de chacun de ces motifs.
(8 décembre 2021, M. B., n° 428118)
110 - Salarié protégé - Licenciement - Refus d'autorisation - Irrecevabilité du recours contre cette décision - Décision purement confirmative - Erreur de droit et de qualification juridique des faits - Annulation et renvoi.
Dans le cadre d'une procédure de licenciement d'un salarié protégé, la requérante avait saisi pour la troisième fois l'autorité administrative en vue d'en obtenir l'autorisation de le licencier. Cette demande ayant été à nouveau rejetée, la société a formé un nouveau recours contentieux qui a été jugé irrecevable par la cour administrative d'appel motif pris de ce que cette décision de refus était purement confirmative de la précédente ayant le même objet.
Sur pourvoi, le Conseil d'État annule l'arrêt pour erreur de droit et erreur dans la qualification juridique des faits car il ressort des pièces du dossier que cette troisième demande, qui avait certes le même objet que la précédente, reposait sur une cause juridique distincte dès lors que l'employeur n'invoquait plus, au soutien de sa demande d'autorisation, que deux des griefs initiaux.
On peut comprendre que la cour n'ait pas aperçu un tel distinguo.
(8 décembre 2021, Société Café de Flore, n° 433754)
(111) V. aussi, annulant, car entaché d'erreur de droit, l'arrêt décidant qu'en cas de discordance entre les termes d'un exploit d'huissier et des témoignages de salariés sur le comportement reproché à un salarié protégé qui a motivé la décision de le licencier, il y avait lieu de le faire profiter du doute sur sa réelle participation à des incidents électoraux.
En effet, il résulte des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers que les constatations de ces derniers font foi jusqu'à preuve contraire : 8 décembre 2021, Société Compagnie française d'entretien (COFREM) et société Aquanet services, n° 439631.
112 - Salarié protégé - Autorisation de licenciement - Faits reprochés justifiant le licenciement - Rejet.
Saisi d'un second pourvoi dans ce litige de droit du travail, le Conseil d'État avait notamment à apprécier la qualification donnée aux faits par la cour administrative d'appel. Il approuve son raisonnement selon lequel les faits reprochés revêtent un caractère suffisant de gravité pour justifier le licenciement de ce salarié protégé. En effet, le requérant a tenu, dans les locaux de l'entreprise, à proximité de la salle de convivialité où se trouvait un autre salarié, le 11 septembre 2012, des propos injurieux à l'encontre du secrétaire du comité d'entreprise et de son trésorier auquel il avait, en outre, adressé des menaces de mort. Il a refusé de façon répétée de respecter les consignes de sécurité fixées par le règlement intérieur de l'entreprise en s'abstenant d'emprunter le portique de l'entrée réservée aux piétons pour pénétrer sur le site de production et revendiquant en outre ces manquements.
(13 décembre 2021, M. A., n° 437134)
113 - Fixation du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) - Demande d'homologation - Obligation s'imposant à l'administration - Cas d'une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire - Entreprise appartenant à un groupe.
Par cette décision, s'appuyant principalement sur les dispositions du II de l'art. L. 1233-58, et sur celles des art. L. 1233-61 et 1233-62 du code du travail, le Conseil d'État renforce sensiblement l'exigence d'un contrôle étendu de l'administration du travail lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un PSE par une entreprise en liquidation ou en redressement judiciaire et qui fait partie d'un groupe implanté sur le territoire français. Cette jurisprudence confirme une tendance lourde du juge administratif à accentuer le contrôle in concreto sur les PSE.
Cette administration doit vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, que l'établissement du PSE par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise notamment en qu'il est réellement de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.
Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.
Il faut cependant critiquer l'emploi de la formule inadéquate « seul débiteur de l'obligation de reclassement » à propos de l'employeur : les « obligations » imposées par la loi sont bien obligatoires pour l'employeur, elles ne sont pas pour autant des « obligations » au sens technique du terme qui désigne des engagements librement consentis alors qu'en l'espèce ne se rencontrent que des décisions unilatérales, qu'il s'agisse de la loi ou du règlement.
(8 décembre 2021, M. F., n° 435919 ; M. P. et autres, n° 435923 ; M. AY., n° 435924 ; M. BU., n° 435925 ; M. BO., n° 435926 ; M. BW., n° 435927 ; M. J., n° 435929 ; M. AM., n° 435930, jonction)
114 - Mesures relatives au régime d'assurance-chômage - Décret du 30 mars 2021 pris à la suite de l'échec des négociations entre représentants de salariés et d'employeurs au sujet de l'assurance-chômage - Document de cadrage non mis à jour - Compatibilité avec les objectifs du document de cadrage - Calcul du salaire journalier de référence - Absence d'atteinte au droit à un revenu de remplacement - Caractère dégressif de l'aide au retour à l'emploi (ARE) - Différé d'indemnisation - Modulation de la cotisation des employeurs à l'assurance chômage - Rejet.
Cette décision s'inscrit dans un long processus contentieux né de la réforme de l'assurance chômage issue de l'art. 57 de la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel.
Plusieurs dispositions du décret du 26 juillet 2019 - qui a été pris en lieu et place de la négociation collective infructueuse - ont fait l'objet d'annulations par le Conseil d'État (cf. cette Chronique, novembre 2020, n° 95, à propos de : 25 novembre 2020, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, n° 434920 ; Syndicat Alliance Plasturgie et Composites du futur (Plastalliance), n° 434921 ; Confédération générale du travail - Force ouvrière, n° 434931 ; Union inter-secteurs papiers cartons pour le dialogue et l'ingénierie sociale et la fédération de la plasturgie et des composites, n° 434943 ; Union des entreprises de transport et de logistique et autres, n° 434944 ; Confédération générale du travail et Union syndicale Solidaires, n° 434960).
Le présent contentieux est relatif au décret du 30 mars 2021 insérant dans le décret du 26 juillet 2019 de nouvelles dispositions relatives notamment au calcul du salaire journalier de référence et à la modulation du taux de contribution des entreprises à l'assurance chômage en fonction de leur taux de séparation. Puis, par un décret du 8 juin 2021, le premier ministre a modifié les dispositions du décret du 26 juillet 2019 relatives à la prise en compte, pour la détermination du salaire journalier de référence, de certaines périodes de suspension du contrat de travail ou de rémunération réduite.
Le 22 juin 2021, le juge des référés du Conseil d'État a suspendu l'exécution de la date d'entrée en vigueur, fixée au 1er juillet 2021 par le décret du 30 mars 2021, des dispositions de ce décret relatives à la détermination du salaire journalier de référence.
Par un décret du 29 juin 2021, le premier ministre a abrogé les dispositions du décret du 30 mars 2021 relatives à cette date d'entrée en vigueur, prévu qu'une nouvelle date d'entrée en vigueur serait fixée par un décret en Conseil d'État et précisé que les dispositions relatives au salaire journalier de référence de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage demeureraient applicables jusqu'au 30 septembre 2021.
Les huit requêtes ci-dessous visées tendent à l'annulation pour excès de pouvoir des décrets du 30 mars 2021, du 8 juin 2021 et du 29 juin 2021.
Elles sont rejetées.
Aucune des critiques tenant à leur légalité externe n'a convaincu le juge et pas davantage celles portant sur leur légalité interne. En particulier, celles critiquant la compatibilité des dispositions litigieuses avec les objectifs du document de cadrage, la fixation du salaire journalier de référence (qui ne méconnaît ni les règles figurant aux art. L. 5422-2 et L. 5422-3 c. trav., ni le caractère « assurantiel » de ce régime, ni le principe d'égalité ni celui de non discrimination), l'atteinte prétendument portée au droit à un revenu de remplacement, etc.
(15 décembre 2021, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), n° 452209 ; Confédération générale du travail (CGT) et autres, n° 452783 ; Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), n° 452796; Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC) et autres, n°452831 ; Confédération générale du travail - Force ouvrière, n° 452836 ; Confédération française démocratique du travail, n° 452842 ; Union des entreprises de transport et de logistique (TLF), n° 453181 ; Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), n° 455121)
115 - Avis de droit – Licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité au comité social et économique – Nombre de salariés de l’entreprise – Procédure à suivre.
Répondant à une demande d’avis de droit, le Conseil d’État, se fondant sur les dispositions des art. L. 2311-2, L. 2312-1, L. 2312-4, L. 2421-3 et R. 2421-8 du code du travail, dit pour droit :
D’une part, que dans les entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés, le comité social et économique n'a pas à être consulté sur le projet de licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité du comité social et économique, sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 2312-4 du code du travail.
D’autre part, que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés, une telle consultation est requise dans tous les cas.
(29 décembre 2021, Mme L., n° 453069)
116 - Droit à prestations familiales – Droit au revenu de solidarité active (RSA) – Cas d’enfants mineurs d’un réfugié mineur qui sont à la charge d’ascendants – Rejet.
Il se déduit de diverses dispositions du code de l’action sociale et des familles (L. 262-4 et L. 262-5) et du code de la sécurité sociale (L. 512-2 et D. 512-2), par construction logique tirée de leur ligne générale, que lorsqu’ils sont à la charge effective de leurs ascendants au premier degré, les enfants mineurs d’un réfugié lui-même mineur sont éligibles aux prestations sociales et, par suite, doivent être pris en compte dans la détermination des droits au RSA.
(30 décembre 2021, Département de l’Oise, n° 446929)
117 - Licenciement d’un salarié protégé – Refus d’autorisation opposé par l’inspection du travail puis par le ministre – Office du juge saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ces refus – Méconnaissance – Annulation.
Méconnaît son office de juge de l’excès de pouvoir, la cour administrative d’appel qui, appelée à se prononcer sur la légalité du refus d’accorder une autorisation administrative du licenciement d’un salarié protégé, alors qu’il lui appartenait seulement de se prononcer sur la régularité de cette décision - fondée sur ce que le non-respect par le salarié de la clause du contrat de travail du requérant exigeant la possession d'un véhicule personnel ne caractérisait pas en l'espèce un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise -, relève le caractère « non pertinents » des motifs avancés par le salarié pour refuser d’acquérir un nouveau véhicule.
(30 décembre 2021, M. C., n° 436058)
118 - Maladies professionnelles – Pathologies liées à une infection par le virus du Covid-19 – Restriction jugée trop importante du champ d’application – Rejet.
Les requérants demandaient l’annulation tantôt intégrale tantôt celle seulement des articles 1er et 2 du décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 en tant que la désignation des maladies des tableaux n° 100 et 60 ne comprend que les affections respiratoires aiguës causées par une infection au SARS-Cov2 ayant nécessité une oxygénothérapie ou toute forme d'assistance ventilatoire ou ayant entraîné la mort et en tant que la liste limitative des travaux ne prend pas en compte l'ensemble des catégories de salariés confrontés de façon habituelle à du public.
Les différents recours, joints, sont rejetés.
Le décret attaqué a modifié, d'une part les tableaux des maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale, pour y insérer un tableau n° 100 intitulé « Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-COV2 » et, d'autre part, les tableaux de l'annexe II au livre VII du code rural et de la pêche maritime pour y insérer un tableau n° 60 ayant le même intitulé.
Il prévoit également, par dérogation, que le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie peut, en application du 3° de l'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale, confier à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles l'instruction de l'ensemble des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle liées à une contamination au SARS-CoV2 et comprenant : « 1° Un médecin-conseil relevant du service du contrôle médical de la Caisse nationale de l'assurance maladie ou de la direction du contrôle médical et de l'organisation des soins de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ou d'une des caisses locales, ou un médecin-conseil retraité ;
2° Un professeur des universités-praticien hospitalier ou un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle, réanimation ou infectiologie, en activité ou retraité, ou un médecin du travail, en activité ou retraité, remplissant les conditions prévues à l'article L. 4623-1 du code du travail, nommé pour quatre ans et inscrit sur une liste établie par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé. (...) ».
Les requérants faisaient porter leurs critiques sur deux points principaux.
En premier lieu, étaient querellées la désignation de la maladie et la liste des travaux. Le juge rejette les moyens développés à ce titre après avoir rappelé que les conditions (cf. art. L. 461-1 c. séc. soc.) qui définissent la manière dont sont contractées les maladies et qui sont susceptibles de figurer, à ce titre, dans les tableaux désignant les maladies présumées d'origine professionnelle, ne peuvent légalement porter que sur le délai maximum de constatation d'une maladie, la durée d'exposition ou la liste limitative des travaux à même de provoquer une maladie et que ces conditions ne sauraient méconnaître le principe de présomption d'imputabilité posé par le deuxième alinéa de l’article L. 461-1 et par l'article L. 461-2 du même code.
D’abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué aurait inexactement apprécié les données scientifiques alors disponibles en retenant, pour désigner les maladies présumées d'origine professionnelle qu'il a définies, les seules affections respiratoires aiguës causées par une infection au SARS-CoV2, et en les caractérisant par le recours qu'elles ont nécessité à une oxygénothérapie ou toute autre forme d'assistance ventilatoire, attestée par des comptes rendus médicaux, ou le décès qu'elles ont entraîné.
Ensuite, a été utilisé un critère objectif, conforme à l’art. L. 461-1 c. séc. soc., quand pour déterminer les travaux susceptibles de provoquer une maladie causée par une infection au SARS-CoV2, le décret litigieux a retenu les activités dont les conditions d'exercice impliquent un contact avec des personnes déjà infectées ou plus particulièrement exposées à la maladie.
Encore, ce texte n’établit pas une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard des différences de situation existant entre les différents professionnels. Par ailleurs, il n’interdit nullement aux victimes soumises aux dispositions de l'article L. 461-1 précité et ne remplissant pas les conditions prévues par les tableaux n° 100 et 60 d'obtenir la reconnaissance d'une maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Enfin, il est rappelé qu’aux termes des art. L. 3131-1 et L. 3131-10 du code de la santé publique, les professionnels de santé, y compris bénévoles, amenés à exercer leur activité auprès des patients ou des personnes exposées à une catastrophe, une urgence ou une menace sanitaire grave, dans des conditions d'exercice exceptionnelles décidées par le ministre chargé de la santé en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, bénéficient des dispositions de l'article L. 3133-6 du même code, c’est-à-dire la réparation intégrale du préjudice subi.
En second lieu, s’agissant de la désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ni le rôle dévolu au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie pour organiser, de façon dérogatoire, l'examen des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle liées à une contamination au SARS-CoV2, ni la modification dans la composition de ce comité pour l’exercice de cette compétence ne comportent d’erreurs manifestes d’appréciation, ne remettent en cause le principe de confiance légitime, ne méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, le principe de sécurité juridique, non plus, en tout état de cause, que le principe de confiance légitime.
(30 décembre 2021, Association Coronavictimes et Association Comité anti-amiante Jussieu, n° 444500 ; Association nationale des victimes de l'amiante, n° 446453 ; Fédération nationale Sud santé sociaux, n°446455 ; Union interfédérale des agents de la fonction Force ouvrière et autres, n° 446459 ; Fédération CFDT Santé-Sociaux et autres, n° 446462, jonction)
(119) V. aussi, à propos de la circulaire du 18 décembre 2020 relative à la reconnaissance des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 dans la fonction publique de l'État, le rejet du recours : 30 décembre 2021, Union syndicale Solidaires fonction publique, n° 449905.
(120) V. également, les recours dirigés contre l'instruction DGOS/RH3/2021/5 du 6 janvier 2021 du ministre de la santé et des solidarités relative à la reconnaissance des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2 dans la fonction publique hospitalière : 30 décembre 2021, Fédération nationale Sud santé sociaux, n° 449913 ; Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force Ouvrière et M. C., n° 450447, jonction.
Élections et financement de la vie politique
121 - Élections municipales - Règlement direct de menues dépenses - Conditions - Absence - Rejet du compte - Inéligibilité - Rejet.
Si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de sa campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, en prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles qui ont été réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et qu'il soit négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.
En l'espèce, le montant de ces dépenses a constitué 51,9 % du montant total des dépenses de campagne du requérant et 14,6 % du plafond des dépenses électorales autorisées dans la circonscription de Dieppe. C'est sans erreur de droit que son compte a été rejeté.
La sanction de six mois d'inéligibilité infligée en première instance est justifiée.
(1er décembre 2021, M. C., Élections municipales de Dieppe, n° 450985)
(122) V. aussi, confirmant entièrement
1 - le jugement de première instance sur le caractère infractif du comportement et sur la durée de l’inéligibilité : 28 décembre 2021, M. C., Élections municipales de Gennevilliers, n° 448519 ; 30 décembre 2021, M. C., Élections municipales de Sainte Rose, n° 453352 ; 30 décembre 2021, M. A., Élections municipales de La Seyne-sur-Mer, n° 453053 et 30 décembre 2021, M. B., Élections municipales de La Seyne-sur-Mer, n° 452161 ; 30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Canet-en-Roussillon, n° 448692 ; sur cette dernière commune voir aussi l’affaire n° 448694, rapportée dans la liste figurant au n° 135 .
2 - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques rejetant un compte de campagne : 28 décembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villefranche-de-Rouergue, n° 448932 ou encore : 30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Avignon, n° 452048.
(123) V. également,
1 - Relevant que la modestie des irrégularités affectant le compte ce campagne, si elle le rend ipso facto irrégulier, ne justifie nullement la sanction d'inéligibilité de 18 mois infligée en première instance ; elle est ramenée à six mois par le juge d'appel : 9 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune Bordeaux, n° 451567.
2 - Tenant compte de ce que le dépôt tardif du compte de campagne était en réalité expliqué par la perte par les services postaux du pli que le candidat avait adressé à la Commission dans les délais et de l'affirmation du candidat - non contredite - de l'absence de réception de la mise en demeure de régulariser l'absence de dépôt de son compte qui lui aurait été adressée par la Commission, d’où le prononcé l'annulation de l'inéligibilité pour douze mois infligée en première instance : 17 décembre 2021, M. A., El. min. et cnautaires de la commune du Havre, n° 451850.
3 – Confirmant l’inéligibilité de deux mois du candidat pour dépôt tardif du compte en dépit de la force majeure tirée de l'impossibilité matérielle, avant l'expiration du délai, d'accéder au compte bancaire dédié au financement de sa campagne du fait de la modification tardive de ce compte par la banque domiciliataire postérieurement au changement de son mandataire financier ; cette circonstance, quoique regrettable puisqu'elle ne lui a pas permis de disposer de compte bancaire pour l'encaissement et le paiement de sa campagne, ne constitue pas une impossibilité matérielle d'établir le compte de campagne, par ailleurs excédentaire, dont il résulte de l'instruction qu'il n’en a confié l'établissement à un expert-comptable qu'à la fin du mois d'août 2020, soit après l'expiration du délai précité : 30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Antibes, n° 448472.
(124) V. encore,
1 – Annulant un jugement ayant déclaré l’intéressé inéligible et démissionnaire d’office motif pris, d’une part, de ce que celui-ci, postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a communiqué au tribunal administratif son compte de campagne visé par un membre de l'ordre des experts-comptables sans que ce compte ne comporte d'irrégularités ni ne présente de différences notables avec celui qui avait été soumis préalablement à ladite Commission et, d’autre part, du faible montant des recettes et des dépenses du compte, qui s'établissent respectivement à 9 100 euros et à 6 627 euros, ainsi qu’au caractère non délibéré du manquement en cause : 30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, n° 451816.
On lira aussi, assez voisin en substance : 30 décembre 2021, M. A., Élections municipales de Perpignan, n° 450415.
2 - Ramenant de dix-huit mois à neuf mois la sanction de l’inéligibilité compte tenu que ce n’est pas frauduleusement que le dépôt du compte de campagne n’a pas été effectué avant l’expiration du délai légal : 21 décembre 2021, Mme A., Élections municipales de Sada, n° 453600.
3 - Plus discutable ou, en tout cas, manifestant un traitement par trop inégalitaire, est la décision d’appel qui ramène de trois ans à un an la période d’inéligibilité pour un candidat qui n’a pas déposé son compte dans les délais prescrits, ne l’a pas fait présenter par un expert-comptable et qui a prétendu n’avoir eu ni recettes ni dépenses alors que chacun de ces deux postes s’élève à plus de vingt mille euros : 21 décembre 2021, M. A., Élections municipales de Tsingoni, n° 454008.
Une observation identique peut être faite à propos d’une décision ramenant de 30 mois à 24 mois la durée de l’inéligibilité consécutive au non-respect de diverses règles régissant la tenue et la présentation du compte de campagne. Il convient de relever car le fait est très rare, que le Conseil d’État décide que ce délai d’inéligibilité commencera à courir à compter de la présente décision : 30 décembre 2021, M. C., Élections municipales de Sainte Rose, n° 453393.
4 – Jugeant que c’est à bon droit qu’a été rejeté un compte de campagne dès lors que le candidat a directement payé une somme de 740 euros, soit 12,8% du montant total des dépenses déclarées dans son compte de campagne, lesquelles s'élèvent à 5 738 euros, et 3,9% du plafond des dépenses applicable à l'élection, soit 18 745 euros, ces montants n’étant ni faibles au regard du total des dépenses de campagne de M. C., ni négligeables au regard du plafond des dépenses : 30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune du Thor, n° 453921.
Solution comparable à la précédente mais avec des plafonds plus élevés, respectivement à 59% et à 8% : 30 décembre 2021, M. D., Élections municipales d’Avignon, n° 450823.
5 – Confirmant le rejet d’un compte de campagne, la démission d’office et l’inéligibilité d’une année prononcés à l’égard d’un candidat qui « a manqué tant à l'obligation de présenter son compte de campagne par un expert-comptable qu'à celle imposée à son mandataire financier d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières (, qui …) s'est abstenu de procéder aux régularisations demandées par la CNCCFP et n'a jamais sérieusement justifié de l'impossibilité de respecter les dispositions qui s'imposaient à lui » : 30 décembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Montmagny, n° 453532.
Dans le même sens, avec inéligibilité de six mois : 30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Arnouville, n° 448536.
125 - Élections des conseillers des Français de l’étranger des 29 et 30 mai 2021 – Protestations en vue de l’annulation des élections – Rejets.
Un contentieux assez nourri s’est développé du chef des opérations électorales qui se sont tenues le 30 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger.
Les requêtes, fondées sur des moyens divers, sont toutes rejetées.
On se borne à recenser certaines d’entre elles pour les lecteurs intressésromieu :
30 décembre 2021, Circonscription du Portugal, n° 453463 ;
30 décembre 2021, 2ème circonscription du Brésil, n° 453506 ;
30 décembre 2021, Ensemble des circonscriptions où au moins un siège était à pourvoir, n° 453524 ;
30 décembre 2021, Circonscription Cameroun-Guinée équatoriale, n° 453430 ;
30 décembre 2021, Circonscription de Tunisie-Libye, n° 453397 ;
30 décembre 2021, Circonscription Maurice-Seychelles, n° 453656.
126 - Référendum en Nouvelle-Calédonie - Troisième consultation sur l'accession de ce territoire à l'indépendance - Demande de report du scrutin - Situation sanitaire - Absence d'atteinte à une liberté fondamentale - Rejet.
Les requérants sollicitaient, par un référé liberté, la suspension de l'organisation du troisième référendum en vue de l'accession de la Nouvelle-Calédonie à l'indépendance prévu le 12 décembre 2021. Le recours est rejeté, le juge estimant qu’aucune atteinte n'a été portée à une liberté fondamentale.
La situation sanitaire existant sur l'archipel n'est pas telle qu'elle empêche ou rende difficile le déroulement de la campagne ou celle du scrutin prévu, d'autant que cette situation est en voie d'amélioration et que des mesures de protection des électeurs ont été prises.
L'existence de règles coutumières de deuil des victimes décédées du Covid-19, dont le déroulement coïnciderait avec la période électorale ne caractériserait pas l'atteinte à une liberté fondamentale en dépit de l'organisation de grandes cérémonies traditionnelles et de l'instauration d'une période de recueillement.
La circonstance que des électeurs seraient empêchés de s'inscrire dans des bureaux de vote délocalisés à Nouméa du fait de l'épidémie comporte en réalité suffisamment de correctifs et de palliatifs pour leur permettre d'exercer leur droit de vote sans qu'il soit porté atteinte à une liberté fondamentale.
Semblablement, ne saurait être invoquée la proximité de ce référendum avec les élections présidentielles d'avril 2022.
(ord. réf. 7 décembre 2021, Mme D. et autres, n° 459131)
127 - Élections régionales - Présentation des bulletins d'une liste - Irrégularité - Absence de nullité desdits bulletins - Rejet.
Ne sont pas nuls par eux-mêmes les bulletins de vote d'une liste qui, bien que ne reprenant pas l'intitulé de cette liste, reprennent les nom et prénom du candidat désigné tête de liste régionale et ceux de chacun des candidats composant cette liste, répartis par section départementale et dans l'ordre de présentation de la liste, et précisent le nom des partis politiques nationaux soutenant cette même liste.
(10 décembre 2021, Mme G., Élections au conseil régional de Normandie, n° 454363)
(128) V. aussi, à propos des conditions d'éligibilité aux élections régionales, jugeant que la double condition exigée pour l'éligibilité (inscription sur une liste électorale ou preuve de devoir y être et assujettissement à l'une des contributions directes au 1er janvier de l'année de l'élection), est satisfaite par une personne qui est assujettie à la taxe d'habitation dans une ville de la région sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'elle n'allègue pas avoir son domicile dans cette région ou qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle occuperait effectivement le logement au titre duquel elle était redevable de la taxe d'habitation : 20 décembre 2021, Mme I. et autres, Élections au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 454289 ; M. U. et autres, Élections au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 454312 ; Mme G., Élections au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 454339.
(129) V., rappelant à propos d’élections régionales, mais la solution vaut pour toutes espèces d’élections, qu’est – classiquement - irrecevable la protestation électorale qui se borne à contester les résultats d’un tour de scrutin sans solliciter la modification de son résultat : 22 décembre 2021, M. F., Élections au conseil régional de Normandie, n° 454376.
(130) V. également, rejetant l’ensemble des griefs contenus dans une protestation tendant à l’annulation d’élections régionales : 27 décembre 2021, M. J., Élections au conseil régional des Hauts-de-France, n° 454335.
131 - Élections municipales - Entrepreneur de services municipaux - Inéligibilité - Circonstances de fait indifférentes à cette qualification et à sa sanction - Annulation.
Une délicate question de droit en matière d'inéligibilité est ici tranchée.
En vertu des dispositions du 6° de l'art. de l'art. L. 231 du code électoral, les entrepreneurs de services municipaux ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois. Une double question se posait.
La première, classique, était celle de la détermination de « l'entrepreneur de services municipaux ». En l'espèce, l'intéressé jouait un rôle prépondérant dans une entreprise ayant conclu avec la commune en 2011 une convention en vue d'assurer le déneigement de la commune, qui a été renouvelée le 24 septembre 2018 puis dénoncée par l'intéressé le 8 janvier 2020. Il suit de là que cette société participait à cette date au service municipal d'entretien de la voirie et cela moins de six mois avant la date du premier tour de l'élection contesté : l'intéressé avait bien la qualité d'entrepreneur d'un service municipal.
La seconde question était la plus difficile.
Pour sa défense, le défendeur invoquait la double circonstance que cette société n'avait plus fourni de prestation à la commune depuis plus de six mois et qu'en toute hypothèse une seule facture d'un montant de 486 euros avait été émise au titre de cette convention en 2019.
Dura lex sed lex : l'intéressé n'en tombe pas moins sous le coup de la prohibition légale et était donc inéligible à la date à laquelle il a été élu.
On pourra ne pas trouver trop amène cette solution…
(21 décembre 2021, M. D. G. et M. B. G., Élections municipales de Villequier-Aumont, n° 445969).
132 - Élections municipales et communautaires – Procurations régulières non acheminées en temps utile – Absence de manœuvre – Adjonction hypothétique de suffrages aux résultats des candidats battus – Liste arrivée en tête ne pouvant plus être proclamée élue – Annulation du jugement et des deux tours de scrutin.
Cette décision se signale à l’attention par le motif de l’annulation des deux tours de scrutin qu’elle prononce et, par voie de conséquence, du jugement de première instance qui avait rejeté la protestation dont il était saisi.
Les procurations, régulièrement établies par cinq électeurs, n’étaient pas parvenues en temps utile pour pouvoir être utilisées le jour du vote. Le juge a donc hypothétiquement ajouté ces voix à celles obtenues par les candidats battus. Il en résulte que l’une de ces listes aurait quatre voix de plus que celle arrivée en tête : l’élection ne peut qu’être annulée.
(27 décembre 2021, M. O., Él. mun. et cnautaires de la commune de L’Etang-Salé, n° 450347 ; M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de L’Etang-Salé, n° 450779 ; M. Q. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de L’Etang-Salé, n° 450782, jonction)
(133) V. aussi, sur le contentieux des procurations électorales : 30 décembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Dugny, n° 450740.
134 - Élections municipales et communautaires – Irrégularités diverses – Faussement des résultats du scrutin – Faible écart de voix – Confirmation de l’annulation des résultats.
L’édition d’un bulletin municipal dressant en termes flatteurs un bilan élogieux du mandat du maire sortant, une cérémonie des vœux très orientée en faveur du maire sortant et critique à l’égard de la municipalité précédente, l’utilisation à cet effet des ressources de la commune et alors que deux voix seulement séparent le nombre de suffrages recueillis par la liste proclamée victorieuse et la majorité absolue des suffrages exprimés, sont de nature à avoir faussé les résultats du scrutin, d’où la confirmation de son annulation en première instance.
(30 décembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune du Lamentin, n° 449874)
135 - Élections municipales et communautaires – Protestation comportant des griefs divers et multiples – Rejets.
On signale ces décisions aux lecteurs bien qu’elles ne revêtent pas, en droit ou même en fait, d’importance particulière car elles sont très illustratives de la panoplie des moyens le plus souvent développés au soutien de protestations électorales.
(30 décembre 2021, M. K., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Annecy, n° 450359 ;
30 décembre 2021, M. H., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fresnes, n° 451385 ;
30 décembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Garges-lès-Gonesse, n° 451087 ;
30 décembre 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sarcelles, n° 450845 ;
30 décembre 2021, M. G., Élections municipales de la commune de Colombes, n° 450810 ;
30 décembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune de Fontenay-le-Comte, n° 450527 ;
30 décembre 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Aubière, n° 450099 ;
30 décembre 2021, M. F., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Anse-Bertrand, n° 445556 ;
30 décembre 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Canet-en-Roussillon, n° 448694 ;
30 décembre 2021, M. G., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Annemasse, n° 449172)
136 - Élections municipales et communautaires – Absence de mention sur les bulletins de la nationalité portugaise de l’un des candidats – Émargements ne garantissant pas l’authenticité du vote – Confirmation de l’annulation de l’élection – Rejet.
Deux motifs, retenus par les premiers juges pour prononcer l’annulation d’opérations électorales, sont repris par le juge d’appel.
En premier lieu, est relevée l’omission de porter sur les bulletins la mention de la nationalité portugaise de l’un des candidats, sans que la circonstance qu’il occupait la 35ème place sur une liste de 49 candidats puisse faire échec à la nullité ainsi constatée.
En second lieu, trente des émargements du second tour (le tribunal administratif en avait, lui, relevé cinquante) ont été jugés dépourvus d’authenticité car ils présentaient des différences manifestes par rapport à ceux du premier tour. Ce chiffre excède notablement l’écart de cinq voix qui sépare les deux listes en présence au second tour.
(30 décembre 2021, M. AA., Él. mun. et cnautaires de la commune de Neuilly-sur-Marne, n° 449430)
137 - Élections municipales et communautaires – Rejet du compte de campagne d’une candidate élue – Démission d’office – Remplacement par une élue déclarant ne pas vouloir siéger au conseil municipal – Erreur de droit – Désignation d’une autre élue – Annulation sur ce point.
Lorsque, par suite du rejet de son compte de campagne, une candidate est déclarée inéligible et, par conséquent, démissionnaire d’office, elle ne peut être remplacée par une élue qui a déclaré ne pas vouloir siéger au conseil municipal. Il incombe en ce cas au juge saisi de désigner une autre élue en remplacement.
(30 décembre 2021, Mme A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sainte-Maxime, n° 451110)
138 - Élections municipales et communautaires – Déroulement de la campagne – Publication d’apparence satirique contenant des allégations virulentes – Extrême difficulté d’y apporter une réponse utile – Altération de la sincérité du scrutin – Annulation des élections confirmée en appel.
La mise en cause, dans une publication prétendument satirique créée pour la période électorale, au moyen d’imputations injurieuses et diffamatoires mettant en cause la probité d’un candidat de manière particulièrement grave en des termes excédant les limites de ce qui peut être toléré dans le cadre de la polémique électorale, aggravée, d’une part, par la large diffusion donnée à cette publication et, d’autre part, par la très grande difficulté à y apporter une réponse utile est de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé l’annulation des deux tours de scrutin.
(30 décembre 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Carros, n° 451036)
139 - Élections municipales et communautaires – Absence d’inscription sur les listes électorales - Absence d’inscription sur le rôle des contributions directes au 1er janvier de l’année de l’élection – Inéligibilité – Rejet.
Est irrecevable la protestation tendant à l’annulation d’opérations électorales formée par une personne qui, non inscrite au rôle des contributions directes au 1er janvier de l’année de l’élection, n’était donc ni éligible ni électrice.
Confirmation du jugement et rejet de l’appel.
(30 décembre 2021, Mme H., Él. mun. et cnautaires de la commune de Clapiers, n°445649)
140 - Élections municipales et communautaires – Différences dans les émargements entre les deux tours de scrutin – Nombre d’irrégularités excédant l’écart des voix – Confirmation de l’annulation des élections.
Ne retenant qu’un seul des trois motifs pour lesquels les premiers juges avaient annulé les opérations électorales du 28 juin 2020 dans cette commune, le Conseil d’État confirme l’annulation prononcée en première instance motif pris de ce que vingt émargements étaient irréguliers alors que l’écart entre les deux listes arrivées en tête n’était que de huit voix.
(30 décembre 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Capesterre-de-Marie-Galante, n° 446863)
Environnement
141 - Pêche à l'anguille de moins de douze centimètres - Pêche professionnelle - Quotas de pêche excessifs - Espèce en voie de disparition - Défaut d'urgence - Rejet.
La requérante demandait la suspension d'arrêtés du 21 octobre 2021, l'un de la ministre de la transition écologique relatif à l'encadrement de la pêche de l'anguille de moins de 12 centimètres par les pêcheurs professionnels en eau douce pour la campagne 2021-2022, l'autre, de la ministre de la mer, portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d'anguilles européennes (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche 2021-2022. Elle argüe de ce que les quotas de quantité d'anguilles pouvant être pêchées sont excessifs, d'une part, eu égard notamment à l'objectif d'intérêt public de restauration de l'anguille européenne, qui est une espèce en danger d'extinction, ainsi qu'aux intérêts de protection et de conservation de l'anguille et des milieux humides qu'elle défend et, d'autre part, car ces arrêtés méconnaissent le règlement européen du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes ainsi que le plan de gestion de l'anguille adopté par la France sur son fondement.
Ils invoquent aussi l'atteinte au principe de précaution et l'irrégularité affectant la consultation publique à laquelle ont été soumis les arrêtés contestés du fait de la méconnaissance de l'article L. 120-1 du code de l'environnement résultant d'une mauvaise et/ou d'une non connaissance par le public de certaines informations.
Le recours est cependant rejeté pour défaut d'urgence car il n'est pas plus possible de faire la part, au sein des causes de mortalité de l'anguille européenne, de ce qui relève de la pêche autorisée par le Gouvernement français des autres causes de mortalité anthropique, comme la dégradation des habitats, l'impact d'espèces invasives, le braconnage ou encore les prélèvements effectués dans les autres pays européens. Il résulte en revanche de l'instruction que la réduction demandée des quotas de pêche à l'anguille comme l'interdiction de toute pêche en eau douce serait de nature à porter gravement atteinte à l'équilibre économique des 505 entreprises de pêche professionnelle concernées, la pêche à la civelle représentant 30% à 60% de leur chiffre d'affaires annuel.
Enfin, le nombre de droits de pêche professionnels « civelle » pour les entreprises de la façade Atlantique a été divisé par deux depuis l'approbation par la Commission européenne en 2010 du plan de gestion de l'anguille présenté par la France.
(ord. réf. 7 décembre 2021, Association Défense des milieux aquatiques, n° 458329)
142 - Installation de stockage des déchets - Déchets non fermentescibles peu évolutifs et non dangereux - Rejets dans les eaux souterraines - Rejet des lixiviats - Condition - Rejet.
Ne commet pas d'erreur de droit et n'est pas entaché d'insuffisance de motivation, l'arrêt d'une cour d'appel qui juge qu'il résulte de la combinaison de l'art. 1er de l'arrêté du 10 juillet 1990 du ministre chargé des installations classées relatif à l'interdiction des rejets de certaines substances dans les eaux souterraines en provenance d'installations classées pour l'environnement et de l'art. 35 de l'arrêté ministériel du 9 septembre 1997 relatif aux décharges existantes et aux nouvelles installations de stockage de déchets ménagers et assimilés :
- d'une part, que si les lixiviats issus des installations de stockage des déchets peuvent être rejetés dans le milieu naturel lorsqu'ils respectent les valeurs fixées à l'article 36 de l'arrêté du 9 septembre 1997, ce n'est qu'à la condition que, lorsqu'ils comportent des substances relevant de l'annexe à l'arrêté du 10 juillet 1990, ils ne soient pas rejetés dans les eaux souterraines ;
- d'autre part, que cette condition s'applique à l'ensemble des lixiviats contenant certaines substances en provenance des installations classées, sans distinction entre les différents types d'installations les ayant émis et donc sans distinction entre les exploitants.
Il en va ainsi lorsque, comme en l'espèce, les lixiviats, traités par la technique de l'osmose inverse, qui permet le respect des valeurs fixées à l'article 36 de l'arrêté du 9 septembre 1997, sont rejetés dans les eaux souterraines. Par suite, ainsi que jugé par l'arrêt d'appel, l'arrêté préfectoral querellé était tenu d'interdire le rejet des lixiviats dans les eaux souterraines.
(15 décembre 2021, Société Gurdebeke, n° 436516)
143 - Pollution atmosphérique - Surveillance - Édiction de dispositions réglementaires relatives à la pollution atmosphérique par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) - Incompétence - Formulation par l'ACNUSA de recommandations sur les particules ultrafines et sur le carbone - Compétence - Absence d'impérativité - Annulation sur le premier point et rejet sur le second.
L'ACNUSA dispose, notamment, de prérogatives réglementaires en matière de nuisances sonores et d'un pouvoir de recommandation s'agissant de la pollution atmosphérique.
La requérante contestait, d'une part des décisions prises par l'ACNUSA et d'autre part des recommandations, toutes concernant la pollution atmosphérique. Si, sur le premier point, l'ACNUSA n'avait pas compétence pour prendre des décisions et voit celles-ci annulées, en revanche, elle disposait d'un pouvoir de recommandation qui, n'ayant aucun caractère impératif, ne donne pas ouverture à une action en annulation.
(15 décembre 2021, Union des aéroports français et francophones associés, n° 446909)
144 - Conservation des oiseaux sauvages – Directive du 30 novembre 2009 – Tourterelle des bois – Arrêté en autorisant la chasse - Méconnaissance des objectifs de la directive – Annulation de l’arrêté ministériel (écologie) du 30 août 2019.
Non sans marquer son agacement devant l’attitude de la ministre défenderesse qui s’est abstenue de produire dans l’instance malgré une mise en demeure de le faire, le Conseil d’État juge que l’arrêté du 30 août 2019 - autorisant la chasse de la tourterelle des bois sur l'ensemble du territoire métropolitain pendant la saison 2019-2020, fixant un quota maximal de prélèvements limité à 18 000 spécimens et organisant un suivi des prélèvements, notamment par l'enregistrement de tout prélèvement en temps réel et par la fourniture d'une aile de l'oiseau prélevé sur un échantillon d'au moins 5 % des prélèvements – a été pris en violation des dispositions de l’art. 2 et du I de l’art. 7 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
L’arrêté est annulé.
(30 décembre 2021, Ligue pour la protection des oiseaux et Association humanité et biodiversité, n° 434244)
V. aussi, pour un autre aspect, le n° 64
(145) V. aussi, identique : 30 décembre 2021, Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), n° 443460 ; Association One Voice, n° 443556.
146 - Création d’une liaison à statut autoroutier entre Machilly et Thonon-les-Bains – Étude d’impact – Autres exigences – Régularité - Rejet.
Les requérants demandaient l’annulation du décret du 24 décembre 2019 déclarant d'utilité publique les travaux de création d'une liaison à 2 fois 2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains, dans le département de la Haute-Savoie, conférant le statut autoroutier à la liaison nouvellement créée et portant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Machilly, Bons-en-Chablais, Ballaison, Brenthonne, Fessy, Lully, Perrignier, Allinges, Margencel et Thonon-les-Bains.
Ils invoquaient de nombreux moyens, tous rejetés, le principal portant sur la critique de plusieurs aspects de l’étude d’impact.
S’agissant de l’étude d’impact, le Conseil d’État estime qu’elle n’est pas critiquable en ce qui concerne le périmètre qui lui a été assigné, la prétendue obsolescence des données de cette étude, la description du projet, la description de l’environnement, l’analyse des facteurs entrant dans le champ de l'évaluation environnementale, l’analyse des ressources naturelles, du climat, des solutions de substitution, la prise en compte de la séquence « éviter-réduire-compenser », la description des méthodes d'identification et d'évaluation des incidences notables sur l'environnement, la protection contre les nuisances sonores ou encore l’évaluation socio-économiques.
Pas davantage ne sont retenues les critiques portant sur la méconnaissance de la Charte de l’environnement ou des engagements internationaux de la France, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, sur la compatibilité avec le SDAGE 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée, sur la méconnaissance du principe de prévention et des dispositions relatives à la réduction, à l'évitement et à la compensation des effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine.
Au total, l’utilité publique du projet est jugée certaine et le recours est ainsi rejeté.
(30 décembre 2021, Ville de Genève et ville de Carouge, n° 438686 ; Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports et autres, n° 439077 ; Europe Ecologie Les Verts - région Savoie (EELV - rS) et autres, n° 439020 ; Association Action Abandon Autoroute Chablais et autres, n° 439079 ; Association Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature et autres, n° 439173)
État-civil et nationalité
147 - Demande d'acquisition de la nationalité française - Condamné ayant fait l'objet d'une réhabilitation - Condamnation correctionnelle postérieure - Moyen nouveau en cassation - Rejet.
Le ministre de l'intérieur excipait de ce que l'art. 21-27 du Code civil fait obstacle à l'acquisition de la nationalité française par les personnes ayant fait l'objet de certaines condamnations pénales pour justifier son rejet de la demande d'acquisition de la nationalité française par l'intéressé.
La cour administrative d'appel, approuvée par le Conseil d'État, a écarté l'application de cette disposition, au motif que le demandeur devait être regardé comme bénéficiant de la réhabilitation légale au titre de sa condamnation par jugement du 24 novembre 2000 du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence, alors même que celle-ci continuait de figurer au bulletin n° 2 extrait de son casier judiciaire.
Le ministre défendeur soulevait devant le juge de cassation un autre moyen, tiré de ce que le sursis dont était assortie la condamnation a été révoqué et produisait à l'appui de son pourvoi des éléments faisant état d'une autre condamnation correctionnelle en novembre 2006. Ce moyen est rejeté pour une raison de procédure : il est nouveau en cassation.
On regrettera une solution qui complique les choses : le ministre, auquel il a été enjoint en appel de réexaminer la demande de naturalisation de l'intéressé, lui opposera vraisemblablement la condamnation postérieure pour refuser la naturalisation.
Ce dernier, fort d'une victoire à la Pyrrhus, se retrouvera alors Gros-Jean comme devant.
Il eût été plus judicieux de relever que le moyen soulevé pour la première fois en cassation était d'ordre public et, ainsi, de l'admettre comme bien fondé et de nature à justifier la décision contestée.
(21 décembre 2021, Ministre de l'intérieur, n° 447231)
Étrangers
148 - Demande d'asile - Commission d'un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil - Motif justifiant le refus de la protection statutaire - Mobile politique - Circonstance indifférente au regard du refus de la protection - Qualification d'actes comme crimes graves de droit commun - Rejet.
Dans cette importante décision, qui portait à nouveau sur un différend entre l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), l'OFPRA demandait l'annulation de la décision de la CNDA octroyant la qualité de réfugié à un ressortissant du Kazakhstan après que l'OFPRA la lui a refusée.
Le Conseil d'État donne raison en droit et en fait à l'OFPRA.
En droit, le juge de cassation estime que lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un demandeur d'asile a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil, les stipulations du b) de l'article 1 F de la convention de Genève sur les réfugiés (1949), permettent de lui refuser le bénéfice de la protection.
Il estime également que la circonstance que les poursuites dont il a pu faire l'objet à raison de cet acte criminel reposent sur un mobile politique.
En fait, le Conseil d'État aperçoit, comme l'OFPRA, un crime grave de droit commun dans des faits de détournement de fonds, d'escroquerie ou de corruption qui revêtent une grande ampleur. La lecture du parcours criminel de l'intéressé (V. sur cet aspect le point 4 de la décision) est, en effet, assez édifiante et l'on peut s'interroger sur le sérieux de l'analyse contraire faite par la CNDA.
(8 décembre 2021, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 447044)
149 - Demande d'asile ou de protection subsidiaire - Invocation par le demandeur de l'exercice actuel d'activités ne correspondant pas à des convictions exprimées dans son pays - Refus de la Cour natioale du droit d'asile (CNDA) - Erreur de droit - Annulation.
Par cette décision, plus généreuse que logique, il est jugé que c'est au prix d'une erreur de droit que la CNDA a estimé qu'un étranger ne pouvait pas, pour justifier de sa demande d'asile ou de protection, invoquer ses activités actuelles dès lors que celles-ci ne prolongent ou ne poursuivent pas des opinions, comportements ou autres qu'il aurait eus dans son pays d'origine.
(21 décembre 2021, M. J., n° 445688)
150 - Schéma national des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés (art. L. 551-1 à L. 551-6, ex-L. 744-2 CESEDA) – Fixation, pour chaque région, de la part des demandeurs d’asile pouvant y résider – Exclusion des collectivités d’outre-mer de cette répartition – Absence de rapport proportionnel entre nombre de demandes et nombre de places accordées – Absence de fixation, pour chaque région, des types de places d’hébergement – Annulations partielles.
Les organisations requérantes demandaient l’annulation des articles 1er et 2 de l'arrêté du 7 janvier 2021 et celle de l'article 1er de l'arrêté du 7 avril 2021 pris en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les art. L. 551-1 à L. 551-6 dudit code.
Ils reprochaient à ces dispositions qui organisent, dans le cadre du Schéma national des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, la répartition des demandeurs d’asile entre chaque région, un certain nombre d’illégalités dont certaines seulement sont retenues par le juge de l’excès de pouvoir.
Il est successivement relevé que :
- si « le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile doit fixer, tous les deux ans, la part des demandeurs d'asile devant résider dans chaque région, il ne résulte d'aucun texte que le ministre chargé de l'asile devrait programmer la répartition entre régions des places d'hébergement destinées à l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés sur une période de deux ans »,
- qu’aucune disposition n’autorise le ministre à exclure les collectivités d'outre-mer de la répartition des places d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés, d’où l’illégalité de cette exclusion,
- que le ministre n’a nullement l’obligation de répartir les places d'hébergement destinées aux demandeurs d'asile entre régions proportionnellement au nombre de demandes d'asile présentées dans chaque région,
- que le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile n’a pour objet que de répartir les demandeurs d'asile et les places d'hébergement entre régions, non de définir pour chaque région les types de places d'hébergement créées,
- qu’enfin, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l’art. 2 de l’arrêté du 7 janvier 2021 est entaché d'erreur de droit en tant que s’il appartient à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de décider l'orientation des demandeurs d'asile vers une autre région que celle dans laquelle ils ont déposé leur demande d'asile lorsque la part des demandeurs d'asile résidant dans cette région excède la part fixée par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et les capacités d'accueil de cette région, ce schéma doit fixer la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région, or cet article, désormais abrogé, a fixé la part des demandeurs d'asile orientés depuis la région Ile-de-France vers chacune des autres régions métropolitaines et non la répartition des demandeurs d'asile entre chaque région.
L’annulation est prononcée sur les deux points relevés ci-dessus.
(21 décembre 2021, Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) et autres, n° 450551)
151 - Demande d’extradition – Infractions pénales l’ayant motivée – Infractions punissables en France si commises en France –
Dans le cadre d’un recours contestant la légalité du décret autorisant l’extradition du requérant vers les États-Unis, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que la Convention EDH n’est pas invocable dans le cadre des relations avec cet État.
Ensuite, répondant à un argument en ce sens, le juge précise que les infractions reprochées, qui motivent la demande américaine d’extradition, relèveraient, si elles avaient été commises en France, du droit français : est donc rejeté le moyen tiré de ce qu’en l’espèce, elles relèvent de ce dernier droit alors qu’elles n’ont pas été commises en France.
Enfin, les infractions visées par la procédure d’extradition - complot en vue de fournir une aide matérielle au Hezbollah, tentative de fournir une aide matérielle au Hezbollah et complot en vue de violer la loi sur les pouvoirs économiques d'urgence internationaux - ne sauraient constituer par leur nature des infractions politiques, lesquelles, on le sait, sont exclues du champ d’application de cette procédure
(21 décembre 2021, M. C., n° 454114)
152 - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) – Date d’appréciation de la légalité d’une décision portant OQTF – Date de son édiction – Rejet.
C’est à tort que le ministre de l’intérieur soutient que les dispositions de l’art. L. 511-1 du CESEDA, en prévoyant que dans certains cas, comme celui de l'espèce, la décision obligeant à quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, ont une incidence sur la date à laquelle est appréciée la légalité de chacune des décisions.
En effet, la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français s'apprécie à la date de son édiction ainsi que l’a jugé à bon droit l’arrêt d’appel.
(28 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 444008)
153 - Étranger bénéficiaire d’une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé – Refus de renouvellement de ce titre – Annulation – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.
Le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit « À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. »
Une cour administrative d’appel avait, dans son arrêt confirmatif, après avoir considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, annulé le refus préfectoral de renouveler la carte de séjour temporaire dont bénéficiait un ressortissant bangladais au double motif qu'il n'était pas contesté que l'accès aux soins et la qualité de service des soins au Bangladesh n'était pas « comparable aux standards européens » et que le requérant serait confronté, dans son pays d'origine, à une aggravation de sa pathologie en raison de la pollution atmosphérique.
L’arrêt est cassé pour les erreurs de droit qu’il contient, le Conseil d’État estimant que la cour « devait seulement s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès (…), » et qu’elle « n'avait pas à rechercher si les soins dans le pays d'origine étaient équivalents à ceux offerts en France ou en Europe, et pas davantage à prendre en compte des facteurs étrangers à ces critères, tels que la pollution atmosphérique. »
Il n’est pas interdit de penser que la solution est assez sévère.
(30 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 449917)
154 - Aide médicale de l’État et soins vitaux et urgents – Aide possible pour les étrangers en situation irrégulière – Aide impossible pour les étrangers en situation régulière – Annulation.
Le juge déduit de dispositions du code de la sécurité sociale, de celui de l’action sociale et des familles et de celui de l’entrée et du séjour des étrangers, que seuls les étrangers en situation irrégulière sont susceptibles de bénéficier de l'aide médicale de l'État lorsqu'ils résident de manière ininterrompue depuis plus de trois mois sur le territoire ou de la prise en charge des soins urgents et vitaux lorsqu'ils ne bénéficient pas de l'aide médicale de l'État, notamment au motif qu'ils ne résident pas en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.
En revanche, l'accès à la prise en charge des frais d'assurance maladie mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale est conditionné à une double condition de régularité et de stabilité du séjour.
Il s’ensuit que la prise en charge des soins urgents et vitaux, de même d'ailleurs que l'aide médicale de l'État, ne sauraient, eu égard aux conditions fixées par le législateur à leur octroi, être accordées à un étranger qui, alors même que la régularité de son séjour n'est pas attestée par l'un des titres figurant à l'article 1er de l'arrêté du 10 mai 2017 pris en application du II de l'article R. 111-3 du code de la sécurité sociale, est en situation régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France.
On a vu plus juste et plus cohérent.
Rappelons que « l’étranger » est ici la personne non ressortissante de l'Union européenne, d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
(30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448688)
(155) V. aussi, voisins ou semblables : 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448689, n° 448690 et n° 48869, trois espèces ; 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448693 ; 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448695 ; 30 décembre 2021, CPAM du Bas-Rhin, n° 448697.
Fonction publique et agents publics
156 - Agent public hospitalier - Ingénieur affecté à la direction des services numériques - Services situés dans un bâtiment distinct à accès réservé - Représentant syndical - Suspension de fonctions en l'absence de certificat de vaccination ou de contre-indication à celle-ci - Légalité - Rejet.
Le requérant, qui exerce les fonctions d'ingénieur en chef au sein de la direction des services numériques de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et qui est représentant syndical, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés de première instance a rejeté sa demande tendant à lui permettre d’exercer ses fonctions sans satisfaire à l’obligation de vaccination contre la Covid-19 prévue par les dispositions du 1° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 pour certains personnels en milieu hospitalier sauf à présenter une contre-indication à cette vaccination.
La direction des services numériques occupe un bâtiment se situant au sein d'un établissement de santé, à proximité immédiate de l'unité de psychiatrique, ce qui justifie la suspension de cet agent de ses fonctions jusqu'à la production d'un certificat vaccinal ou de contre-indication sans que puisse faire échec à cette obligation, d'une part, la circonstance que ce bâtiment soit réservé exclusivement à ces services et que l'accès en soit réservé aux agents qui y sont affectés et, d'autre part, l'application immédiate de cette mesure, sans limitation de durée et sans qu'elle ait été précédée d'un entretien préalable.
(ord. réf. 3 décembre 2021, M. B., n° 458635)
157 - Ingénieur de l'agriculture et de l'environnement - Agent de l'Office national des forêts (ONF) - Prise en compte de l'ancienneté de l'agent - Détermination de son éventuelle qualité d'agent public - Établissement public industriel et commercial (EPIC) exerçant des missions de service public administratif - Erreur de droit - Annulation et renvoi sur ce point.
La requérante, employée par l'ONF sous contrat de droit privé du 15 février 1996 au 31 décembre 2006, puis, à compter du 1er janvier 2007, par un contrat de droit public, a été reclassée par un arrêté du ministre de l'agriculture dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement, à la suite de sa réussite au concours réservé aux agents non titulaires pour l'accès à ce corps. Cet arrêté était accompagné d'une « notification de situation administrative » L'intéressée a demandé, en vain, en première instance, l'annulation partielle de l'arrêté et de la décision du même jour précisant son ancienneté, ces décisions la reclassant au 4ème échelon de son grade avec une ancienneté au 22 août 2013 et fixant le montant de son traitement à l'indice brut 574. Sur appel de l'intéressée, la cour administrative d'appel a annulé l'arrêté du ministre et la notification administrative en ce qu'ils fixent à l’indice brut 574 le traitement personnel de la requérante.
Le Conseil d'État est saisi de deux pourvois, celui de Mme A. en tant que l'arrêt a rejeté ses conclusions dirigées contre le reclassement professionnel auquel a procédé l'arrêté querellé, celui du ministre de l'agriculture en tant que cet arrêt a réformé le jugement et annulé les diverses décisions ministérielles.
On retiendra des diverses questions résolues dans la présente décision surtout celle relative aux conséquences du caractère hybride de l'ONF, EPIC qualifié tel par la loi et amené à exercer des missions de service public administratif.
On sait, d'une part, que sont ipso facto des agents de droit public ceux qui travaillent dans le cadre ou pour le compte d'un service public administratif (Cf. pour la décision de principe : TC 25 mars 1996, Berkani, au recueil Lebon p. 535) et, d'autre part, que l'ONF, bien qu'étant un EPIC par détermination légale (art. L. 221-1 code forestier), assure aussi des missions de service public administratif du fait de la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique (Cf. TC 9 juin 1986, Commune de Kintzheim c/ ONF, n° 2428). Il s'agissait donc de déterminer si la requérante, avant qu'elle ne soit placée sous contrat de droit public puis ne devienne fonctionnaire, n'était pas déjà un agent public.
C'est sur ce point, principalement, que l'arrêt d'appel est cassé : la cour s'est bornée, au prix d'une erreur de droit, à examiner les missions des services où Mme A. a successivement été affectée, avant de relever qu'il n'était pas établi que ses fonctions particulières portaient à titre principal sur des missions ressortissant des prérogatives de puissance publique de l'ONF, alors que la circonstance qu'une partie de ses missions la faisait participer aux missions de service public administratif de l'office suffisait à la faire regarder comme exerçant en qualité d'agent public.
(9 décembre 2021, Mme A., n° 432608 ; Ministre de l'agriculture, n° 432686, jonction)
158 - Agents non titulaires - Recrutement sur le fondement de l'art. 3 de la loi du 26 janvier 1984 - Transformation de contrats à duré déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI) en fonction de la durée des services effectifs déjà accomplis - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit le jugement qui, pour refuser à l'intéressée le bénéfice des dispositions de l'art 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, lui oppose le fait qu'elle n'a pas été recrutée sur le fondement des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 alors qu'elle remplit la condition de durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la loi de 2012.
(9 décembre 2021, Mme C., n° 436802)
159 - Fonctionnaire - Accident imputable au service - Demande indemnitaire de la victime, de son épouse et de ses enfants - Rejet pour tardiveté - Annulation avec renvoi.
(10 décembre 2021, M. Abel Mora et autres, n° 440845)
V. n° 223
160 - Militaire titulaire d'une pension d'invalidité - Accident survenu au cours d'une mission temporaire à l'étranger - Rejet d'une demande de révision de la pension - Absence de participation à une mission effectuée à l'étranger au titre d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui, pour rejeter le recours d'un militaire contre le refus de réviser la pension d'invalidité qui lui a été octroyée par suite d'un accident survenu en mission à Djibouti, se fonde sur ce que celui-ci ne participait pas à une mission effectuée à l'étranger au titre d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France alors que la présence militaire française à Djibouti résultait de la mise en œuvre du protocole provisoire du 27 juin 1977 fixant les conditions de stationnement des forces françaises conclu entre la France et la République de Djibouti et constituait une mission opérationnelle au sens du a) de l'article D. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et que les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents entre le début et la fin de cette mission étaient en conséquence susceptibles d'ouvrir droit à pension, en vertu du 4°) de l'article L. 2 du même code, au bénéfice des militaires qui y participaient.
(10 décembre 2021, M. I., n° 445111)
161 - Fonctionnaires et agents publics - Nouvelle bonification indiciaire - Exclusion des agents contractuels de son bénéfice - Situations différentes - Légalité.
Le législateur ne méconnaît pas le principe d'égalité en décidant l'attribution, au bénéfice de certains fonctionnaires, d'une bonification indiciaire destinée à tenir compte, pour leur rémunération, de la particularité de certaines fonctions, sans en étendre le bénéfice aux agents contractuels car ces derniers sont placés dans une situation différente de celle des fonctionnaires notamment pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération.
La QPC fondée sur ce grief ne sera pas transmise
(10 décembre 2021, Fédération SGEN-CFDT, n° 451287)
162 - Procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique (décr. du 31 déc. 2019) - Atteinte aux prérogatives syndicales - Impossibilité d'assister les fonctionnaires en matière de rupture conventionnelle - Annulation.
Les organisations syndicales demandaient l'annulation de diverses dispositions du décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique en ce qu'elles privent, d'une part, les organisations syndicales non représentatives et d'autre part, celles n'ayant pas d'élu au comité technique ministériel ou au comité social, de la possibilité d'assister les fonctionnaires de l'État en matière de rupture conventionnelle.
Les recours sont admis en raison de ce que le Conseil constitutionnel a jugé (n° 2020-860 QPC, 15 octobre 2020, Syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur et autre), que le dixième alinéa du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, en tant qu'il réserve aux organisations syndicales représentatives la faculté de désigner un conseiller aux fins d'assister le fonctionnaire durant la procédure de rupture conventionnelle, établit une différence de traitement entre ces organisations et les organisations syndicales non représentatives sans rapport avec l'objet de la loi, méconnaît le principe d'égalité devant la loi et est, par suite, contraire à la Constitution.
Il suit de là par une conséquence nécessaire et liée que les deux premiers syndicats requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ensemble des dispositions qui ont été prises pour l'application du dixième alinéa du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel : les dispositions du premier alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2019 en tant qu'elles prévoient que le conseiller du fonctionnaire au cours du ou des entretiens de la procédure de rupture conventionnelle est désigné par une organisation syndicale représentative et seulement en tant que ces dispositions s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'article 2 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; le 2ème alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2019 en tant qu'il définit comme représentatives au sens du I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 les organisations syndicales disposant d'au moins un siège, selon le cas, au comité social d'administration ministériel, de réseau ou de proximité ; les dispositions du 1° de l'article 24 du décret du 31 décembre 2019.
Par suite, il n'y a pas lieu, en raison de ce qui précède, de statuer sur la requête de la Fédération autonome de l'éducation nationale, devenue sans objet.
(13 décembre 2021, Syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur (SAGES), n° 439031 ; Syndicat national des collèges et des lycées (SNCL), n° 43921 ; Fédération autonome de l'éducation nationale (FAEN), n° 439217)
163 - Reconversion d'un agent public - Risque déontologique - Avis négatif de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique - Absence d'inexactitude matérielle et de qualification juridique erronée des faits - Rejet.
Ne commet pas d'erreur dans la qualification juridique des faits ni dans l'appréciation de leur matérialité la délibération de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique relative à un projet de reconversion professionnelle qui le juge incompatible avec des fonctions antérieurement exercées au cabinet de la ministre chargée de l'industrie.
L'intéressé, qui avait été recruté au cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, chargée de l'industrie en qualité de « conseiller politique et élus locaux » et avait également exercé les fonctions de chef de cabinet du 7 décembre 2020 au mois de mai 2021, a fait saisir cette Haute autorité au sujet de la compatibilité entre ces dernières fonctions et son projet de reconversion professionnelle consistant à rejoindre la société anonyme Soitec en qualité de « conseiller à la stratégie régionale et géopolitique ». La réponse donnée étant négative, il a saisi le juge des référés du Conseil d'État d'une demande de suspension de la délibération litigieuse.
Cette demande est rejetée car la Haute autorité est approuvée d'avoir fondé cette incompatibilité :
1°/ sur le fait que la société Soitec, spécialisée dans la conception et la production de matériaux semi-conducteurs, a des liens étroits avec les pouvoirs publics et bénéficie d'importants financements publics en sa qualité de l'un des six chefs de file industriels du plan Nano 2022, mis en place dans le cadre du projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) électronique et du contrat de la filière électronique, ainsi que dans le cadre du plan de Relance, et qu'elle avait été en relation pour différents projets avec le cabinet de la ministre chargée de l'industrie pendant la période durant laquelle le requérant en était membre ;
2°/ sur la circonstance qu'en tant que conseiller politique et élus locaux puis chef de cabinet, l'intéressé avait été en position de connaître de l'ensemble des sujets évoqués et d'influer sur les décisions prises dans ces domaines ;
3°/ sur ce que la déclaration d'intérêts modificative de la ministre déléguée en date du juin 2021 mentionnait que M. A. était son concubin.
(ord. réf. 13 décembre 2021, M. A., n° 459115)
164 - Agent hospitalier sous contrats à durée déterminée - Demande d'allocation d'aide au retour à l'emploi - Absence de perte involontaire d'emploi - Refus de renouvellement du contrat ne pouvant être assimilé à une perte involontaire d'emploi - Preuve non rapportée de la communication à l'intéressée de l'intention de renouveler son contrat - Cassation de l'ordonnance de référé et suspension de la décision attaquée ordonnée.
Rappel de ce que l'agent qui refuse le renouvellement de son contrat de travail ne peut être regardé comme involontairement privé d'emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime. Toutefois, il incombe à l'administration de rapporter la preuve qu'elle a bien avisé la personne intéressée de son intention de renouveler son contrat.
En l'absence de cette preuve, comme en l'espèce, le juge du référé suspension a l'obligation, lorsque cela lui est demandé, d'ordonner la suspension du refus de faire droit à sa demande de versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.
(14 décembre 2021, Mme D., n° 447453)
165 - Pension militaire d'invalidité - Recours contentieux en la matière - Interruption de la prescription pour l'infirmité imputable au service et pour tous les préjudices qui y sont liés - Absence d'effets de la circonstance que certains de ces préjudices ne sont pas réparés par la pension octroyée - Erreur de droit de l'arrêt contraire - Annulation avec renvoi.
Cette décision est très importante en raison du champ qu’elle ouvre désormais à la réparation de certains préjudices liés à l'infirmité qui est la cause de l'octroi d'une pension d'invalidité mais ne sont pas réparés par elle.
Le requérant, qui a servi pendant trente ans dans l'armée de l'air, a été exposé au bruit des réacteurs d'avions gros porteurs dans le cadre de ses fonctions ce qui lui a causé une hypoacousie bilatérale de perception, pour laquelle il s'est vu reconnaître le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % puis de 25 % et enfin de 100%. Il a demandé au ministre de la défense, par un courrier du 22 février 2016, l'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension. Sa demande ayant été implicitement rejetée d'abord par le ministre puis par la commission des recours des militaires, il a saisi en vain les juges administratifs de première instance et d'appel.
Il se pourvoit.
Dans une rédaction de principe, le Conseil d'État donne raison au requérant en jugeant qu’ « En instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires victimes d'un accident de service peuvent prétendre, au titre de l'atteinte qu'ils ont subie dans leur intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'État de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission. Toutefois, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'État, dans le cas notamment où l'accident serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. »
Cette solution rejoint celle adoptée en matière de pension civile par l'arrêt d'Assemblée du 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville (Rec. Lebon p. 323) dans la version jurisprudentielle plus restreinte qui lui a été donnée par : 16 décembre 2013, Centre hospitalier de Royan, n° 353798.
(17 décembre 2021, M. K., n° 448614)
166 - Agent public - Habilitation au secret défense - Habilitation cessant au licenciement de l'intéressé - Impossibilité d'en conserver le bénéfice dans l'exercice d'un autre emploi - Erreur de droit - Cassation sans renvoi, le juge de cassation statuant au fond.
Un ingénieur se voit retirer l'habilitation "secret défense" ; il demande l'annulation et la suspension de l'arrêté lui retirant cette habilitation. Le juge des référés ayant suspendu la décision de retrait au motif que, en dépit du licenciement dont il avait fait l'objet postérieurement à ce retrait, la demande de suspension n'avait pas perdu son objet dès lors que cette décision l'empêche de postuler à des emplois équivalents. La ministre des armées se pourvoit en cassation.
Le Conseil d'État accueille le pourvoi en relevant, pour la première fois semble-t-il, qu' « une décision d'habilitation est délivrée pour l'exercice de fonctions déterminées ou l'occupation d'un poste déterminé, (...) elle cesse en conséquence lorsque l'intéressé est licencié, et (...) elle ne saurait, par suite, autoriser l'accès à des informations ou supports classifiés pour l'exercice d'un autre emploi (...) ».
(17 décembre 2021, Ministre des armées, n° 454392)
167 - Agent public stagiaire – Refus de titularisation en fin de stage – Forme et motif – « Mesure prise en considération de la personne » – Manière de servir à la fois défectueuse et constituant au moins en partie une faute disciplinaire – Régime – Erreur de droit – Annulation.
Rappel de ce que l’agent public stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Par suite, la décision refusant de le titulariser en fin de stage, qui ne peut être fondée que sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, entre dans la catégorie juridique des « mesures prises en considération de la personne ».
Ce n’est donc que si les faits retenus caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et dans la manière de servir de l'intéressé que l'autorité compétente peut prendre une décision de refus de titularisation qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements. En revanche, lorsque ces mêmes faits ou manière sont, en tout ou en partie, également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires, ils ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu, en ce cas, que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations.
Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui, pour juger irrégulière la procédure suivie en l’espèce, se fonde sur ce que ne serait pas mentionnée explicitement, dans le courrier adressé à l’intéressée, la faculté de présenter ses observations avant l'intervention de la décision de l'administration alors que celui-ci faisait part à sa destinataire de son intention de ne pas procéder à sa titularisation à l'issue de son stage, en l'informant de la possibilité d'accéder à son dossier et de se faire assister par le conseil de son choix.
(21 décembre 2021, Établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest, n° 451412)
168 - Fonctionnaires des corps du service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE devenu DGSE) – Inapplicabilité du statut général des fonctionnaires – Réglementation du temps de travail et du compte épargne-temps – Absence d’illégalité – Rejet.
Un fonctionnaire de la DGSE ne saurait invoquer l’illégalité d’un arrêté ministériel réglementant le temps de travail et le compte épargne-temps pour la catégorie d’agents à laquelle il appartient pour non-respect des dispositions du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'État dès lors que l'article 2 de la loi du 3 février 1953, dans la version qui lui a été donnée par la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, soustrait les agents du service de documentation extérieure et de contre-espionnage (DGSE) à l’application du statut général de la fonction publique.
(21 décembre 2021, M. D., n° 454834)
169 - Fonctionnaire communale – Dénonciation de harcèlement par voie électronique publique – Respect des obligations déontologiques s’imposant à l’agent – Office du juge – Cassation.
Se prétendant victime de harcèlement, une fonctionnaire municipale s’en plaint au moyen d’un courrier électronique diffusé notamment à certains élus municipaux et elle fait l’objet d’un blâme pour manquement à son obligation de réserve.
La cour administrative d’appel ayant, sur appel de la commune, annulé sur ce point le jugement d’annulation de cette sanction, l’intéressée se pourvoit.
Après avoir posé l’exigence de conciliation entre la dénonciation du harcèlement dont est victime un agent public et l’obligation de réserve s’imposant à tout agent public, le Conseil d’État rappelle en ces termes ce qu’implique l’office du juge chargé du contentieux né de cette situation : « il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos (…), de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation. »
(29 décembre 2021, Mme C., n° 433838)
170 - Recrutement d’un professeur des universités – Comité de sélection procédant par visio-conférence en raison de la situation sanitaire – Extinction de la caméra lors de l’audition d’un candidat – Irrégularité – Annulation de la délibération de ce comité de sélection et annulations par voie de conséquence.
Le comité de sélection d’une université siégeant par visio-conférence pour cause d’épidémie en vue du recrutement d’un professeur des universités a, au début de l’audition de l’un d’entre eux, éteint la caméra de sorte que, sur l'écran de son ordinateur, n'étaient affichées que des vignettes noires comportant uniquement les initiales des noms et prénoms des membres du comité de sélection, et que ceux-ci, à la demande expresse de l'intéressé, ont rouvert leur caméra durant la phase d'échanges ayant suivi son exposé.
Cette audition s’étant donc déroulée sans que « la transmission de la voix et de l'image » des membres du comité de sélection ait eu lieu « en temps simultané, réel et continu », n’a ainsi pas permis au candidat de pouvoir identifier à tout moment l'ensemble des membres du comité de sélection et de s'assurer de leur participation effective à l'audition. Alors même qu'il n'a pas apporté au procès-verbal de son audition de mentions relatives aux conditions de son déroulement, l’intéressé est fondé à soutenir que la délibération du comité de sélection adoptée à l'issue de cette audition, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, et à en demander l'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, celles de la délibération du conseil d'administration de l'université siégeant en formation restreinte et du décret du 23 octobre 2020 en tant qu'il nomme un professeur des universités dans la spécialité « mécanique, génie mécanique, génie civil » à l'université d'Orléans.
(29 décembre 2021, M. J., n° 446541)
171 - Magistrature – Nomination dans un nouveau grade – Invocation de la situation familiale – Limites – Rejet.
Une magistrate qui se plaignait de n’avoir pas été retenue en vue d’une nomination en qualité de vice-présidente placée auprès du premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, invoque notamment sa situation familiale pour se dire mieux placée que la personne retenue.
Il lui est répondu que « la situation familiale, si elle doit être prise en compte par l'autorité de nomination dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et les particularités de l'organisation judiciaire, ne crée pas, par elle-même, un droit à être nommé sur place pour y occuper un poste en avancement. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait intervenue sans qu'ait été prise en compte la situation familiale de l'intéressée. Par suite, l'auteur de la décision attaquée n'a pas méconnu le droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. »
(30 décembre 2021, Mme D. épouse C., n°441258)
172 - Recrutement par mutation d’une fonctionnaire territoriale – Retrait de ce recrutement après information de sa situation pénale – Illégalité – Annulation de l’arrêt contraire.
La décision rapportée ici est surprenante.
La requérante rédactrice territoriale en chef exerçant les fonctions de gestionnaire des finances municipales de la commune de Verneuil-sur-Seine, a postulé auprès de la commune de Linas afin d'occuper, par voie de mutation, le poste vacant de responsable des finances de cette commune. Après entretien avec l’intéressée, la commune de Linas lui a fait connaître par un courrier du 14 décembre 2011 son accord pour la recruter. Le maire de Verneuil-sur-Seine a donné son accord à cette mutation à compter du 1er février 2012. Entretemps, Mme B., qui avait fait l'objet, le 30 décembre 2011, d'une citation à comparaître, a été condamnée le 9 janvier 2012 à une peine de prison avec sursis pour abus de confiance commis dans l'exercice de précédentes fonctions auprès du comité des œuvres sociales de la commune de Lucé, sans inscription de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le 10 février 2012, la commune de Linas a fait savoir au maire de Verneuil-sur-Seine et à Mme B. qu'en considération de cette condamnation, elle ne souhaitait plus donner suite à la procédure de son recrutement.
Ayant saisi en vain les juges du premier degré et d’appel d’une demande d’indemnisation du préjudice causé par l’illégalité du retrait de la décision la recrutant, Mme B. se pourvoit.
Le Conseil d’État, cassant l’arrêt d’appel déféré à sa censure, lui donne raison en ces termes : « (…) aucune disposition législative ou réglementaire ne faisant obligation à un fonctionnaire d'informer la collectivité publique auprès de laquelle il postule dans le cadre d'une procédure de mutation de l'existence d'une enquête pénale le mettant en cause, il ne peut être regardé comme ayant commis une fraude en n'en faisant pas état. »
La décision est très critiquable car, d’une part, il s’agissait de recruter cette candidate à la mutation pour l’exercice de fonctions identiques à celles dans le cadre desquelles elle avait commis le délit d’abus de confiance, d’autre part, en cas de nouvelle « faute » de cette dernière, la commune de Linas eût été, sans hésitation, condamnée à indemniser d’éventuelles victimes motif pris de ce qu’elle n’a pas suffisamment protégé le service et ses usagers de la turpitude du fonctionnaire qu’elle a été pourtant contrainte de recruter.
(30 décembre 2021, Mme B., n° 441863)
173 - Exercice de fonctions syndicales par un agent public – Liberté d’action et d’expression – Obligation concomitante de respecter l’encadrement de l’exercice du droit syndical dans la fonction publique – Absence de faute disciplinaire – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.
Classique rappel de la nécessaire conciliation entre la liberté dont doit disposer un agent public représentant syndical afin d’assurer la défense des intérêts dont il a la charge et le respect qu’il doit à l’encadrement de cette liberté notamment en matière de déontologie, de bon fonctionnement du service et de respect des règles de sécurité.
Cependant si cette ligne générale d’analyse est bien connue, son application concrète souffre de subjectivité, inévitable au demeurant comme en témoigne la présente décision.
Un représentant syndical de La Poste fait l’objet de la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de quinze jours pour quatre motifs : prise de parole de façon intempestive et collective sans autorisation pendant les heures de service et en perturbant l'exploitation des centres de tri dans lesquels il n’était pas affecté, refus d'obtempérer aux injonctions des directeurs de ces centres, non-respect des consignes de sécurité d'un espace sécurisé et méconnaissance des règles d'exercice du droit syndical à La Poste.
La cour administrative d’appel, par un arrêt infirmatif, a estimé illégale la sanction infligée au motif que l'agent intervenant à titre syndical dans un établissement où il n'est pas affecté ne peut être regardé comme accomplissant une tâche liée à ses fonctions ni, partant, recevoir d'instruction hiérarchique, ainsi l'intéressé ne pouvait dès lors être sanctionné en raison de la méconnaissance des consignes données par la hiérarchie des centres de tri en cause.
Le Conseil d’État a une tout autre appréciation des faits de l’espèce et juge que la cour a commis une erreur de droit en s’abstenant de rechercher si les consignes en cause relevaient d'obligations de sécurité et de la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du service, dont les directeurs des centres de tri sont responsables.
(30 décembre 2021, Société La Poste, n° 445128)
174 - Agent public contractuel – Licenciement – Obligation de reclassement même en cas d’impossibilité de réemploi de l’agent contractuel recruté sur la base d’un contrat à durée indéterminée – Méconnaissance du champ d’application du texte – Annulation.
Dans cette importante décision, le Conseil d’État énonce que les textes fondent une obligation de reclassement en cas de licenciement d'un agent contractuel fondé sur l'un des motifs énumérés aux 1° à 4° de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État, et que c’est en vertu d'un principe général du droit qu'une telle obligation s'impose également à l'administration en cas d'impossibilité de réemploi d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée.
Par suite, lorsqu'un agent contractuel de l'État a bénéficié de l'un des congés mentionnés à l'article 32 du décret du 17 janvier 1986, l'autorité administrative doit, à l'issue de ce congé et sous réserve qu'il soit physiquement apte, qu'il remplisse toujours les conditions requises et, s'agissant des congés mentionnés aux articles 20, 22 et 23 du même décret, qu'il en ait formulé la demande selon les modalités prévues à l'article 24 de ce décret, affecter l'agent sur l'emploi qu'il occupait antérieurement, dès lors que les nécessités du service n'y font pas obstacle et, en particulier, que cet emploi n'a pas été supprimé dans le cadre d'une modification de l'organisation du service et n'a pas été pourvu par un fonctionnaire. A défaut, il revient à l'administration de le nommer par priorité sur un emploi similaire, vacant à la date à laquelle le congé a pris fin, assorti d'une rémunération équivalente, sous réserve là encore que les nécessités du service n'y fassent pas obstacle. Lorsqu'un tel réemploi est impossible, il appartient à l'administration de procéder au licenciement de l'agent en application du 5° de l'article 45-3 précité, sous réserve, s'agissant d'un agent recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée, de chercher à le reclasser en lui proposant un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, sans que l'agent puisse, dans le cadre de cette procédure de reclassement, bénéficier de la priorité prévue à l'article 32.
En jugeant qu’un agent a, par une décision du 24 janvier 2019, été illégalement privé du droit à être réemployé par priorité sur un emploi similaire à celui qu'il occupait avant son départ en congé pour convenances personnelles, en application de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986, la cour administrative d’appel, alors que la demande de réemploi de cet agent à l'issue de son congé a fait l'objet d'une décision de rejet en 2015, devenue définitive, et qu'il ne bénéficiait d'aucun droit à être réemployé par priorité sur le poste de « chargé de traitement image et son » devenu vacant en 2018, a méconnu le champ d'application de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986 et entaché son arrêt d'erreur de droit.
On notera que le motif d’annulation a été soulevé d’office, le non-respect du champ d’application d’un texte étant un moyen d’ordre public, ce que traduit la mention finale du point 4 de la décision « sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens du pourvoi ».
(30 décembre 2021, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, n° 448641)
Hiérarchie des normes
175 - Limitation de la durée hebdomadaire du temps de travail - Aménagement du temps de travail - Directive du 4 novembre 2003, art. 6 - Application au personnel de la gendarmerie – Défaut ou insuffisance de transposition de la directive en droit interne – Office du juge en ce cas - Invocation de l’exigence constitutionnelle de nécessaire libre disposition de la force armée et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation – Exigences inhérentes à la hiérarchie des normes – Sauvegarde des exigences constitutionnelles ne bénéficiant pas en droit de l’Union d’une protection équivalente à celle existant en droit interne – Possibilité, en ce cas, de laisser inappliquée une norme du droit de l’Union ou son interprétation jurisprudentielle – Existence de l’exigence constitutionnelle invoquée – Vérification du non dépassement des exigences de la directive par l’organisation actuelle de la gendarmerie départementale – Rejet.
La CJUE a dit pour droit, dans une décision de grande chambre (15 juillet 2021, B. K. contre Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo), aff. C-742/19) qui a fait l’objet d’appréciations critiques de la part de plusieurs États membres de l’Union, que l’art. 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, était applicable aux décisions des États membres relatives à l'organisation de leurs forces armées. Les personnels composant ces dernières ne sauraient, en tant que tels et de plano, échapper au champ d'application du droit de l'Union. Elle n’a admis d’exceptions à cette applicabilité de principe que, d’une part, pour les activités des militaires intervenant dans le cadre d'une opération militaire, celles de leur formation initiale, d'un entraînement opérationnel, ainsi que celles qui présentent un lien d'interdépendance avec des opérations militaires et pour lesquelles l'application de la directive se ferait au détriment du bon accomplissement de ces opérations, et, d’autre part, pour les activités qui ne se prêtent pas à un système de rotation des effectifs, eu égard aux hautes qualifications des militaires en question ou à leurs tâches extrêmement sensibles, ainsi que celles qui sont exécutées dans le cadre d'événements exceptionnels.
Le requérant, sous-officier de gendarmerie affecté dans la gendarmerie départementale, demandait l’annulation du refus du ministre de l’intérieur de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'application à la gendarmerie des dispositions précitées de la directive du 4 novembre 2003, limitant la durée hebdomadaire du temps de travail.
Le Conseil d’État, siégeant dans la plus solennelle de ses formations contentieuses, saisit l’occasion de ce litige pour rendre une décision qui, si elle se situe pleinement dans la lignée de plusieurs devancières sur le sujet, n’en demeure pas moins très importante par la réaffirmation nette qu’elle contient du maintien de la souveraineté française en dépit du développement considérable et du renforcement exponentiel de l’intégration des États membres de l’Union à celle-ci.
L’argumentation et la solution à laquelle elle conduit sont d’autant plus remarquables qu’à vrai dire elles ne s’imposaient pas pour résoudre le litige : il aurait suffi au Conseil d’État de relever que c’est sans illégalité que le ministre défendeur a refusé d’appliquer l’art. 6 de la directive de 2003 au cas de l’espèce puisque de iure l’organisation de la gendarmerie départementale respecte la limitation du temps de travail et l’aménagement de celui-ci tels que prévus par ladite directive et de facto aucune violation de celle-ci n’est établie.
Des raisons fondamentales justifient que le Conseil d’État ait choisi de « croiser le fer » avec l’interprétation donnée par la CJUE tant de l’art. 4 § 2 du TUE que de l’art. 6 de la directive.
En premier lieu, cette interprétation n’est pas très raisonnable ni logique en tant qu’elle soumet, par principe, les militaires au droit commun pur et simple en ce qui concerne l’organisation et le décompte du temps de travail.
En deuxième lieu, la France, comme le Royaume-Uni, est investie de fonctions singulières et très spécifiques dans le domaine militaire et celui des relations internationales (détentrice de l’arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, présence sur de nombreux théâtres d’opérations, etc.). La CJUE ne pouvait donc pas raisonnablement banaliser à ce point l’éminence du particularisme de la présence et de l’action militaires françaises en Europe et dans le monde.
En troisième lieu, et ceci découle directement de cela, le peu de réalisme de la solution jurisprudentielle consistant en une application universelle et sans trop de nuances d’une directive sur le temps hebdomadaire à des militaires, a déterminé les juges du Palais-Royal à rappeler à Don Quichotte (du Luxembourg) combien il est dangereux de s’approcher trop près des moulins.
A sa manière bien à lui, ferme, feutrée mais tenace, le Conseil d’État fait largement sienne (en particulier sur l’Identitätskontrolle) la réaction, plus fracassante mais aussi plus puissamment motivée, du BundesVerfassungsGericht allemand à travers ses décisions So lange… (en dernier lieu, 5 mai 2020, Peter Gauweiler et alii à propos du « quantitative easing » qui a d’ailleurs valu à l’Allemagne le déclenchement d’une procédure à son encontre pour infraction aux traités de l’Union), même si, en théorie du moins, il n’adopte pas le mécanisme du contrôle ultra vires développé par la Cour de Karlsruhe à partir de ses décisions du 12 octobre 1993, sur le traité de Maastricht (BVerfG., Maastricht, 2 BvR 2134/92 et 2 BvR 2159/92, Rec. BVerfGE, 89), du 30 juin 2009 sur le traité de Lisbonne (BVerfG., Lisbonne, 2 BvE 2/08, Rec. BVerfGE, 123) et du 6 juillet 2010 (BVerfG., Honeywell, 2 BvR 2661/06, Rec. BVerfGE, 126).
Ramenée à son épure, la présente décision du Conseil d’État, relève que l’art. 6 de la directive du 4 novembre 2003 a été jugé applicable au personnel de la gendarmerie par le juge de l’Union et que le ministre défendeur a expressément refusé la transposition de la directive aux personnels, tel le requérant, de statut militaire.
Elle décrit longuement quel est l’office du juge en ce cas.
D’une part, est réaffirmée la primauté du droit de l’Union et de son interprétation par la CJUE, d’autre part, réserve est faite de l’hypothèse où est invoquée, comme en l’espèce, une exigence constitutionnelle s’opposant à l’application de la directive.
Ici le ministre défendeur – entendons l’État lui-même – se prévalait de l’exigence constitutionnelle de nécessaire libre disposition de la force armée et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation laquelle ne fait que traduire la double finalité inscrite dans la Constitution, celle de l’indépendance de la Nation et celle de l’intégrité du territoire. Pour assurer le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, le Conseil d’État vérifie si les exigences constitutionnelles bénéficient ou non en droit de l’Union d’une protection équivalente à celle existant en droit interne. Ce n’est qu’en cas de réponse négative qu’il est possible de laisser inappliquée une norme du droit de l’Union ou son interprétation jurisprudentielle.
Tel est bien le cas en l’espèce.
Toutefois, encore convient-il de vérifier l’existence du dépassement des exigences de la directive par l’organisation actuelle de la gendarmerie départementale. Ce n’est pas le cas : le décompte horaire reste dans la « fourchette » imposée par la directive litigieuse.
Le conflit entre normes n’aura pas lieu et le recours est rejeté.
Pour autant, si les fleurets sont ici mouchetés, la CJUE n’aura pas manqué de sentir le vent du boulet.
(Assemblée 17 décembre 2021, M. Q., n° 437125)
(176) V. aussi, sur cette question, pour les personnels relevant de l’administration pénitentiaire : 29 décembre 2021, M. B., n° 449742.
177 - Gardien de la paix – Secrétaire général d’un syndicat – Mise en ligne d’un tract mettant gravement en cause sa hiérarchie et deux autorités – Révocation – Suspension ordonnée – Rejet.
Ne commet ni insuffisance de motivation ni erreur de droit ni dénaturation le juge des référés ordonnant la suspension de la révocation par mesure disciplinaire prononcée par le ministre de l’intérieur contre un gardien de la paix à la suite de la mise en ligne sur le site internet de ce syndicat, ainsi que sur ses comptes facebook et twitter, le 8 janvier 2020, d'un tract mettant gravement en cause le directeur général de la police nationale, ainsi que le ministre de l'intérieur et le directeur de cabinet du président de la République.
D’une part, le juge des référés a constaté que l’agent révoqué ne disposait pas d’autres ressources de nature à lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille ce qui caractérisait une situation d’urgence.
D’autre part, ce juge a estimé qu'il ressortait de l'ensemble des circonstances de fait que le moyen tiré de la disproportion de la sanction par rapport aux faits reprochés à l’intéressé était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision.
A cet égard, contrairement à ce que soutient le ministre de l’intérieur, le juge des référés doit être regardé, eu égard à l'échelle des sanctions applicables, comme ayant implicitement procédé à la vérification que toutes les sanctions moins sévères que la sanction prononcée n'auraient pas été, en raison de leur insuffisance, hors de proportion avec les fautes commises, n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
(ord. réf. 30 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 425095)
Libertés fondamentales
178 - Référé liberté - Détenu(e) ayant changé de sexe - Demande de transfert d'urgence d'une prison d'hommes vers une prison de femmes - Conditions de détention aménagées - Défaut d'urgence - Rejet.
Une personne détenue dans une prison pour hommes qui a, entretemps, changé de sexe, demande à être transférée d'urgence dans une prison pour femmes. Le premier juge des référés ayant rejeté sa demande, le Conseil d'État est saisi : il rend un arrêt confirmatif de la décision attaquée.
Pour dénier l'existence d'une urgence en l'espèce en dépit d'une situation singulière, le juge d'appel retient d'abord que si le principe d'un transfert a été accepté par l'administration pénitentiaire, il lui faut un certain temps pour trouver un lieu de détention adapté au profil criminel de l'intéressé(e) qui a été condamné(e) à une peine de 21 ans de réclusion criminelle assortie d'une période de sûreté pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, terrorisme et participation à une bande armée destinée à troubler la sûreté de l'État.
Ensuite, il est relevé que cette personne, ayant toujours les attributs anatomiques d'un homme, a été placée avec son consentement en cellule d'isolement pour sa protection, que sa prise en charge est respectueuse de sa dignité et de son identité sexuelle : possibilité de s'habiller avec des vêtements féminins dans sa cellule et d'acheter des produits cosmétiques, dispense de fouille par palpation, possibilité d'aller en promenade sans croiser des détenus, distribution des repas devant la porte de la cellule.
Comme, au surplus, l'instruction n'a pas révélé que l'état de santé mentale actuel de cette personne serait gravement affecté par ses conditions de détention dans l'attente d'un transfert dans un établissement adapté à son changement de sexe et à son profil pénal, l'urgence n'est pas établie.
(ord. réf. 9 décembre 2021, Mme A., n° 458871)
Police
179 - Police sanitaire - Covid-19 - Justificatif de statut vaccinal contre la Covid-19 imposé aux personnes de plus de 17 ans accédant au territoire de la Nouvelle-Calédonie en provenance du territoire national - Rejet.
La requête tendait à voir suspendue l'exécution des dispositions du décret du 17 septembre 2021 modifiant le IV de l'article 23-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, en tant qu'elles imposent aux personnes âgées de plus de 17 ans de présenter un justificatif de leur statut vaccinal pour se déplacer à destination de la Nouvelle-Calédonie en provenance du reste du territoire national.
La demande est - comme attendu - rejetée au fond en raison de la fragilité de la situation sanitaire de ce territoire. En la forme, la mesure entrait dans la compétence du premier ministre du fait des dispositions de l'art. 1er de la loi du 31 mai 2021 et elle pouvait être prise sans consultation préalable du gouvernement de Nouvelle-Calédonie car elle n'a pas pour objet de modifier le cadre juridique résultant de la loi précitée mais seulement de le mettre en œuvre en définissant, parmi les mesures que le premier ministre est habilité à prendre, celles qu'appelle, y compris pour la seule Nouvelle-Calédonie, la lutte contre la propagation de l'épidémie.
(ord. réf. 1er décembre 2021, Mme D. et autres, Association Ensemble pour la planète, n° 458557)
(180) V. aussi, rejetant pour défaut de justification de l'urgence la demande de suspension de l'exécution des dispositions du 4° de l'article 1er du décret n° 2021-1471 du 10 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire et du 5° du II de l'article 36 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 en ce que ces dispositions imposent le port du masque de protection aux enfants : 9 décembre 2021, Association "Les ami(e)s de Lucas et Saïd", n° 458398.
(181) Voir le rejet de recours en suspension dirigés contre les dispositions du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 : ord. réf. 14 décembre 2021, Association Via - La Voie du Peuple, n° 458876 ; Association Le cercle droit et liberté et autres, n° 458955 ; Mme AF. et autres, n° 458965 ; Association de défense de la santé publique et de l'environnement (ADSPE) et autre, n° 459037 ; Association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France, n° 459053 ; Association Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques, n° 459124.
(182) V. également, rejetant le recours dirigé contre « la discrimination illégale entre les ressortissants français désirant se rendre en métropole depuis la Guadeloupe et ceux en provenance de l'étranger » du fait des dispositions de l'art. 23-2 du décret du 1er juin 2021 précité, d'une part parce que cette décision est contenue dans une loi pour les Français résidant à l'étranger et, d'autre part, car le taux de couverture vaccinale est en Guyane très inférieur au taux moyen vaccinal : ord. réf. 9 décembre 2021, M. A., n° 459084.
(183) V., rejetant la demande, plus originale, de lever le secret de la défense nationale afin que soient déclassifiées des informations relatives à la la décision annoncée le 7 décembre 2021 prévoyant dans les écoles primaires l'obligation du port du masque en extérieur, l'obligation du port du masque en extérieur et en intérieur pour les activités sportives et la distanciation pour la prise des repas en évitant le croisement des classes, alors que les mesures critiquées, eu égard au contexte sanitaire, sont nécessaires, adaptées et proportionnées à leur objectif de sauvegarde de la santé publique : ord. réf. 16 décembre 2021, Mme A., n° 459222.
(184) V. encore, rejetant l'argument selon lequel l'obligation vaccinale imposée aux professionnels de santé par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit de la requérante au respect de son intégrité physique, celle-ci se bornant à faire valoir, pour contester la proportionnalité de cette obligation au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, que les risques liés à la vaccination l'emporteraient sur les bénéfices individuels qu'elle pourrait en retirer, dès lors qu'elle présenterait un taux d'anticorps, mesuré par un test sérologique, qui assurerait de son immunité, cette argumentation ne justifie pas d'une atteinte grave et manifestement illégale que porteraient à une liberté fondamentale les dispositions réglementaires contestées du décret du 7 août 2021 modifant celui du 1er juin 2021 : ord. réf. 17 décembre 2021, Mme A., n° 458386 ou ord. réf. 17 décembre 2021, Mme B., n° 459293 ou ord. réf. 24 décembre 2021, Mme U. épouse K. et autres, n° 456196 ou 24 décembre 2021, Mme A., n° 459713 ou 29 décembre 2021, M. B., n° 459740 ; ou encore à propos de l’absence de réglementation en matière vaccinale, par le décret du 7 août 2021, de l’ensemble de la population ayant une sérologie positive : ord. réf. 14 décembre 2021, M. A., n° 458338.
(185) V., rejetant la demande de suspension du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en tant que le b) du 1° de l'article 1er modifie le a) du 2° de l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, car ne comportant que des allégations générales et peu circonstanciées n'établissant pas l'existence d'une urgence : ord. réf. 17 décembre 2021, M. B., n° 458850 ; voir également : ord. réf. 24 décembre 2021, Mme A., n° 459179 ; ord. réf. 24 décembre 2021, Mme B. et autres, n° 459181 ; ord. réf. 24 décembre 2021, formation politique « Les patriotes », n° 459195.
(186) V., rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté ministériel (santé) du 14 octobre 2021 en tant qu'il prévoit que les examens de dépistage et les tests de détection du SARS-CoV-2 réalisés par les personnes majeures non-vaccinées contre le SARS-CoV-2 ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie, sauf cas particuliers, l'existence d'une différence objective de situation entre personnes vaccinées et personnes non-vaccinées au regard de l'objet de la mesure ne saurait être sérieusement discutée : ord. réf. 17 décembre 2021, M. B., n° 458923 ; ord. réf. 17 décembre 2021, M. B., n° 459308.
(187) V., rejetant la demande de suspension d'exécution du décret n° 2021-1215 du 22 septembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, en ce qu'il impose, pour la délivrance du passe sanitaire aux personnes vaccinées par le vaccin Sinopharm, une dose complémentaire d'un vaccin à ARN messager, le moyen de l'erreur manifeste d'appréciation sur laquelle reposerait cette mesure n'étant pas sérieux : ord. réf. 17 décembre 2021, M. A., n° 459092.
(188) V., rejetant le recours dirigé par un syndicat de discothèques et autres lieux de loisirs contre le refus de suspendre l’exécution du décret du 7 décembre 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 en tant qu’il rend obligatoire la fermeture des établissements de type P : ord. réf. 21 décembre 2021, Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, n° 459352 ; v. aussi, sur ce même décret, le rejet du recours dirigé contre lui et fondé sur l’obligation qu’il institue du port d’un masque de protection, pour les élèves des écoles élémentaires, dans les espaces extérieurs de ces établissements : ord. réf. 24 décembre 2021, M. Messineo, n° 459471.
(189) V., rejetant le recours de professionnels de haute montagne faisant valoir l’illégalité du 11° du II de l'article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 excluant de son champ d'application les déplacements nécessaires à l'activité des professionnels de haute montagne alors qu'il leur est indispensable d'emprunter les remontées mécaniques dans le cadre de leur activité professionnelle et soutenant que l'obligation de se prêter à un test toutes les 24 heures n'est pas matériellement possible en haute montagne, si bien qu'ils se trouvent dans l'obligation de se faire vacciner pour pouvoir continuer à exercer leur activité professionnelle, alors au demeurant que le respect des gestes barrières serait selon eux suffisant pour éviter la propagation du virus : ord. réf. 22 décembre 2021, M. E. et autres, n° 459553.
(190) V., rejetant la demande d’enjoindre au ministre des solidarités et de la santé et à la caisse nationale d'assurance maladie d'abroger les instructions visant à placer à l'isolement obligatoire les « cas contact » d'une personne contaminée par le nouveau variant Omicron de la Covid-19 : ord. réf. 24 décembre 2021, Association Ligue de défense pour les libertés politiques et naturelles, n° 459542
(191) V., rejetant pour défaut d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le référé liberté tendant à voir suspendue l’application de l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le ministre de la santé a modifié l'arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire afin de mettre fin, sauf dans certains cas, qu'il énumère, à la dérogation au principe du paiement des tests de dépistage du virus de la Covid-19 : ord. réf. 24 décembre 2021, M. A., n° 459655.
Également, rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en ce qu'il modifie l'article 1, I de l'article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, afin de permettre la libre circulation des citoyens résidant en Corse et ayant choisi de procéder à des tests de dépistage virologique, quelques soient le jour et l'heure de la semaine : ord. réf. 24 décembre 2021, M. D. et Mme B., n° 459663.
(192) V., rejetant la demande de suspension du décret du premier ministre imposant aux personnes de plus de 65 ans justifiant d'un schéma vaccinal complet de recevoir une troisième dose pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet à compter du 15 décembre 2021 : 24 décembre 2021, M. B., n° 459754
(193) V., rejetant le recours de Français de l’étranger tendant à l’annulation de dispositions de décrets des 16 et 29 octobre 2020 et des 30 janvier et 11 mars 2021 en tant qu’elles imposent, pour leur venue en France, d’une part, une obligation de justification par un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé et, d’autre part, une obligation de présenter à l'embarquement le résultat d'un test réalisé moins de 72 heures avant et ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 : 28 décembre 2021, M. B., n° 449558 ; Union des Français de l’étranger, n° 449828 ; Mme F., n° 450824, jonction.
(194) V., entre autres exemples de rejet, à propos de l’obligation du port du masque en certains lieux ou pour l’exercice de certaines activités : ord. réf. 28 décembre 2021, M. A., n° 444851.
(195) V., le rejet – sans surprise - des originales demandes d'abroger la loi (sic) n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : 29 décembre 2021, M. A., n° 457020 ; 29 décembre 2021, Mme A., n° 457021.
196 - Police des manifestations sportives - Réglementation du déplacement de supporters lors de rencontres sportives - Risques forts de troubles sérieux - Mesures d'interdiction ne portant pas d'atteinte grave et manifestement illégale à diverses libertés fondamentales - Rejet.
Dans la perspective de la rencontre devant opposer, à Lens, le samedi 4 décembre 2021 à 21 heures, les équipes du Paris Saint-Germain (PSG) et du Racing Club de Lens (RCL), le préfet du Pas-de-Calais a, le 19 novembre 2021, pris un arrêté dont l'article 1er interdit, du 4 décembre 2021 à six heures jusqu'au 5 décembre 2021 à six heures, à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club parisien ou se comportant comme tel d'accéder au stade Bollaert-Delelis de Lens et à ses abords et de circuler ou de stationner sur la voie publique dans le périmètre qu'il définit.
Le recours contre cette mesure ayant été rejeté, la requérante interjette appel.
Elle est déboutée.
Le juge retient l'existence d'antécédents de violences lors de recontres impliquant le RCL, les informations selon lesquelles le niveau de risques de troubles graves pour cette rencontre du 4 décembre 2021 est assez élevé et la circonstance de forte mobilisation des effectifs de police tant au regard de la situation des migrants dans la région côtière de Calais et des Hauts-de-France, qu'en raison d'événements particuliers tels les marchés de Noël et la traditionnelle fête de la Sainte-Barbe pour en déduire que l'arrêté querellé n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'association, à la liberté de réunion et à la liberté d'expression.
(ord. réf. 4 décembre 2021, Association nationale des supporters, n° 459088 et n° 459130)
197 - Police sanitaire - Loi du pays du 23 août 2021 instituant et sanctionnant l'obligation vaccinale pour certaines personnes - Majoration du ticket modérateur à charge pour les personnes non vaccinées - Poursuite d'un objectif justifié - Obligation de respecter ce faisant la garantie constitutionnelle d'une protection de la santé pour tous - Absence de limitation dans le temps justifiée en fonction de l'arrivée de nouvelles vagues - Rejet.
Ne pouvant, dans le cadre de cette Chronique commenter ici cette décision en ses nombreux points de droit, on se permet d'y renvoyer le lecteur.
(10 décembre 2021, Mme W. épouse CO. et autres, n° 456004 ; M. BP. et autres, n° 456447 ; Syndicat des agents publics de Polynésie, n° 456714 ; M. DM., n° 456879 ; M. AD., n° 456886 ; Mme BT., n° 456888 ; Syndicat Rassemblement des travailleurs Amuitahira'a Rave Ohipa no Porinetia et autre, n° 456930 ; Mme DM. et autres, n° 456935 ; Mme FH. et autres, n° 456955 ; M. AE., n° 456978; Fédération Nationale de l'Enseignement, de la Culture et de la Formation Professionnelle - Force Ouvrière Polynésie française et autre, n° 457001, jonction)
198 - Police du stationnement - Forfait de stationnement - Contestation, ou non, de l'avis de paiement - Situation sans effet sur le droit de l'intéressé à contester le titre exécutoire - Annulation.
Encore une fois, l'institution d'un mécanisme juridique qui se voulait simplificateur, en matière de forfait post-stationnement, tourne à la déconfiture car il est en définitive trop complexe. Belle leçon d'humilité pour le législateur et illustration supplémentaire d'un vaudeville.
Le juge rappelle, une nouvelle fois, que si les dispositions de l'art. L. 2333-87 du CGCT obligent en principe le redevable d'un forfait de post-stationnement qui entend contester le bien-fondé de la somme mise à sa charge de saisir l'autorité administrative d'un recours administratif préalable dirigé contre l'avis de paiement et, en cas de rejet de ce recours, d'introduire une requête contre cette décision de rejet devant la commission du contentieux du stationnement payant, il n'en demeure pas moins qu'en cas d'absence de paiement de sa part dans les trois mois et d'émission, en conséquence, d'un titre exécutoire portant sur le montant du forfait de post-stationnement augmenté de la majoration due à l'État, il lui est loisible de contester ce titre exécutoire devant la commission du contentieux du stationnement payant, qu'il ait ou non engagé un recours administratif contre l'avis de paiement et contesté au contentieux le rejet de son recours.
C'est pourquoi, alors même qu'il résulte des dispositions de l'art. R. 2333-120-35 du CGCT que le redevable qui saisit la commission du contentieux du stationnement payant d'une requête contre un titre exécutoire n'est pas recevable à exciper de l'illégalité de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement auquel ce titre exécutoire s'est substitué, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé conteste, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.
(14 décembre 2021, Mme B., n° 439395)
(199) V. aussi, identique en tous points : 14 décembre 2021, Mme B., n° 439515.
(200) V. également : 14 décembre 2021, M. A., n° 447040.
(201) V. encore, témoignant du caractère intarissable de ce contentieux dont on a voulu pourtant, par son organisation, réduire notablement le volume… et rappelant une fois de plus que l'intéressé peut toujours contester, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration : 30 décembre 2021, Mme A., n° 445337.
202 - Police spéciale - Réglementation des substances psychotropes, des stupéfiants et des plantes, substances et préparations classées comme vénéneuses (art. L. 5132-8 du code de la santé publique) – Droit de mourir dans la dignité – QPC – Refus de transmission.
(21 décembre 2021, Association « DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement », n° 456926)
V. n° 220
203 - Police des cercles de jeux et des casinos – Agrément comme employé de jeux puis membre du comité de direction d’un casino, enfin directeur responsable de casino – Conditions de moralité et de probité – Condamnation non portée spontanément à la connaissance des autorités – Retrait des agréments antérieurs – Annulation en appel – Absence de qualification inexacte des faits - Rejet.
Une personne titulaire de deux agréments ministériels, l’un en qualité d’employé de jeux, délivré en 2004, l’autre de membre du comité de direction d’un casino délivré en 2010, fait l’objet d’une condamnation pénale à trois ans d’emprisonnement pour des faits d’agression sexuelle sur mineur, cette condamnation est devenue définitive en 2013. Lors d’une demande d’agrément en qualité de directeur responsable de casino, en 2015, il porte spontanément à la connaissance du ministre de l’intérieur, détenteur de la police spéciale des cercles de jeux et des casinos, l’existence de cette condamnation. Le ministre rejette sa demande d’agrément et lui retire les deux autres agréments dont il est titulaire.
Le tribunal de Lyon, sur recours de l’intéressé, ayant annulé ces trois décisions et cette annulation ayant été confirmée en appel, le ministre se pourvoit.
Son pourvoi est rejeté.
En effet, le juge de cassation relève que le ministre défendeur, pour retirer les agréments en qualités d'employé de jeux et de membre du comité de direction d'un casino, a retenu que l’intéressé, tant lors de ses demandes d'agrément, en 2004 et 2010, que postérieurement à sa condamnation par l'arrêt du 15 novembre 2012, avait volontairement dissimulé à l'administration les faits d'agression sexuelle dont il s'était rendu coupable en 2003. Or cette absence de déclaration spontanée ne méconnaissait pas les exigences résultant de dispositions du code de la sécurité intérieure et ne pouvait, par suite, légalement justifier à elle seule le retrait des deux agréments qui lui avaient été délivrés car aucune disposition n'imposait la communication à l'administration des faits en cause. Pour ce qui est de la dissimulation reprochée au moment où la condamnation était intervenue, aucun texte ni aucun principe n'imposaient non plus qu'il la fasse connaître à l'administration. C’est donc sans qualifier inexactement les faits que la cour a jugé comme elle l’a fait.
(29 décembre 2021, Ministre de l’intérieur, n° 445560)
204 - Police du classement des armes – Police spéciale de la pêche sous-marine – Classement des arbalètes de pêche sous-marine au titre de la législation sur les armes – Refus – Rejet.
En refusant de classer les arbalètes de pêche sous-marine comme armes de la catégorie C comme de la catégorie D, le ministre de l’intérieur n’a pas entaché sa décision d’irrégularité.
En effet, les arbalètes de pêche sous-marine sont destinées à la pratique de la pêche sous-marine et propulsent une flèche permettant la capture d'animaux marins en utilisant la force de câbles élastiques tendus par l'utilisateur ou celle d'un gaz comprimé par la seule force de l'utilisateur mais ne possédant pas de « canon » elles ne peuvent être classées en catégorie C alors même que, comme le soutient la fédération requérante, l'énergie qu'elles communiquent à leur projectile serait supérieure ou égale à 20 joules.
Ce dernier élément justifie, à son tour, que le ministre ait refusé de classer ces arbalètes, par une exacte application des dispositions du h) du 2° du IV de l’article R. 311-2 du code de la sécurité intérieure, en catégorie D.
Aucun des autres moyens n’est, non plus, retenu.
(29 décembre 2021, Fédération nautique de pêche sportive en apnée (FNPSA), n° 449769)
205 - Police des aérodromes non créés par l’État – Autorisation administrative de création – Abrogation – Étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir – Rejet.
Saisi d’une demande d’annulation de l’arrêté ministériel portant fermeture de l’aérodrome de Sallanches Mont Blanc, le Conseil d’État juge implicitement mais nécessairement que le juge de l’excès de pouvoir exerce désormais un contrôle plein et entier, donc de type « normal », sur les motifs des décisions portant abrogation de l’agrément donné à la création d’un aérodrome par toute personne autre que l’État.
En l’espèce, le juge saisi vérifie que cet aérodrome n’était ouvert que pour un usage restreint aux ULM et hélicoptères, que la commune de Sallanches avait engagé la fermeture de l'aérodrome afin de pouvoir réaménager le site des Ilettes en confortant son caractère d'espace naturel sensible et qu’enfin les services qu’il pouvait rendre peuvent être assurés par d’autres aérodromes voisins.
On peut penser que ce contrôle normal sera également exercé sur les décisions agréant l’ouverture d’un tel aérodrome.
(30 décembre 2021, Conseil national des fédérations aéronautiques et sportives et autres, n° 445598)
206 - Police des épizooties – Infection de l’avifaune par un virus de l’influenza aviaire – Claustration des volailles d’élevage – Rejet.
Les organisations requérantes demandaient la suspension d’arrêtés ministériels du 17 septembre 2021, du 29 septembre 2021, du 4 novembre 2021 et de l’instruction technique du 18 novembre 2021 pris par le ministre de l’agriculture afin de lutter contre le risque épizootique en raison de l'infection de l'avifaune par un virus de l'influenza aviaire hautement pathogène, prescrivant les mesures de biosécurité applicables par les opérateurs et les professionnels liés aux animaux dans les établissements détenant des volailles ou des oiseaux captifs dans le cadre de la prévention des maladies animales transmissibles aux animaux ou aux êtres humains, définissant les zones à risque de diffusion du virus de l'influenza aviaire et fixant les conditions de mise à l'abri de volailles en élevage commercial.
C’est surtout cette dernière mesure, notamment la claustration, qui était critiquée par les requérantes, celles-ci faisant valoir sa lourdeur, son coût considérable et son inutilité puisque l’épizootie était également apparue dans des élevages pratiquant la claustration des volailles.
Tout en reconnaissant la gravité des conséquences résultant de ces décisions, le juge des référés rejette les requêtes dont il est saisi tant en raison d’un risque sanitaire particulièrement grave et urgent, de données scientifiques allant également en ce sens et compte tenu que ces affaires seraient examinées au fond avant la fin du premier trimestre 2022.
(ord. réf. 24 décembre 2021, Confédération paysanne, Fédération des syndicats agricoles MODEF des Landes, Mouvement inter-régional des AMAP (MIRAMAP), Association nationale pour une aviculture fermière indépendante et citoyenne (ANAFIC), Association Bio'consom'acteurs, Association Collectif sauve qui poule, Association Agir pour l'environnement et Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), n° 459214, n° 459215, n° 459216 ; Confédération paysanne, Fédération des syndicats agricoles MODEF des Landes et Association nationale pour une aviculture fermière indépendante et citoyenne (ANAFIC), n° 459217)
Professions réglementées
207 - Pharmacien salarié – Litige prudhommal – Production de pièces en violation du secret médical - Irrégularité sauf cas particulier – Cassation avec renvoi.
Dans un litige opposant une pharmacienne d’officine à son employée, pharmacienne salariée, le conseil de prud’hommes ayant été saisi par cette dernière, celle-ci a produit devant lui à l’appui de son recours, des copies d'ordonnances et de feuilles de soins de certains clients de l'officine. L’employeur a saisi la chambre de discipline de première instance du conseil central de l’ordre des pharmaciens pour violation du secret professionnel. La salariée a interjeté appel devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre de la décision lui infligeant trois semaines de suspension temporaire d’exercice. Le conseil national a estimé que la production, devant le conseil de prud'hommes, de documents nominatifs couverts par le secret médical ne méconnaissait pas l'obligation de secret dès lors que ces documents avaient été anonymisés en cours d'instance devant le conseil de prud'hommes et que leur divulgation s'était opérée dans le cadre d'une instance judiciaire, à l'égard de personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel.
Saisi par l’employeur, le Conseil d’État casse cette décision pour erreur de droit motif pris de ce que la circonstance que des documents soient produits dans le cadre d'une instance judiciaire n'a pas, par elle-même, pour effet de soustraire la partie qui les divulgue au respect du secret médical ; il incombait donc à la chambre de discipline de rechercher si cette absence d'anonymisation de pièces couvertes par le secret médical était, dans le cadre de l'instance en cause, strictement nécessaire à la défense de ses droits par l'intéressée. Faute d’avoir procédé à cette recherche, la chambre de discipline voit sa décision cassée et renvoyée.
On pourra trouver, dans les circonstances de l’espèce, un peu sévère la solution retenue.
(27 décembre 2021, Mme A., n° 433620)
208 - Actes de médecine ou de chirurgie esthétique – Exonération de TVA en cas d’intérêt thérapeutique – Assujettissement à la TVA en l’absence de finalité thérapeutique – Commentaires administratifs litigieux conformes au CGI et compatibles avec le droit de l’Union – Rejet.
(27 décembre 2021, Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE), n° 453928)
V. n° 87
209 - Ordre des pharmaciens – Délai d’appel devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre des pharmaciens – Absence de caractère franc – Rejet.
De la combinaison des articles R. 4234-15 et R. 4234-26 du code de la santé publique avec les articles 641 et 642 du code de procédure civile auxquels il est renvoyé par les premiers d’entre eux, il résulte que le délai d’appel devant la chambre de discipline du conseil national de l’ordre, qui est d’un mois, ne constitue pas un délai franc.
Pourquoi cette matière est-elle aussi compliquée et en forme de traquenard alors qu’il suffirait d’uniformiser tous les délais applicables devant une juridiction administrative lorsqu’il s’agit d’affaires relevant du droit commun procédural ?
(29 décembre 2021, M. H., n° 439826)
210 - Infirmiers de bloc opératoire – Compétence exclusive pour l’accomplissement de certains actes – Entrée en vigueur immédiate annulée – Mesures transitoires – Intervention de plusieurs textes – Annulations partielles.
Cette décision illustre la pénurie durable et sérieuse d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État. Le pouvoir exécutif a été conduit à la création progressive d’abord de facto puis de iure d’une catégorie d’infirmiers diplômés d’État, simples si l’on peut dire, autorisés à exercer en bloc opératoire pour l’accomplissement de certains actes.
L'article 1er du décret du 27 janvier 2015 relatif aux actes infirmiers de la compétence exclusive des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État confère aux infirmiers de bloc opératoires diplômés d'État une compétence exclusive pour accomplir les actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article R. 4311-11-1 du code de la santé publique.
Le Conseil d’État, saisi de recours, a estimé irrégulière l’entrée en vigueur immédiate de ce texte et l’a différée au 31 décembre 2017 s’agissant des actes d'aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration prévus au b) du 1° de l’art. R. 4311-11-1 du code de la santé publique. En conséquence, des mesures transitoires ont été adoptées : d’une part, l’entrée en vigueur du b) précité a été différée au 1er juillet 2019 puis au 1er janvier 2020 pour les infirmiers en bloc opératoire, d’autre part, les infirmiers diplômés d'État exerçant une fonction d'infirmier de bloc opératoire et apportant dans ce cadre de manière régulière une aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration au cours d'interventions chirurgicales depuis un an au moins en équivalent temps plein à la date du 30 juin 2019 ont été autorisés – sous certaines conditions - à continuer cette activité, à titre temporaire, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2021, sous réserve de leur inscription avant le 31 octobre 2019 à une épreuve de vérification des connaissances professionnelles, l'autorité administrative compétente pouvant leur délivrer une autorisation permanente d'accomplir ces actes au vu de l'avis de la commission régionale chargée de faire passer cette épreuve.
Les organisations requérantes demandent, chacune, l’annulation de certains des actes figurant dans cette succession de décisions (décret du 28 juin 2019 et arrêté du 31 juillet 2019 ; décret du 29 janvier 2021 ; rejet implicite de la demande tendant à l'édiction et à la publication de nouvelles mesures transitoires autorisant, en l'absence d'un nombre suffisant d'infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État, les infirmiers diplômés d'État qui les accomplissaient auparavant à continuer de réaliser les actes mentionnés au a) du 1° et au 2° de l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique). Leurs diverses requêtes sont jointes.
Concernant le décret du 28 juin 2019, il est jugé d’abord que ses dispositions ne portent atteinte ni au principe d’égalité s’agissant de l’organisation et du fonctionnement de la commission régionale chargée de vérifier les connaissances professionnelles des candidats et qu’elles ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme. Ensuite, en revanche, le décret est annulé en tant que le dispositif transitoire qu'il crée ne comporte pas de dispositions relatives aux actes mentionnés au a) du 1° et au 2° de l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique.
Concernant l’arrêté du 31 juillet 2019, celui-ci n’est pas entaché d’illégalité par voie de conséquence de l’annulation partielle du décret du 28 juin 2019 contrairement à ce qui est soutenu car il a pour seul objet de fixer les modalités de l'épreuve de vérification des connaissances devant une commission, les renseignements contenus dans le dossier de demande d'inscription à cette épreuve et le contenu de la formation complémentaire qui peut être prescrite au candidat.
Concernant le décret du 29 janvier 2021, celui-ci est tout d’abord jugé ne porter atteinte ni au respect du principe d’égalité, ni à l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme (sous réserve de la correction d’une légère erreur matérielle), ni, non plus au principe de non-rétroactivité car il ne dispose que pour l’avenir. Ensuite, en revanche, comme pour le décret du 28 juin 2019, à la date à laquelle il a été pris, le décret du 29 janvier 2021 est irrégulier, en tant qu'il se borne à prévoir un dispositif transitoire limité aux seuls actes d'aide à l'exposition, à l'hémostase et à l'aspiration réalisés au cours d'opérations chirurgicales, méconnaissant ainsi le principe de sécurité juridique; il est donc annulé en tant qu'il ne comporte pas de dispositions relatives aux actes mentionnés au a) du 1° et au 2° de l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique.
Une injonction est adressée en ce sens.
(30 décembre 2021, Union des chirurgiens de France (UCDF) et Syndicat Le BLOC, n° 434004, n° 434932, n° 450338 et n° 457322 ; Fédération des médecins de France, Syndicat des médecins libéraux, Syndicat des médecins d'Aix et sa Région et M. B., n° 450866 ; Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) et Fédération de l'hospitalisation privée - médecine, chirurgie, obstétrique (FHP-MCO), n° 451277, jonction)
Question prioritaire de constitutionnalité
211 - Actes publics établis par une autorité étrangère - Légalisation - Absence de prise en considération de l'urgence - Absence de recours contre les refus de légalisation - Transmission de la QPC.
Le Conseil d'État transmet une QPC fondée sur ce que les dispositions du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, relatives à la légalisation des actes publics des autorités étrangères, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'elles ne prévoient ni de dérogations en cas d'urgence ni de voie de recours contre les décisions de refus de légalisation.
(3 décembre 2021, Association des avocats pour la défense des droits des étrangers et autre, n° 448305 et n° 445519; GISTI et autres, n° 454144, jonction)
212 - Concession de mine - Conditions de la prolongation de droit - Absence de prise en compte de l'environnement - Transmission de la QPC.
Dans le cadre d'une demande d'annulation de quatre décrets par lesquels le premier ministre a accordé à la Compagnie Minière de Boulanger la prolongation, sur une superficie réduite, des concessions de mines de métaux précieux n° 32, n° 6, n° 86 et n° 651 situées sur une partie du territoire de la commune de Roura (Guyane), l'association requérante soulève une QPC tirée de ce que les dispositions du code minier relatives aux demandes de prolongation de concession minière décident que cette prolongation est de plein droit à la seule condition que les gisements sur lesquels elles portent soient encore exploités sans aucunement prévoir la vérification d'atteintes, par une telle prolongation, à l'environnement, en violation des art. 1er, 2 et 3 de la Charte de l'environnement.
Le Conseil d'État transmet la question car elle est de caractère sérieux.
(3 décembre 2021, Association France Nature Environnement, n° 456524, n° 456525, n° 456528 et n° 456529)
213 - Stupéfiants - Délit d'usage illicite de stupéfiants - Infractions relatives au trafic des stupéfiants - Renvoi par la loi à la compétence réglementaire - Question de caractère sérieux - Transmission de la QPC.
Présente un caractère sérieux la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis, spécialement le principe de légalité des délits et des peines, de l'art. L. 5132-7 du code de la santé publique en tant qu'il renvoie au pouvoir réglementaire la définition du champ d'application du délit d'usage illicite de stupéfiants et des infractions relatives au trafic de stupéfiants.
(8 décembre 2021, M. A. et Association « Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes », n° 456556)
214 - Fonctionnaires et agents publics - Nouvelle bonification indiciaire - Exclusion des agents contractuels de son bénéfice - Situations différentes - Légalité - Non-transmission d'une QPC.
(10 décembre 2021, Fédération SGEN-CFDT, n° 451287)
V. n° 161
215 - Exonération d'impôt sur la plus-value de cession de la résidence principale en France - Contribuable fixant son domicile fiscal hors de France - Obligation de cession avant le 31 décembre de l'année suivant celle du transfert du domicile fiscal - Différence de traitement non contraire au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques - Non-transmission de la QPC.
Le requérant soulevait une QPC fondée sur l'atteinte au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques qui résulterait du 1 du I de l'art. 244 bis A du CGI en ce que, pour pouvoir bénéficier de l'exonération de taxation de la plus-value en cas de cession de sa résidence principale, située en France, il impose au contribuable transférant son domicile fiscal hors de France, d'effectuer cette cession avant le 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle a lieu le transfert. Cette limite temporelle n'existe pas pour les contribuables résidents et le demandeur y voyait, à juste titre nous semble-t-il, une atteinte à diverses modalités du principe d'égalité. Le Conseil d'État le déboute en utilisant son « mantra » habituel : la différence de traitement est en rapport avec la différence des situations elle-même appréciée au regard de l'objet de la loi.
On aperçoit mal en quoi l'enfermement dans un délai strict et préfix de l'opération de cession immobilière entretient un quelconque rapport logique avec l'absence de résidence en France sauf à instaurer une présomption de non confiance en celui qui use de sa liberté de quitter l'hexagone et à manifester une volonté de le « punir » fiscalement. C'est là une réaction qui ne peut guère convaincre le bon sens commun et la loyauté attendue de l'État envers ses ressortissants.
(10 décembre 2021, M. H., n° 456728)
(216) V. aussi, avec mêmes solution, sur la QPC et le recours pour excès de pouvoir : 10 décembre 2021, M. et Mme J., n° 457349.
217 - Taxe sur la valeur ajoutée - Directive de 2006 instaurant un système commun de TVA - Exonération de certaines activités d'enseignement - Inapplication aux értablissements dispensant des cours de soutien - Conformité à la directive précitée - Refus de transmission de la QPC.
La requérante contestait le refus d'étendre aux organismes de soutien scolaire le bénéfice de l'exonération de TVA dont bénéficient notamment, d'une part, les établissements d'enseignement et d'autre part, les leçons données, à titre personnel, par des enseignants et portant sur l'enseignement scolaire ou universitaire. Elle soulève une QPC pour atteintes à l'égalité devant la loi et à l'égalité devant les charges publiques à l'appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus d'abroger divers paragraphes et commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts, par lesquels le ministre des finances a fait connaître son interprétation des dispositions du 4° du 4 de l'article 261 du CGI, relatives, notamment, à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens et prestations de services se rapportant à l'enseignement scolaire et universitaire.
La demande de transmission est rejetée car l'activité en cause n'entre pas dans les exonérations de TVA énoncées par la directive de 2006 sur le système commun de TVA et le législateur, en les reprenant à son compte, s'est borné à transposer sur ce point les dispositions inconditionnelles et précises de cette directive telles qu'interprétées par la jurisprudence européenne (v. par ex. : CJUE 14 juin 2007, Stichting Regionaal Opleidingen Centrum Noord-Kennemerland/West-Friesland (Horizon College), aff. C-434/05 et Werner Haderer, aff. C-445/05 ; 14 mars 2019, A et G Fahrschul-Akademie GmbH, aff. C-449/17, à propos de l'enseignement de la conduite automobile) et cela sans qu'il soit porté atteinte à l'identité constitutionnelle de la France.
(10 décembre 2021, SNC MCC Axes, n° 457050)
218 - Suppression progressive de la taxe d'habitation - Compensation de la perte de recettes par les communes et leurs groupements - Maintien de l'égalité du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties avec celui de la taxe d'habitation - Instauration à cet effet d'un coefficient correcteur (IV de l'art. 16, loi de finances du 28 décembre 2019) - Atteintes à des droits et liberté constitutionnellement garantis - Transmission d'une QPC.
Soulève une question de caractère sérieux justifiant sa transmission au Conseil constitutionnel, celle de savoir si les dispositions du IV de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, en tant qu’elles instaurent un coefficient correcteur afin de maintenir l’égalité du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties avec celui de la taxe d’habitation, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant la loi fiscale garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789 et à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l'article 72 de la Constitution.
(14 décembre 2021, Commune de La Trinité, n° 456741)
219 - Élections aux conseils régionaux - Délai de dix jours pour saisir le juge - Délai trop bref - Atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif - QPC - Rejet.
Est refusée la transmission d'une QPC fondée sur l'inconstitutionnalité des dispositions de l'art. L. 361 du code électoral au motif que le délai de saisine du juge qu'il fixe à dix jours méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif, d'autant que le Conseil d'État n'est enfermé dans aucun délai pour statuer sur une telle protestation.
Le Conseil d'État juge ce délai comme n'étant pas d'une brièveté excessive s'agissant de contentieux électoral, d'autant que le juge doit lui-même statuer dans un délai raisonnable. De la sorte n'est portée aucune atteinte au droit à recours juridictionnel effectif.
(17 décembre 2021, M. B., n° 457114)
220 - Réglementation des substances psychotropes, des stupéfiants et des plantes, substances et préparations classées comme vénéneuses (art. L. 5132-8 du code de la santé publique) – Police spéciale - Droit de mourir dans la dignité – QPC – Refus de transmission.
La requérante, à l’appui, d’une part, d’un recours tendant à l’annulation du refus implicite du premier ministre et du ministre de la santé d’abroger deux arrêtés fixant respectivement la liste des substances psychotropes et la liste des substances classées comme stupéfiants et d’autre part, d’une demande d’injonction aux fins de prévoir une exception « permettant à chacun de pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité », soulève une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre, au principal, des dispositions de l’art. L. 5132-8 du code de la santé publique.
Sa transmission est refusée d’abord parce que la question de la constitutionnalité de cet article est sans incidence sur la légalité des arrêtés querellés, elle est donc irrelevante ; ensuite, les dispositions de cet article participent du régime de police spéciale instauré par le législateur en vue de réglementer les opérations relatives aux substances présentant des risques directs ou indirects pour la santé publique. Elles ont, ainsi, de même que les dispositions réglementaires prises pour leur application dont l'association requérante conteste le refus d'abrogation, un tout autre objet que la reconnaissance ou l'exercice d'un « droit à mourir dans la dignité » tel que revendiqué par cette association.
(21 décembre 2021, Association « DIGNITAS - Vivre dignement - Mourir dignement », n° 456926)
221 - Article L. 470-2 du code de commerce – Exécution cumulative des sanctions administratives prononcées contre un même auteur pour des manquements en concours – Disproportion des sanctions par rapport aux faits – Principe de nécessité des délits et des peines – Transmission de la QPC.
Présente un caractère sérieux et est transmise au Conseil constitutionnel la question de savoir si l’art. L. 470-2 du code de commerce, en permettant le prononcé de sanctions disproportionnées par rapport à la gravité des faits en cas de manquements en concours de nature identique, ne porte pas atteinte au principe de nécessité des délits et des peines.
(29 décembre 2021, Société Eurelec Trading, n° 457203)
Responsabilité
222 - Administration fiscale - Responsabilité pour faute du chef d'une évolution de la jurisprudence du Conseil d'État - Conséquences en matière de réparation - Admission de principe et rejet en l'espèce.
Les requérants demandaient la condamnation de l'État à la somme de 1 200 118,87 euros en réparation de préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait de la faute commise par l'administration fiscale dans le cadre d'une procédure d'imposition suivie à leur encontre et celle de 25 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la méconnaissance de leur droit à un délai raisonnable de jugement.
Rejetée en première instance, leur demande a été très partiellement admise en appel.
Le ministre avait soutenu en appel qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'administration, la contrariété de la procédure d'abus de droit menée à l'encontre des contribuables avec les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'étant apparue qu'après la décision du Conseil d'État n° 330940 du 30 décembre 2011 qui a clarifié les critères permettant d'identifier un abus de droit en cas de donation-partage de titres suivie de leur cession. La cour a implicitement mais nécessairement écarté ce moyen en retenant que l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État avait été révélée par la décision du Conseil d'État n° 353822 du 9 avril 2014 prononçant la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels les demandeurs avaient été à tort assujettis au titre de l'année 2003. Elle avait alloué aux requérants une certaine somme en réparation du préjudice financier résultant du coût du financement nécessaire au paiement de ces impôts supplémentaires.
Se fondant sur les dispositions des art. L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales, le juge de cassation pose avec une particulière netteté, proche d'une décision de principe, « qu'en cas de dégrèvement prononcé à la suite d'une réclamation portant sur l'assiette ou le calcul de l'impôt, le contribuable a droit à la perception des intérêts moratoires assis sur les impositions dégrevées, qui ont pour objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes, en compensant en particulier les effets de l'indisponibilité de celles-ci et les coûts de substitution que l'intéressé a été contraint d'exposer. Il peut également, le cas échéant, demander la réparation des préjudices causés par une faute de l'administration fiscale ne résultant pas du seul paiement de l'impôt, notamment ceux résultant des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration ou des troubles causés dans ses conditions d'existence. »
En l'espèce, le préjudice réparé par la cour étant déjà couvert par les intérêts moratoires alloués lors de la restitution de l'impôt, celle-ci a commis une erreur de droit en décidant à nouveau sa réparation. L'État ne peut donc pas être condamné à nouveau à réparer ce préjudice.
(10 décembre 2021, Ministre de l'économie, des finances et de la relance, n° 437412)
223 - Fonctionnaire - Accident imputable au service - Demande indemnitaire de la victime, de son épouse et de ses enfants - Rejet pour tardiveté - Annulation avec renvoi.
Dans un litige en réparation des préjudices subis par diverses personnes du fait d'un accident survenu à un agent public sur le lieu de son travail et donc imputable au service, le Conseil d'État, juge de cassation, tranche deux points de droit.
Tout d'abord, il est jugé que le litige entre l'administration et les membres de la famille d'un fonctionnaire aux fins de réparation des préjudices propres, qu'ils estiment avoir subis du fait de l'accident de service de leur conjoint, père ou mère, ne saurait être regardé comme un litige entre l'administration et l'un de ses agents au sens et pour l'application de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il convient en ce cas de faire application des dispositions de l'art. L. 112-6 selon lesquelles « Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (...) ». Ainsi, en l'espèce, l'accident étant survenu le 5 mars 2003, l'action indemnitaire introduite le 26 avril 2017 est irrecevable pour cause de tardiveté en tant qu'elle émane de la victime, recevable s'agissant des autres membres de la famille.
Cette mansuétude semble bien latitudinaire.
Ensuite, il est jugé qu'une requête à fins indemnitaires émanant de plusieurs requérants est recevable si les conclusions qu'elle comporte présentent entre elles un lien suffisant. Il en résulte que la circonstance que de telles conclusions soient soumises à des conditions de recevabilité différentes n'est pas de nature à faire obstacle à l'examen, dans une même instance, de leur recevabilité respective.
En jugeant le contraire la juridiction d'appel a commis une erreur de droit.
Là encore la bienveillance supplante la logique contentieuse.
(10 décembre 2021, M. Abel Mora et autres, n° 440845)
224 - Perte fonctionnelle d'un oeil au cours d'une intervention chirurgicale - Affirmation par l'arrêt d'appel de l'existence d'un faible risque de survenue d'une cécité - Reconnaissance d'une faute en lien direct avec le préjudice subi - Affirmation que cette faute n'a eu pour effet que la perte de chance de se soustraire à la survenue du préjudice - Erreur de droit - Cassation avec renvoi.
Commet une erreur de droit la juridiction d'appel qui, à la fois, juge qu'un CHU a commis une faute en recourant à une technique pouvant provoquer une cécité alors que ce n’aurait pas été le cas d'une autre technique opératoire, que cette faute est en lien direct avec le préjudice subi mais qu'elle n'est à l'origine que d'une perte de chance de se soustraire à la survenue du dommage, alors qu'il résultait de ses propres constatations que, sans la faute commise dans le choix de l'indication thérapeutique, le patient n'aurait pas perdu l'usage de l'œil gauche.
A notre sens il s'agit plutôt d'une contradiction ou d'une incohérence de motifs appelant de toute façon la censure.
(14 décembre 2021, Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), n° 440589)
225 - Infection nosocomiale - Notion et régime - Article L. 1142-1 du code de la santé publique - Méconnaissance - Annulation.
Statuant sur une action en réparation de dommages imputés à une infection nosocomiale, une cour administrative d'appel se méprend sur le sens et la portée des dispositions des I et II de l'art. L. 1142-1 du code de la santé publique. En effet, après avoir estimé que les dommages subis par la victime, s'ils n'avaient pas occasionné une invalidité permanente supérieure à 25 %, avaient néanmoins le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 CSP mais qu'ils ne constituaient pas pour autant, selon les experts, une cause étrangère à l'infection par un staphylocoque doré contractée par la victime et devaient donc être regardés comme trouvant leur cause dans l'intervention chirurgicale subie par le patient, elle a, cependant, écartant la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris où a eu lieu l’intervention dommageable, mis en jeu celle de l'ONIAM.
(15 décembre 2021, Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), n° 437846)
226 - Infection nosocomiale - Expertise médicale - Expertise entachée d'irrégularité pour non respect du contradictoire - Limites d'utilisation de cette expertise - Annulation avec renvoi.
Dans un litige en responsabilité médicale lors du traitement d'une patiente atteinte d'un diabète de type 1 compliqué de néphropathie et de neuropathie diabétique, est désigné un expert dont les conclusions de son rapport n'ont pas été soumises à la discussion contradictoire des parties.
Le Conseil d'État, confirmant une jurisprudence récente, rappelle l'utilisation qui peut être faite d'un tel rapport défectueux. Les éléments de ce rapport, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, peuvent être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.
Ce n'était pas le cas ici où les juges du fond se sont fondés sur les conclusions médicales du rapport qui étaient pourtant contestées par les parties, d'où l'annulation prononcée avec renvoi.
(15 décembre 2021, M. B., n° 443959)
227 - Responsabilité hospitalière - Contrat d'assurance couvrant cette responsabilité au titre des risques mentionnés à l'art. 1142-2 du code de la santé publique - Connaissance du fait dommageable - Délai et notion - Rejet sur ce point.
Rappel, dans le cadre d'un litige consécutif aux graves lésions cérébrales survenues lors d'un accouchement dans un centre hospitalier, que les contrats d'assurance conclus par les établissements publics de santé aux fins de les garantir des actions mettant en cause leur responsabilité au titre des risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique couvrent les sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat ou pendant une période subséquente d'une durée minimale de cinq ans, à l'exception des sinistres dont le fait dommageable était connu de l'établissement de santé à la date de la souscription du contrat.
Pour l'application de cette dernière règle, résultant du sixième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances, un fait dommageable subi par un patient doit être regardé comme connu de l'établissement de santé à une certaine date si, à cette date, sont connus de ce dernier non seulement l'existence du dommage subi par le patient mais aussi celle d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'établissement à raison de ce dommage.
(15 décembre 2021, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 444541 ; M. F. et Mme K., n° 444594, jonction)
228 - Responsabilité médicale – Prescription décennale – Consolidation du dommage – Notion - Date d’appréciation – Rejet.
Selon l’art. L. 1142-28 du code de la santé publique : « Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ».
Dans la présente espèce se posait la question de la détermination de ce qu’il convient d’entendre par l’expression « consolidation du dommage ».
Il est ici jugé que l’état de santé de la victime d’un dommage corporel doit être considéré comme consolidé à la date à laquelle peuvent être évaluées et réparées les diverses composantes de ce préjudice corporel alors même que la situation personnelle de la victime ainsi que les conditions et coûts exacts de prise en charge ne sont pas stabilisés à cette date.
Le délai de la prescription décennale institué à l’art. L. 1142-28 précité commence donc à courir à compter de cette date.
(27 décembre 2021, M. D. et Société Allianz IARD, n° 432768 ; CPAM de la Sarthe, n° 432792, jonction)
229 - Responsabilité hospitalière – Faute de l’établissement dans la prise en charge de la victime – Dommage commis à la victime par un tiers – Montant de la réparation et partage de responsabilités, indépendance de ces questions – Obligation de réparation strictement intégrale du préjudice – Annulation et sursis à statuer partiels.
Il faut surtout retenir des diverses questions tranchées par cette décision, celle – car elle est assez innovante - concernant la fixation du montant de la réparation due par un établissement de santé dont la faute a causé un préjudice à un patient victime d’un accident causé par un tiers. Le juge pose les règles suivantes.
En premier lieu, et c’est là le principe, lorsque la faute commise par un établissement public de santé dans la prise en charge de la victime d'un accident commis par un tiers engage sa responsabilité à l'égard de cette victime, la réparation qui incombe à l'établissement de santé est indépendante du partage de responsabilité susceptible d'être prononcé par la juridiction saisie d'un litige indemnitaire opposant la victime et le tiers auteur de l'accident.
En deuxième lieu, et c’est là une conséquence majeure du principe qui vient d’être rappelé, si la juridiction saisie a condamné le tiers à indemniser la victime de tout ou partie de ses dommages corporels, cette somme n'a pas à être déduite du montant que l'hôpital doit verser à la victime en réparation de la faute du service public hospitalier.
En troisième lieu, enfin, le principe de réparation de tout le préjudice mais rien que du préjudice, impose au juge de diminuer la somme mise à la charge de l'hôpital dans la mesure requise pour éviter que le cumul de cette somme et des indemnités que la victime a pu obtenir devant d'autres juridictions excède le montant total des préjudices ayant résulté, pour elle, de l'accident et des conditions de sa prise en charge par l'hôpital.
(27 décembre 2021, Mme G. et autres, n° 435632)
230 - Faute personnelle de l’agent public – Notion – Évaluation du préjudice subi par la collectivité – Absence d’erreur de droit ou de qualification juridique des faits – Rejet.
Des secrétaires de la maire d’une commune, chargées de répondre aux courriers électroniques qu’elle reçoit, découvrent trois vidéos pornographiques dans laquelle apparaît la maire et alertent son directeur de cabinet qui reçoit l’ordre immédiat de mettre à pied les deux secrétaires avec forte réduction de leur traitement, celui-ci passant de 2100 à 1200 euros. Cette suspension va durer du 12 novembre 2012 jusqu’aux 5 et 15 mai 2014.
Les intéressées ont saisi le juge administratif de diverses demandes de suspension par voie de référé et au fond qui ont été accordées.
La commune, au moment du changement de maire, estimant que les sommes mises à sa charge de ce fait trouvaient leur origine dans une faute personnelle détachable du service commise par la maire sortante, a émis un avis de sommes à payer d’un montant de près de 74 000 euros (indemnisation des secrétaires, honoraires d’avocats, frais divers).
La requérante a obtenu du tribunal administratif décharge de l’obligation de payer à concurrence de 20 976 euros, le reste demeurant à sa charge. Elle se pourvoit en cassation, son pourvoi est rejeté. La commune forme un pourvoi incident qui est admis au fond.
Le juge devait d’abord se prononcer sur l’existence en l’espèce d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire. Il procède en deux temps, donnant une définition générique de la faute personnelle puis l’appliquant à l’espèce.
Selon le Conseil d’État, « Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. »
En l’espèce, comme relevé par les juges du fond, les faits reprochés au maire révélaient bien des préoccupations d'ordre privé et présentaient par suite le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions de l'intéressée comme maire de la commune de Villepinte.
Le juge devait ensuite se prononcer sur le quantum du préjudice.
Il estime, contrairement à la cour, et il a raison, qu’aucune faute de service n’existe qui pourrait venir en déduction de la charge de la réparation incombant au maire, celle-ci doit donc couvrir les entiers débours de la commune du fait de ses décisions illégales. Est donc réintégrée dans le montant des sommes dues par l’ancienne élue celle de 20 976 euros qui en avait été retranchée à tort par la cour.
La bagatelle filmée coûtera donc à l’ancienne premier magistrat de la cité de Villepinte 73 894 euros. C’est bien connu : le vedettariat a un prix !
(29 décembre 2021, Mme Nelly Roland, n° 434906)
Santé publique
231 - Inscription d’une spécialité sur la « liste en sus » (art. L. 162-22-7 c. séc. soc.) – Refus – Pertinence des comparateurs retenus – Intérêt pour la santé publique – Rejet.
La société requérante demande l’annulation de la décision interministérielle refusant d'inscrire sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, dite « liste en sus », la spécialité « Tecentriq 1200 mg (atezolizumab) (solution à diluer pour perfusion) » dans son extension d'indication en première ligne de traitement des patients adultes atteints d'un cancer bronchique à petites cellules (CBPC) au stade étendu, en association au carboplatine et à l'étoposid.
En principe, l'inscription de certaines spécialités sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale permet leur prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation prises en charge dans le cadre de forfaits de séjour et de soins établis par groupe homogène de malades, afin de favoriser l'accès aux traitements innovants et coûteux.
C’est pourquoi il a été prévu qu'une spécialité peut être inscrite sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 précité en dépit d'une amélioration mineure du service médical rendu (ASMR) si l'indication considérée présente un intérêt de santé publique et en l'absence de comparateur pertinent.
Est également prévue l'inscription d'une spécialité sur cette liste en dépit d'une ASMR mineure ou absente lorsque ses comparateurs pertinents sont déjà inscrits sur la liste afin que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription de spécialités directement substituables, compte tenu de leur place dans la stratégie thérapeutique, ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier.
La société requérante soutient que ces dispositions font obstacle à l'inscription d'une spécialité dont le comparateur pertinent n'est pas susceptible d'être inscrit. Le juge rejette cet argument car cette spécialité peut être inscrite dès lors qu’elle présente une amélioration du service médical rendu au moins de niveau modéré.
Elle soutient également que ces dispositions méconnaissent l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme, ce que réfute le juge, estimant que la notion de comparateur pertinent est bien précisée au II de l'article R. 162-37-3 du même code.
Enfin, répondant au moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des dispositions du 3° du I de l'article R. 162-37-2 du code de la sécurité sociale, il est jugé qu’il résulte de l’art. R. 162-37-3 précité que les ministres peuvent apprécier l'amélioration du service médical rendu de la spécialité en s'appuyant sur une comparaison avec tous les comparateurs pertinents, au regard des connaissances médicales avérées, que sont les médicaments, les produits, les actes et les prestations, qu'ils soient utilisés isolément ou constituent un traitement composite, et sans que la circonstance qu'un tel traitement ne soit pas susceptible d'être inscrit sur la « liste en sus » fasse obstacle à ce qu'il soit identifié comme un comparateur pertinent.
Concernant le choix des comparateurs pertinents, les ministres n'ont entaché leur décision d'aucune illégalité ni ne l'ont insuffisamment motivée en tenant compte, pour fonder leur appréciation, des mêmes comparateurs cliniquement pertinents que ceux retenus par la commission de la transparence. Ils n’ont pas, non plus, commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant, comme comparateurs pertinents du protocole faisant appel à Tecentriq, qui comporte d'abord une phase d'induction l'associant avec une chimiothérapie combinant carboplastine et étoposide puis une phase d'entretien avec Tecentriq seul, les protocoles de chimiothérapie seuls retenus comme comparateurs cliniquement pertinents par la commission de la transparence, qui font appel à une combinaison des médicaments génériques à base de cisplatine, de carboplatine ou d'étoposide, alors même qu'aucun de ces protocoles ne comporte de phase d'entretien après la phase d'induction.
Il s’ensuit que la décision n’est pas entachée d’illégalité puisque, d’une part, la spécialité Tecentriq présentait une amélioration du service médical rendu mineure et, d’autre part, les comparateurs pertinents retenus ne figuraient pas eux-mêmes sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale.
Enfin, la société requérante ne peut pas soutenir qu’est irrégulier l'autre motif de la décision attaquée, par lequel les ministres ont écarté l’existence d’un intérêt de santé publique, dès lors que, comme indiqué plus haut, la spécialité Tecentriq disposait de comparateurs pertinents car l’existence d'un intérêt de santé publique n'est de nature à permettre l'inscription d'une spécialité sur la liste prévue à l'article L. 162-22-7 précité qu'en l'absence de comparateur pertinent.
(30 décembre 2021, Société Roche, n° 448464)
(232) V. aussi, rejetant le recours dirigé contre la décision implicite rejetant une demande, présentée le 4 décembre 2019, d'inscrire la spécialité MEPSEVII 2 mg/ml, solution à diluer pour perfusion, sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, ainsi que la décision de rejet de son recours tendant au réexamen de cette décision et à l'inscription de la spécialité litigieuse : 30 décembre 2021, SAS Ultragenyx France, n° 449368.
233 - Produit de santé – Institution d’un prix maximal de vente aux établissements de santé – Renvoi préjudiciel à la CJUE.
Le Conseil d’État était saisi d’un recours dirigé contre le décret n° 2020-1437 du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente d'un produit de santé aux établissements de santé.
Examinant le moyen tiré de la contrariété de ce texte au droit de l’Union, spécialement à l'article 4 de la directive 89/105/CEE, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, le juge opère un renvoi préjudiciel à la CJUE. Ce renvoi pose la question de savoir « l’art. 4 doit être interprété en ce sens que la notion de " blocage des prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments" s'applique à une mesure dont la finalité est de contrôler les prix des médicaments mais qui concerne uniquement certains médicaments pris individuellement, et n'a pas vocation à s'appliquer à tous les médicaments, ni même à certaines catégories d'entre eux et alors que les garanties que cet article attache à l'existence d'une mesure de blocage telle qu'il la définit apparaissent, pour une telle mesure, dépourvues de portée ou d'objet. »
(30 décembre 2021, Syndicat Les Entreprises du médicament, n° 449049)
(234) V. aussi, le rejet du recours du même syndicat tendant à voir annuler la décision de rejet implicite de sa demande d'abrogation des dispositions du a) du 11° de l'article 1er du décret n° 2020-1090 du 25 août 2020 portant diverses mesures relatives à la prise en charge des produits de santé en tant qu'elles modifient le I de l'article R. 163-5 du code de la sécurité sociale pour introduire un renvoi « à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ». Cette modification a pour objet de décider que les motifs de refus énoncés à l'article R. 163-5 du code de la sécurité sociale pour l'inscription des spécialités sur la liste établie en vue de leur prise en charge ou leur remboursement par les caisses d'assurance maladie lorsqu'elles sont dispensées en officine, peuvent s'appliquer, notamment, à l'inscription sur la liste établie par le ministre chargé de la santé et le ministre chargé de la sécurité sociale des produits agréés, sur le fondement de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, pour l'achat, la fourniture, la prise en charge et l'utilisation des spécialités pharmaceutiques par les collectivités publiques : 30 décembre 2021, Syndicat Les Entreprises du médicament, n° 450193
Service public
235 - Ingénieur de l'agriculture et de l'environnement - Agent de l'Office national des forêts (ONF) - Prise en compte de l'ancienneté de l'agent - Détermination de son éventuelle qualité d'agent public - Établissement public industriel et commercial (EPIC) exerçant des missions de service public administratif - Erreur de droit - Annulation et renvoi sur ce point.
(8 décembre 2021, Mme A., n° 432608 ; Ministre de l'agriculture, n° 432686, jonction)
V. n° 157
236 - Enseignement supérieur - Diplômes nationaux - Système européen d'unités d'enseignement capitalisables et transférables (crédits-ECTS) - Hypothèse de changement d'établissement avec poursuite des études antérieures - Licence - Régime applicable - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Tirant toutes les conséquences du principe de capitalisation appliqué dans le cadre du système européen de crédits (dits crédits-ECTS), il est jugé ici, à propos d'une étudiante en licence de psychologie, que l'étudiant qui change d'établissement pour poursuivre son cursus dans une même formation, conserve définitivement le bénéfice de ceux des crédits qui lui ont été délivrés dans l'établissement d'origine et ne doit donc valider que le nombre de crédits qui lui manque pour l'obtention de son diplôme.
La même solution s'applique aux crédits acquis au titre des semestres précédents par un étudiant ajourné qui poursuit son cursus dans une même formation et dans le même établissement, y compris dans le cas où cet établissement modifie entretemps le programme pédagogique de ce cursus ainsi que les crédits-ECTS attribués à chaque composante des unités d'enseignement qui le constituent.
(8 décembre 2021, Mme O., n° 434541)
237 - Avis de droit - Enseignement supérieur - Diplôme de master - Possibilité de parcours-types de formation différents pour un master accrédité au titre d'un domaine et d'une mention donnés - Parcours types pouvant concerner la seule seconde année de master - Faculté d'accès en seconde année d'un parcours-type ouverte à tout étudiant ayant obtenu sa première année de master sauf répartition différenciée dès la première année.
Saisi du recours d'un étudiant s'étant vu refuser l'admission en deuxième année de Master mention « psychopathologie clinique psychanalytique’, parcours « psychologies et psychopathologies cliniques », le tribunal administratif de Lyon, usant de la procédure du rescrit instituée à l'art. L. 113-1 du CJA, sous le nom d' « avis de droit », a soumis plusieurs questions au Conseil d'État.
Pour techniques qu'elles paraissent ces interrogations sont récurrentes dans le Landerneau universitaire et traduisent le mal-être français en matière de sélection/non-sélection dans l'accès aux études supérieures ou au cours de celles-ci. Se tenant à un entre-deux délicat, les juges du Palais-Royal décident ceci en se fondant uniquement sur des textes de droit interne sans aucune référence aux textes européens (formant le "processus de Bologne") qui sont pourtant la cause exclusive de l’existence du mécanisme en cause.
D'une part, les établissements d'enseignement supérieur peuvent instituer, pour un même master accrédité, des parcours-types de formation différents qui conduisent cependant dans tous les cas à la délivrance du même diplôme de master, relevant du même domaine et comportant la même mention.
D'autre part, les parcours-types peuvent, le cas échéant, ne concerner que la seconde année du master. En principe, dans ce cas, tout étudiant ayant réussi la première année de formation de ce master accède de droit aux différents parcours-types existant en seconde année. Il en va en particulier ainsi lorsqu'un seul l'un des parcours-types de deuxième année de ce master est de nature à permettre aux étudiants diplômés de satisfaire les conditions pour être autorisés à faire usage d'un titre professionnel.
Toutefois, il en va différemment lorsque l'admission des étudiants en première année d'un master dépend des capacités d'accueil de l'établissement et est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat et qu'il a d'ores et déjà été procédé à une répartition, entre les deux parcours-types, des étudiants autorisés à suivre la formation de ce master.
(8 décembre 2021, M. C., n° 449272)
238 - Enseignement supérieur - Procédure de recrutement des enseignants - Pouvoirs du comité de sélection et du conseil académique - Motif erroné d'interruption de la procédure - Annulation et injonction de la reprendre si le recrutement initialement envisagé est retenu.
Le juge décide, et c'est là l'apport principal de la décision, qu'il est toujours possible au conseil académique d'une université, s'il relève l'existence d'une irrégularité de nature à entacher la délibération par laquelle le comité de sélection arrête la liste, classée par ordre de préférence, des candidats qu'il retient, le plaçant ainsi dans l'impossibilité de proposer le nom du candidat sélectionné ou, le cas échéant, une liste de candidats classés par ordre de préférence, de décider de ne pas donner suite à une procédure de recrutement d'un enseignant-chercheur.
En revanche, en l'espèce, la suspension décidée l'a été à tort dans la mesure où elle est fondée sur ce que la décision du comité de sélection pourrait être suspectée d'être fondée sur une discrimination en fonction de l'âge alors qu'il ressortait du courrier électronique litigieux que le comité de sélection s'était fondé à titre principal sur l'insuffisance de l'investissement du candidat dans des responsabilités pédagogiques et administratives, et que ni ce motif, ni, à la supposer établie, l'orientation générale du comité de sélection consistant à privilégier le recrutement de jeunes enseignants-chercheurs, n'étaient de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination. La décision de suspension est annulée.
Il est fait injonction à l'université, si elle désire poursuivre l'opération de recrutement, de reprendre sous deux mois la procédure interrompue et au stade où elle l'a été.
(8 décembre 2021, M. D., n° 436191)
239 - Enseignement supérieur – Création à titre expérimental d’une « université de Paris » composée de deux seulement des universités parisiennes – Risque de confusion et d’erreur – Erreur manifeste d’appréciation dans le choix de la dénomination – Annulation sur ce point.
Le décret du 20 mars 2019 portant création de l'université de Paris et approbation de ses statuts est annulé en tant qu'il confère à l'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel expérimental qu'il crée la dénomination « université de Paris ». Celle-ci, qui reprend la dénomination de l'université créée à Paris au XIIème siècle et de l'université fondée en 1896 pour regrouper, notamment, la faculté des sciences, la faculté des lettres, la faculté de droit et la faculté de médecine et qui a subsisté jusqu'à la loi du 12 novembre 1968, est de nature, alors qu’elle ne comporte fusion que de deux seulement des universités parisiennes, à induire en erreur les étudiants, les partenaires français et étrangers des universités parisiennes et plus généralement le grand public, cette dénomination laissant entendre que ce nouvel établissement est l'unique successeur de l'ancienne université de Paris et, en outre, qu'il est la seule université pluridisciplinaire.
(29 décembre 2021, Université Paris-II Panthéon-Assas, n° 434489)
240 - Nomination du Directeur de l'Institut d'études politiques de Paris - Désignation concomitante comme administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) - Référé suspension - Absence d'atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts du requérant - Défaut d'urgence - Rejet de la demande de suspension.
Le requérant sollicitait la suspension de l'exécution de la décision du président de la république nommant M. Mathias Vicherat, directeur de Sciences-Po Paris et de celle de la ministre de l'enseignement supérieur le nommant subséquemment administrateur de la FNSP. Ayant obtenu une voix lors des scrutins de désignation, il invoquait au soutien du recours à la procédure d'urgence que constitue le référé suspension, l'atteinte grave et immédiate à sa réputation et à sa situation professionnelle puisqu'il est définitivement privé d'accéder au poste de directeur de Sciences-Po ainsi que le trouble à l'intérêt public pouvant résulter de l'annulation de ces désignations lorsque le juge statuera au fond. Aucun de ces éléments ne permet de constater l'atteinte invoquée et, par suite, l'urgence qu'il y aurait à statuer.
(ord. réf. 15 décembre 2021, M. Olivier Faron, n° 458964)
(241) V. aussi, identique : ord. réf. 15 décembre 2021, M. Olivier Faron, n° 459236.
242 - Service public de l’aide à personne et de l’aide médicale urgente – Interventions successives d’un SDIS (service de départemental d’incendie et de secours), du SAMU (service d’aide médicale urgente) et d’une SMUR (structure mobile d’urgence et de réanimation) – Détermination de la prise en charge des frais – Régime.
Cette décision s’inscrit dans un contexte récurrent de controverses sur la détermination de la charge des frais engendrés par une opération de secours à personne et d’aide médicale.
Dans de très nombreuses situations, l’intervention des secours débute par la venue du SDIS sur les lieux puis, selon l’état des personnes, celle du SAMU voire d’une SMUR.
L’imbrication de ces diverses étapes rend malaisé de savoir qui, en définitive, doit payer les coûts liés à ces actions. Par exemple, lorsqu’un SDIS, estimant être parvenu aux limites de sa compétence technique dans tel cas, fait appel à une SMUR vers laquelle la victime est transportée, le coût du transport, souvent très élevé lorsqu’il s’effectue par hélicoptère, est-il à la charge du premier ou du second intervenant ?
La complexité croît lorsque l’on passe de deux à trois structures d’intervention et cela d’autant plus que sont cumulativement applicables en ces cas les dispositions du code de la santé publique, de celui de la sécurité intérieure ainsi que du code général des collectivités territoriales, dont on imagine sans peine qu’ils poursuivent, chacun, des finalités et comportent en conséquence des objectifs assez différents.
Le Conseil d’État est déjà intervenu à plusieurs reprises pour fixer les règles du jeu (v., par ex., dans la jurisprudence récente, 18 mars 2020, SDIS des Alpes-Maritimes c/ CHU de Nice, n° 425990) sans que le contentieux diminue…
Cette décision est donc l’occasion de préciser à nouveau les règles applicables telles que les détermine la jurisprudence.
En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des art. 1424-2 et 1424-42 du CGCT, L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, L. 6311-1, L. 6311-2, R. 6311-1, R. 6311-2, R. 6312-15 et D. 6124-12 du code de la santé publique que les SDIS ne doivent supporter la charge que des seules interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du CGCT, au nombre desquelles figurent celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes.
Lorsque les interventions des SDIS ne relèvent pas directement de l'exercice de leurs missions de service public elles peuvent donner lieu à une participation aux frais de celles des personnes qui en sont bénéficiaires, dont ces services déterminent eux-mêmes les conditions.
En deuxième lieu, s’agissant des services d’aide médicale urgente, les dispositions susrappelées font obligation, d’une part aux SDIS, d’assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état et d’autre part, à cette fin, au centre de réception et de régulation des appels, dit « centre 15 », installé dans ces services, de déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, le cas échéant en organisant un transport sanitaire d'urgence faisant appel à une entreprise privée de transport sanitaire ou, au besoin, aux SDIS.
Les interventions qui, dans ce cadre, ne relèvent pas de l'article L. 1424-2 du CGCT, sont effectuées par les SDIS à la demande du centre 15, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, font l'objet d'une prise en charge financière par l'établissement de santé siège des services d'aide médicale d'urgence, dans des conditions fixées par une convention conclue entre le SDIS et l'établissement de santé et selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale. Il importe ici de distinguer cette convention de celle que prévoit l'article D. 6124-12 du code de la santé publique en cas de mise à disposition de certains moyens.
Il suit de là que dans le cas de l’espèce, c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a jugé :
- d’une part, que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 1424-42 du CGCT doivent dans ces conditions être regardées comme régissant l'ensemble des conditions de prise en charge financière par les établissements de santé d'interventions effectuées par les SDIS à la demande du centre de réception et de régulation des appels lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l'article L. 1424-2 de ce code auxquelles ces établissements publics sont tenus de procéder et dont ils supportent la charge ;
- d’autre part, qu’il convient de déduire de ce qui précède que les SDIS ne peuvent demander, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 1424-42 du même code, une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération de leur seul conseil d'administration, aux établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence.
Il reste à espérer que ces clarifications opportunes contribueront à réduire sinon à tarir un contentieux irritant par sa persistance et par sa motivation.
(30 décembre 2021, CHU de Bordeaux, n° 443335)
Sport
243 - Police des manifestations sportives - Réglementation du déplacement de supporters lors de rencontres sportives - Risques forts de troubles sérieux - Mesures d'interdiction ne portant pas d'atteinte grave et manifestement illégale à diverses libertés fondamentales - Rejet.
(ord. réf. 4 décembre 2021, Association nationale des supporters, n° 459088 et n° 459130)
V. n° 196
Urbanisme
244 - Liste des obligations financières mises à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire - Caractère limitatif (art. L. 332-6 et L. 332-6-1 c. urb.) - Dispositions d'ordre public - Accord amiable contraire frappé de nullité - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.
Commet une erreur de droit l'arrêt d'appel qui juge possible la cession à titre gratuit à une commune, par le bénéficiaire d'une autorisation de construire, d'une parcelle en vue de la réalisation de travaux dès lors qu'elle repose non sur les dispositions du e) du 2° de l'art. L. 332-6-1 du code de l'urbanisme - dispositions déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel (cf. n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010) -, mais sur un accord amiable.
En effet, l'énumération figurant aux art. L. 332-6 et L. 332-6-1 c. urb. est strictement limitative et d'ordre public, d'où il suit que toute stipulation contractuelle y dérogeant est entachée de nullité.
(8 décembre 2021, Société Zohra, n° 435492)
245 - Permis de construire - Intérêt à agir contre ce permis - Voisins immédiats - Atteinte à l'intimité - Qualification inexacte des faits - Annulation avec renvoi.
Qualifie inexactement les faits de l'espèce le magistrat qui dénie l'existence d'un intérêt à agir contre un permis de construire au bénéfice de requérants qui sont voisins immédiats de la construction et font état des nuisances sonores inhérentes au projet consistant à démolir une grange pour y construire une maison d'habitation et de ce que cette construction entraînerait, pour eux, « une importante perte d'intimité » en tant, notamment, que les futurs occupants auraient une vue directe sur leurs propres habitations.
(8 décembre 2021, M. E. et autres, n° 441893)
246 - Mise en demeure de payer la taxe d'aménagement et une redevance d'archéologie préventive - Demande d'annulation des titres exécutoires - Prescription des titres - Rejet.
L’administration fiscale, se fondant sur les dispositions des art. L. 331-21 et L. 331-24 du code de l’urbanisme, a émis les 5 et 6 décembre 2016, deux titres de perception pour avoir paiement de la taxe d'aménagement due par une société, puis, à défaut de leur règlement elle l’a, par courrier du 16 février 2017, mise en demeure de payer les première et deuxième échéances de cette taxe.
La société a formé le 9 mars 2017un recours auprès de la direction régionale des finances publiques afin d'obtenir la décharge de ces impositions et, ayant essuyé un refus, a saisi le tribunal administratif qui a annulé les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016, les mises en demeure de payer du 16 février 2017 ainsi que la décision implicite rejetant la réclamation préalable formée par la société le 9 mars 2017 et a déchargé cette dernière, notamment, de l'obligation de payer la somme mise à sa charge au titre de la taxe d'aménagement. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoit en cassation, dans cette mesure, contre ce jugement.
Il résulte des dispositions de l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme, et en l'absence de toute autre disposition applicable, que le délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise est interrompu, notamment, à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception émis sur le fondement de l'article L. 331-24 du même code en vue du recouvrement de la taxe d'aménagement a été présenté à l'adresse du contribuable.
En l’espèce, c’est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que la société contribuable était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription du délai de reprise prévu par l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme qui s'est achevé en l'espèce le 31 décembre 2016, au motif qu'elle n'avait reçu les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016 que le 12 janvier 2017, alors qu'il ne ressortait d'aucune pièce versée au dossier de première instance que la date de cette réception du pli contenant ces titres n'aurait pas été celle de sa première présentation à l'adresse de la société.
(6 décembre 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 438975)
(247) V. aussi, à propos de ces mêmes taxe et redevance pour omission de réponse à moyen : 6 décembre 2021, Société Barca Investissements, n° 439700.
(248) V. encore, concernant également ces mêmes taxes et redevances, annulant un jugement estimant régulier le refus par l'administration de communiquer à l'intéressé, sur sa demande et préalablement à l'émission des titres de perception litigieux, le procès-verbal de constat d'infraction pour construction sans permis, motif pris de ce que cette pièce était couverte par le secret de l'enquête et de l'instruction en vertu des dispositions de l'art. 11 du code de procédure pénale. Cette solution est entachée d'erreur de droit, les dispositions des art. L. 331-6, L. 331-20 et L. 331-22 du code de l'urbanisme entrant dans les exceptions énoncées à l'alinéa 2 de l'art. 11 du CPP : 10 décembre 2021, M. J., n° 431472.
249 - Plan d'urbanisme - Réglementation en matière de logements (art. L. 123-2 c. urb.) - Objectif de mixité sociale - Résidence services (code de la construction et del'habitation) - Notion - Rejet.
Des personnes physiques et des personnes morales qui ont demandé en vain en première instance et en appel, l'annulation d'un arrêté municipal délivrant un permis de construire un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et une « résidence services seniors », se pourvoient en arguant de la violation par cette décision de dispositions du code d'urbanisme et du plan local d'urbanisme.
L'essentiel du débat portait sur la qualification juridique de l'opération.
D'une part, concernant la maison de retraite, il n'était pas douteux que celle-ci entre dans la catégorie des « constructions nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » pour laquelle l'art. R. 123-9 c. urb. prévoit que des règles particulières peuvent être applicables à leurs constructions et à leurs installations.
D'autre part, s'agissant de la résidence pour seniors, il était soutenu que les dispositions prétendument non respectées concernaient principalement la réglementation relative aux logements.
Précisément, la nature de « logements » d'une résidence pour seniors pouvait être discutée et d'ailleurs la cour administrative d'appel y avait vu des « hébergements », donc non assujettis aux règles prévues pour les logements.
Le Conseil d'État confirme l'absence d'erreur de droit dans cette analyse en se fondant sur plusieurs dispositions du code de la construction et de l'habitation (notamment les art. L. 631-13, L. 631-15, L. 631-16 et D. 631-27) qui définissent un résidence services comme celle permettant « à ses occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables, précisés dans le contrat de location notamment lorsque le gérant de ces services est également le bailleur, et qui sont l'accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visiteurs, la mise à disposition d'un personnel spécifique attaché à la résidence, le cas échéant complétée par des moyens techniques, permettant d'assurer une veille continue quant à la sécurité des personnes et à la surveillance des biens, et le libre accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés. Les occupants peuvent en outre souscrire des services spécifiques individualisables auprès de prestataires. »
En l'espèce, le permis de construire a été accordé pour une résidence services seniors de 15 appartements T2, dont les 8 de l'étage sont transformables en une unité de vie de 16 lits rattachés à l'EHPAD mitoyen et ainsi, uniquement destinée à des personnes âgées, cette résidence assurera donc des services communs destinés à répondre aux besoins de cette catégorie de population.
Une telle résidence relève ainsi, comme jugé en appel, d'une vocation d'hébergement et non de logement au sens des dispositions du plan local d'urbanisme, alors même que la cour a pris appui, pour opérer cette qualification, sur les dispositions d'un arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme postérieur à l'édiction du plan local d'urbanisme de la commune.
(13 décembre 2021, M. et Mme O. et autres, n° 443815 ; SCI Les Prés Briard et autres, jonction)
250 - Permis de construire - Appréciation de l'intérêt à agir - Affichage en mairie - Invocation d'une « circonstance particulière » justifiant une appréciation de l'intérêt à agir à une autre date que celle de l'affichage du permis en mairie - Requérant ayant acquis le terrain voisin postérieurement à la délivrance du permis - Recours irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.
Est irrecevable le recours dirigé contre un permis de construire introduit par un requérant qui n’est devenu propriétaire d'un terrain voisin de celui servant d'assiette à la construction autorisée qu'après la délivrance dudit permis, régulièrement affiché en mairie, sans que puisse constituer une »circonstance particulière » au sens et pour l'application de l'art. L. 600-1-3 c. urb. l'allégation que le recours ne tendait qu'à préserver les intérêts de son auteur et à permettre de mener à son terme son propre projet.
(13 décembre 2021, Société Ocean's Dream Resort, n° 450241)
251 - Permis de construire - Recours d'un voisin - Qualité donnant intérêt à agir - Procédure judiciaire de désenclavement - Tracé de la servitude incompatible avec le projet de construction - Condition de vicinalité jugée non satisfaite - Qualification inexacte des faits - Annulation avec renvoi.
En refusant de reconnaître dans la situation du requérant l'existence d'éléments suffisant à justifier de son intérêt pour agir en qualité de voisin immédiat d'un projet de construction, un tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de l'espèce car le requérant démontrait avoir engagé une procédure judiciaire de désenclavement de sa parcelle, immédiatement voisine de celle du projet, et que la construction projetée nuirait à la réalisation du tracé de la servitude envisagée à cette fin, lequel était contraint par la configuration du terrain.
(23 décembre 2021, M. B., n° 448001 et n° 448422)
252 - Permis de construire - Communes en tension entre offre et demande de logements - Dispositions contentieuses dérogatoires et donc de droit étroit - Tribunal administratif statuant en premier et dernier ressort - Exceptions - Renvoi à la cour administrative d'appel.
Afin d'accélérer le jugement des contentieux d'urbanisme nés dans la commune où existe une tension forte entre offre et demande de logements, l'art. R. 811-1 du CJA a prévu que le tribunal administratif statue en ce domaine en premier et dernier ressort sous réserve d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.
Parce que cette disposition déroge au droit commun instituant une voie d'appel en cour administrative d'appel contre les jugements des tribunaux administratifs, elle est d'interprétation stricte.
La dérogation ne s'applique, juge dans cette affaire - importante pour ce motif - le Conseil d'État, « ni aux jugements statuant sur des recours formés contre des refus d'autorisation, ni aux jugements statuant sur des recours formés contre des décisions de sursis à statuer. »
Le litige est renvoyé à la cour administrative d'appel.
(15 décembre 2021, Commune de Venelles, n° 451285)
253 - Contentieux de l'urbanisme - Application de l'art. L. 600-5-2 c. urb. et litige d'appel - Obligation pour le premier juge de transmettre au juge d'appel le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis modificatif faisant suite à un jugement d'annulation - Renvoi du litige à la cour administrative d'appel.
Lorsque le juge d'appel est saisi d'un appel contre un jugement d'un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l'existence d'un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu'un permis modificatif visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d'appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis lui a été communiqué ainsi qu'aux parties.
Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre ce permis devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre (cf. art. R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 CJA), à la cour administrative d'appel saisie de l'appel contre le jugement relatif au permis initial.
Cette jurisprudence innovante et simplificatrice doit être saluée même si l'art. L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, qui se voulait simplificateur lui aussi, a trompé manifestement les espoirs mis en lui par ses auteurs.
(15 décembre 2021, SCCV Viridis République, n° 453316)
254 - Permis de construire et permis de construire modificatif - Incomplétude, imprécisions ou inexactitudes entachant les documents exigés pour la demande de permis de construire - Situation de nature à fausser l'appréciation portée sur la demande par l'autorité administrative - Erreur de droit - Annulation du refus d'annuler le permis.
Rappel de ce que la circonstance qu'un dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions des articles R. 431-4 à R. 431-12 du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
En l'espèce, où les documents comportaient des indications contradictoires sur l'abattage de trente-huit arbres et leur remplacement par vingt-six autres ainsi que des éléments d'impossibilité quant à l'emplacement de certains d'entre-eux, l'autorité administrative n'a pas été mise en mesure de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur le respect des dispositions des articles UC 13.4 et UC 13.5 du règlement du plan local d'urbanisme imposant, d'une part, le remplacement de la totalité des arbres abattus et, d'autre part, qu'un minimum de 50 % de la surface au sol de la parcelle soient traités en espaces verts.
En jugeant le contraire, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier : son arrêt est cassé en vue que soit correctement repris ce dossier.
(23 décembre 2021, M. X. et autres c/ Commune du Mesnil-Esnard, n° 448360)
255 - Urbanisme et aménagement commercial – Permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale – Étendue du pouvoir d’injonction du juge administratif – Annulation partielle.
Il faut retenir notamment de cette décision qui aborde plusieurs points de l’intarissable et nourri contentieux de l’urbanisme commercial, le rappel qu’en cas d’annulation de la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, le juge administratif peut, en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial sans que puisse faire échec à ce pouvoir d’injonction la circonstance que cette commission est chargée par l'article R. 752-36 du code de commerce d'instruire les recours dont elle est saisie.
(22 décembre 2021, Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), n° 442095 ; Société Rukim, n° 442969, jonction)
256 - Permis de construire un parc éolien – Annulation contentieuse – Demande de permis de construire devant être soumise à enquête publique – Silence gardé par l’administration – Délai de naissance d’un refus tacite – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.
Il se déduit des dispositions des articles L. 421-19 et R. 421-18 du code de l’urbanisme que le silence gardé par l'administration, après l'annulation d’un permis de construire par un tribunal administratif, sur la demande relative au permis de construire, soumis à une enquête publique au titre du décret du 23 avril 1985, fait naître un refus tacite à l'expiration du délai de cinq mois fixé par l'article R. 421-18 du code de l'urbanisme.
En effet, lorsqu'il résulte des dispositions législatives ou réglementaires applicables que le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande d'autorisation ou sur une déclaration pouvant donner lieu à une opposition de la part de l'administration fait naître, à l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer, une décision implicite de rejet, le silence gardé par l'administration, à nouveau saisie de la demande par voie de conséquence du retrait ou de l'annulation de l'autorisation, fait naître une décision implicite de rejet à l'expiration du délai prévu par les dispositions applicables, à compter de la notification de l'annulation au pétitionnaire.
Toutefois, si l'intéressé confirme sa demande dans ce délai, un nouveau délai, de même durée, court à compter de cette confirmation, au terme duquel naît une décision implicite de rejet si l'administration ne s'est pas prononcée dans ce nouveau délai.
On peut trouver que, par suite des textes tels qu’ils sont, les méandres du raisonnement sont un peu complexes.
(30 décembre 2021, M. I., n° 430603)
257 - Urbanisme et aménagement commercial – Compétence exceptionnelle de premier ressort des cours administratives d’appel – Régime transitoire – Effets et régime - Rejet.
« Il résulte de ces dispositions (art. L. 752-1 du code de commerce et L. 425-4 du code de l’urbanisme) que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Si, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, un projet a fait l'objet d'une décision d'une commission départementale d'aménagement commercial ou de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 et d'un permis de construire délivré, au vu de cette décision, après le 14 février 2015, seule la décision de la commission départementale ou de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale ayant déjà été accordée, le permis de construire ne peut alors faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. »
(30 décembre 2021, Société Marc’h Gili, n° 431129)
258 - Permis de construire une résidence intergénérationnelle – Insertion du projet dans une ZAC – Appréciation de la compatibilité du projet avec une orientation d’aménagement et de programmation prévoyant la création d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – Prise en compte des éléments concrets et non théoriques du projet – Erreur de droit et qualification inexacte des faits – Annulation.
Des voisins du projet de construction d’une résidence intergénérationnelle pour jeunes adultes et personnes âgées implantée dans une ZAC, ont demandé l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire délivré à cet effet par le maire de la commune de Lavérune à la société Kalithys ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux.
Ce permis et ce rejet ont été annulés par le tribunal administratif. La commune et la société se pourvoient.
Le plan local d'urbanisme a défini, dans le périmètre de cette ZAC où est implanté le projet querellé, une orientation d'aménagement et de programmation comportant notamment la réalisation d'« équipements publics (notamment EHPAD) », tandis que le plan de composition de l'orientation d'aménagement et de programmation identifie les environs du terrain d'assiette du projet en litige comme devant accueillir un « équipement public ».
Le tribunal administratif a jugé que ce projet contrariait la réalisation des objectifs poursuivis par cette orientation et qu’il était donc incompatible avec cette dernière car, au regard des dispositions de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, il ne relevait pas de la même sous-destination de construction, prévue par cette orientation, « équipements d'intérêts collectifs et services publics, qu'un EHPAD. D’évidence, il incombait au juge du fond de rechercher non pas en termes théoriques et abstraits mais au regard des caractéristiques concrètes du projet ainsi que des termes de l'orientation d'aménagement et de programmation, si ce dernier contrariait la réalisation des objectifs poursuivis par cette orientation. L’erreur de droit est patente.
Au reste, le projet litigieux crée une résidence intergénérationnelle de quatre-vingt-dix-neuf logements, dont soixante-deux ont vocation à accueillir des personnes âgées, qui inclut des espaces collectifs et dont la gestion sera confiée à une association spécialisée dans la gestion de résidences pour personnes âgés et qui est autorisée à fournir des services d'aide à domicile, notamment aux personnes âgées. Tous ces éléments permettent la compatibilité du projet avec l'orientation d'aménagement et de programmation de la ZAC qui poursuivait notamment un objectif de développement d'une offre de logements adaptée aux personnes âgées en situation de dépendance : en l’ignorant, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
(30 décembre 2021, Commune de Lavérune et société Kalithys, n° 446763 et n° 446766)
259 - Autorisation d’urbanisme – Mise à la charge du bénéficiaire du coût des équipements propres à son projet – Équipements excédant notablement les besoins du projet – Coût ne pouvant, même partiellement, être mis à la charge du bénéficiaire de l’autorisation – Erreur de qualification juridique des faits – Annulation.
L’art. L. 332-6 du code de l’urbanisme permet de mettre à la charge des bénéficiaires d’autorisations de construire le coût des équipements publics propres (sur cette notion, cf. art. L. 332-15 de ce code) au projet. En revanche, lorsque des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des « équipements propres » au sens de l'article L. 332-15 précité, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d'urbanisme, d'affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction.
En l’espèce, est cassé l’arrêt d’appel qui avait considéré comme constituant un équipement propre car construite dans le but de desservir les seules constructions autorisées par le permis de construire, la voie réalisée par la société Ranchère alors que celle-ci dessert une route départementale et préfigure, par son tracé comme par ses caractéristiques en termes de largeur et d'aménagements, une « voie primaire structurante », prévue dans le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme pour permettre, une fois prolongée au sud, d'établir la liaison entre deux routes départementales.
La cour a donné des faits de l’espèce une qualification juridique erronée.
(30 décembre 2021, Société Ranchère, n° 438832)